Language of document : ECLI:EU:T:2014:139

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

20 mars 2014 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents relatifs aux demandes de prise en compte d’une absence de capacité contributive de certaines entreprises dans le cadre d’une procédure en matière d’ententes – Refus d’accès – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit – Intérêt public supérieur – Obligation de procéder à un examen concret et individuel – Accès partiel »

Dans l’affaire T‑181/10,

Reagens SpA, établie à San Giorgio di Piano (Italie), représentée initialement par M. B. O’Connor, solicitor, Mes L. Toffoletti, E. De Giorgi et D. Gullo, avocats, puis par M. O’Connor, Mes Toffoletti et De Giorgi,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme P. Costa de Oliveira et M. J. Bourke, puis par Mme Costa de Oliveira et M. F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision Gestdem 2009/5145 de la Commission, du 23 février 2010, refusant à la requérante l’accès à certains documents du dossier de la procédure COMP/38589 – Stabilisants thermiques, en application du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2009) 8682 final, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques) (ci-après la « décision litigieuse »), la Commission des Communautés européennes a considéré qu’un certain nombre d’entreprises, dont la requérante, Reagens SpA, avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à deux ensembles d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels couvrant le territoire de l’EEE dans le secteur des stabilisants thermiques.

2        Dans la décision litigieuse, la Commission a infligé une amende à la requérante, de même que, notamment, aux entreprises X et Y.

3        Pour fixer le montant des amendes, la Commission a fait application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

4        Au cours de la procédure précédant l’adoption de la décision litigieuse, la requérante ainsi que X et Y ont introduit des demandes de prise en compte de leur absence de capacité contributive, au sens du point 35 des lignes directrices de 2006 (considérant 775 de la décision litigieuse).

5        Ledit point 35 prévoit que, « [d]ans des circonstances exceptionnelles, la Commission peut, sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier », mais qu’« [a]ucune réduction d’amende ne sera accordée à ce titre par la Commission sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire », une « réduction ne pou[van]t être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende, dans les conditions fixées par les [lignes] directrices [de 2006], mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur ».

6        Il ressort de la version non confidentielle de la décision litigieuse que, à l’instar de la demande de la requérante, celle de X a été rejetée par la Commission, contrairement à la demande de Y qui s’est vu octroyer une réduction d’amende pour absence de capacité contributive (considérant 795 de la décision litigieuse).

7        Le 11 novembre 2009, la Commission a adopté la décision litigieuse.

8        Par courrier du 27 novembre 2009 (ci-après la « demande initiale d’accès »), la requérante a, sur le fondement de l’article 27, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), demandé un nouvel accès à la version non confidentielle du dossier en vue d’exercer pleinement ses droits de la défense dans la perspective d’un recours contre la décision litigieuse et a, en particulier, sollicité l’accès aux demandes de X et Y de prise en compte de leur absence de capacité contributive, au sens du point 35 des lignes directrices de 2006.

9        Dans la demande initiale d’accès, la requérante a précisé que, dans l’hypothèse d’un refus de la Commission, cette dernière devait considérer cette demande comme étant une demande formelle, introduite sur le fondement de l’article 6 du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), d’accès aux documents relatifs aux demandes de X et Y de prise en compte de leur absence de capacité contributive, au sens du point 35 des lignes directrices de 2006, et aux réponses de la Commission.

10      Par courriel du 7 décembre 2009, la Commission a demandé à la requérante de clarifier sa demande d’un nouvel accès à la version non confidentielle du dossier de même que sa demande, au titre du règlement n° 1049/2001, d’accès aux documents relatifs aux demandes de X et Y de prise en compte de leur absence de capacité contributive, au sens du point 35 des lignes directrices de 2006, et aux réponses de la Commission.

11      Par courriel du 8 décembre 2009, la requérante a fait savoir à la Commission, d’une part, que sa demande d’accès à la version non confidentielle du dossier visait les arguments qu’avaient fait valoir X et Y dans leurs demandes de prise en compte de leur absence de capacité contributive, au sens du point 35 des lignes directrices de 2006, ainsi que les réponses de la Commission et, d’autre part, que sa demande, parallèle et autonome, fondée sur le règlement n° 1049/2001, visait l’« ensemble » de « la correspondance échangée entre la Commission et [X et Y] au sujet de leurs demandes d’incapacité contributive », que « celle-ci porte ou non sur le dossier non confidentiel relatif à l’affaire [ayant donné lieu à la décision litigieuse] ».

12      Par lettre du 9 décembre 2009, la Commission a rejeté la demande initiale d’accès, en tant qu’elle visait la version non confidentielle du dossier et qu’elle était fondée sur le règlement n° 1/2003.

13      Par lettre du 21 décembre 2009, la Commission a rejeté la demande initiale d’accès, en tant qu’elle était fondée sur le règlement n° 1049/2001, en invoquant les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, dudit règlement et en considérant qu’un accès partiel n’était pas envisageable.

14      Le 5 janvier 2010, la requérante a saisi la Commission d’une demande confirmative d’accès, au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, aux « versions non confidentielles des demandes de [X et Y] au titre du point 35 des lignes directrices de [2006], ainsi qu’à la correspondance non confidentielle échangée entre la Commission et [ces] deux entreprises au sujet de ces demandes » (ci-après la « demande confirmative d’accès »).

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 janvier 2010, la requérante a formé un recours contre la décision litigieuse dans l’affaire T‑30/10.

16      Dans le cadre de cette affaire, la requérante a demandé au Tribunal, notamment, d’ordonner une mesure d’instruction sur l’application, par la Commission, du point 35 des lignes directrices de 2006 à l’égard de X et de Y.

17      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision litigieuse.

18      Par ordonnance du président du Tribunal du 12 mai 2010, Reagens/Commission (T‑30/10 R, non publiée au Recueil), cette demande a été rejetée.

19      Par décision du 23 février 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande confirmative d’accès.

20      Au point 3 de la décision attaquée, intitulé « Domaine de [la] demande confirmative d’accès », la Commission a considéré que ladite demande visait 34 documents, qui pouvaient être classés en trois catégories (ci-après, pris ensemble, les « documents sollicités »), à savoir :

–        les versions non confidentielles des demandes introduites sur le fondement du point 35 des lignes directrices de 2006 (ci-après les « demandes des entreprises ») ;

–        les demandes de renseignements adressées par la Commission à la suite des demandes des entreprises (ci-après les « demandes de la Commission ») ;

–        les versions non confidentielles des réponses des entreprises concernées aux demandes de la Commission (ci-après les « réponses des entreprises »).

