Language of document : ECLI:EU:T:2014:775

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 septembre 2014 (*)

« Recours en annulation – Indication géographique protégée ‘Kołocz śląskiʼ ou ʽKołacz śląski’ – Rejet de la demande d’annulation de l’enregistrement – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑354/13,

Zentralverband des Deutschen Bäckerhandwerks eV, établi à Berlin (Allemagne), représenté par Mes I. Jung, M. Teworte-Vey, A. Renvert et J. Saatkamp, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la prétendue décision de la Commission contenue dans la lettre du 8 avril 2013 du directeur général de la direction générale « Agriculture et développement rural » de la Commission, selon laquelle la demande d’annulation du requérant de l’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » était irrecevable,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, le Zentralverband des Deutschen Bäckerhandwerks eV (association centrale des artisans boulangers allemands), est une association qui défend, conformément à ses statuts, les intérêts économiques des artisans boulangers allemands aux niveaux local, régional et fédéral et à l’égard des institutions de l’Union européenne.

2        Le 20 novembre 2008, la République de Pologne a déposé une demande d’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » au titre de l’article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 93, p. 12), publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 5 novembre 2010 (JO C 299, p. 7).

3        Le 22 juillet 2011, en l’absence d’opposition, la Commission européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 733/2011 enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées [Kołocz śląski/kołacz śląski (IGP)] (JO L 195, p. 32).

4        Le 1er février 2012, le requérant a introduit auprès du Deutsches Patent- und Markenamt (office allemand des brevets et des marques) (ci-après le « DPMA ») une demande d’annulation de l’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski », conformément à l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 510/2006.

5        Par lettre du 27 mars 2012, le DPMA a informé le requérant qu’il existait des doutes concernant la question de savoir si les arguments qu’il avait avancés à propos de la recevabilité de sa demande d’annulation de l’enregistrement au titre de l’article 12 du règlement n° 510/2006 pouvaient être pris en considération.

6        Après que le DPMA eut reçu une lettre du requérant du 24 avril 2012 ainsi que d’autres lettres ultérieures dans lesquelles il consolidait sa conception juridique, il a publié, le 21 septembre 2012, la demande d’annulation au Markenblatt (bulletin allemand des marques).

7        Par décision du 31 janvier 2013, à l’issue d’une enquête, le DPMA a constaté que la demande d’annulation déposée par le requérant était conforme aux exigences fixées par le règlement n° 510/2006 et a transmis cette demande au ministère fédéral allemand de la justice. Ce dernier a communiqué la demande d’annulation à la Commission par courrier électronique du 15 février 2013.

8        Par lettre du 8 avril 2013 (ci-après l’« acte attaqué »), le directeur général de la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission a fait savoir au ministère fédéral allemand de la justice ce qui suit :

« Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que la demande d’annulation que vous avez transmise est irrecevable. »

9        Par courriel du 29 avril 2013 du ministère fédéral allemand de la justice, l’acte attaqué a été transmis au requérant.

10      Par courriel du 7 juin 2013, le requérant a demandé à la Commission, afin de clarifier la nature juridique de l’acte attaqué, de lui indiquer s’il s’agissait en l’espèce d’une décision contraignante ou comportant seulement une appréciation non contraignante.

11      Par lettre du 13 juin 2013, le directeur de la direction H de la DG « Agriculture et développement rural » lui a répondu que l’acte attaqué constituait « la première réaction des services de la Commission dans le cadre de l’examen de la demande d’annulation susmentionnée entrepris par la Commission ». En outre, il a fait savoir que « [d]es décisions formelles seraient adoptées concernant des systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, [c]onformément à l’article 52 du règlement (UE) n° 1151/2012 ». Enfin, il a indiqué que « [l]adite lettre n’a[vait] pas été publiée. »

12      Par la décision d’exécution 2013/663/UE, du 14 novembre 2013 (JO L 306, p. 40) (ci-après la « décision d’exécution »), la Commission a rejeté la demande d’annulation de l’enregistrement de l’indication géographique protégée « Kołocz śląski » ou « Kołacz śląski » en ce qu’elle ne remplissait pas les conditions prévues par l’article 54, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO L 134, p. 1).

