Language of document : ECLI:EU:T:2018:209

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 avril 2018 (*)

« Dumping – Importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de Chine et de Taïwan – Droit antidumping définitif – Règlement d’exécution (UE) 2015/1429 – Article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement (CE) no 1225/2009 [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement 2016/1036] – Valeur normale – Choix du pays tiers approprié – Ajustements – Article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement no 1225/2009 [devenu article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement 2016/1036] – Calcul de la marge de dumping – Ajustements – Article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du règlement no 1225/2009 [devenu article 3, paragraphe 2, 6 et 7, du règlement 2016/1036] – Préjudice – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑675/15,

Shanxi Taigang Stainless Steel Co. Ltd, établie à Taiyuan (Chine), représentée par Me N. Niejahr, avocat, et Mme F. Carlin, barrister,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J.-F. Brakeland et Mme A. Demeneix, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par M. J. Killick, Mme G. Forwood, barristers, et Me C. Van Haute, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle du règlement d’exécution (UE) 2015/1429 de la Commission, du 26 août 2015, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan (JO 2015, L 224, p. 10),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg (rapporteur) et B. Berke, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Shanxi Taigang Stainless Steel Co. Ltd, est une société établie en Chine, principalement active sur le marché de la fabrication et de la distribution de produits en acier, notamment de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables (ci-après les « produits concernés »).

2        À la suite d’une plainte déposée le 13 mai 2014 par Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL, la Commission européenne a publié le 26 juin 2014 un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan (JO 2014, C 196, p. 9), conformément au règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21)]. 

3        L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des évolutions pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 (ci-après la « période considérée »).

4        Aux fins de la détermination du dumping et de l’existence d’un préjudice, l’avis d’ouverture prévoyait un échantillonnage des producteurs-exportateurs de Chine et de Taïwan (ci-après les « pays concernés ») et des producteurs de l’Union. La requérante a été sélectionnée pour figurer dans l’échantillon de quatre producteurs‑exportateurs de Chine constitué dans le cadre de l’enquête.

5        Dans l’avis d’ouverture, la Commission a informé les parties intéressées qu’elle envisageait de considérer les États-Unis comme pays tiers à économie de marché approprié au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement 2016/1036] (ci-après le « pays analogue approprié »). Elle a invité les parties intéressées à présenter leurs observations à cet égard, tout en les informant que, selon les informations dont elle disposait, les autres pays à économie de marché susceptibles d’être pris en considération pour le choix du pays analogue approprié étaient l’Inde, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud et Taïwan.

6        La requérante n’a pas présenté de demande en vue d’obtenir le statut de société opérant en économie de marché, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement 2016/1036] et elle a soumis, le 6 juillet 2014, ses observations sur le choix du pays analogue approprié en estimant que les États-Unis représentaient un choix inapproprié et en suggérant de retenir Taïwan.

7        Le 13 février 2015, la requérante a été, à sa demande, entendue par la Commission et, le 24 mars 2015, celle‑ci a adopté le règlement d’exécution (UE) no 2015/501, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan (JO 2015, L 79, p. 23, ci-après le « règlement provisoire »). Le règlement provisoire a institué un droit antidumping provisoire de 24,3 % sur les exportations des produits concernés réalisées par la requérante vers l’Union pendant une période de six mois à compter du 26 mars 2015.

8        Le 25 mars 2015, la Commission a informé la requérante des considérations et des faits essentiels sur la base desquels il avait été décidé d’instituer un droit antidumping provisoire (ci-après les « conclusions provisoires »).

9        Le 20 avril 2015, la requérante a présenté ses observations sur les conclusions provisoires. Elle a formulé des objections à l’encontre de la sélection des États‑Unis en tant que pays analogue approprié et a fait valoir qu’il était approprié de choisir Taïwan à cette fin.

10      Le 4 mai 2015, la requérante a participé à une audition organisée, à sa demande, par la Commission.

11      Le 23 juin 2015, la Commission a envoyé à la requérante ses conclusions définitives. Le 3 juillet 2015, la requérante a présenté ses observations sur ces conclusions.

12      Le 26 août 2015, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/1429, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan (JO 2015, L 224, p. 10, ci-après le « règlement attaqué »), qui a modifié le règlement provisoire et a institué un droit antidumping de 24,4 % sur les importations dans l’Union des produits concernés fabriqués par la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 novembre 2015, la requérante a introduit le présent recours.

14      Par décision du 23 décembre 2015, l’affaire a été attribuée à la première chambre du Tribunal.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 mars 2016, Eurofer a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 mai 2016, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans la requête fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard d’Eurofer si celle-ci était admise à intervenir. Elle a joint une version non confidentielle de la requête à sa demande.

17      Par ordonnance du 19 juillet 2016, le président de la première chambre du Tribunal a admis l’intervention d’Eurofer.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 septembre 2016, l’intervenante a contesté la demande de traitement confidentiel.

19      Par décision du 4 octobre 2016, l’affaire a été attribuée à la deuxième chambre du Tribunal en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal.

20      Par ordonnance du 11 janvier 2017, le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait partiellement droit à la demande de traitement confidentiel présentée par la requérante.

21      Le 14 décembre 2017, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en tant qu’il la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

24      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

25      À l’appui du recours, la requérante avance trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, le deuxième, de la méconnaissance de l’article 2, paragraphe 10, de ce règlement (devenu article 2, paragraphe 10, du règlement 2016/1036) et, le troisième, de la violation de l’article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du même règlement (devenu article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du règlement 2016/1036).

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base

26      Le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, est articulé en deux branches. En premier lieu, la Commission aurait méconnu ladite disposition en sélectionnant les États-Unis comme pays analogue approprié. Selon la requérante, ce choix reposait tant sur une interprétation et une application erronées de la disposition précitée que sur des erreurs manifestes d’appréciation des faits. En second lieu, à supposer même que la Commission ait pu valablement choisir les États‑Unis comme pays analogue approprié, elle aurait omis, lors de la construction de la valeur normale, en application de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, d’opérer les ajustements nécessaires au titre de différences liées au processus de production et à l’accès aux matières premières.

 Sur la première branche du premier moyen

27      En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a fait une interprétation et une application erronées de l’article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, seconde phrase, du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, seconde phrase, du règlement 2016/1036]. Selon la requérante, la Commission était, dans les circonstances de l’espèce, obligée de choisir Taïwan en tant que pays analogue approprié, dans la mesure où, notamment, il s’agissait d’un « pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête » au sens de cette disposition. Plus précisément, selon la requérante, la Commission devait d’abord déterminer si le pays à économie de marché faisant l’objet de la même enquête, à savoir Taïwan, était un pays analogue approprié ou non, avant de pouvoir choisir, mais uniquement dans l’hypothèse où cela n’aurait pas été le cas, les États‑Unis en tant que pays analogue approprié. Or, d’après elle, la Commission n’avait ni dans le règlement provisoire ni dans le règlement attaqué, déterminé que Taïwan n’était pas un pays analogue approprié.