21      Au même point 3, la Commission a précisé que les demandes des entreprises « impliqu[aient], per se, pour les entreprises concernées, une déclaration de mauvaise santé financière, de sorte que de telles demandes [étaient] sensibles pour ces entreprises », la « connaissance par le public d’une simple demande à ce titre pouvant affecter gravement leurs situations financière et commerciale ». Par conséquent, selon la Commission, « les documents afférant à ces demandes relèvent de l’obligation de secret professionnel, au sens de l’article 339 TFUE, telle qu’interprétée dernièrement dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission (T‑198/03, Rec. p. II‑1429, point 71) ». Partant, la Commission a considéré qu’il n’était « pas possible, en application du règlement n° 1049/2001, de fournir une description plus précise, ni une liste plus détaillée des documents en question ».

22      Dans ce même point, la Commission a conclu au rejet de la demande confirmative d’accès pour les motifs exposés aux points 23 à 26 ci-après.

23      Au point 4 de la décision attaquée, intitulé « Protection des intérêts commerciaux », la Commission a considéré que tous les documents sollicités relevaient de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, à savoir de la protection des intérêts commerciaux de tiers.

24      Au point 5 de la décision attaquée, intitulé « Protection des objectifs des activités d’enquête », la Commission a considéré que les demandes de la Commission relevaient de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, à savoir de la protection des objectifs des activités d’enquête.

25      Au point 6 de la décision attaquée, intitulé « Accès partiels aux documents sollicités », la Commission a exclu, en application de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, la possibilité d’un accès partiel aux documents sollicités, à l’aune, notamment, des principes de bonne administration et de proportionnalité.

26      Au point 7 de la décision attaquée, intitulé « Intérêt public supérieur à l’accès », la Commission a exclu, en application de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001, l’existence, en l’espèce, d’un intérêt public supérieur justifiant un accès aux documents sollicités.

 Procédure et conclusions des parties

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2010, la requérante a formé le présent recours.

28      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

29      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, d’une part, le Tribunal a, notamment, demandé à la requérante de préciser si elle concluait effectivement, à titre subsidiaire, à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui avait également refusé un accès partiel aux documents sollicités.

30      Dans les délais qui lui étaient impartis, la requérante a confirmé qu’elle concluait, à titre subsidiaire, à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui avait également refusé un accès partiel aux documents sollicités.

31      D’autre part, la Commission a été invitée à produire devant le Tribunal avant l’audience certains des documents sollicités, mentionnés dans ses écrits et relevant de la catégorie des demandes de la Commission visée au point 20 du présent arrêt.

32      Dans les délais qui lui étaient impartis, la Commission a produit des documents relevant de ladite catégorie, adressés à X et à Y.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 janvier 2013.

34      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à la Commission de rendre publique la version non confidentielle des documents sollicités ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui a également refusé un accès partiel aux documents sollicités ;

–        en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens.

35      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter, comme étant irrecevables, les conclusions de la requérante en ce que celle-ci demande au Tribunal de lui adresser une injonction ;

–        rejeter, comme étant non fondé, le recours pour le surplus ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

36      Par son recours, la requérante demande au Tribunal, à titre principal, d’annuler la décision attaquée et d’ordonner à la Commission de rendre publique la version non confidentielle des documents sollicités ainsi que, à titre subsidiaire, d’annuler la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui a également refusé un accès partiel aux documents sollicités.

37      Dans la réplique, la requérante excipe également de l’irrecevabilité du mémoire en défense de la Commission, dès lors que cette dernière n’aurait pas répondu à la requête dans les formes et les délais requis.

 Sur la recevabilité du mémoire en défense de la Commission

38      Selon la requérante, le mémoire en défense qu’elle a reçu de la Commission mentionne qu’il s’agit d’une « copie conforme à l’original ». Or, si c’est le cas, la Commission n’a pas, selon la requérante, déposé un mémoire en défense respectant les formes exigées dans le délai requis, dès lors que ce mémoire ne serait pas signé, en violation de l’article 43 du règlement de procédure.

39      Dans le cas contraire, si la Commission soutient qu’un autre mémoire a finalement été dûment signé, cette dernière aurait également violé l’article 43, dès lors que le document signifié à la requérante ne serait pas une copie de ce document signé, que la Commission n’a pas communiqué un original et six copies du document comme requis et que le mémoire en défense n’a pas été déposé dans le délai prescrit.

40      La requérante prétend que, par conséquent, ses conclusions doivent lui être adjugées.

41      Si le Tribunal devait juger que le mémoire en défense de la Commission a été valablement déposé et que l’article 43 du règlement de procédure n’a pas été enfreint, la requérante affirme qu’il y aurait lieu de considérer qu’il ne lui a pas été signifié.

42      La Commission affirme avoir déposé son mémoire en défense dans les formes et les délais requis, de sorte qu’elle considère que les arguments de la requérante à cet égard sont dénués de tout fondement et que l’exception de la requérante doit être rejetée.

43      À cet égard, d’une part, il convient de relever que l’original du mémoire en défense de la Commission, déposé au greffe du Tribunal dans les délais impartis, était dûment signé.

44      D’autre part, il ne ressort d’aucune disposition du règlement de procédure, ni des instructions pratiques aux parties, que les copies conformes à l’original, déposées au greffe du Tribunal avec l’original signé de l’acte de procédure et signifiées aux autres parties, doivent être également signées.

45      Partant, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la requérante quant au mémoire en défense de la Commission.

 Sur la demande d’ordonner à la Commission de rendre publique la version non confidentielle des documents sollicités

46      Par la requête, la requérante conclut à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de rendre publique la version non confidentielle des documents sollicités. 

47      La Commission conclut au rejet de ce chef de conclusions.

48      À cet égard, force est de considérer qu’accueillir les prétentions de la requérante, qui demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de rendre publique la version non confidentielle des documents sollicités, reviendrait, pour le Tribunal, à adresser une injonction à la Commission.

49      Or, dans le cadre d’un contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, comme en l’espèce, le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer des injonctions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 janvier 2004, Mattila/Conseil et Commission, C‑353/01 P, Rec. p. I‑1073, points 15 et 16).

50      Partant, il convient de rejeter la demande de la requérante pour autant qu’elle vise à ce qu’il soit ordonné à la Commission de rendre publique la version non confidentielle des documents sollicités.

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

51      Dans le cadre du recours, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée, la requérante soutient, à titre principal, que la décision attaquée est illégale en ce que la Commission lui a refusé l’accès à l’ensemble des documents sollicités et, à titre subsidiaire, qu’elle est illégale en ce que la Commission lui a également refusé un accès partiel auxdits documents.

