Language of document : ECLI:EU:T:2023:395

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale aTmos – Noms commerciaux nationaux antérieurs aTmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH et aTmos – Cause de nullité relative – Article 53, paragraphe 1, sous c), et article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 60, paragraphe 1, sous c), et article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001] – Examen d’office de faits – Article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑694/21,

aTmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH, Düsseldorf, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes F. Stangl et S. Pilgram, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Eberl et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

aTmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH, Riedstadt, établie à Riedstadt (Allemagne),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. D. Spielmann, U. Öberg et Mme M. Brkan (rapporteure), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, aTmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH, Düsseldorf, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 septembre 2021 (affaire R 1844/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 9 mai 2019, aTmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH, Riedstadt (ci-après « aTmos Riedstadt ») a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée par la requérante le 6 novembre 2013 pour le signe verbal aTmos.

3        Les produits et services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 11, 37 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 11 : « Purgeurs d’air automatiques ; registres coupe-feu à plateaux glissants ; extracteurs [ventilation ou climatisation] ; systèmes CVC [chauffage, ventilation et climatisation] ; appareils de ventilation à usage industriel ; appareils de ventilation ; appareils de ventilation ; registres coupe-fumée à plateaux glissants ; régulateurs de tirage pour empêcher la propagation des flammes ; régulateurs d’aspiration d’air pour empêcher la diffusion de vapeurs en tant que pièces d’installations de climatisation et de ventilation ; régulateurs de tirage pour enrayer la propagation de la fumée ; installations d’évacuation de la fumée et de la chaleur » ;

–        classe 37 : « Installation, entretien et réparation de systèmes CVC [chauffage, ventilation et climatisation] ; construction de puits d’aérage ; services de nettoyage de conduits de ventilation ; installation, maintenance et réparation d’appareils de ventilation, de chauffage, d’éclairage diurne et de protection anti-incendie ; nettoyage, installation, maintenance et réparation d’installations d’évacuation de la fumée et de la chaleur » ;

–        classe 42 : « Services scientifiques et technologiques et travaux de recherche ainsi que services de conception connexes ; services d’analyse et de recherche industrielles ; tous les services précités en rapport avec les techniques de ventilation, de chauffage, de lumière diurne et de protection anti-incendie ainsi qu’installations d’évacuation de la fumée et de la chaleur ».

4        La demande en nullité était fondée sur les noms commerciaux aTmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH et aTmos, protégés en droit allemand et utilisés pour les produits et services correspondant à la description suivante : « la distribution, l’importation, l’exportation et la fabrication non artisanale d’installations d’éclairage diurne, de ventilation, de ventilation en cas d’incendie et de chauffage, avec leurs accessoires, ainsi que leur montage et entretien ainsi que la programmation et l’exécution de travaux de rénovation de toiture et de travaux de façade pour l’industrie ».

5        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était notamment celle visée à l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.

6        Le 20 juillet 2020, la division d’annulation a intégralement rejeté la demande en nullité, au motif que l’une des conditions visées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 n’était pas remplie. Tout d’abord, elle a estimé que, bien que recevables, les déclarations sous serment produites par aTmos Riedstadt, visant à démontrer l’existence de droits antérieurs et leur usage dans la vie des affaires, possédaient une valeur probante moindre, car elles ne provenaient pas de tiers indépendants, et que les informations y figurant devaient par conséquent être étayées par des éléments de preuve supplémentaires. Ensuite, elle a constaté que, parmi les autres éléments de preuve, une grande partie n’était pas datée ou datait d’une période bien antérieure à la demande d’enregistrement de la marque contestée. Elle a également souligné que les dates manuscrites ne constituaient pas des preuves suffisantes et qu’elle ne disposait d’aucune indication sur la diffusion de ces documents. Enfin, la division d’annulation a conclu que, dans l’ensemble, les preuves produites n’étayaient pas le contenu des déclarations sous serment et ne transmettaient pas d’indication claire quant à la période de l’usage, de sorte que lesdites preuves n’étaient pas suffisantes pour prouver l’usage du signe invoqué dans la vie des affaires en lien avec les activités commerciales sur lesquelles était fondée la demande en nullité.

7        Le 16 septembre 2020, aTmos Riedstadt a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours, annulé la décision de la division d’annulation au motif que les conditions de l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, étaient remplies, et partant, déclaré nulle la marque contestée.

