Language of document : ECLI:EU:T:2013:443

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 2013 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des hausses de prix et échange d’informations commerciales sensibles – Imputabilité du comportement infractionnel – Amendes – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Gravité de l’infraction – Coefficients – Circonstances atténuantes – Crise économique – Pression exercée par les grossistes – Communication de 2002 sur la coopération – Réduction du montant de l’amende – Valeur ajoutée significative »

Dans l’affaire T‑411/10,

Laufen Austria AG, établie à Wilhelmsburg (Autriche), représentée par Mes E. Navarro Varona et L. Moscoso del Prado González, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. F. Castillo de la Torre, Mmes A. Antoniadis et F. Castilla Contreras, puis par M. Castillo de la Torre, Mme Antoniadis et M. F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), et une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante dans cette décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2010) 4185 final, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004 et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 2 et 3 et article 1er de la décision attaquée).

2        Plus précisément, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l’infraction constatée consistait, premièrement, en la coordination, par lesdits fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles et d’autres éléments de tarification, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles, deuxièmement, en la fixation ou la coordination des prix à l’occasion d’événements spécifiques tels que l’augmentation du coût des matières premières, l’introduction de l’euro ainsi que l’instauration de péages routiers et, troisièmement, en la divulgation et l’échange d’informations commerciales sensibles. En outre, la Commission a constaté que la fixation des prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivait un cycle annuel. Dans ce cadre, les fabricants fixaient leurs barèmes de prix, qui restaient généralement en vigueur pendant un an et servaient de base aux relations commerciales avec les grossistes (considérants 152 à 163 de la décision attaquée).

3        Les produits concernés par la décision attaquée sont les installations sanitaires pour salles de bains faisant partie de l’un des trois sous-groupes de produits suivants : les articles de robinetterie, les enceintes de douche et accessoires ainsi que les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits ») (considérants 5 et 6 de la décision attaquée).

4        La requérante, Laufen Austria AG, ainsi que Roca Sanitario SA, sa société mère, et Roca (ci-après « Roca France »), une autre filiale de Roca Sanitario (ci-après, prises ensemble, le « groupe Roca »), figurent parmi les destinataires de la décision attaquée. À l’époque des faits, elle fabriquait des articles en céramique qu’elle commercialisait sous ses propres marques, à savoir les marques Laufen et Jika. Elle commercialisait également des produits fabriqués par des concurrents. Ses ventes se concentraient en Autriche ainsi que, dans une moindre mesure, en Allemagne. Le 29 octobre 1999, Roca Sanitario a acquis le groupe à la tête duquel se trouve la société suisse Keramik Holding AG, elle-même détentrice de 100 % des actions de la requérante (ci-après le « groupe Laufen ») (considérants 1063 et 1064 de la décision attaquée).

5        Le 15 juillet 2004, Masco Corp. et ses filiales, parmi lesquelles Hansgrohe AG, qui fabrique des articles de robinetterie, et Hüppe GmbH, qui fabrique des enceintes de douche, ont informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et ont demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication de 2002 sur la coopération ») ou, à défaut, d’une réduction du montant de ces amendes. Le 2 mars 2005, la Commission a adopté une décision conditionnelle d’immunité d’amendes au profit de Masco, conformément au paragraphe 8, sous a), et au paragraphe 15 de la communication de 2002 sur la coopération (considérants 126 à 128 de la décision attaquée).

6        Les 9 et 10 novembre 2004, la Commission a, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs sociétés et associations nationales professionnelles opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains (considérant 129 de la décision attaquée).

7        Les 15 et 19 novembre 2004, Grohe Beteiligungs GmbH et ses filiales ainsi qu’Ideal Standard Inc. et ses filiales ont, respectivement sollicité l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération ou, à défaut, la réduction de leur montant (considérants 131 et 132 de la décision attaquée).

8        Entre le 15 novembre 2005 et le 16 mai 2006, la Commission a adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, à plusieurs sociétés et associations opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, y compris à la requérante (considérant 133 de la décision attaquée).

9        Le 17 janvier 2006, Roca France a demandé, en son nom propre et au nom du groupe Laufen pour autant que les activités de celui-ci en France ont été intégrées au sein de la première, à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication sur la coopération de 2002 ou, à défaut, de la réduction de leur montant. Les 19 et 20 janvier 2006, respectivement, Hansa Metallwerke AG et ses filiales ainsi qu’Aloys F. Dornbracht GmbH & Co. KG Armaturenfabrik ont également demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de ladite communication ou, à défaut, de la réduction de leur montant (considérants 135 à 138 de la décision attaquée).

10      Le 26 mars 2007, la Commission a adopté une communication des griefs, laquelle a été notifiée à la requérante (considérant 139 de la décision attaquée).

11      Du 12 au 14 novembre 2007, une audition a été tenue, à laquelle la requérante a participé (considérant 143 de la décision attaquée).

12      Le 9 juillet 2009, la Commission a envoyé à plusieurs sociétés, parmi lesquelles la requérante, une lettre d’exposé des faits, attirant leur attention sur certaines preuves sur lesquelles elle envisageait de se reposer dans le cadre d’une décision finale (considérants 147 et 148 de la décision attaquée).

13      Entre le 19 juin 2009 et le 8 mars 2010, la Commission a adressé à plusieurs sociétés, parmi lesquelles la requérante, des demandes d’information supplémentaires, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003 (considérants 149 à 151 de la décision attaquée).

14      Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision attaquée.

15      Dans la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a considéré que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait les trois sous-groupes de produits et s’étendait au territoire de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (ci-après l’« infraction constatée ») (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). À cet égard, elle a notamment souligné le fait que lesdites pratiques avaient été conformes à un modèle récurrent qui s’était avéré être le même dans les six États membres couverts par l’enquête de la Commission (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). Elle a également relevé l’existence d’associations nationales professionnelles concernant l’ensemble des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « organismes de coordination », d’associations nationales professionnelles comprenant des membres dont l’activité avait trait à au moins deux de ces trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « associations multiproduits », ainsi que des associations spécialisées comprenant des membres dont l’activité portait sur l’un de ces trois sous-groupes de produits (considérants 796 et 798 de la décision attaquée). Enfin, elle a constaté la présence d’un groupe central d’entreprises ayant participé à l’entente dans différents États membres et dans le cadre d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (considérants 796 et 797 de la décision attaquée).

16      S’agissant de la participation du groupe Roca à l’infraction constatée, la Commission a considéré que ledit groupe avait connaissance de l’infraction concernant les trois sous-groupes de produits, compte tenu notamment de sa participation aux réunions de l’organisme de coordination Arbeitskreis Sanitärindustrie (ci-après l’« ASI »), en Autriche, ainsi qu’aux réunions de l’Association française des pompes et de la robinetterie et de l’Association française des industries de céramique sanitaire (AFICS), en France (considérant 870 de la décision attaquée). Toutefois, en ce qui concerne la portée géographique de l’entente, la Commission a estimé que le groupe Roca ne pouvait pas être considéré comme ayant eu connaissance de sa portée globale, mais uniquement des comportements collusoires ayant eu lieu en France et en Autriche (considérant 871 de la décision attaquée). La participation de la requérante elle-même se serait limitée au territoire autrichien et aux articles en céramique (considérants 1064 et 1223 de la décision attaquée).

17      En second lieu, aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 1184 de la décision attaquée).

18      Dans un premier temps, la Commission a déterminé le montant de base de l’amende. Pour ce faire, elle a précisé que ledit calcul était fondé, pour chaque entreprise, sur ses ventes par État membre, multipliées par le nombre d’années de participation à l’infraction constatée dans chaque État membre et pour le sous-groupe de produits concerné, de sorte qu’il soit tenu compte de ce que certaines entreprises exercent leurs activités uniquement dans certains États membres ou uniquement dans un des trois sous-groupes de produits (considérant 1197 de la décision attaquée).

19      Cette précision apportée, la Commission a fixé à 15 % le coefficient lié à la gravité de l’infraction constatée (ci-après le « coefficient ‘gravité de l’infraction’ »), au sens des paragraphes 20 à 23 des lignes directrices de 2006. À ce titre, elle a tenu compte de quatre critères d’appréciation de ladite infraction, à savoir la nature, les parts de marché combinées, la portée géographique et la mise en œuvre (considérants 1210 à 1220 de la décision attaquée).

20      En outre, la Commission a fixé le coefficient à appliquer, au titre de la durée de l’infraction constatée, au montant de base de l’amende déterminé pour la requérante, sur le fondement des dispositions du paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, à 10 pour la requérante, correspondant à une participation à l’infraction, sur le territoire autrichien et pour les articles en céramique, de dix années (considérant 1223 de la décision attaquée).

21      Enfin, la Commission a, sur le fondement des dispositions du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de dissuader les entreprises en cause de participer à des accords horizontaux de fixation de prix semblables aux accords faisant l’objet de la décision attaquée et au regard des quatre critères d’appréciation visés au point 19 ci-dessus, augmenté le montant de base de l’amende en appliquant un montant additionnel (ci-après le « coefficient ‘montant additionnel’ ») de 15 % (considérants 1224 et 1225 de la décision attaquée).

22      Aux termes de l’article 2 de la décision attaquée, il en est résulté, s’agissant du groupe Roca, un montant de base de l’amende s’élevant à 3 000 000 euros pour les comportements collusoires relatifs aux articles de robinetterie sur le marché français et un montant de base de l’amende s’élevant à 35 700 000 euros pour les comportements collusoires relatifs aux articles en céramique, dont 3 700 000 euros pour le marché français et 32 000 000 euros pour le marché autrichien (considérant 1226 de la décision attaquée).

23      Dans un deuxième temps, la Commission a examiné l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes susceptibles de justifier un ajustement du montant de base de l’amende. Elle n’a retenu aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’égard de la requérante.

24      Dans un troisième temps, la Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires (ci-après le « plafond de 10 % »), en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Le montant de l’amende fixé pour le groupe Roca après application du plafond de 10 % était de 38 700 000 euros (considérants 1261 et 1264 de la décision attaquée).

25      Dans un quatrième temps, la Commission a estimé que le groupe Roca, dont fait partie la requérante, n’était pas en droit de bénéficier d’une réduction d’amendes au titre de la communication sur la coopération de 2002. Selon elle, d’une part, les preuves avancées par le groupe ne pouvaient être réputées représenter une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de ladite communication. D’autre part, le groupe Roca n’aurait pas fait preuve d’un véritable esprit de coopération pendant la procédure administrative (considérant 1300 de la décision attaquée).

26      Eu égard à ce qui précède, la Commission a constaté, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, que la requérante avait enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, du 12 octobre 1994 au 9 novembre 2004, à un accord continu ou à des pratiques concertées dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains en France et en Autriche.

27      À l’article 2, paragraphe 4, sous a) et c), de la décision attaquée, pour cette infraction, la Commission a infligé à la requérante une amende de 32 000 000 euros, dont 17 700 000 euros à titre solidaire avec Roca Sanitario.

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé des questions écrites aux parties auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

30      Les parties ont été entendues, lors de l’audience du 6 mars 2013, en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 1er et 2 de la décision attaquée, dans la mesure où ils la concernent ;

–        réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée tant à titre individuel que solidairement avec Roca Sanitario sur la base des motifs exposés par elle ou pour tout autre motif déterminé par le Tribunal ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33      À titre liminaire, il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union européenne, s’agissant des décisions de sanction adoptées par la Commission afin de sanctionner les infractions au droit de la concurrence, comprend, outre le contrôle de légalité, prévu à l’article 263 TFUE, un contrôle de pleine juridiction, cette dernière étant reconnue audit juge en vertu de l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, non encore publié au Recueil, points 53, 63 et 64). Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, le cas échéant, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME e.a./Commission, C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 103, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec. p. II‑6681, point 265).

34      À la lumière de la jurisprudence exposée au point 33 ci-dessus, dans un premier temps, il y a lieu d’examiner, dans le cadre du contrôle de la légalité de la décision attaquée, les conclusions de la requérante visant à obtenir l’annulation des articles 1er et 2 de la décision attaquée pour autant que ces articles la concernent et, dans un second temps, ses conclusions visant à ce que le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction pour réformer, en le réduisant, le montant de l’amende que la Commission lui a infligée.

A –  Sur les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

35      Au soutien de ses conclusions en annulation partielle de la décision attaquée, la requérante invoque six moyens. Le premier moyen concerne l’imputation de la responsabilité des comportements anticoncurrentiels à Roca Sanitario. Le deuxième moyen a trait à l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires. Le troisième moyen est lié à l’appréciation, par la Commission, de la gravité de l’infraction. Le quatrième moyen est tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, en ce que le contexte de crise économique n’a pas été pris en considération en tant que circonstance atténuante. Le cinquième moyen a trait à l’absence de prise en considération de la pression exercée par les grossistes en tant que circonstance atténuante. Le sixième moyen est tiré de violations et d’erreurs dans l’application de la communication sur la coopération de 2002 et des lignes directrices de 2006.

1.     Sur le premier moyen, relatif à l’existence d’une entreprise unique

36      Dans le cadre du premier moyen, la requérante conteste, en substance, le fait que la Commission ait considéré qu’elle formait avec Roca Sanitario et Roca France une entreprise unique, de sorte qu’elle a utilisé le chiffre d’affaires de l’entreprise dans son ensemble aux fins de l’application du plafond de 10 %, en application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

37      En particulier, elle fait valoir que la Commission, en imputant à Roca Sanitario la responsabilité des comportements anticoncurrentiels dont elle s’est rendue coupable, a violé l’article 101 TFUE, l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, ses droits de la défense, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE ainsi que les principes de proportionnalité et de responsabilité personnelle. Elle soutient également que, ce faisant, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

38      Le premier moyen se subdivise en deux branches. La première branche concerne l’application, dans la décision attaquée, de la présomption selon laquelle la société mère exerce une influence déterminante sur sa filiale lorsqu’elle détient la totalité du capital social de cette dernière (ci-après la « présomption d’exercice d’une influence déterminante »). La seconde branche, soulevée à titre subsidiaire, concerne la période d’imputation.

