Language of document : ECLI:EU:T:2012:216

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

4 mai 2012 (*)

« Aides d’État – Absence de décision de clore la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE – Recours en carence – Qualité pour agir – Recevabilité »

Dans l’affaire T‑344/10,

UPS Europe NV/SA, établie à Bruxelles (Belgique),

United Parcel Service Deutschland Inc. & Co. OHG, établie à Neuss (Allemagne),

représentées par Mes T. Ottervanger et E. Henny, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et D. Grespan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Deutsche Post AG, représentée par Mes J. Sedemund, T. Lübbig et M. Klasse, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours en carence visant à faire constater que la Commission s’est illégalement abstenue de prendre une décision, dans un délai raisonnable, dans la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, engagée le 12 septembre 2007 en ce qui concerne les aides d’État accordées par les autorités allemandes en faveur de la Deutsche Post AG [aide C 36/07 (ex NN 25/07)],

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, UPS Europe NV/SA et United Parcel Service Deutchland Inc. & Co. OHG, sont deux sociétés de distribution de colis.

2        Le 7 juillet 1994, UPS Europe a déposé une plainte (ci‑après la « plainte de 1994 ») auprès de la Commission européenne relative à une aide d’État prétendument octroyée par la République fédérale d’Allemagne en faveur de la société ayant repris les activités de l’ancienne administration postale allemande dans le secteur postal, la Deutsche Bundespost Postdienst (ci-après la « DB‑Postdienst »).

3        Après la notification reçue par la Commission le 11 mai 1998, conformément à l’article 4 du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1), d’un projet de concentration par lequel le successeur de la DB‑Postdienst, la Deutsche Post AG, entendait acquérir, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, le contrôle conjoint de DHL International Ltd, UPS Europe a déposé, le 8 juin 1998, une deuxième plainte devant la Commission contre la République fédérale d’Allemagne et la Deutsche Post concernant de prétendues violations des articles 81 CE, 82 CE et 87 CE (ci‑après la « plainte de 1998 »). UPS Europe a avancé, notamment, que l’acquisition envisagée constituait une aide d’État à cause de l’utilisation de profits tirés d’un droit exclusif accordé à la Deutsche Post uniquement dans le but de garantir la prestation d’un service d’intérêt économique général (ci‑après « SIEG »).

4        Par lettre du 17 août 1999, publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 23 octobre 1999 (JO C 306, p. 25, ci-après la « décision d’ouverture de 1999 »), la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (ci-après la « procédure formelle d’examen ») à l’égard de diverses mesures en vertu desquelles la DB‑Postdienst et la Deutsche Post avaient bénéficié de fonds publics, et lui a demandé des renseignements.

5        Le 11 octobre 2001, UPS Europe a introduit un recours devant le Tribunal, au titre de l’article 232 CE, tendant à faire constater la carence de la Commission en ce qu’elle se serait abstenue de statuer sur les plaintes de 1994 et de 1998 ainsi que de clore la procédure formelle d’examen initiée par la décision d’ouverture de 1999 (affaire T‑253/01, UPS Europe/Commission).

6        Le 19 juin 2002, la Commission a adopté la décision 2002/753/CE concernant des mesures prises par la République fédérale d’Allemagne en faveur de la Deutsche Post AG (JO L 247, p. 27, ci-après la « décision de 2002 »). Dans cette décision, la Commission a conclu que des pertes d’une valeur totale de 572 millions d’euros subies par la DB‑Postdienst et, ensuite, par la Deutsche Post, dans leurs activités d’envoi de colis de porte à porte, avaient été compensées par des ressources d’État accordées sous diverses formes. La Commission a considéré que la couverture des pertes en cause par des ressources publiques constituait une aide d’État contraire aux articles 86 CE et 87 CE et a ordonné à la République fédérale d’Allemagne la récupération des 572 millions d’euros en question.

7        Par son arrêt du 1er juillet 2008, Deutsche Post/Commission (T‑266/02, Rec. p. II‑1233), le Tribunal a annulé la décision de 2002. Le pourvoi formé par la Commission contre ledit arrêt a été rejeté par l’arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post (C‑399/08 P, non encore publié au Recueil).

8        À la suite de l’adoption de la décision de 2002, le Tribunal a demandé aux parties dans l’affaire T‑253/01, UPS Europe/Commission, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, de se prononcer sur l’éventuelle incidence de la décision de 2002 sur cette affaire.

