Language of document : ECLI:EU:T:2014:22

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

23 janvier 2014 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du carbure de calcium et du magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume‑Uni – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition du marché – Imputabilité du comportement infractionnel – Amendes – Coopération durant la procédure administrative – Circonstances aggravantes – Récidive – Circonstances atténuantes – Proportionnalité – Durée de l’infraction – Responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 »

Dans l’affaire T‑391/09,

Evonik Degussa GmbH, établie à Essen (Allemagne),

et

AlzChem AG, anciennement AlzChem Trostberg GmbH, anciennement AlzChem Hart GmbH, établie à Trostberg (Allemagne),

représentées par Mes C. Steinle, O. Andresen et I. Bodenstein, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. N. von Lingen et Mme A. Antoniadis, en qualité d’agents, assistés de Me A. Böhlke, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier), en ce qu’elle vise les requérantes, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réformation de ladite décision, tendant, d’une part, à l’annulation de l’amende infligée aux requérantes ou à la réduction de son montant et, d’autre part, à la mise à la charge de SKW Stahl‑Technik GmbH & Co. KG de l’intégralité de ladite amende, solidairement avec les requérantes,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par sa décision C (2009) 5791 final, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier) (résumé au JO C 301, p. 18, ci‑après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que les principaux fournisseurs de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, du 7 avril 2004 au 16 janvier 2007, à une infraction unique et continue. Celle‑ci se traduisait par un partage de marchés, une fixation de quotas, une répartition des clients, une fixation des prix et un échange d’informations commerciales sensibles concernant les prix, les clients et les volumes de vente dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume‑Uni.

2        La procédure a été ouverte à la suite d’une demande d’immunité, au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la clémence »), déposée par Akzo Nobel NV.

3        Par l’article 1er, sous f), de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’Evonik Degussa GmbH et AlzChem Hart GmbH (devenue AlzChem Trostberg GmbH, puis AlzChem AG), les requérantes, avaient participé à l’infraction du 22 avril au 30 août 2004. Il ressort des considérants 226 et 227 de la décision attaquée que ces deux sociétés ont été tenues pour responsables de l’infraction litigieuse du fait de la participation directe à celle-ci de membres du personnel de SKW Stahl-Technik GmbH & Co. KG, dont la raison sociale a été modifiée, à partir de 2005, en SKW Stahl-Metallurgie GmbH (ci‑après « SKW »). Selon les considérants 227, 228 et 235 de la décision attaquée, lors de la première partie de la période de sa participation à l’entente litigieuse, SKW était une filiale détenue à 100 % par les requérantes.

4        Par l’article 2 de la décision attaquée, la Commission a infligé aux requérantes du fait de leur participation à l’infraction litigieuse, d’une part, une amende de 1,04 million d’euros, en les désignant comme solidairement responsables avec SKW pour le paiement de cette amende [article 2, sous g)], et, d’autre part, une amende de 3,64 millions d’euros, pour le paiement de laquelle elles ont été désignées comme solidairement responsables [article 2, sous h)].

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 octobre 2009, les requérantes ont introduit le présent recours.

6        Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 20 août 2010, les représentants des requérantes ont informé le Tribunal que, à la suite d’une fusion décidée le 28 décembre 2009 et enregistrée au registre du commerce allemand le 5 janvier 2010, AlzChem Trostberg venait aux droits et obligations d’AlzChem Hart, la seconde requérante mentionnée dans la requête. Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 8 août 2012, les représentants des requérantes ont informé le Tribunal de la transformation d’AlzChem Trostberg en société anonyme et de la modification de sa raison sociale en AlzChem AG.

7        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la même chambre.

8        Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 15 juin 2012, les requérantes ont proposé l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure, au sens de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, tendant à inviter la Commission à prendre position sur les conséquences à tirer pour la présente affaire de l’arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission (C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947), et des arrêts du Tribunal du 27 octobre 2010, Alliance One International e.a./Commission (T‑24/05, Rec. p. II‑5329), du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission (T‑122/07 à T‑124/07, Rec. p. II‑793, ci‑après l’« arrêt Siemens »), et du 13 juillet 2011, ThyssenKrupp Liften Ascenseurs e.a./Commission (T‑144/07, T‑147/07 à T‑150/07 et T‑154/07, Rec. p. II‑5129).

9        Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 5 juillet 2012, la Commission a introduit une demande de retrait du dossier d’une partie de la demande des requérantes mentionnée au point 8 ci-dessus. Elle a, en outre, présenté ses propres observations sur la jurisprudence évoquée dans ladite demande et sur les observations des requérantes relatives à cette jurisprudence.

10      Par décision du 10 septembre 2012, le Tribunal a indiqué aux parties qu’il considérait que l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure tendant à inviter les parties à présenter leurs observations sur la pertinence, pour la présente affaire, de la jurisprudence évoquée par les requérantes dans leur demande aurait été justifiée. Toutefois, dès lors que tant les requérantes, dans leur demande susvisée, que la Commission, dans ses observations sur ladite demande, avaient d’ores et déjà présenté leurs observations relatives à la pertinence de cette jurisprudence, le Tribunal a décidé de maintenir dans le dossier l’intégralité tant de la demande des requérantes que des observations de la Commission et de considérer que ces documents contiennent la prise de position de chacune des parties sur cette question. Au regard de cette décision, il a, en outre, décidé de rejeter la demande incidente de la Commission, tendant au retrait du dossier d’une partie de la demande des requérantes.

11      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 16 avril 2013.

12      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle les concerne ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée en vertu de l’article 2, sous g) et h), de la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire également, réformer le dispositif de la décision attaquée en ce sens que SKW est solidairement responsable avec elles pour le paiement de l’intégralité du montant de ladite amende ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

14      Les requérantes n’ont pas formellement articulé, dans leur requête, leur argumentation en moyens. Elles déclarent qu’elles ne contestent ni les faits, tels qu’exposés aux considérants 53 à 135 de la décision attaquée, ni l’existence d’une infraction (considérants 136 à 204 de la décision attaquée), à laquelle SKW a participé. Toutefois, elles contestent la décision attaquée en ce que la Commission les a tenues pour responsables de l’infraction commise par SKW. En outre, elles font valoir que l’amende qui leur a été infligée est contraire à l’article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), à la communication sur la clémence ainsi qu’aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. De plus, elles reprochent à la Commission plusieurs violations de l’obligation de motivation. Enfin, elles présentent une série d’arguments au soutien tant de la recevabilité que du bien-fondé de leur troisième chef de conclusions.

15      Le Tribunal examinera successivement les argumentations des requérantes relatives, premièrement, à leur responsabilité de l’infraction commise par leur filiale, deuxièmement, au montant de l’amende et, troisièmement, à la responsabilité solidaire de SKW pour le paiement de l’amende qui leur a été infligée. Les différents arguments des requérantes tirés d’une prétendue violation de l’obligation de motivation seront examinés dans le cadre de l’examen des trois griefs susmentionnés des requérantes, auxquels ils sont liés. En dernier lieu, le Tribunal examinera le grief des requérantes tiré de l’arrêt Siemens, point 8 supra, évoqué dans leur demande mentionnée au point 8 ci‑dessus ainsi que lors de l’audience.

 Sur l’imputation aux requérantes de la responsabilité de l’infraction commise par SKW

 Rappel de la jurisprudence pertinente

16      Selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, Rec. p. I‑1, point 34, et la jurisprudence citée).

17      La Cour a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 16 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

18      Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 16 supra, point 36, et la jurisprudence citée). Toutefois, ainsi que l’a également précisé la Cour, l’infraction au droit de la concurrence doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et la communication des griefs doit être adressée à cette dernière. Il importe également que la communication des griefs indique en quelle qualité une personne juridique se voit reprocher les faits allégués (arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 57).

19      S’agissant de la question de savoir dans quelles circonstances une personne juridique qui n’est pas l’auteur de l’infraction peut néanmoins être sanctionnée, il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 16 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

20      En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 16 supra, point 38, et la jurisprudence citée).

21      La Cour a également précisé, à cet égard, que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union européenne, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable (ci-après la « présomption capitalistique »), selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence. Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt de la Cour General Química e.a./Commission, point 16 supra, points 39 et 40, et la jurisprudence citée ; arrêt de la Cour du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 97, et du 3 mai 2012, Legris Industries/Commission, C‑289/11 P, non publié au Recueil, point 46).

 Sur l’interprétation prétendument erronée de la notion d’unité économique

22      Les requérantes font valoir que, dans la décision attaquée, la Commission les a tenues pour responsables de l’infraction commise par SKW en se fondant sur une interprétation trop large de la notion d’entité économique. Selon elles, cette interprétation est inadmissible, car contraire au principe de la responsabilité personnelle, à la présomption d’innocence, au « principe de la faute » ou à l’exigence d’une faute, qui s’appliquent tous également aux personnes morales.

23      Selon les requérantes, il résulte de ces principes, présomption et exigence qu’une personne physique ou morale ne peut être sanctionnée que si une infraction individuelle peut lui être reprochée et que, en revanche, une telle personne ne peut être punie pour un acte qu’elle n’a pas commis. Les requérantes ajoutent que l’argument selon lequel la société mère est personnellement responsable de l’infraction de sa filiale en raison de sa possibilité d’influence n’est qu’un « jonglage avec des notions » qui ne saurait occulter la réalité de la situation.

24      Le principe de la responsabilité personnelle est évoqué dans la jurisprudence constante en matière d’imposition de sanctions pour violation des règles de la concurrence (voir point 18 ci‑dessus). Conformément à ce principe, nul n’est responsable que de son propre fait (conclusions de l’avocat général M. Bot sous l’arrêt de la Cour du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, I‑2361, point 162). Ce principe a pour corollaire celui de l’individualité des peines et des sanctions (conclusions de l’avocat général M. Bot sous l’arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, précitées, point 161), lequel est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de la concurrence du droit de l’Union (arrêts du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, Rec. p. II‑1887, point 118, et du 30 septembre 2009, Arkema/Commission, T‑168/05, non publié au Recueil, point 105). Selon une jurisprudence constante, en vertu de ce dernier principe, une personne physique ou morale ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés (arrêts du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 63, et Arkema/Commission, précité, point 105).

25      Par ailleurs, selon une jurisprudence également constante, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que de l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de la concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes. Ainsi est-il nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence de l’infraction (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 61 et 62, et la jurisprudence citée).

26      S’agissant du « principe de la faute » qu’elles évoquent dans leur argumentation, les requérantes renvoient aux conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt de la Cour du 11 décembre 2007, ETI e.a. (C‑280/06, Rec. p. I‑10893, I‑10896, point 71), selon lesquelles ledit principe constitue une des sources du principe de la responsabilité personnelle, évoqué au point 24 ci‑dessus. Dans ces mêmes conclusions, il est ajouté, en note en bas de page n° 57, que le « principe de la faute » entre aussi en ligne de compte à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, selon lequel sont passibles d’amendes les actes commis de propos délibéré ou par négligence (voir, également, conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 18 supra, Rec. p. I‑8239, point 27). C’est à cette exigence de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 que les requérantes font référence lorsqu’elles évoquent l’« exigence d’une faute ».

27      Il y a lieu de relever que, sous les intitulés « VI.1. Responsabilité de l’infraction » et « VI.1.1. Principes », la Commission a relevé ce qui suit aux considérants 205 et 206 de la décision attaquée :

« (205)Sur la base du principe de la responsabilité personnelle, la Commission identifie en premier lieu la personne morale qui était directement impliquée dans les activités de l’entente. La responsabilité de l’infraction à l’article 81 [CE] est imputable à cette entité. Si cette dernière appartient à un groupe d’entreprises au sein duquel elle ne détermine pas nécessairement de manière autonome son comportement sur le marché, la Commission peut imputer le comportement illicite à la personne morale qui détermine dans les faits le comportement sur le marché, étant donné qu’elles sont considérées comme formant une seule et même entreprise au sens de l’article 81 [CE]. La Commission sera en mesure, par la suite, de tenir la personne morale qui détermine le comportement sur le marché conjointement et solidairement responsable pour le paiement de l’amende éventuellement infligée à l’entité directement impliquée dans les activités de l’entente […].

(206) En ce qui concerne la relation entre une société mère et sa filiale, la Commission évalue si la société mère a exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale sur le marché durant la période de l’infraction. Dans le cas où une société mère détient (directement ou indirectement) 100 % du capital de sa filiale auteur d’une infraction aux règles de la concurrence, la Commission, sur la base de la jurisprudence […], applique la présomption [capitalistique], et en déduit donc qu’elles constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 du traité. Il incombe dès lors à la société mère de démontrer que la filiale était capable de déterminer sa politique commerciale de manière autonome, en considérant notamment les liens économiques et juridiques existant entre elles, par exemple une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels, poursuivant de façon durable un but économique déterminé. »

28      C’est sur la base de ces considérations de principe que la Commission a, notamment, analysé, aux considérants 226 à 244 de la décision attaquée, la question de l’imputation aux requérantes de la responsabilité de l’infraction commise par SKW et elle a conclu qu’elle était en droit de les tenir pour responsables de cette infraction.

29      Force est de constater, d’emblée, que les considérations de la Commission, exposées aux considérants 205 et 206 de la décision attaquée, ne font que refléter la jurisprudence constante, telle que présentée aux points 16 à 21 ci‑dessus. Dans ces conditions, l’affirmation des requérantes, selon laquelle la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur une interprétation trop large de la notion d’entité économique, ne saurait être admise. Bien que les requérantes aient précisé qu’elles ne remettaient pas en cause cette notion en elle-même, mais uniquement son interprétation par la Commission, leur argumentation résumée aux points 22 et 23 ci‑dessus ne peut qu’être comprise en ce sens que la jurisprudence constante, appliquée par la Commission dans la décision attaquée, enfreint les principes, présomption et exigence dont il est question au point 23 ci‑dessus. C’est nécessairement sous cet angle qu’il convient d’examiner cette argumentation.

30      Il importe de relever, à cet égard, que l’imputation, à la société mère, de la responsabilité de l’infraction commise par sa filiale avec laquelle elle constitue une seule entité économique n’est pas inconciliable avec le principe de la responsabilité personnelle, mais, au contraire, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 18 ci‑dessus, est précisément fondée sur ce même principe. En effet, ainsi qu’il ressort de cette jurisprudence, il appartient à l’entité économique ayant enfreint les règles de la concurrence de répondre de cette infraction.

31      Néanmoins, ainsi qu’il est également rappelé au point 18 ci-dessus, la communication des griefs relatifs à une telle infraction ainsi que, le cas échéant, la décision infligeant une sanction doivent être adressées à une personne juridique et non à l’entreprise, en tant que telle. À cet égard, le droit de la concurrence de l’Union reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens de l’article 81 CE, si les sociétés filiales du groupe ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 290). Dans une telle hypothèse, plusieurs personnes juridiques appartenant à une seule et même entreprise peuvent se voir adresser une communication des griefs et, ensuite, une décision leur infligeant des sanctions. Or, ces personnes juridiques sont appelées à répondre d’une infraction commise par l’entreprise dont elles font partie et, en ce sens, d’une infraction relevant de leur responsabilité personnelle.

32      En effet, selon une jurisprudence constante, le principe de l’individualité de peines doit se concilier avec la notion d’entreprise, au sens de l’article 81 CE, telle qu’interprétée par la jurisprudence. Or, cette notion inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu’une infraction visée par cette disposition soit commise (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 54, et la jurisprudence citée).

33      Par ailleurs, dans son arrêt General Química e.a./Commission, point 16 supra (point 52), la Cour a jugé que, au vu de son caractère réfragable, la présomption capitalistique ne conduisait pas à une attribution automatique de responsabilité à la société mère détenant la totalité du capital social de sa filiale, attribution qui serait contraire au principe de la responsabilité personnelle sur lequel repose le droit de la concurrence de l’Union.