39      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’emblée la seconde branche du présent moyen.

a)     Sur la seconde branche du premier moyen

40      La requérante soutient que la Commission ne pouvait imputer à Roca Sanitario la responsabilité des agissements anticoncurrentiels commis par la requérante avant le 16 décembre 2002 ou, à tout le moins, avant le 1er novembre 2001 ou le 30 mars 2000.

41      Dans la réplique, la requérante soutient que la Commission ne pouvait imputer à Roca Sanitario ladite responsabilité avant le 6 juin 2000. En effet, avant cette date, la participation de Roca Sanitario à son capital social aurait été insuffisante pour mettre en œuvre la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

42      Il convient d’examiner, en premier lieu, la recevabilité du grief, soulevé dans la réplique, tiré de l’absence de détention de la totalité du capital social de la requérante par Roca Sanitario avant le 6 juin 2000, avant d’examiner, en second lieu, la recevabilité des autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre de la seconde branche du premier moyen.

 Sur la recevabilité du grief tiré de l’absence de détention de la totalité du capital social de la requérante par Roca Sanitario avant le 6 juin 2000

43      La Commission soutient que le grief tiré de ce que la requérante n’a été détenue à 100 % par Roca Sanitario qu’à partir du 6 juin 2000 est tardif et, dès lors, irrecevable.

44      Sans formellement se prévaloir d’un élément nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante précise, dans la réplique, qu’il ressort d’un document versé aux débats par la Commission que Roca Sanitario n’a acquis 100 % du capital social de Keramik Holding, société mère à 100 % de la requérante, que le 6 mars 2000. En réponse aux questions du Tribunal à l’audience, la requérante a précisé, en outre, que le présent grief se rattachait étroitement au premier moyen soulevé dans la requête.

45      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui‑ci, doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, non encore publié au Recueil, point 168, et la jurisprudence citée).

46      En l’espèce, il est constant que le grief tiré de ce que la requérante n’a été détenue à 100 % par Roca Sanitario qu’à partir du 6 juin 2000 a été soulevé pour la première fois dans la réplique.

47      Certes, dans la requête, la requérante soutient que la Commission ne pouvait appliquer la présomption d’exercice d’une influence déterminante avant le 16 décembre 2002 ou, à tout le moins, avant le 1er novembre 2001 ou le 30 mars 2000. Néanmoins, les arguments soulevés au soutien de ce grief ne tendent nullement à mettre en cause le fait même que Roca Sanitario ait détenu, à partir du 29 octobre 1999, la totalité de son capital social. À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante a explicitement indiqué, dans la requête, avoir été acquise par Roca Sanitario le 29 octobre 1999, sans toutefois préciser que, à cette date, cette dernière n’avait en réalité racheté que 42 % des actions de Keramik Holding, combiné à 62,7 % des droits de vote de cette dernière. Partant, c’est à tort que la requérante soutient que le présent grief constitue une ampliation des moyens contenus dans la requête.

48      De plus, même à supposer que la requérante entende fonder son grief sur la présentation du document visé au point 44 ci-dessus, force est de constater qu’elle ne saurait valablement soutenir ne pas avoir connaissance de la composition de son actionnariat. Partant, ledit document ne saurait être considéré comme un élément nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

49      Compte tenu des éléments qui précèdent, il convient de rejeter comme étant irrecevable le grief tiré de ce que la Commission ne pouvait, eu égard aux liens capitalistiques entre la requérante et Roca Sanitario, invoquer la présomption d’exercice d’une influence déterminante pour la période antérieure au 6 juin 2000.

 Sur la recevabilité des autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre de la seconde branche du premier moyen

50      Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en considérant que Roca Sanitario avait pu exercer une influence décisive sur elle avant le 16 décembre 2002 ou, à tout le moins, avant le 1er novembre 2001 ou le 30 mars 2000.

51      La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

52      D’une part, il y a lieu de rappeler que, les conditions de recevabilité d’un recours et des griefs qui y sont énoncés étant d’ordre public, le Tribunal peut les examiner d’office, conformément à l’article 113 du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 15 avril 2010, Makhteshim-Agan Holding e.a./Commission, C‑517/08 P, non publiée au Recueil, point 54, et arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Brink’s Security Luxembourg/Commission, T‑437/05, Rec. p. II‑3233, point 54, et la jurisprudence citée).

53      D’autre part, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, Rec. p. II‑2287, point 41, et la jurisprudence citée).

54      En l’espèce, tout d’abord, il convient de relever que la requérante a été tenue pour responsable, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, de sa participation à l’infraction constatée sur le territoire autrichien du 12 octobre 1994 au 9 novembre 2004. Le montant total de l’amande infligée à ce titre à la requérante s’élève à 32 000 000 euros, ventilés, à l’article 2, paragraphe 4, sous a) et c), de la décision attaquée, en un montant de 17 700 000 euros infligé solidairement à la requérante et à Roca Sanitario et un montant de 14 300 000 euros infligé à la requérante à titre individuel.

55      Ensuite, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, il y a lieu de relever que la Commission a fait application des lignes directrices de 2006. Le montant de base de l’amende de 32 000 000 euros correspond ainsi à 15 % de la valeur des ventes se rapportant à l’infraction, à savoir la valeur des ventes d’articles en céramique réalisées par la requérante sur le territoire autrichien en 2003, multiplié par dix en raison de la durée de sa participation à l’infraction en cause, et majoré d’un montant additionnel de 15 % de cette même valeur des ventes ajouté à titre d’effet dissuasif. Partant, le montant de base de l’amende a été déterminé en fonction de données chiffrées propres à la requérante.

56      Enfin, il importe de relever que la Commission a pris en considération, aux fins d’application du plafond de 10 %, le chiffre d’affaires consolidé de Roca Sanitario, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

57      Il s’ensuit que, même si le Tribunal était amené à constater que la Commission avait imputé à tort, pendant la période s’étendant du 29 octobre 1999 au 16 décembre 2002 ou, à tout le moins, au 1er novembre 2001 ou au 30 mars 2000, la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de la requérante à Roca Sanitario, une telle constatation n’emporterait de conséquences ni sur le principe même de l’imposition d’une amende à la requérante ni sur le calcul du montant total de ladite amende.

58      Dès lors, il convient de constater que la seconde branche du premier moyen n’est pas susceptible de lui procurer un bénéfice. Partant, il y a lieu de la rejeter comme étant irrecevable.

b)     Sur la première branche relative à l’application de la présomption d’exercice d’une influence déterminante

59      Au soutien de la première branche du premier moyen, la requérante soulève quatre griefs, qui ont trait, premièrement, à l’importance excessive accordée aux liens d’actionnariat, deuxièmement, aux éléments de preuve présentés par elle afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante, troisièmement, aux facteurs additionnels pris en considération par la Commission et, quatrièmement, à la violation de l’obligation de motivation s’agissant de l’imputation à Roca Sanitario de la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de la requérante.

 Sur le grief relatif à l’importance excessive accordée aux liens d’actionnariat

60      La requérante soutient que la Commission s’est fondée de manière excessive sur ses liens d’actionnariat avec Roca Sanitario et a, de ce fait, présumé à tort que cette dernière exerçait une influence déterminante sur elle. Premièrement, elle fait valoir qu’il n’est pas démontré que Roca Sanitario a participé à l’infraction constatée, en a eu connaissance ou lui a donné des instructions afin qu’elle y participe. Deuxièmement, la Commission irait à l’encontre, tant de sa pratique décisionnelle antérieure – selon laquelle elle s’abstiendrait d’adresser une décision à une société mère à laquelle s’applique la présomption d’exercice d’une influence déterminante, eu égard à sa participation au capital de sa filiale, en l’absence d’indices quant à sa connaissance de l’infraction ou à sa participation à celle‑ci – que de l’approche adoptée dans la décision attaquée à l’égard de Duscholux Holding AG et ses filiales (ci-après le « groupe Duscholux »). Troisièmement, l’approche de la Commission quant à la charge de la preuve permettant de remettre en cause la présomption d’exercice d’une influence déterminante rendrait pratiquement impossible cette remise en cause, en méconnaissance des principes de responsabilité personnelle et de présomption d’innocence consacrés à l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

61      La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

62      Il résulte d’une jurisprudence constante que le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et que la notion d’entreprise, qui désigne une unité économique pouvant être constituée de plusieurs personnes physiques ou morales, comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, points 54 et 55, et la jurisprudence citée).

63      Lorsqu’une société mère et sa filiale constituent une même unité économique et, partant, une seule entreprise, la Commission peut imputer le comportement de la filiale à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction. Il en va notamment ainsi lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 62 supra, points 54, 55 et 58, et la jurisprudence citée).

64      Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (voir arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, Rec. p. I‑1, point 39, et la jurisprudence citée).

65      Partant, pour mettre en œuvre la présomption d’exercice d’une influence déterminante visée au point 64 ci-dessus, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère. À cet égard, d’une part, il importe de préciser que la Commission n’est pas tenue de produire d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la société mère sur sa filiale (voir, en ce sens, arrêt General Química e.a./Commission, point 64 supra, points 40 et 41, et la jurisprudence citée). D’autre part, il incombe aux parties intéressées de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer l’autonomie de la filiale par rapport à sa société mère sur le marché (voir, en ce sens, arrêt General Química e.a./Commission, point 64 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

66      Afin de déterminer si une filiale fixe de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération non seulement le fait que la société mère puisse influencer la politique des prix, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le « cash flow », les stocks et le marketing, mais encore l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, points 64 et 65).

67      En outre, selon la jurisprudence, si la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour décider s’il y a lieu d’imputer la responsabilité d’une infraction à une société mère, il n’en demeure pas moins que sa décision de procéder à une telle imputation n’échappe pas, comme en l’espèce, au contrôle des juridictions de l’Union, à qui il appartient de vérifier que les conditions d’une telle imputation sont réunies (arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, Rec. p. II‑2149, point 198).

68      En l’espèce, il ressort des considérants 1069, 1070 et 1075 de la décision attaquée que la Commission a appliqué la présomption d’exercice d’une influence déterminante, dès lors que Roca Sanitario avait détenu 100 % de la requérante à partir du 29 octobre 1999. Or, ainsi qu’il a été constaté au point 49 ci-dessus, le grief de la requérante relatif à la date à compter de laquelle Roca Sanitario a détenu 100 % du capital de la requérante n’est pas recevable.

69      Partant, c’est conformément à la jurisprudence citée aux points 62 à 65 ci-dessus que la Commission a pu présumer, dans la décision attaquée, que Roca Sanitario exerçait une influence déterminante sur la requérante sur le seul fondement des liens d’actionnariat existant entre ces deux sociétés.

70      La conclusion tirée au point 69 ci-dessus n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

71      En premier lieu, les arguments tirés de ce que Roca Sanitario ignorait la participation de la requérante à l’infraction constatée, qu’elle n’y avait pas participé elle-même et qu’elle n’a pas ordonné à la requérante de commettre une telle infraction, doivent être rejetés comme étant inopérants. En effet, selon la jurisprudence, d’une part, lorsque la Commission met en œuvre la présomption d’exercice d’une influence déterminante, elle n’est pas tenue d’établir l’implication personnelle de la société mère dans l’infraction commise par sa filiale (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 62 supra, point 59). D’autre part, ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Nynäs Petroleum et Nynas Belgium/Commission, T‑347/06, non encore publié au Recueil, point 33). Partant, contrairement à ce que soutient la requérante, une société mère peut être tenue solidairement responsable d’une infraction dans laquelle sa filiale est impliquée sans avoir elle-même participé à ladite infraction, sans l’avoir encouragée et sans en avoir eu connaissance, dans la mesure où l’imputation de cette responsabilité à la société mère est uniquement liée au fait qu’elle constitue une entité unique avec sa filiale.

72      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’imputation à Roca Sanitario de la responsabilité des comportements anticoncurrentiels dont elle s’est rendue coupable est contraire à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission. Elle estime que, selon ladite pratique, la Commission s’abstient d’appliquer la présomption d’exercice d’une influence déterminante à une société mère, eu égard à sa participation au capital de sa filiale, en l’absence d’indices quant à sa connaissance ou à sa participation à l’infraction. À cet égard, elle cite la décision C (2004) 4030, du 20 octobre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP/C.38.238/B.2 – Tabac brut – Espagne) (JO 2007, L 102, p. 14), la décision C (2002) 2091, du 11 juin 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP/36.571/D-1 – Banques autrichiennes – « Club Lombard ») (JO 2004, L 56, p. 1), ainsi que la décision C (2001) 4573, du 20 décembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 [EEE] (affaire COMP/E-1/36.212 – Papier autocopiant) (JO 2004, L 115, p. 1). En outre, selon elle, l’imputation à Roca Sanitario de la responsabilité des agissements anticoncurrentiels dont elle s’est rendue coupable est contraire à l’approche adoptée, dans la décision attaquée elle-même, à l’égard du groupe Duscholux.

73      Premièrement, pour autant que les arguments visés au point 72 ci-dessus doivent être compris en ce sens que la requérante fait valoir que la Commission a violé sa pratique décisionnelle antérieure et a commis une erreur compte tenu du traitement réservé au groupe Duscholux, ces arguments doivent être rejetés comme étant non fondés.

74      À cet égard, d’une part, s’agissant de la pratique décisionnelle antérieure, il convient, tout d’abord, de rappeler que des décisions concernant d’autres affaires ne peuvent avoir qu’un caractère indicatif, dès lors que les données circonstancielles des affaires ne sont pas identiques (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, points 201 et 205, et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 60).

75      Ensuite, quelle que soit la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, ladite pratique n’invalide pas le constat, figurant au point 69 ci-dessus, que la Commission était en droit, conformément à la jurisprudence exposée aux points 62 à 65 ci-dessus, d’imputer la responsabilité des agissements anticoncurrentiels de la requérante à Roca Sanitario. A fortiori, une éventuelle erreur de la Commission au regard de cette pratique n’est pas non plus de nature à remettre en cause ledit constat.

