Language of document : ECLI:EU:T:1999:28

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 février 1999 (1)

«Fonctionnaires — Compatibilité de la qualité de fonctionnaire et de la qualité d'agent temporaire — Démission — Obligation de motivation — Appel à manifestation d'intérêt»

Dans l'affaire T-21/98,

Carlos Alberto Leite Mateus, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Mes Jean-Noël Louis et Françoise Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, et Julian Currall, conseiller juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 11 mars 1997 portant rejet de la candidature du requérant, fonctionnaire de

l'institution, à un poste publié dans le cadre d'une procédure de sélection d'agents temporaires,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 19 novembre 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    Le requérant est fonctionnaire de grade B 2, au service de la Commission, depuis le 1er mars 1988, et affecté à la direction générale du personnel et de l'administration, direction du personnel, division «droits administratifs et rémunérations», où il exerce les fonctions de gestionnaire des traitements et de la sécurité sociale des agents auxiliaires.

2.
    Le 14 octobre 1996, la Commission a fait paraître, dans une publication destinée à son personnel et intitulée «Vacances d'emplois — Divers A», un appel à manifestation d'intérêt visant à offrir des contrats d'agents temporaires, au sens de l'article 2, sous d), du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après «RAA»), d'une durée maximale de trois ans non renouvelable. Les qualifications minimales requises pour postuler étaient définies de la manière suivante:

—    être ressortissant d'un des États membres de l'Union européenne et jouir de ses droits civiques;

—    être en position régulière au regard des lois de recrutement éventuellement applicables en matière militaire;

—    offrir les garanties de moralité requises pour l'exercice de ces fonctions;

—    remplir les conditions d'aptitude physique requises pour l'exercice de ces fonctions;

—    posséder une connaissance approfondie d'une des langues des Communautés et une connaissance satisfaisante d'une autre de ces langues;

—    disposer de la formation, des connaissances et de l'expérience professionnelle requises dans le domaine d'activité considéré.

3.
    Le requérant a, dans les formes et délais imposés, présenté sa candidature pour l'emploi vacant publié sous la référence NPPR/2002/96 (ci-après «emploi vacant»).

4.
    Le 11 mars 1997, la Commission a informé le requérant du rejet de sa candidature, en lui précisant: «Après un examen comparatif des réponses reçues pour le(s) profil(s) pour le(s)quel(s) vous avez postulé, nous sommes au regret de vous informer que votre candidature ne peut pas être prise en compte pour le(s) poste(s) précité(s).»

5.
    Le 25 mars 1997, le requérant a demandé un réexamen de sa candidature. Cette demande étant restée sans réponse, il a introduit, le 18 juin 1997, une réclamation.

6.
    Le 4 septembre 1997, la réunion du groupe interservices a examiné la réclamation du requérant.

7.
    Le 24 septembre 1997, le requérant a adressé une lettre au président du groupe interservices, dans laquelle il déclare, à propos de la réunion du 4 septembre 1997: «Au cours de cette réunion, le représentant de la direction générale dont relève l'emploi auquel j'ai postulé a indiqué que ma candidature n'avait même pas été examinée dans la mesure où je suis fonctionnaire de catégorie B. Je constate que ces explications sont en totale contradiction avec la motivation de la lettre de rejet de ma candidature du 11 mars 1997 [...]»

8.
    Le 28 octobre 1997, l'autorité habilitée à conclure les contrats d'engagement (ci-après «AHCC») a transmis au requérant la décision explicite de rejet de sa réclamation. Se prévalant, d'une part, de l'incompatibilité entre la qualité de fonctionnaire soumis au statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») et celle d'agent temporaire soumis au RAA, sauf dans des circonstances exceptionnelles prévues notamment à l'article 37 du statut, et, d'autre part, de l'impossibilité de démissionner aux fins d'être engagé immédiatement comme agent temporaire, compte tenu des dispositions de l'article 48 du statut, l'AHCC conclut que «bien que le texte de l'appel à manifestation d'intérêt [n'ait pas prévu] expressément que les candidatures des fonctionnaires des institutions de l'Union européenne n'étaient pas recevables, le rejet de la candidature d[u requérant] n'est pas entaché d'une illégalité» et «constate que la motivation de la note du 11 mars 1997 n'était pas adéquate et confirme que le rejet de la candidature d[u requérant] se base sur le fait qu'étant déjà fonctionnaire le réclamant ne peut pas participer à une procédure de sélection d'agents temporaires».

