Language of document : ECLI:EU:T:2023:230

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 mai 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale BBQLOUMI – Marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI – Causes de nullité relative – Risque de confusion – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 1, sous b), article 8, paragraphe 5, et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), article 8, paragraphe 5, et article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑106/22,

Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, établie à Nicosie (Chypre), représentée par Mes S. Malynicz et C. Milbradt, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Gája et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

M. J. Dairies EOOD, établie à Sofia (Bulgarie), représentée par Mes I. Pakidanska et D. Dimitrova, avocates,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin (rapporteur), président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 25 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 décembre 2021 (affaire R 656/2021‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 23 septembre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 22 mai 2014 pour le signe verbal BBQLOUMI.

3        Les produits et les services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 29, 30 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Produits laitiers et substituts ; extraits de viande ; plats préparés entièrement ou essentiellement à base de viande ou de produits laitiers » ;

–        classe 30 : « Aliments à base de céréales, sandwiches ; condiments ; sauces » ;

–        classe 43 : « Services de restaurants ; services de restauration rapide ; cafétérias ; restauration ».

4        La demande de nullité était fondée sur la marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI, enregistrée le 14 juillet 2000 et désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Fromages ».

5        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 8, paragraphe 5, du même règlement [devenus article 60, paragraphe 1, sous a), article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

6        Le 11 février 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité et condamné la requérante à supporter les frais de procédure. Plus particulièrement, elle a considéré, d’une part, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit, et ce, même pour les produits désignés par ces dernières et qui pouvaient être considérés comme identiques et, d’autre part, que la requérante n’avait pas fourni de preuves suffisantes de la renommée de la marque antérieure.

7        Le 12 avril 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours dans sa totalité.

9        S’agissant de la demande de nullité fondée sur l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a considéré, au point 16 de la décision attaquée, que les produits et les services désignés par les marques en conflit s’adressaient au grand public dont le niveau d’attention, lors de leur achat, serait tout au plus moyen.

10      Au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la demande n’était pas fondée en ce qui concerne les produits couverts par les marques en conflit qui étaient différents, de sorte que l’examen de l’existence d’un risque de confusion n’était pertinent qu’à l’égard des produits et des services désignés par la marque contestée qui présentaient une similitude ou une identité avec les « [f]romages » désignés par la marque antérieure, à savoir les « [p]roduits laitiers et substituts ; plats préparés entièrement ou essentiellement à base de produits laitiers », relevant de la classe 29, les « sandwiches ; sauces », relevant de la classe 30, et les « [s]ervices de restaurants ; services de restauration rapide ; cafétérias ; restauration », relevant de la classe 43.

11      Au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était faible en ce qu’elle désignait du « fromage », en raison de sa signification descriptive d’un type particulier de fromage produit à Chypre selon une recette spéciale, et que les éléments de preuve produits par la requérante étaient loin d’établir l’existence d’un caractère distinctif accru acquis par l’usage à la date pertinente du dépôt de la marque contestée.

12      Aux points 41 à 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude sur les plans visuel et phonétique et que, sur le plan conceptuel, ils présentaient un très faible degré de similitude.

13      Au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, compte tenu du caractère distinctif faible de la marque antérieure, les différences entre les marques en conflit étaient suffisantes pour les distinguer avec certitude, même lorsqu’elles désignaient des produits identiques et, a fortiori, lorsqu’elles désignaient des produits et des services qui étaient similaires ou faiblement similaires.

14      S’agissant de la demande de nullité fondée sur l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque contestée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte préjudice, la chambre de recours a estimé, au point 53 de la décision attaquée, que les éléments de preuve produits par la requérante étaient insuffisants pour prouver le caractère distinctif accru, acquis par l’usage, et encore moins la renommée, de la marque antérieure, de sorte que l’une des conditions cumulatives nécessaires à la mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’était pas remplie.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante, M. J. Dairies EOOD, aux dépens.