76      En outre, la pratique décisionnelle antérieure autorise la Commission à imputer à la société mère la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de sa filiale. En particulier, les trois décisions citées par la requérante ne confirment nullement que la Commission s’abstient d’imputer la responsabilité des comportements anticoncurrentiels d’une filiale à sa société mère en l’absence d’indices quant à sa connaissance ou à sa participation à l’infraction. En effet, premièrement, il ressort des considérants 18, 375 et 376 de la décision Tabac brut – Espagne qu’elle n’a pas été adressée à deux sociétés mères, Universal Corp. et Universal Leaf Tobacco Co. Inc. parce que, bien qu’elles aient détenu leurs filiales à une très large majorité (vraisemblablement entre 90 et 100 %), les éléments du dossier réfutaient le constat d’exercice d’une influence déterminante. Deuxièmement, aux considérants 479 et 482 de la décision Club Lombard, la Commission a constaté que les éléments du dossier ne permettaient pas de conclure que les filiales concernées ne se comportaient pas de façon autonome sur le marché et les a donc considérées comme seules responsables des infractions qu’elles avaient commises. Troisièmement, il ressort des considérants 50 et 364 de la décision Papier autocopiant que la présomption d’exercice d’une influence déterminante ne trouvait pas à s’appliquer dans la mesure où la société mère ne détenait que 72 % du capital de sa filiale.

77      D’autre part, s’agissant du traitement réservé au groupe Duscholux, il suffit de constater que le fait que la Commission ait retenu, dans la décision attaquée, une approche à l’égard de la requérante et de sa société mère différente de celle retenue à l’égard du groupe Duscholux n’est pas de nature à remettre en cause le fait que la Commission n’a commis aucune erreur en se fondant, conformément à la jurisprudence citée aux points 62 à 65 ci-dessus, sur la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

78      Deuxièmement, pour autant que les arguments visés au point 72 ci-dessus doivent être compris en ce sens que la requérante reproche à la Commission d’avoir méconnu le principe d’égalité de traitement, ils doivent également être rejetés comme étant non fondés.

79      En effet, d’une part, s’agissant de la pratique décisionnelle antérieure, il suffit de rappeler que, ainsi que cela a été relevé au point 76 ci-dessus, les trois décisions citées par la requérante ont été adoptées dans des circonstances différentes de celles dans lesquelles se trouvaient la requérante et Roca Sanitario. Partant, c’est sans violer le principe d’égalité de traitement que la Commission a, dans les circonstances de l’espèce, appliqué la présomption d’exercice d’une influence déterminante à Roca Sanitario, eu égard à ses liens d’actionnariat avec la requérante.

80      D’autre part, s’agissant du traitement du groupe Duscholux dans la décision attaquée, il suffit d’observer que la Commission a expliqué dans ses écritures que le fait que Duscholux Holding, qui était la société mère du groupe, n’ait pas été destinataire de cette décision était le résultat d’une erreur commise au cours de l’instruction du dossier, qui a entraîné l’envoi de la communication des griefs à Duscholux AG et non à Duscholux Holding. Or, selon la jurisprudence, le respect du principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination doit se concilier avec le respect du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, Rec. p. 2225, point 14, et la jurisprudence citée, et du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 259, et du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 367). Partant, la requérante ne saurait valablement invoquer à son profit l’erreur commise par la Commission à l’égard de Duscholux Holding.

81      En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission a, en pratique, rendu la présomption irréfragable, en méconnaissance des principes de responsabilité personnelle et de présomption d’innocence consacrés à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH. À cet égard, elle renvoie au fait que la Commission a indiqué, aux considérants 1070 à 1073 de la décision attaquée, que la possibilité pour l’actionnaire unique de désigner ou de révoquer les membres du conseil d’administration constituait une preuve suffisante de l’exercice par Roca Sanitario d’une influence décisive sur elle, alors même que ce fait était inhérent à la réglementation applicable en droit des sociétés.

82      D’une part, cet argument de la requérante doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, il n’est pas de nature à remettre en cause le constat, opéré au point 69 ci-dessus, selon lequel la Commission pouvait à bon droit se fonder sur la seule constatation de la détention par Roca Sanitario de la totalité du capital social de la requérante pour présumer qu’elle exerçait une influence déterminante sur cette dernière.

83      D’autre part, pour autant que, par cet argument, la requérante reproche à la Commission d’avoir, compte tenu de son appréciation des éléments de preuve qu’elle avait produits afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante, rendu ladite présomption irréfragable, il y a lieu de constater que cet argument se rattache au grief relatif à l’appréciation des éléments de preuve produits par la requérante afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. Il sera, dès lors, examiné, dans ce cadre, au point 103 ci-après.

84      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant pour partie non fondé et pour partie inopérant.

 Sur les éléments de preuve produits par la requérante afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante

85      D’une part, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve qu’elle a produits afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. D’autre part, elle se prévaut d’une violation de ses droits de la défense.

86      La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

87      À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a fait état, aux considérants 1065 à 1068 de la décision attaquée, des éléments avancés par le groupe Roca afin de renverser la présomption. Elle les a rejetés au considérant 1071 de ladite décision.

–       Sur l’erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve

88      En premier lieu, la requérante fait valoir que Roca Sanitario n’a ni participé à l’infraction constatée, ni eu connaissance de sa participation à ladite infraction, ni encouragé ni coordonné la participation de ses filiales à l’infraction constatée. Ces arguments doivent être rejetés comme étant inopérants pour les motifs exposés au point 71 ci-dessus. En effet, l’imputation d’une responsabilité à la société mère est uniquement liée au fait que cette dernière constitue une entité unique avec sa filiale. Partant, la seule question pertinente pour déterminer la responsabilité d’une société mère est celle de savoir si sa filiale se comportait de façon autonome sur le marché, sans qu’il soit requis d’établir que la société mère a elle-même participé à l’infraction, en avait connaissance ou a encouragé ou coordonné la participation de ses filiales.

89      En deuxième lieu, la requérante soutient que le groupe Roca n’a pas appartenu au noyau dur de l’entente, composé d’entreprises encourageant la participation de leurs filiales aux pratiques anticoncurrentielles, que, parmi les filiales dudit groupe, seules Roca France et elle ont participé à l’entente et que ces dernières n’ont pas participé à l’entente aux mêmes moments. Pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 88 ci-dessus, ces arguments doivent être rejetés comme étant inopérants. En effet, par ces arguments, la requérante cherche à démontrer qu’elle et Roca France n’ont reçu aucune instruction de la part de Roca Sanitario quant à leur participation aux activités anticoncurrentielles, ce qui démontrerait leur autonomie.

90      En troisième lieu, la requérante affirme qu’elle déterminait son comportement sur le marché de façon autonome. Premièrement, celle-ci se prévaut de son autonomie fonctionnelle et organique. À cet égard, elle soutient qu’elle disposait de son propre conseil d’administration, de son propre organe de contrôle et de ses propres dirigeants, indépendants de ceux de Roca Sanitario. Elle précise, en outre, qu’il n’existait aucun système d’information interne ni de répartition des compétences ou de centralisation avec Roca Sanitario. S’agissant essentiellement des questions d’ordre financier, son président-directeur général aurait rendu compte au président-directeur général de Keramik Holding et non à Roca Sanitario. Par ailleurs, elle affirme jouir d’une liberté en matière de ressources humaines et de gestion des affaires juridiques.

91      Or, tout d’abord, bien que l’existence de dirigeants communs à une société mère et à sa filiale constitue un indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il ne saurait être déduit de l’absence de tels dirigeants communs que ladite filiale agit de façon autonome sur le marché.

92      Ensuite, force est de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la composition de son conseil de surveillance était telle que, à tout le moins à partir du 30 mars 2000, elle permettait à Roca Sanitario d’exercer effectivement une influence déterminante sur celle-ci. En effet, il ressort des éléments du dossier que MM. M. et R., qui exerçaient respectivement les fonctions de conseiller juridique et de gérant de Roca Sanitario, étaient membres du conseil d’administration de Roca Sanitario du 16 décembre 2002 au 31 décembre 2004 ainsi que membres du conseil de surveillance de la requérante à compter de mars 2000 et jusqu’en 2005 pour M. M. et en 2009 pour M. R. Il ressort également du dossier que M. A. M., membre du conseil de surveillance de la requérante de mars 2000 à juin 2003, ainsi que Mme M. T., qui a remplacé celui-ci à compter de juin 2003, étaient employés par Roca Sanitario et y exerçaient, le premier, des fonctions relevant du domaine de l’administration, des finances et de la gérance pour les sociétés du groupe Roca et, la deuxième, des fonctions de conseillère juridique.

93      Certes, il ressort des éléments du dossier que, en droit autrichien, le conseil de surveillance exerce un rôle principalement passif de surveillance a posteriori des décisions du conseil d’administration. Toutefois, il n’en demeure pas moins que ce dernier a l’obligation de rechercher l’approbation du premier avant d’exécuter des décisions sur des aspects stratégiques et importants, tels que l’acquisition ou la cession de participations, l’ouverture ou la fermeture de branche, la détermination des principes généraux de la politique commerciale, l’émission d’obligations. Partant, il convient de constater, ainsi que le fait valoir la Commission, que les décisions les plus importantes de la requérante nécessitaient l’approbation de son conseil de surveillance, auquel participaient, à partir du 30 mars 2000, trois membres, sur un total de six, qui avaient des liens avec Roca Sanitario, dont deux étaient également membres du conseil d’administration de cette dernière. Il s’ensuit que Roca Sanitario était en mesure d’exercer un contrôle sur les décisions les plus importantes de la requérante.

94      Enfin, en ce qui concerne la circonstance que le président-directeur général de la requérante ne rende pas compte à Roca Sanitario, mais au président-directeur général de Keramik Holding, cet argument n’est pas de nature à démontrer l’autonomie de la requérante à l’égard de Roca Sanitario. En effet, la requérante est détenue par Roca Sanitario par le biais de Keramik Holding. Dans une telle situation, selon la jurisprudence, la Commission est en droit d’obliger la société holding solidairement au paiement de l’amende infligée à la dernière filiale du groupe, à moins que la partie intéressée ne renverse la présomption d’exercice d’une influence déterminante en démontrant que soit la société interposée, soit ladite filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir, en ce sens, arrêt General Química e.a./Commission, point 64 supra, point 89). Or, si la requérante a expliqué, au cours de la procédure administrative et dans ses écritures, qu’elle répondait de Keramik Holding et que le président-directeur général de Keramik Holding approuvait certaines de ses décisions stratégiques, elle n’a pas pour autant invoqué le moindre élément tendant à démontrer que Keramik Holding se comportait de façon autonome par rapport à Roca Sanitario.

95      Par ailleurs, compte tenu des éléments qui précèdent, même à supposer que la requérante jouisse, ainsi qu’elle le fait valoir, d’une indépendance en matière de ressources humaines et de gestion des affaires juridiques, une telle indépendance n’est pas de nature à démontrer qu’elle se comportait de manière autonome sur le marché.

96      Partant, il y a lieu de rejeter les arguments tirés de l’autonomie fonctionnelle et organique de la requérante comme étant non fondés.

97      Deuxièmement, la requérante se prévaut de son indépendance commerciale et financière. À cet égard, elle soutient, en substance, que Roca Sanitario n’intervenait pas dans ses décisions commerciales stratégiques, la détermination des conditions d’approvisionnement, la fixation des prix de cession et de vente, la négociation et la conclusion des contrats de financement. En outre, la requérante affirme qu’elle disposait de son propre réseau de distribution, produisait ses propres marques, commercialisait tant lesdites marques que des produits de fabricants tiers, parmi lesquels des concurrents de Roca Sanitario, et décidait librement des gammes de produits qu’elle distribuait et de ses fournisseurs. Enfin, elle fait valoir qu’elle n’a commencé à commercialiser des produits de la marque Roca qu’en 2005.

98      Or, même à supposer que la requérante jouisse d’une certaine autonomie dans les domaines visés au point 97 ci-dessus, il y a lieu de considérer, compte tenu des constats opérés et des conclusions tirées aux points 92 à 94 ci-dessus, que cette autonomie est en tout état de cause insuffisante pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. D’une part, Roca Sanitario était en mesure, au plus tard à partir du 30 mars 2000, d’exercer une influence déterminante sur les décisions stratégiques de la requérante. D’autre part, même avant cette date, il ressort des éléments du dossier, rappelés au point 94 ci-dessus, que Keramik Holding approuvait certaines décisions stratégiques de la requérante, sans que cette dernière ait démontré que Keramik Holding se comportait de façon autonome par rapport à Roca Sanitario. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler, ainsi que cela a été établi au point 49 ci-dessus, que les arguments soulevés par la requérante afin de contester le principe même de la mise en œuvre de la présomption d’exercice d’une influence déterminante à partir du 29 octobre 1999 ne sont pas recevables. Partant, les arguments relatifs à l’autonomie commerciale et financière de la requérante doivent être rejetés comme étant non fondés.

99      En quatrième lieu, la requérante reproche à la Commission une confusion entre la présomption d’exercice d’une influence déterminante et l’exercice effectif d’une telle influence. Selon elle, d’une part, il appartenait à la Commission de démontrer que Roca Sanitario pouvait exercer une influence déterminante sur elle et qu’elle l’avait effectivement exercée. D’autre part, la Commission n’aurait pas apporté la preuve de l’exercice effectif d’une telle influence.

100    Cet argument doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, il ressort de la jurisprudence citée aux points 62 à 65 ci-dessus que, lorsque la Commission impute la responsabilité du comportement anticoncurrentiel d’une filiale à sa société mère sur la base de la présomption d’exercice d’une influence déterminante, elle n’est nullement tenue de prouver l’exercice effectif d’une telle influence. En revanche, il appartient à la partie intéressée de renverser ladite présomption.

101    En cinquième lieu, d’une part, la requérante fait valoir que Roca Sanitario ne s’est jamais érigée en interlocuteur unique vis-à-vis de la Commission. À cet égard, il y a lieu d’observer que le fait pour une société mère de ne pas se présenter comme le seul interlocuteur, tant au cours de la procédure administrative qu’au stade contentieux, ne permet pas de conclure que la filiale concernée est autonome par rapport à sa société mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, T‑206/06, non publié au Recueil, point 98). Partant, il convient de rejeter cet argument de la requérante comme étant non fondé.