9        Par lettre du 14 novembre 2002, UPS Europe s’est déclarée prête à se désister de son recours dans l’affaire T‑253/01, UPS Europe/Commission. Toutefois, elle a demandé au Tribunal de condamner la Commission aux dépens. Par ordonnance du Tribunal du 30 avril 2003, UPS Europe/Commission (T‑253/01, non publiée au Recueil), l’affaire a été radiée et la Commission a été condamnée aux dépens.

10      Le 11 mai 2004, UPS Europe a introduit une nouvelle plainte auprès de la Commission en faisant valoir que la décision de 2002 n’avait pas examiné toutes les mesures publiques mentionnées dans la plainte de 1994 et que les avantages dont avaient bénéficié la DB‑Postdienst et la Deutsche Post dépassaient largement le montant dont la Commission avait ordonné la récupération. UPS Europe alléguait aussi que la Deutsche Post utilisait des ressources d’État pour étendre ses activités d’envoi de colis et pour facturer à ses filiales des prix excessivement bas pour les services qu’elle leur fournissait. À son tour, le 16 juillet 2004, la TNT Post AG & Co. KG a introduit une plainte alléguant que les tarifs des services facturés par la Deutsche Post à l’une de ses filiales étaient excessivement bas et que ces services étaient financés au moyen des recettes provenant du secteur d’envoi de courrier, dans lequel la Deutsche Post bénéficiait d’un monopole légal. À la suite de ces plaintes, la Commission a transmis des demandes d’information à la République fédérale d’Allemagne auxquelles cette dernière a répondu.

11      Le 3 septembre 2007, les requérantes ont introduit un recours devant le Tribunal, au titre de l’article 232 CE, tendant à faire constater la carence de la Commission en ce qu’elle se serait abstenue de statuer sur la plainte déposée le 11 mai 2004 (affaire T‑329/07, UPS Europe et UPS Deutschland/Commission).

12      Le 12 septembre 2007, la Commission a adopté la décision d’inviter la République fédérale d’Allemagne à présenter des observations en application de l’article 88, paragraphe 2, CE en ce qui concerne l’aide d’État accordée par les autorités allemandes en faveur de la Deutsche Post AG [aide C 36/07 (ex NN 25/07)] (ci-après la « décision de 2007 »).

13      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 novembre 2007, les requérantes se sont désistées de leur recours dans l’affaire T‑329/07. Par ordonnance du Tribunal du 11 décembre 2007, UPS Europe et UPS Deutschland/Commission (T‑329/07, non publiée au Recueil), l’affaire a été radiée.

14      La décision de 2007 est divisée en plusieurs sections.

15      Dans la première section, la Commission a rappelé les procédures entreprises contre la Deutsche Post depuis la plainte de 1994. Elle a invoqué la nécessité de mener une enquête globale sur l’ensemble des distorsions de la concurrence résultant des fonds publics accordés à la DB‑Postdienst et à la Deutsche Post et a indiqué que la procédure entamée par la décision d’ouverture de 1999 serait complétée pour intégrer les informations récemment communiquées et adopter une position définitive sur la compatibilité de ces fonds avec le traité CE (considérants 1 à 15 de la décision de 2007).

16      La Commission a souligné que l’« enquête complémentaire » à laquelle elle entendait procéder « ne remplacera[it] nullement la décision de 2002 ». La Commission a expliqué qu’elle envisageait de déterminer s’il y avait eu une surcompensation par des fonds publics des coûts supportés par la DB‑Postdienst et la Deutsche Post pour l’accomplissement de leur mission SIEG, au‑delà des 572 millions d’euros visés dans la décision de 2002, et a annoncé qu’elle examinerait l’ensemble des mesures publiques adoptées au profit desdites entreprises entre le 1er juillet 1989, date de la création de la DB‑Postdienst, et le 31 décembre 2007, date présumée de cessation de la mission de SIEG de la Deutsche Post (considérant 15 de la décision de 2007).

17      Dans la troisième section de la décision de 2007, intitulée « Description des mesures publiques en faveur de [la] DB-Postdienst et de [la] Deutsche Post », la Commission a indiqué en substance, d’une part, que ces entreprises ont bénéficié de transferts opérés par la société étatique Deutsche Bundespost Telekom (ci-après la « DB‑Telekom ») ainsi que de certaines garanties publiques sur leurs créances. D’autre part, elle a examiné l’existence d’un financement public des pensions de certains employés desdites entreprises (considérants 25 à 32 et 39 à 48 de la décision de 2007).