34      L’imputation à plusieurs personnes juridiques appartenant à l’unité économique, au sens de la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus, de l’infraction aux règles de la concurrence commise par cette unité n’est pas non plus contraire à la présomption d’innocence, telle qu’applicable à une telle infraction, selon la jurisprudence citée au point 25 ci‑dessus. En effet, une telle imputation présuppose que la Commission établit l’existence de l’infraction commise par l’unité en question par des preuves précises et concordantes, conformément à cette dernière jurisprudence.

35      Les requérantes font également valoir que, en l’espèce, la Commission a violé la présomption d’innocence, dès lors qu’elle a considéré, au considérant 206 de la décision attaquée, qu’il incombe à la société mère de démontrer que sa filiale, dont elle détient la totalité du capital, était capable de déterminer sa politique commerciale de manière autonome. Selon les requérantes, cette thèse de la Commission méconnaît la nature de la présomption capitalistique, laquelle ne fait qu’aboutir à un allègement de la charge de la preuve qui incombe à la Commission, et non à un renversement de cette charge. À l’appui de leur argumentation, les requérantes invoquent les conclusions de l’avocat général M. Mischo sous l’arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, I‑9928, point 48).

36      Cet argument ne saurait prospérer. Les affirmations de la Commission au considérant 206 de la décision attaquée reflètent fidèlement la jurisprudence constante, mentionnée au point 21 ci‑dessus. S’agissant de la référence des requérantes au point 48 des conclusions de l’avocat général M. Mischo sous l’arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 35 supra, il suffit de relever que les considérations qui y sont exposées ne sont pas conformes à cette jurisprudence et ne sauraient être suivies. De plus, il convient de relever que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la thèse soutenue par la Commission au considérant 206 de la décision attaquée n’aboutit pas à un renversement de la charge de la preuve, mais bien à un simple allègement de celle‑ci. En effet, c’est à la Commission qu’il incombe, en premier lieu, de prouver l’exercice par la société mère d’une influence déterminante sur sa filiale. Toutefois, la charge de la preuve qui pèse sur elle à cet égard peut être allégée, en ce sens que, si elle parvient à démontrer que la société mère détient la totalité du capital de la filiale, il doit être considéré qu’elle a satisfait à cette charge, à moins que la société mère n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché.

37      L’argument que les requérantes s’efforcent de tirer du « principe de la faute » ou de l’exigence d’une faute (voir point 26 ci‑dessus) ne saurait pas non plus prospérer. Il convient de relever, à cet égard, que les conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt ETI e.a., point 26 supra, que les requérantes invoquent à l’appui de leur argumentation, renvoient aux conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, I‑133, points 63 à 65). Or, comme ces dernières conclusions l’indiquent, au point 65, l’application du « principe de la faute » doit être modulée lorsqu’il s’agit de personnes morales. En effet, l’élément volitif au sens strict est absent dans le cas d’entités collectives et c’est une fiction juridique qui permet de leur imputer les infractions qui résultent de leurs comportements. Cependant, si les entités juridiques sont incapables d’actes de volonté, elles sont en revanche capables d’enfreindre les normes auxquelles elles sont soumises et le corollaire en est que des infractions qu’elles n’ont pas commises ne sauraient leur être imputées.

38      Ainsi qu’il peut être également déduit de ces considérations, la faute exigée comme élément d’une infraction aux règles de la concurrence par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ne peut, en définitive, qu’être attribuable à une ou plusieurs personnes physiques, et ce quand bien même la Commission ne serait pas tenue d’identifier ces personnes dans sa décision constatant une telle infraction à l’égard d’une ou de plusieurs personnes juridiques (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, C‑338/00 P, Rec. p. I‑9189, points 95 à 98). Dans la mesure où les personnes physiques responsables de l’infraction relèvent de l’unité économique dont font partie les personnes morales auxquelles la responsabilité de l’infraction est imputée, il ne saurait être prétendu que ces personnes morales sont appelées à répondre d’une infraction sans qu’une faute puisse leur être reprochée ni, partant, que le « principe de la faute » a été violé.

39      Les requérantes font également valoir que la politique en matière de concurrence ne saurait justifier l’imputation quasiautomatique du comportement anticoncurrentiel d’une filiale à sa société mère. Ni le fait qu’une telle imputation permet à la Commission de poursuivre sa politique d’amendes de plus en plus élevées pour violation des règles de la concurrence ni l’objectif tenant à disposer d’un débiteur plus solvable responsable pour le paiement de l’amende ne sauraient fournir une telle justification. Elles soulignent, de plus, que la pratique consistant à l’imputation à la société mère des infractions commises par ses filiales constitue une particularité, aucunement justifiée, du droit de l’Union, qui le distingue d’autres systèmes juridiques développés.

40      Ces arguments doivent être écartés. D’une part, l’imputation à la société mère de la responsabilité d’une infraction commise par sa filiale avec laquelle elle constitue une seule unité économique trouve sa justification dans les considérations exposées aux points 16 à 21 ci-dessus et non dans des considérations relatives à la politique en matière de concurrence, telles que celles évoquées par les requérantes. D’autre part, les règles de la concurrence du droit de l’Union trouvent leur origine et leur justification dans les traités UE et FUE et présentent un caractère autonome, distinct des règles analogues d’autres systèmes juridiques. Quand bien même, comme les requérantes semblent le faire valoir, les considérations exposées aux points 16 à 21 ci-dessus n’auraient pas d’équivalent dans d’autres systèmes juridiques, cette seule circonstance ne suffit pas pour remettre en cause leur validité.

41      Les requérantes relèvent également que rien dans la présente affaire ne justifie un engagement de leur responsabilité pour l’infraction commise par SKW. Elles n’auraient pas été impliquées dans l’infraction, dès lors qu’elles n’auraient ni participé elles-mêmes à l’entente, ni donné des instructions à leur filiale d’y participer, ni été informées d’une telle participation. Les requérantes font observer, à cet égard, que, dans la jurisprudence la plus récente en la matière, la connaissance de l’infraction par la société mère a joué un rôle important. La Commission aurait également adopté une approche analogue dans sa décision 2007/236/CE, du 20 octobre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP/38.238/B.2 – Tabac brut – Espagne) (JO L 102, p. 14).

42      L’argument des requérantes selon lequel, en substance, la jurisprudence la plus récente exige une participation directe des membres du personnel ou de la direction de la société mère dans l’infraction, pour imputer à celle-ci la responsabilité d’une infraction commise par sa filiale avec laquelle elle constitue une seule unité économique, doit être rejeté. Les considérations de la jurisprudence constante en la matière ont été exposées aux points 16 à 21 ci-dessus et ne confirment pas la thèse des requérantes. Pour ce qui est de la décision de la Commission invoquée par les requérantes, il suffit de relever qu’elle concerne une affaire différente de la présente espèce et que la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait lier ni cette dernière ni, encore moins, le Tribunal.

43      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel elles n’ont pas elles-mêmes participé à l’infraction, il suffit de relever que ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituaient, avec SKW, une seule entreprise au sens de la jurisprudence citée aux points 16 à 21 ci-dessus, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés. L’imputation du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère ne nécessite pas la preuve que la société mère influence la politique de sa filiale dans le domaine spécifique ayant fait l’objet de l’infraction. En revanche, les liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre la société mère et sa filiale peuvent établir l’existence d’une influence de la première sur la stratégie de la seconde et, dès lors, justifier de les concevoir comme une seule entité économique (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, points 58 et 83).

44      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le grief des requérantes selon lequel la décision attaquée est fondée sur une interprétation erronée du concept d’unité économique doit être rejeté.

 Sur l’application prétendument erronée de la notion d’unité économique

45      Les requérantes font valoir que, conformément aux principes établis, notamment, dans l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 18 supra, elles n’auraient pas dû être tenues pour responsables du comportement infractionnel de SKW. Elles considèrent que, dans la mesure où la Commission a, dans la décision attaquée, présumé, sur la base de leur participation à 100 % au capital de leur filiale SKW, qu’elles avaient exercé une influence déterminante effective sur cette dernière société, elle a appliqué de manière erronée la jurisprudence pertinente. Selon elles, pour qu’une influence déterminante de la société mère sur sa filiale puisse être présumée, la seule participation à 100 % de la première société au capital de la seconde n’est pas suffisante. Il ressortirait de l’arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 35 supra (point 29), que l’existence d’autres circonstances allant dans le même sens est nécessaire à cet égard. Une présomption d’influence déterminante fondée sur la seule participation à 100 % de la société mère au capital de la filiale serait faiblement motivée et ne saurait constituer une base valable pour l’imposition d’une sanction. Dans son arrêt du 12 juillet 1979, BMW Belgium e.a./Commission (32/78, 36/78 à 82/78, Rec. p. 2435, point 24), la Cour aurait elle-même reconnu que le lien de dépendance économique existant entre une société mère et une société filiale n’exclut ni une diversité de comportement ni une diversité d’intérêts entre les deux sociétés.

46      Cette argumentation ne saurait prospérer. Il est, certes, vrai que la Cour a évoqué aux points 28 et 29 de l’arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 35 supra, hormis la détention à 100 % du capital de la filiale, d’autres circonstances, telles que la non‑contestation de l’influence exercée par la société mère sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative. Il n’en demeure pas moins que, ainsi que la Cour l’a elle-même précisé dans son arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 18 supra (point 62), lesdites circonstances n’ont été relevées que dans le but d’exposer l’ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement dans cette affaire, et non pour subordonner la mise en œuvre de la présomption mentionnée au point 21 ci‑dessus à la production d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la part de la société mère.

47      Les requérantes contestent cette interprétation de l’arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 35 supra, et évoquent une « divergence » entre les différentes chambres de la Cour. Cet argument ne convainc, toutefois, pas, dès lors qu’une jurisprudence constante de la Cour confirme l’existence d’une présomption d’influence déterminante sur la seule base de la détention, par la société mère, de la totalité du capital de sa filiale (voir point 21 ci-dessus).

48      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel cette présomption est « faiblement motivée » et ne saurait constituer une base valable pour l’imposition de sanctions, il suffit de rappeler qu’il s’agit d’une présomption réfragable et il incombe à la société mère concernée d’invoquer les éléments de preuve pertinents pour démontrer que, dans son cas particulier, elle n’a pas exercé une influence déterminante sur sa filiale et ne devait pas répondre de l’infraction aux règles de la concurrence commise par celle-ci. En effet, ainsi que l’a relevé l’avocat général Mme Kokott, dans ses conclusions sous l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra (point 74), cette présomption fixe simplement le niveau de preuve à respecter pour déterminer si la responsabilité d’une infraction au droit des ententes incombe à la société mère ou à la filiale. Comme le fait que la société mère détient la totalité du capital de sa filiale permet de conclure prima facie qu’une influence déterminante est exercée, il incombera à la société mère de réfuter cette conclusion en s’appuyant sur des preuves convaincantes en sens contraire, faute de quoi ladite conclusion devra être considérée comme satisfaisant aux exigences en matière de charge de la preuve.

49      Pour les mêmes motifs, les considérations de l’arrêt BMW Belgium e.a./Commission, point 45 supra (point 24), sur lesquelles s’appuient les requérantes ne s’opposent pas non plus à l’existence de la présomption capitalistique, mentionnée au point 21 ci‑dessus, et à sa mise en œuvre, par la Commission, dans la décision attaquée.

50      Les requérantes font également valoir que la Commission est elle‑même partie du principe que l’application de la présomption mentionnée au point 21 ci‑dessus exigeait, outre leur participation à 100 % au capital de SKW, d’autres éléments. Elles se réfèrent, à cet égard, aux considérants 229 et 236 de la décision attaquée.

51      Aux considérants 228, 229, 235 et 236 de la décision attaquée, la Commission a relevé ce qui suit :

« (228) Au moins durant la période allant du 22 avril 2004 au 30 août 2004 inclus, la société [SKW] était détenue à 100 % (via des sociétés intermédiaires) par la société alors nommée SKW Metallurgie AG, aujourd’hui AlzChem Hart GmbH […]. De ce fait, sur la base de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, la Commission peut imputer le comportement d’entente illicite de la filiale à la société mère AlzChem Hart GmbH pour la même période.

(229)  Nonobstant ce fait, la Commission fait valoir d’autres éléments qui confirment la présomption selon laquelle la société mère a exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale sur le marché, ce qui prouve qu’elles constituaient donc une seule et même entreprise :

–        au moins durant l’année 2004, le [président–directeur général] de SKW […] était également [président–directeur général] de SKW Stahl Technik Verwaltungs GmbH […] ;

–        la filiale a eu besoin de l’approbation de sa société mère pour plusieurs décisions ou transactions d’ordre commercial ;

–        des rapports réguliers ont été effectués concernant les performances économiques de la filiale […] 

(235)  Au moins durant la période allant du 22 avril 2004 au 30 août 2004 inclus, la société alors nommée SKW Stahl-Technik GmbH & Co. KG était indirectement détenue à 100 % par la société alors nommée SKW Metallurgie AG (aujourd’hui AlzChem Hart GmbH). Cette dernière était indirectement détenue à 100 % par Degussa AG (aujourd’hui Evonik Degussa GmbH) […]. De ce fait, la Commission peut imputer le comportement d’entente illicite de la filiale à la société mère Degussa pour la même période.

(236)  Néanmoins, la Commission fait valoir d’autres éléments qui confirment la présomption selon laquelle la société mère a exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale sur le marché, ce qui prouve qu’elles constituaient donc une seule et même entreprise :

–        du point de vue économique, l’activité carbure de calcium faisait partie de l’unité commerciale « Metallchemie », ce qui souligne l’organisation unitaire entre la société mère et la filiale […] ;

–        du point de vue économique, le chiffre d’affaires de l’activité carbure de calcium pour l’année 2004 a été perçu par la société mère […] ;

–        dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission, Degussa se réfère à l’activité carbure de calcium comme ayant appartenu au groupe Degussa […] ;

–        la décision de Degussa de mettre en œuvre un programme de cession en 2001 et de vendre des activités commerciales ne faisant pas partie de ses secteurs clés, par exemple les opérations métallurgiques […], relève de la question fondamentale de la survie économique de la filiale. Cela démontre clairement que la direction de la société mère décidait de la stratégie commerciale de la filiale opérationnelle. »

52      Il ressort des considérants 228 et 235 de la décision attaquée que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la Commission a considéré que le fait qu’elles détenaient à 100 % le capital de SKW lui permettait de leur imputer la responsabilité de l’infraction commise par cette société, sur la base de la présomption capitalistique. Les considérations figurant aux considérants 229 et 236 ont été relevées à titre surabondant, ainsi qu’il ressort de leur texte même et, notamment, de l’utilisation des termes « [n]onobstant ce fait » et « confirment la présomption ».

53      Il convient, à cet égard, de relever que, dans leur demande d’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure, mentionnée au point 8 ci‑dessus, les requérantes font valoir que la Commission ne saurait se fonder sur la seule présomption capitalistique à leur égard, dès lors que dans la décision attaquée elle a invoqué, à l’égard de toutes les sociétés mères dont des filiales s’étaient impliquées dans l’infraction, en plus de la présomption capitalistique, d’autres éléments confirmant leur influence déterminante sur leurs filiales. Elles s’appuient, à cet égard, sur l’arrêt Alliance One International e.a./Commission, point 8 supra (point 218).