102    D’autre part, la requérante se prévaut de la circonstance qu’elle a été identifiée sous la dénomination Laufen ou Öspag dans la procédure administrative et dans la décision attaquée et non sous le nom de Roca. Cet argument doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, d’une part, il importe de rappeler que l’entreprise unique, au sens de la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, pouvant être composée de plusieurs personnes physiques ou morales, le fait que lesdites personnes morales portent des dénominations différentes n’est pas de nature à établir leur autonomie. D’autre part, s’il ressort du considérant 28 de la décision attaquée que la Commission utilise, dans ladite décision, la dénomination Laufen pour désigner la requérante, il y a lieu néanmoins de relever qu’elle n’utilise cette désignation que lorsqu’elle fait spécifiquement référence aux agissements et arguments présentés par la requérante et que, prise avec Roca Sanitario et Roca France, cette dernière est dénommée Roca.

103    En sixième lieu, la requérante soutient, dans le cadre du grief relatif à l’importance excessive accordée aux liens d’actionnariat, que la Commission a rendu la présomption d’exercice d’une influence déterminante irréfragable, en méconnaissance des principes de responsabilité personnelle et de présomption d’innocence consacrés à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH (voir points 81 et 83 ci-dessus). À cet égard, il suffit de constater que la simple circonstance qu’une entité ne produit pas, dans un cas donné, d’éléments de preuve de nature à renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante ne signifie pas que ladite présomption ne peut, en aucun cas, être renversée (arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 66). Partant, cet argument de la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

104    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n’a commis aucune erreur en estimant, au considérant 1071 de la décision attaquée, que les arguments avancés par la requérante n’étaient pas susceptibles de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

–       Sur la violation des droits de la défense en ce qui concerne les éléments de preuve

105    La requérante fait valoir, dans la réplique, une violation de ses droits de la défense. En effet, la Commission aurait avancé, dans le mémoire en défense, de nouveaux faits et éléments de preuve relatifs au rôle joué par Keramik Holding et au plan stratégique commercial pour la période 2002-2004, qui n’avaient été mentionnés ni dans la communication des griefs ni dans la décision attaquée.

106    La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

107    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure à caractère administratif (arrêts de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 94, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 270). Il exige que les entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des griefs et des circonstances allégués par la Commission (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 11, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 49).

108    En l’espèce, d’une part, les éléments de fait et de preuve relatifs au rôle joué par Keramik Holding et au plan stratégique commercial pour la période 2002-2004 n’ont pas servi de fondement à la démonstration de l’exercice par Roca Sanitario d’une influence déterminante sur la requérante. En effet, la Commission a présumé ledit exercice d’une influence déterminante par référence au fait que Roca Sanitario détenait 100 % du capital social de la requérante à compter du 29 octobre 1999. Ces éléments n’ont pas non plus été retenus par la Commission pour démontrer, aux considérants 1070 à 1074 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas renversé ladite présomption.

109    Il s’ensuit que, dans la mesure où les éléments invoqués par la requérante n’ont pas servi de fondement à la décision attaquée, la Commission n’était tenue de les mentionner ni dans ladite décision ni dans la communication des griefs.

110    D’autre part, s’agissant de la référence dans le mémoire en défense au rôle joué par Keramik Holding, il importe de relever que la requérante a mentionné dans la requête que le président-directeur général de la requérante faisait rapport au président-directeur général de Keramik Holding, en Suisse, en ce qui concerne essentiellement les questions d’ordre financier, et ne dépendait pas de Roca Sanitario. Il en découle que, en arguant du fait que la requérante avait omis de mentionner la circonstance que Keramik Holding exerçait un contrôle sur elle et que Roca Sanitario exerçait elle-même un contrôle sur Keramig Holding, la Commission s’est contentée d’opposer à la requérante un élément de défense qu’elle estimait pertinent.

111    S’agissant de la référence au plan stratégique commercial pour la période 2002-2004, il convient de remarquer qu’elle fait partie de la réponse de la requérante du 22 décembre 2005 à une demande de renseignements qui lui avait été adressée par la Commission. Il ressort du mémoire en défense que ce document, préparé par la requérante elle-même, a été évoqué par la Commission, dans le but de réfuter des affirmations, figurant dans la requête, relatives aux relations de la requérante avec Roca Sanitario. Il s’ensuit que, comme pour la référence au rôle joué par Keramik Holding, la Commission s’est contentée d’opposer à la requérante un élément de défense qu’elle estimait pertinent.

112    Partant, l’argument tiré de la violation des droits de la défense doit être rejeté comme étant non fondé.

113    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le grief relatif aux éléments de preuve produits par la requérante afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante doit être rejeté comme étant pour partie inopérant et pour partie non fondé.

 Sur les facteurs additionnels pris en compte par la Commission afin de renforcer la présomption d’exercice d’une influence déterminante

114    La requérante soulève deux séries d’arguments, qui ont trait, d’une part, à une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans l’analyse des facteurs additionnels pris en compte afin de renforcer la présomption d’exercice d’une influence déterminante et, d’autre part, à une violation de ses droits de la défense.

–       Sur l’erreur manifeste d’appréciation des facteurs additionnels

115    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des facteurs additionnels que cette dernière a invoqués aux considérants 1071 et 1073 de la décision attaquée afin de renforcer la présomption d’exercice d’une influence déterminante. D’une part, elle estime, en substance, que plusieurs affirmations figurant au considérant 1073 de ladite décision sont erronées. D’autre part, elle fait valoir que, au considérant 1071 de ladite décision, la Commission a sorti de leur contexte les observations formulées dans le cadre de l’audition du 13 novembre 2007, visée au point 11 ci-dessus, concernant l’application de la communication de 2002 sur la coopération et en a déduit, à tort, qu’elle constituait une entreprise unique avec Roca Sanitario et Roca France.

116    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

117    Selon la jurisprudence citée au point 65 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue de corroborer par des facteurs additionnels la présomption d’exercice d’une influence déterminante qu’elle est en droit de poser lorsqu’une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital social de sa filiale.

118    En l’espèce, il a été constaté au point 69 ci-dessus que c’était à bon droit que la Commission avait présumé que Roca Sanitario exerçait une influence déterminante sur la requérante. En outre, il ressort du point 104 ci-dessus que c’est également à bon droit que la Commission a considéré que la présomption d’exercice d’une influence déterminante n’avait pas été renversée par les arguments présentés par le groupe Roca.

119    Dès lors, il y a lieu de considérer que c’est à titre surabondant que la Commission a, d’une part, relevé, au considérant 1071 de la décision attaquée, que Roca Sanitario avait reconnu, aux fins de la demande de Roca France tendant à bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération (ci-après la « demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende »), constituer une entreprise unique avec la requérante et Roca France et, d’autre part, invoqué, au considérant 1073 de la décision attaquée, des facteurs additionnels renforçant la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

120    Dans la mesure où les arguments soulevés par la requérante au soutien du présent grief sont dirigés contre des éléments avancés par la Commission à titre surabondant, il convient de constater que, même s’il devait être considéré que la Commission a commis une erreur quant à l’appréciation de ces éléments, une telle erreur ne serait pas, en toute hypothèse, de nature à remettre en cause le fait qu’elle pouvait à bon droit se fonder sur la seule constatation de la détention par Roca Sanitario de la totalité du capital social de la requérante pour présumer qu’elle exerçait une influence déterminante sur cette dernière.

121    Partant, le présent grief doit être rejeté comme étant inopérant, sans que les arguments que la requérante a soulevés à son appui, tels qu’exposés au point 115 ci-dessus, puissent modifier ce constat.

–       Sur la violation des droits de la défense en ce qui concerne les facteurs additionnels

122    La requérante fait valoir que ses droits de la défense ont été violés en ce qui concerne les facteurs additionnels. En effet, ces derniers, mentionnés aux considérants 1071 et 1073 de la décision attaquée, n’auraient pas été évoqués dans la communication des griefs ou, lorsqu’ils y ont été mentionnés, les interprétations subjectives et les conclusions qui s’en dégagent dans la décision attaquée n’auraient pas pu raisonnablement en être tirées. En particulier, alors même que la communication des griefs fondait l’imputation de la responsabilité de l’infraction commise par la requérante à Roca Sanitario sur la seule présomption d’exercice d’une influence déterminante, la Commission aurait, dans la décision attaquée, élargi le fondement de ladite imputation en faisant allusion aux facteurs additionnels mentionnés aux considérants 1071 et 1073 de la décision attaquée.

123    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

124    Il convient de relever que l’argument de la requérante relatif aux facteurs additionnels mentionnés aux considérants 1071 et 1073 de la décision attaquée est inopérant. En effet, d’une part, la Commission a imputé à Roca Sanitario la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de la requérante sur la base de la présomption d’exercice d’une influence déterminante, et non sur la base desdits facteurs additionnels, sans que le groupe Roca soit parvenu à renverser ladite présomption. Partant, même à supposer que la Commission ait méconnu les droits de la défense de la requérante en ce qui concerne les facteurs additionnels, une telle violation ne serait, en tout hypothèse, pas susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée, dès lors qu’elle n’aurait aucune incidence sur le fondement même de l’imputation. D’autre part, force est de constater que la requérante ne se prévaut d’aucune violation des droits de la défense quant à l’application, dans la décision attaquée, de la présomption d’exercice d’une influence déterminante au groupe Roca.

125    Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il convient de rejeter les arguments tirés de la violation des droits de la défense de la requérante ainsi que le grief relatif aux facteurs additionnels dans son intégralité comme étant inopérants.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

126    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 296 TFUE. En effet, au considérant 1069 de la décision attaquée, la Commission aurait affirmé que les preuves présentées pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante n’étaient pas adéquates, sans avancer les raisons justifiant cette affirmation.

127    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

128    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 103 supra, point 147).

129    Ainsi, l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 103 supra, point 148, et la jurisprudence citée).

130    En outre, il est de jurisprudence constante que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 103 supra, point 150, et la jurisprudence citée).

131    Lorsque, comme en l’espèce, une décision d’application des règles de l’Union en matière de droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité des comportements anticoncurrentiels, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit, en principe, contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 103 supra, point 152).

132    S’agissant plus particulièrement d’une décision de la Commission qui s’appuie de manière exclusive, à l’égard de certains destinataires, sur la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, il y a lieu de constater que la Commission est en tout état de cause, sous peine de rendre cette présomption, dans les faits, irréfragable, tenue d’exposer de manière adéquate à ces destinataires les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués n’ont pas suffi à renverser ladite présomption. Le devoir de la Commission de motiver ses décisions sur ce point résulte notamment du caractère réfragable de ladite présomption, dont le renversement requerrait des intéressés de produire une preuve portant sur les liens économiques, organisationnels et juridiques entre les sociétés concernées (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 103 supra, point 153).

133    La Commission n’est pourtant pas tenue dans un tel contexte de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 103 supra, point 154).

134    En l’espèce, tout d’abord, la Commission a expliqué, au considérant 1063 de la décision attaquée, que Roca Sanitario avait détenu 100 % de la requérante depuis le 29 octobre 1999. Elle a conclu, sur cette base, au considérant 1069 de ladite décision, que la présomption d’exercice d’une influence déterminante trouvait à s’appliquer en l’espèce. Or, ainsi que cela a été constaté au point 49 ci-dessus, les arguments de la requérante tendant à mettre en cause l’application de ladite présomption depuis le 29 octobre 1999 eu égard aux liens capitalistiques avec Roca Sanitario sont irrecevables.

135    Ensuite, la Commission a exposé, aux considérants 1065 à 1068 de la décision attaquée, l’essentiel des éléments avancés par le groupe Roca afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante tant dans sa réponse à la communication des griefs que dans ses réponses aux demandes de renseignements, en citant précisément les passages pertinents de ces documents. Ainsi, elle a expliqué que Roca Sanitario avait fait valoir qu’elle n’avait pas participé à l’infraction constatée (considérant 1065 de la décision attaquée), qu’elle n’avait pas exercé d’influence sur ses filiales ni pris aucune décision tarifaire pour elles (considérant 1066 de la décision attaquée), que ses filiales ne lui avaient pas communiqué d’informations sur leurs marchés respectifs et qu’elles avaient toujours agi et fixé leurs prix de manière autonome (considérant 1066 de la décision attaquée), qu’il n’y avait eu aucun flux bilatéral d’informations entre elle et ses filiales (considérant 1066 de la décision attaquée), qu’elle n’avait donné aucune instruction à des employés de ses filiales (considérant 1066 de la décision attaquée) et que la Commission ne pouvait se fonder uniquement sur ses liens d’actionnariat avec ses filiales pour présumer l’exercice d’une influence déterminante sur ces dernières (considérant 1067 de la décision attaquée). La Commission a en outre exposé les arguments soulevés par la requérante et par Roca France, tirés de ce que leur comportement commercial était totalement indépendant de Roca Sanitario. En effet, elles n’auraient jamais reçu d’instructions de cette dernière quant à leur participation à l’infraction constatée, dont Roca Sanitario n’aurait, par ailleurs, pas eu connaissance (considérant 1068 de la décision attaquée).

136    Enfin, aux considérants 1070 et 1071 de la décision attaquée, la Commission a répondu aux arguments avancés par le groupe Roca. Premièrement, elle estime que Roca Sanitario est considérée, conformément à la jurisprudence, comme individuellement responsable de l’infraction constatée, sur la base de ses liens juridiques et économiques avec la requérante et Roca France (considérant 1070 de la décision attaquée). Deuxièmement, la Commission indique que l’argument relatif à l’absence de participation de Roca Sanitario à l’infraction constatée ne pouvait prospérer eu égard à la jurisprudence pertinente (considérant 1071 de la décision attaquée). Troisièmement, l’exercice d’une influence déterminante sur la politique commerciale d’une filiale ne supposerait pas la gestion quotidienne de ses activités ni la détermination, par la société mère, des prix devant être appliqués par ses filiales (considérant 1071 de la décision attaquée). En outre, la Commission a ajouté que Roca Sanitario aurait reconnu, lors de l’audition visée au point 11 ci-dessus, qu’elle constituait une seule entreprise, aux fins de la demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, avec la requérante et Roca France (considérant 1071 de la décision attaquée).