18      Dans la sixième section de la décision de 2007, intitulée « Appréciation quant à l’existence d’une aide d’État », premièrement, la Commission a constaté que tout avantage sélectif accordé à la DB-Postdienst et à la Deutsche Post fausserait la concurrence et affecterait les échanges entre les États membres. Deuxièmement, elle a observé que les transferts opérés par la DB-Telekom et les garanties publiques visés au point précédent constituaient des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Troisièmement, elle a relevé que le financement public des pensions de certains employés de la DB‑Postdienst et de la Deutsche Post comportait un transfert des ressources publiques et a indiqué vouloir examiner dans quelle mesure ce financement avait conféré un avantage à ces entreprises (considérants 72 à 78 de la décision de 2007).

19      Dans la septième section de la décision de 2007, intitulée « Appréciation de la conformité des aides d’État avec le marché commun », la Commission a exposé la méthode de calcul selon laquelle elle entendait examiner si la compensation accordée à la DB‑Postdienst et à la Deutsche Post était nécessaire pour assurer l’exécution de leur mission de SIEG (considérants 80, 81 et 84 à 104 de la décision attaquée).

20      Dans la huitième section de la décision de 2007, intitulée « Décision », la Commission a invité la République fédérale d’Allemagne à présenter des observations sur les mesures visées dans cette décision ainsi qu’à communiquer toutes les informations utiles pour l’appréciation juridique de ces mesures à la lumière des dispositions régissant les aides d’État.

21      Le 16 novembre 2007, les requérantes et la TNT Post ont communiqué à la Commission leurs observations sur les mesures examinées dans la décision de 2007 (ci‑après les « mesures litigieuses »). Le 14 décembre 2007, la République fédérale d’Allemagne a communiqué à la Commission ses observations sur ces mesures.

22      Le 22 novembre 2007, la Deutsche Post a introduit un recours devant le Tribunal, au titre de l’article 230 CE, à l’encontre de la décision de 2007 (affaire T‑421/07, Deutsche Post/Commission). Ce recours a été rejeté comme irrecevable par l’arrêt du Tribunal du 8 décembre 2011, Deutsche Post/Commission (T‑421/07, non encore publié au Recueil).

23      Par lettre du 28 avril 2010, les requérantes ont invité formellement la Commission à clore la procédure formelle d’examen ouverte à l’égard des mesures litigieuses. Les requérantes ont signalé qu’elles introduiraient un recours en vertu de l’article 265 TFUE si la Commission ne leur communiquait pas sa position à cet égard dans un délai de deux mois.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2010, les requérantes ont introduit le présent recours.

25      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 3 décembre 2010, la Deutsche Post a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

26      Par ordonnance du 24 janvier 2011, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis la demande d’intervention de la Deutsche Post. Celle-ci n’a pas déposé de mémoire en intervention.

27      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

28      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater, conformément à l’article 265 TFUE, que la Commission s’est illégalement abstenue d’agir en n’ayant pas pris position dans l’affaire NN 25/07, Allemagne-Deutsche Post, afin de clore la procédure formelle d’examen ;

–        condamner la Commission aux dépens.

29      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 Sur la recevabilité

30      Dans leur recours, les requérantes font valoir que la Commission a manqué à son obligation de clore, par voie de décision au titre des articles 7 et 13 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), la procédure formelle d’examen ouverte par la décision de 2007. Les requérantes demandent que le Tribunal constate cette carence.

31      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut à tout moment, d’office, les parties ayant été entendues, statuer sur les fins de non‑recevoir d’ordre public au rang desquelles figurent les conditions de recevabilité d’un recours (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 5 juillet 2001, Conseil national des professions de l’automobile e.a./Commission, C‑341/00 P, Rec. p. I‑5263, point 32, et arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑88/01, Rec. p. II‑1165, point 53). Conformément à l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

32      En l’espèce, sans exciper de l’irrecevabilité du recours par acte séparé, la Commission a fait valoir des arguments en ce sens dans le mémoire en défense, auxquels les requérantes ont répliqué, et dans la duplique. La Deutsche Post a eu l’opportunité de présenter ses observations sur la recevabilité du recours dans le cadre d’un mémoire en intervention, mais elle n’a pas déposé un tel mémoire dans le délai imparti.

33      Dans ces conditions, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé et décide, en application de l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans ouvrir la procédure orale.