28      La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

29      Il convient de relever d’abord que, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, l’article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, du règlement de base dispose ce qui suit :

« Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu. »

30      Il incombe ainsi aux institutions de l’Union, en tenant compte des alternatives qui se présentent, d’essayer de trouver un pays tiers où le prix d’un produit similaire est formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation, pourvu qu’il s’agisse d’un pays à économie de marché (arrêt du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 21).

31      Il y a lieu de rappeler ensuite que le choix du pays de référence s’inscrit dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont les institutions disposent dans l’analyse de situations économiques complexes. Toutefois, l’exercice de ce pouvoir n’est pas soustrait au contrôle juridictionnel. En effet, il incombe au Tribunal de vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (arrêt du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, EU:C:1991:402, points 11 et 12).

32      S’agissant en particulier du choix du pays de référence, il convient de vérifier si les institutions ont omis de prendre en considération des éléments essentiels en vue d’établir le caractère adéquat du pays choisi et si les éléments du dossier ont été examinés avec toute la diligence requise pour qu’il puisse être considéré que la valeur normale a été déterminée d’une manière appropriée et non déraisonnable (voir arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen‑Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 51 et jurisprudence citée).

33      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la requérante ne reproche pas à la Commission d’avoir procédé, sans la diligence requise, à la recherche du pays analogue approprié en limitant son choix, ainsi qu’il ressort, notamment, du considérant 38 du règlement provisoire, entre Taïwan et les États-Unis. Il est constant que la Commission a envisagé de prendre en compte d’autres pays tiers en tant que pays de référence et qu’elle a vainement tenté de contacter des producteurs établis dans ces pays tiers. Dans la mesure où les producteurs établis dans les pays tiers analogues envisagés ne sont pas tenus de coopérer, la circonstance qu’ils ne donnent pas suite à l’invitation de coopérer émanant de la Commission ne saurait être constitutive d’une violation du devoir de diligence incombant à cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen‑Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 55).

34      En l’espèce, il ressort des considérants 39 et 40 du règlement provisoire ainsi que des considérants 25 à 33 du règlement attaqué que la Commission a effectué une analyse comparative entre les États‑Unis et Taïwan afin de déterminer quel était le pays analogue le plus approprié des deux. La Commission est parvenue à la conclusion qu’il n’y avait pas lieu de retenir Taïwan comme étant le pays analogue approprié, principalement en raison du niveau de concurrence et de la taille de son marché, mais qu’il y avait lieu de choisir les États-Unis comme tel.

35      Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, force est de constater que la Commission a procédé à l’analyse portant sur la question de savoir s’il était approprié ou non de retenir Taïwan en tant que pays analogue approprié pour conclure que tel n’était pas le cas dès lors que les États-Unis étaient un pays analogue plus approprié que celui-ci.

36      Contrairement aux allégations de la requérante, il ne saurait non plus être valablement reproché à la Commission d’avoir fait preuve de partialité en faveur des États-Unis, au seul motif qu’elle avait envisagé, dans l’avis d’ouverture, de retenir, à ce stade, les États-Unis comme pays analogue approprié, dès lors surtout que c’est ce dernier pays qui avait été proposé par le plaignant en apportant des éléments de preuve attestant, selon la Commission, à première vue et à titre provisoire, le caractère approprié de ce choix.

37      Enfin, la circonstance que l’article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, seconde phrase, du règlement de base énonce que, « le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu » ne saurait, à elle seule, invalider le choix opéré en l’espèce par la Commission, dès lors que cette institution a considéré, au terme d’une analyse comparative des pays analogues potentiels, que les États‑Unis constituaient un choix plus approprié. En effet, contrairement à ce que la requérante fait valoir, la Commission n’était pas tenue de retenir Taïwan comme pays analogue approprié au seul motif qu’il s’agissait d’un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête, sous peine, notamment, de méconnaître l’obligation, découlant de la jurisprudence mentionnée au point 30 ci‑dessus et incombant aux institutions de l’Union, d’essayer de trouver, en tenant compte des alternatives qui se présentent, un pays tiers où le prix d’un produit similaire est formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation. C’est dès lors à juste titre que la Commission a procédé en l’espèce à une analyse comparative entre les États‑Unis et Taïwan afin de déterminer, de manière non déraisonnable, le pays analogue le plus approprié des deux.

38      En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits et une erreur de droit en concluant que les États‑Unis étaient un pays analogue plus approprié que Taïwan en raison du niveau de concurrence et de la taille de son marché.

39      Premièrement, en se référant, notamment, aux arrêts du 29 mai 1997, Rotexchemie (C‑26/96, EU:C:1997:261, point 15), et du 10 septembre 2015, Fliesen‑Zentrum Deutschland (C‑687/13, EU:C:2015:573, point 66), la requérante fait valoir que la Commission ne pouvait pas conclure que le marché de Taïwan n’était pas concurrentiel pour les produits concernés ou qu’il était moins concurrentiel que le marché des États‑Unis, alors que les importations des produits concernés représentaient environ 37 % de la consommation totale à Taïwan et qu’il existait quelques petits producteurs nationaux non intégrés et un grand groupe intégré à Taïwan.

40      Deuxièmement, la requérante conteste que la taille du marché intérieur concerné constitue un facteur susceptible d’influer sur le prix sur ce marché. Elle relève à cet égard qu’il a été jugé (arrêt du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, EU:C:1997:261, point 23) que la différence de taille des marchés intérieurs en cause ne constituait pas un facteur pertinent, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, aux fins de la détermination du pays analogue approprié, dès lors qu’il y avait, pendant la période d’enquête, un nombre suffisant de transactions pour garantir la représentativité de ce marché au regard des exportations en cause. Or, la Commission aurait confirmé, au considérant 67 du règlement provisoire, que les ventes réalisées sur le marché intérieur par les producteurs-exportateurs soumis à l’enquête à Taïwan étaient effectivement représentatives. En tout état de cause, le marché taïwanais serait plus important que le marché américain en termes de consommation par personne des produits concernés.

41      La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

42      Il ressort certes de la jurisprudence de la Cour que, comme la requérante l’observe, le seul fait qu’il n’existe qu’un producteur dans le pays de référence n’exclut pas en soi que les prix y soient le résultat d’une concurrence réelle dès lors qu’une telle concurrence peut tout aussi bien résulter, en l’absence d’un contrôle des prix, de la présence d’importations significatives en provenance d’autres pays (arrêts du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, EU:C:1997:261, point 15, et du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 66).