9.
    C'est dans ces conditions que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 19 janvier 1998, le requérant a introduit le présent recours.

10.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions au Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 19 novembre 1998.

Conclusions des parties

11.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission du 11 mars 1997 rejetant sa candidature à l'emploi vacant;

—    condamner la Commission aux dépens.

12.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme non fondé;

—    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur le fond

13.
    Le requérant invoque trois moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré de la violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut. Le deuxième est tiré de la violation de l'article 12 du RAA et du non-respect de l'appel à manifestation d'intérêt. Le troisième est tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut

Arguments des parties

14.
    Le requérant dénonce la violation de l'obligation de motivation consacrée par l'article 25, deuxième alinéa, du statut, en soulignant qu'il s'agit d'un moyen d'ordre public (arrêts du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T-1/90, Rec. p. II-143, point 73, et du 14 juillet 1994, Grynberg et Hall/Commission, T-534/93, RecFP p. II-595, et arrêt de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C-166/95 P, Rec. p. I-983, point 24). Il met en exergue l'existence de motivations diverses et incompatibles et critique l'interprétation de l'arrêt de la Cour du 25 juin 1981, Desmedt/Commission (105/80, Rec. p. 1701), présentée par l'AHCC dans sa décision de rejet explicite de la réclamation.

15.
    D'une part, le requérant fait remarquer que la motivation de la décision du 11 mars 1997 ne lui permet pas de prendre connaissance des raisons pour lesquelles sa candidature a été rejetée. Cette motivation serait, en outre, en totale contradiction avec l'explication avancée lors de la réunion du groupe interservices du 4 septembre 1997. L'AHCC aurait d'ailleurs reconnu le caractère inadéquat de cette motivation dans sa décision de rejet de la réclamation. Cette motivation serait encore contredite par les explications avancées pour la première fois dans le rejet de la réclamation, tenant à la prétendue incompatibilité entre la qualité de fonctionnaire et celle d'agent temporaire. Le requérant constate donc l'existence de trois motivations successives et incompatibles. Il prétend que ces circonstances sont de nature à semer le doute dans son esprit sur les raisons qui ont effectivement conduit au rejet de sa candidature. Dans sa réplique, il insiste sur le rôle joué par la réunion du groupe interservices dans le cadre de la procédure précontentieuse (voir les Informations administratives n° 635 du 16 juillet 1990), en relevant que le projet de décision de rejet d'une réclamation doit tenir compte des déclarations exprimées lors de la réunion, sous peine de vider cette procédure précontentieuse de sa substance et de ne pas donner au réclamant la possibilité de prendre connaissance du contexte dans lequel l'acte lui faisant grief a été adopté (arrêt de la Cour du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec. p. 1789). A cet égard, il estime que la réunion du groupe interservices est le lieu privilégié pour porter à la connaissance de l'intéressé ledit contexte. Si les explications avancées par l'administration au cours de cette réunion ne sont pas susceptibles de l'engager, le requérant estime qu'elles le privent d'une possibilité de prendre connaissance de ce contexte.