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2013, le requérant a introduit un recours visant à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’acte attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 18 septembre 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. La Commission a conclu à l’irrecevabilité du recours en annulation et a demandé à ce que le requérant soit condamné aux dépens.

15      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 29 octobre 2013, le requérant a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission. Dans ses observations, le requérant a demandé au Tribunal, à titre principal, de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et de statuer sur le fond de l’affaire comme demandé dans la requête et, à titre subsidiaire, de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond de l’affaire et de lui permettre de compléter ses conclusions afin de viser l’acte d’exécution dont l’adoption avait été annoncée par la Commission dans son exception d’irrecevabilité.

16      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 27 novembre 2013, la Commission a présenté ses observations sur la demande d’adaptation des conclusions présentée par le requérant dans ses observations du 29 octobre 2013.

17      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 novembre 2013, le requérant a précisé sa demande, visant à adapter ses conclusions en annulation, formulée dans son mémoire du 29 octobre 2013, afin de viser la décision d’exécution. La Commission a présenté ses observations le 17 décembre 2013.

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2014, le requérant a introduit un second recours, visant à obtenir l’annulation de la décision d’exécution. L’affaire a été enregistrée sous la référence T‑49/14.

19      Au titre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties, par courrier du greffe du Tribunal du 6 février 2014, à se prononcer sur les conséquences à tirer, en particulier au regard de l’objet du recours, de l’adoption par la Commission, le 14 novembre 2013, de la décision d’exécution. Elles ont notamment été invitées à prendre position sur la question de savoir s’il y avait encore lieu de statuer sur le présent recours, étant donné que la décision d’exécution faisait l’objet du recours dans l’affaire T‑49/14.

20      Par lettre du 18 février 2014, la Commission a considéré, à titre principal, que le recours formé contre l’acte attaqué était irrecevable et, à titre subsidiaire, qu’il était devenu sans objet et qu’il y avait lieu de condamner le requérant aux dépens.

21      Par lettre du 20 février 2014, le requérant a considéré, en premier lieu, que l’acte attaqué constituait à lui seul un acte susceptible d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE. En deuxième lieu, dans l’hypothèse où le Tribunal envisagerait de constater d’office, conformément à l’article 113 du règlement de procédure, qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande d’annulation de l’acte attaqué, la Commission devrait être condamnée aux dépens. En troisième lieu, le requérant a demandé la jonction des affaires T‑354/13 et T‑49/14 sur la base de l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure.

 En droit

22      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

23      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

24      La première question à examiner est celle de savoir si l’acte attaqué constitue une décision au sens de l’article 263 TFUE.

25      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ne suffit pas qu’une lettre ait été envoyée par une institution de l’Union à son destinataire, en réponse à une demande formulée par ce dernier, pour qu’une telle lettre puisse être qualifiée de décision au sens de l’article 263 TFUE, ouvrant la voie du recours en annulation. Seuls constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires, de nature à affecter les intérêts de la partie requérante en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêt du 26 mars 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, point 32).

26      S’agissant, plus particulièrement, d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, ne constituent, en principe, des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution concernée au terme de la procédure. Il en résulte que des mesures préliminaires ou de nature purement préparatoire ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en annulation (voir arrêt Co-Frutta/Commission, point 25 supra, EU:T:2010:15, point 33 et jurisprudence citée).

27      Or, en l’espèce, l’acte attaqué n’a qu’un caractère préparatoire ; il ne constitue pas un acte définitif.

28      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le requérant a demandé à la Commission, par courriel du 7 juin 2013, de lui indiquer s’il s’agissait en l’espèce d’une décision contraignante ou d’une appréciation non contraignante, afin de clarifier la nature juridique de l’acte attaqué (voir point 10 ci-dessus).