137    Si cette réponse est succincte, elle est suffisante pour permettre de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les arguments présentés par le groupe Roca ne permettaient pas de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

138    Par ailleurs, il convient d’ajouter que, aux considérants 1072 et 1073 de la décision attaquée, la Commission a fait état d’éléments supplémentaires produits par le groupe Roca au cours de la procédure administrative. Selon elle, non seulement ces éléments n’étaient pas susceptibles de renverser la présomption de l’exercice d’une influence déterminante, mais au contraire indiquaient une influence de Roca Sanitario sur la requérante et Roca France.

139    En particulier, s’agissant de la requérante, la Commission a relevé, au considérant 1073 de la décision attaquée, que certains membres du conseil d’administration de Roca Sanitario étaient également membres du conseil de surveillance de la requérante, que Roca Sanitario décidait de la conception et de la fabrication de nouveaux produits et de la suppression de gammes de produits ainsi que du prix de transfert auquel cette dernière vendait ses produits à ses filiales et que la requérante devait être orientée par les objectifs d’amélioration du volume des ventes et de renforcement de la marque Roca sur son marché. S’agissant de Roca France, la Commission a cité, au considérant 1072 de la décision attaquée, des éléments démontrant, selon elle, que le directeur commercial de celle-ci répondait directement de Roca Sanitario, que tous les aspects relatifs aux produits commercialisés par celle-ci étaient déterminés par Roca Sanitario et que lesdits produits n’étaient pas fabriqués par celle-ci.

140    Même à supposer que certains de ces éléments puissent être considérés comme étant imprécis, inexacts ou mal interprétés par la Commission, il n’en demeure pas moins qu’ils constituent un exposé adéquat des raisons pour lesquelles la Commission a estimé que les éléments de fait et de droit invoqués par le groupe Roca n’avaient pas suffi à renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante et avaient contribué au contraire à démontrer que Roca Sanitario et ses filiales forment une unité économique unique. À cet égard, il convient de rappeler, en outre, que, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt du 12 décembre 2007 Akzo Nobel e.a./Commission, point 66 supra, point 94).

141    Dès lors, il y a lieu de conclure que la Commission s’est conformée à son obligation de motivation. Partant, il convient de rejeter les arguments soulevés par la requérante à cet égard comme étant non fondés.

142    Dans ces conditions, il convient de rejeter la première branche du premier moyen comme étant pour partie inopérante et pour partie non fondée.

143    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant en partie irrecevable, en partie inopérant et en partie non fondé.

2.     Sur le deuxième moyen, relatif à la méthode de calcul du montant de l’amende infligée à la requérante à titre individuel

144    Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soutient que la méthode de calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée à titre individuel pour les cinq années précédant son acquisition par Roca Sanitario est constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation et viole l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ainsi que les principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de responsabilité personnelle. D’une part, la répartition du montant total de l’amende entre l’amende infligée à titre individuel et celle infligée à titre solidaire serait arbitraire et insuffisamment motivée. En effet, étant donné que chaque montant correspond à une participation à l’infraction d’une durée identique, à savoir cinq ans, la Commission aurait dû répartir à parts égales le montant total, s’élevant à 32 millions d’euros. D’autre part, le montant de l’amende qui a été infligée à titre individuel à la requérante dépasserait le plafond de 10 % de son chiffre d’affaires lors de la dernière année ayant précédé l’adoption de la décision attaquée, en violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, ainsi que des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de responsabilité personnelle.

145    La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante. En particulier, sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir que la requérante n’a pas d’intérêt à soulever l’argument relatif à la répartition prétendument arbitraire du montant de l’amende qui lui a été infligée à titre solidaire. Selon elle, la répartition proposée par la requérante a pour conséquence une augmentation du montant de l’amende infligée à titre individuel à cette dernière.

146    Dès lors que l’intérêt de la requérante à soulever le premier argument exposé au point 145 ci-dessus dépend de l’appréciation du bien-fondé du second argument exposé audit point, le Tribunal estime opportun d’examiner d’emblée ce dernier.

147    Premièrement, s’agissant de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et de l’erreur d’appréciation, il y a lieu de rappeler que, aux termes dudit article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, pour chaque entreprise et chaque association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

148    Le plafond de 10 % du chiffre d’affaires vise, selon une jurisprudence constante, le chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée, en ce que seul ce chiffre d’affaires donne une indication de l’importance et de l’influence de cette entreprise sur le marché (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 5022, et la jurisprudence citée). Ainsi, ledit plafond tend, notamment, à protéger les entreprises contre un niveau excessif d’amende qui pourrait détruire leur substance économique (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 389).

149    Il s’ensuit que l’objectif poursuivi par l’introduction du plafond de 10 % du chiffre d’affaires ne peut être réalisé que si ce plafond est appliqué, dans un premier temps, à chaque destinataire séparé de la décision infligeant l’amende. Ce n’est que s’il s’avère, dans un second temps, que plusieurs destinataires constituent l’« entreprise » au sens de l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée, et ce encore à la date d’adoption de cette décision, que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise, c’est-à-dire de toutes ses composantes cumulées. En revanche, si cette unité économique a entre-temps été rompue, chaque destinataire de la décision a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond en cause (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 148 supra, point 390).

150    Il résulte de ce qui précède que, lorsqu’une distinction est opérée entre une première période, pour laquelle la filiale est tenue pour seule responsable de l’infraction, et une seconde période, pour laquelle la société mère est tenue pour solidairement responsable de l’infraction avec sa filiale, l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 n’impose pas à la Commission de vérifier si la partie de l’amende dont la société mère n’est pas tenue pour solidairement responsable du paiement reste en deçà du plafond de 10 % du chiffre d’affaires de la seule filiale. Le plafond visé par cette disposition a uniquement pour objet d’empêcher l’imposition d’une amende excessive au regard de la taille globale de l’entité économique au jour de l’adoption de la décision, le chiffre d’affaires de la seule société auteur des comportements anticoncurrentiels, tel qu’il se présente lorsque ces comportements ont lieu ou lorsque l’amende est infligée, étant d’une pertinence limitée à cet égard. La circonstance que la Commission a, dans sa pratique décisionnelle antérieure, fait une application différente de cette disposition, qui s’est révélée être à l’avantage de la société en cause, n’influe pas sur cette considération.

151    En l’espèce, tout d’abord, il ressort du tableau figurant au considérant 1226 de la décision attaquée que le montant de base de l’amende totale infligée au groupe Roca s’élève à 38 700 000 euros, dont 32 000 000 euros pour les articles en céramique et pour l’Autriche, correspondant à une participation à l’infraction constatée d’une durée de dix ans. Ce dernier montant se compose d’un montant de 14 300 000 euros infligé à titre individuel à la requérante et d’un montant de 17 700 000 euros infligé solidairement à la requérante et à Roca Sanitario.

152    Ensuite, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et au paragraphe 32 des lignes directrices de 2006, la Commission a fait application du plafond de 10 %. À cet égard, il ressort des considérants 1261 et 1262 de la décision attaquée que la Commission a pris en considération, conformément auxdites dispositions, le chiffre d’affaires total réalisé par chaque entreprise en 2009. L’application du plafond de 10 % n’a eu, ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse à une question écrite du Tribunal, aucune incidence sur le montant de l’amende infligée au groupe Roca, ainsi que cela ressort du tableau figurant au considérant 1264 de la décision attaquée.

153    Enfin, d’une part, il est constant que la requérante et sa société mère, Roca Sanitario, sont toutes les deux destinataires de la décision attaquée. D’autre part, il est également établi, ainsi que les parties l’ont confirmé à l’audience, que, à la date d’adoption de la décision attaquée, la requérante était toujours détenue à 100 % par Roca Sanitario et formait ainsi, avec cette dernière, une entreprise au sens de la jurisprudence citée au point 149 ci-dessus.

154    Il s’ensuit que c’est sans méconnaître l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et sans commettre une quelconque erreur que la Commission a pris en considération le chiffre d’affaires du groupe Roca aux fins de l’application du plafond de 10 % s’agissant de l’infraction commise par la requérante avant son rachat par Roca Sanitario. Partant, les arguments soulevés à cet égard par la requérante doivent être rejetés comme étant non fondés.

155    Deuxièmement, pour autant que la requérante se prévale d’une violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que, nonobstant la marge d’appréciation dans la fixation du montant d’une telle amende que lui reconnaît la jurisprudence, la Commission est tenue de respecter, à chaque fois qu’elle décide d’imposer des amendes en vertu du droit de la concurrence, les principes généraux de droit, parmi lesquels figure, notamment, le principe de proportionnalité, tel qu’interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2012, Almamet/Commission, T‑410/09, non publié au Recueil, point 228, et la jurisprudence citée).

156    Or, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires vise précisément, selon la jurisprudence, à éviter que les amendes ne soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, SGL Carbon/Commission, T‑68/04, Rec. p. II‑2511, point 127, et la jurisprudence citée).

157    En l’espèce, d’une part, force est de constater que la Commission, lors du calcul du montant des amendes, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’unité économique agissant en qualité d’entreprise au sens de l’article 101 TFUE. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, l’entreprise pertinente à prendre en considération dans la présente espèce ne correspond pas à chaque filiale ayant participé à l’infraction constatée. Or, il ressort de l’analyse du premier moyen que c’est à bon droit que la Commission a imputé la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de la requérante à Roca Sanitario à partir de la date du rachat de la première par la seconde. D’autre part et en tout état de cause, il importe de constater que, ainsi que cela ressort de la réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal, le montant total de l’amende infligée au groupe Roca est d’environ 3 % du chiffre d’affaires consolidé de Roca Sanitario, ce qui ne saurait être considéré comme disproportionné par rapport à la taille de cette entreprise.

158    Dans ces conditions, l’argument de la requérante, qui, par ailleurs, n’est nullement étayé par des arguments concrets expliquant pourquoi l’amende est disproportionnée au regard de la situation propre à la requérante, doit être rejeté comme étant non fondé.

159    Troisièmement, s’agissant de la violation du principe d’égalité de traitement, pour autant que la requérante fasse valoir une inégalité de traitement en se prévalant, sans autre explication, de l’approche retenue par la Commission dans la décision C (2008) 2626, du 11 juin 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38695 — Chlorate de sodium) (JO 2009, C 137, p. 6), il convient d’observer que la Commission n’est pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure, cette dernière ne constituant pas, en tout état de cause, un cadre juridique pour le calcul du montant des amendes (arrêts du Tribunal LR AF 1998/Commission, point 80 supra, point 234, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 153).

160    En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 79). Or, dans la décision Chlorate de sodium, aux fins du calcul du montant de l’amende infligée à Finnish Chemicals, la Commission a appliqué le plafond de 10 % au chiffre d’affaires de cette société et non à celui de l’entreprise qu’elle formait avec sa société mère, Erikem Luxembourg SA, dans la mesure où Finnish Chemicals n’appartenait plus à ladite société mère au moment de l’adoption de la décision. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Partant, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation du principe d’égalité de traitement comme étant non fondé.

161    Quatrièmement, s’agissant de la violation du principe de responsabilité personnelle, cet argument doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, il a été constaté au point 153 ci-dessus que la requérante et Roca Sanitario constituaient, à la date d’adoption de la décision attaquée, une entreprise unique. Or, selon une jurisprudence constante, le droit de l’Union relatif à la concurrence vise les activités des entreprises, et la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Lorsqu’une telle entité enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir en ce sens, arrêt de la Cour du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, Rec. p. I‑10893, points 38 et 39 ainsi que la jurisprudence citée).

162    S’agissant de l’argument de la requérante tiré de la répartition arbitraire du montant total de l’amende entre l’amende infligée à titre individuel et celle infligée à titre solidaire, il convient de relever que, si cet argument était accueilli, il aurait pour conséquence que la requérante se trouverait seule débitrice d’une amende d’un montant plus élevé en ce qu’elle se verrait imposer, à titre individuel, une amende de 16 000 000 euros au lieu de 14 300 000. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable, dès lors que la requérante ne dispose pas d’un intérêt à le soulever, au sens de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus.

163    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen, pour autant qu’il porte sur l’amende infligée à titre individuel à la requérante, comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé, sans qu’il y ait lieu d’examiner les arguments tendant à contester la répartition du montant total de l’amende infligée à la requérante entre le montant infligé à titre individuel et celui infligé à titre solidaire.

3.     Sur le troisième moyen, relatif à l’appréciation de la gravité de l’infraction commise par la requérante

164    Dans le cadre du troisième moyen, d’une part, la requérante soutient que la Commission a violé l’article 101 TFUE, les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que le principe de protection de la confiance légitime en s’écartant de la méthode de calcul du montant des amendes établie dans les lignes directrices de 2006. En substance, elle conteste le fait que la Commission se soit fondée, dans le cadre du calcul du montant de l’amende qu’elle lui a infligée, sur des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » identiques à ceux utilisés dans le cadre du calcul du montant de l’amende infligée aux entreprises faisant partie du noyau dur de l’entente.

165    À cet égard, premièrement, la requérante soutient qu’elle ne faisait pas fait du groupe central d’entreprises et que la gravité de son comportement était moindre que celle du comportement de ces entreprises. Deuxièmement, la requérante souligne que les coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » ont été déterminés sur le fondement de la gravité de l’infraction constatée. Or, sa participation à ladite infraction aurait été réduite et limitée au territoire d’un seul État membre et à un seul sous-groupe de produits. Troisièmement, la modulation de l’amende devrait être opérée non par la prise en compte de la portée des ventes de l’entreprise (tant géographique que s’agissant de la gamme de produits), mais par le biais d’une gradation des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel ». En effet, la prise en compte de la valeur des ventes servirait uniquement à délimiter la responsabilité personnelle d’une entreprise et ne constituerait ainsi pas un facteur de modulation de l’amende au vu de la gravité de l’infraction commise.

166    D’autre part, la requérante fait valoir, en substance, une erreur de la Commission quant à l’application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.