43      Toutefois, en l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 39 du règlement provisoire, la Commission a relevé aux États‑Unis l’existence d’au moins quatre grands producteurs d’un produit similaire, tandis que, à Taïwan, elle a constaté l’existence d’un grand groupe de producteurs verticalement intégrés et de quelques petits producteurs non intégrés. Il y est également précisé que les importations d’un produit similaire aux États-Unis et à Taïwan étaient substantielles, car elles représentaient respectivement environ 17 % et 37 % de leur consommation totale pendant la période d’enquête. Le considérant 40 du règlement provisoire énonce que le marché aux États-Unis est très concurrentiel, tandis que le marché et les prix des produits concernés à Taïwan sont, dans une large mesure, influencés par un groupe de sociétés, ce que, au demeurant, la requérante ne conteste pas. Les conclusions provisoires ont été confirmées au considérant 30 du règlement attaqué.

44      Or, la circonstance que le marché et les prix des produits concernés à Taïwan sont, dans une large mesure, influencés par un grand groupe de sociétés met en exergue le fait que ces prix ne résultent pas d’une interaction concurrentielle normale. Par ailleurs, bien que la part de marché représentant les importations en provenance d’autres pays puisse être considérée comme étant significative, force est de constater que lesdites importations n’exercent pas de pression concurrentielle suffisante sur le marché des produits concernés à Taïwan dans la mesure où, comme le reconnaît la requérante, le marché et les prix demeurent influencés par le groupe de sociétés en cause. Partant, il y a lieu de relever que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu considérer que le marché taïwanais était moins concurrentiel que le marché des États‑Unis.

45      En ce qui concerne le critère relatif à la taille du marché, la Cour a jugé que si ce critère n’était pas, en principe, un élément susceptible d’entrer en considération dans le choix d’un pays de référence, encore fallait-il que ce marché fût représentatif par rapport aux exportations en cause (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, EU:C:1991:402, point 20, et du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, EU:C:1997:261, point 23).

46      Plus récemment, ainsi qu’il a été relevé au point 30 ci‑dessus, la Cour a indiqué que l’objectif de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base était d’essayer de trouver un pays analogue où le prix d’un produit similaire était formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation (arrêt du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 21).

47      Contrairement à la thèse défendue par la requérante, l’on ne saurait déduire de la jurisprudence mentionnée au point 45 ci-dessus que la différence de taille, importante en l’espèce, entre les pays parmi lesquels il y a lieu de choisir le pays analogue approprié, ne puisse entrer en ligne de compte pour apprécier si le prix d’un produit similaire est formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation au sens de la jurisprudence mentionnée au point 46 ci-dessus. Tel est le cas d’autant plus que, comme la Commission l’observe, les affaires ayant donné lieu aux arrêts invoqués par la requérante ne concernaient pas la situation dans laquelle deux pays analogues étaient comparés au pays n’ayant pas une économie de marché faisant l’objet de l’enquête et dans laquelle l’un d’eux était jugé plus approprié que l’autre sur la base de la taille du marché intérieur parmi d’autres critères pris en considération, comme c’est le cas en l’espèce. D’une part, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil (C‑305/86 et C‑160/87, EU:C:1990:295, point 31), et du 22 octobre 1991, Nölle (C‑16/90, EU:C:1991:402, point 20), il s’agissait d’apprécier si le pays choisi comme pays de référence aux fins de l’établissement de la valeur normale était inapproprié en raison de la taille de son marché pertinent. D’autre part, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 mai 1997, Rotexchemie (C‑26/96, EU:C:1997:261, point 23), portait sur une situation dans laquelle il s’agissait d’apprécier si la taille du marché avait pu justifier la décision de ne pas retenir certains pays parmi ceux susceptibles d’être choisis comme pays de référence.

48      Par ailleurs, pour autant que la requérante argue dans ce contexte que la consommation par habitant des produits concernés est plus importante à Taïwan qu’aux États‑Unis, il suffit de relever que cette argumentation ne concerne manifestement pas la pertinence de la taille du marché en tant que critère à prendre en considération dans la détermination du pays analogue, mais la seule consommation par habitant des produits concernés.

49      Enfin, indépendamment du bien-fondé de la thèse de la Commission selon laquelle la taille du marché intérieur constituait, en l’espèce, une circonstance décisive additionnelle aux fins du choix des États‑Unis comme pays de référence, plutôt que de Taïwan, en ce que la taille du marché serait, dans la perspective de la concurrence, un facteur susceptible d’influencer le prix d’un produit, il y a lieu de constater que la conclusion déterminante, qui, ainsi qu’il a été relevé au point 44 ci-dessus, n’est pas entachée d’erreur manifeste, selon laquelle le marché des États‑Unis présentait un caractère plus concurrentiel que le marché taïwanais, n’est, en tout état de cause, pas remise en cause au seul motif que la taille des marchés intérieurs américain et taïwanais a été prise en considération.

50      En troisième lieu, la requérante soutient que les différences, relevées au considérant 26 du règlement attaqué en ce qui concerne l’approvisionnement en nickel, l’une des matières premières principales dans la production des produits concernés, entre la Chine, d’une part, et les États-Unis et Taïwan, d’autre part, ne sont pas de nature à faire des États-Unis un pays analogue plus approprié que Taïwan. En outre, la circonstance selon laquelle l’un des producteurs taïwanais utiliserait des rouleaux noirs produits à partir de fonte de nickel, matière première presque exclusivement utilisée en Chine, conduirait à la proximité des coûts de production à Taïwan et en Chine. Le fait que la Commission aurait remplacé les prix d’achat des rouleaux noirs, qui reflèteraient les coûts de production en Chine, par les coûts de production à Taïwan, où la fonte de nickel ne serait pas utilisée, ne serait pas non plus de nature à faire des États-Unis un pays analogue plus approprié que Taïwan.

51      La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

52      Ainsi que la Cour l’a relevé dans l’arrêt du 22 octobre 1991, Nölle (C‑16/90, EU:C:1991:402, point 26), il résulte de la pratique constante des institutions de l’Union que la comparabilité de l’accès aux matières premières doit être prise en compte pour le choix du pays de référence.

53      En l’espèce, il ressort du considérant 26 du règlement attaqué que l’approvisionnement en nickel en Chine était différent de celui aux États‑Unis et à Taïwan. Il apparaît ainsi que la Commission a bien pris en compte la comparabilité de l’accès aux matières premières. En outre, ladite institution a déduit que ce facteur n’était pas décisif dans la mesure où cette circonstance ne permettait pas de conclure que les États‑Unis ou Taïwan était un pays analogue plus approprié.

54      De même, en ce qui concerne la différence des coûts de production aux États-Unis et en Chine, il résulte du considérant 27 du règlement attaqué que ce constat ne faisait ni des États-Unis ni de Taïwan un pays analogue plus approprié l’un que l’autre. Partant, la Commission a déduit que ce facteur n’était pas non plus décisif dans le choix du pays analogue approprié.