52      Au soutien de ses conclusions et en substance, premièrement, la requérante invoque un moyen tiré d’une violation de l’obligation incombant à la Commission de procéder à un examen concret et individuel des documents sollicités. Deuxièmement, la requérante soutient que la décision attaquée enfreint l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, en ce sens que la Commission ne pouvait légalement justifier un refus d’accès à l’ensemble des documents sollicités sur le fondement de la protection d’intérêts commerciaux, au sens de cette disposition. Troisièmement, elle fait valoir une violation, dans la décision attaquée, de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, en ce que ne pouvait être légalement justifié un refus d’accès aux demandes de la Commission sur le fondement de la protection des objectifs des activités d’enquête, au sens de cette disposition. Quatrièmement, la requérante prétend que, en tout état de cause, la décision attaquée est entachée d’illégalité, dès lors qu’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001, requerrait la divulgation des documents sollicités. Cinquièmement et à titre subsidiaire, la décision attaquée serait, selon la requérante, illégale, en ce que la Commission lui a refusé un accès partiel aux documents sollicités en violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 et du principe de bonne administration.

 Considérations liminaires sur les documents sollicités

53      Avant d’apprécier le bien-fondé des moyens de la requérante, il convient, sur la base de la catégorisation des documents sollicités effectuée dans la décision attaquée, rappelée au point 20 du présent arrêt, ainsi que des précisions apportées par la Commission dans ses écrits et par ses réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience, de distinguer les documents sollicités comme suit.

54      Premièrement, en application du point 35 des lignes directrices de 2006, l’entreprise concernée soumet une demande en ce sens à la Commission, cette demande relevant, dans la décision attaquée, de la catégorie des demandes des entreprises.

55      Deuxièmement, la Commission adresse à l’entreprise concernée un premier questionnaire, « standard », selon les termes de la Commission dans ses écrits devant le Tribunal (ci-après le « premier questionnaire de la Commission » ou le « questionnaire standard de la Commission »), étant précisé que, dans la décision attaquée, la Commission semble avoir rangé le premier questionnaire dans la catégorie des demandes de la Commission, ce qu’elle a confirmé dans ses écrits devant le Tribunal.

56      Troisièmement, l’entreprise concernée adresse à la Commission sa réponse au premier questionnaire (ci-après la « réponse de l’entreprise au premier questionnaire »), étant précisé que, dans la décision attaquée, la Commission semble avoir rangé la réponse au premier questionnaire dans la catégorie des réponses des entreprises, ce qu’elle a confirmé dans ses écrits devant le Tribunal.

57      Quatrièmement, sur la base de la réponse au premier questionnaire, la Commission adresse à l’entreprise concernée un second questionnaire, « ciblé », selon les termes de la Commission dans ses écrits devant le Tribunal (ci-après le « second questionnaire de la Commission » ou le « questionnaire ciblé de la Commission »), étant précisé que, dans la décision attaquée, la Commission semble avoir rangé le second questionnaire dans la catégorie des demandes de la Commission, ce qu’elle a confirmé dans ses écrits devant le Tribunal.

58      Cinquièmement, l’entreprise concernée adresse à la Commission sa réponse au second questionnaire (ci-après la « réponse de l’entreprise au second questionnaire »), étant précisé que, dans la décision attaquée, la Commission semble avoir rangé la réponse au second questionnaire dans la catégorie des réponses des entreprises, ce qu’elle a confirmé dans ses écrits devant le Tribunal.

59      Ainsi, les documents sollicités peuvent être distingués comme suit :

–        les demandes des entreprises ;

–        le premier questionnaire de la Commission ;

–        la réponse de l’entreprise au premier questionnaire ;

–        le second questionnaire de la Commission ;

–        la réponse de l’entreprise au second questionnaire.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’obligation, incombant à la Commission, de procéder à un examen concret et individuel des documents sollicités

60      Dans le cadre de son moyen tiré d’une violation de l’obligation incombant à la Commission de procéder à un examen concret et individuel des documents sollicités, d’une part, la requérante rappelle que, selon une jurisprudence constante, l’article 4 du règlement n° 1049/2001 constitue une exception au principe de l’accès le plus large possible aux documents des institutions et doit dès lors être interprété et appliqué restrictivement (arrêts du Tribunal du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, Rec. p. II‑2023, point 84, et du 12 septembre 2007, API/Commission, T‑36/04, Rec. p. II‑3201, point 53).

61      D’autre part, la requérante souligne que le Tribunal a déjà jugé qu’une institution, lorsqu’elle reçoit une demande fondée sur le règlement n° 1049/2001, est tenue, en principe, de procéder à une appréciation concrète et individuelle du contenu des documents visés dans la demande (arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, ci‑après l’« arrêt VKI », point 74).

62      Or, en affirmant, dans la décision attaquée, avoir été dans l’impossibilité de fournir une description ou une liste des documents sollicités plus précise, la Commission aurait admis ne pas avoir procédé à un examen concret et individuel des documents sollicités.

63      Pour sa part, la Commission soutient qu’elle a procédé à un tel examen et que, en tout état de cause, elle n’était pas tenue d’y procéder, dès lors qu’elle pouvait présumer l’inaccessibilité des documents sollicités eu égard à leur nature, ce que conteste la requérante.

64      À cet égard, à titre liminaire, il convient de rappeler que l’obligation pour une institution de procéder à une appréciation concrète et individuelle du contenu des documents visés dans toute demande fondée sur le règlement n° 1049/2001 constitue une solution de principe, qui s’applique quel que soit le domaine auquel se rattachent les documents sollicités, même si cette solution de principe ne signifie pas qu’un tel examen est requis en toutes circonstances (arrêt VKI, points 74 et 75).

65      Par conséquent, l’examen du grief tiré de la violation de cette obligation constitue une étape préalable à l’examen des moyens tirés de la violation des dispositions de l’article 4 du règlement n° 1049/2001. Il s’ensuit que le Tribunal doit en tout état de cause contrôler, dans le cadre de l’examen des moyens tirés de la violation de ces dispositions, si la Commission a soit effectué un examen concret et individuel de chacun des documents demandés, soit démontré que les documents refusés étaient manifestement couverts dans leur intégralité par une exception.

66      L’appréciation du grief tiré du défaut d’examen concret et individuel des documents sollicités concerne, en effet, une question transversale qu’il convient d’examiner avant d’apprécier si la Commission a fait une exacte application des différentes exceptions invoquées dans la décision attaquée pour fonder le refus de divulgation des documents sollicités.

67      Dès lors, il y a lieu, pour le Tribunal, d’apprécier si, en l’espèce, la Commission a, comme elle le prétend, procédé à un examen concret et individuel des documents sollicités.