167    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. En particulier, premièrement, la Commission soutient que la valeur des ventes prise en compte pour chaque entreprise reflète son degré de participation à l’infraction constatée. Deuxièmement, l’absence d’appartenance de la requérante au groupe central d’entreprises se refléterait déjà dans la conclusion selon laquelle celle-ci n’est pas responsable de la totalité de l’entente. Troisièmement, s’agissant des entreprises appartenant audit groupe central, elle n’aurait pas considéré que cette appartenance était un facteur aggravant davantage leur responsabilité que l’étendue géographique plus importante de l’infraction et, partant, que le plus grand volume des ventes à prendre en compte. Quatrièmement, le coefficient « gravité de l’infraction » aurait été fixé à 15 % compte tenu de la nature de l’infraction constatée. Cinquièmement, il serait sans incidence sur la gravité de l’infraction que la requérante ne vende pas tous les produits concernés par l’infraction constatée et ait limité sa participation à deux États membres.

168    Dans un premier temps, s’agissant des arguments tirés des violations de l’article 101 TFUE, des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que de protection de la confiance légitime, tels qu’exposés au point 164 ci-dessus, il y a lieu de préciser qu’ils concernent tous les coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel ». Dans ces conditions, il convient, en premier lieu, de rappeler les règles s’appliquant au calcul du montant de base de l’amende prévu par les lignes directrices de 2006, en deuxième lieu, de relever les motifs avancés par la Commission au soutien de son choix d’imposer des coefficients de 15 % et, en troisième lieu, d’examiner si, en procédant de la sorte, elle a commis les erreurs et violations que la requérante invoque.

169    En premier lieu, s’agissant des règles applicables au calcul du montant de l’amende, il y a lieu de rappeler que, en vertu des paragraphes 9 à 11 des lignes directrices de 2006, la méthodologie utilisée par la Commission pour fixer les amendes comporte deux étapes. Dans un premier temps, la Commission détermine un montant de base de l’amende pour chaque entreprise ou association d’entreprises. Dans un second temps, elle peut ajuster ce montant de base de l’amende à la hausse ou à la baisse, et ce au regard de circonstances aggravantes ou atténuantes qui caractérisent la participation de chacune des entreprises concernées.

170    S’agissant, plus précisément, de la première phase de la méthode pour la fixation des amendes, selon les paragraphes 21 à 23 des lignes directrices de 2006, le coefficient « gravité de l’infraction » est fixé à un niveau compris dans une fourchette allant de 0 à 30 %, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction, étant entendu que les accords de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. En vertu du paragraphe 25 desdites lignes directrices, il est précisé que, dans un but dissuasif, la Commission inclura dans le montant de base de l’amende une proportion, permettant de calculer un montant additionnel, comprise dans une fourchette allant de 15 à 25 % de la valeur des ventes, en tenant compte des facteurs précités.

171    En deuxième lieu, s’agissant de la proportion de la valeur des ventes de chaque entreprise concernée retenue par la Commission dans la décision attaquée, il convient d’observer que la détermination du coefficient « gravité de l’infraction » et celle du coefficient « montant additionnel » font l’objet respectivement des considérants 1210 à 1220 et des considérants 1224 et 1225 de la décision attaquée.

172    À cet égard, premièrement, s’agissant du coefficient « gravité de l’infraction », il ressort notamment des considérants 1210 à 1214 de la décision attaquée que, pour justifier la fixation d’un coefficient de 15 %, la Commission, après avoir rappelé que les accords horizontaux de fixation des prix comptaient parmi les restrictions de concurrence les plus graves, s’est fondée sur quatre critères, à savoir, la nature de l’infraction, les parts de marché combinées des entreprises sanctionnées, la portée géographique et la mise en œuvre de l’infraction. Il découle desdits considérants que, en substance, la Commission s’est fondée sur l’appréciation selon laquelle les entreprises sanctionnées dans la décision attaquée avaient participé à une infraction unique dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains couvrant les trois sous-groupes de produits dans six États membres et que l’« accord horizontal de fixation de prix », qui avait été mis en œuvre en l’espèce, comptait parmi les restrictions les plus graves de concurrence en raison de sa nature même.

173    Deuxièmement, s’agissant du coefficient « montant additionnel », la Commission a, au considérant 1225 de la décision attaquée, renvoyé aux quatre critères évoqués en ce qui concerne le coefficient « gravité de l’infraction » pour fixer ce coefficient à 15 %.

174    Toutefois, la Commission a estimé, au considérant 871 de la décision attaquée, que, si le groupe Roca, notamment pour sa participation aux réunions de l’ASI, avait connaissance de l’étendue matérielle de l’infraction constatée en ce qu’elle portait sur les trois sous-groupes de produits, ledit groupe ne pouvait être considéré comme ayant eu connaissance de l’entente globale, mais seulement des comportements collusoires ayant existé en France et en Autriche. Partant, le groupe Roca a été considéré, par la Commission, comme n’ayant participé qu’aux volets français et autrichien de l’infraction constatée, ainsi que cela ressort de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée. La Commission a encore relevé, au considérant 871 de la décision attaquée, que, dès lors que le groupe Laufen n’avait été acquis qu’en 1999 et qu’une infraction n’a été constatée en France qu’à partir de 2002, le groupe Roca n’avait directement participé à l’infraction dans plusieurs États membres que pendant les deux dernières années de l’infraction.

175    Il en est résulté, en ce qui concerne la requérante, ainsi que cela ressort d’une lecture combinée du tableau figurant au considérant 1226 de la décision attaquée et de l’article 2, paragraphe 4, sous a) et c), de cette même décision, qu’elle n’a elle-même été tenue pour responsable du paiement de l’amende infligée au groupe Roca qu’en ce qui concerne l’infraction commise sur le territoire autrichien.

176    En troisième lieu, c’est à la lumière des considérations exposées aux points 169 à 175 ci-dessus qu’il convient d’examiner les griefs soulevés par la requérante et tirés, premièrement, de la violation de l’article 101 TFUE, deuxièmement, de la violation du principe de proportionnalité, troisièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et, quatrièmement, de la violation du principe d’égalité de traitement.

177    Premièrement, s’agissant de la violation de l’article 101 TUE, force est de constater que la requérante ne fournit aucune explication permettant de comprendre les raisons pour lesquelles elle estime que la Commission a violé cette disposition. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable au regard des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. En tout état de cause, cet argument est non fondé. En effet, il y a lieu de relever que le constat d’infraction, tel que le prévoit l’article 101 TFUE, ne saurait être remis en cause par une erreur que la Commission aurait commise dans le calcul du montant de l’amende, cette disposition ne comportant aucune précision quant audit calcul.

178    Deuxièmement, s’agissant de la violation du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que, dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est‑à‑dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 532). En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 226 à 228, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 171).

179    En l’espèce, il convient de constater que la requérante a participé à une infraction consistant en la mise en œuvre d’une coordination de hausses de prix futures, qu’elle avait connaissance, en raison de sa participation aux réunions de l’ASI, de l’étendue matérielle de l’infraction constatée en ce qu’elle portait sur les trois sous-groupes de produits, ce que la requérante n’a pas contesté dans le cadre de son recours, et que cette infraction a concerné tout le territoire autrichien. Dans ces conditions, la Commission pouvait, conformément aux paragraphes 21 à 23 et 25 des lignes directrices de 2006, considérer à bon droit que des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 % n’étaient pas contraires au principe de proportionnalité.

180    Partant, le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être rejeté comme étant non fondé.

181    Troisièmement, s’agissant de la violation du principe de protection de la confiance légitime, la requérante soutient que la Commission a violé ledit principe en s’écartant, sans justification, de la méthode de calcul du montant de l’amende établie dans les lignes directrices de 2006.

182    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêt de la Cour du 18 juillet 2007, AER/Karatzoglou, C‑213/06 P, Rec. p. I‑6733, point 33). En revanche, une personne ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du Tribunal du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, point 59, et du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, Rec. p. II‑1093, point 26). Constituent de telles assurances des renseignements précis, inconditionnels et concordants émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 104 et 107).

183    En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission ne s’est pas départie de la méthode de calcul du montant de l’amende prévue dans les lignes directrices de 2006.

184    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime. Partant, ce grief doit être rejeté comme étant non fondé.

185    Quatrièmement, s’agissant de la violation du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 160 ci-dessus, le principe d’égalité de traitement est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

186    En l’espèce, force est de constater que l’ensemble des destinataires de la décision attaquée s’est vu appliquer des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 %, alors même que, à la différence des entreprises ayant participé à l’infraction unique couvrant les trois sous-groupes de produits dans six États membres, la requérante ne pouvait être tenue pour responsable de l’infraction constatée que pour son volet autrichien. Dès lors, la gravité de l’infraction à laquelle la requérante a participé était moins importante en termes géographiques que celle de l’infraction commise par les autres destinataires de la décision attaquée ayant pris part à l’infraction unique couvrant six territoires et les trois sous-groupes de produits.

187    Toutefois, même à supposer qu’il y ait lieu de considérer que la Commission aurait dû traiter, lors de la détermination desdits coefficients, les entreprises ayant pris part à l’infraction unique couvrant les six territoires de l’Union et les trois sous-groupes de produits de manière distincte de celles qui ont participé à l’infraction unique sur un seul territoire, il n’en demeure pas moins qu’un tel traitement distinct n’aurait pas pu bénéficier à la requérante. En effet, comme il est exposé au point 179 ci-dessus, les coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 % appliqués à la requérante constituent des taux proportionnés à la gravité de l’infraction qu’elle avait commise. Dès lors, l’absence de traitement différencié entre l’ensemble des entreprises destinataires de la décision attaquée ne s’est pas faite au détriment de la requérante.

188    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter comme étant non fondé le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis une violation du principe d’égalité de traitement à son détriment.

189    Dans un second temps, s’agissant du grief de la requérante relatif au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, il convient de relever que, en vertu du troisième tiret dudit paragraphe, afin de bénéficier d’une réduction du montant de l’amende en raison de circonstances atténuantes, l’entreprise concernée doit « apporte[r] la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite » et « démontre[r] par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ».

190    En outre, pour bénéficier de la circonstance atténuante liée à une participation réduite à l’infraction en cause, la requérante doit démontrer que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords ayant donné lieu à ladite infraction, elle s’est effectivement soustraite à son application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci. En d’autres termes, elle doit démontrer qu’elle n’a pas appliqué les accords litigieux, en ayant à cet égard un comportement sur le marché susceptible de contrarier les effets anticoncurrentiels de l’infraction constatée (voir arrêt du Tribunal du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, non encore publié au Recueil, point 439, et la jurisprudence citée).]

191    Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante s’est contentée de faire valoir le caractère limité de sa participation à l’infraction constatée, sans toutefois démontrer qu’elle s’est soustraite, par l’adoption d’un comportement concurrentiel, à la mise en œuvre de ladite infraction. Bien au contraire, en réponse aux questions du Tribunal à l’audience, la requérante a explicitement confirmé non seulement qu’elle avait participé aux arrangements collusoires mis en place sur le marché autrichien, visés aux considérants 360 à 365 de la décision attaquée, mais également qu’elle avait effectivement mis en œuvre lesdits arrangements.

192    Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur en n’octroyant aucune réduction du montant de l’amende à la requérante au titre du paragraphe 29, troisième tiret, des lignes directrices de 2006. Il y a lieu, dès lors, de rejeter le grief soulevé par la requérante à cet égard comme étant non fondé.

193    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.

4.     Sur le quatrième moyen, relatif à l’absence de prise en considération du contexte de crise économique en tant que circonstance atténuante

194    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission a violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir pris en considération, au titre d’une circonstance atténuante en vertu du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, le contexte de crise économique. Selon elle, dès lors que la Commission a pris en considération ledit contexte lors de l’application du paragraphe 35 desdites lignes directrices à cinq entreprises destinataires de la décision attaquée, elle aurait également dû le faire, au titre d’une circonstance atténuante, s’agissant des autres destinataires de la décision attaquée.

195    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

196    Selon la jurisprudence, la Commission dispose d’une marge d’appréciation qui lui permet de prendre ou de ne pas prendre en considération certains éléments lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, en fonction notamment des circonstances de l’espèce. Ainsi, en l’absence d’une indication de nature impérative dans les lignes directrices de 2006 en ce qui concerne les circonstances atténuantes qui peuvent être prises en compte, il convient de considérer que la Commission a conservé une certaine marge d’appréciation pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 204).

197    En outre, la circonstance que, dans certains cas, la Commission ait pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, certaines mesures en tant que circonstances atténuantes n’implique pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans chaque cas d’espèce. Toutefois, la Commission est tenue de respecter le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe général du droit. Ainsi, la Commission ne peut traiter des situations comparables de manière différente ou des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 196 supra, point 205).

198    Dès lors que les cartels naissent, généralement au moment où un secteur connaît des difficultés, la Commission n’est pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause, sous peine de devoir réduire le montant de l’amende dans la quasi-totalité des cas. En revanche, il est vrai que, dans la pratique décisionnelle de la Commission, des crises structurelles ont été considérées comme des circonstances atténuantes (arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 196 supra, point 207).

199    En l’espèce, il importe de relever que, aux considérants 1389 à 1399 de la décision attaquée, la Commission a expliqué, en réponse à une demande de réduction du montant de l’amende formulée par Grohe pour elle-même et pour l’ensemble des entreprises concernées, pourquoi elle estimait que la détérioration des activités commerciales dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, due à la crise économique, n’était pas en elle-même suffisante pour justifier une réduction du montant de l’amende.

200    De plus, il est constant que la Commission a tenu compte, aux considérants 1320 à 1388 de la décision attaquée, de la situation de crise généralisée afin de motiver l’application du paragraphe 35 des lignes directrices de 2006 à cinq des dix entreprises qui en avaient fait la demande. Selon ledit paragraphe, la Commission peut, en effet, dans des circonstances exceptionnelles et sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier, à condition que l’entreprise ayant formulé la demande ait rapporté des preuves objectives que l’imposition d’une amende mettrait irrémédiablement en danger sa viabilité économique et conduirait à priver ses actifs de toute valeur.

201    Or, il ressort des considérants 1344, 1345, 1352, 1353, 1360, 1361, 1368, 1369, 1379 et 1380 de la décision attaquée que les cinq entreprises visées au point 200 ci-dessus, dont ne fait pas partie la requérante, ont fourni des informations concrètes et crédibles indiquant que les difficultés issues du contexte de crise s’appliquaient également à leurs situations individuelles.