9        Premièrement, la chambre de recours a constaté que la demande en nullité était fondée notamment sur deux droits antérieurs, à savoir les noms commerciaux aTmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH et aTmos.

10      Deuxièmement, la chambre de recours a examiné l’existence des droits antérieurs au regard des éléments de preuve produits par aTmos Riedstadt, y compris ceux présentés pour la première fois devant elle. Elle en a conclu qu’aTmos Riedstadt avait prouvé, d’une part, être titulaire des droits protégés sur les noms commerciaux invoqués et, d’autre part, leur utilisation dans la vie des affaires dont la portée n’était pas seulement locale au moment de la demande d’enregistrement de la marque contestée, et ce sans interruption jusqu’à la date de la demande en nullité.

11      Troisièmement, s’agissant du droit d’interdire l’usage d’une marque plus récente au sens de l’article 15, paragraphe 2, du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (Markengesetz) (loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs), du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082, ci-après le « MarkenG »), d’une part, la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion entre les droits antérieurs et la marque contestée, en raison d’une identité ou d’une similitude des signes ainsi que des secteurs en cause. D’autre part, dans la mesure où la requérante avait invoqué un droit antérieur prioritaire par rapport au droit d’aTmos Riedstadt, la chambre de recours a relevé qu’elle n’avait pas apporté la preuve de l’utilisation d’un tel droit ni, partant, de l’existence de ce droit, de sorte qu’elle restait tenue de prouver qu’elle avait une autorisation de faire usage du signe contesté.

12      Quatrièmement, la chambre de recours a considéré qu’une éventuelle situation d’équilibre entre les droits des parties au litige antérieurs à la marque contestée aurait pu être perturbée par la demande de ladite marque, étant donné que, selon la jurisprudence, elle pouvait être considérée comme un usage violant les bonnes mœurs. En outre, elle a indiqué qu’une coexistence entre les droits, excluant éventuellement le risque de confusion, n’avait été ni invoquée ni prouvée. Enfin, elle a confirmé qu’il n’existait pas de forclusion par tolérance, étant donné que la demande en nullité avait été formée moins de cinq ans après l’enregistrement de la marque contestée.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 6 novembre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

16      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée, par la requérante dans l’argumentation soulevée et par l’EUIPO à l’article 60, paragraphe 1, sous c), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 comme visant l’article 53, paragraphe 1, sous c), et l’article 8, paragraphe 4, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, au motif que la chambre de recours a mal interprété la condition de l’interdiction d’utilisation d’une marque plus récente au sens du droit allemand, à savoir l’action en cessation définie à l’article 15, paragraphe 2, du MarkenG. Le second moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 95, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, au motif que la chambre de recours n’a pas limité son examen à l’argumentation des parties.

18      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le second moyen.

 Sur le second moyen, tiré de l’absence d’examen limité à l’argumentation des parties

19      La requérante fait valoir en substance que, en examinant une situation de fait et de droit qui n’avait pas été invoquée par aTmos Riedstadt, la chambre de recours n’a pas limité son examen à l’argumentation des parties et a ainsi violé l’article 95, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001.

20      La requérante relève que, selon les arguments d’aTmos Riedstadt au cours de la procédure devant l’EUIPO, les deux parties avaient le droit d’utiliser leur dénomination sociale et l’élément de dénomination sociale aTmos et ne pouvaient pas, à cet égard, mutuellement faire valoir des droits d’agir en cessation l’une contre l’autre. En outre, elles auraient acquis simultanément les droits sur les noms commerciaux, en vertu de l’article 5 du MarkenG. Ainsi, à aucun moment aTmos Riedstadt n’aurait prétendu disposer, en ce qui concernait les noms commerciaux, de droits antérieurs à ceux de la requérante. En effet, même si la requérante ne possède pas les droits antérieurs les plus anciens sur ces noms commerciaux, il ne peut en être automatiquement conclu qu’aTmos Riedstadt disposait de ces droits. La requérante reproche donc à la chambre de recours, indépendamment de la question de savoir si elle possède un droit antérieur sur les noms commerciaux, de ne pas s’être fondée sur la situation telle qu’exposée par aTmos Riedstadt, à savoir que les noms commerciaux des parties avaient au moins la même ancienneté.