16      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 22 mai 2014, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

18      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références aux dispositions du règlement 2017/1001 faites par la chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que par les parties dans leurs écritures comme visant les dispositions, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

19      À l’appui du recours, la requérante invoque six moyens, tirés, premièrement, d’erreurs manifestes de la chambre de recours, au point 14 de la décision attaquée, dans la définition et l’appréciation de la fonction essentielle d’une marque collective de l’Union européenne, deuxièmement, d’une violation de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 74, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), dans la mesure où il n’y avait pas lieu de considérer que la portée de la marque antérieure était limitée par son caractère descriptif géographique, troisièmement, d’une erreur d’appréciation du risque de confusion, dans la mesure où la jurisprudence de la Cour ainsi que les facteurs pertinents en l’espèce, autres que le caractère distinctif de la marque antérieure, qui a erronément été élevé au rang de « super-facteur », n’ont pas été dûment pris en compte, quatrièmement, du fait que la charge de la preuve du niveau de caractère distinctif requis a été indûment mise à sa charge, cinquièmement, d’un défaut de motivation de la conclusion selon laquelle la marque antérieure manquait de caractère distinctif et, sixièmement, d’erreurs graves lors de l’appréciation du caractère distinctif intrinsèque et de la renommée de la marque antérieure, qui affectaient la conclusion d’ensemble à cet égard.

20      L’EUIPO et l’intervenante concluent au rejet des six moyens comme étant non fondés.

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée, en ce qu’elle repose sur des moyens contestant le rejet de la demande de nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement

21      Aux termes d’une lecture combinée de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, la marque de l’Union européenne enregistrée est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

22      Lorsque la marque antérieure est une marque collective de l’Union européenne, le risque de confusion doit s’entendre comme étant le risque que le public puisse croire que les produits ou les services visés par la marque antérieure et ceux visés par la marque contestée proviennent tous de membres de l’association qui est le titulaire de la marque antérieure ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association (arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 64).

23      En outre, en cas de demande en nullité fondée sur l’existence d’un risque de confusion et formée par le titulaire d’une marque collective, s’il y a lieu de tenir compte de la fonction essentielle de ce type de marque, telle qu’énoncée à l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 74, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), afin d’appréhender ce qu’il convient d’entendre par risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence établissant les critères au regard desquels il doit concrètement être apprécié si un tel risque existe est transposable aux affaires concernant une marque collective antérieure (voir, par analogie, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 65).

24      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 45 et jurisprudence citée].

25      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a estimé à juste titre qu’il y avait lieu de rejeter la demande de nullité, fondée sur l’existence d’un risque de confusion, dans la mesure où un tel risque n’existait pas dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le public pertinent

26      S’agissant de la définition du public pertinent, au point 16 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, sur le territoire de l’Union européenne, les marques en conflit désignaient des produits et des services qui s’adressaient tous au grand public, lequel, lors de leur achat, ferait preuve d’un niveau d’attention tout au plus moyen.

27      Il convient de confirmer les conclusions de la chambre de recours en ce qui concerne la définition du public pertinent, ces conclusions apparaissant conformes aux éléments du dossier de l’affaire et n’étant, au demeurant, pas contestées par les parties.

 Sur la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit

28      Aux points 20 à 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, s’agissant des produits désignés par la marque contestée et relevant de la classe 29, à savoir les « [p]roduits laitiers », d’une part, et les « substituts de produits laitiers » ainsi que les « plats préparés entièrement ou essentiellement à base de produits laitiers », d’autre part, qu’ils étaient respectivement identiques et similaires aux « [f]romages » désignés par la marque antérieure. En revanche, elle a estimé que les « extraits de viande » et les « plats préparés entièrement ou essentiellement à base de viande », relevant de la classe 29, et les « [a]liments à base de céréales » ainsi que les « condiments », relevant de la classe 30, désignés par la marque contestée, étaient différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure. Elle a également considéré que les « sandwiches » et les « sauces », relevant de la classe 30 et désignés par la marque contestée, présentaient un faible degré de similitude avec les « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

29      Au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, en raison de l’existence d’un lien de complémentarité, les « [s]ervices de restaurants ; services de restauration rapide ; cafétérias ; restauration », relevant de la classe 43 et désignés par la marque contestée, présentaient un très faible degré de similitude avec les « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

30      En outre, au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu, à titre intermédiaire, que, s’agissant des produits désignés par la marque contestée et qu’il convenait de considérer comme étant différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure, la demande en nullité n’était pas fondée.

31      Les conclusions de la chambre de recours en ce qui concerne la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit ne sont pas contestées par la requérante.

32      Pour sa part, l’EUIPO fait valoir que, en l’absence de contestation, la décision attaquée est devenue définitive en ce qu’elle a constaté que les « extraits de viande ; plats préparés entièrement ou essentiellement à base de viande » et les « [a]liments à base de céréales ; condiments », compris respectivement dans la classe 29 et la classe 30 et désignés par la marque contestée, étaient différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

33      En l’espèce, dans la mesure où le recours porte, notamment, sur le constat fait par la chambre de recours d’une absence de risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et où ce constat a été effectué à l’issue d’une évaluation globale du risque de confusion en tenant compte de l’ensemble des facteurs pertinents, qui incluent les conclusions de la chambre de recours s’agissant de la comparaison entre les produits et les services désignés par les marques en conflit, il convient de procéder au contrôle de ces conclusions, dans la mesure où elles sont susceptibles d’avoir une incidence sur la légalité de la décision attaquée.