55      Étant donné que, contrairement à ce que semble suggérer la requérante, ni les différences dans l’approvisionnement en nickel ni la différence dans les coûts de production aux États-Unis et en Chine n’ont dès lors influé sur le choix du pays analogue approprié en l’espèce, l’argumentation de la requérante doit, en tout état de cause, être rejetée comme étant inopérante.

56      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du premier moyen

57      La requérante fait valoir que, si le Tribunal devait considérer que la Commission n’avait pas commis d’erreur en choisissant les États‑Unis comme pays analogue approprié, elle avait néanmoins omis d’opérer les ajustements nécessaires au titre des différences liées au processus de production et à l’accès aux matières premières, dans le contexte de la construction de la valeur normale en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base. De tels ajustements n’auraient pas dû être écartés sous prétexte d’éventuels ajustements à effectuer en vertu de l’article 2, paragraphe 10, du même règlement. La requérante invoque à cet égard, notamment, l’arrêt du 22 octobre 1991, Nölle (C‑16/90, EU:C:1991:402, point 26), dans lequel la Cour a jugé que la comparabilité de l’accès aux matières premières doit être prise en compte pour le choix du pays de référence et que les avantages découlant de l’accès aux matières premières ne sauraient être exclus du seul fait de l’inexistence d’une économie de marché dans le pays d’exportation, ainsi que le point 110 de l’arrêt du 29 avril 2015, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (T‑558/12 et T‑559/12, non publié, EU:T:2015:237).

58      La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

59      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, par dérogation aux règles établies à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement (l’article 2, paragraphes 2 à 6 étant devenu l’article 2, paragraphes 2 à 6, du règlement 2016/1036), la valeur normale est, en principe, déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché.

60      L’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base vise ainsi à éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché (voir arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 48 et jurisprudence citée).

61      Le Tribunal a jugé par ailleurs que ce ne sont pas uniquement les prix et les coûts dans le pays analogue approprié qui doivent être pris en compte pour la détermination de la valeur normale, mais l’ensemble des données relatives à ce marché (arrêt du 29 avril 2015, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, T‑558/12 et T‑559/12, non publié, EU:T:2015:237, point 110).

62      Au vu de la jurisprudence mentionnée aux points 60 et 61 ci‑dessus, l’on ne saurait exiger des institutions de l’Union qu’elles opèrent des ajustements au regard de facteurs qui ne sont pas directement ou indirectement la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché.

63      Or, la Chine n’étant pas, au moment des faits, considérée comme une économie de marché et la requérante, en tant que producteur‑exportateur des produits concernés, n’ayant pas introduit de demande en vue d’obtenir le statut de société opérant en économie de marché en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, rien n’indique que l’approvisionnement en nickel ou le processus de production d’une entreprise opérant dans des conditions qui ne sont pas celles d’une économie de marché, ne soient pas influencés par des paramètres qui ne sont pas la résultante des forces qui s’exercent sur le marché.

64      Dès lors, il ne saurait être opéré des ajustements, au titre de différences dans le processus de production et dans l’accès aux matières premières constatées en Chine, dans le contexte de la construction de la valeur normale en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du même règlement, étant donné que, comme il a été rappelé au point 60 ci‑dessus, cette disposition vise précisément à éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché.

65      En outre, si la Cour a déjà jugé que la comparabilité de l’accès aux matières premières devait être prise en compte pour le choix du pays de référence et que les avantages découlant de l’accès aux matières premières ne sauraient être exclus du seul fait de l’inexistence d’une économie de marché dans le pays d’exportation (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, EU:C:1991:402, point 26), il convient de relever que, comme la Commission l’a souligné à juste titre, cette jurisprudence n’est pas transposable au cas d’espèce. En effet, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la Cour s’était prononcée sur les facteurs devant être pris en compte dans le choix du pays de référence. À cet égard, il ressort du considérant 26 du règlement attaqué que la Commission avait bien pris en compte la comparabilité de l’accès aux matières premières avant de conclure que les différences constatées ne faisaient pas des États‑Unis un pays analogue inapproprié en l’espèce, étant donné que les produits finaux provenant des États‑Unis et de Chine étaient toujours comparables.

66      Il résulte de toutes les considérations qui précèdent que la seconde branche du premier moyen ne saurait non plus être accueillie.

67      Partant, le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base

68      La requérante soutient que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base par son refus d’opérer les ajustements nécessaires au titre des coûts de transport intérieur de l’un des producteurs-exportateurs des États-Unis sur le fondement de l’article 2, paragraphe 10, sous e), de ce règlement [devenu article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement 2016/1036]. En effet, la Commission aurait dû apprécier d’office la nécessité de procéder à un tel ajustement sur le fondement de l’article 2, paragraphe 10, sous k), du même règlement [devenu article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement 2016/1036]. La circonstance que la requérante n’était pas le producteur ayant présenté la demande d’ajustement ne serait pas pertinente, l’existence de tels coûts n’étant pas un facteur propre à la requérante.

69      La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

70      L’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base dispose qu’un ajustement peut également être opéré au titre de différences relatives à d’autres facteurs non prévues à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à j), du même règlement [devenu article 2, paragraphe 10, sous a) à j), du règlement 2016/1036] s’il est démontré que ces différences affectent la comparabilité des prix, comme l’exige l’article 2, paragraphe 10, et en particulier que les acheteurs paient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause de celles‑ci.

71      Conformément à la jurisprudence de la Cour, si une partie demande, au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base des ajustements destinés à rendre comparables la valeur normale et le prix à l’exportation en vue de la détermination de la marge de dumping, cette partie doit apporter la preuve que sa demande est justifiée. En effet, la charge de prouver que les ajustements spécifiques énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base doivent être opérés incombe à ceux qui souhaitent s’en prévaloir (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 58 à 60 et jurisprudence citée).

72      Au soutien du deuxième moyen, la requérante se prévaut de la circonstance qu’un autre producteur-exportateur chinois visé par l’enquête avait formulé une demande d’ajustement de la valeur normale après avoir constaté que l’un des producteurs américains avait des coûts supplémentaires liés au transport intérieur entre les sites impliqués dans le processus de production au sein de son groupe. La Commission se serait fondée à tort sur l’article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement de base pour refuser d’opérer ledit ajustement au motif que cette disposition ne couvrait pas les coûts de transport intérieur. Selon la requérante, la Commission aurait dû apprécier la nécessité de procéder à un tel ajustement, non pas en vertu de la disposition susmentionnée, mais en application de l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base.