34      Selon une jurisprudence établie, les articles 263 TFUE et 265 TFUE ne forment que l’expression d’une seule et même voie de droit. Il en résulte que, de même que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE permet aux particuliers de former un recours en annulation contre un acte d’une institution dont ils ne sont pas les destinataires dès lors que cet acte les concerne directement et individuellement, l’article 265, troisième alinéa, TFUE doit être interprété comme leur ouvrant également la faculté de former un recours en carence contre une institution qui aurait manqué d’adopter un acte qui les aurait concernés de la même manière (arrêt de la Cour du 26 novembre 1996, T. Port, C‑68/95, Rec. p. I‑6065, point 59, et, en matière d’aides d’État, ordonnance de la Cour du 1er octobre 2004, Pérez Escolar/Commission, C‑379/03 P, non publiée au Recueil, point 15).

35      Les requérantes n’étant pas les destinataires de l’acte que la Commission aurait manqué d’adopter, à savoir une décision mettant fin à la procédure formelle d’examen ouverte à l’égard des mesures litigieuses, elles devraient donc être directement et individuellement concernées par cette décision pour pouvoir former le présent recours en carence, comme la Commission le fait valoir à juste titre (voir, en ce sens, ordonnance Pérez Escolar/Commission, point 34 supra, point 17).

36      Dès lors, il y a lieu de rejeter la thèse des requérantes selon laquelle le critère de l’affectation individuelle n’est pas applicable en l’espèce, puisque leur situation ne devrait pas être confondue avec celle de requérants qui contestent le bien-fondé d’une décision finale.

37      Cette conclusion ne se voit infirmée par aucun des arguments présentés par les requérantes.

38      À cet égard, les requérantes font valoir que, en introduisant le présent recours, elles ne cherchent qu’à préserver leurs droits procéduraux. Elles soutiennent qu’elles devraient pouvoir former le présent recours en carence même si elles n’étaient pas individuellement concernées par la décision que la Commission se serait abstenue d’adopter afin de préserver l’effet utile de leur droit de contester une décision par laquelle celle-ci approuve les mesures litigieuses sans ouvrir la procédure formelle d’examen.

39      En outre, les requérantes font valoir que permettre aux plaignants de contester l’inaction de la Commission serait nécessaire pour préserver les exigences des principes de bonne administration, de sécurité juridique et du droit à une protection juridictionnelle effective, afin d’éviter que la Commission ne s’abstraie de tout contrôle juridictionnel.

40      Or, ces affirmations d’ordre général ne sauraient aboutir à écarter une condition fondée sur les articles 263, quatrième alinéa, TFUE et 265 TFUE. En effet, les requérantes ne présentent aucun argument précis pour soutenir que la condition tirée de l’affectation individuelle constituerait une violation du droit à un recours juridictionnel effectif.

41      À la lumière des éléments qui précèdent, il convient ensuite d’examiner si la décision de clore la procédure formelle d’examen que, selon les requérantes, la Commission s’était illégalement abstenue d’adopter aurait été de nature à les affecter individuellement.

42      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, point 22, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, point 33).

43      S’agissant plus particulièrement du domaine des aides d’État, comme la Commission le relève à juste titre, un requérant mettant en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide prise à l’issue de la procédure formelle d’examen, telle que celle que, selon les requérantes, la Commission s’était illégalement abstenue d’adopter en l’espèce, est considéré comme individuellement concerné par ladite décision au cas où sa position sur le marché est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, Rec. p. I‑10005, point 54).

44      Il ressort de la jurisprudence que, même dans le cas où un requérant a eu une participation active à la procédure administrative, il doit démontrer en tout état de cause, afin d’établir sa qualité pour agir, que les mesures faisant l’objet de cette procédure étaient susceptibles d’affecter substantiellement sa position sur le marché (arrêt Sniace/Commission, point 43 supra, point 60, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑146/03, non publié au Recueil, points 47, 48 et 50).

45      Il y a donc lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel, ayant déposé deux plaintes à l’origine de la procédure formelle d’examen des mesures litigieuses, introduit plusieurs recours en carence concernant l’examen de celles-ci et participé activement à la procédure administrative, elles auraient un « statut particulier » à l’égard de ces mesures au sens de la jurisprudence visée au point 42 ci‑dessus indépendamment de la question de savoir si leur position sur le marché était substantiellement affectée.

46      Par conséquent, il convient d’examiner si les requérantes ont établi que leur position sur le marché est substantiellement affectée par les mesures litigieuses.