16.
    D'autre part, le requérant explique que, dans son arrêt Desmedt/Commission, précité, la Cour a en fait visé deux situations successives, celles d'un agent local d'abord soumis au RAA puis fonctionnaire stagiaire, et qui est licencié au cours de son stage. L'AHCC ne saurait en déduire que le fait d'être fonctionnaire empêche le requérant de participer à une procédure de sélection d'agents temporaires. Il reproche également à l'AHCC de ne pas avoir précisé la base juridique sur laquelle elle s'est fondée pour affirmer qu'un fonctionnaire ne peut, dans la même institution, conserver sa qualité de fonctionnaire, même en congé de convenance personnelle, et exercer simultanément des fonctions en tant qu'agent temporaire au sens du RAA. Dans son arrêt Desmedt/Commission, précité, le requérant prétend que la Cour n'a pas exclu qu'un même agent puisse relever simultanément du statut et du RAA. Il prétend par ailleurs que, s'agissant d'un renvoi préjudiciel portant sur le statut particulier des agents locaux qui restent soumis à la réglementation et aux usages existant au lieu où ils exercent leurs fonctions ainsi qu'aux juridictions compétentes selon la législation en vigueur dans ces lieux (article 81 du RAA), la Cour, en considérant les statuts de fonctionnaire et d'agent local comme incompatibles, a notamment voulu éviter des conflits de lois entre les dispositions nationales et les dispositions communautaires. Il n'en irait pas de la sorte en l'espèce. La Commission ne saurait dès lors transposer cette jurisprudence à l'ensemble des agents soumis au RAA.

17.
    La Commission réfute les allégations du requérant en soulignant, d'une part, que la décision de rejet de la réclamation a dissipé tous les doutes pouvant subsister sur la motivation de sa décision. Dans sa duplique, elle déclare que les observations du requérant sur la réunion du groupe interservices du 4 septembre 1997 sont nonfondées tant en fait qu'en droit. D'autre part, elle considère que l'arrêt Desmedt/Commission, précité (points 12 et 13), indique clairement qu'il est impossible d'avoir à la fois le statut de fonctionnaire et celui d'agent soumis au RAA. Elle insiste à cet égard sur la portée générale de cet arrêt rendu à la suite d'un renvoi préjudiciel. Elle déduit par ailleurs l'existence de cette impossibilité des articles 37 et 38 du statut, d'une part, et de l'article 48 dudit statut, d'autre part. Les premiers permettraient seulement des dérogations très limitées à cette impossibilité de principe. Le dernier interdisant l'engagement d'un fonctionnaire en tant qu'agent soumis au RAA même à la suite d'une démission, un tel engagement serait à plus forte raison exclu en l'absence de toute démission.

Appréciation du Tribunal

18.
    Il convient tout d'abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'obligation de motivation qui résulte des dispositions de l'article 25, deuxième alinéa, du statut a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé du rejet de sa candidature et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à ce dernier d'exercer son contrôle (arrêt du Tribunal du 17 février 1998, Maccaferri/Commission, T-56/96, RecFP p. II-133, point 36).

19.
    En l'espèce, s'il est certes exact et non contesté que les motivations des décisions du 11 mars 1997 et du 28 octobre 1997 sont différentes, cette circonstance n'est toutefois pas de nature à constituer une violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut.

20.
    En premier lieu, le requérant ne conteste pas que les explications de l'AHCC présentées dans la décision explicite de rejet de sa réclamation constituent la motivation réelle de la décision de rejet de sa candidature. En effet, elles font explicitement référence à la décision du 11 mars 1997, à la réunion du groupe interservices du 4 septembre 1997 et à la lettre du requérant du 24 septembre 1997. Elles sont antérieures à l'introduction du présent recours. Elles font, en outre, l'objet des critiques du requérant dans le cadre de cette procédure.

21.
    Il s'avère donc que, à la lecture de la décision du 28 octobre 1997, le requérant disposait d'indications suffisantes pour apprécier le bien-fondé du rejet de sa candidature et l'opportunité d'introduire un recours. Il ne lui était pas nécessaire de se référer au contexte pour comprendre l'exposé très précis et complet du raisonnement de la Commission.

22.
    La motivation contenue dans la décision du 28 octobre 1997 conserve également toute sa pertinence à l'égard de la position adoptée par un représentant de la Commission au cours de la réunion du groupe interservices du 4 septembre 1997, s'agissant d'une instance dénuée de toute existence statutaire et qui ne remplit aucun rôle décisionnel, comme l'indique le point 3.1. des Informations administratives n° 635 du 16 juillet 1990 et le dernier alinéa de la lettre d'invitation du requérant à cette réunion, datée du 26 août 1997.

23.
    En second lieu, les critiques formulées par le requérant sur le fond ne sauraient conduire à démontrer l'existence d'une violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut. En effet, le caractère éventuellement non fondé d'une motivation ne constitue pas un défaut ou une insuffisance de motivation. Par conséquent, les considérations du requérant sur l'interprétation de l'arrêt Desmedt/Commission, précité, sont dénuées de pertinence dans ce cadre.