73      À cet égard, il suffit de relever qu’il appartenait à la requérante de formuler, au cours de la procédure administrative, une demande d’ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base. Or, la requérante reconnaît n’avoir formulé, à aucun moment de la procédure administrative, une demande d’ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base. Partant, elle n’a pas présenté d’éléments de preuve, conformément à la jurisprudence rappelée au point 71 ci‑dessus, permettant d’établir qu’une différence de coûts de transport intérieur serait de nature à affecter la comparabilité des prix au sens de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base entre la valeur normale et ses propres prix à l’exportation et qu’un ajustement devait être opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base.

74      L’argumentation de la requérante selon laquelle l’existence de coûts supplémentaires liés au transport intérieur ne constituait pas une spécificité propre à son entreprise alors qu’il était suffisant qu’un autre producteur‑exportateur soulevât une demande d’ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base ne saurait être retenue. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 73 ci-dessus, il appartenait à la requérante de démontrer qu’une différence de coûts de transport intérieur était de nature à affecter la comparabilité des prix au sens de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base entre la valeur normale et ses propres prix à l’exportation.

75      Au demeurant, le producteur-exportateur chinois qui a présenté une demande d’ajustement de la valeur normale s’était fondé sur l’article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement de base et non pas sur l’article 2, paragraphe 10, sous k), de ce même règlement. L’on ne saurait dès lors reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné ladite demande au regard de cette dernière disposition, dans la mesure où la charge de prouver que les ajustements spécifiques énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base doivent être opérés incombe à celui qui souhaite s’en prévaloir.

76      Par conséquent, le deuxième moyen doit en tout état de cause être rejeté, sans qu’il soit besoin de statuer sur le grief de la Commission, tiré de l’irrecevabilité de ce moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du règlement de base

77      Par son troisième moyen, articulé en deux branches, la requérante soutient que la Commission a violé l’article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base et l’article 3, paragraphe 7, de ce même règlement.

 Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base

78      La requérante soutient en substance que l’évaluation du lien de causalité entre les importations en provenance des pays concernés et leur incidence sur l’industrie de l’Union est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation et que la Commission a, dès lors, violé l’article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base. Elle conteste ainsi l’analyse de la Commission opérée au titre de l’imputation positive prévue à l’article 3, paragraphe 6, dudit règlement, qui consiste à établir que le volume et/ou les niveaux des prix des importations faisant l’objet d’un dumping ont eu, au cours de la période considérée, un impact sur l’industrie de l’Union au sens de l’article 3, paragraphe 5, du même règlement (devenu article 3, paragraphe 5, du règlement 2016/1036) qui puisse être considéré comme important.

79      S’agissant, en premier lieu, de la corrélation entre le volume des importations en provenance des pays concernés et leur incidence sur l’industrie de l’Union, la requérante fait valoir que la conclusion retenue au considérant 161 du règlement provisoire et confirmée dans le règlement attaqué, selon laquelle « la forte augmentation du volume des importations faisant l’objet d’un dumping a non seulement érodé la rentabilité de l’industrie de l’Union, mais […] a également entraîné un recul de la part de marché […] de l’industrie de l’Union », est contredite, en particulier, par l’augmentation du volume des ventes réalisées par les producteurs de l’Union ainsi que par l’importance de leur part de marché en 2012 et les fluctuations relativement faibles de ces ventes et de la part de marché au cours de la période considérée. Dans ce contexte, elle soutient, d’une part, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où elle n’a pas justifié l’augmentation de la part de marché des producteurs de l’Union des produits concernés constatée en 2012 et, d’autre part, qu’elle n’a pas examiné avec soin et impartialité les données spécifiques qui lui avaient été présentées en se limitant à examiner le volume des importations sur seulement deux années supplémentaires.

80      S’agissant, en second lieu, de la corrélation entre les niveaux des prix des importations en provenance des pays concernés et leur incidence sur l’industrie de l’Union, la requérante souligne qu’il ressort du considérant 138 du règlement provisoire que les prix pratiqués par l’industrie de l’Union dépendent d’un mécanisme d’« extra alliage » en vertu duquel les prix se composent d’un « prix de base » fixe, qui est négocié avec les clients et qui dépend de l’offre et de la demande sur le marché, et d’un prix « extra d’alliage », qui vise à compenser les augmentations de prix des matières premières et qui fluctue notamment en fonction de la cotation de l’alliage à la bourse des métaux de Londres (Royaume-Uni). Par conséquent, les prix pratiqués par l’industrie de l’Union seraient liés à l’évolution du coût des matières premières. Dans ce contexte, la requérante fait valoir que la Commission a violé son obligation d’examiner les données avec soin et impartialité dans la mesure où elle a omis d’examiner, d’une part, l’incidence exacte de la baisse incontestée des prix du nickel sur les prix pratiqués dans les pays concernés et dans l’Union pour les produits concernés, en déterminant, en particulier, comment le prix de base des producteurs de l’Union était fixé et dans quelle mesure il était également affecté par les fluctuations des prix des matières premières et, d’autre part, l’existence et l’ampleur de la sous-cotation des prix imputée aux importations en provenance des pays concernés, à la lumière des données relatives à la baisse des prix des matières premières.

81      La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

82      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

83      Conformément à l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec l’article 3, paragraphe 2, du même règlement, que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens de ce règlement. En l’espèce, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés à l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement (devenu article 3, paragraphe 3, du règlement 2016/1036) ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens de l’article 3, paragraphe 5 de ce même règlement et que cet impact est tel qu’il peut être considéré comme étant important.

84      Selon une jurisprudence bien établie, la détermination du préjudice suppose l’appréciation de questions économiques complexes. Dans cet exercice, les institutions de l’Union disposent d’une large marge d’appréciation. Le juge de l’Union doit donc limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, points 127 et 128 et jurisprudence citée).

85      Par ailleurs, il appartient à la requérante de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, point 129).

86      Enfin, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que, comme il est rappelé au considérant 118 du règlement attaqué, les effets des importations en provenance de Chine et de Taïwan faisant l’objet d’un dumping aient fait l’objet d’une évaluation cumulative au sens de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036), conformément aux conclusions des considérants 97 à 102 du règlement provisoire et confirmées au considérant 72 du règlement attaqué.

87      C’est à la lumière de ces considérations que doivent être analysés les griefs de la requérante relatifs aux prétendues erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans l’évaluation du lien de causalité entre le préjudice subi par l’industrie de l’Union et le volume des importations en provenance des pays concernés, d’une part, et les niveaux des prix desdites importations, d’autre part.

88      S’agissant, en premier lieu, de la corrélation entre le volume des importations en provenance des pays concernés et leur incidence sur l’industrie de l’Union, il ressort du règlement provisoire, et, notamment, des considérants 157 et 161, que la Commission a procédé à une évaluation détaillée de l’incidence du volume des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, et qu’elle en a déduit que l’industrie de l’Union avait subi un préjudice matériel important. Au considérant 207 du règlement provisoire, la Commission a conclu que l’augmentation des importations à bas prix faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés avait entraîné une sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union pendant la période d’enquête et une fragilisation de la situation financière de l’Union, une baisse de la production, de l’utilisation des capacités, de l’emploi et de la part de marché. Ces constatations ont été confirmées au considérant 144 du règlement attaqué.