34      À cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi que la Cour l’a jugé au point 48 de l’arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI (C‑16/06 P, EU:C:2008:739), que, lorsqu’il est appelé à apprécier la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, le Tribunal ne saurait être lié par une appréciation erronée des faits de la part de cette chambre, dans la mesure où ladite appréciation fait partie des conclusions dont la légalité est contestée devant lui.

35      Or, il apparaît que la comparaison faite par la chambre de recours des produits et des services désignés par les marques en conflit comporte deux erreurs.

36      Premièrement, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours, il y a lieu de considérer que les « extraits de viande ; plats préparés entièrement ou essentiellement à base de viande », relevant de la classe 29 et désignés par la marque contestée, doivent être considérés comme présentant un faible degré de similitude avec les « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux points 47 et 48 de l’arrêt du 8 décembre 2021, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – Fontana Food (GRILLOUMI BURGER) (T‑595/19, non publié, EU:T:2021:866), le Tribunal a déjà jugé que les « [v]iande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande », compris dans la classe 29, étaient d’origine animale et issus des tissus musculaires d’animaux sauvages ou d’élevage et que, s’ils n’étaient certes pas identiques aux « [f]romages », il avait déjà considéré dans de précédentes décisions que de tels produits, en particulier ceux qui, à l’instar de la viande, des jambons, des charcuteries, des plats froids et des conserves de viande, appartenaient à la catégorie des produits de charcuterie, pouvaient être considérés comme semblables à un faible degré aux fromages et aux produits laitiers, et ce, en raison de leur nature et de leur destination identiques ainsi que de leurs canaux de distribution semblables.

38      Deuxièmement, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, il y a lieu de relever que les « [s]ervices de restaurants ; services de restauration rapide ; cafétérias ; restauration », relevant de la classe 43 et désignés par la marque contestée, présentent un faible degré de similitude avec les « [f]romages » désignés par la marque antérieure, et non un très faible degré de similitude.

39      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux points 56 et 57 de l’arrêt du 8 décembre 2021, GRILLOUMI BURGER (T‑595/19, non publié, EU:T:2021:866), le Tribunal a déjà jugé que les services de restauration relevant de la classe 43 utilisaient nécessairement les produits compris dans la classe 29, notamment les fromages, de sorte qu’il existait une complémentarité entre ces services et ces produits et que le degré de similitude devait être qualifié de faible, dans la mesure où, d’une part, les produits et les services en cause ont à l’évidence une nature différente en raison du caractère fongible des premiers et non fongible des seconds et où, d’autre part, les « [s]ervices de restauration (alimentation) ; services de coffee-shop ; services de restauration (alimentation) », relevant de la classe 43, pouvaient présenter un lien de complémentarité avec des produits alimentaires très variés, dont les fromages ne constituaient qu’une partie.

40      Pour le surplus, il convient de confirmer les autres conclusions de la chambre de recours en ce qui concerne la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit, ces conclusions apparaissant conformes aux éléments du dossier.

41      Les conséquences éventuelles des deux erreurs commises par la chambre de recours au regard de la légalité de la décision attaquée seront examinées au stade de l’appréciation globale du risque de confusion.

 Sur la comparaison des signes en conflit

42      Aux points 41 à 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que les signes en conflit, qui se caractérisaient par la présence du groupe de lettres « loumi » dans chacun d’eux, présentaient, sur les plans visuel et phonétique, un faible degré de similitude et, sur le plan conceptuel, un très faible degré de similitude.

43      Ces appréciations sont, en substance, identiques à celles sur lesquelles le Tribunal s’est fondé dans l’arrêt du 20 janvier 2021, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑328/17 RENV, non publié, EU:T:2021:16), lorsqu’il a procédé à la comparaison du signe verbal HALLOUMI et d’un signe figuratif composé à la fois de l’élément « bbqloumi » et de l’image d’un plat d’aliments, dont certains présentaient des traces de cuisson au grill, avec, en arrière-plan, la représentation d’un site portuaire méditerranéen.