21      Étant donné que la chambre de recours ne pouvait pas aller au-delà des arguments d’aTmos Riedstadt concernant la simultanéité des droits, ce serait à tort qu’elle aurait retenu l’existence d’un droit d’agir en cessation en vertu du droit allemand et qu’elle aurait considéré que la charge de la preuve du droit antérieur incombait à la requérante.

22      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

23      Aux termes de l’article 95, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen de l’EUIPO est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

24      L’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 vise, notamment, la base factuelle des décisions de l’EUIPO, à savoir les faits et les preuves sur lesquels celles-ci peuvent être valablement fondées. Ainsi, la chambre de recours, en statuant sur un recours mettant fin à une procédure de nullité, ne saurait fonder sa décision que sur les faits et les preuves présentés par les parties [voir arrêt du 8 septembre 2021, Qx World/EUIPO – Mandelay (EDUCTOR), T‑84/20, non publié, EU:T:2021:555, point 46 et jurisprudence citée].

25      Or, il ne ressort pas pour autant de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 que l’EUIPO est obligé de tenir pour établis les points invoqués par une partie qui n’ont pas été remis en cause par l’autre partie à la procédure. Cette disposition ne lie l’EUIPO qu’au regard des faits, des preuves et des arguments sur lesquels se fonde sa décision [voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, EU:T:2005:379, point 34].

26      En effet, les critères d’application d’un motif relatif de refus ou de toute autre disposition invoqués à l’appui des demandes formées par les parties, font naturellement partie des éléments de droit soumis à l’examen de l’EUIPO. Une question de droit peut devoir être tranchée par l’EUIPO, alors même qu’elle n’a pas été soulevée par les parties, si la résolution de cette question est nécessaire pour assurer une correcte application du règlement no 207/2009 au regard des moyens et demandes présentés par les parties [arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 21 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 41].

27      Tout d’abord, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, qu’aTmos Riedstadt a exposé de manière motivée les raisons pour lesquelles elle estimait que ses droits antérieurs remplissaient les conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 2, du MarkenG, de sorte qu’elle était en droit d’interdire l’usage de la marque contestée sur le fondement de l’existence de ses droits antérieurs à ladite marque.

28      Il convient également d’observer que la chambre de recours a estimé que, dès lors que la requérante invoquait un droit antérieur sur les noms commerciaux, la charge de la preuve de ce droit antérieur lui incombait.

29      Afin de déterminer si la chambre de recours a commis une erreur de droit en ne se limitant pas à l’argument d’aTmos Riedstadt sur la simultanéité des droits des parties et en considérant qu’il revenait à la requérante de prouver l’existence de droits antérieurs sur les noms commerciaux, il convient d’examiner les allégations que la requérante a exposées devant la chambre de recours pour déterminer si elle avait ou non invoqué des droits antérieurs plus anciens.

30      Dans le cadre de ses observations présentées devant la chambre de recours, tout d’abord, la requérante a rappelé les considérations d’aTmos Riedstadt portant sur la création des sociétés et des noms commerciaux aTmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH et aTmos, pour conclure que celle-ci soutenait que la requérante avait été créée le 13 novembre 1991, alors qu’elle n’avait été créée que le 15 novembre 1991. La requérante a fait valoir que, de l’avis même d’aTmos Riedstadt, les droits antérieurs de priorité sur le signe lui appartenaient. En outre, elle a indiqué que, selon le droit allemand applicable en l’espèce, le titulaire d’un nom commercial ne pouvait pas interdire l’utilisation d’un nom commercial encore plus antérieur.

31      Il ressort donc de ces allégations que, même si la requérante s’est référée aux considérations d’aTmos Riedstadt selon lesquelles les parties avaient acquis simultanément les droits sur les noms commerciaux, elle a également soutenu devant la chambre de recours que son propre droit sur les noms commerciaux était plus antérieur que celui d’aTmos Riedstadt.

32      Dans la mesure où l’EUIPO doit examiner toute question de droit nécessaire au contrôle d’un motif relatif de refus pour assurer la correcte application du règlement no 207/2009, la chambre de recours devait, au-delà de l’allégation prétendument non contestée de la simultanéité des droits des parties, vérifier l’existence du droit de la requérante sur les noms commerciaux au regard de ce que celle-ci avait invoqué.

33      Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a pris en compte l’affirmation de la requérante selon laquelle les droits antérieurs prioritaires sur les noms commerciaux étaient détenus par elle et a constaté aux points 62 et 64 de la décision attaquée que, pour refuser à aTmos Riedstadt la possibilité de se défendre contre l’enregistrement de la marque contestée, la requérante devait prouver l’existence et la portée du droit antérieur qu’elle invoquait.