24.
    Le requérant n'est donc pas parvenu à démontrer l'existence d'une violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut. Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce premier moyen.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 12 du RAA et du non-respect de l'appel à manifestation d'intérêt

Arguments des parties

25.
    Le requérant rappelle d'abord que l'appel à manifestation d'intérêt trace le cadre de légalité dans lequel l'institution doit procéder aux recrutements envisagés (article 12 du RAA) et qu'il doit être suffisamment complet pour remplir la fonction qui lui est assignée (arrêts de la Cour du 28 février 1989, Van der Stijl et Cullington/Commission, 341/85, 251/86, 258/86, 259/86, 262/86, 266/86, 222/87 et 232/87, Rec. p. 511, point 33, et du Tribunal du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission, T-58/91, Rec. p. II-147, points 71 et 76, et du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T-6/96, RecFP p. II-357, point 98). Il prétend ensuite posséder toutes les qualifications requises par l'appel à manifestation d'intérêt. Enfin, le requérant souligne que l'appel à manifestation d'intérêt n'imposait aucune condition relative au statut du candidat, ce que reconnaîtrait explicitement l'AHCC dans sa décision de rejet de la réclamation. L'AHCC aurait donc ajouté un critère d'exclusion non visé dans l'appel à manifestation d'intérêt. Il relève par ailleurs que ce critère n'est pas conforme aux dispositions de l'article 12 du RAA qui tendent à assurer à l'institution le concours de personnes possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité.

26.
    La Commission rétorque que l'appel à manifestation d'intérêt portait sur un emploi d'agent temporaire, ce qui, compte tenu de l'incompatibilité de principe entre le statut de fonctionnaire et la qualité d'agent temporaire aurait rendu le requérant

inéligible de plein droit. L'absence de mention de cette incompatibilité dans le statut s'expliquerait par l'évidence de la solution découlant de l'agencement des dispositions du statut et de la jurisprudence (arrêt Desmedt/Commission, précité, point 13).

Appréciation du Tribunal

27.
    Tant dans sa décision de rejet de la réclamation que dans ses mémoires et lors de l'audience, la Commission a justifié sa décision d'exclure la participation du requérant à une procédure de sélection d'agents temporaires pour un emploi vacant, d'une part, par l'incompatibilité qui existerait entre le statut de fonctionnaire et la qualité d'agent temporaire et, d'autre part, par l'impossibilité pour un fonctionnaire de démissionner afin d'exécuter un contrat d'agent temporaire.

28.
    Il y a donc lieu de vérifier si la Commission est en droit de refuser de prendre en considération la candidature du requérant à une procédure de sélection d'agent temporaire, en raison de son statut de fonctionnaire.

29.
    Le Tribunal constate qu'aucune disposition du statut ne consacre expressément l'incompatibilité invoquée par la Commission, que ce soit au stade de la procédure de sélection pour un poste d'agent temporaire ou au stade de l'exécution d'un contrat d'agent temporaire, ce qui n'est d'ailleurs contesté par aucune des deux parties.

30.
    De même, sans être contredit sur ce point, le requérant a relevé à juste titre qu'aucune précision relative à ladite incompatibilité de principe ne figure dans l'appel à manifestation d'intérêt en cause. Il importe, en outre, de faire remarquer que l'appel à manifestation d'intérêt a été divulgué sans autre précision le 14 octobre 1996 dans une publication destinée au personnel de la Commission en général, intitulée «Vacances d'emplois — Divers A».

31.
    Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'AHCC est tenue de respecter l'appel à manifestation d'intérêt qu'elle a arrêté, puisqu'un tel appel détermine, à l'instar d'un avis de vacance, les conditions relatives à l'accès à l'emploi dont il s'agit. Ainsi, la fonction de l'appel à manifestation d'intérêt est, d'une part, d'informer les intéressés d'une façon aussi exacte que possible sur la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir afin de les mettre en mesure d'apprécier s'il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d'autre part, de fixer le cadre de légalité au regard duquel l'institution entend procéder à l'examen comparatif des mérites des candidats (voir l'arrêt du Tribunal Contargyris/Conseil, précité, point 97, et la jurisprudence citée). En prenant en considération, lors de l'examen des candidatures, d'autres conditions que celles qui figurent dans l'appel à manifestation d'intérêt, l'AHCC ne respecte pas ce cadre de légalité (arrêt Contargyris/Conseil, précité, point 98).