54      Sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la question de savoir si le grief résumé au point 53 ci-dessus constitue un grief nouveau, irrecevable, car invoqué après la clôture de la procédure écrite sans qu’il soit fondé sur des éléments révélés en cours d’instance, ou s’il ne constitue que l’ampliation recevable d’un argument déjà énoncé dans la requête, il convient, en tout état de cause, de le rejeter comme non fondé. Dans son arrêt Alliance One International e.a./Commission, point 8 supra (point 218), le Tribunal a constaté qu’aucun des éléments invoqués par la Commission dans la décision en cause dans cette affaire ne permettait de considérer qu’une des sociétés mères mentionnées dans cette décision exerçait effectivement, lors de la période pertinente, une influence déterminante sur sa filiale. Le Tribunal a ajouté que la Commission ne saurait se fonder sur le seul fait que ladite société mère détenait la totalité du capital de sa filiale, puisque dans cette hypothèse cette société serait traitée de manière discriminatoire par rapport à d’autres sociétés mères qui, bien que détenant la totalité du capital de leurs filiales impliquées dans l’infraction, ne s’étaient pas vues infliger une amende par la décision attaquée, la Commission ayant considéré qu’elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve de l’exercice, par elles, d’une influence déterminante sur leurs filiales.

55      Contrairement à ce que font valoir les requérantes, cette considération n’est pas transposable au cas d’espèce, qui est substantiellement différent. Dans l’arrêt Alliance One International e.a./Commission, point 8 supra (point 218), le Tribunal a, en substance, considéré que, si la Commission décidait de ne pas se fonder sur la présomption capitalistique à l’égard d’une société mère, elle était tenue, dans le respect du principe d’égalité de traitement, de ne pas appliquer ladite présomption aux autres sociétés mères, dont les filiales s’étaient impliquées dans la même infraction. Or, en l’espèce, il ressort de la lecture de la décision attaquée (voir les considérants 209 à 211, 216 à 219 et 228 à 262 de la décision attaquée) que, à l’égard de toutes les sociétés mères ayant détenu la totalité du capital de leurs filiales impliquées dans l’infraction, la Commission s’est fondée sur ladite présomption et, par la suite et à titre surabondant, elle a mentionné des éléments additionnels démontrant, selon elle, l’exercice effectif d’une influence déterminante sur ces filiales par leurs sociétés mères. Par ailleurs, elle a tenu toutes ces sociétés mères pour responsables de l’infraction commise par leurs filiales. Partant, il ne saurait être question d’une quelconque violation du principe d’égalité de traitement en l’espèce.

 Sur l’exercice par les requérantes d’une influence déterminante sur SKW

56      Ainsi qu’il a déjà été relevé (voir points 51 et 52 ci‑dessus), la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que, pendant la période allant du 22 avril au 30 août 2004, les requérantes détenaient 100 % du capital de SKW et que, par conséquent, la présomption capitalistique trouvait à s’appliquer à leur égard. Indépendamment de cette considération, elle a énuméré à titre surabondant, respectivement aux considérants 229 et 236 de la décision attaquée, certains autres éléments qui démontraient, selon elle, que les requérantes exerçaient, pendant la période susmentionnée, une influence déterminante sur SKW, de sorte qu’elles faisaient partie de la même unité économique que celle-ci et pouvaient être tenues pour responsables de sa participation à l’infraction litigieuse.

57      Les requérantes ne contestent pas l’affirmation de la Commission selon laquelle elles détenaient, pendant la période en cause, 100 % du capital de SKW, mais, au contraire, confirment cette conclusion. Elles indiquent ainsi que le capital de la seconde requérante était, à l’époque, détenu par la première requérante. La seconde requérante détenait, à son tour, la totalité du capital tant de SKW Stahl-Technic Verwaltungs GmbH que de SKW Stahl‑Technik GmbH. Ces deux dernières sociétés étaient les associés de SKW, qui était, à l’époque, une société en commandite (Kommanditgesellschaft). La note en bas de page n° 46 de la décision attaquée fournit, en substance, les mêmes explications que celles fournies par les requérantes dans leur requête. Par ailleurs, les requérantes indiquent que l’acquisition, par elles, de la totalité du capital de SKW est intervenue le 1er février 2001.

58      En revanche, les requérantes contestent avoir exercé une influence déterminante sur leur filiale SKW pendant la période infractionnelle. À cet égard, premièrement, elles reprochent à la Commission une violation de l’obligation de motivation, en ce qu’elle n’a pas analysé, dans la décision attaquée, les arguments invoqués par la première requérante dans sa réponse à la communication des griefs tendant à remettre en cause l’exercice d’une influence déterminante sur SKW. Deuxièmement, les requérantes contestent quant au fond le rejet de ces arguments, faisant valoir une série d’éléments qui renversent, selon elles, la présomption capitalistique. Troisièmement, elles contestent quant au fond les éléments additionnels, invoqués par la Commission aux considérants 229 et 236 de la décision attaquée, pour prouver l’exercice par elles d’une influence déterminante sur SKW, indépendamment de l’application de la présomption capitalistique.

–       Sur la violation de l’obligation de motivation

59      Ainsi que l’a relevé la Cour dans son arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 8 supra (point 152), lequel est également évoqué par les requérantes dans leur demande mentionnée au point 8 ci-dessus, lorsqu’une décision d’application des règles de l’Union en matière de droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit, en principe, contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société.

60      S’agissant plus particulièrement d’une décision de la Commission qui s’appuie de manière exclusive, à l’égard de certains destinataires, sur la présomption capitalistique, il y a lieu de constater que la Commission est en tout état de cause – sous peine de rendre cette présomption, dans les faits, irréfragable – tenue d’exposer de manière adéquate à ces destinataires les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués n’ont pas suffi à renverser ladite présomption. Le devoir de la Commission de motiver ses décisions sur ce point résulte notamment du caractère réfragable de ladite présomption, dont le renversement requerrait aux intéressés de produire une preuve portant sur les liens économiques, organisationnels et juridiques entre les sociétés concernées (arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 8 supra, point 153).

61      Cela étant, la Cour a également rappelé que la Commission n’est pourtant pas tenue dans un tel contexte de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 8 supra, point 154, et la jurisprudence citée).

62      En l’espèce, il convient tout d’abord de rappeler que, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 55 ci‑dessus, la Commission a choisi de se fonder, dans la décision attaquée, sur la présomption capitalistique pour imputer aux requérantes la responsabilité de l’infraction commise par leur filiale SKW. Ce n’est qu’à titre surabondant, à l’évidence pour le cas où il serait considéré que ladite présomption n’était pas applicable sur la seule base de la détention, par la société mère, de la totalité du capital de sa filiale, que la Commission a énuméré, aux considérants 229 et 236 de la décision attaquée, certains éléments additionnels, lesquels confirmaient, selon elle, la thèse de l’exercice par les requérantes d’une influence déterminante sur leur filiale SKW.

63      Il s’ensuit que les considérations de la jurisprudence citée aux points 59 à 61 ci-dessus trouvent à s’appliquer à la présente espèce, la Commission ayant choisi, à titre principal, de s’appuyer, à l’égard des requérantes, de manière exclusive sur la présomption capitalistique. Il convient, dès lors, d’examiner si elle a exposé, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquels les éléments de fait et de droit invoqués par les requérantes n’ont pas suffi à renverser cette présomption.

64      Aux considérants 237 à 243 de la décision attaquée, la Commission a examiné et rejeté plusieurs arguments invoqués par la première requérante dans sa réponse à la communication des griefs et tendant à renverser la présomption capitalistique. Ainsi, au considérant 237 de la décision attaquée, elle a résumé deux arguments tirés, respectivement, de l’effet rétroactif, au 1er janvier 2004, de la cession de SKW et de la méconnaissance, par cette dernière, d’instructions de ses sociétés mères lui interdisant la participation à des ententes. Aux considérants suivants (238 et 239) de la décision attaquée, la Commission a exposé les motifs pour lesquels elle considérait que ces arguments ne pouvaient pas prospérer. Au considérant 241 de la décision attaquée, elle a exposé les motifs pour lesquels un autre argument de la première requérante, tiré de l’arrêt BMW Belgium e.a./Commission, point 45 supra, et résumé au considérant 240 de la même décision, ne saurait pas non plus prospérer. Enfin, au considérant 243 de la décision attaquée, la Commission a exposé les motifs pour lesquels l’argument de la première requérante, résumé au considérant 242, selon lequel celle-ci devait être assimilée, s’agissant de sa participation à SKW, à un simple investisseur financier, devait également être rejeté.

65      La lecture de la réponse de la première requérante à la communication des griefs révèle que, afin de renverser la présomption capitalistique, celle-ci avait invoqué uniquement les arguments dont il est question au point 64 ci-dessus, à l’égard desquels la Commission a exposé, ainsi qu’il a déjà été relevé, les motifs pour lesquels elle considérait qu’ils devaient être rejetés.

66      À l’appui du grief tiré de la violation de l’obligation de motivation, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir répondu à certains arguments invoqués dans la réponse de la première requérante à la communication des griefs, lesquels tendaient à remettre en cause les considérations de la Commission exposées au considérant 236, troisième et quatrième tirets, de la décision attaquée. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé, ce considérant expose un motif surabondant de la décision attaquée.

67      Indépendamment même de cette dernière circonstance, il convient de relever que ce grief n’est, en tout état de cause, pas fondé et doit être rejeté. Il convient de relever que les notes en bas de page nos 502 et 503, auxquelles il est renvoyé respectivement au considérant 236, premier et deuxième tirets, répondent aux arguments avancés par la première requérante dans sa réponse à la communication des griefs concernant les considérations figurant auxdits tirets du considérant 236. Pour ce qui est des arguments avancés par la première requérante dans sa réponse à la communication des griefs pour remettre en cause les considérations de la Commission exposées dans la communication des griefs et répétées aux troisième et quatrième tirets du considérant 236 de la décision attaquée, ils constituaient, en substance, une simple négation des conclusions tirées par la Commission des éléments factuels évoqués à ces deux tirets (respectivement, une affirmation de la première requérante dans sa réponse à une demande de renseignements et la décision de celle-ci, prise en 2001, de vendre les activités métallurgiques dont celles exercées par SKW), sans toutefois remettre en cause l’exactitude matérielle de ces éléments factuels. En réitérant ces conclusions dans la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle maintenait son interprétation desdits éléments, telle qu’elle avait déjà été énoncée dans la communication des griefs. Une telle motivation était suffisante pour permettre aux requérantes de connaître la justification de la sanction qui leur a été infligée par la décision attaquée et au Tribunal d’exercer son contrôle. Compte tenu également de la jurisprudence invoquée au point 61 ci‑dessus, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir davantage analysé, dans la décision attaquée, ces arguments de la première requérante.

68      Il convient, en outre, de relever que, au considérant 233 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que la seconde requérante avait avancé plusieurs arguments identiques à ceux avancés par la première requérante, examinés aux considérants 238 à 243 de la décision attaquée. Elle a ajouté que les arguments avancés par la seconde requérante devaient être rejetés pour les mêmes motifs que ceux indiqués pour le rejet des arguments identiques avancés par la première requérante. Il ne ressort pas de la lecture de la réponse de la seconde requérante à la communication des griefs, et celle-ci n’allègue, d’ailleurs, pas, qu’elle avait avancé d’autres arguments additionnels, non examinés dans la décision attaquée.

69      Au regard des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation.

–       Sur le renversement de la présomption capitalistique

70      Dans le cadre de leur argumentation selon laquelle c’est à tort que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, qu’elles n’étaient pas parvenues à renverser la présomption capitalistique, les requérantes avancent une série d’arguments et d’éléments factuels, lesquels, en substance, répètent et amplifient les arguments avancés dans leurs réponses à la communication des griefs, examinés et rejetés par la Commission aux considérants 237 à 243 de la décision attaquée.

71      L’argumentation des requérantes peut être regroupée en deux griefs principaux. En premier lieu, celles-ci font valoir, en substance, que, pendant la période infractionnelle, SKW déterminait son comportement sur le marché de manière autonome, alors qu’elles étaient pleinement occupées à mener à bien les négociations relatives à sa vente. C’est dans ce même contexte que s’insèrent les arguments selon lesquels, d’une part, les requérantes se comportaient, à l’égard de SKW, comme un simple investisseur financier et, d’autre part, SKW avait été vendue avec effet rétroactif au 1er janvier 2004. En second lieu, les requérantes font valoir que SKW s’est impliquée dans l’entente litigieuse en violation de leurs instructions expresses en sens contraire. L’argument des requérantes tiré de l’arrêt BMW Belgium e.a./Commission, point 45 supra, s’insère également dans ce contexte.

72      Il y a lieu de relever d’emblée que, dans la mesure où le second des griefs mentionnés au point 71 ci-dessus répète et amplifie l’argumentation des requérantes résumée au point 42 ci‑dessus, il doit être rejeté pour les motifs indiqués au point 43 ci‑dessus. En effet, afin d’imputer aux requérantes la responsabilité de la participation de leur filiale SKW à l’infraction, la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur le fait que, selon elle, celles-ci constituaient une seule unité économique avec SKW, sur laquelle elles exerçaient une influence déterminante. En revanche, elle n’a reproché aux requérantes ni une participation directe à l’infraction ni une prétendue omission de donner à leur filiale l’instruction de ne pas participer à l’entente.

73      C’est ainsi à juste titre que la Commission a relevé ce qui suit, au considérant 239 de la décision attaquée, pour justifier le rejet de ce grief :

« [U]n programme de mise en conformité et des instructions générales de la société mère à la filiale l’enjoignant de ne pas participer à des ententes ne sauraient diminuer le niveau de responsabilité de la société mère. S’il était possible pour les sociétés mères d’échapper aux conséquences du fait de laisser leurs filiales violer la législation sur la concurrence en leur donnant des instructions internes relatives à la nature illégale des ententes, le but de l’interdiction absolue des comportements d’entente pourrait facilement être mis à mal. Des dépositions autoaccusatrices signées par leurs propres employés reconnaissant ces violations internes du programme de mise en conformité et/ou d’instructions générales données après la période couverte par l’infraction ne changent rien au fait qu’une infraction a bien été commise. Le non-respect d’un programme de mise en conformité et/ou d’instructions générales ne devrait pas constituer un motif pour ne pas tenir la société mère pour responsable du comportement illégal d’une filiale. »

74      Ce grief ne présente, dès lors, un caractère opérant, par rapport à la question d’un éventuel renversement de la présomption capitalistique, que dans la mesure où il tend à démontrer l’absence de l’exercice par les requérantes d’une influence déterminante sur leur filiale SKW pendant la période infractionnelle. En d’autres termes, il s’agit de déterminer si, comme le font valoir les requérantes, le fait que SKW a ignoré leurs instructions relatives à une éventuelle participation à une entente contraire aux règles de la concurrence démontre l’absence d’exercice d’une influence déterminante sur cette société. C’est donc sous cet angle qu’il convient de l’examiner, ensemble avec le premier.

75      Dans le cadre de cet examen il convient également de tenir compte des arguments et des éléments avancés par les requérantes pour remettre en cause les considérants 229 et 236 de la décision attaquée. Il est, certes, vrai que, dans la mesure où cette argumentation tend à démontrer que lesdits considérants, lesquels énoncent un motif surabondant de la décision attaquée, sont entachés d’erreurs de droit ou de fait, elle est inopérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 janvier 2008, Scippacercola et Terezakis/Commission, T‑306/05, non publié au Recueil, point 145). En effet, ainsi qu’il déjà été relevé, la conclusion de la Commission, selon laquelle la présomption capitalistique trouve à s’appliquer dans la présente espèce, est fondée, à suffisance de droit, sur le fait, constaté aux considérants 228 et 235 de la décision attaquée, que les requérantes détenaient la totalité du capital de SKW.

76      Toutefois, dans la mesure où les arguments et les éléments avancés par les requérantes dans le cadre de cette argumentation ou, du moins, certains d’entre eux, pourraient contenir des éléments tendant à démontrer que les requérantes n’exerçaient pas une influence déterminante sur leur filiale SKW, ces arguments et éléments doivent être examinés.