89      Ainsi, aux considérants 105 et 106 du règlement provisoire, la Commission a d’abord constaté que le volume des importations cumulées en provenance des pays concernés avait augmenté de 70 % au cours de la période considérée et que la part de marché cumulée de ces importations avait augmenté de 63 %, variant de 5,8 à 9,5 % au cours de ladite période. Ces constatations ont été confirmées au considérant 74 du règlement attaqué.

90      Ensuite, en ce qui concerne la situation économique de l’Union, il a été constaté d’abord, aux considérants 113 à 151 du règlement provisoire, et notamment au considérant 127 de celui-ci, dont les constatations ont été confirmées au considérant 95 du règlement attaqué, que le volume des ventes de l’industrie de l’Union avait été stable tout au long de la période considérée, que ladite industrie n’avait donc pas pleinement bénéficié de la hausse continuelle sur cette période de 4 % de la consommation de l’Union, relevée au considérant 96 du règlement provisoire, et que la part de marché de l’industrie de l’Union avait diminué de 5 % au cours de la même période. Ensuite, il a été constaté, au considérant 153 du règlement provisoire, que, bien que certains indicateurs de préjudice, tels que la capacité de production et la productivité, eussent manifesté une légère tendance à la hausse, cela était dû à l’augmentation de la consommation durant la période considérée et à la réduction du nombre de salariés. En outre, en ce qui concerne les indicateurs liés au volume de production, l’utilisation des capacités, la part de marché, les prix de vente et les coûts de production, la Commission a constaté, au considérant 154 du même règlement, qu’ils avaient connu une évolution temporairement plus positive en 2011 ou en 2012 par rapport à l’année précédente, avant de repartir à la baisse. Enfin, il a été constaté, au même considérant, que la rentabilité avait été négative au cours des quatre années de la période considérée, tandis que le flux de liquidités avait été négatif trois années sur quatre. Ces constatations ont été confirmées au considérant 115 du règlement attaqué.

91      Ainsi, dans la mesure où la faible évolution de la situation de l’industrie de l’Union a coïncidé avec l’augmentation considérable du volume des importations ayant fait l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés et de la part de marché de ces derniers, il a été conclu que ces importations avaient eu une incidence déterminante sur le préjudice important subi par l’industrie de l’Union.

92      La requérante allègue que l’augmentation des importations des produits concernés en provenance des pays tiers concernés était la conséquence normale du développement parallèle de la consommation dans l’Union. Mais, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, il ne saurait être valablement considéré qu’une augmentation de 70 % des importations en provenance des pays considérés représente, comme le soutient la requérante, une évolution « concordante » au regard d’une augmentation de 4 % de la consommation dans l’Union au cours de la période considérée.

93      Par ailleurs, d’une part, il convient de rappeler que, si l’examen des institutions doit mener à la conclusion que le préjudice causé à l’industrie de l’Union est important, il n’est pas exigé que tous les facteurs et indices économiques pertinents démontrent une tendance négative (arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 114). D’autre part, la seule circonstance que certains facteurs de préjudice se soient améliorés durant la période considérée ne signifie pas pour autant que l’industrie de l’Union n’ait pas subi un préjudice important (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2000, Miwon/Conseil, T‑51/96, EU:T:2000:92, point 105).

94      Contrairement à ce que la requérante fait valoir, la seule circonstance que l’augmentation de la part de marché des producteurs de l’Union ait évolué positivement en 2012 ne saurait remettre en cause les conclusions de la Commission en l’espèce. En effet, cette légère évolution positive n’était que relative dans la mesure où il est constant qu’elle constituait l’unique exception au cours de la période considérée, ainsi qu’il a été relevé au considérant 142 du règlement attaqué.

95      En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, il y a lieu de relever que la Commission a examiné avec soin et impartialité les données spécifiques qui lui avaient été présentées dans la mesure où elle a évalué si la fluctuation constatée en 2012 constituait une simple anomalie ou si celle-ci était due à la nature cyclique de l’évolution des importations, en recueillant des données pour deux années supplémentaires, à savoir les années 2009 et 2014, portant ainsi la période couverte de quatre à six ans. Elle en a conclu que l’année 2012 constituait seulement une anomalie.

96      Enfin, il convient de relever, d’une part, que la requérante n’a remis en cause aucune des constatations factuelles ou des données chiffrées en cause, contenues dans les règlements provisoire et attaqué, et, d’autre part, qu’elle s’est contentée d’affirmer, sans autre précision, que la Commission aurait dû étendre son examen sur une période plus longue sans démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en limitant son examen à seulement deux années supplémentaires.

97      Compte tenu de ce qui précède, l’argumentation de la requérante, selon laquelle la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en établissant une corrélation entre les volumes des importations en provenance des pays concernés et leur incidence sur l’industrie de l’Union, doit être rejetée.

98      S’agissant, en second lieu, de la corrélation entre le niveau des prix des importations en provenance des pays concernés et leur incidence sur l’industrie de l’Union, il ressort des considérants 96 à 104 du règlement attaqué que la Commission a procédé à un examen détaillé du fonctionnement du mécanisme d’« extra d’alliage » et de la formulation du prix de base des producteurs de l’Union. De cet examen, elle a conclu, au considérant 100 du règlement attaqué, d’une part, que la diminution des prix de vente de l’industrie de l’Union était due à la fois à la baisse des coûts des matières premières et, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 97 et 99 du règlement attaqué, à la diminution significative du prix de base, qui n’était pas liée à l’évolution du coût des matières premières et, d’autre part, que cette diminution du prix de base démontrait que l’industrie de l’Union avait dû diminuer davantage ses prix de vente durant la période considérée malgré le fait qu’elle avait vendu à perte en raison de la pression sur les prix exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés.

99      Ainsi que la Commission et l’intervenante l’ont relevé à juste titre, la requérante n’a pas réussi à démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste en concluant que c’était la pression sur les prix exercée par l’augmentation rapide des volumes des importations en provenance des pays concernés, entraînant une sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union de 10 % en moyenne, ainsi qu’il est constaté au considérant 118 du règlement attaqué, qui avait empêché l’industrie de l’Union de maintenir ou d’augmenter ses prix de vente, malgré la baisse des prix du nickel, en vue de redevenir bénéficiaire.

100    Compte tenu de ce qui précède et contrairement à ce que soutient la requérante, force est de constater que la Commission a examiné avec soin les données et qu’elle a dûment justifié sa conclusion et que la requérante n’est pas parvenue à établir que la Commission avait commis des erreurs manifestes dans le cadre de son appréciation.