44      Si, dans l’arrêt du 20 janvier 2021, BBQLOUMI (T‑328/17 RENV, non publié, EU:T:2021:16), le Tribunal avait estimé que les signes en question présentaient un faible degré de similitude sur le plan conceptuel alors que, en l’espèce, ce degré avait été qualifié de « très faible » par la chambre de recours, cela s’explique par le fait qu’un élément figuratif venait renforcer la similitude conceptuelle. L’absence d’un tel élément figuratif dans la marque contestée justifie, en l’espèce, que la chambre de recours ait qualifié la similitude entre les marques en conflit comme étant « très faible » sur le plan conceptuel.

45      Il y a donc lieu de considérer que la chambre de recours a tiré des conclusions exactes de la comparaison des signes en conflit, ces conclusions apparaissant conformes aux éléments du dossier de l’affaire.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

46      Il convient de relever que, dans l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170, points 70, 72 et 73), la Cour a rappelé que le degré de caractère distinctif d’une marque antérieure détermine l’étendue de la protection conférée par celle-ci et que les marques collectives de l’Union européenne doivent posséder un caractère distinctif, que ce soit intrinsèquement ou par l’usage, l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ne constituant pas une exception à cette exigence de caractère distinctif. Si cette disposition autorisait, par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], l’enregistrement en tant que marques collectives de l’Union européenne de signes pouvant servir à désigner la provenance géographique de produits ou de services, elle ne permettait en revanche pas que les signes ainsi enregistrés fussent dépourvus de caractère distinctif. Ainsi, lorsqu’une association demande l’enregistrement, en tant que marque collective de l’Union européenne, d’un signe pouvant désigner une provenance géographique, il lui incombe de s’assurer que ce signe est pourvu d’éléments qui permettent au consommateur de distinguer les produits ou les services de ses membres de ceux d’autres entreprises.

47      À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que l’enregistrement d’un signe en tant que marque collective ne saurait, en lui-même, être constitutif d’une présomption d’existence d’un caractère distinctif moyen [arrêt du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM), T‑534/10, EU:T:2012:292, point 52].

48      En outre, si, par analogie avec les solutions retenues dans les arrêts du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 43 à 47), et du 5 octobre 2020, Eugène Perma France/EUIPO – SPI Investments Group (NATURANOVE) (T‑602/19, non publié, EU:T:2020:463, point 65), à l’égard de droits antérieurs valablement enregistrés tels qu’une marque nationale ou un enregistrement international désignant l’Union européenne, il y a lieu de reconnaître un certain degré de caractère distinctif à une marque collective de l’Union européenne du seul fait qu’elle a été enregistrée, il appartient toutefois au titulaire d’une telle marque de démontrer à quel niveau ledit caractère distinctif se situe, dès lors qu’il entend se fonder sur celui-ci dans le cadre d’une procédure d’opposition, voire d’annulation. En effet, il convient également de rappeler que, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, la charge de la preuve devant l’EUIPO pèse, à cet égard, sur l’opposant concerné [voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2017, Tulliallan Burlington/EUIPO – Burlington Fashion (BURLINGTON), T‑123/16, non publié, EU:T:2017:870, point 60 et jurisprudence citée].

49      S’agissant du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, aux points 27 et 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé que le Tribunal avait itérativement jugé que le caractère distinctif intrinsèque du mot « halloumi » était faible, car il décrivait le type et l’origine d’une spécialité fromagère de Chypre, en particulier aux yeux du public chypriote, de sorte que, en substance, la marque antérieure, en raison de sa signification descriptive, présentait un caractère distinctif intrinsèque faible.

50      Par ailleurs, aux points 30 à 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a énuméré l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante devant la division d’opposition, et ceux qui avaient été produits postérieurement, et qui étaient destinés à démontrer le caractère distinctif accru de la marque antérieure, acquis par l’usage, ainsi que sa renommée, puis elle a procédé à une analyse de ces éléments de preuve et constaté que la plupart d’entre eux étaient postérieurs à la période pertinente, qui s’achevait le 22 mai 2014, et qu’ils renvoyaient majoritairement au fromage halloumi, y compris en ce qu’ils visaient le public professionnel, mais très peu à la marque antérieure, et que, par conséquent, il y avait lieu de conclure que la requérante n’avait pas démontré un caractère distinctif accru, acquis par l’usage, de la marque antérieure, ni même une renommée de cette dernière.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes dans la définition et l’appréciation de la fonction essentielle d’une marque collective de l’Union européenne

51      En l’espèce, il est exact, ainsi que le fait observer la requérante, que, au point 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a mentionné que la fonction essentielle de la marque antérieure, en tant que marque collective de l’Union européenne, était de distinguer les produits et les services de l’association de producteurs ou de commerçants, titulaire de ladite marque, de ceux d’autres entreprises. Or, en vertu de l’article 66 du règlement no 207/2009, la fonction essentielle d’une marque collective est d’indiquer que les produits ou les services qu’elle désigne proviennent d’une multiplicité de membres qui, eux-mêmes, appartiennent à l’association titulaire de ladite marque.