77      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, afin de renverser la présomption selon laquelle une société mère détenant 100 % du capital social de sa filiale exerce effectivement une influence déterminante sur celle‑ci, il incombe à ladite société mère de soumettre à l’appréciation du juge de l’Union tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale de nature à démontrer qu’elles ne constituent pas une seule entité économique (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 16 supra, point 51, et la jurisprudence citée).

78      En l’espèce, il convient tout d’abord de relever que, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, les requérantes ont précisé que leur argumentation devait être comprise en ce sens qu’elles n’avaient jamais exercé une influence déterminante sur SKW, mais que cela était d’autant plus le cas pour la période postérieure au 1er janvier 2004, pendant laquelle elles s’étaient concentrées sur les négociations concernant la vente de SKW.

79      Or, tenant également compte de la jurisprudence mentionnée aux points 21 et 77 ci-dessus, force est de constater que le peu d’éléments invoqués par les requérantes ne suffit pas pour conclure qu’elles n’ont pas exercé une influence déterminante sur leur filiale, détenue à 100 % par celles‑ci, antérieurement au 1er janvier 2004 .

80      Tout d’abord, les requérantes contestent l’affirmation figurant au considérant 236, troisième tiret, de la décision attaquée, selon laquelle la première d’entre elles se serait référée à l’activité relative au carbure de calcium comme ayant appartenu au groupe Degussa. Elles font remarquer qu’elle avait seulement affirmé que, depuis la vente de SKW, l’activité relative au carbure de calcium ne faisait plus partie des activités de son groupe. Or, d’une part, la Commission n’a pas ignoré le libellé exact de l’affirmation pertinente de la première requérante, mais, au contraire, l’a reproduit en note en bas de page n° 504, à laquelle renvoie le considérant 236, troisième tiret, de la décision attaquée. D’autre part, elle a correctement interprété cette affirmation comme une admission de la première requérante, implicite, mais claire, du fait que, antérieurement à la cession de SKW, l’activité relative au carbure de calcium était incluse parmi celles exercées par son groupe d’entreprises. L’affirmation en ce sens figurant au considérant 236, troisième tiret, de la décision attaquée n’est, dès lors, entachée d’aucune erreur.

81      Par ailleurs, indépendamment de la question de savoir si cette admission de la première requérante est susceptible de démontrer, à elle seule ou ensemble avec d’autres éléments, l’exercice d’une influence déterminante sur SKW, elle ne constitue pas, du moins, un élément plaidant en sens contraire.

82      Les requérantes font, en outre, valoir qu’il n’existait pas d’identité de personnes entre la direction de SKW et celle de la seconde requérante. SKW aurait été gérée par son gérant unique, M. L. Celui‑ci aurait pris toutes les décisions relatives à SKW de manière autonome et indépendante de la seconde requérante, ainsi que SKW l’aurait confirmé dans sa réponse à une demande de renseignements de la Commission. Par ailleurs, le fait, mentionné au considérant 229, premier tiret, de la décision attaquée, que le gérant de la société SKW Stahl‑Technik GmbH était également le gérant de SKW s’expliquerait par la forme juridique de SKW (société en commandite, voir point 57 ci‑dessus). En effet, selon les dispositions pertinentes du droit national, la gérance de SKW devrait être assurée par l’associé commandité, en l’occurrence SKW Stahl‑Technik GmbH, et par le gérant de cette dernière, M. L.

83      Il ressort du dossier que l’affirmation selon laquelle il n’existait pas d’identité de personnes entre les directions de la seconde requérante et de SKW s’avère exacte. Il ressort tant de la réponse de SKW à une demande de renseignements de la Commission que de la réponse de la première requérante, du 30 août 2007, à une demande analogue, produites par les requérantes, que M. L. était le gérant unique de SKW pendant toute la période où le capital de celle-ci était détenu par les requérantes. La réponse de SKW ajoute, en outre, que M. L. exerçait, en sa qualité de gérant, toutes les activités d’un gérant commercial. Par ailleurs, il ressort de la réponse de la première requérante à la demande de renseignements que les directeurs de la seconde requérante, pendant la période de la détention, par celle‑ci, de la totalité du capital de SKW, étaient MM. S. et P., ce dernier ayant été remplacé, à partir du 1er janvier 2003, par M. W.

84      Il n’en demeure pas moins que la réponse susvisée de SKW relève également que, durant la totalité de la période de détention du capital de SKW par les requérantes, M. L. « faisait rapport » à M. S., « qui dirigeait à l’intérieur du groupe Degussa l’unité opérationnelle (Geschäftsbereich) de [la seconde requérante]». Cette information est répétée au considérant 229, troisième tiret, de la décision attaquée.

85      Les requérantes s’efforcent de minimiser la signification de cette affirmation de SKW. Elles relèvent que l’existence de rapports réguliers rendus par SKW à sa société mère témoigne uniquement d’un flux d’informations, mais ne constitue pas un indice d’une influence de la société mère sur la filiale, et effectuent une comparaison avec la situation d’un petit investisseur qui s’informe de la prestation économique de l’objet de son investissement.

86      Un argument analogue avait été avancé par la seconde requérante dans sa réponse à la communication des griefs et a été rejeté par la Commission. Celle-ci a relevé, à ce propos, au considérant 232 de la décision attaquée, ce qui suit :

« La Commission souligne que cet indicateur est évalué en relation avec la position de l’investisseur. Dans le cas [de la seconde requérante], il s’agit d’une participation à 100 %. Dans une telle constellation, le comportement normal pour une entreprise est de rechercher la protection des investissements réalisés et de s’efforcer de prendre des décisions en relation avec ces investissements, sur la base des données rapportées concernant les performances économiques. »

87      L’argumentation des requérantes résumée au point 85 ci-dessus ne saurait prospérer. Il convient de constater que l’affirmation de SKW, selon laquelle M. L. faisait rapport à M. S., membre de la direction de la seconde requérante, figure dans la réponse de SKW à une question portant sur les personnes au sein de son entreprise qui prenaient les décisions commerciales pour le carbure de calcium et le magnésium. Le fait que, en réponse à une telle question, SKW a mentionné que son gérant unique faisait rapport à un directeur de la seconde requérante constitue un indice en faveur de la thèse selon laquelle la seconde requérante influençait de manière déterminante les décisions de sa filiale dans ce domaine, en ce sens qu’elle s’en tenait informée et, le cas échéant, intervenait pour donner des instructions ou pour modifier l’une ou l’autre décision. Cela est d’autant plus le cas que SKW a décrit M. S. non comme un directeur de la seule seconde requérante, mais comme une personne qui dirigeait une unité opérationnelle au sein du groupe des requérantes.

88      Le fait que, ainsi que le relève la Commission au considérant 229, deuxième tiret, de la décision attaquée, SKW devait obtenir l’approbation de la seconde requérante pour plusieurs décisions ou transactions d’ordre commercial vient confirmer les considérations qui précèdent. La note en bas de page n° 493, à laquelle renvoie ce considérant de la décision attaquée, mentionne, comme exemples des décisions nécessitant l’approbation préalable de la seconde requérante, la décision de pénétrer dans de nouveaux domaines commerciaux, celle de faire un emprunt de plus d’1 million d’euros par an ou encore celle d’engager un litige juridique d’une valeur supérieure à 50 000 euros. Les requérantes ne contestent pas l’exactitude matérielle de ces informations, mais relèvent uniquement que les décisions concernées ne relevaient pas des activités commerciales courantes.

89      Il y a, toutefois, lieu de rappeler que la jurisprudence mentionnée aux points 19 à 21 ci-dessus se réfère à l’exercice d’une influence déterminante, par la société mère, sur la politique commerciale de sa filiale, à savoir son comportement sur le marché, sans distinguer entre les activités plus ou moins courantes. Or, la pénétration de nouveaux domaines commerciaux constitue incontestablement une décision relevant de la politique commerciale. Les décisions de contracter un emprunt ou d’engager un litige sont également liées à cette politique, dans la mesure où, logiquement, une entreprise ne peut emprunter de l’argent qu’afin de développer ses activités commerciales, alors que les litiges dans lesquels elle se trouve impliquée auront nécessairement leur origine dans ces mêmes activités.

90      L’argumentation des requérantes selon laquelle elles auraient donné à SKW l’instruction de ne pas participer à des accords ou à des pratiques anticoncurrentiels, laquelle aurait été ignorée par celle-ci, tend également à confirmer leur influence déterminante sur leur filiale.

91      Les requérantes affirment, en particulier, que des instructions en ce sens avaient été données par M. S. à M. L. tant en 2002 qu’en 2004. À l’appui de leurs affirmations, elles invoquent une déclaration sous serment de M. S., jointe à leur requête. M. S. y expose, notamment, qu’en juillet 2002 il avait reçu du président du conseil d’administration de Degussa un avertissement à l’encontre d’une participation à des pratiques ou à des accords anticoncurrentiels et que, par la suite, il avait saisi l’occasion d’une discussion interne pour enjoindre à M. L. et aux autres collaborateurs occupant des postes de direction relevant de sa responsabilité de respecter les règles de la concurrence.

92      Or, il est difficilement envisageable que M. S. aurait donné à M. L. une instruction dont il ne serait pas en mesure de contrôler l’exécution et, le cas échéant, de s’en assurer par tout moyen nécessaire. Le fait qu’une telle instruction a été donnée en 2002 constitue, dès lors, un élément additionnel confirmant l’exercice, à cette époque, par les requérantes d’une influence déterminante sur leur filiale.

93      Les requérantes font également valoir que les activités de désulfuration de SKW, dans lesquelles s’inscrit la vente du carbure de calcium et du magnésium, n’ont jamais fait partie de l’activité opérationnelle de leur groupe d’entreprises, mais ont été en vente dès le début de la constitution de ce groupe, lequel n’avait aucun intérêt stratégique auxdites activités. Elles répètent, dans ce contexte, l’argument selon lequel leur participation au capital de SKW était comparable à celle d’un pur investisseur financier. La contestation, par les requérantes, de l’affirmation, figurant au considérant 236, premier tiret, de la décision attaquée, selon laquelle l’activité relative au carbure de calcium faisait partie de l’unité commerciale « Metallchemie » (chimie des métaux) s’insère également dans ce contexte.

94      Il convient, toutefois, de relever que l’exercice d’une influence déterminante, par la société mère, sur sa filiale n’est pas incompatible avec une décision de la première de se séparer de cette filiale. En effet, une unité économique, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 17 ci‑dessus, peut évoluer, par l’acquisition de nouvelles entreprises et leur intégration dans la structure existante ou, inversement, par la cession à des tiers et, par conséquent, la séparation de la structure existante, d’une partie, plus ou moins grande, de l’entreprise. Cependant, ce qui importe pour l’imputation de la responsabilité d’une infraction aux règles de la concurrence est la composition de l’unité économique en question lors de la période concernée par l’infraction. Le fait qu’une filiale a été cédée peu après la période infractionnelle ne signifie pas nécessairement que, durant cette période, sa société mère n’influençait pas de manière déterminante sa politique commerciale.

95      Ne saurait pas non plus prospérer, à cet égard, l’argument des requérantes selon lequel, si SKW n’avait pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome, elle n’aurait pas été vendable dès lors qu’aucun investisseur n’acquiert une entreprise qui « ne peut pas voler de ses propres ailes ».

96      En effet, une influence déterminante de la société mère sur sa filiale ne signifie pas nécessairement que la filiale ne dispose pas de son propre management qui serait capable, le cas échéant, de prendre seul en charge la gestion de ses affaires. Contrairement, donc, à ce que font valoir les requérantes, une filiale sur laquelle la société mère exerce une influence déterminante n’est pas nécessairement une société incapable de « voler de ses propres ailes », si les circonstances l’exigent.

97      Par ailleurs, il convient d’ajouter que, ainsi que les requérantes le rappellent elles-mêmes, elles ont vendu la totalité du capital de SKW à un seul acquéreur. Or, à défaut d’arguments ou d’éléments en sens contraire, aucunement avancés par les requérantes, il peut être supposé que ce nouvel acquéreur était prêt à occuper, par rapport à SKW, et a effectivement occupé, au moins dans un premier temps, la place jusqu’alors occupée par les requérantes. Partant, une éventuelle absence d’autonomie absolue de SKW n’aurait pas, en tout état de cause, constitué un obstacle à sa vente par les requérantes.

98      Compte tenu des considérations qui précèdent, la question de savoir si SKW faisait ou non partie d’une unité commerciale au sein du groupe des requérantes est sans pertinence. Le seul fait, à le supposer avéré, que SKW n’était pas intégrée dans une telle unité, mais, comme l’affirment les requérantes, faisait partie des activités non essentielles (non core business), ne suffit pas pour exclure l’exercice par celles-ci d’une influence déterminante sur sa politique commerciale, lors de la période où elle faisait partie de leur groupe. Il est également sans pertinence de déterminer si, comme l’affirme la Commission au considérant 236, quatrième tiret, de la décision attaquée, la décision de la première requérante de vendre SKW relevait de la question fondamentale de la survie économique de cette dernière, ce que les requérantes contestent.

99      En conclusion, rien dans l’argumentation des requérantes ou dans le dossier ne démontre que, antérieurement au 1er janvier 2004, elles n’exerçaient pas une influence déterminante sur la politique commerciale de leur filiale SKW.

100    Il convient, ensuite, d’examiner si une conclusion différente s’impose, s’agissant de la période infractionnelle et, plus généralement, de la période postérieure au 1er janvier 2004, durant laquelle, selon les affirmations des requérantes, celles-ci s’étaient concentrées sur les négociations relatives à la vente de leur filiale et ne s’occupaient pas de son comportement sur le marché.

101    Il y a lieu de constater, à cet égard, qu’il ne ressort pas du dossier et que les requérantes n’allèguent pas que les liens les unissant antérieurement à leur filiale ont subi une quelconque modification en 2004. Au contraire, les personnes concernées (M. L., gérant unique de SKW, et M. S., directeur de la seconde requérante, apparemment responsable pour SKW) sont restées les mêmes. Par ailleurs, dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission, évoquée au point 83 ci‑dessus, SKW n’a pas fait de distinction entre l’année 2004 et la période antérieure, lorsqu’elle a indiqué les personnes responsables pour les décisions la concernant.

102    Or, à défaut d’une modification dans les liens unissant SKW aux requérantes, l’affirmation de ces dernières, selon laquelle, en 2004, elles n’exerçaient pas une influence déterminante sur leur filiale, ne saurait être acceptée. Par ailleurs, la déclaration de M. S., que les requérantes invoquent elles-mêmes, plaide également en faveur de la thèse contraire. M. S. y relève que, au cours de la période 2003/2004, lorsque les fournisseurs de carbure de calcium devaient faire face à une baisse de prix accompagnée d’une forte augmentation des coûts, il avait donné à M. L. l’instruction de ne pas participer à des accords avec leurs concurrents, même si ces derniers faisaient une proposition en ce sens. Il l’avait également enjoint à transmettre cette instruction à ses propres collaborateurs.

103    Il est, certes, vrai que, comme le font valoir les requérantes, M. S. a également relevé, dans cette même déclaration, que, s’il devait s’avérer que M. L. et ses collaborateurs avaient effectivement participé à une infraction, cela aurait été en méconnaissance de ses instructions. Il a ajouté ce qui suit : « Peut-être au cours des derniers mois précédant la vente m’ont-ils considéré comme un ‘canard boiteux’ (lame duck), c’est-à-dire quelqu’un qui n’aurait bientôt plus rien à leur dire [ ; à] l’époque, les collaborateurs savaient qu’après la finalisation complète de la vente des activités de métallurgie ma tâche serait terminée, mon poste supprimé et que je prendrais ma retraite fin 2004 ».

