Language of document : ECLI:EU:T:2014:159

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

27 mars 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative EQUITER – Marque communautaire verbale antérieure EQUINET – Motif relatif de refus – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑47/12,

Intesa Sanpaolo SpA, établie à Turin (Italie), représentée par Mes P. Pozzi, G. Ghisletti et F. Braga, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

equinet Bank AG, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 6 octobre 2011 (affaire R 2101/2010‑1), relative à une procédure d’opposition entre equinet Bank AG et Intesa Sanpaolo SpA,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood (rapporteur) et E. Bieliūnas, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 8 mai 2012,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 27 août 2012,

à la suite de l’audience du 20 novembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 février 2008, la requérante, Intesa Sanpaolo SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs » ;

–        classe 16 : « Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures, photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) ; caractères d’imprimerie ; clichés » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau » ;

–        classe 36 : « Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières » ;

–        classe 38 : « Télécommunications » ;

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles » ;

–        classe 42 : « Services scientifiques et technologiques ainsi que services de recherches et de conception y relatifs ; services d’analyses et de recherches industrielles ; conception et développement d’ordinateurs et de logiciels ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 30/2008, du 28 juillet 2008.

5        Le 27 octobre 2008, equinet Bank AG a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement no 40/94 (devenu article 41 du règlement no 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée notamment sur la marque communautaire verbale EQUINET, déposée le 10 avril 2000 et enregistrée le 19 mars 2003 pour les services compris dans les classes 35, 36 et 38 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Publicité ; services de gestion d’affaires ; administration commerciale ; travaux de bureau ; organisation de foires et d’expositions à buts commerciaux, cession de personnel salarié en régie ; établissement de statistiques ; tenue des livres comptables ; services de ventes aux enchères ; enquêtes commerciales ; marketing ; études de marché et analyses de marché ; décoration de vitrines ; conseils en matière d’affaires ou d’organisation ; services de conseils en affaires ; conseils en matière de personnel ; location de machines et d’équipement de bureau ; médiation et conclusion d’affaires commerciales pour le compte de tiers ; médiation de contrats d’achat et de vente de marchandises ; distribution de marchandises à des fins publicitaires ; reproduction de documents ; publicité ; publicité ou publicité radiophonique et télévisée ; publicité cinématographique ; excepté services concernant la mise à disposition de connexions à l’internet » ;

–        classe 36 : « Assurances et finances ; financement du chiffre d’affaires et affacturage, émission de cartes de crédit, prêt sur gage, recouvrement, finances ou émission de chèques de voyage, services d’intermédiaire en matière d’effets, affaires en matière de change, affaires en matière d’investissements, conseils en crédit, courtage de crédit, recherche en affaires monétaires, dépôt de valeurs dans des coffres, gestion foncière et immobilière, médiation immobilière et courtage en hypothèque, crédit-bail, estimation d’immeubles, courtage en assurance, gestion de patrimoine, assurances, location de logements » ;

–        classe 38 : « Informations et télécommunications ; diffusion de programmes de radio et de télévision, services télex, communications téléphoniques (exploitation d’un réseau téléphonique), service radiophonique (transmission de messages), collecte et livraison d’informations, transmission de son et d’images par satellites, locations de modems, téléphones et autres appareils de télécommunication ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009].

8        L’opposition était fondée sur tous les services couverts par la marque antérieure et dirigée contre une partie des produits et services demandés, à savoir ceux compris dans les classes 9, 35, 36 et 38. Par lettre du 11 mai 2009, la requérante a demandé que l’opposante apporte la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition, conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

9        Le 10 septembre 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition, au motif que, même si les éléments de preuve déposés par l’opposante satisfaisaient aux conditions relatives au lieu, à la période et à l’étendue de l’usage de la marque antérieure, ils ne satisfaisaient pas à l’exigence relative à la nature de l’usage de ladite marque.

10      Le 26 octobre 2010, l’opposante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 6 octobre 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a fait droit au recours, a annulé la décision de la division d’opposition et a renvoyé l’affaire devant cette dernière.