34      En tout état de cause, force est de constater que la chambre de recours a également pris en considération, aux points 66 et 67 de la décision attaquée, l’argument sur l’égalité d’ancienneté des droits sur les noms commerciaux, en examinant la coexistence des signes et la prétendue perturbation de la situation d’équilibre invoquée par aTmos Riedstadt.

35      Partant, la requérante n’a pas établi que la chambre de recours était allée au-delà des arguments exposés devant elle par les parties et avait ainsi violé l’article 95, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001.

36      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré de l’interprétation erronée de l’action en cessation en droit allemand

37      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, en procédant à une interprétation erronée de l’action en cessation en droit allemand, visée à l’article 15, paragraphe 2, du MarkenG.

 Observations liminaires

38      En vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsqu’il existe un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, de ce même règlement et que les conditions énoncées dans ce dernier paragraphe sont remplies.

39      Conformément à ces dispositions, le titulaire d’un signe autre qu’une marque enregistrée peut demander la nullité d’une marque de l’Union européenne si celui-ci remplit cumulativement les quatre conditions suivantes : ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, le droit à ce signe doit permettre à son titulaire d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ainsi, lorsqu’un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, la demande en nullité fondée sur l’existence d’un signe autre qu’une marque enregistrée utilisé dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, ne peut aboutir [arrêt du 21 septembre 2017, Repsol YPF/EUIPO – Basic (BASIC), T‑609/15, EU:T:2017:640, point 25].

40      Si les deux premières conditions doivent être interprétées à la lumière du droit de l’Union européenne, il ressort du membre de phrase « lorsque et dans la mesure où, selon [...] le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe » que les deux dernières s’apprécient au regard du droit qui régit le signe contesté [voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, Alfonso Egüed/EUIPO – Jackson Family Farms (BYRON), T‑45/16, EU:T:2017:518, points 25 et 27].

41      Pour l’application de la quatrième condition, visée à l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement no 207/2009, il convient de tenir compte, notamment, de la réglementation nationale invoquée et des décisions de justice rendues dans l’État membre concerné. Sur ce fondement, le titulaire du signe antérieur doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, points 189 et 190). Il lui incombe de présenter à l’EUIPO non seulement les éléments démontrant qu’il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l’application, afin de pouvoir faire interdire l’usage d’une marque de l’Union européenne en vertu d’un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation [voir arrêt du 7 février 2019, Swemac Innovation/EUIPO – SWEMAC Medical Appliances (SWEMAC), T‑287/17, EU:T:2019:69, point 38 et jurisprudence citée].

42      En outre, en ce qui concerne l’étendue du contrôle que l’EUIPO est tenu d’opérer dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, le renvoi effectué au droit qui régit le signe invoqué inclut tous les critères qui, selon le droit concerné, déterminent si « ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente ». Dès lors, l’examen selon le droit national doit être exhaustif et doit intégrer également les objections qui, selon le droit national, permettent d’exclure le droit d’interdire l’usage de la marque plus récente, y compris la question de savoir si l’usage de la marque contestée n’est pas « sans autorisation » au sens de l’article 15, paragraphe 2, du MarkenG [voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2020, Peek & Cloppenburg/EUIPO – Peek & Cloppenburg (Vogue Peek & Cloppenburg), T‑443/18, EU:T:2020:184, points 66 et 69 (non publiés)].

43      S’agissant du droit allemand, qui est en l’espèce applicable en vertu de la quatrième condition énoncée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et dont la description aux points 26 à 28 de la décision attaquée n’est pas contestée par la requérante, l’article 5 du MarkenG prévoit ce qui suit :

« 1.      Sont protégés en tant que dénominations commerciales les noms commerciaux et les titres d’œuvres.

2.      Les noms commerciaux sont des signes qui sont utilisés dans la vie des affaires en tant que nom, raison sociale, ou désignation particulière d’un fonds de commerce ou d’une entreprise.

[...] »

44      L’article 6 du MarkenG relatif à la détermination de l’ancienneté en cas de conflit de droits, précise ce qui suit :

« 1.      Si, en cas de conflit entre les droits visés [à l’] article [5], l’ordre de priorité des droits doit, selon la présente loi, être défini par leur ancienneté, celle-ci est déterminée selon les dispositions [du] paragraphe [3].