202    En outre, il ressort des pièces du dossier que la requérante s’est certes, dans une lettre adressée à la Commission le 10 septembre 2009, prévalu de la situation difficile du secteur des installations sanitaires pour salles de bains ainsi que de la détérioration de sa situation économique. Toutefois, contrairement aux cinq entreprises visées au point 199 ci-dessus, force est de constater qu’elle n’a avancé aucun argument spécifique à cet égard de nature à justifier la prise en considération du contexte de crise économique lors de la détermination du montant de l’amende. En outre, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante s’est bornée à renvoyer à ladite lettre ainsi qu’à un ensemble de notes de presse relatives aux procédures de chômage technique de Roca Sanitario en 2009 et en 2010.

203    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n’a commis aucune violation du principe d’égalité de traitement en ce qu’elle a refusé de prendre en considération, s’agissant de la requérante, le contexte de crise économique en tant que circonstance atténuante au titre du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006. Il convient, dès lors, de rejeter l’argument tiré de la violation du principe d’égalité de traitement comme étant non fondé.

204    S’agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité, il suffit de rappeler, ainsi que cela a été constaté au point 202 ci-dessus, que la requérante a omis d’avancer des arguments concrets et spécifiques à sa situation justifiant la prise en compte, au stade du calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée, du contexte de crise. En particulier, elle n’a présenté aucun argument de nature à établir que l’amende était, au regard de sa situation financière, disproportionnée et s’est bornée à soutenir que le refus, par la Commission, d’appliquer une circonstance atténuante en raison du contexte de crise économique était disproportionné.

205    Partant, l’argument tiré de la violation du principe de proportionnalité ainsi que le quatrième moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme étant non fondés.

5.     Sur le cinquième moyen, relatif à l’absence de prise en considération de la pression exercée par les grossistes en tant que circonstance atténuante

206    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité et l’obligation de motivation en omettant de prendre en considération la pression exercée par les grossistes sur les producteurs d’installations sanitaires pour salles de bains en tant que circonstance atténuante et en n’exposant pas les motifs de cette omission. Elle précise que lesdits grossistes exigeaient une action coordonnée des producteurs concernant leurs propositions de révision des prix de vente conseillés ou l’introduction de certaines majorations de prix.

207    La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

208    En premier lieu, s’agissant de l’argument tiré de la violation de l’obligation de motivation, il ressort de la décision attaquée que la Commission a analysé le rôle des grossistes ainsi que les arguments soulevés à cet égard par les destinataires de ladite décision. Ainsi, au considérant 740 de cette décision, la Commission a indiqué que, lors de l’introduction des péages routiers en Autriche, les grossistes avaient demandé aux fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, dans le cadre de l’ASI, d’appliquer une majoration de 0,6 % des prix et non de 0,2 %, comme l’avaient décidé ces derniers. En outre, aux considérants 657 et 658 de la même décision, elle a observé que certains fabricants autrichiens expliquaient la coordination de la hausse des prix à l’occasion de l’introduction de l’euro par la pression exercée par les grossistes. Enfin, aux considérants 931 à 934 de la décision en question, elle a expliqué que les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains avaient invoqué la puissance d’achat et les pressions des grossistes pour justifier les arrangements collusoires et en tant que circonstance atténuante.

209    Il ressort également de la décision attaquée que la Commission a refusé d’appliquer une circonstance atténuante en raison du rôle joué par les grossistes. La motivation, au considérant 934 de ladite décision, se lit comme suit :

« […L] a prétendue puissance d’achat compensatrice exercée par les grossistes ou les autres conditions du marché ne peuvent en aucun cas justifier les arrangements de coordination des prix entre les fabricants au niveau horizontal. Le principal problème dans la présente affaire est qu’au lieu de répondre indépendamment aux conditions du marché, les destinataires [de la décision attaquée] ont choisi de coordonner leurs prix en participant aux pratiques décrites à la section 4 [de ladite décision]. En tout état de cause, la Commission est en droit de conclure que les conditions de concurrence ont été faussées, même s’il était prouvé que la puissance d’achat existait. En outre, la Commission observe que la perception de l’existence d’une puissance d’achat pourrait bien expliquer l’incitation à organiser une entente afin de maintenir les prix à un niveau plus élevé que celui fixé par les forces du marché. Dans le cas présent, il existe, de fait, des preuves attestant de tentatives coordonnées des fabricants pour garder le contrôle de la fixation des prix dans le cadre du système de distribution à trois niveaux ou pour contenir la pression des clients. »

210    Il découle du considérant 934 de la décision attaquée, cité au point 209 ci-dessus, que la Commission a fondé le refus d’appliquer une circonstance atténuante tirée de la pression exercée par les grossistes sur la considération principale selon laquelle la constatation d’une infraction ne saurait être remise en cause par l’existence, à la supposer établie, d’une puissance d’achat compensatrice exercée par les grossistes. Si cette motivation est succincte, elle est néanmoins suffisante pour comprendre les raisons ayant justifié le refus de prendre en considération une telle puissance d’achat à titre de circonstance atténuante. Dès lors, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 128 à 130 ci-dessus, il ne saurait être valablement considéré que la Commission a violé l’obligation de motivation qui lui incombait.

211    Partant, il y a lieu de rejeter l’argument tiré de la violation de l’obligation de motivation comme étant non fondé.

212    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument tiré de la violation du principe de proportionnalité, il convient de relever que, selon la jurisprudence, la Commission était en droit de conclure que les conditions de concurrence avaient été faussées, même s’il était prouvé que la puissance d’achat existait (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 120).

213    Dès lors, dans la mesure où la requérante ne conteste pas, dans le cadre du présent recours, que les conditions de concurrence ont été faussées, elle ne saurait valablement invoquer les pressions exercées par les grossistes sur les producteurs d’installations sanitaires pour salles de bains pour démontrer que l’amende n’a pas été fixée proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction. Aucune violation du principe de proportionnalité, tel que défini par la jurisprudence citée au point 178 ci-dessus, ne saurait donc être reprochée à la Commission.

214    En troisième lieu, s’agissant de l’argument tiré de la nécessaire prise en compte des pressions exercées par les grossistes en tant que circonstance atténuante, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, des pressions, quel que soit leur degré, ne sauraient constituer une circonstance atténuante. L’existence de telles pressions ne change rien à la réalité et à la gravité de l’infraction commise. La requérante aurait pu dénoncer les pressions dont elle faisait l’objet aux autorités compétentes et introduire une plainte auprès de la Commission plutôt que de participer à l’entente (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 370, et arrêt LR AF 1998/Commission, point 80 supra, point 339).

215    Partant, il convient de considérer que, en l’espèce, c’est à bon droit que la Commission s’est abstenue de prendre en compte les pressions des grossistes en tant que circonstance atténuante.

216    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.

6.     Sur le sixième moyen, relatif à la coopération de la requérante

217    Dans le cadre du sixième moyen, la requérante estime, à titre principal, que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime et a commis une erreur manifeste dans l’application de la communication de 2002 sur la coopération, dès lors que celle-ci ne lui a pas accordé de réduction du montant de l’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération. À titre subsidiaire, elle demande à bénéficier d’une réduction d’amende au titre du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 en raison de sa coopération. Il convient d’interpréter cette demande en ce sens que la requérante soutient qu’elle aurait dû bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de sa coopération, conformément audit paragraphe, et qu’elle reproche ainsi à la Commission d’avoir commis une erreur dans l’application de ce paragraphe.

a)     Sur l’erreur manifeste d’appréciation dans l’application de la communication de 2002 sur la coopération et sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

218    La requérante fait valoir que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime et a commis une erreur dans l’application de la communication de 2002 sur la coopération en supprimant, dans la décision attaquée, la réduction conditionnée de l’amende qui avait été signifiée au groupe Roca par courrier du 8 décembre 2006 en application de ladite communication. À cet égard, d’une part, elle soutient, en substance, que, si le Tribunal devait considérer qu’elle formait une unité économique avec Roca Sanitario et Roca France, il conviendrait de prendre en considération, s’agissant de l’amende qui lui a été infligée, les erreurs commises par la Commission lors de l’évaluation de la demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende présentée par Roca France. D’autre part, elle soulève plusieurs erreurs que la Commission aurait commises lors de l’appréciation des informations présentées par Roca France au soutien de sa demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende au regard de la communication de 2002 sur la coopération.

219    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

220    L’examen de la question de savoir si la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime et a commis une erreur dans l’application de la communication de 2002 sur la coopération présuppose celui de la question préalable de savoir si la requérante, qui a participé à l’infraction commise en Autriche, peut prétendre, en sa seule qualité de filiale sœur d’une filiale ayant participé à l’infraction en France et ayant présenté, à ce titre, une demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende, à une telle réduction au titre de cette communication.

221    À cet égard, en réponse aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a fait valoir, en substance, que la notion d’entreprise unique impliquait que tout avantage découlant de la communication de 2002 sur la coopération devait bénéficier à toutes les sociétés faisant partie d’une telle entreprise unique. La Commission a contesté le bien-fondé des arguments de la requérante.

222    Il importe de rappeler que la Commission a défini, dans la communication de 2002 sur la coopération, les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pouvaient être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient dû acquitter.

223    Le point A de la communication de 2002 sur la coopération, comprenant les paragraphes 8 à 19, concerne les conditions dans lesquelles une entreprise peut bénéficier d’une immunité d’amende tandis que le point B, comprenant les paragraphes 20 à 27, concerne celles dans lesquelles une telle entreprise peut bénéficier d’une réduction du montant de l’amende.

224    En vertu du paragraphe 20 de la communication de 2002 sur la coopération, « [l]es entreprises qui ne remplissent pas les conditions [pour obtenir une immunité d’amende] peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de l’amende qui à défaut leur aurait été infligée ».

225    Le paragraphe 21 de la communication de 2002 sur la coopération dispose que, « afin de pouvoir prétendre à une [réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 20 de ladite communication], une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve ».

226    Il découle de ce qui précède que peut bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre du point B de la communication de 2002 sur la coopération une entreprise qui en fait la demande et qui fournit à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée présentant une valeur ajoutée significative.

227    Partant, il y a lieu de considérer que, en principe, seule l’entreprise auteur de la demande tendant à bénéficier d’une réduction du montant de l’amende (ci-après l’« auteur de la demande ») ainsi que, le cas échéant, les entités au nom desquelles cette demande a été formulée et qui coopèrent avec la Commission peuvent bénéficier d’une réduction d’amende à ce titre.

228    En outre, il convient de relever que, selon la jurisprudence, lorsque la société mère n’a pas participé matériellement à l’entente et que sa responsabilité est fondée sur la seule participation de sa filiale à ladite entente, la responsabilité de la société mère ne peut excéder celle de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Tomkins/Commission, T‑382/06, Rec. p. II‑1157, point 38, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins, C‑286/11 P, non encore publié au Recueil, point 39). Dans ces conditions, lorsque la responsabilité d’une société mère est dérivée uniquement de celle de sa filiale qui a participé à l’entente, une réduction du montant de l’amende accordée à cette dernière, à la suite d’une demande qu’elle a introduite en application de la communication de 2002 sur la coopération, doit bénéficier à la société mère.

229    En revanche, la Commission n’est pas tenue d’étendre à une autre filiale (ci-après la « filiale sœur ») le bénéfice d’une réduction du montant de l’amende accordée à une première filiale ayant formulé une demande au titre de la communication de 2002 sur la coopération en raison de leur seule appartenance, avec leur société mère commune, à une entreprise au sens de la jurisprudence citée aux points 62 et 63 ci-dessus. En effet, contrairement à la responsabilité de la société mère qui s’analyse, dans les circonstances évoquées au point 228 ci-dessus, en une responsabilité purement dérivée, accessoire et dépendante de celle de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt Commission/Tomkins, point 228 supra, point 39), la responsabilité d’une filiale ne saurait être dérivée de celle d’une filiale sœur, cette responsabilité résultant de sa propre participation à l’entente. Dans ces conditions, ce n’est que lorsque, d’une part, la demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende est formulée au nom de la filiale sœur et, d’autre part, cette dernière a effectivement coopéré avec la Commission que ladite filiale sœur peut bénéficier d’une réduction du montant de l’amende à la demande d’une autre filiale appartenant à la même entreprise. Cette situation se distingue donc de celle dans laquelle une société mère formule, en son nom propre et au nom de ses filiales, une demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende, dès lors que, dans une telle situation, l’ensemble des sociétés composant l’entreprise au sens de la jurisprudence citée aux points 62 et 63 ci-dessus est dans l’obligation de coopérer avec la Commission.

230    En l’espèce, il ressort du considérant 1288 de la décision attaquée que, le 17 janvier 2006, la Commission a reçu, de la part de Roca France, une demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende. En réponse à cette demande, la Commission a, par lettre du 8 décembre 2006, accordé au groupe Roca une réduction conditionnelle du montant de l’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération (considérant 1289 de la décision attaquée). Après un nouvel examen des éléments de preuve, la Commission a, dans la décision attaquée, refusé d’accorder une réduction du montant de l’amende audit groupe pour les motifs exposés, en substance, aux considérants 1291 à 1293, 1295, 1299 et 1300 de ladite décision.

231    À cet égard, il ressort sans équivoque des pièces du dossier que, malgré les doutes que les termes employés dans la décision attaquée pouvaient laisser subsister quant à l’auteur de la demande  et à l’étendue de la demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende, cette demande a été formulée non pas au nom du groupe Roca dans son ensemble, mais par Roca France en son nom propre et au nom du groupe Laufen. À cet égard, il convient toutefois de préciser qu’il ressort également sans équivoque desdites pièces du dossier que cette demande concernait ce dernier groupe uniquement pour autant que ses activités en France ont été intégrées au sein de Roca France. En outre, ainsi que cela ressort des considérants 1291 et 1293 de la décision attaquée, les informations présentées par Roca France portaient exclusivement sur l’infraction commise, s’agissant des articles en céramique, en France en 2004. En particulier, il est constant qu’aucune information ni aucun élément de preuve n’a été présenté s’agissant de l’infraction commise en Autriche.