104    Les requérantes affirment, dans le même contexte, que la direction de SKW aurait été consciente du fait qu’elles étaient pleinement occupées avec les négociations relatives à sa vente et qu’elles n’avaient plus le temps de se pencher sur ses affaires, et qu’elle en a profité pour ignorer leur instruction de ne pas participer à des accords ou à des pratiques anticoncurrentiels.

105    Les requérantes s’appuient, à cet égard, également sur une déclaration sous serment de M. N., à l’époque directeur commercial de SKW. Celui-ci avait participé, avec M. L., aux réunions de l’entente et il a relevé, dans cette déclaration, notamment, ce qui suit : « À l’époque, au printemps 2004, nous avons ignoré l’instruction [de M. S. interdisant la participation à des accords ou à des pratiques anticoncurrentiels] parce que nous savions que notre entreprise [SKW] serait bientôt vendue et que [la seconde requérante] devait être liquidée[ ; n]ous savions que M. S. perdrait bientôt son poste de président du conseil d’administration et qu’il constituait, de ce fait, ‘un modèle révolu’[ ; à l’époque, nous nous sentions déjà un peu plus libres, cela signifie qu’en 2004 M. L. et moi avons géré les activités de désulfuration de la fonte de manière autonome et indépendante. »

106    Toutefois, ces affirmations, à les supposer exactes, ne démontrent pas, contrairement à ce que considèrent les requérantes, que celles‑ci n’exerçaient plus, en 2004, une influence déterminante sur la politique commerciale de SKW. Par ses déclarations citées au point 103 ci‑dessus, M. S. essaye seulement d’expliquer pourquoi son instruction de ne pas participer à des accords et des pratiques anticoncurrentiels n’a pas été suivie par les responsables de SKW. Il ne ressort pas de sa déclaration que, lorsqu’il a donné cette instruction, il était conscient de ce qu’elle n’allait pas être suivie. Il peut raisonnablement être supposé, à défaut de toute indication en sens contraire, que, si tel avait été le cas, il aurait tout mis en œuvre pour assurer le respect de ses instructions et que, en tant que directeur de l’unité opérationnelle du groupe des requérantes dont relevait SKW, il disposait des moyens nécessaires à cet effet.

107    S’agissant de la déclaration de M. N., évoquée au point 105 ci‑dessus, celle-ci explique uniquement pourquoi M. L. et lui-même ont pris le risque de ne pas se conformer à l’instruction de M. S. Il n’en ressort pas que M. S. ne disposait pas des moyens d’assurer le respect de cette instruction, s’il avait été conscient des agissements de ses subordonnés. Cette considération est, de manière plus générale, valable également en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel elles étaient trop occupées par les négociations relatives à la vente de SKW et n’ont pas, par conséquent, pu découvrir les agissements anticoncurrentiels de la direction de cette entreprise et y mettre fin. Un tel argument ne démontre pas, en effet, que les requérantes n’exerçaient pas, à l’époque, une influence déterminante sur la politique commerciale de SKW, mais, tout au plus, qu’elles n’étaient elles-mêmes pas conscientes du comportement anticoncurrentiel de leur entreprise. Or, la Commission ne prétend pas le contraire dans la décision attaquée et, par ailleurs, il a déjà été relevé (voir point 43 ci‑dessus) qu’il n’était pas nécessaire que les requérantes aient été elles-mêmes impliquées dans l’infraction, pour que la responsabilité de l’infraction commise par leur filiale leur soit imputée.

108    Ne saurait non plus prospérer, dans ce contexte, l’argument des requérantes selon lequel le chiffre d’affaires réalisé par SKW grâce à ses activités liées au carbure de calcium en 2004 ne leur apporterait aucun bénéfice, dès lors que les effets de la vente de la totalité du capital de cette société ont remonté rétroactivement au 1er janvier 2004, conformément au contrat de vente, conclu le 30 août 2004. Il convient de relever, d’emblée, que les requérantes ne contestent pas que le transfert de la propriété du capital de SKW a eu lieu au moment de la conclusion du contrat. En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission au considérant 238 de la décision attaquée, c’est ce moment qui est déterminant pour la question de savoir jusqu’à quand la responsabilité de l’infraction commise par la filiale peut être imputée à la société mère.

109    Toutefois, les requérantes contestent, dans ce contexte, l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 236 et à la note en bas de page n° 503 de la décision attaquée, selon laquelle le chiffre d’affaires réalisé par SKW a indirectement profité à ses sociétés mères, dès lors qu’il s’était répercuté sur le prix de vente de SKW. Elles affirment que ce dernier prix avait été fondé sur le résultat réalisé par SKW en 2003 et, pour ce motif, il avait été exceptionnellement bas. Elles n’auraient pas pu obtenir que le prix de vente se fonde sur le chiffre d’affaires de 2004.

110    Or, même à admettre ces affirmations des requérantes, il ne saurait être contesté que, dans l’hypothèse où le chiffre d’affaires ou, plus généralement, les perspectives commerciales de SKW avaient présenté une détérioration significative au cours de l’année 2004, cela n’aurait pas manqué d’avoir des répercussions sur le prix de vente de cette société, voire aurait conduit à l’annulation de la vente. Il ne saurait, dès lors, être admis que les requérantes n’étaient pas intéressées par l’évolution du chiffre d’affaires et, plus généralement, des perspectives de leur filiale durant l’année 2004 ni, par conséquent, qu’elles n’avaient aucune raison d’exercer une influence déterminante sur sa politique commerciale.

111    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’argument des requérantes selon lequel elles se comportaient, à l’égard de cette société, comme un simple investisseur financier ne saurait prospérer. En effet, un simple investisseur financier détient des participations dans une société aux fins de la réalisation d’un profit financier, mais s’abstient de toute implication dans sa gestion et dans son contrôle (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Warner sous l’arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, 266, et conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 75, et note en bas de page n° 67). Tel n’était pas le cas des requérantes.

112    La Commission a relevé, à cet égard, au considérant 243 de la décision attaquée, ce qui suit :

« La Commission maintient que, même en tant qu’entreprise ne faisant pas partie des secteurs clés et même si cela était vrai que [la première requérante] pouvait être assimilée à un investisseur financier, cela ne veut pas dire que toutes les décisions concernant la filiale ont été prises de manière autonome par cette dernière. La présente affaire montre que les décisions stratégiques liées à la vente de la filiale (notamment s’il faut préparer l’entreprise, et si oui à quel moment et de quelle manière) ont été prises par [la première requérante]. Les décisions fondamentales relatives à la survie économique au sein du groupe [de la première requérante] ainsi que les perspectives de survie économique en dehors du groupe [de la première requérante] ont été prises par et dans l’intérêt du groupe [de la première requérante]. Cela vient contredire l’argument selon lequel la filiale était totalement indépendante. »

113    Il ressort des considérations exposées aux points 110 et 111 ci‑dessus que la conclusion de la Commission, telle qu’elle ressort du considérant susvisé de la décision attaquée, selon laquelle SKW ne prenait pas de manière autonome toutes les décisions la concernant, n’est entachée d’aucune erreur, et ce indépendamment même de la question de savoir si la décision relative à sa vente figurait au nombre de telles décisions. Ainsi qu’il ressort du point 98 ci‑dessus, à supposer même que tel ne soit pas le cas, ce seul fait n’est pas suffisant pour exclure l’exercice d’une influence déterminante des requérantes sur leur filiale pendant la période infractionnelle.

114    Doit également être rejeté l’argument que les requérantes tirent de l’arrêt BMW Belgium e.a./Commission, point 45 supra (point 24). Il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 15 dudit arrêt, cette affaire concernait une demande d’annulation d’une décision de la Commission par laquelle celle-ci avait infligé une amende à la société BMW Belgium ainsi qu’à certains de ses revendeurs agréés, ayant considéré que, en souscrivant à une interdiction générale d’exporter, ils avaient violé l’article 85, paragraphe 1, CE (devenu article 101 TFUE). En revanche, dans sa décision, la Commission n’avait pas imputé la responsabilité de l’infraction à la société mère de BMW Belgium, laquelle, ainsi qu’il ressort du point 3 du même arrêt, détenait à 100 % le capital de cette dernière société. Il convient, à cet égard, de relever que la société mère, informée des décisions prises par sa filiale et par les revendeurs agréés, avait manifesté son désaccord avec le caractère général de l’interdiction d’exportation qui avait été décidée (arrêt BMW Belgium e.a./Commission, point 45 supra, point 11).

115    Il est, ainsi, évident que, dans son arrêt BMW Belgium e.a./Commission, point 45 supra, la Cour n’avait pas à connaître de la question de savoir si, malgré le désaccord exprimé par la société mère, cette dernière pouvait être tenue pour responsable du comportement anticoncurrentiel de sa filiale. Le point 24 dudit arrêt, invoqué par les requérantes, rejette l’argument de BMW Belgium selon lequel, dès lors qu’elle était une filiale à 100 % de sa société mère, elle n’aurait pu poursuivre un objectif différent de celui assigné par cette dernière et, par conséquent, ne saurait être considérée comme ayant souscrit à une interdiction générale d’exportation, avec laquelle sa société mère n’était pas d’accord. C’est pour rejeter cet argument que la Cour a relevé que le lien de dépendance économique existant entre une société mère et une société filiale n’exclut ni une diversité de comportements ni même une diversité d’intérêts entre les deux sociétés. Or, cette considération n’est aucunement pertinente pour la présente affaire où, pour imputer aux requérantes la responsabilité de l’infraction commise par leur filiale, la Commission s’est fondée sur leur influence déterminante sur le comportement de cette dernière sur le marché. Une telle influence n’est incompatible ni avec une diversité de comportements ni avec une diversité d’intérêts entre la société mère et la filiale.

116    Pour rejeter cet argument, la Commission a relevé ce qui suit, au considérant 241 de la décision attaquée :

« Excepté le fait que l’affaire BMW ne concerne pas une infraction relative à une entente, les faits en relation avec le comportement illicite sont très différents. La société mère était au courant des pratiques illégales et avait donc donné des instructions spécifiques qui n’ont pas été suivies. Cela a été documenté au moyen de preuves contemporaines. En transposant ces faits dans la présente affaire, cela voudrait dire que la société mère [la première requérante] était au courant de l’entente, ce que [la première requérante] conteste et que la Commission n’a jamais affirmé. La Commission considère que, comme le montre l’affaire BMW, la connaissance de la mesure illégale est une condition préalable obligatoire pour pouvoir donner des instructions ciblées en relation avec un comportement identifié et précis. En tout état de cause, le fait pour la société mère de donner des instructions générales insistant sur un comportement conforme à la loi est jugé insuffisant. »

117    Il ressort des considérations exposées aux points 114 et 115 ci-dessus que la considération selon laquelle la situation factuelle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt BMW Belgium e.a./Commission, point 45 supra, est différente de celle de la présente espèce est correcte et suffisante pour rejeter l’argument des requérantes tiré de cet arrêt. Le reste des considérations exposées au considérant 241 de la décision attaquée ont trait non à l’arrêt susvisé, mais plutôt au choix de la Commission, dans sa décision en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, de ne pas infliger une amende à la société mère pour le comportement infractionnel de sa filiale. Or, celles-ci sont sans influence sur le dispositif de la décision attaquée. En effet, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique applicable aux amendes en matière de droit de la concurrence et les décisions concernant d’autres affaires n’ont qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, point 205, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 233). Dans la mesure, donc, où l’argumentation des requérantes relative audit considérant de la décision attaquée tend à remettre en cause ces considérations de la Commission, elle est inopérante.

118    Il convient, enfin, de relever que les requérantes invoquent, également dans ce contexte, une violation du principe de la responsabilité personnelle, de la présomption d’innocence, du « principe de la faute » et de l’exigence d’une faute ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, qui prévoit qu’une infraction à l’article 81 CE ne peut être sanctionnée par une amende que si elle a été commise de propos délibéré ou par négligence. Or, cette argumentation des requérantes ne fait que répéter l’argumentation résumée aux points 22 à 26 ci‑dessus. Par conséquent, elle doit être rejetée pour les motifs déjà exposés aux points 30 à 44 ci‑dessus.

119    Il convient, dès lors, de conclure, sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, que les requérantes ne sont pas parvenues à renverser la présomption capitalistique, énoncée au point 21 ci-dessus, et qu’aucune erreur ne saurait, partant, être reprochée à la Commission, en ce que celle-ci les a tenues pour responsables de l’infraction commise par leur filiale SKW.

 Sur le montant de l’amende

120    Dans le cadre de leur argumentation visant à contester le montant de l’amende qui leur a été infligée, les requérantes invoquent une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, de la communication sur la clémence, des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que de l’obligation de motivation. Dans ce contexte, elles avancent des griefs ayant trait à la fixation du montant de base de l’amende, à l’augmentation du montant de l’amende au motif de leur qualité de récidivistes, à la non-reconnaissance, à leur égard, de circonstances atténuantes susceptibles de justifier une réduction du montant de l’amende, au taux de réduction qui leur a été accordé en vertu de la communication sur la clémence et au caractère proportionné de l’amende au regard de la durée de l’infraction et de l’absence de tout bénéfice tiré de celle-ci. Ces griefs seront successivement examinés ci‑après.

 Sur le montant de base de l’amende

121    La Commission a déterminé le montant de base de l’amende à infliger aux différents participants de l’entente litigieuse en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci‑après les « lignes directrices »).

122    Ainsi qu’il ressort des paragraphes 9 à 11 des lignes directrices, la fixation du montant de l’amende est effectuée suivant une méthodologie comportant deux étapes. En premier lieu, la Commission détermine un montant de base pour chaque entreprise ou association d’entreprises. La Commission utilise à cet égard la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l’entreprise concernée, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné. Elle utilise normalement les ventes de l’entreprise concernée durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction (paragraphe 13). Par ailleurs, le paragraphe 16 des lignes directrices énonce ce qui suit : « Lorsque les données rendues disponibles par une entreprise sont incomplètes ou non fiables, la Commission peut déterminer la valeur des ventes de cette entreprise sur la base des données partielles qu’elle a obtenues et/ou de toute autre information qu’elle considère pertinente ou appropriée. » Le montant de base de l’amende est lié à une proportion de la valeur des ventes déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction (paragraphe 19). En second lieu, la Commission peut ajuster le montant de base de l’amende, fixé lors de la première étape, à la hausse ou à la baisse, notamment pour tenir compte des circonstances atténuantes ou aggravantes (paragraphes 27 à 31).

123    En l’espèce, au considérant 287 de la décision attaquée, la Commission a relevé ce qui suit :

« Le montant de base de l’amende à infliger aux entreprises concernées est déterminé en prenant pour référence la valeur des ventes, c’est‑à‑dire la valeur des ventes de marchandises ou de services réalisées par chaque entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique considéré. La Commission utilise les ventes réalisées par l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction. »

124    Cependant, au considérant 288, cinquième tiret, de la décision attaquée, la Commission a précisé ce qui suit à l’égard des requérantes :

« [D]ans le cas [des requérantes], comme la période de responsabilité ne couvre pas un exercice complet, le calcul pour un exercice complet est effectué par extrapolation de la valeur des ventes de poudre de carbure de calcium de [leur] filiale d’alors [SKW] pour la période durant laquelle cette dernière a pris part à l’infraction (du 22 avril 2004 au 30 août 2004). »

125    Ce considérant renvoie à la note en bas de page n° 602 où il est précisé ce qui suit : « La valeur des ventes réalisées sur 131 jours est divisée par 131 et multipliée par 366. » Il comporte, en outre, un tableau dont il ressort que, s’agissant des requérantes, la valeur des ventes de poudre de carbure de calcium prise en considération aux fins du calcul du montant de base de l’amende se situait entre 5 et 10 millions d’euros. Selon les affirmations des requérantes, non contredites par la Commission, la valeur exacte s’élevait à 5,492 millions d’euros.