[...]

3.      Pour la détermination de l’ancienneté des droits au sens [de l’]article [5], la date de l’acquisition du droit est décisive.

4.      Si, en application [du] paragraphe [3], des droits ont la même ancienneté, ils ont le même rang et ne peuvent fonder aucune prétention à l’encontre les uns des autres. »

45      L’article 15 du MarkenG dispose ce qui suit :

« 1.      L’acquisition de la protection d’une dénomination commerciale confère à son titulaire un droit exclusif.

2.      Il est interdit aux tiers d’utiliser sans autorisation, dans la vie des affaires, la dénomination commerciale ou un signe similaire d’une manière pouvant entraîner une confusion avec la dénomination protégée.

[...]

4.      Quiconque utilise une dénomination commerciale ou un signe similaire en violation [du] paragraphe [2] peut être poursuivi en cessation par le titulaire de la dénomination commerciale, en cas de risque de récidive. Cette action peut également être engagée lorsqu’il existe un risque d’infraction.

[...] »

46      Il convient de constater que la requérante ne conteste pas, au regard des preuves de leur usage, l’acquisition des droits sur les noms commerciaux aTmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH et aTmos, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du MarkenG, qui ont été invoqués par aTmos Riedstadt et qui sont antérieurs à la marque contestée.

47      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est ou non à juste titre que la chambre de recours a considéré que la charge de la preuve de l’existence des droits antérieurs pesait sur la requérante et, partant, qu’une action en cessation par aTmos Riedstadt contre la marque contestée lui permettait d’interdire l’usage de cette dernière.

48      À cet égard, l’argumentation de la requérante s’articule en substance autour de deux griefs, portant, le premier, sur la charge de la preuve de l’existence d’un droit antérieur sur les noms commerciaux et, le second, sur l’absence de perturbation de la situation d’équilibre entre les noms commerciaux d’aTmos Riedstadt et de la requérante.

 Sur le premier grief, relatif à la charge de la preuve de l’existence des droits antérieurs

49      Tout d’abord, la chambre de recours a indiqué que, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du MarkenG, un droit d’interdire l’usage ne résultait que d’un usage non autorisé d’une dénomination commerciale, de sorte que seul celui qui avait acquis ses propres droits antérieurs de priorité sur la désignation contestée, au sens des articles 4, 5 et 13 du MarkenG, agissait de manière autorisée. À cet égard, la chambre de recours a relevé que, selon la requérante, aTmos Riedstadt ne disposait pas d’un droit d’interdire l’usage de la marque contestée, car les droits antérieurs prioritaires sur les noms commerciaux invoqués appartenaient non à aTmos Riedstadt, mais à elle.

50      Ensuite, dès lors que la requérante invoquait notamment son propre droit antérieur sur les noms commerciaux pour contester l’action en cessation de la marque contestée par aTmos Riedstadt sur le fondement de l’article 15 du MarkenG, la chambre de recours a estimé que la charge de la preuve de l’existence et de la portée de ce droit antérieur incombait à la requérante.

51      Enfin, la chambre de recours a rappelé que, conformément à l’article 5 du MarkenG, l’existence d’un droit sur un nom commercial supposait que le signe ait commencé à être utilisé en Allemagne. Elle a constaté que la requérante n’avait pas produit de preuves qui justifiaient l’usage de ses noms commerciaux et ainsi l’existence de son droit antérieur prioritaire, de sorte que la requérante restait tenue de prouver qu’elle avait une « autorisation » de faire usage du signe contesté.

52      La requérante fait valoir, en substance, que le droit allemand n’exige pas qu’elle apporte la preuve de l’existence et de la portée de son propre droit sur les noms commerciaux. Elle relève d’ailleurs qu’aTmos Riedstadt avait elle-même reconnu l’existence d’un tel droit et que les droits des deux parties avaient été créés simultanément.

53      En particulier, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle seul celui qui avait acquis ses propres droits antérieurs de priorité sur la désignation contestée agissait de manière autorisée, car cela ne serait pas conforme au droit allemand. Elle avance que, pour intenter une action en cessation, ce serait à aTmos Riedstadt de disposer d’un droit d’une plus grande ancienneté. Elle ajoute que, pour contrer l’action en cessation, il lui suffirait de disposer d’un droit acquis simultanément au droit d’aTmos Riedstadt, étant donné que, en cas d’égalité de rang d’ancienneté entre les droits des parties, comme en l’espèce, ces dernières ne pourraient pas agir en cessation l’une contre l’autre. Dès lors, selon la requérante, pour qu’une action en cessation en vertu du droit allemand puisse aboutir, aTmos Riedstadt devrait prouver qu’elle dispose de droits antérieurs tant par rapport à la marque contestée que par rapport aux noms commerciaux de la requérante.