32.
    Certes, si les dispositions du statut ne permettent pas à un fonctionnaire en activité, au sens de l'article 35 du statut, d'exécuter concomitamment un contrat d'agent temporaire dans l'institution auprès de laquelle il est affecté ou dans une autre institution, elles n'indiquent nullement qu'il existe une incompatibilité de principe entre le statut de fonctionnaire et la qualité d'agent temporaire au sein de la même institution ou d'une autre institution.

33.
    Au contraire, le libellé des dispositions statutaires indique que le statut de fonctionnaire est compatible avec d'autres qualités. Il est en effet prévu à l'article 40 du statut que les fonctionnaires peuvent, à titre exceptionnel, demander à être mis en congé, sans rémunération, pour des motifs de convenance personnelle. Les termes de cet article 40 n'apportent aucune précision sur les motifs susceptibles de justifier une telle demande.

34.
    Lors de l'audience, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a reconnu que certains de ses fonctionnaires avaient d'ores et déjà bénéficié d'un congé de convenance personnelle pour exécuter un contrat d'agent temporaire auprès d'autres institutions ou organes communautaires.

35.
    Dans un arrêt où elle était amenée à se prononcer sur la légalité du refus de la Commission d'accorder un congé de convenance personnelle pour un motif particulier, la Cour a mentionné la grande variété de motifs découlant de la pratique des institutions dans cette matière, tels que des raisons familiales, le désir de formation et de perfectionnement ou la réinsertion dans d'autres activités professionnelles (arrêt du 16 décembre 1976, Mascetti/Commission, 2/76, Rec. p. 1975, point 6).

36.
    En son état actuel, le statut ne contient aucune définition du congé de convenance personnelle qui exclue en tant que telle l'exécution d'un contrat d'agent temporaire. Il ne saurait donc être fait droit à l'argument invoqué par la Commission au cours de l'audience selon lequel le terme «congé» utilisé à l'article 40 du statut implique nécessairement que le fonctionnaire en cause n'entretient plus de relations professionnelles spécifiques avec les institutions, ou à tout le moins avec l'institution auprès de laquelle il est affecté. Une définition aussi restrictive du terme congé est même de nature à faire obstacle au but assigné de manière impérative à toute procédure d'engagement d'agent temporaire par l'article 12 du RAA, à savoir assurer à l'institution le concours de personnes possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité. En effet, à cette fin, les institutions peuvent être amenées à prendre en considération, lorsqu'elles sélectionnent les candidats pour l'exécution d'un contrat d'agent temporaire, la candidature de personnes se trouvant d'ores et déjà en activité en leur sein, au nombre desquelles figurent les fonctionnaires. Il ne saurait d'ailleurs être exclu d'avance que le recrutement d'un fonctionnaire à un poste d'agent temporaire soit dans l'intérêt de la Communauté. Tel pourrait être le cas, par exemple, lorsque le fonctionnaire candidat à un poste d'agent temporaire est le meilleur des candidats à ce poste et

que la contribution qu'il est susceptible d'apporter dans l'occupation de celui-ci serait supérieure à celle qu'il apporte en tant que fonctionnaire.

37.
    La Commission ne saurait non plus se prévaloir du libellé d'un code de conduite dont elle a invoqué tardivement l'existence pour la première fois lors de l'audience et dont elle n'a fourni ni les références ni une copie. A supposer même qu'un tel code de conduite implique le refus de toute demande de congé pour convenancepersonnelle motivée par le souhait d'exécuter un contrat d'agent temporaire au sein de la Commission, d'une autre institution ou d'un organe communautaire, force est de constater qu'il enfreindrait le principe consacré à l'article 12 du RAA (voir ci-dessus point précédent).