52      Toutefois, si la formulation du point 14 de la décision attaquée comporte une erreur, il apparaît que, à plusieurs reprises dans la décision attaquée, notamment dès le point 15, la chambre de recours a examiné les particularités de la marque antérieure, sans commettre d’erreur, en précisant bien qu’il s’agissait d’une marque collective distinguant les produits ou les services des membres de l’association qui en était le titulaire ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement à ces membres ou à cette association de ceux d’autres entreprises.

53      Par conséquent, l’erreur commise par la chambre de recours doit être considérée comme étant purement formelle et n’emporte aucune conséquence sur la légalité de la décision attaquée. Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une limitation de la portée de la marque antérieure au regard de son prétendu caractère descriptif d’un point de vue géographique

54      Il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée ne comporte pas de motifs admettant une quelconque limitation de la marque antérieure au regard de son caractère descriptif d’un point de vue géographique.

55      À cet égard, il y a lieu de constater, s’agissant de la nécessaire protection des marques collectives de l’Union européenne, qui, en vertu des dispositions de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, sont expressément autorisées à désigner la provenance géographique des produits ou des services qu’elles visent, que la Cour a relevé, au point 74 de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), que, à supposer même que la marque collective de l’Union européenne HALLOUMI renvoie implicitement à l’origine géographique chypriote des produits visés, elle n’en doit pas moins remplir sa fonction essentielle, à savoir distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est la titulaire de ceux d’autres entreprises. Or, en l’espèce, le caractère générique du terme « halloumi », dès lors que ce terme constitue à lui seul la marque antérieure, limite nécessairement les effets de ladite marque en ce qui concerne cette fonction, et ce, quel que soit le caractère descriptif de cette marque d’un point de vue géographique.

56      Ainsi, il apparaît que l’argumentation de la requérante n’est pas fondée, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés d’un renversement de la charge de la preuve s’agissant de la démonstration du niveau de caractère distinctif requis et d’un défaut de motivation

57      En l’espèce, il est constant que la marque antérieure est constituée exclusivement du terme « halloumi ». Or, ce terme correspond au nom générique d’un type de fromage produit à Chypre. Partant, compte tenu du caractère descriptif de l’unique terme dont elle est composée, la marque antérieure présente un caractère distinctif intrinsèque qui doit être considéré comme faible.

58      À cet égard, au point 71 de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), la Cour a rappelé que le caractère distinctif de la marque collective de l’Union européenne verbale HALLOUMI, qui correspond également à la marque antérieure en l’espèce, ne devait pas être apprécié de façon particulière au motif qu’il s’agissait d’une marque collective et, au point 76 dudit arrêt, qu’il n’y avait pas lieu de remettre en cause l’évaluation faite par le Tribunal dans l’arrêt du 25 septembre 2018, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑328/17, non publié, EU:T:2018:594), du degré de caractère distinctif de cette marque, qui avait été considéré comme faible. Dans ces conditions, la chambre de recours, lors de l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, s’est référée à juste titre à des décisions du Tribunal qui concernaient des droits antérieurs également constitués du seul terme « halloumi », dans des procédures d’opposition ou d’annulation, dès lors que l’évaluation du caractère distinctif des droits en question répondait à des critères qui pouvaient parfaitement être transposés en l’espèce.

59      Contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante, la démarche de la chambre de recours ne revient pas à dénier l’existence même du caractère distinctif d’une marque valablement enregistrée, ni à élever le critère du caractère distinctif en « super-facteur », ni même à méconnaître les droits qu’une telle marque confère à son titulaire, en faisant indûment peser sur ce dernier la charge de la preuve du caractère distinctif intrinsèque de ladite marque, mais simplement à constater qu’elle ne peut conférer davantage de droits que ceux qu’elle tire objectivement de son caractère distinctif. Il convient d’ailleurs de rappeler que, même en présence d’une marque antérieure ayant un caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment lorsque les produits ou les services en cause sont identiques et les signes en conflit similaires [voir arrêt du 13 avril 2011, Sociedad Agricola Requingua/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro (TORO DE PIEDRA), T‑358/09, non publié, EU:T:2011:174, point 45 et jurisprudence citée].