54      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

55      Premièrement, il convient de rappeler qu’une marque de l’Union européenne est déclarée nulle sur demande auprès de l’EUIPO lorsqu’il existe un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et que les conditions énoncées à cette disposition sont remplies. Ces conditions prévoient, notamment, que le droit au signe doit avoir été acquis conformément au droit national et que ce droit permette à son titulaire d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

56      En vertu de l’article 15, paragraphe 2, du MarkenG, il est interdit au tiers d’utiliser sans autorisation, dans la vie des affaires, la dénomination commerciale ou un signe similaire d’une manière pouvant entraîner une confusion avec la dénomination protégée.

57      À cet égard, selon le point 14 du commentaire de l’article 15 du MarkenG (Ströbele/Hacker/Thiering, Markengesetz - Kommentar, 12. éd., Carl Heymanns, Cologne, 2017), auquel tant la chambre de recours que les parties ont fait référence au cours de la procédure devant l’EUIPO, le droit visé au paragraphe 2 de cet article présuppose l’existence d’un droit sur un signe valable au sens de l’article 5 du MarkenG. Étant donné qu’il s’agit d’un droit non vérifié, le demandeur doit « exposer les conditions correspondantes » au cours de la procédure en cessation et en apporter la preuve en cas de contestation. Si le défendeur a lui-même acquis des droits propres sur la désignation contestée au sens de l’article 4, 5 ou 13 du MarkenG, la condition supplémentaire est que le signe invoqué à l’appui de la demande ait également une plus grande ancienneté (article 6 du MarkenG).

58      Il ressort ainsi de ce point du commentaire visé au point 57 ci-dessus, d’une part, que le demandeur d’une action en cessation, en vertu de l’article 15 du MarkenG, en l’espèce aTmos Riedstadt, doit avoir un droit acquis sur le signe qu’il invoque à l’appui de son action en cessation.

59      D’autre part, et contrairement à ce que prétend la requérante, la condition supplémentaire qu’elle soulève, à savoir que le signe invoqué à l’appui de la demande en cessation ait également une plus grande ancienneté, au sens de l’article 6 du MarkenG, est elle-même soumise à une condition préalable.

60      En effet, il découle du membre de phrase du commentaire « [s]i le défendeur a lui-même acquis des droits propres sur la désignation contestée » cité au point 57 ci-dessus, que, sans l’acquisition par le défendeur, en l’espèce la requérante, d’un droit sur le signe en cause, la condition supplémentaire de la plus grande ancienneté n’a pas vocation à être exigée. Ainsi, avant de pouvoir considérer qu’un droit sur un signe est antérieur à un autre, les deux droits en conflit doivent au préalable avoir été acquis.

61      Par conséquent, en vertu du droit allemand, la partie qui n’a pas acquis ses propres droits ne peut pas invoquer une antériorité ou, le cas échéant, une égalité d’ancienneté avec les droits de l’autre partie.

62      Deuxièmement, la requérante soutient que le principe énoncé par la chambre de recours au point 62 de la décision attaquée, à savoir que « seul celui qui a acquis ses propres droits antérieurs de priorité sur la désignation contestée, au sens des articles 4, 5 et 13 du MarkenG, n’agit pas de manière non autorisée », ne figure pas dans le point 14 du commentaire de l’article 15 du MarkenG et qu’il est donc dépourvu de tout fondement juridique en droit allemand. Toutefois, force est de constater que cet argument ne saurait prospérer.

63      En effet, il convient de relever que ce principe figure au point 33, sous le titre « Utilisation non autorisée », du commentaire de l’article 15 du MarkenG, sur lequel la chambre de recours s’est également expressément fondée au point 62 de la décision attaquée pour apprécier les conditions d’application de l’action en cessation au sens de cette disposition.