126    Les requérantes font valoir qu’elles n’avaient pas réalisé de chiffre d’affaires au sens du paragraphe 13 des lignes directrices, dès lors qu’elles n’exerçaient pas elles-mêmes d’activités sur le marché en cause. Quant au chiffre d’affaires réalisé par SKW, celui-ci appartiendrait à son acheteur, dès lors que la vente avait un effet rétroactif au 1er janvier 2004 (voir point 108 ci-dessus).

127    Cet argument avait été avancé par les requérantes dans leurs réponses à la communication des griefs et a été rejeté par la Commission, qui a répété, à cet égard, au considérant 290 de la décision attaquée, la considération selon laquelle les ventes de carbure de calcium pour la période infractionnelle avaient bénéficié économiquement aux requérantes, par l’intermédiaire du prix négocié pour la vente de SKW (voir également point 109 ci-dessus).

128    Les requérantes contestent cette considération. Elles font valoir, d’une part, que la Commission a violé les lignes directrices, selon lesquelles le point de référence pour le calcul du montant de base de l’amende est le chiffre d’affaires réalisé avec le produit concerné par l’infraction et non un quelconque équivalent économique dont l’entreprise concernée aurait profité. D’autre part, elles font valoir que le chiffre d’affaires réalisé par SKW après avril 2004 n’aurait pas été répercuté sur son prix de vente, lequel s’élèverait à seulement 1,837 million d’euros. Par ailleurs, ce prix aurait déjà été offert par l’acheteur en avril 2004 et il ne saurait, par conséquent, être admis qu’il intégrerait également le chiffre d’affaires réalisé par SKW ultérieurement. Par conséquent, les requérantes considèrent qu’aucun montant de base n’aurait dû être retenu à leur égard ou que, à tout le moins, ce montant aurait dû être fixé sur la base du prix de vente de SKW.

129    Il résulte d’une jurisprudence constante que la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur d’une infraction sur le marché concerné (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 121). En particulier, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, British Steel/Commission, T‑151/94, Rec. p. II‑629, point 643, et du 8 juillet 2008, Saint-Gobain Gyproc Belgium/Commission, T‑50/03, non publié au Recueil, point 84). La Commission peut donc valablement choisir de se fonder sur ce chiffre d’affaires comme point de départ pour le calcul du montant de base de l’amende à infliger pour une violation des règles de la concurrence, comme elle l’a fait dans les lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, Rec. p. II‑3729, point 61).

130    Les requérantes ne contestent pas le principe d’un tel calcul, tel qu’il résulte des lignes directrices, mais font valoir, en substance, que leur cas était particulier, en ce sens qu’il n’existait aucun chiffre d’affaires approprié à utiliser pour le calcul du montant de base de l’amende qui allait leur être infligée. Or, cette argumentation ne saurait prospérer.

131    Ainsi qu’il a été relevé au point 119 ci‑dessus, la Commission a pu valablement considérer, dans la décision attaquée, que, pendant la période infractionnelle, les requérantes formaient, avec SKW, une unité économique, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 16 et 17 ci‑dessus, et devaient assumer la responsabilité de l’infraction commise par cette dernière. Par ailleurs, il n’est pas contesté que cette unité économique a réalisé, par les ventes de carbure de calcium effectuées par SKW, un chiffre d’affaires en relation directe ou indirecte avec l’infraction, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices. S’il est, certes, vrai que la période concernée par l’infraction était inférieure à une année complète, la Commission a, conformément au paragraphe 16 des mêmes lignes directrices, calculé la valeur des ventes correspondant à une année complète, par extrapolation des ventes réalisées par l’entreprise en cause durant cette période. Aucune violation des lignes directrices ne saurait, dès lors, lui être reprochée.

132    Les requérantes font valoir que les ventes de carbure de calcium réalisées par SKW n’ont profité qu’à son acheteur, en raison du caractère rétroactif, au 1er janvier 2004, des effets de la vente de SKW, convenu dans le contrat de vente. Cet argument ne saurait pas non plus prospérer.

133    D’une part, il y a lieu de rappeler que, si le montant de l’amende infligée doit être proportionné à la durée de l’infraction et aux autres éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, parmi lesquels figure le profit que l’entreprise concernée a pu retirer de ses pratiques, le fait qu’une entreprise n’ait retiré aucun bénéfice de l’infraction ne saurait faire obstacle à ce qu’une amende soit infligée, sous peine de faire perdre à cette dernière son caractère dissuasif. Il s’ensuit que la Commission n’est pas tenue, en vue de fixer le montant des amendes, de prendre en considération l’absence de bénéfice tiré de l’infraction en cause (voir arrêt du Tribunal du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec. p. II‑2631, point 443, et la jurisprudence citée).

134    D’autre part, le fait que, dans le contrat de vente de SKW, conclu postérieurement à la période infractionnelle, les requérantes et l’acheteur de cette société ont, dans le cadre de la détermination des modalités et des effets de la vente, convenu que le bénéfice résultant des ventes réalisées par ladite société à partir du 1er janvier 2004 appartiendrait à l’acheteur n’altère en rien le fait que les ventes prises en considération aux fins de la fixation du montant de base de l’amende à infliger aux requérantes et à SKW avaient été réalisées par cette société alors qu’elle faisait encore partie de la même unité économique que les requérantes. C’est en ce sens qu’il faut comprendre également le considérant 290 de la décision attaquée. En d’autres termes, la Commission a retenu, à juste titre, que les requérantes avaient, par l’intermédiaire de leur filiale SKW, détenue à 100 %, réalisé un chiffre d’affaires en relation avec les produits concernés par l’infraction, mais que, en contrepartie du prix de vente de SKW, elles avaient cédé à l’acheteur le bénéfice de ce chiffre, ensemble avec l’intégralité du capital de SKW. Or, cette dernière cession est indifférente, du point de vue du calcul du montant de base de l’amende selon la méthode énoncée dans les lignes directrices.

135    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent grief n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur la récidive

136    Au considérant 309 de la décision attaquée, la Commission a relevé qu’Akzo Nobel et la première requérante avaient déjà fait « l’objet de précédentes décisions de la Commission concernant des infractions à l’article 81 [CE], avant ou pendant l’infraction [faisant l’]objet de la présente décision, et qui ont débuté ou se sont poursuivies après l’adoption desdites décisions ». En note en bas de page n° 631, la Commission a, plus particulièrement, relevé que, à l’égard de la première requérante, elle tenait compte, à cet égard, de sa décision 2003/674/CE, du 2 juillet 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire C.37.519 – Méthionine) (JO 2003, L 255, p. 1, ci‑après la « décision Méthionine »).

137    Au considérant 310 de la décision attaquée, la Commission a poursuivi dans les termes suivants : « [L]e fait que ces deux entreprises aient à nouveau adopté un comportement d’entente, quoique dans un secteur différent de ceux pour lesquels elles avaient été sanctionnées précédemment, montre que les premières amendes ne les ont pas suffisamment incitées à changer de comportement [ ; c]eci constitue une circonstance aggravante [ ; c]ette circonstance aggravante entraîne une augmentation de 100 % pour Akzo Nobel et de 50 % pour [la première requérante] du montant de base de l’amende infligée [… ; l]esdites entreprises sont tenues responsables séparément du paiement du montant lié à la récidive. » En note en bas de page n° 632, la Commission a renvoyé au paragraphe 28 des lignes directrices. Au considérant 311 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la circonstance aggravante relative à la récidive pouvait également être retenue à l’égard de la seconde requérante.

138    Le paragraphe 28 des lignes directrices énonce ce qui suit :

« Le montant de base de l’amende peut être augmenté lorsque la Commission constate l’existence de circonstances aggravantes, telles que :

–        Lorsqu’une entreprise poursuit ou répète une infraction identique ou similaire après que la Commission ou une autorité nationale de concurrence a constaté que cette entreprise a enfreint les dispositions de l’article 81 ou de l’article 82. Le montant de base sera augmenté jusqu’à 100 % par infraction constatée ; […] »

139    En premier lieu, les requérantes font valoir que c’est à tort que la Commission a constaté une récidive à leur égard. Elles soutiennent que, selon la jurisprudence, n’est récidiviste que celui qui manifeste une propension à s’affranchir des règles de la concurrence. Or, elles n’auraient pas fait preuve d’une telle propension. D’une part, l’infraction litigieuse n’aurait pas été commise par elles, mais leur aurait été imputée sur la base de l’entité économique qu’elles formaient prétendument avec SKW. Elles n’auraient elles-mêmes eu « absolument rien à faire » avec cette infraction.

140    D’autre part, elles font valoir que, depuis de nombreuses années et à la suite de la décision Méthionine, elles ont pris d’importantes mesures afin d’empêcher que des infractions au droit de la concurrence soient commises par les membres de leur personnel. Elles renvoient à cet égard à leur argumentation selon laquelle SKW avait commis l’infraction alors même que ses sociétés mères avaient adopté des mesures de mise en conformité, à la suite de la décision Méthionine. Les requérantes considèrent qu’elles avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir afin d’éviter des infractions analogues dans le futur et avaient, dès lors, démontré qu’elles n’avaient aucune propension à s’affranchir des règles de la concurrence. La Commission ne saurait valablement prétendre qu’une nouvelle infraction avait, malgré tout, était commise. S’agissant de la question de savoir si une augmentation du montant de l’amende est nécessaire afin de provoquer une modification du comportement de l’entreprise sanctionnée, la jurisprudence exigerait de tenir compte de toutes les circonstances de chaque cas et non seulement de la seule circonstance qu’une nouvelle infraction avait été commise.

141    Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’une éventuelle récidive figure parmi les éléments à prendre en considération lors de l’analyse de la gravité de l’infraction en cause (arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, point 26, et arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T‑217/06, Rec. p. II‑2593, point 294). La prise en compte de la récidive vise à inciter les entreprises qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de la concurrence à modifier leur comportement. La Commission peut, dès lors, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer une telle propension, y compris, par exemple, le temps qui s’est écoulé entre les infractions en cause (arrêt Groupe Danone/Commission, précité, point 39).

142    C’est ainsi que le paragraphe 28, premier tiret, des lignes directrices mentionne, parmi la liste exemplative des circonstances aggravantes qui peuvent justifier une augmentation du montant de base de l’amende, la récidive.

143    Les requérantes font valoir qu’il ne saurait être question d’une récidive dans leur cas, dès lors que l’infraction pour laquelle elles ont été sanctionnées dans la décision attaquée n’a pas été commise par elles, mais par leur filiale SKW. Toutefois, cette argumentation méconnaît la notion d’entreprise, telle qu’elle ressort de la jurisprudence mentionnée aux points 16 à 18 ci-dessus. Lorsqu’une unité économique, au sens de cette jurisprudence, poursuit ou répète une infraction identique ou similaire après qu’il a été constaté qu’elle avait enfreint une première fois les règles de la concurrence, il est question d’une récidive, au sens du paragraphe 28, premier tiret, des lignes directrices et de la jurisprudence citée au point 141 ci‑dessus, quand bien même la seconde infraction serait imputable à une entité juridique qui, tout en étant distincte de celle sanctionnée pour la première infraction, ferait partie, avec la première, de la même unité économique, au sens de la jurisprudence citée aux points 16 à 18 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt Michelin, point 31 supra, point 290). En effet, dans un tel cas, il peut légitimement être considéré que les deux infractions ont été commises par la même entreprise.

144    En l’espèce, il a déjà été constaté (voir, notamment, point 119 ci‑dessus) que, pendant la période infractionnelle, les requérantes et SKW constituaient une seule entreprise, c’est-à-dire une unité économique. Par conséquent, aucune erreur ne saurait être reprochée à la Commission, du seul fait qu’elle a pris en considération, dans la décision attaquée, l’infraction commise par SKW, aux fins de la constatation d’une récidive à l’égard des requérantes.

145    L’argumentation des requérantes résumée au point 140 ci‑dessus ne saurait remettre en cause cette conclusion. Cette argumentation est fondée sur une lecture erronée de la jurisprudence citée au point 141 ci-dessus. Contrairement à ce que font valoir, en substance, les requérantes, cette jurisprudence n’impose pas à la Commission, avant de prendre en considération, en tant que circonstance aggravante au titre de la récidive, une nouvelle infraction commise par une entreprise déjà sanctionnée pour une infraction identique ou similaire, de procéder à une appréciation de toutes les circonstances de cette nouvelle infraction. Il ressort du contexte dans lequel s’inscrivent les considérations mentionnées au point 141 ci-dessus que celles-ci concernent les éléments dont la Commission peut tenir compte afin de conclure que les deux infractions sont liées l’une à l’autre, en ce sens qu’elles témoignent d’une propension de l’entreprise concernée à s’affranchir des règles de la concurrence.

146    En particulier, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Groupe Danone/Commission, point 141 supra, il était question de l’éventuelle pertinence, dans ce contexte, du délai de prescription. Or, la Cour a souligné que le constat et l’appréciation des caractéristiques spécifiques d’une récidive faisaient partie du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission en ce qui concerne le choix des éléments à prendre en considération aux fins de la détermination du montant des amendes pour infraction aux règles de la concurrence et que celle-ci ne saurait, par conséquent, être liée par un éventuel délai de prescription pour un tel constat (arrêt Groupe Danone/Commission, point 141 supra, point 38). Quant à l’arrêt Arkema France e.a./Commission, point 141 supra, il s’agissait de la question de savoir si la prise en considération, au titre de récidive, dans une première décision, d’infractions antérieures commises par l’entreprise concernée excluait leur prise en considération, au même titre, dans une seconde décision sanctionnant la même entreprise. Le Tribunal a donné une réponse négative à cette question (arrêt Arkema France e.a./Commission, point 141 supra, points 285 et 292 à 300).

147    Par ailleurs et compte tenu également du fait que, en vertu de l’article 31 du règlement nº 1/2003, en matière d’amendes pour infraction aux règles de la concurrence, le Tribunal statue avec une compétence de pleine juridiction et peut ainsi substituer sa propre appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, non encore publié au Recueil, point 130), il convient de relever que rien dans l’argumentation des requérantes ne permet de conclure que la Commission a commis une erreur en considérant que l’infraction commise par SKW témoigne de la propension de l’entreprise dont elle faisait partie à s’affranchir des règles de la concurrence ni ne justifie une suppression ou une réduction du montant de l’amende dans l’exercice de la compétence de pleine juridiction du Tribunal.

148    En effet, même à admettre que cette entreprise ait pris des mesures de mise en conformité à la suite de la décision Méthionine, comme les requérantes le font valoir, il n’en demeure pas moins que, durant la même période, leur filiale SKW, qui faisait partie de la même entreprise, participait activement à une telle infraction. Les requérantes, qui, comme l’a constaté à juste titre la Commission dans la décision attaquée, exerçaient une influence déterminante sur le comportement de leur filiale susvisée, n’ont pas pu empêcher que cette infraction soit commise par cette dernière. De leur propre aveu, elles s’étaient concentrées, pendant la même période, sur une autre question (celle de la vente de leur filiale) et ont, ainsi, omis d’utiliser les moyens dont elles disposaient à l’égard de leur filiale pour assurer que celle-ci se conforme aux règles de la concurrence. Ces circonstances témoignent à suffisance de droit d’une propension de l’entreprise des requérantes à s’affranchir des règles de la concurrence, comme l’a d’ailleurs constaté, en substance, la Commission elle-même au considérant 312 de la décision attaquée.