60      En outre, si le caractère distinctif de la marque antérieure a fait l’objet d’une évaluation qui, dans la décision attaquée, figure avant la comparaison des signes, cela n’emporte aucune conséquence sur la validité de cette comparaison. En effet, il importe de relever que, en l’espèce, les critères pertinents, qui sont nécessaires aux fins de l’évaluation globale du risque de confusion, ont été déterminés avant de procéder à cette évaluation globale, et aucun élément ne permet de constater que la comparaison des signes en conflit aurait été altérée par l’évaluation préalable du caractère distinctif de la marque antérieure.

61      Il y a également lieu de relever que rien dans l’argumentation de la requérante ne permet de remettre en cause la constatation, qui figure au point 29 de la décision attaquée, selon laquelle les éléments de preuve qu’elle a produits permettent uniquement de constater que, dans les États membres auxquels ces éléments renvoient, le public pertinent comprendra la marque antérieure, composée uniquement du terme « halloumi », comme décrivant un type particulier de fromage produit à Chypre. L’examen des éléments de preuve produits par la requérante permet en effet de constater que ces derniers comportent presque uniquement des références au terme « halloumi » en tant que spécialité fromagère de Chypre. Ils ne permettent donc pas de constater que les consommateurs, mis en présence de la marque antérieure, l’associeront à autre chose qu’au fromage halloumi, eu égard au fait qu’elle renvoie au nom générique de ce type de fromage plutôt qu’à l’origine commerciale des produits en ce qu’ils proviendraient des membres de l’association titulaire de ladite marque ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association.

62      Par ailleurs, il doit être souligné que la chambre de recours, aux points 30 à 37 de la décision attaquée, a procédé à une analyse concrète et détaillée des éléments de preuve produits par la requérante, ladite analyse permettant de parvenir au constat circonstancié d’une absence de démonstration du caractère distinctif accru, acquis par l’usage, ainsi que de la renommée de la marque antérieure, sans se limiter, comme le fait valoir à tort la requérante, à se référer à des arrêts du Tribunal qui se rapportaient à des faits différents de ceux de l’espèce. Par conséquent, la décision attaquée ne souffre d’aucun défaut de motivation à cet égard.

63      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les quatrième et cinquième moyens comme étant non fondés et de constater que la chambre de recours a conclu à juste titre que, en raison de sa signification descriptive, la marque antérieure possédait un caractère distinctif intrinsèque faible et que rien ne permettait de considérer qu’elle aurait acquis un caractère distinctif accru par l’usage.

 Sur le troisième et le sixième moyen, en ce que ce dernier est tiré d’erreurs lors de l’appréciation globale du risque de confusion

64      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés par celles-ci. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

65      En l’espèce, il convient de rappeler que, aux points 47 à 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit, au motif que la similitude entre ces dernières n’était pas d’un degré suffisant pour compenser la similitude, voire l’identité, des produits et des services que lesdites marques désignaient respectivement et ainsi créer un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs. À cet égard, la chambre de recours a insisté sur le faible degré de caractère distinctif de la marque antérieure, sur le fait que le contrôle opéré par la requérante sur le respect de la réglementation s’appliquant à la production de fromage halloumi était sans conséquence sur la perception du mot « halloumi » par le public pertinent et sur le fait que la similitude entre les signes en conflit tenait uniquement à la présence du groupe de lettres « loumi » dans chacun d’eux, alors que le public pertinent ne décomposerait pas artificiellement lesdits signes qui comportaient des débuts différents, à savoir les groupes de lettres « hal » et « bbq ».

66      Premièrement, s’agissant du facteur tenant à la similitude des signes en conflit, celle-ci tient à la présence dans chacun desdits signes de l’élément « loumi », qui est à l’origine d’un faible degré de similitude sur les plans visuel et phonétique et d’un très faible degré de similitude sur le plan conceptuel.

67      Ces considérations doivent toutefois être mises en perspective avec le fait que, lorsque le public pertinent sera confronté à la marque contestée, il comprendra ladite marque comme étant une combinaison de l’élément « bbq », qui est une abréviation du mot « barbecue » désignant, dans certaines langues de l’Union, un mode de cuisson sur une grille et dont l’usage est très répandu sur l’ensemble du territoire de l’Union, et du groupe de lettres « loumi ». En effet, il y a lieu de rappeler à cet égard que si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux, qui, pour lui, ont une signification concrète ou ressemblent à des mots qu’il connaît [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2012, TeamBank/OHMI – Fercredit Servizi Finanziari (f@ir Credit), T‑220/11, non publié, EU:T:2012:444, point 38 et jurisprudence citée].