64      Bien que les parties n’aient pas fait référence à ce point du commentaire au cours de la procédure devant l’EUIPO, il y a lieu de rappeler que, dans le cas où une demande en nullité d’une marque de l’Union européenne est fondée sur un droit antérieur protégé par une règle du droit national, il incombe, en premier lieu, aux instances compétentes de l’EUIPO d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur afin d’établir le contenu de ladite règle. En outre, la décision des instances compétentes de l’EUIPO pouvant avoir pour effet de priver le titulaire de la marque d’un droit qui lui a été conféré, la portée d’une telle décision implique nécessairement que l’instance qui prend celle‑ci ne soit pas limitée à un rôle de simple validation du droit national tel que présenté par le demandeur en nullité [voir arrêts du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 36 et jurisprudence citée, et du 13 mai 2020, Vogue Peek & Cloppenburg, T‑443/18, EU:T:2020:184, point 73 (non publié) et jurisprudence citée].

65      Dans la mesure où, en vertu du droit allemand tel qu’interprété aux points 60 et 61 ci-dessus, les parties doivent au préalable avoir acquis leurs propres droits avant de pouvoir invoquer une quelconque antériorité ou même une égalité d’ancienneté et où le rôle de la chambre de recours ne se limite pas à une simple validation du droit national tel qu’il est présenté par les parties, c’est à juste titre que celle-ci s’est référée au point 33 du commentaire de l’article 15 du MarkenG, en indiquant que l’action en cessation ne résultait que d’un usage non autorisé et que seul celui qui avait acquis ses propres droits antérieurs de priorité sur la désignation contestée agissait de manière autorisée.

66      Troisièmement, en ce qui concerne la preuve de l’acquisition d’un droit sur un nom commercial, il convient tout d’abord de constater, ainsi qu’il ressort du point 52 du commentaire sur l’application de l’article 5 du MarkenG et de la jurisprudence constante du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), produits par aTmos Riedstadt au cours de la procédure devant l’EUIPO, que la protection d’un nom commercial, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du MarkenG, ne suppose qu’un usage dudit nom, sans que cet usage soit soumis à des exigences plus strictes. Il résulte en particulier de cette jurisprudence que l’acquisition d’un droit sur un tel nom commercial naît avec son usage effectif permettant de conclure au début d’une activité économique durable, sans que ce nom commercial ait déjà fait l’objet d’un certain degré de reconnaissance dans le commerce.

67      Ces considérations relatives au droit allemand, telles qu’exposées en substance par la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, ne sont au demeurant pas contestées par la requérante.

68      Néanmoins, la requérante estime qu’il ne lui incombe pas d’apporter la preuve de l’acquisition effective de son droit sur les noms commerciaux, étant donné que les parties s’accordent sur l’existence de ce droit.

69      À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 25 et 26 ci-dessus, l’EUIPO, d’une part, n’est pas obligé de tenir pour établies des considérations invoquées par une partie et non contestées par l’autre et, d’autre part, il doit examiner toutes les questions, même celles non soulevées par les parties, si elles sont nécessaires à l’examen des motifs relatifs de refus afin d’assurer la correcte application du règlement no 207/2009 au regard des moyens présentés par les parties.

70      Or, l’existence du droit de la requérante sur ses noms commerciaux est une question nécessaire pour déterminer si le droit d’aTmos Riedstadt lui permet d’interdire l’usage de la marque contestée.

71      Le fait, pour aTmos Riedstadt, d’affirmer l’existence d’un droit sur les noms commerciaux de la requérante, sans que cela soit contesté par cette dernière, ne saurait modifier les critères juridiques auxquels est soumise l’acquisition effective de ce droit. Une telle approche, qui permettrait que le droit sur un nom commercial soit acquis par un simple accord entre les parties irait à l’encontre de la jurisprudence constante du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) selon laquelle un droit exclusif sur un nom commercial est acquis par son usage.

72      Ainsi, dans la mesure où les droits sur les noms commerciaux en cause doivent, préalablement à la détermination de l’antériorité de ces droits, être acquis par des preuves de leur usage et qu’il incombe à chaque partie de prouver les droits qu’elle possède pour pouvoir les invoquer, la requérante ne pouvait pas se limiter à ne pas contester les allégations factuelles d’aTmos Riedstadt à l’égard de son propre droit.