68      En l’espèce, ainsi que cela a déjà été précisé au point 20 du présent arrêt, la Commission a, tout d’abord, précisé, dans la décision attaquée, que la demande confirmative d’accès visait 34 documents.

69      Dans la décision attaquée, la Commission a, ensuite, classé les documents sollicités en trois catégories, à savoir les demandes des entreprises, les demandes de la Commission et les réponses des entreprises, ainsi que cela a déjà été précisé au point 20 du présent arrêt.

70      Enfin, la Commission a identifié, dans une catégorie donnée, des documents particuliers dont le contenu était, selon elle, protégé par une exception supplémentaire, outre l’exception invoquée pour tous les documents.

71      Ainsi, la Commission a considéré que, si l’ensemble des documents sollicités relevaient de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, les demandes de la Commission relevaient également du troisième tiret de cette même disposition.

72      Au surplus, dans la décision attaquée et au titre de son appréciation de la question d’un accès partiel, la Commission a également considéré que, « après avoir procédé à un examen approfondi des documents en question », « seulement certains éléments épars, dont la lecture serait dénuée de pertinence, ne relèveraient d’aucune exception » (point 6, deuxième phrase, de la décision attaquée).

73      Partant, il ne saurait être soutenu que la Commission n’a pas procédé à un examen concret et individuel des documents sollicités.

74      En effet, seul un examen concret et individuel des documents sollicités a été de nature à permettre une telle précision de la part de la Commission, quant au nombre de documents, quant à leur catégorisation et quant à leur rattachement à une ou deux exceptions.

75      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle, en affirmant, dans la décision attaquée, avoir été dans l’impossibilité de fournir une description ou une liste des documents sollicités plus précise, la Commission aurait admis ne pas avoir procédé à un examen concret et individuel des documents sollicités.

76      En effet, une telle déduction est manifestement excessive, dès lors que la Commission a tout à fait pu, en l’espèce, procéder à un examen individuel et concret des documents sollicités et ainsi respecté l’obligation lui incombant, sans pour autant fournir une description ou une liste des documents sollicités plus précise.

77      Partant, le moyen de la requérante tiré d’une violation par la Commission de l’obligation lui incombant de procéder à un examen individuel et concret des documents sollicités doit être rejeté, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si la Commission pouvait se dispenser d’un tel examen sur le fondement d’une présomption générale de non-accessibilité eu égard à la nature des documents sollicités.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, relatif à la protection d’intérêts commerciaux

78      Au soutien de la demande d’annulation de la décision attaquée, la requérante prétend que la Commission a enfreint l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, aux termes duquel les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection « des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée », en considérant que les documents sollicités relevaient tous de cette disposition.

79      Pour justifier cette exception dans la décision attaquée, tout d’abord, la Commission a fait valoir que le simple fait qu’une entreprise a introduit une demande au titre du point 35 des lignes directrices de 2006 ne saurait être divulgué en application du règlement n° 1049/2001, dès lors qu’une telle divulgation porterait gravement atteinte aux intérêts commerciaux des entreprises en cause, en ce sens que leurs créanciers pourraient se désengager. Ainsi, en cas de divulgation publique de l’identité d’une entreprise sollicitant l’application du point 35 des lignes directrices de 2006, les entreprises seraient confrontées à un dilemme incontournable : soit invoquer ledit point 35, avec le risque d’un désengagement des créanciers, soit ne pas l’invoquer, avec le risque d’une aggravation de leur situation financière (point 4, troisième alinéa, de la décision attaquée).

80      Ensuite, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, parmi les documents sollicités, les demandes des entreprises et les réponses des entreprises contenaient des informations détaillées, spécifiques et sensibles sur la situation financière des entreprises en question (point 4, quatrième alinéa, de la décision attaquée).

81      Enfin, dans la décision attaquée, les demandes de la Commission et les réponses des entreprises ont fait l’objet de considérations similaires. Pour ce qui est des demandes de la Commission, il ressort de la décision attaquée que, après avoir envoyé un premier questionnaire, la Commission a adressé aux entreprises concernées des questions plus ciblées et nécessairement propres auxdites entreprises, de sorte que les documents afférents relèvent de la confidentialité commerciale, ces documents révélant la situation financière propre à chaque entreprise concernée. Partant, aux termes de la décision attaquée, tant le premier questionnaire de la Commission, en ce qu’il identifie l’entreprise concernée, que le second questionnaire de la Commission, qui est adressé, de manière détaillée, à chaque entreprise, et les réponses des entreprises à ces différentes demandes relèvent de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 (point 4, cinquième alinéa, de la décision attaquée).

82      Or, selon la requérante, la divulgation de l’identité des entreprises concernées et le contenu des demandes des entreprises ne sauraient porter atteinte à leurs intérêts commerciaux, ces demandes étant nécessairement abstraites, le montant de l’amende encourue ne leur étant pas connu à ce stade de la procédure.

83      La requérante soutient également, en ce sens, qu’une telle divulgation ne diffère pas des informations rendues publiques par la Commission concernant les entreprises impliquées dans des enquêtes et sanctionnées dans des décisions en matière d’ententes, en termes de protection des intérêts commerciaux, pour ce qui a trait à l’éventualité ou à l’obligation de payer une lourde amende, à la menace d’actions en dommages et intérêts et à l’atteinte à la réputation commerciale.

84      La requérante ajoute que le risque de désengagement des créanciers des entreprises concernées est dénué de pertinence, dès lors qu’ils pourraient en tout état de cause connaître avec précision la situation financière desdites entreprises.

85      À cet égard, à titre liminaire, il convient de rappeler que le règlement nº 1049/2001, adopté sur le fondement de l’article 255, paragraphe 2, CE, vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible. Le considérant 2 de ce règlement rappelle que ce droit d’accès se rattache au caractère démocratique des institutions. Il ressort également dudit règlement, notamment du considérant 11 et de l’article 4 de celui-ci, qui prévoit un régime d’exceptions à cet égard, que ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé.

86      Pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001. L’institution concernée doit également fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès audit document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article (arrêts de la Cour du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, Rec. p. I‑4723, point 49 ; du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, Rec. p. I‑5885, point 53, et du 21 septembre 2010, Suède e.a./API, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, Rec. p. I‑8533, point 72).

87      Conformément à une jurisprudence constante, dès lors qu’elles dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, les exceptions au droit d’accès, figurant à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêts de la Cour du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, Rec. p. I‑1233, point 63, et du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, Rec. p. I‑11389, point 66).

88      C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient de se prononcer en l’espèce, étant précisé, d’une part, que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que tous les documents sollicités relevaient de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, c’est-à-dire de l’exception tirée de la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées, et, d’autre part, ainsi que le Tribunal l’a observé au point 59 du présent arrêt, que les documents sollicités peuvent être classés en cinq catégories, à savoir les demandes des entreprises, le premier questionnaire de la Commission, la réponse de l’entreprise au premier questionnaire, le second questionnaire de la Commission et la réponse de l’entreprise au second questionnaire.