68      De plus, l’attention du public pertinent sera principalement dirigée vers l’élément « bbq » figurant en position initiale dans la marque contestée, étant rappelé que le début d’une marque verbale est susceptible de retenir davantage l’attention du consommateur que le reste de cette marque (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2021, GRILLOUMI BURGER, T‑595/19, non publié, EU:T:2021:866, point 88 et jurisprudence citée).

69      En outre, comme l’a considéré à juste titre la chambre de recours, les signes en conflit ne coïncident pas par le mot « halloumi » dans son intégralité, mais uniquement par le groupe de lettres « loumi ». Or, ce dernier ne contribue que très faiblement au caractère distinctif de la marque contestée, puisque, dans ladite marque, l’élément « bbq » doit être considéré comme étant celui qui retient le plus l’attention du public pertinent en raison de sa position initiale dans cette même marque (voir point 67 ci-dessus), alors que la marque antérieure ne jouit, quant à elle, que d’un faible caractère distinctif intrinsèque.

70      Or, si la reconnaissance du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas en elle-même de constater l’existence d’un risque de confusion (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, points 42 à 45), notamment en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 44), il apparaît toutefois que, lorsque les éléments de similitude existant entre deux signes tiennent au fait que, comme en l’espèce, ils partagent un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui-même faible [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 79].

71      Dans ces conditions, le faible degré de similitude des signes en conflit est peu susceptible de contribuer à l’existence d’un risque de confusion, puisqu’ils n’ont en commun que le groupe de lettres « loumi », qui, en tant que tel, ne peut pas être considéré comme étant un élément dominant dans la marque contestée et qui, de plus, est intrinsèquement peu distinctif pour une grande partie du public pertinent qui le comprendra, dans ladite marque, comme une référence possible au fromage halloumi.

72      Deuxièmement, selon la jurisprudence, le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, qui détermine l’étendue de la protection conférée par celle-ci, figure parmi les facteurs pertinents qui doivent être pris en compte en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 70 et jurisprudence citée).

73      En ce qui concerne le caractère distinctif de la marque antérieure, celui-ci ne doit pas être apprécié de façon particulière au motif qu’il s’agit d’une marque collective et il n’y a pas lieu de remettre en cause l’évaluation de la chambre de recours selon laquelle le degré de caractère distinctif intrinsèque de cette marque est faible (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, points 71 et 76).

74      À cet égard, il y a lieu de relever, ainsi que cela a été mentionné au point 60 ci-dessus, que la plupart des éléments de preuve produits par la requérante ne permettent pas de constater que les consommateurs, confrontés à la marque antérieure, l’associeront à autre chose qu’au fromage halloumi. Ainsi, le niveau de protection conféré par ladite marque, eu égard à son faible degré de caractère distinctif intrinsèque, ne peut lui-même qu’être faible.

75      Troisièmement, il y a lieu de prendre en considération le facteur tenant au fait que les « produits laitiers » désignés par la marque contestée sont identiques aux produits désignés par la marque antérieure et que ces derniers, d’une part, et les services et une partie des produits désignés par la marque contestée, d’autre part, à savoir les « [s]ervices de restaurants ; services de restauration rapide ; cafétérias ; restauration », les « substituts de produits laitiers », les « plats préparés entièrement ou essentiellement à base de produits laitiers », les « extraits de viande ; plats préparés entièrement ou essentiellement à base de viande » et les « sandwiches ; sauces », sont similaires, à différents degrés.

76      À ce titre, il convient de rappeler que tous les produits et services en cause relèvent de la consommation courante et que, lors de leur achat, le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention moyen.

77      Or, il ne pourrait être conclu à l’existence d’un risque de confusion que si le public pertinent était susceptible d’être induit en erreur sur l’origine commerciale des produits et des services désignés par la marque contestée.