29      Il ressort clairement de la lettre du 13 juin 2013 du directeur de la direction H de la DG « Agriculture et développement rural » que l’acte attaqué constituait une réponse préliminaire et que des décisions formelles seraient arrêtées conformément à l’article 52 du règlement n° 1151/2012. Il en ressort également que l’acte attaqué n’a pas été publié (voir point 11 ci‑dessus).

30      Par conséquent, seule la décision d’exécution adoptée par la Commission au cours d’instance est susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts du requérant et, partant, de faire l’objet d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE. Dès lors, l’acte attaqué ne produit pas d’effets juridiques et ne peut être considéré comme constituant un acte attaquable.

31      Il en résulte que le recours doit être rejeté comme irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’acte attaqué.

32      S’agissant, par ailleurs, de la demande du requérant, en date du 29 octobre 2013, visant à adapter ses conclusions de façon à ce qu’elles visent le futur acte d’exécution formel rejetant la demande d’annulation, il y a lieu de rappeler que le Tribunal ne peut être valablement saisi que d’une demande tendant à l’annulation d’un acte existant et faisant grief. Si un requérant peut être autorisé à reformuler ses conclusions de façon à ce que celles-ci visent l’annulation des actes qui ont, en cours de procédure, remplacé les actes initialement attaqués, cette solution ne saurait autoriser le contrôle spéculatif de la légalité d’actes hypothétiques non encore adoptés (voir arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, Rec, EU:T:2013:397, point 62 et jurisprudence citée).

33      S’agissant, enfin, de la demande, en date du 29 novembre 2013, tendant à ce que le Tribunal permette à la requérante de préciser ses conclusions, formulées en date du 29 octobre 2013, afin de viser la décision d’exécution, il y a effectivement lieu de constater que, depuis la date d’introduction du présent recours, la décision d’exécution a bien été adoptée.

34      À cet égard, il est vrai que, lorsqu’une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours (voir ordonnance du 24 mai 2011, Government of Gibraltar/Commission, T‑176/09, EU:T:2011:239, point 47 et jurisprudence citée).

35      Toutefois, selon une jurisprudence constante, la recevabilité d’un recours s’apprécie au moment de son introduction (voir ordonnance Government of Gibraltar/Commission, point 34 supra, EU:T:2011:239, point 48 et jurisprudence citée).

36      Il s’ensuit qu’un requérant ne saurait être autorisé à adapter ses conclusions et moyens, de façon à viser la survenance de nouveaux actes durant l’instance, que pour autant que sa demande d’annulation de l’acte initialement attaqué ait été elle‑même recevable à la date de son introduction (voir ordonnance Government of Gibraltar/Commission, point 34 supra, EU:T:2011:239, point 49 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il a déjà été constaté que, à la date d’introduction du présent recours, la demande d’annulation de l’acte attaqué présentée par le requérant était irrecevable.

38      Il s’ensuit que le chef de conclusions du requérant visant à l’annulation de l’acte attaqué est irrecevable et qu’il n’y a pas lieu d’offrir au requérant la possibilité d’adapter ses conclusions au vu de l’adoption de la décision d’exécution.

39      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité comme irrecevable.

40      Le présent recours étant irrecevable pour les motifs indiqués ci-dessus, il n’est pas nécessaire que le Tribunal se prononce sur la question de savoir si le recours est devenu sans objet en raison de l’adoption par la Commission de la décision d’exécution en cours d’instance et du recours exercé par le requérant contre cette décision dans l’affaire T‑49/14.

41      De surcroît, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande, introduite par le requérant, de jonction des affaires T‑354/13 et T‑49/14.

 Sur les dépens

42      Conformément à l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Zentralverband des Deutschen Bäckerhandwerks eV est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 10 septembre 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Prek


* Langue de procédure : l’allemand.