89      Or, en premier lieu, pour ce qui est des demandes des entreprises, il convient de considérer qu’un risque de désengagement des créanciers des entreprises concernées ne saurait découler du simple fait que l’entreprise en question a introduit une demande d’application du point 35 des lignes directrices de 2006, de sorte que la décision attaquée n’est pas fondée à cet égard.

90      En effet, un tel risque existe dès que les créanciers des entreprises concernées ont connaissance de l’existence d’une enquête dans laquelle lesdites entreprises sont impliquées et au terme de laquelle elles encourent de lourdes sanctions. À considérer que ce risque soit amplifié par la connaissance d’une demande d’application du point 35 des lignes directrices de 2006, il suffirait pour la Commission d’occulter le nom des entreprises concernées dans ladite demande, étant rappelé que la requérante en a demandé la version non confidentielle.

91      Au surplus, aux fins de préserver l’actif disponible de leurs débiteurs, les créanciers des entreprises concernées ont tout intérêt à ce que celles-ci, si leur situation financière le justifie, introduisent une demande au titre du point 35 des lignes directrices de 2006.

92      Il y a lieu, également, de considérer, ainsi que l’a fait valoir à juste titre la requérante, que, dès lors que l’entreprise concernée ne connaît pas à ce stade de la procédure le montant précis de l’amende encourue, ces demandes ont nécessairement un contenu abstrait.

93      Par conséquent, mais contrairement aux réponses des entreprises aux questionnaires de la Commission, les demandes des entreprises ne sauraient contenir des informations détaillées, spécifiques et sensibles sur la situation financière des entreprises concernées.

94      Dans le cas contraire, la demande de la requérante portant sur la version non confidentielle des documents concernés, la Commission pourrait tout à fait expurger du document en question les éléments relatifs à la situation financière précise de l’entreprise, voire le nom de l’entreprise.

95      Aussi convient-il de considérer que la Commission ne pouvait refuser l’accès aux demandes des entreprises aux fins de protéger leurs intérêts commerciaux.

96      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la Commission selon laquelle les entreprises concernées dans la présente affaire se sont opposées à la divulgation de leurs correspondances avec la Commission.

97      En effet, ce simple fait ne saurait justifier un refus d’accès aux demandes des entreprises.

98      Certes, aux termes de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001, « [d]ans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué ».

99      Toutefois, en vertu de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, seuls « les États membres peuvent demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci », et non les entreprises, telles que celles concernées dans la présente affaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, non encore publié au Recueil, point 54).

100    Partant, il convient de juger que la Commission a, dans la décision attaquée, erronément refusé l’accès aux versions non confidentielles des demandes des entreprises sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

101    En deuxième lieu, pour ce qui est du premier questionnaire de la Commission, force est de constater que la Commission a erronément justifié le refus d’accès à ce document eu égard à la nécessité de protéger les intérêts commerciaux des entreprises concernées, dès lors que, selon les termes mêmes de la Commission dans ses écrits devant le Tribunal, ledit questionnaire est un questionnaire « standard », de sorte qu’il ne saurait receler des éléments d’informations confidentielles concernant une entreprise en particulier.

102    Au demeurant, à la lecture des deux premiers questionnaires produits par la Commission à la demande du Tribunal dans le cadre des mesures d’instruction, il s’avère que lesdits questionnaires sont d’un contenu identique et relativement générique.

103    Partant, il convient de juger que la Commission a, dans la décision attaquée, erronément refusé l’accès à son premier questionnaire sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

104    En troisième lieu, pour ce qui est de la réponse de l’entreprise au premier questionnaire, il paraît évident que, contrairement aux demandes des entreprises, ladite réponse contient des éléments spécifiques à la situation financière des entreprises concernées dont la divulgation pourrait affecter leurs intérêts commerciaux, en ce que ces éléments sont précis et détaillés.

105    En quatrième et dernier lieu, les mêmes considérations valent pour ce qui est du second questionnaire de la Commission, lequel repose sur la réponse de l’entreprise au premier questionnaire, et, a fortiori, de la réponse de l’entreprise au second questionnaire.

106    Partant, il convient de juger que la Commission a pu valablement justifier, dans la décision attaquée, le refus d’accès, d’une part, aux réponses des entreprises aux premier et second questionnaires et, d’autre part, au second questionnaire de la Commission, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, mais que c’est de manière erronée qu’elle a justifié, dans la décision attaquée, le refus d’accès, d’une part, aux versions non confidentielles des demandes des entreprises et, d’autre part, au premier questionnaire de la Commission, sur le fondement de cette même disposition.

107    Il n’en demeure pas moins que cette erreur ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée si la Commission a, à bon droit, justifié, dans ladite décision, le refus d’accès aux documents non couverts par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 par une autre exception prévue au troisième tiret de cette même disposition.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, relatif à la protection des objectifs des activités d’enquête

108    Aux fins de l’annulation de la décision attaquée, la requérante fait valoir un moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, aux termes duquel les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection « des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit », en ce que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que, parmi les documents sollicités, les demandes de la Commission relevaient également de cette disposition.

109    Pour justifier, dans la décision attaquée, l’application de cette disposition, la Commission a considéré que les informations demandées, dans son premier questionnaire, aux entreprises ayant invoqué le point 35 des lignes directrices de 2006 couvriraient un large éventail de données financières et commerciales, qui révéleraient son approche quant à la mise en œuvre dudit point 35, de sorte que la divulgation publique de ces documents inciterait certaines entreprises à adopter des comportements stratégiques dans le cadre d’enquêtes en cours ou futures. Eu égard à la durée des procédures d’enquêtes, les entreprises pourraient ainsi être tentées d’adapter leur position financière aux fins de l’obtention d’une réduction en application du point 35 des lignes directrices de 2006 (point 5, second alinéa, deuxième à cinquième phrase, de la décision attaquée).

110    Aux fins de l’exercice par la Commission de ses pouvoirs d’enquête en matière d’ententes, un tel risque de comportements stratégiques devrait être minimisé (point 5, second alinéa, sixième phrase, de la décision attaquée).

111    Or, selon la requérante, si la véritable raison du refus d’accès aux demandes de la Commission est, en cas de divulgation du premier questionnaire de la Commission, le risque que d’autres entreprises effectuent des manipulations comptables pour bénéficier d’une réduction au titre du point 35 des lignes directrices de 2006, les services de la Commission seraient tout à fait en mesure de détecter, le cas échéant, de telles manipulations.