12      En substance, la chambre de recours a estimé que l’opposante avait présenté des comptes audités pour les années 2005 et 2007, selon lesquels le groupe equinet, composé d’equinet Bank AG en tant que société mère et d’un certain nombre de filiales situées dans l’Union européenne et dont la raison sociale comportait le terme « equinet », avait produit des revenus importants dans le domaine des services financiers. Les comptes en question seraient par ailleurs corroborés par plusieurs factures pertinentes adressées aux clients du même groupe. La chambre de recours a également observé que la marque antérieure avait été utilisée dans une forme qui n’altérait pas son caractère distinctif. Par ailleurs, l’opposante aurait démontré un usage de la marque antérieure en tant qu’élément des raisons sociales des sociétés du groupe equinet, de telle façon qu’un lien s’établissait entre lesdites raisons sociales et les services fournis. Dans ce contexte, les extraits des pages du site Internet de l’opposante ainsi que les revues de presse produites démontreraient l’usage de la marque antérieure pour des services financiers. Ainsi, l’opposante aurait prouvé un usage sérieux de la marque antérieure pour des services financiers, des services d’évaluation et de recherche, des services de relations publiques et des services de conseils en affaires.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 15, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

16      Selon la requérante, l’appréciation de la chambre de recours est entachée d’erreurs relatives au lieu, à la durée, à l’importance et à la nature de l’usage de la marque antérieure, au lien entre l’usage de celle-ci et les services pour lesquels elle a été enregistrée et, enfin, au lien entre la marque antérieure telle qu’enregistrée et la marque utilisée.

17      À cet égard, il y a lieu de rappeler d’emblée que, aux termes de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, « [s]ur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services ».

18      Il ressort de cette disposition que la démonstration à laquelle doit procéder l’opposant lorsque le demandeur d’une marque communautaire introduit une requête en ce sens concerne l’usage de la marque antérieure invoquée pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée.

19      En effet, d’une part, l’usage sérieux de la marque antérieure constitue une question préalable, qui, une fois soulevée par le demandeur de la marque, doit être réglée avant qu’il soit décidé sur l’opposition proprement dite [arrêt du Tribunal du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, Rec. p. II‑757, point 37].

20      D’autre part, une procédure d’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 a pour objet de permettre à l’OHMI d’apprécier l’existence d’un risque de confusion, qui, en cas de similitude des marques en conflit, implique un examen de la similitude entre les produits et services désignés par ces marques. Dans ce contexte, si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services, conformément à l’article 42, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement no 207/2009. Dans le même contexte, il y a également lieu pour la chambre de recours d’apprécier, au cas où la preuve de l’usage est apportée seulement pour une partie des produits ou des services relevant d’une catégorie pour laquelle la marque antérieure est enregistrée et sur laquelle l’opposition est fondée, si cette catégorie inclut des sous-catégories autonomes dont relèveraient les produits et services pour lesquels l’usage est démontré, de manière à devoir considérer que ladite preuve a été apportée uniquement pour cette sous-catégorie de produits ou de services ou, en revanche, si de telles sous-catégories ne sont pas concevables [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 octobre 2006, Armour Pharmaceutical /OHMI – Teva Pharmaceutical Industries (GALZIN), T‑483/04, Rec. p. II‑4109, points 26 et 27].

21      Par conséquent, la mission consistant à apprécier si une marque invoquée à l’appui d’une opposition a fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 comporte deux volets indissociables. Le premier vise à établir si la marque en question a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union, même sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant toutefois pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée. Le second vise à établir quels sont les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, qui sont visés par l’usage sérieux démontré.

22      En l’espèce, bien que la requérante ait mentionné, aux points 14 et 17 de la requête, que l’usage sérieux, au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, devait être démontré en ce qui concernait les services pour lesquels la marque antérieure était enregistrée, elle n’a pas formellement soulevé de moyen tiré d’un défaut de motivation. Toutefois, un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (arrêt de la Cour du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec. p. I‑11245, point 34).