38.
    Pour autant, l'impossibilité pour la Commission de se référer à un tel code de conduite pour refuser toute demande de congé de convenance personnelle, en vertu de l'article 40 du statut, motivée par le désir d'exécuter un contrat d'agent temporaire, ne signifie pas que, en tant qu'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), elle soit systématiquement tenue d'accorder le congé de convenance personnelle demandé. Conformément à une jurisprudence constante, les institutions jouissent du plus large pouvoir d'appréciation tant de la légitimité des motifs mis en avant par le fonctionnaire désireux de bénéficier de cette faveur que de la compatibilité de l'octroi du congé avec l'intérêt du service (arrêt Mascetti/Commission, précité, point 6). Mais l'exercice de ce très large pouvoir d'appréciation ne peut avoir lieu avant l'introduction d'une demande de congé de convenance personnelle fondée sur l'article 40 du statut, et en particulier au moment de l'examen d'une candidature pour une sélection d'agent temporaire comme en l'espèce, au motif qu'une éventuelle demande en ce sens serait en tout état de cause rejetée ultérieurement. En procédant de la sorte, la Commission, qui agit en qualité d'AHCC lors de la sélection d'agents temporaires, préjugerait de l'appréciation que, le cas échéant, elle sera tenue de porter au cas par cas en tant qu'AIPN. Or, en l'occurrence, il importe de souligner que la décision dont le requérant conteste la légalité dans le cadre du présent recours refuse de prendre en considération sa candidature en vue d'une sélection d'agents temporaires à la suite d'un appel à manifestation d'intérêt lancé à l'ensemble des membres du personnel de la Commission.

39.
    Il y a également lieu de relever que la Commission n'a fait état d'aucune incompatibilité de nature technique entre le statut de fonctionnaire en congé de convenance personnelle et la qualité d'agent temporaire. Il s'avère d'ailleurs que les cas particuliers dont elle reconnaît l'existence n'ont donné lieu à aucun problème particulier d'application du statut ou du RAA.

40.
    Enfin, la Commission ne saurait non plus déduire l'existence d'une telle incompatibilité de l'arrêt Desmedt/Commission, précité, ni de l'arrêt de la Cour du 20 mars 1984, Razzouk et Beydoun/Commission (75/82 et 117/82, Rec. p. 1509), qu'elle a mentionné pour la première fois lors de l'audience.

41.
    En premier lieu, dans l'arrêt Desmedt/Commission, précité, la Cour s'est prononcée sur la question de savoir si l'agent local qui est nommé fonctionnaire stagiaire conserve le droit de revenir sous le régime d'agent local lorsqu'il cesse ses fonctions de fonctionnaire, en l'occurrence en raison de son licenciement. Au point 13, la Cour précise: «Il résulte tant de l'article 24, paragraphe 1, du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, du 8 avril 1965, que du préambule du règlement [(CEE, Euratom, CECA)] n° 259/68, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires ainsi que le régime applicable aux autres agents (JO L 56, p. 1), pris en vertu de la disposition citée, que le statut et le régime constituent deux actes complémentaires, en ce sens que chacun régit des catégories déterminées d'agents: le statut, les fonctionnaires proprement dits et les stagiaires; le régime, plusieurs autres catégories d'agents, dont les agents locaux. Il apparaît ainsi que le statut et le régime ont chacun un champ d'application personnel bien déterminé et qu'on ne saurait dès lors admettre, sauf dérogation expresse, qu'un même agent puisse relever simultanément de l'un et de l'autre de ces deux actes réglementaires.»

42.
    La Commission prétend pouvoir déduire de la dernière phrase de cet extrait qu'il existe une incompatibilité de principe entre le statut de fonctionnaire et la qualité d'agent temporaire, qui justifierait le rejet de la candidature du requérant pour l'emploi vacant.