112    La requérante soutient que, en réalité, la Commission ne souhaite pas dévoiler son approche générale de la situation financière des entreprises et les théories économiques et financières qu’elle adopte.

113    En tout état de cause, la requérante estime que, si certains éléments des réponses des entreprises pourraient s’avérer confidentiels, les questions posées dans le premier questionnaire de la Commission ne sauraient l’être.

114    À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que l’exception tirée de la protection des objectifs des activités d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, doit être mise en œuvre selon l’économie et les objectifs du règlement n° 1049/2001 rappelés aux points 85 à 87 du présent arrêt.

115    En premier lieu, il faut également relever que la Commission a elle-même expressément admis dans ses écrits devant le Tribunal qu’elle n’avait fait application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 que pour son premier questionnaire.

116    En tout état de cause, les demandes de la Commission ne sauraient relever dans leur ensemble de l’exception tirée de la protection des objectifs des activités d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

117    En effet, il ne saurait être envisageable que les demandes ciblées, propres à chaque entreprise, que la Commission adresse, dans son second questionnaire, à la suite des réponses à son premier questionnaire soient rattachables à ladite exception. Indépendamment de la question de savoir si elles relèvent de la protection des intérêts commerciaux, ces demandes, eu égard à leur contenu et à leur finalité, ne sauraient affecter une enquête similaire en cours ou à venir de la Commission.

118    Partant, il y a lieu de considérer que la Commission ne pouvait valablement justifier, dans la décision attaquée, son refus d’accès à son second questionnaire, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, et de faire droit aux arguments de la requérante en ce sens.

119    Il n’en demeure pas moins que le refus d’accès à ce document a été justifié sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, ainsi que cela a été jugé au point 106 du présent arrêt, de sorte que l’application erronée, dans la décision attaquée, de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 au second questionnaire de la Commission ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle porte sur ce document.

120    En second lieu, de telles considérations ne sauraient en revanche valoir pour ce qui est du premier questionnaire de la Commission, dès lors qu’il a été jugé, au point 103 du présent arrêt, que la Commission ne pouvait valablement justifier, dans la décision attaquée, son refus d’accès à son premier questionnaire sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

121    Il convient dès lors d’apprécier si la Commission a pu, à bon droit, refuser l’accès à son premier questionnaire sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

122    En ce sens la Commission s’efforce de préciser la motivation de la décision attaquée, d’une part, en soutenant que son premier questionnaire révélerait l’approche adoptée par elle, ce qui impliquerait un risque de comportements stratégiques de la part d’autres entreprises.

123    D’autre part, le premier questionnaire de la Commission serait constamment adapté au fil des affaires.

124    Selon la Commission, le risque de comportements stratégiques de la part d’entreprises qu’impliquerait la divulgation de son premier questionnaire lui causerait des difficultés pour réaliser ses activités d’enquête dans les procédures, en cours ou à venir, en matière d’ententes.

125    Ces motifs ne sauraient toutefois fonder, en l’espèce, l’application, pour ce qui est du premier questionnaire de la Commission, de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

126    En effet, d’une part, l’argument selon lequel la divulgation du premier questionnaire affecterait le déroulement d’enquêtes similaires en cours ou à venir ne saurait prospérer, eu égard, à son contenu, « standard », selon les termes mêmes de la Commission.

127    À cet égard, il convient d’observer que, en l’espèce, les deux premiers questionnaires produits par la Commission à la demande du Tribunal dans le cadre de mesures d’instructions s’avèrent d’un contenu identique et relativement générique.

128    D’autre part, l’argument de la Commission selon lequel la divulgation de son premier questionnaire permettrait aux entreprises d’adopter des comportements stratégiques aux fins d’obtenir une réduction en application du point 35 des lignes directrices de 2006 ne saurait non plus convaincre, dès lors que la Commission a elle-même fait valoir que ledit questionnaire était constamment adapté par ses services et que, pour contrecarrer, le cas échéant, de tels comportements, elle disposait de ressources suffisantes et, en tout état de cause, pouvait contrôler les données fournies et demander des éclaircissements dans le cadre de son second questionnaire.

129    Partant, il convient, pour ce qui est du premier questionnaire de la Commission, d’accueillir le moyen que la requérante tire d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001, relatif à l’existence d’un intérêt public supérieur

130    Aux fins de l’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque un moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001, en ce que l’existence, en l’espèce, d’un intérêt public supérieur, au sens de cette disposition, s’opposait à ce que fût refusé l’accès aux documents sollicités.

131    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l’intérêt de la requérante était de « nature privée » et que, de son avis, il n’y avait « aucun élément à même de démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur au sens du règlement [n° 1049/2001], c’est-à-dire d’un intérêt de caractère objectif et général qui ne saurait être confondu avec des intérêts particuliers ou privés, et qui supplanterait la nécessité de protéger les intérêts de sociétés ayant introduit une demande [au titre du point 35 des lignes directrices de 2006] en préservant la confidentialité de leur demande et des documents y relatifs, dont la divulgation impliquerait pour elles un préjudice sensible et irréparable, de même que la protection des pouvoirs d’enquête de la Commission dans les procédures d’entente dans l’intérêt du public » (point 7, troisième alinéa, deuxième et troisième phrases, de la décision attaquée).

132    Par conséquent, la Commission a considéré « que, en l’espèce, les intérêts prédominants [étaie]nt la protection des intérêts commerciaux des entreprises en cause et l’objectif d’enquête en matière d’ententes, tels que protégés par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001 » (point 7, quatrième alinéa, de la décision attaquée).

133    Or, la requérante fait valoir, à titre subsidiaire, dès lors qu’elle retient que les exceptions invoquées par la Commission ne sont pas applicables en l’espèce, qu’un intérêt public supérieur justifie en tout état de cause l’accès aux documents sollicités. Il existerait, en effet, un intérêt public majeur à ce que la politique qui sous-tend l’application par la Commission des lignes directrices de 2006 soit rendue publique dans son ensemble et dans tous ses aspects.

134    Selon la requérante, l’objectif de sécurité juridique affiché par la Commission dans le cadre des lignes directrices de 2006 serait grandement affecté si la mise en œuvre de leur point 35 ne faisait l’objet d’aucune transparence, en violation, également, des principes de bonne administration et de confiance légitime.

135    En ne divulguant pas même le nom des entreprises l’ayant saisie d’une demande d’application dudit point 35, la Commission enfreindrait tout autant l’obligation de motivation qui lui incombe.

136    La Commission rejette cette argumentation.

137    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection, notamment, des intérêts commerciaux d’une personne ou des objectifs des activités d’enquête, « à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ».