149    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la Commission n’aurait pas dû augmenter, au titre de la récidive, le montant de l’amende infligée à la seconde d’entre elles, dès lors que, durant la période infractionnelle concernée par la décision Méthionine, celle-ci ne faisait pas partie du groupe d’entreprises de la première requérante et n’était pas, par conséquent, impliquée dans l’infraction sanctionnée par cette décision. Selon les requérantes, une telle situation ne témoigne pas de la même indifférence à l’égard des règles de la concurrence que dans le cas où l’entreprise concernée par la nouvelle infraction était elle-même visée par la décision antérieure.

150    Cet argument avait été avancé par la seconde requérante durant la procédure administrative et a été rejeté dans la décision attaquée pour les motifs suivants, énoncés au considérant 311 de la décision attaquée :

« [La seconde requérante] prétend […] que la circonstance aggravante en relation avec [la première requérante] ne s’applique pas à elle. La Commission rejette cet argument, car la récidive peut être invoquée à l’encontre d’une filiale au sein d’un groupe en référence à une infraction passée commise par une autre filiale au sein du même groupe […] »

151    À l’appui de ses affirmations, la Commission a renvoyé, en note en bas de page no 634 sous le même considérant, à l’arrêt Michelin, point 31 supra (point 290).

152    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans son arrêt du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission (C‑196/99 P, Rec. p. I‑11005, point 99), la Cour a considéré que le simple fait que le capital de deux sociétés commerciales distinctes appartienne à une même personne n’était pas suffisant, en tant que tel, pour établir l’existence, entre ces deux sociétés, d’une unité économique ayant pour conséquence, en vertu du droit de la concurrence de l’Union, que les agissements de l’une peuvent être imputés à l’autre. Il y a lieu de rappeler également que, même si, dans l’arrêt Michelin, point 31 supra, le Tribunal a considéré que, dès lors que les deux filiales sont détenues par la même société mère, il était permis de tenir compte de l’infraction antérieure commise par une de ces filiales pour établir la circonstance aggravante de récidive à l’égard de l’autre, selon l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 18 supra, la société mère ne peut être considérée comme responsable pour le comportement infractionnel de sa filiale détenue à 100 % que dans le cas où cette société mère ne renverse pas la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale (voir point 21 ci-dessus).

153    En l’espèce, comme il est constant entre les parties et comme il ressort, d’ailleurs, de la lecture de la décision Méthionine telle que publiée au Journal officiel de l’Union européenne, la seconde requérante n’était pas destinataire de cette décision. Elle n’a, dès lors, pas été mise en mesure de présenter ses arguments afin de contester, à son égard, l’existence éventuelle d’une unité économique avec la première requérante, destinataire de cette décision. Il ne saurait donc être admis qu’au moment de la constatation de l’infraction à l’égard de la première requérante dans la décision Méthionine, cette société constituait une entreprise avec sa filiale, la seconde requérante. Il s’ensuit que le fait que les requérantes puissent être considérées comme faisant partie d’une même entreprise au moment de l’infraction constatée dans la décision attaquée ne saurait suffire pour tenir compte de l’infraction commise par la première dans l’établissement de la circonstance aggravante de récidive à l’égard de la seconde (voir, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp Liften Ascenseurs e.a./Commission, point 8 supra, points 319 et 320).

154    La Commission fait observer à cet égard que, dans les arrêts du 8 juillet 2008, BPB/Commission (T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 385), et Lafarge/Commission (T‑54/03, non publié au Recueil, points 731 et 732), le Tribunal a, comme dans l’arrêt Michelin, point 31 supra, accepté que la circonstance aggravante de la récidive pouvait être retenue à l’égard d’une société lorsqu’une autre société faisant partie de la même entreprise avait été condamnée dans le passé pour le même type d’infraction.

155    Il y a, toutefois, lieu de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lafarge/Commission, point 154 supra (points 731 et 732), la situation était différente de celle dans la présente affaire, dès lors que c’était la requérante dans cette affaire qui avait été antérieurement sanctionnée pour des infractions aux règles de la concurrence par la Commission, alors que l’infraction concernée par la décision de la Commission en cause dans cette affaire avait été commise par une filiale. Ayant considéré, au point 558 de l’arrêt Lafarge/Commission, point 154 supra, que la Commission avait, à juste titre, tenu la requérante pour responsable de l’infraction commise par sa filiale, le Tribunal a conclu que la circonstance aggravante liée à la récidive pouvait également être retenue à son égard. Quant à l’arrêt BPB/Commission, point 154 supra (point 385), il est, certes, vrai que la circonstance aggravante de la récidive avait été retenue contre la requérante dans cette affaire sur la base d’une infraction antérieure commise non par elle-même, mais par une de ses filiales. Toutefois, il ne paraît pas que la requérante dans cette affaire ait invoqué le fait que l’infraction antérieure retenue par la Commission pour constater une récidive avait été commise par une entité différente, de sorte que le Tribunal n’a pas eu à se prononcer sur la licéité de sa prise en considération.

156    Il résulte des considérations qui précèdent que le présent grief doit être déclaré fondé. Par conséquent, il convient d’annuler l’article 2, sous g) et h), de la décision attaquée en ce qu’il vise la seconde requérante et de réformer ladite décision, afin de déterminer le montant de l’amende infligée à cette dernière. Les conséquences de cette réformation sont exposées aux points 285 à 287 ci-après. Cependant, dès lors que ces annulation et réformation ne résultent qu’en une modification, par le Tribunal dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, du montant de l’amende infligée à la seconde requérante, il y a lieu de préciser que l’annulation, à son égard, de l’article 2, sous g), de la décision attaquée n’affecte pas l’effet libératoire de tout versement qu’elle effectuera au titre de l’amende qui lui sera infligée, à l’égard de SKW, s’agissant de l’amende infligée à cette dernière audit article 2, sous g), de la décision attaquée.

157    En ce qui concerne l’argument de la Commission, selon lequel les intérêts des deux requérantes divergent s’agissant du présent grief, dès lors que celles-ci ne font plus partie de la même unité économique et que l’admission de ce grief pourrait avoir pour conséquence de réduire les éventuels dommages-intérêts que la première pourrait réclamer à la seconde, il doit être écarté comme dépourvu de pertinence. Il suffit de relever, à cet égard, que la seconde requérante dispose d’un intérêt légitime évident à soulever le présent grief, alors que la première requérante n’a pas présenté d’argumentation ni, encore moins, de chef de conclusion, allant dans un sens différent ou contraire. Dans ces conditions, le Tribunal était tenu d’examiner ce grief légitimement soulevé par la seconde requérante et, dans la mesure où il s’est avéré fondé, il doit en tirer les conséquences pour le montant de l’amende infligée à celle-ci, sans prendre en considération les éventuelles conséquences de l’admission dudit grief pour les intérêts de la première requérante.

158    En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement du fait qu’elle leur a appliqué une majoration en raison de la récidive de 50 %, alors que la majoration appliquée au même titre à Akzo Nobel était de 100 %. Or, dans le cas des requérantes, elle n’aurait tenu compte que d’un antécédent alors qu’elle en aurait tenu compte de quatre pour Akzo Nobel. Il s’ensuit, selon les requérantes, qu’Akzo Nobel ne s’est vu appliquer qu’une majoration de 25 % par antécédent, alors qu’elles se sont vu appliquer une majoration de 50 % par antécédent. Les requérantes ajoutent que l’augmentation pour cause de récidive doit être proportionnelle au nombre d’infractions antérieures prises en compte, dès lors que, conformément aux lignes directrices, la Commission augmente le montant de base à concurrence d’un certain pourcentage pour chaque infraction antérieure au lieu d’appliquer un pourcentage global pour tenir compte de la circonstance aggravante liée à la récidive. Les requérantes font valoir que cette différence de traitement entre elles et Akzo Nobel, pour laquelle, d’ailleurs, aucune motivation n’est avancée dans la décision attaquée, est injustifiée et constitue une violation du principe d’égalité de traitement. Elles considèrent, dès lors, que l’augmentation du montant de base de l’amende qui aurait dû leur être appliquée au titre de la récidive devait, en toute hypothèse, s’élever à seulement 25 %.

159    La Commission considère que le présent grief vise à mettre en cause le taux de majoration pour récidive de l’amende infligée à Akzo Nobel et reconnaît que celui-ci aurait pu être encore plus élevé, dès lors que, selon les lignes directrices, il peut atteindre jusqu’à 100 % pour chaque infraction antérieure constatée. Elle souligne, toutefois, que, contrairement à ce que semblent considérer les requérantes, la majoration de l’amende pour cause de récidive ne constitue pas un exercice de calcul « linéaire ». En outre, elle rappelle la jurisprudence selon laquelle le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui, et considère, dès lors, que les requérantes ne sauraient tirer aucun profit d’une éventuelle illégalité commise en faveur d’Akzo Nobel.

160    À titre liminaire, il convient de constater que ce grief ne doit être examiné qu’à l’égard de la première requérante, puisque, pour autant que la seconde requérante est concernée, il a déjà été relevé que c’est à tort que la Commission a augmenté le montant de l’amende qui lui a été infligée pour cause de récidive.

161    Ensuite, il convient de relever que l’argument de la Commission selon lequel la première requérante n’est pas en droit d’invoquer une éventuelle illégalité commise en faveur d’Akzo Nobel ne saurait prospérer. D’une part, rien dans l’argumentation de la première requérante n’indique qu’elle admette qu’un taux de majoration de 50 % par infraction antérieure constatée aurait, en l’occurrence, été approprié. Au contraire, cette argumentation doit être comprise en ce sens qu’elle considère que le taux de majoration par infraction antérieure aurait dû s’élever à seulement 25 % et que, par conséquent, une seule infraction antérieure ayant été retenue à son égard, c’est ce taux de majoration qui aurait dû être appliqué au montant de l’amende qui lui a été infligée. D’autre part, selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 576 à 579), dans certaines circonstances particulières, le moyen le plus apte à remédier à une inégalité de traitement entre plusieurs participants à une infraction tenant au fait que la gravité du comportement infractionnel des uns a été sous-évaluée par rapport à la gravité du comportement infractionnel des autres peut consister en une réduction de l’amende infligée aux derniers.

162    Néanmoins, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne saurait être constatée en l’espèce, dès lors que, s’il est, certes, vrai que la Commission a calculé, dans la décision attaquée, le montant de l’amende qui aurait dû être infligée à Akzo Nobel pour sa participation à l’infraction litigieuse, elle ne lui a finalement infligé aucune amende, en application de la communication sur la clémence et en tenant compte du fait qu’elle était la première entreprise à l’informer de l’existence de l’entente litigieuse (voir considérants 335 et 336 de la décision attaquée). Dans ces conditions, même à admettre que le taux de majoration pour récidive de l’amende à infliger à Akzo Nobel a été calculé de manière plus favorable, cette circonstance n’a apporté à cette dernière entreprise aucun bénéfice, dès lors que, quel qu’ait été le montant final de cette amende, elle aurait bénéficié d’une immunité d’amendes.

163    Par ailleurs, la Commission fait valoir, à juste titre, que, si le paragraphe 28 des lignes directrices prévoit une majoration de l’amende par infraction antérieure constatée, rien dans le libellé de ce paragraphe n’impose d’appliquer le même taux de majoration à chaque infraction antérieure. En effet, la Commission peut légitimement considérer que le fait qu’une entreprise a commis une nouvelle infraction aux règles de la concurrence après avoir déjà été sanctionnée pour une infraction du même type dans le passé, ne fût-ce qu’une seule fois, constitue un indice suffisant d’une gravité plus élevée de l’infraction en cause, lequel justifie une augmentation significative du montant de l’amende à infliger. Elle peut, ainsi, choisir un taux de majoration plus élevé pour la première infraction antérieure constatée, par rapport à d’éventuelles autres infractions antérieures. En effet, même dans une telle hypothèse, la majoration de l’amende infligée à une entreprise à l’égard de laquelle plusieurs infractions antérieures ont été constatées sera plus significative que dans le cas de la constatation d’une seule infraction antérieure.

164    Il convient d’ajouter que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la Commission ne devait pas expliquer, au titre de l’obligation de motivation, dans la décision attaquée, pourquoi, parmi les différents taux de majoration possibles, elle a choisi, dans leur cas, un taux de majoration pour récidive de 50 % (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 1361, et la jurisprudence citée).

165    Dans ces conditions, pour répondre au présent grief, il suffit d’examiner si ce taux de majoration était approprié, étant rappelé, à cet égard, que, en vertu de sa compétence de pleine juridiction en matière d’amendes pour infraction aux règles de la concurrence, le Tribunal est en droit de substituer sa propre appréciation, quant au taux approprié d’augmentation pour récidive du montant de l’amende infligée à la requérante, à celle de la Commission.

166    Il importe, toutefois, de souligner, à cet égard, que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, dont il n’est pas question en l’occurrence, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision attaquée et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens. Ainsi, la partie requérante doit identifier les éléments contestés de la décision attaquée, formuler des griefs à cet égard et apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt KME Germany e.a./Commission, point 147 supra, points 131 et 132).

167    En l’espèce, il y a lieu de relever que, outre l’allusion au fait que le taux de majoration choisi dans le cas d’Akzo Nobel équivaut à une augmentation de 25 % par infraction antérieure constatée, la première requérante n’a avancé aucun élément concret tendant à démontrer que le taux de majoration pour récidive de l’amende approprié serait, dans son cas, de seulement 25 %. Par ailleurs, pour les motifs indiqués au point 148 ci-dessus, l’argumentation avancée à l’appui du premier grief relatif à la récidive ne justifie pas non plus un taux de majoration moins élevé que celui de 50 %, choisi par la Commission. Partant, il convient de rejeter le présent grief.

 Sur l’omission de la Commission de retenir des circonstances atténuantes à l’égard des requérantes

168    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d’examiner la gravité relative de la participation de chacune d’entre elles, ce qui implique, en particulier, d’établir leurs rôles respectifs dans l’infraction pendant la durée de leur participation à celle‑ci. Cette conclusion constitue la conséquence logique du principe de l’individualité des peines et des sanctions, en vertu duquel une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de la concurrence du droit de l’Union (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, points 277 et 278, et la jurisprudence citée).

169    Conformément à ces considérations, les lignes directrices prévoient, au paragraphe 29, une modulation du montant de base de l’amende en fonction de certaines circonstances atténuantes, qui sont propres à chaque entreprise concernée. Ce paragraphe établit, en particulier, une liste non exhaustive des circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte.

170    En l’espèce, la Commission a examiné, aux considérants 313 à 331 de la décision attaquée, s’il y avait lieu de retenir des circonstances atténuantes à l’égard de l’un ou l’autre participant à l’entente et a considéré que tel n’était pas le cas.

171    Les requérantes contestent cette conclusion. En premier lieu, elles font valoir qu’une circonstance atténuante aurait dû être retenue à leur égard dès lors que, selon leurs affirmations résumées au point 140 ci‑dessus, à la suite de la décision Méthionine, elles avaient pris des mesures pour empêcher toute future infraction au droit de la concurrence. L’institution de telles mesures aurait, d’ailleurs, été considérée comme constitutive d’une circonstance atténuante par le Tribunal, dans son arrêt du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission (T‑77/92, Rec. p. II‑549, point 93), et dans plusieurs décisions antérieures de la Commission.

172    Selon les requérantes, l’institution de telles mesures par une entreprise présente une éventuelle infraction, commise par elle à la suite de leur introduction, sous un autre jour. Il s’agirait d’une confrontation entre le comportement illégal d’un individu et la « culture vécue » d’une entreprise. L’introduction des mesures visant à empêcher les infractions au droit de la concurrence démontrerait que l’entreprise concernée se serait clairement distancée de l’infraction, au sens du paragraphe 29, premier tiret, des lignes directrices, et la circonstance atténuante correspondante devrait être reconnue.