47      S’agissant de la détermination d’une « affectation substantielle de la position » d’une entreprise sur le marché concerné, la Cour a eu l’occasion de préciser que la seule circonstance qu’un acte est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant sur le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouvait dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait en tout état de cause suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme individuellement concernée par ledit acte (arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, British Aggregates Association/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 47, et la jurisprudence citée).

48      Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir, en outre, qu’elle est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêt British Aggregates Association/Commission, point 47 supra, point 48, et la jurisprudence citée).

49      L’affectation substantielle de la position d’une entreprise sur le marché ne doit pas être nécessairement déduite d’éléments tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de la concession de l’aide en question. La concession d’une aide d’État peut porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur également de différentes manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide. De même, l’intensité d’une telle atteinte est susceptible de varier selon un grand nombre de facteurs tels que, notamment, la structure du marché en cause ou la nature de l’aide en question. La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait, dès lors, être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation de ses performances commerciales ou financières (arrêt British Aggregates Association/Commission, point 47 supra, point 53, et la jurisprudence citée).

50      Enfin, comme les requérantes le font valoir, si l’affectation substantielle de la position d’un requérant sur le marché est établie, la circonstance qu’un nombre non défini d’autres concurrents peut, le cas échéant, invoquer un préjudice analogue n’est pas un obstacle à la recevabilité du recours dudit requérant (arrêt British Aggregates Association/Commission, point 47 supra, points 55 et 56).

51      Les requérantes ont présenté deux arguments afin d’établir que leur position sur le marché d’envoi de colis commerciaux, sur lequel il est constant entre les parties que la Deutsche Post et les requérantes sont des opérateurs concurrents, est substantiellement affectée par les mesures litigieuses.

52      En premier lieu, les requérantes ont fait valoir, en substance, qu’elles sont les concurrents directs principaux de la Deutsche Post sur ce marché.

53      Tout d’abord, force est de constater que cette allégation n’est étayée par aucun élément de fait concret présenté par les requérantes.

54      Ensuite, il y a lieu d’observer que la Commission, dans la décision de 2007, a indiqué que les marchés européens d’envoi de colis sont caractérisés par une concurrence intense entre la Deutsche Post et d’autres opérateurs tels que les requérantes, la TNT Post, La Poste et Royal Mail, sans préciser que les requérantes sont les concurrents directs principaux de la Deutsche Post (considérant 71 de la décision de 2007). Comme la Commission le fait valoir à juste titre, les requérantes elles-mêmes ont signalé, dans une lettre adressée le 16 novembre 2007 à la Commission dans le cadre de la procédure formelle d’examen des mesures litigieuses qu’elles ont annexée à la requête, que, d’après un rapport d’expertise qu’elles avaient sollicité, l’une de ces entreprises, à savoir la TNT Post, était la principale société comparable à la Deutsche Post.

55      Enfin, en toute hypothèse, à supposer que l’allégation des requérantes fût avérée, elle ne suffirait pas à établir que leur position sur le marché est substantiellement affectée. En effet, la Cour a jugé qu’un requérant ne saurait se prévaloir uniquement à cet égard de sa qualité de concurrent par rapport au bénéficiaire d’une aide, mais doit établir, en outre, qu’il est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle du destinataire, alors même que le requérant en cause avait fait valoir, comme les requérantes en l’espèce, qu’il se trouvait dans un rapport de concurrence particulier avec le bénéficiaire (ordonnance de la Cour du 21 février 2006, Deutsche Post et DHL Express/Commission, C‑367/04 P, non publiée au Recueil, points 36 et 41). Or, pour démontrer qu’il est dans une telle situation de fait, le requérant doit démontrer l’importance de l’atteinte à sa position sur le marché (voir ordonnance du Tribunal du 21 janvier 2011, Vtesse Networks/Commission, T‑54/07, non publiée au Recueil, point 95, et la jurisprudence citée).

56      Dès lors, l’allégation selon laquelle les requérantes sont les concurrents directs principaux de la Deutsche Post ne suffit pas à démontrer que leur position sur le marché est substantiellement affectée par les mesures litigieuses.

57      En second lieu, les requérantes font valoir que, en vertu de ces mesures, la Deutsche Post aurait pu recevoir des aides d’un montant total de plus de 33 milliards d’euros, cela ayant nécessairement un impact sur leur position, en tant que concurrents directs, sur le marché d’envoi de colis commerciaux.