138    Ainsi, dès lors qu’il a été jugé, aux points 106 et 129 du présent arrêt, que la Commission ne pouvait valablement refuser l’accès aux versions non confidentielles des demandes des entreprises, ni au premier questionnaire de la Commission, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, il n’y a pas lieu de statuer sur l’existence d’un intérêt public supérieur en ce qui concerne ces documents.

139    Il appartient au Tribunal de ne statuer sur le moyen de la requérante tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001 que pour ce qui est des autres documents sollicités, à savoir la réponse de l’entreprise au premier questionnaire, le second questionnaire de la Commission et la réponse de l’entreprise au second questionnaire.

140    À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que l’intérêt du public à obtenir communication d’un document au titre du principe de transparence, qui tend à assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel et à garantir une plus grande légitimité, une plus grande efficacité et une plus grande responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique, n’a pas le même poids en ce qui concerne un document relevant d’une procédure administrative visant l’application des règles régissant le droit de la concurrence en général qu’en ce qui concerne un document relatif à une procédure dans le cadre de laquelle l’institution de l’Union européenne intervient en qualité de législateur.

141    Or, en l’espèce, force est de constater que tant la réponse de l’entreprise au premier questionnaire que le second questionnaire de la Commission et la réponse de l’entreprise au second questionnaire s’inscrivent manifestement dans le cadre d’une procédure administrative.

142    En second lieu, il convient également de rappeler que, s’agissant de la nécessité d’obtenir la divulgation des documents demandés au titre de l’intérêt supérieur tenant à l’exigence d’une bonne administration de la justice, l’objectif de mieux préparer son recours contre une décision n’était pas, en tant que tel, constitutif d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation qui était susceptible de primer la protection de la confidentialité, au sens de l’article 4 du règlement n° 1049/2001. Compte tenu du principe général d’accès aux documents tel que consacré à l’article 15 TFUE et des considérants 1 et 2 dudit règlement, cet intérêt doit avoir un caractère objectif et général et ne saurait être confondu avec des intérêts particuliers ou privés, par exemple, relatifs à la poursuite d’un recours contre les institutions de l’Union, de tels intérêts particuliers ou privés ne constituant pas un élément pertinent dans le cadre de la mise en balance des intérêts prévue par l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, de ce règlement.

143    En effet, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, les bénéficiaires du droit d’accès aux documents des institutions sont « tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre ». Il en ressort que ce règlement a vocation à garantir l’accès de tous aux documents publics et non seulement l’accès du demandeur à des documents le visant (arrêt du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, point 50).

144    Dès lors, l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur à l’accès à des documents le concernant personnellement ne saurait généralement être décisif dans le cadre tant de l’appréciation de l’existence d’un intérêt public supérieur que de la mise en balance des intérêts au titre de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 (arrêt du Tribunal du 9 septembre 2008, MyTravel Group/Commission, T‑403/05, Rec. p. II‑2027, point 66).

145    Ainsi, à supposer même que les documents demandés s’avèrent nécessaires à la défense de la requérante dans le cadre d’un recours, question qui relève de l’examen de ce recours, cette circonstance n’est pas pertinente pour apprécier la balance des intérêts publics.

146    Or, en l’espèce, force est de constater que, dans sa demande initiale d’accès, la requérante a exclusivement fait valoir un intérêt privé, ainsi que cela a été rapporté au point 8 du présent arrêt, à savoir exercer pleinement ses droits dans le cadre d’un recours contre la décision litigieuse.

147    Toutefois, force est également de constater que la requérante n’a plus fait état de cet intérêt et a mentionné un intérêt public supérieur dans sa demande confirmative d’accès. En ce sens, elle a fait valoir qu’un « intérêt public supérieur à l’accès aux documents sous-jacents à la décision de la Commission d’accorder une réduction à [Y] », en application du point 35 des lignes directrices, « se rattache aux principes de bonne administration, de transparence et à une mise en œuvre appropriée de la politique de concurrence de l’Union ». La « Commission ayant infligé à [Y] une amende de 1 000 000 euros, pour avoir participé à un cartel qui aurait duré douze ans et dans le cadre duquel elle aurait été l’un des principaux meneurs », le « public aurait tout simplement un droit de savoir pourquoi, pour autant qu’il n’est pas porté atteinte aux intérêts commerciaux de [Y] », là étant « la raison pour laquelle la requérante demande la version non confidentielle des documents sollicités ».

148    Cette argumentation ne saurait prospérer.

149    Il ressort, en effet, des pièces du dossier que la requérante a clairement entendu, et ce de manière expresse et exclusive dans la demande initiale d’accès, faire état de ces documents dans le cadre du recours qu’elle a intenté contre la décision litigieuse, recours dans le cadre duquel elle a également demandé au Tribunal, au titre des mesures d’organisation de la procédure, d’ordonner à la Commission de produire certains des documents sollicités dans la présente affaire.

150    En tout état de cause, s’agissant de l’intérêt public supérieur invoqué par la requérante dans sa demande confirmative d’accès, il convient de relever que, certes, en termes de transparence de la politique de la Commission, telle que cette dernière la revendique au demeurant dans les lignes directrices de 2006, connaître les éléments qu’elle demande aux entreprises et qu’elle prend en compte pour l’application du point 35 desdites lignes procède des principes de bonne administration et de sécurité juridique.

151    Toutefois, force est de constater que de telles considérations ne sauraient valoir que pour autant que les éléments en question reflètent la politique de la Commission et ne sont pas propres à l’entreprise en cause.

152    Or, il ne saurait en être ainsi de la réponse de l’entreprise au premier questionnaire, ni de la réponse de l’entreprise au second questionnaire.

153    Il ne saurait non plus en être ainsi du second questionnaire de la Commission, lequel dépend nécessairement du contenu de la réponse de l’entreprise au premier questionnaire.

154    Par conséquent, l’existence éventuelle d’un intérêt public supérieur ne saurait être vérifiée que pour ce qui est du premier questionnaire.

155    Or, pour les motifs exposés au point 138 du présent arrêt, il n’y a pas lieu pour le Tribunal de statuer sur le présent moyen pour ce qui est du premier questionnaire.

156    Par conséquent, il convient de juger que la requérante n’a pas établi l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001.

157    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle, en ne divulguant pas même le nom des entreprises l’ayant saisie d’une demande d’application du point 35 des lignes directrices de 2006, la Commission enfreindrait tout autant l’obligation de motivation qui lui incombe.

158    En effet, force est de constater que la requérante ne soutient pas que la motivation de la décision attaquée ne lui a pas permis de connaître les justifications de la mesure prise, ni au Tribunal d’exercer son contrôle. En tout état de cause, il convient de considérer que la motivation de la décision attaquée, rappelée aux points 20 à 26 du présent arrêt, fait apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission.