101    Partant, la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base

102    La requérante soutient en substance que la Commission a violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base en attribuant le préjudice causé à l’industrie de l’Union aux importations en provenance des pays concernés. Tout au long de la période considérée, l’industrie de l’Union aurait subi des pertes malgré un volume de ventes stable et des prix de vente supérieurs aux coûts de production. Ce préjudice résulterait d’autres facteurs, à savoir, premièrement, les importations en provenance de pays tiers, deuxièmement, les résultats à l’exportation de l’Union et, troisièmement, la surcapacité dont l’industrie de l’Union souffrirait traditionnellement.

103    S’agissant, en premier lieu, des importations en provenance de pays tiers, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en évaluant de façon erronée les effets de ces importations et en attribuant la pression sur les prix et/ou le préjudice aux importations des produits concernés faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés. La requérante se réfère à cet égard aux prix moyens des importations des produits concernés en provenance de Corée du Sud et d’Afrique du Sud, qui étaient inférieurs à ceux des importations en provenance des pays concernés au cours de la période considérée, circonstance dont la Commission aurait dû tenir compte dans son évaluation. Selon la requérante, en refusant d’examiner les raisons pour lesquelles les prix moyens des importations des produits concernés en provenance de Corée du Sud et d’Afrique du Sud étaient inférieurs à ceux des pays concernés, la Commission aurait omis d’examiner les faits avec soin et impartialité. Dans ce contexte, la Commission aurait dû tenir compte des différentes catégories et séries d’aciers en cause, eu égard à la circonstance que les prix varieraient d’une série à l’autre. Enfin, dans ses observations sur le mémoire en intervention complémentaire, la requérante allègue que la Commission a méconnu ses droits procéduraux en ce que celle-ci ne l’aurait pas informée du fait que les importations en provenance d’Afrique du Sud étaient en partie acheminées sur le marché de l’Union par un producteur de l’Union. En effet, cela l’aurait empêchée de demander à la Commission de prendre en considération les informations dont disposaient ce producteur, ce qui aurait pu modifier le résultat de l’enquête.

104    S’agissant, en second lieu, des résultats à l’exportation de l’industrie de l’Union, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en s’abstenant de procéder à un examen détaillé de l’incidence de ces résultats, caractérisés par une diminution du niveau des exportations et une diminution des prix, sur la situation de l’industrie de l’Union. La requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle la baisse, sur la période considérée, des prix à l’exportation de l’industrie de l’Union a été identique à celle de ses prix de vente dans l’Union.

105    S’agissant, en troisième lieu, de la surcapacité structurelle de l’industrie de l’Union, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en attribuant la diminution de l’utilisation des capacités de production de l’Union aux importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés, alors que, dès 2010, les producteurs de l’Union affichaient une rentabilité négative, l’utilisation des capacités de l’Union ne s’élevant qu’à 77 % malgré le fait que les importations en provenance des pays concernés ne représentaient que 5,8 % du marché de l’Union.

106    La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

107    D’abord, il y a lieu de rappeler que l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base prévoit que les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui causent au même moment un préjudice à l’industrie de l’Union, sont examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens de l’article 3, paragraphe 6, de ce même règlement.

108    Ensuite, il est de jurisprudence constante que la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union suppose l’appréciation de situations économiques complexes et que le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est notamment le cas de la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antidumping (voir arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 46 et jurisprudence citée).

109    Lors de sa détermination, les institutions de l’Union ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’elles entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs et, notamment, celui qui aurait sa cause dans le comportement propre des producteurs de l’Union. À cette fin, il appartient aux institutions de vérifier si les effets de ces autres facteurs n’ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d’une part, les importations concernées et, d’autre part, le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il leur appartient également de vérifier que le préjudice imputable à ces autres facteurs n’entre pas en ligne de compte dans la détermination du préjudice. Toutefois, si les institutions de l’Union constatent que, en dépit de tels facteurs, le préjudice causé par lesdites importations est important, le lien de causalité entre ces importations et le préjudice subi par l’industrie de l’Union peut, en conséquence, être établi (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, points 23 à 25, et du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, points 35 à 37).

110    Enfin, il appartient aux parties invoquant l’illégalité d’un règlement tel que le règlement attaqué de présenter les éléments de preuve de nature à démontrer l’incidence des facteurs susceptibles d’avoir un effet sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union. Ces parties doivent notamment démontrer que lesdits facteurs ont pu avoir une incidence d’une telle importance que l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union et celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 28).

111    S’agissant, en premier lieu, des importations dans l’Union en provenance de Corée du Sud et d’Afrique du Sud, il ressort du considérant 124 du règlement attaqué que la part de marché des importations en provenance de Corée du Sud était passée de 2,3 à 2,8 % au cours de la période considérée, ce qui représente une hausse de 0,5 point de pourcentage seulement, tandis qu’il ressort du considérant 173 du règlement provisoire que la part de marché des importations en provenance d’Afrique du Sud avait diminué, en passant de 2,1 à 1,6 % au cours de la même période.

112    De même, il ressort du tableau 15 du règlement provisoire que le volume des importations en provenance de Corée du Sud n’a cessé de diminuer entre 2010 et 2012 et n’a augmenté qu’en 2013, tandis que les importations en provenance d’Afrique du Sud ont affiché une tendance à la baisse.

113    À titre de comparaison, il a été constaté, au considérant 105 du règlement provisoire, que les importations cumulées originaires des pays concernés avaient progressé de 70 %, puis, au considérant 106 du même règlement, que la part de marché cumulée avait augmenté de 63 %, variant de 5,8 à 9,5 % au cours de la période considérée. Ces constatations ont été confirmées au considérant 74 du règlement attaqué.

114    À la lumière de ces données, qui n’ont pas été contestées par la requérante, force est de constater que les parts de marché et les volumes des importations en provenance de Corée du Sud et d’Afrique du Sud sont nettement inférieurs à ceux des pays concernés et qu’ils n’ont connu qu’une faible évolution au cours de la période considérée.

115    Par conséquent, il y a lieu de relever que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a évalué les effets des importations en provenance de Corée du Sud et d’Afrique du Sud en concluant, au considérant 206 du règlement provisoire, conclusion qui a été confirmée au considérant 144 du règlement attaqué, que ce n’était que de manière très limitée que ces importations pouvaient avoir contribué au préjudice.

116    Au surplus, il convient de relever qu’il ressort des considérants 121 à 129 du règlement attaqué, et plus particulièrement des considérants 121, 122, 128 et 129 de ce règlement, que la Commission a analysé le niveau des prix des importations en provenance de Corée du Sud et d’Afrique du Sud, ainsi que leur incidence potentielle, et a relevé, notamment, que, comme cela était déjà indiqué au considérant 174 du règlement provisoire, les produits concernés étaient composés de plusieurs catégories d’acier, ce qui entraînait des différences de prix importantes qui n’avaient pas pu être prises en compte par l’office statistique de l’Union européenne (Eurostat) dans le calcul du prix moyen. La Commission en a déduit que la simple comparaison des prix moyens, qui ne prenaient pas en compte ces différences, n’était pas pertinente.