43.
    Il convient d'abord de souligner que l'arrêt Desmedt/Commission, précité, a été rendu à la suite d'une procédure de renvoi préjudiciel, au terme de laquelle la Cour a répondu à la juridiction nationale qui l'avait saisie sur la base de l'article 177 du traité qu'«il y a incompatibilité entre la qualité de fonctionnaire stagiaire, soumis au statut des fonctionnaires des Communautés européennes, et celle d'agent local, soumis au régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, en ce sens que l'accession d'un agent local à la qualité de fonctionnaire stagiaire met fin, de plein droit, à l'applicabilité des dispositions du régime applicable aux autres agents et, par voie de conséquence, aux effets d'un contrat d'emploi conclu sur cette base». La Cour a donc précisé les effets de l'accession au statut de fonctionnaire sur la suite à réserver à l'exécution d'un contrat soumis au RAA.

44.
    Or, les circonstances de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Desmedt/Commission sont distinctes de celles de l'espèce. Dans cette affaire Desmedt, l'agent en cause avait quitté une fonction précaire soumise au RAA, celle d'agent local, pour accéder au statut de fonctionnaire et tentait de conserver les avantages de sa situation initiale après avoir été licencié au terme de son stage. A l'inverse, en l'occurrence, le requérant est un fonctionnaire en activité, soumis aux dispositions du statut, qui pose sa candidature pour une fonction soumise au RAA. Il s'ensuit que le constat d'incompatibilité de l'arrêt Desmedt/Commission ne saurait être transposé tel quel aux circonstances de l'espèce.

45.
    En outre, la lecture de la dernière phrase du point 13, précité, sur laquelle se fonde la Commission pour alléguer l'existence d'une incompatibilité de principe entre le statut de fonctionnaire et la qualité d'agent temporaire, n'est pas non plus conforme au contenu de l'arrêt. En effet, la Commission prétend que les termes «sauf dérogation expresse» ne visent que les détachements dans l'intérêt du service et sur demande, dont il est question aux articles 37 à 39 du statut. Or, aux points 14 et 15 de l'arrêt, la Cour, expliquant la portée du point 13 de l'arrêt, précise qu'il «en résulte que l'agent local qui accepte une nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire est placé sous l'empire du seul statut, dont l'application met fin, de plein droit, aux rapports régis précédemment par le régime sans qu'il soit donc nécessaire pour l'administration de mettre fin expressément aux rapports d'emploi établis en vertu de ce dernier. Il ne pourrait en être autrement qu'en cas de décision contraire expresse de l'administration [...]»

46.
    D'une part, force est de constater que la Cour n'a pas restreint l'hypothèse de ladite décision contraire aux seuls détachement dans l'intérêt du service et détachement sur demande, visés aux articles 37 à 39 du statut, contrairement aux allégations de la Commission.

47.
    D'autre part, comme les parties l'ont elles-mêmes mis en exergue lors de l'audience, la référence au détachement dans l'intérêt du service ou au détachement sur demande ne présente pas de pertinence en l'espèce, puisque le fonctionnaire détaché suivant l'un ou l'autre cas reste soumis aux seules dispositions du statut. Il n'est donc nullement question d'une dualité de régimes applicables dans ces situations.

48.
    En outre, il ressort des articles 35 et 40 du statut et de la jurisprudence qu'un fonctionnaire soumis aux dispositions du statut peut notamment se trouver en congé et exercer d'autres activités professionnelles (voir l'arrêt Mascetti/Commission, précité, point 6), sans pour autant perdre le droit d'être ultérieurement réintégré. L'article 40, paragraphe 4, sous d), du statut prévoit ainsi qu'à l'expiration du congé de convenance personnelle le fonctionnaire est obligatoirement réintégré, à la première vacance, dans un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à son grade, à condition qu'il possède les aptitudes requises pour cet emploi. Il est également précisé que, jusqu'à la date de sa réintégration effective, le fonctionnaire demeure en congé de convenance personnelle sans rémunération. L'argument développé lors de l'audience par la Commission sur la base d'une impossibilité de cumuler les rémunérations s'avère donc dénuée de toute pertinence.