78      En l’espèce, ce risque n’apparaît pas démontré, même pour les « produits laitiers » désignés par la marque contestée, qui doivent être considérés comme étant identiques aux « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

79      En effet, lorsque le public pertinent sera confronté à la marque contestée et à supposer qu’il porte également son attention sur le groupe de lettres « loumi » contenu dans celle-ci, voire qu’il perçoive que ce groupe est susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi, il n’établira pas de lien entre cette marque et la marque antérieure, dès lors que, d’une part, il établira tout au plus un lien entre cette dernière et les produits qu’elle désigne, à savoir des « [f]romages », et que, d’autre part, les marques en conflit ne présentent, globalement considérées, qu’un faible degré de similitude. Les deux erreurs commises par la chambre de recours lors de la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit n’emportent aucune conséquence sur ce constat.

80      Il y a donc lieu de rejeter, comme étant non fondés, le troisième moyen, tiré d’une erreur de la chambre de recours lors de la prise en compte des facteurs pertinents susceptibles de contribuer à l’existence d’un risque de confusion, et le sixième moyen, dans la mesure où il repose sur une appréciation erronée du risque de confusion en raison d’erreurs prétendument commises par la chambre de recours lors de l’évaluation du caractère distinctif de la marque antérieure.

81      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que, en dépit des erreurs commises lors de la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit, la chambre de recours a, en l’espèce, conclu à bon droit à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit et rejeté la demande de nullité de la marque contestée, fondée sur ce motif.

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée fondée sur le sixième moyen, en ce que ce dernier est tiré d’erreurs d’appréciation de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ladite décision a rejeté la demande de nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement

82      Dans le cadre du sixième moyen, la requérante fait également valoir que la chambre de recours a commis de graves erreurs non seulement dans l’appréciation du caractère distinctif intrinsèque, mais également dans l’appréciation de la renommée de la marque antérieure.

83      Aux termes d’une lecture combinée de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, la marque de l’Union européenne enregistrée est déclarée nulle si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, lorsqu’elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

84      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Deuxièmement, la marque antérieure doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Troisièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

85      Au point 53 de la décision attaquée, la chambre de recours a exposé que la requérante n’avait pas démontré que la marque antérieure jouissait d’une renommée, de sorte que l’une des conditions cumulatives nécessaires à l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’était pas remplie et qu’il y avait lieu de rejeter l’opposition, en ce qu’elle était fondée sur cette disposition.

86      À cet égard, la chambre de recours a relevé à juste titre, au point 29 de la décision attaquée, que les pièces qui avaient été produites par la requérante afin de prouver la renommée de la marque antérieure confirmaient simplement que HALLOUMI était perçue par le public pertinent comme décrivant un type particulier de fromage produit à Chypre et non en tant que marque collective de l’Union européenne (voir point 60 ci-dessus).

87      Or, il doit être rappelé que la présence dans des éléments de preuve du mot correspondant à la marque antérieure ne signifie pas nécessairement que ce mot correspond à l’usage de la marque [voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2016, Henkell & Co. Sektkellerei/EUIPO – Ciacci Piccolomini d’Aragona di Bianchini (PICCOLOMINI), T‑20/15, EU:T:2016:218, points 42 à 50].

88      La chambre de recours a également constaté que la majeure partie des éléments de preuve, alors même que leur contenu ne concernait pas spécifiquement la renommée de la marque antérieure, étaient en tout état de cause non pertinents, car ils ne se rapportaient pas à la période pertinente qui était antérieure au dépôt de la marque contestée, le 22 mai 2014, mais aux années 2015 à 2018.

89      Toutefois, rien dans l’argumentation de la requérante ne permet de remettre en cause le constat de la chambre de recours selon lequel la renommée de la marque antérieure n’a pas été démontrée. En effet, la requérante se limite à invoquer le caractère central des erreurs que la chambre de recours aurait commises lors de l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure, mais sans expliquer comment de telles erreurs, à les supposer réelles, auraient faussé l’appréciation de la renommée de la marque antérieure. En tout état de cause, il convient de rappeler, ainsi que cela résulte des développements consacrés à l’évaluation du risque de confusion, que l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure par la chambre de recours n’est entachée d’aucune erreur.

90      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreurs d’appréciation lorsqu’elle a considéré, après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante, que la marque antérieure ne jouissait pas d’une renommée dans l’Union, de sorte que l’une des conditions cumulatives nécessaires à la mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 faisait en l’espèce défaut.

91      Il y a donc lieu de rejeter le sixième moyen, dans la mesure où il est tiré d’erreurs graves affectant l’appréciation de la renommée de la marque antérieure par la chambre de recours.

92      La totalité des moyens soulevés par la requérante ayant été rejetés comme étant non fondés, il y a lieu de rejeter le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

93      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

94      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO et l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi est condamnée aux dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.