23      Les parties ayant été entendues, lors de l’audience, sur le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la correspondance entre, d’une part, les services pour lesquels la chambre de recours a estimé qu’un usage sérieux de la marque antérieure avait été démontré et, d’autre part, ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, il y a lieu de soulever ce moyen d’office. En effet, si la décision attaquée ne contient pas les motifs relatifs aux deux volets que comporte la mission de la chambre de recours mentionnée au point 21 ci-dessus, le Tribunal sera dans l’impossibilité de contrôler la légalité de la conclusion de celle-ci sur l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition.

24      À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation de motivation, établie à l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009, a la même portée que celle consacrée à l’article 296 TFUE et que son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 avril 2011, Safariland/OHMI – DEF-TEC Defense Technology (FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR), T‑262/09, Rec. p. II‑1629, points 90 et 91].

25      À cet égard, selon le point 19 de la décision attaquée, l’opposante s’est prévalue, devant la chambre de recours, d’un usage sérieux de la marque antérieure pour des services financiers, des services d’évaluation et de recherche, des services de relations publiques et des services de conseils en affaires.

26      Au terme de son raisonnement relatif aux preuves présentées à l’appui d’un usage sérieux, la chambre de recours a conclu, au point 45 de la décision attaquée, que cet usage n’avait « toutefois pas été démontré pour tous les produits et services pertinents, mais uniquement pour des services financiers, des services d’évaluation et de recherche, des services de relations publiques et des services de conseils en affaires ».

27      Cependant, les services financiers, les services d’évaluation et de recherche et les services de relations publiques ne figurent pas en tant que tels parmi les services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée. Or, ainsi qu’il ressort des points 20 et 21 ci-dessus, lorsque la chambre de recours examine la question de savoir si une marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, elle se doit d’exposer avec précision quels sont les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, qui sont visés par l’usage sérieux démontré. L’absence d’un tel exposé entache d’un défaut de motivation une décision qui, d’une part, conclut qu’une marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et, d’autre part, vise des produits ou des services autres que ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée. En effet, la correspondance entre les produits ou services pour lesquels la chambre de recours estime qu’un usage sérieux a été démontré et l’ensemble ou une partie des produits ou services pour lesquels ladite marque est enregistrée est imposée par cette dernière disposition, qui contient les règles régissant la matière concernée, afin de rendre possible l’appréciation ultérieure d’un risque de confusion, comme exposé au point 20 ci-dessus.

28      Interrogé sur ce point par écrit dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, l’OHMI a répondu, par lettre du 10 avril 2013, qu’il ne lui était pas possible de déterminer s’il y avait une correspondance entre les services pour lesquels la marque antérieure avait été considérée comme ayant fait l’objet d’un usage sérieux et les services pour lesquels cette marque était enregistrée. En particulier, la décision attaquée ne porterait que sur les services pour lesquels la marque antérieure avait été utilisée, alors que la question de savoir si ces services relevaient de ceux pour lesquels cette marque était enregistrée serait examinée par la division d’opposition, à laquelle l’affaire avait été renvoyée.

29      Cependant, cette réponse méconnaît la portée de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, qui définit l’usage sérieux comme l’usage pour les produits ou les services pour lesquels la marque est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée en excluant ainsi la possibilité de motiver une conclusion affirmant un tel usage par référence à d’autres produits et services. En outre, l’approche de l’OHMI a pour effet de démultiplier les procédures ayant pour objet d’examiner l’existence d’un usage sérieux, et ce de manière contraire tant à la lettre qu’à l’esprit de la disposition susmentionnée.

30      Le dossier de l’OHMI ne donne par ailleurs pas plus d’indication d’une possible correspondance entre, d’une part, les services financiers, les services d’évaluation et de recherche et les services de relations publiques et, d’autre part, les services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée. Ainsi qu’il ressort de la page 159 du dossier de l’OHMI, la chambre de recours semble avoir simplement repris cette terminologie des motifs dans le recours intenté devant elle.