117    Or, comme la Commission l’a souligné, aucun producteur-exportateur de Corée du Sud, ni d’Afrique du Sud n’avait coopéré à l’enquête. Ainsi, dans la mesure où la Commission ne disposait d’aucun moyen de contraindre les producteurs à coopérer, il lui était effectivement impossible de procéder à un examen approfondi des effets des importations des produits concernés en provenance de Corée du Sud et d’Afrique du Sud à la lumière des prix des différentes catégories d’acier concernées.

118    Partant, en se fondant sur les données à sa disposition, il y a lieu de relever que la Commission a examiné les faits avec soin et impartialité.

119    Compte tenu de ce qui précède, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en évaluant les effets de ces importations et en attribuant la pression sur les prix et/ou le préjudice aux importations des produits concernés faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés.

120    Dès lors, il n’apparaît pas non plus que lesdites importations aient pu avoir une incidence d’une telle importance que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union et celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

121    S’agissant enfin du grief de la requérante, tiré d’une violation de ses droits procéduraux au motif que la Commission aurait dû porter à sa connaissance, au cours de la procédure administrative, l’information selon laquelle une grande partie des importations en provenance d’Afrique du Sud étaient acheminées sur le marché de l’Union par un producteur de celle-ci, information dont elle aurait eu seulement connaissance par le mémoire en intervention complémentaire (voir point 103 ci-dessus), il suffit de constater que la requérante s’est bornée à affirmer que le résultat de l’enquête de la Commission « pourrait avoir été différent » si elle avait pu demander à cette institution de « prendre en considération » lesdites informations partielles sur les catégories d’acier importées depuis l’Afrique du Sud, sans apporter la moindre explication à l’appui de cette affirmation. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 115 ci‑dessus, ce n’était, en tout état de cause, que de manière très limitée que les importations en provenance de Corée du Sud et d’Afrique du Sud pouvaient avoir contribué au préjudice causé à l’industrie de l’Union.

122    S’agissant, en deuxième lieu, des résultats à l’exportation de l’industrie de l’Union, il ressort du considérant 179 du règlement provisoire que la Commission a constaté, d’une part, que les volumes des exportations des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avaient diminué après une augmentation, en 2011, des volumes et des prix de vente, et, d’autre part, que, les volumes des exportations des producteurs retenus dans l’échantillon représentaient environ 12 % de leur production combinée. La Commission en avait ainsi déduit que, bien que la baisse des exportations pût avoir contribué à la baisse de la production, toute contribution des exportations au préjudice subi par l’industrie de l’Union ne pouvait être que très limitée étant donné le faible niveau d’exportations par rapport aux ventes dans l’Union.

123    Il y a lieu de considérer que c’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu tirer cette conclusion, confirmée au considérant 144 du règlement attaqué. Certes, si le volume des exportations de l’industrie de l’Union, qui représentait une part de 12 %, ne constitue pas une proportion négligeable, il convient toutefois de relever que ce volume ne représente qu’une part minime de l’ensemble de ses ventes. Partant, une baisse des exportations ne pouvait avoir qu’un impact limité sur les résultats financiers de l’industrie de l’Union.

124    Quant à la diminution des prix à l’exportation de l’industrie de l’Union au cours de la période concernée, qui a été invoquée par la requérante en tant que facteur ayant contribué au préjudice subi par ladite industrie, il y a lieu de relever que, contrairement aux allégations de la requérante, cette diminution a été très semblable à celle des prix de vente sur le marché de l’Union, ainsi qu’il ressort notamment des tableaux 11 et 16 du règlement provisoire et du considérant 131 du règlement attaqué, et qu’elle n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion, selon laquelle l’impact des exportations sur les résultats financiers de l’industrie ne pouvait être que limité.

125    Enfin, et en tout état de cause, il convient d’observer que la requérante ne démontre pas que les résultats à l’exportation de l’industrie de l’Union ont eu une incidence d’une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

126    Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle des résultats à l’exportation de l’industrie de l’Union sur le préjudice causé à celle-ci, n’est pas fondé.

127    S’agissant, en troisième lieu, de la surcapacité de l’industrie de l’Union, il ressort du considérant 181 du règlement provisoire et du considérant 133 du règlement attaqué que l’utilisation des capacités de l’industrie de l’Union avait diminué entre 2010 et la période considérée, passant de 77 à 70 %, principalement en raison d’une diminution des volumes de production, alors que la capacité de production de l’industrie de l’Union et la consommation sur le marché de l’Union avaient évolué en parallèle, progressant toutes deux de 4 % au cours de la même période. La Commission en avait déduit que la baisse de l’utilisation des capacités résultait de l’incapacité de l’industrie de l’Union à tirer parti de la croissance du marché, au profit des importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés. Ainsi, il avait été conclu que la prétendue surcapacité qui en découlait était davantage le résultat des importations faisant l’objet d’un dumping qu’une cause du préjudice subi par l’industrie de l’Union.

128    À cet égard, la requérante estime que cette conclusion n’est pas fondée sur une appréciation objective des faits, dans la mesure où cette surcapacité existait déjà en 2010 et, partant, préalablement à tout prétendu dumping des importations en provenance des pays concernés au cours de la période considérée. Elle reproche ainsi à la Commission de ne pas avoir expliqué comment le faible volume des importations en provenance des pays concernés aurait pu être responsable de la faible utilisation des capacités qui existait déjà en 2010.

129    Mais, ainsi que la Commission l’a observé à juste titre, l’année 2010 avait été celle durant laquelle l’utilisation des capacités de production avait été la plus élevée au cours de la période considérée et avait marqué le début d’une tendance à la dégradation de ladite utilisation, passant de 77 à 70 %. Dans ce contexte, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la surcapacité de l’industrie de l’Union était à mettre en relation avec le niveau accru des importations faisant l’objet d’un dumping et que ladite surcapacité n’était pas un facteur de nature à ébranler la pertinence du lien entre ces importations et le préjudice subi par l’Union.

130    Partant, le grief de la requérante, selon lequel la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle de la surcapacité de l’industrie de l’Union sur le préjudice subi par celle-ci, doit être écarté.

131    Il résulte de tout ce qui précède que la seconde branche du troisième moyen doit également être rejetée.

132    Par conséquent, le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du règlement de base, doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

133    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces dernières.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Shanxi Taigang Stainless Steel Co. Ltd supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et par Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL.

Prek

Buttigieg

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 avril 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.