49.
    En second lieu, la Commission ne peut non plus tirer aucun parti de l'arrêt Razzouk et Beydoun/Commission, précité, dans le cas d'espèce puisqu'il ne s'agit pas en l'occurrence de combler une lacune du statut en faveur d'un fonctionnaire. Dans l'affaire Razzouk et Beydoun/Commission, il convenait en effet de reconnaître l'application des dispositions du statut relatives à la pension de survie au conjoint survivant quel que soit son sexe. En l'espèce, il s'agit, pour la

Commission, de démontrer l'existence d'un prétendu principe d'incompatibilité qui priverait le fonctionnaire du droit de poser sa candidature pour l'exécution d'un contrat d'agent temporaire au sein de son institution.

50.
    Il y a également lieu de rejeter la distinction que la Commission a élaborée, pour la première lors de l'audience, entre la situation d'un fonctionnaire devenant agent temporaire auprès d'une autre institution et celle du fonctionnaire devenant agent temporaire auprès de sa propre institution, seule la première situation pouvant à la limite, selon la Commission, être envisageable compte tenu des dispositions statutaires. En effet, la Commission s'est fondée, pour établir cette distinction, sur les différentes formules de détachement autorisées par l'article 37 du statut, selon qu'il s'agit d'un détachement dans l'intérêt du service ou d'un détachement sur demande du fonctionnaire. La référence au détachement visé à l'article 37 du statut étant dénuée de pertinence en l'espèce (voir ci-dessus point 48), toute analogie avec les formules de détachement envisagées dans le statut doit aussi être écartée.

51.
    Il résulte de tout ce qui précède que le requérant était en droit de poser sa candidature à l'emploi vacant et d'obtenir de la Commission que, en tant qu'AHCC, elle examine sa candidature sur la base de ses mérites, examen qui, selon les termes de la décision explicite de rejet de la réclamation, n'a pas eu lieu. Le requérant disposait en effet, en vertu de l'article 40 du statut, du droit de demander, à titre exceptionnel, un congé de convenance personnelle pour l'exécution du contrat d'agent temporaire dans l'hypothèse où il lui aurait été proposé de conclure ledit contrat. Le cas échéant, il incombait alors à la Commission de statuer, en tant qu'AIPN, sur cette demande dans les limites du large pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu en la matière (voir ci-dessus point 39).

52.
    En tout état de cause, à supposer même que l'interprétation du statut et des principes généraux qui le gouvernent défendue par la Commission s'avère fondée en droit, force est de constater que, dans l'hypothèse où le requérant aurait satisfait aux différentes épreuves de sélection pour l'emploi vacant, il disposait encore, pour occuper ce poste, du droit d'offrir sa démission en tant que fonctionnaire, conformément à l'article 48 du statut.

53.
    L'interprétation de l'article 48 du statut relatif à la démission du fonctionnaire, défendue par la Commission tant dans ses écrits que lors de l'audience, n'est en effet pas conforme au libellé de ce texte.

54.
    Cet article dispose que la «démission offerte par le fonctionnaire ne peut résulter que d'un acte écrit de l'intéressé marquant sa volonté non équivoque de cesser définitivement toute activité dans l'institution».

55.
    Contrairement à ce que suggère la Commission, notamment dans la décision de rejet explicite de la réclamation (points 8 et 9), les termes «cesser définitivement

toute activité dans l'institution» ne signifient nullement qu'il est exclu qu'un fonctionnaire ayant démissionné exerce ultérieurement une activité au sein de cetteinstitution en qualité d'agent temporaire. Lesdits termes signifient seulement que le fonctionnaire qui offre sa démission met fin à toute activité dans l'institution en tant que fonctionnaire, telle que cette activité est définie à l'article 35 du statut.

56.
    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen du recours doit être accueilli et que ce dernier doit être déclaré fondé, sans qu'il soit besoin de statuer sur le troisième moyen, tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation. Partant, la décision du 11 mars 1997 refusant de prendre en considération la participation du requérant à la procédure de sélection d'un agent temporaire pour l'emploi vacant doit être annulée.

Sur les dépens

57.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En l'espèce, la Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu, au vu des conclusions du requérant, de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 11 mars 1997, rejetant la candidature de M. Carlos Alberto Leite Mateus pour l'emploi vacant publié sous la référence NPPR/2002/96, est annulée.

2)    La Commission est condamnée aux dépens.

Jaeger                    Lenaerts                    Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 février 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Jaeger


1: Langue de procédure: le français.