73      En outre, ainsi qu’il ressort des points 30 à 33 ci-dessus, la requérante avait fait valoir devant la chambre de recours qu’elle détenait des droits sur les noms commerciaux qui étaient plus antérieurs que ceux d’aTmos Riedstadt, ce qui avait constitué l’une de ses objections permettant d’exclure le droit de cette dernière d’interdire l’usage de la marque plus récente. Ainsi, selon elle, aTmos Riedstadt ne pouvait pas agir en cessation contre la marque contestée, étant donné qu’elle ne possédait pas les véritables droits antérieurs sur les noms commerciaux.

74      Dès lors que, pour contester l’action d’aTmos Riedstadt, la requérante s’est prévalue devant la chambre de recours d’un droit encore plus antérieur sur les noms commerciaux, la charge de la preuve de l’existence d’un tel droit lui incombait [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mai 2020, Vogue Peek & Cloppenburg, T‑443/18, EU:T:2020:184, point 82 (non publié) et jurisprudence citée].

75      À cet égard, il ressort du dossier que, comme cela est constaté au point 65 de la décision attaquée, la requérante n’a pas apporté la preuve de l’usage de ses noms commerciaux, justifiant l’existence d’un droit, prioritaire ou non, sur ceux-ci.

76      Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la requérante n’avait pas prouvé l’acquisition d’un droit sur ses noms commerciaux, alors que la charge de la preuve d’un tel droit lui incombait.

77      Quatrièmement, étant donné que la requérante n’a pas apporté la preuve de l’acquisition de son propre droit sur les noms commerciaux, qui constitue une condition préalable à la détermination d’une quelconque antériorité des droits en conflit, la question de savoir si aTmos Riedstadt devait disposer d’un droit antérieur par rapport tant à la marque contestée qu’au droit sur les noms commerciaux de la requérante est dénuée de pertinence.

78      Eu égard à ce qu’il précède, il y a lieu de rejeter le premier grief.

 Sur le second grief, relatif à l’absence de perturbation de la situation d’équilibre entre les noms commerciaux en cause

79      Après avoir relevé que la requérante avait expressément réfuté l’existence d’une situation d’équilibre entre des homonymes, la chambre de recours a constaté que, en tout état de cause, une éventuelle situation d’équilibre en Allemagne aurait été perturbée par la demande de la marque contestée.

80      La requérante soutient que, en cas d’égalité d’ancienneté entre ses noms commerciaux et celles d’aTmos Riedstadt, il n’existerait en principe pas un droit d’agir en cessation de l’une contre l’autre, à l’exception d’une perturbation de la situation d’équilibre existant entre lesdits noms. Dans la mesure où aTmos Riedstadt a elle-même reconnu que les noms commerciaux avaient été créés simultanément, c’est la seule raison pour laquelle elle se serait fondée sur l’exception de la perturbation de la situation d’équilibre. Or, l’application de cette exception est strictement conditionnée par la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), qui, selon la requérante, ne serait applicable qu’en présence de noms de famille, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

81      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

82      Tout d’abord, il convient de rappeler que l’existence du droit d’aTmos Riedstadt sur ses noms commerciaux a été prouvée par l’usage.

83      Ensuite, la requérante n’a pas apporté d’éléments de preuve qui justifieraient un usage de ses noms commerciaux et donc l’acquisition d’un droit sur ceux-ci.

84      Or, une prétendue situation d’équilibre en raison d’une égalité d’ancienneté des droits sur les noms commerciaux en cause ne saurait exister que si l’existence et l’usage desdits noms commerciaux ont été prouvés. Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce. Le fait que la requérante se soit limitée à approuver les considérations factuelles qu’aTmos Riedstadt avait exposées en ce qui concernait ses noms commerciaux, qu’ils soient d’ailleurs plus antérieurs ou d’ancienneté égale à ceux d’aTmos Riedstadt, ne préjuge pas de l’existence même dans la vie des affaires de ces noms commerciaux et du droit que la requérante aurait acquis à cet égard par leur usage.

85      Dès lors, en l’absence d’éléments de preuve dans le dossier établissant l’existence, l’acquisition par l’usage et la portée du droit de la requérante sur ses propres noms commerciaux, il y a lieu de constater que l’argument concernant l’existence d’une situation d’équilibre qui aurait été perturbée ou non par l’enregistrement de la marque contestée doit être écarté, ainsi que la chambre de recours l’a considéré, en substance, de manière subsidiaire, au point 66 de la décision attaquée.

86      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second grief de la requérante comme étant non fondé et, partant, le premier moyen.

87      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

88      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

89      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      ATmos Industrielle Lüftungstechnik GmbH, Düsseldorf, est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.