232    Dans ces conditions, force est de constater que ladite demande n’a pas été formulée au nom de la requérante. En effet, s’il est vrai que cette dernière fait partie du groupe Laufen visé par cette demande, il convient toutefois de constater que ladite demande porte sur les activités du groupe Laufen en France et que la requérante n’est pas active sur le marché français. En toute hypothèse, la requérante n’a pas coopéré avec la Commission au titre de la communication de 2002 sur la coopération. De surcroît, les éléments fournis par Roca France ne concernaient nullement les activités de la requérante, mais portaient sur l’infraction commise, s’agissant des articles en céramique, en France en 2004.

233    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que, en toute hypothèse, la Commission ne peut avoir ni violé le principe de protection de la confiance légitime ni commis d’erreur dans l’application de la communication de 2002 sur la coopération, dès lors qu’elle n’était, eu égard aux constats opérés aux points 230 à 232 ci-dessus, pas tenue d’accorder une réduction du montant de l’amende à la requérante.

234    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen, pour autant qu’il porte sur l’application de la communication de 2002 sur la coopération, comme étant non fondé, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres arguments de la requérante, tels qu’exposés au point 218 ci-dessus.

b)     Sur l’erreur dans l’application des lignes directrices de 2006

235    La requérante fait valoir une erreur dans l’application des lignes directrices de 2006. À cet égard, elle soutient en substance qu’elle n’a pas nié les faits, mais qu’elle les a, au contraire, expressément reconnus dans sa réponse à la communication des griefs et qu’elle a apporté des informations utiles pour la Commission. En particulier, la Commission aurait tenu compte des éléments fournis aux considérants 203, 321, 680 et 699 de la décision attaquée, ainsi que dans la note en bas de page n° 361 de ladite décision. Or, selon la requérante, la coopération ainsi fournie par elle aurait dû être prise en considération au titre d’une circonstance atténuante conformément au paragraphe 29 desdites lignes directrices. En effet, cette coopération aurait facilité la tâche de la Commission et aurait aidé celle-ci à comprendre et à compléter les éléments de preuve existants.

236    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

237    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il ressort du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006 que la Commission s’est engagée, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation des circonstances atténuantes qu’elle est tenue de prendre en considération lors de la fixation du montant des amendes, à octroyer une réduction du montant de l’amende lorsqu’« une entreprise coopère effectivement avec [elle] en dehors du champ d’application de la communication sur la [coopération] et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer » (arrêt Arkema France/Commission, point 53 supra, point 168).

238    Toutefois, l’application du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006 ne saurait avoir pour conséquence de priver la communication de 2002 sur la coopération de son effet utile. En effet, il y a lieu de constater que ladite communication définit un cadre permettant de récompenser, pour leur coopération à l’enquête de la Commission, les entreprises qui sont ou ont été parties à des ententes secrètes. Il ressort donc du libellé et de l’économie de ladite communication que les entreprises ne peuvent, en principe, obtenir une réduction du montant de l’amende au titre de leur coopération que lorsqu’elles satisfont aux conditions strictes prévues par ladite communication.

239    Dès lors, afin de préserver l’effet utile de la communication de 2002 sur la coopération, ce ne peut être que dans des situations exceptionnelles que la Commission est tenue d’octroyer une réduction du montant de l’amende à une entreprise sur la base du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006. Tel est le cas notamment lorsque la coopération d’une entreprise, tout en allant au-delà de son obligation légale de coopérer sans toutefois lui donner droit à une réduction du montant de l’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, est d’une utilité objective pour la Commission. Une telle utilité doit être constatée lorsque la Commission se fonde dans sa décision finale sur des éléments de preuve qu’une entreprise lui a fournis dans le cadre de sa coopération et en l’absence desquels la Commission n’aurait pas été en mesure de sanctionner totalement ou partiellement l’infraction en cause (arrêt Arkema France/Commission, point 53 supra, point 170).

240    À cet égard, il y a lieu de préciser, en outre, que, contrairement à la communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 207, p. 4), la communication de 2002 sur la coopération ne prévoit pas de réduction pour non-contestation de la matérialité des faits.

241    En l’espèce, tout d’abord, la Commission a examiné, aux considérants 1237 à 1245 de la décision attaquée, l’existence d’une circonstance atténuante au titre de la coopération effective des destinataires de ladite décision. S’agissant notamment du groupe Roca, elle a indiqué, au considérant 1245 de la décision attaquée, que celui-ci ne pouvait bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de sa coopération, dès lors que les réponses à la communication des griefs contenaient un certain nombre de contestations et qu’elles n’ont pas facilité sa tâche, les preuves dont elle disposait déjà suffisant pour établir l’existence de l’infraction constatée.

242    Ensuite, il convient d’observer que le considérant 203 de la décision attaquée, auquel la requérante fait référence, concerne l’infraction commise en Allemagne. Les considérants 321, 680 et 699 ainsi que la note en bas de page n° 361 de ladite décision, également mentionnés par la requérante, portent sur l’infraction commise en Autriche. À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission se fonde explicitement, auxdits considérants, à l’exception du considérant 699 de cette décision, et dans ladite note en bas de page, sur des preuves présentées par Masco et par Ideal Standard dans leurs demandes respectives tendant à bénéficier d’une réduction d’amende et sur des documents obtenus lors des inspections mentionnées au point 6 ci-dessus. Au considérant 699 de la décision attaquée, la Commission expose les arguments présentés par la requérante en réponse à la communication des griefs.

243    D’une part, il découle de ces éléments que, avant la réponse de la requérante à la communication des griefs, la Commission disposait de suffisamment d’éléments, notamment grâce aux inspections ainsi qu’aux demandes tendant à bénéficier d’une réduction d’amende introduites respectivement par Masco et par Ideal Standard, pour établir l’existence de l’infraction commise en Autriche. D’autre part, dans la décision attaquée, la Commission ne s’est pas fondée sur des éléments de preuve qui lui avaient été fournis par la requérante.

244    Partant, il y a lieu de conclure que la coopération de la requérante n’est pas allée au-delà de son obligation légale de coopérer avec la Commission au sens de la jurisprudence citée au point 239 ci-dessus.

245    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments soulevés par la requérante.

246    Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel elle a explicitement reconnu les faits dans sa réponse à la communication des griefs doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, il suffit de rappeler que, ainsi que cela a été constaté au point 240 ci-dessus, la non-contestation des faits n’est pas suffisante pour donner lieu à une réduction du montant de l’amende.

247    Deuxièmement, l’argument de la requérante tiré de ce qu’elle a facilité la tâche de la Commission en l’aidant à identifier, dans son dossier, les documents utiles pour établir l’existence de l’infraction commise en Autriche doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, d’une part, ainsi que cela a été constaté au point 243 ci-dessus, la Commission disposait d’éléments de preuve suffisants lui permettant d’établir l’existence de ladite infraction, avant la réponse de la requérante à la communication des griefs. D’autre part, outre le fait que la requérante ne prétend pas avoir fourni elle-même des éléments de preuve de nature à établir l’existence de l’infraction commise en Autriche, il importe de relever qu’elle se contente de renvoyer à des exemples de considérants dans lesquels la Commission aurait exploité sa réponse à la communication des griefs. Or, de tels exemples sont en tout état de cause insuffisants pour démontrer que ladite réponse a effectivement facilité la tâche de la Commission.

248    Enfin, l’argument de la requérante selon lequel le test de la coopération dans le cadre de la communication de 2002 sur la coopération se distingue de celui relatif au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, même à le supposer fondé, cet argument n’est pas de nature à invalider le constat, opéré au point 243 ci-dessus, selon lequel la réponse de la requérante à la communication des griefs n’a pas effectivement facilité la tâche de la Commission au sens de la jurisprudence citée au point 239 ci-dessus.

249    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n’a commis aucune erreur en refusant d’octroyer à la requérante une réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006.

250    Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter les arguments soulevés par la requérante s’agissant de l’application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 ainsi que le sixième moyen dans son ensemble comme étant pour partie inopérants et pour partie non fondés.

251    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée dans leur intégralité.

B –  Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante

252    Compte tenu du deuxième chef de conclusions, par lequel la requérante demande au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée, il incombe au Tribunal, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, d’examiner les arguments que la requérante a avancés au soutien dudit chef de conclusions.

253    La requérante soulève deux arguments visant à appuyer sa demande de réformation du montant de l’amende. Elle demande, en outre, au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée pour tout autre motif déterminé par celui-ci.

254    À cet égard, selon la jurisprudence, d’une part, il importe de rappeler que, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce et en respectant les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 33 supra, points 179 et 280) ou encore le principe d’égalité de traitement (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 107 supra, , point 187).

255    D’autre part, l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office. Dès lors, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge de l’Union est tenu de soulever d’office, telle l’absence ou l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt Chalkor/Commission, point 33 supra, point 64).

256    En l’espèce, en premier lieu, la requérante demande, à titre subsidiaire, dans le cadre du deuxième moyen, que le Tribunal tienne compte, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de sa moindre implication dans l’infraction constatée et de la moindre gravité de l’infraction commise par elle.

257    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, bien que les lignes directrices de 2006 ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union lorsque celui-ci statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 169), le Tribunal estime approprié, en l’espèce, de s’en inspirer pour recalculer le montant de l’amende, notamment en raison du fait qu’elles permettent de prendre en considération tous les éléments pertinents de l’espèce et d’infliger des amendes proportionnées à l’ensemble des entreprises ayant participé à l’infraction constatée.

258    D’une part, il convient de rappeler que le Tribunal a constaté, aux points 186 à 188 ci-dessus, que la Commission n’avait pas violé le principe d’égalité de traitement en appliquant à la requérante des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 %. D’autre part, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela a été constaté au point 179 ci-dessus, la Commission pouvait, conformément aux paragraphes 21 à 23 et 25 des lignes directrices de 2006, considérer à bon droit que des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 % n’étaient pas disproportionnés par rapport à la gravité de l’infraction.

259    Certes, les coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 % sont ceux qui ont été retenus par la Commission, ainsi que cela découle du considérant 1211 de la décision attaquée, pour calculer le montant des amendes imposées aux entreprises ayant participé à l’infraction unique couvrant les trois sous-groupes de produits dans six États membres. Or, cette dernière constitue une infraction plus grave, en raison de sa portée géographique, que celle à laquelle la requérante a participé.

260    Toutefois, le fait que les entreprises ayant participé à l’infraction unique couvrant six États membres et les trois sous-groupes de produits aient dû se voir imposer une amende calculée sur la base de coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » supérieurs à ceux de 15 % retenus pour sanctionner la requérante ne saurait valablement justifier que le Tribunal lui impose, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, une amende d’un montant qui ne serait pas suffisamment dissuasif au regard de la gravité de l’infraction à laquelle elle a participé.

261    Dans ces conditions, le Tribunal estime, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction le conduisant à substituer sa propre appréciation à celle de la Commission et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, que les coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 % sont appropriés.

262    En deuxième lieu, dans le cadre du sixième moyen de recours, la requérante demande, à titre subsidiaire, au Tribunal de tenir compte, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de sa coopération avec la Commission.

263    À cet égard, il suffit de relever que cette demande doit être rejetée pour les motifs figurant aux points 241 à 249 ci-dessus. En toute hypothèse, le Tribunal estime que la requérante n’a avancé ni argument ni élément de preuve de nature à justifier que, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, il réduise, au titre de la coopération fournie par la requérante, le montant de l’amende infligée à cette dernière.

264    En troisième lieu, pour autant que la requérante demande au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée pour tout autre motif que celui-ci estimerait pertinent, il suffit de rappeler que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 255 ci-dessus, l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office par le juge de l’Union et qu’il appartient à la partie requérante de soulever les moyens au soutien de ses conclusions. Partant, cette demande doit être rejetée comme étant non fondée.

265    En toute hypothèse, le Tribunal estime, en vertu de sa compétence de pleine juridiction, qu’aucun des éléments dont la requérante s’est prévalu à un quelconque titre dans la présente affaire, ni aucun motif d’ordre public, ne justifie qu’il fasse usage de ladite compétence pour réduire le montant de l’amende à infliger à la requérante, tel qu’il a été fixé à l’article 4, paragraphe 2, sous a) et c), de la décision attaquée.

266    Enfin, le Tribunal estime que, compte tenu de l’ensemble des éléments avancés devant lui, une amende de 32 000 000 euros constitue, au regard de la durée et de la gravité de l’infraction à laquelle la requérante a participé, une sanction appropriée permettant de réprimer, de manière proportionnée et dissuasive, son comportement anticoncurrentiel.

267    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

268    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Laufen Austria AG supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

1.  Sur le premier moyen, relatif à l’existence d’une entreprise unique

a)  Sur la seconde branche du premier moyen

Sur la recevabilité du grief tiré de l’absence de détention de la totalité du capital social de la requérante par Roca Sanitario avant le 6 juin 2000

Sur la recevabilité des autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre de la seconde branche du premier moyen

b)  Sur la première branche relative à l’application de la présomption d’exercice d’une influence déterminante

Sur le grief relatif à l’importance excessive accordée aux liens d’actionnariat

Sur les éléments de preuve produits par la requérante afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante

–  Sur l’erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve

–  Sur la violation des droits de la défense en ce qui concerne les éléments de preuve

Sur les facteurs additionnels pris en compte par la Commission afin de renforcer la présomption d’exercice d’une influence déterminante

–  Sur l’erreur manifeste d’appréciation des facteurs additionnels

–  Sur la violation des droits de la défense en ce qui concerne les facteurs additionnels

Sur la violation de l’obligation de motivation

2.  Sur le deuxième moyen, relatif à la méthode de calcul du montant de l’amende infligée à la requérante à titre individuel

3.  Sur le troisième moyen, relatif à l’appréciation de la gravité de l’infraction commise par la requérante

4.  Sur le quatrième moyen, relatif à l’absence de prise en considération du contexte de crise économique en tant que circonstance atténuante

5.  Sur le cinquième moyen, relatif à l’absence de prise en considération de la pression exercée par les grossistes en tant que circonstance atténuante

6.  Sur le sixième moyen, relatif à la coopération de la requérante

a)  Sur l’erreur manifeste d’appréciation dans l’application de la communication de 2002 sur la coopération et sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

b)  Sur l’erreur dans l’application des lignes directrices de 2006

B –  Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.