159    Partant, le moyen de la requérante tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001 doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de violations de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, relatif à l’accès partiel aux documents sollicités et du principe de bonne administration

160    La requérante soutient, à titre subsidiaire, que, en substance, c’est à tort que la Commission a refusé l’accès partiel aux documents sollicités, en violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, en vertu duquel il incomberait à la Commission de procéder à un examen concret et individuel des documents sollicités, de même que du principe de bonne administration.

161    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, « après avoir procédé à un examen approfondi des documents en question », « seulement certains éléments épars, dont la lecture serait dénuée de pertinence, ne relèveraient d’aucune exception » (point 6, deuxième phrase, de la décision attaquée).

162    Toutefois, « eu égard au principe de bonne administration », la Commission a considéré que « la charge administrative impliquant une identification de ces éléments serait disproportionnée en l’espèce » et que, « [p]ar conséquent, un accès partiel n’[étai]t pas possible », et ce au visa de l’arrêt de la Cour du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala (C‑353/99 P, Rec. p. I‑9565, point 30) (point 6, deuxième et troisième phrases, de la décision attaquée).

163    Or, la requérante rappelle que, en vertu du principe de bonne administration, la Commission est tenue de procéder à un examen concret et individuel des documents dont l’accès est sollicité sur le fondement du règlement n° 1049/2001, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce, et qu’elle ne saurait s’affranchir de cette obligation en faisant valoir sa charge de travail.

164    Pour contester la décision attaquée en ce que la Commission lui a également refusé un accès partiel aux documents sollicités, la requérante fait valoir les points 102 à 116 de l’arrêt VKI, dont il ressortirait que la Commission est tenue d’examiner concrètement la question de savoir si et comment elle pourrait adopter une mesure moins contraignante que celle impliquant un examen concret et individuel, la Commission n’ayant pas, en l’espèce, étudié toutes les options envisageables ni expliqué, de façon circonstanciée, les raisons pour lesquelles ces différentes options impliquaient, elles aussi, une charge de travail déraisonnable.

165    Sur cette base, elle rappelle que, pour deux tiers des documents sollicités, à savoir les demandes des entreprises et les réponses des entreprises, la Commission disposait déjà de versions non confidentielles, de sorte que sa charge de travail était limitée à la deuxième catégorie des documents sollicités, à savoir les demandes de la Commission, étant précisé que le premier questionnaire de la Commission ne devait pas impliquer une charge de travail excessive et que, au final, le nombre de documents à analyser pourrait être inférieur à quinze.

166    Enfin, la requérante fait valoir qu’il n’appartient pas à la Commission, mais au public, de déterminer si un document est ou non fragmenté au point d’être sans pertinence.

167    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

168    Or, en premier lieu, pour ce qui est des versions non confidentielles des demandes des entreprises et du premier questionnaire de la Commission, le Tribunal a jugé, au point 106 du présent arrêt, que la Commission avait erronément considéré que ces documents relevaient de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001. De la même manière, le Tribunal a considéré, au point 129 du présent arrêt, que le premier questionnaire de la Commission ne relevait pas du troisième tiret de cette disposition.

169    Partant, la Commission ne pouvait légalement refuser l’accès à ces documents, de sorte qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 ni sur le principe de bonne administration à leur égard.

170    En second lieu, s’agissant des autres documents sollicités, à savoir la réponse de l’entreprise au premier questionnaire, le second questionnaire de la Commission et la réponse de l’entreprise au second questionnaire, la Cour a déjà jugé qu’il était de bon droit de faire application du principe de proportionnalité lorsque, en appréciant l’argument de l’institution concernée, tiré des charges administratives excessives qu’entraînerait l’obligation de garantir un accès partiel aux documents qu’elle détient, il convenait de réserver la possibilité de sauvegarder, dans des cas particuliers, l’intérêt d’une bonne administration (arrêt Conseil/Hautala, précité, point 30).

171    En l’espèce, il s’avère, tout d’abord, qu’il a été jugé, au point 77 du présent arrêt, que la Commission avait procédé à un examen concret et individuel des documents sollicités, de sorte qu’il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission n’aurait pas procédé à un tel examen.

172    Par ailleurs, la Commission a pu, à bon droit, considérer, dans la décision attaquée, qu’une divulgation partielle de ces autres documents était dénuée de tout intérêt.

173    En effet, une telle divulgation aurait tout d’abord impliqué pour la Commission de rendre inaccessibles, dans la réponse de l’entreprise au premier questionnaire, les éléments de réponse de l’entreprise couverts par l’exception tirée de la protection des intérêts commerciaux, de sorte que ce document aurait été limité aux questions figurant dans le premier questionnaire.

174    Ensuite, concernant son second questionnaire, la Commission ne pouvait efficacement rendre inaccessibles les éléments couverts par l’exception tirée de la protection des intérêts commerciaux des entreprises en cause, eu égard à la nature ciblée dudit questionnaire.

175    Enfin, logiquement, une divulgation partielle de la réponse de l’entreprise au second questionnaire aurait tout autant impliqué pour la Commission de rendre inaccessibles, dans ce document, les éléments de réponse de l’entreprise couverts par l’exception tirée de la protection des intérêts commerciaux, de sorte que ce document aurait été vidé de l’intégralité de son contenu.

176    Partant, le moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 et du principe de bonne administration doit être rejeté.

177    Il résulte de tout ce qui précède quʼil y a lieu dʼannuler la décision attaquée en ce quʼelle a refusé lʼaccès aux versions non confidentielles des demandes des entreprises et du premier questionnaire de la Commission.

178    Le recours est rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

179    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

180    Or, en l’espèce, le Tribunal a, au point 177 du présent arrêt, fait droit, en partie, aux conclusions de la requérante.

181    Partant, et au regard des circonstances de la présente affaire, il y a lieu de décider que la Commission supportera la moitié des dépens de la requérante et la moitié de ses propres dépens. La requérante supportera, quant à elle, la moitié de ses propres dépens et la moitié des dépens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision Gestdem 2009/5145 de la Commission, du 23 février 2010, refusant à Reagens SpA l’accès à certains documents du dossier de la procédure COMP/38589 – Stabilisants thermiques, en application du règlement (CE)°n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, est annulée en ce qu’elle a refusé lʼaccès aux versions non confidentielles des demandes des entreprises et au premier questionnaire de la Commission européenne.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Reagens SpA est condamnée à supporter la moitié de ses propres dépens et la moitié des dépens de la Commission.

4)      La Commission est condamnée à supporter la moitié de ses propres dépens et la moitié des dépens de Reagens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.