58      À cet égard, il y a lieu de considérer que l’existence d’une affectation substantielle de la position d’un requérant sur le marché ne dépend pas directement du montant de l’aide, mais de l’importance de l’atteinte que celle-ci peut porter à ladite position, celle-ci pouvant varier pour des aides d’un montant similaire en fonction de critères tels que la taille du marché concerné, la nature spécifique de l’aide, la longueur de la période pour laquelle elle a été accordée, le caractère principal ou secondaire de l’activité affectée pour le requérant et les possibilités de celui-ci de contourner les effets négatifs de l’aide.

59      La jurisprudence a considéré que ne constitue pas une affectation substantielle de la position d’un requérant sur le marché la simple circonstance que l’aide en cause soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire même dans des situations dans lesquelles le montant de l’aide examinée était très élevé (voir, s’agissant d’une aide de 9,28 milliards d’euros en faveur de la société Poste Italiane, ordonnance du Tribunal du 27 mai 2004, Deutsche Post et DHL/Commission, T‑358/02, Rec. p. II‑1565, points 37 et 38, confirmée par l’ordonnance Deutsche Post et DHL Express/Commission, point 55 supra).

60      Dès lors, si la démonstration de cette affectation ne saurait être limitée, ainsi que les requérantes l’avancent à juste titre, à la présence de certains éléments indiquant une dégradation de leurs performances commerciales ou financières, il n’en reste pas moins que les requérantes doivent présenter des éléments de nature à établir notamment la particularité de la situation concurrentielle du marché en cause, l’importance des distorsions que produit l’octroi des mesures litigieuses ainsi que l’effet desdites mesures sur le niveau des prix pratiqués (ordonnance du Tribunal du 9 décembre 2009, Deltalinqs et SVZ/Commission, T‑481/07, non publiée au Recueil, point 49).

61      Or, comme la Commission l’observe à juste titre, les requérantes n’ont fourni aucune information au Tribunal lui permettant d’examiner l’importance de l’éventuelle atteinte provoquée par les mesures litigieuses à leur position sur le marché.

62      Contrairement à ce que les requérantes relèvent, le fait que la Commission puisse connaître la structure du marché en cause en raison des décisions qu’elle a adoptées en matière de contrôle de concentrations ne les dispense pas de fournir de telles informations au Tribunal, dans la mesure où c’est celui-ci et non la Commission qui doit examiner si les mesures litigieuses affectent substantiellement leur position concurrentielle.

63      La complexité de l’examen des mesures litigieuses sous l’angle du droit des aides d’État laquelle, comme les requérantes l’indiquent, a été admise par la Commission dans son mémoire en défense, ne dispense pas non plus les requérantes de fournir au Tribunal les informations en cause. En effet, pour démontrer leur qualité à agir, les requérantes ne sont pas tenues d’effectuer un examen juridique complet des mesures litigieuses, ni de les décrire exhaustivement, ni même d’exposer en détail leurs effets, mais, en vertu de ce qui a été indiqué au point 60 ci‑dessus, elles sont tenues de présenter des éléments permettant d’examiner la situation concurrentielle du marché et l’importance de l’atteinte que leur aurait provoquée l’octroi de ces mesures.

64      Il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, les requérantes n’ont pas établi à suffisance de droit que les mesures litigieuses étaient susceptibles de léser leurs intérêts légitimes en affectant substantiellement leur position sur le marché. Dès lors, elles n’ont pas démontré qu’elles auraient été individuellement concernées par la décision mettant fin à la procédure formelle d’examen desdites mesures que, selon elles, la Commission aurait manqué d’adopter.

65      Contrairement à ce que les requérantes font valoir, cette conclusion n’est pas remise en cause par l’ordonnance du 30 avril 2003, UPS Europe/Commission, point 9 supra.

66      En effet, dans cette ordonnance, le Tribunal a, certes, condamné la Commission aux dépens, à la suite de la demande en ce sens faite par UPS Europe, alors que cette dernière s’était désistée d’un recours en carence similaire au présent recours. Toutefois, il ne ressort pas de cette ordonnance que le Tribunal s’est prononcé sur les questions de savoir si UPS Europe était, d’une part, individuellement concernée par la décision que, selon elle, la Commission se serait abstenue d’adopter et, d’autre part, substantiellement affectée par les mesures examinées par la décision de 2007.

67      En conséquence, le recours doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

68      Conformément à l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

69      Deutsche Post AG supportera ses propres dépens en application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      UPS Europe NV/SA et United Parcel Service Deutschland Inc. & Co. OHG supporteront leurs propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission européenne.

3)      Deutsche Post AG supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 4 mai 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Kanninen


* Langue de procédure : l’anglais.