31      Dans ce contexte, force est de constater que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation dans la mesure où la chambre de recours y conclut qu’un usage sérieux de la marque antérieure au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 a été démontré tout en affirmant que cet usage concerne des services financiers, des services d’évaluation et de recherche et des services de relations publiques, qui ne figurent pas parmi ceux pour lesquels cette marque est enregistrée (voir point 27 ci-dessus).

32      Il y a lieu d’ajouter que la circonstance selon laquelle certains services relevant de la classe 36 énumérés au point 6 ci-dessus pourraient être qualifiés de services financiers ne remédie pas au défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne ce type de services. À cet égard, d’une part, la chambre de recours ne laisse entendre à aucun endroit de la décision attaquée que, par l’expression « services financiers », elle vise l’ensemble ou même une partie des services relevant de la classe 36 pour lesquels la marque antérieure est enregistrée. La lettre de l’OHMI du 10 avril 2013 confirme cette appréciation (voir point 28 ci-dessus). D’autre part, un tel manque de précision rend impossible tant l’application de l’article 42, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement no 207/2009, selon laquelle « [s]i la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services », que, le cas échéant, l’examen décrit à la dernière phrase du point 20 ci-dessus. À cet égard, l’OHMI a précisé, lors de l’audience, que certains services relevant de la classe 36 et mentionnés au point 6 ci-dessus, tels que la gestion foncière et immobilière, ne sauraient être qualifiés de services financiers, ce qui exclut la possibilité de comprendre la décision attaquée comme se référant à l’ensemble de ces services. Ainsi, dans l’impossibilité de savoir si, par la référence « services financiers », la chambre de recours désigne l’ensemble ou même une partie des services relevant de la classe 36 pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée, il est matériellement impossible de déterminer pour quels services la marque antérieure doit être réputée enregistrée pour les besoins de l’opposition, ce qui est de nature à empêcher qu’une appréciation sur l’existence d’un risque de confusion soit ultérieurement formulée.

33      S’agissant des services de conseils en affaires, relevant de la classe 35 mentionnés au point 6 ci-dessus, bien que la chambre de recours conclue, au point 45 de la décision attaquée, à l’existence d’un usage sérieux de la marque antérieure à leur égard, elle ne fait pas référence aux éléments produits qui démontreraient ledit usage.

34      En particulier, ainsi qu’il ressort des points 29, 30, 40 et 42 de la décision attaquée, afin de motiver sa conclusion, la chambre de recours a pris appui sur les preuves exposées ci-après.

35      Il s’agit, tout d’abord, des états financiers et d’une série de factures du titulaire de la marque antérieure. Toutefois, selon les points 29 et 31 de la décision attaquée, ces éléments de preuve démontrent un usage sérieux pour des services financiers.

36      Il en est de même, ensuite, des extraits du site Internet du titulaire de la marque antérieure ainsi que des revues de presse, qui démontrent, selon la chambre de recours, un usage sérieux de cette marque pour des services financiers (voir points 40 et 42 de la décision attaquée).

37      Par ailleurs, dès lors que les points 33 à 39 de la décision attaquée concernent la forme dans laquelle la marque antérieure a été utilisée ainsi que la question de savoir si l’utilisation de la marque en tant que raison sociale peut constituer un usage, force est de constater que la décision attaquée n’expose pas les motifs fondant sa conclusion, selon laquelle la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux pour des services de conseils en affaires.

38      Il y a donc lieu de constater que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation dans la mesure où, d’une part, elle ne permet pas de comprendre pour quels services, parmi ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée et sur lesquels est fondée l’opposition, cette marque a fait l’objet d’un usage sérieux et, d’autre part, elle n’expose pas les motifs pour lesquels la chambre de recours a estimé qu’un usage sérieux de la marque antérieure avait été démontré pour des services de conseils en affaires, qui relèvent de la classe 35.

39      Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 6 octobre 2011 (affaire R 2101/2010‑1) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Intesa Sanpaolo SpA.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 mars 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.