173    Le fait qu’une infraction ait été commise malgré l’adoption des mesures visant à empêcher une telle éventualité ne s’oppose pas, selon les requérantes, à la reconnaissance d’une circonstance atténuante. Aucune mesure ne serait à même de fournir une garantie absolue contre les infractions au droit de la concurrence. Il conviendrait, toutefois, de récompenser le fait qu’une entreprise a fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher une infraction. Il serait, en outre, injuste de prendre en considération, au titre de circonstance atténuante, le comportement d’une entreprise postérieur à l’infraction, tel que la coopération au sens de la communication sur la clémence, et d’ignorer les efforts sérieux, antérieurs à l’infraction, tendant à assurer le respect des règles de la concurrence. L’adoption de mesures de la dernière catégorie serait prise en considération, en tant que circonstance atténuante, dans plusieurs droits nationaux.

174    Ce premier grief ne saurait prospérer. Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, s’il est certes important qu’une entreprise ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit de la concurrence de l’Union soient commises à l’avenir par des membres de son personnel, ce fait ne change rien à la réalité de l’infraction constatée. Il en résulte que le seul fait que, dans certains cas, la Commission ait pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la mise en place d’un programme d’alignement en tant que circonstance atténuante n’implique pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans un cas déterminé (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 280, et la jurisprudence citée).

175    Les requérantes font, toutefois, valoir, en substance, qu’une solution différente doit être adoptée dans le cas où des mesures de mise en conformité avaient déjà été adoptées auparavant, mais n’ont pas pu empêcher qu’une infraction aux règles de la concurrence soit commise. Or, il n’existe aucune raison de considérer que la gravité d’une infraction commise malgré des efforts visant à prévenir de telles infractions est moindre que la gravité d’une infraction comparable, commise dans un contexte où aucune mesure analogue n’avait été adoptée. En effet, le fait qu’une infraction ait été commise malgré les mesures visant à l’empêcher prouve que ces mesures n’ont pas été efficaces. Leur adoption ne saurait dès lors justifier l’imposition d’une sanction moins importante pour ladite infraction.

176    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, leur cas ne présente aucune similitude avec celui visé au paragraphe 29, premier tiret, des lignes directrices ni avec celui d’une entreprise qui bénéficie de la communication sur la clémence. Dans ces deux cas, une éventuelle réduction du montant de l’amende infligée vise à récompenser l’entreprise concernée, dont le comportement a contribué à mettre fin au préjudice pour le jeu normal de la concurrence résultant de l’infraction en cause et à sanctionner les autres entreprises ayant participé à celle-ci.

177    En particulier, le paragraphe 29, premier tiret, des lignes directrices dispose ce qui suit :

« Le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes, telles que :

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve qu’elle a mis fin à l’infraction dès les premières interventions de la Commission. Ceci ne s’appliquera pas aux accords ou pratiques de nature secrète (en particulier les cartels). »

178    Il en résulte de manière évidente que, cette disposition qui, en tout état de cause, n’est pas applicable aux cartels tels que celui en cause en l’espèce, concerne les mesures visant à mettre fin à une infraction et au préjudice pour la concurrence qui en découle. Elle ne peut pas trouver application dans le cas de mesures visant à prévenir une telle infraction, lesquelles, toutefois, ne se sont pas avérées efficaces.

179    De même, la coopération d’une entreprise avec la Commission, au sens de la communication sur la clémence, apporte un soutien aux efforts de cette dernière visant à mettre fin à l’infraction et à sanctionner les entreprises qui y ont participé. Le cas d’une entreprise qui a pris des mesures tendant à prévenir qu’une infraction soit commise par son personnel, mais qui se sont avérées inefficaces, n’est en rien comparable à une telle coopération.

180    L’arrêt Parker Pen/Commission, point 171 supra, invoqué par les requérantes à l’appui de leur argumentation, ne saurait conduire à une conclusion différente.

181    D’une part, au point 93 de cet arrêt, le Tribunal s’est borné à constater que la Commission avait pris en compte, dans sa décision en cause, des circonstances atténuantes militant en faveur de la requérante dans cette affaire, dont notamment le fait qu’elle avait mis en œuvre un programme d’alignement visant à assurer le respect par ses distributeurs et par ses filiales des règles de la concurrence. Le Tribunal n’avait pas à se prononcer et ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si la Commission était tenue de tenir compte de ce fait, au titre des circonstances atténuantes. Au contraire, le Tribunal a considéré que, malgré la prise en compte de circonstances atténuantes, l’amende infligée par la Commission à la requérante dans cette affaire n’était pas adéquate eu égard notamment au faible chiffre d’affaires concerné par l’infraction et, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, il l’a ramenée à un montant moins élevé (arrêt Parker Pen/Commission, point 171 supra, point 95).

182    D’autre part, au point 24 de sa décision 92/426/CEE, du 15 juillet 1992, relative à une procédure d’application de l’article 85 [CEE] (affaire IV/32.725 — Viho/Parker Pen, JO L 233, p. 27), en cause dans cette affaire, la Commission a relevé que des mesures de mise en conformité avaient été appliquées pendant la période infractionnelle, qu’elles n’ont pas, toutefois, pu empêcher que l’infraction soit commise, mais que, après la découverte de l’infraction par la Commission et à sa demande expresse, la requérante dans cette affaire avait mis fin à l’infraction. En d’autres termes, dans cette affaire, ce n’était pas seulement l’adoption, pendant la même période que celle durant laquelle l’infraction en cause avait été commise, de mesures visant à assurer le respect des règles de la concurrence qui a été prise en compte en tant que circonstance atténuante, mais également le comportement de l’entreprise concernée après l’intervention de la Commission.

183    Enfin, à supposer même que, comme le font valoir les requérantes, dans diverses décisions antérieures, la Commission eût tenu compte, au titre de circonstances atténuantes, du fait qu’une infraction avait été commise malgré la mise en place, par l’entreprise concernée, de mesures visant à empêcher des infractions analogues, il ressort de la jurisprudence citée au point 174 ci-dessus qu’un tel argument ne saurait pas non plus prospérer. La Commission n’est donc pas tenue de retenir un tel élément comme circonstance atténuante pour autant qu’elle se conforme au principe d’égalité de traitement, qui implique qu’il ne soit pas procédé à une appréciation différente sur ce point entre les entreprises destinataires d’une même décision (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 174 supra, point 281). Or, tel n’a pas été le cas en l’espèce, dès lors qu’une circonstance atténuante à ce titre n’a été reconnue à l’égard d’aucun des participants à l’entente.

184    Il ressort des considérations qui précèdent que le premier grief doit être rejeté.

185    En second lieu, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte dans la décision attaquée, en tant que circonstance atténuante, de la situation de détresse économique de la branche concernée. Les requérantes relèvent, à cet égard, qu’en 2004 les fournisseurs de carbure de calcium et de magnésium en granulés faisaient face à une crise ayant entraîné des surcapacités importantes et exposent en détail les origines de cette crise. Selon elles, si, certes, l’existence d’une telle crise ne peut pas justifier une entente, elle doit être prise en compte en tant que circonstance atténuante, dès lors qu’elle démontre que l’entente est née d’une situation de détresse économique et non d’une volonté de réaliser des profits supplémentaires.

186    Une argumentation analogue avait été avancée par les requérantes et par d’autres participants à l’entente durant la procédure administrative et a été rejetée par la Commission qui a relevé, à cet égard, au considérant 330 de la décision attaquée, ce qui suit : « Ces arguments peuvent certes expliquer pourquoi les fournisseurs de carbure de calcium et de granulés de magnésium ont pu préférer limiter la concurrence, mais ils ne sauraient justifier les pratiques d’entente. » En réponse à un argument selon lequel, dans des circonstances analogues, elle avait, dans le passé, accordé une réduction du montant de l’amende, la Commission a rappelé la jurisprudence selon laquelle elle n’était pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure et a ajouté ce qui suit : « Par ailleurs, le Tribunal de première instance a confirmé que la Commission n’était pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé économique du secteur en cause. »

187    En effet, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause. Ce n’est pas parce que la Commission a tenu compte, dans de précédentes affaires, de la situation économique du secteur comme circonstance atténuante qu’elle doit nécessairement continuer à observer cette pratique. Il convient de relever, à cet égard, que, en règle générale, les cartels naissent au moment où un secteur connaît des difficultés (voir arrêts du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 510, et du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission, T‑39/06, Rec. p. II‑6831, point 352, et la jurisprudence citée).

188    L’argumentation des requérantes résumée au point 185 ci‑dessus ne constitue que la simple répétition des arguments qu’elles avaient avancés dans leurs réponses à la communication des griefs. Or, il ressort de la jurisprudence citée au point 187 ci-dessus que c’est à juste titre que la Commission a rejeté cette argumentation. Il s’ensuit, en tenant compte du fait que les requérantes n’ont avancé, devant le Tribunal, aucun élément additionnel de nature à remettre en cause l’appréciation de la Commission, telle qu’elle figure dans la décision attaquée, que le second grief n’est pas fondé et doit être rejeté. Il convient, dès lors, de conclure que c’est à juste titre que la Commission n’a pas tenu compte, à l’égard des requérantes, de circonstances atténuantes justifiant une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée.

 Sur la violation de la communication sur la clémence

189    Ainsi qu’il ressort du considérant 350 de la décision attaquée, le 26 février 2007, la première requérante, se référant à la communication sur la clémence, a déposé une demande d’immunité et/ou de réduction du montant de l’amende. Il ressort de la copie de cette demande produite en annexe à la requête, que la première requérante a demandé une immunité et/ou une réduction du montant de l’amende pour elle-même et pour ses filiales, dont la seconde requérante.

190    Le titre A (paragraphes 8 à 19) de la communication sur la clémence concerne l’immunité d’amendes. Il ressort du paragraphe 8 de la même communication que, pour bénéficier d’une telle immunité, une entreprise doit être la première à fournir des éléments de preuve qui, de l’avis de la Commission, sont de nature à lui permettre d’adopter une décision ordonnant des vérifications ou de constater une infraction à l’article 81 CE.

191    Le titre B (paragraphes 20 et suivants) de la communication sur la clémence concerne la réduction du montant de l’amende. En particulier, les paragraphes 20 à 23 de ladite communication disposent ce qui suit :

« 20. Les entreprises qui ne remplissent pas les conditions prévues au titre A peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de l’amende qui à défaut leur aurait été infligée.

21.      Afin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve.

22.      La notion de ‘valeur ajoutée’ vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité de la Commission d’établir les faits en question. Lors de cette appréciation, la Commission estimera généralement que les éléments de preuve écrits datant de la période à laquelle les faits se rapportent ont une valeur qualitative plus élevée que les éléments de preuve établis ultérieurement. De même, les éléments de preuve se rattachant directement aux faits en question seront le plus souvent considérés comme qualitativement plus importants que ceux qui n’ont qu’un lien indirect avec ces derniers.

23.      Dans toute décision finale arrêtée au terme de la procédure administrative, la Commission déterminera :

a)      si les éléments de preuve fournis par une entreprise ont représenté une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission ;

b)      le niveau de réduction dont l’entreprise bénéficiera, qui s’établira comme suit par rapport au montant de l’amende qu’à défaut la Commission aurait infligée :

–        première entreprise à remplir la condition énoncée au [paragraphe] 21: réduction comprise entre 30 et 50 % ;

–        deuxième entreprise à remplir la condition énoncée au [paragraphe] 21: réduction comprise entre 20 et 30 % ;

–        autres entreprises remplissant la condition énoncée au [paragraphe] 21: réduction maximale de 20 %.

Pour définir le niveau de réduction à l’intérieur de ces fourchettes, la Commission prendra en compte la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au [paragraphe] 21 ont été communiqués et le degré de valeur ajoutée qu’ils ont représenté. Elle pourra également prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution.

En outre, si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis. »

192    Aux considérants 350 à 356 de la décision attaquée, la Commission a relevé ce qui suit, au sujet de la demande d’immunité et/ou de réduction de l’amende déposée par la première requérante :

« (350)[…] La demande concernait la poudre de carbure de calcium et les granulés de magnésium. La Commission avait déjà à sa disposition des preuves provenant d’Akzo Nobel et des inspections concernant la poudre de carbure de calcium. Cependant, [la première requérante] a apporté une valeur ajoutée significative concernant les granulés de magnésium. Les éléments de preuve fournis par [la première requérante] ont permis de renforcer, par leur nature même et par leur niveau de précision, la capacité de la Commission de prouver ces faits.

(351)  [La première requérante] a fait état de dates, lieux, participants et contenus de plusieurs réunions du cartel concernant les granulés de magnésium. Ces informations coïncidaient avec d’autres dans le dossier de la Commission et ont ainsi permis à la Commission, au moyen de sources concordantes, de prouver ces évènements pour les granulés de magnésium. [La première requérante] n’a pas été en mesure d’ajouter beaucoup d’éléments de preuve pertinents contemporains à sa demande.

(352)  Les preuves fournies par [la première requérante] ont renforcé, de par leur nature même et par leur niveau de précision, la capacité de la Commission de prouver les faits en rapport avec les granulés de magnésium, et ce en particulier du fait que l’information provenait d’une personne présente aux réunions du cartel.

(353) [La première requérante] a décrit les similarités entre les évènements liés à la poudre de carbure de calcium et aux granulés de magnésium et a pu en établir un lien prouvant ainsi un schéma anti-concurrentiel plus large pour le carbure de calcium et les réactifs à base de magnésium dans l’industrie métallurgique. Ceci a permis à la Commission d’élargir le rayon de l’infraction aux granulés de magnésium.

(354)  Suite aux demandes de février et mars 2007, [la première requérante] a continué sa coopération en répondant aux demandes de renseignements. Elle n’a pas fourni d’éléments nouveaux significatifs sur une base volontaire.

(355)  En vertu du [paragraphe] 23 de la communication sur la clémence de 2002, la Commission, pour déterminer le pourcentage de réduction de l’amende pouvant être accordé à [la première requérante] dans une fourchette allant de 20 à 30 %, prend note du fait que la réduction accordée à [la première requérante] aura un impact sur l’amende pour la poudre de carbure de calcium alors qu’elle a fourni des informations ayant une valeur ajoutée significative en rapport avec les granulés de magnésium. C’est pourquoi le pourcentage est revu à la baisse.

(356)  En conclusion, la Commission accorde à [la première requérante] une réduction de 20 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée normalement. »

193    C’est pour ces motifs que la Commission a accordé tant à la première qu’à la seconde requérante une réduction de 20 % du montant de l’amende qui leur a été infligée, au titre de la communication sur la clémence.

194    Les requérantes font valoir qu’elles devaient se voir accorder une réduction du montant de l’amende de 30 % au lieu de 20 %, en récompense des informations qu’elles avaient fournies à la Commission. Elles considèrent que ce pourcentage était approprié au regard des critères définis au paragraphe 23 de la communication sur la clémence. S’agissant de la motivation invoquée au considérant 355 de la décision attaquée pour justifier le choix d’un pourcentage de réduction de 20 %, elle serait fondée sur la prémisse erronée selon laquelle l’amende qui leur a été infligée a été calculée en tenant compte uniquement du volet de l’infraction relatif au carbure de calcium. Les requérantes admettent que la Commission ne s’est fondée que sur leur chiffre d’affaires réalisé avec ce produit pour déterminer le montant de base de l’amende, mais soutiennent que, dans le cadre de la gravité de l’infraction, la Commission a également tenu compte du volet de l’infraction relatif au magnésium. Elles se réfèrent, à cet égard, au considérant 293 de la décision attaquée, qui énonce que les destinataires de ladite décision avaient participé à une infraction unique, complexe et continue, avec comme objectif de fausser la concurrence au niveau de la commercialisation de la poudre de carbure de calcium, des granulés de carbure de calcium et des granulés de magnésium.

195    Selon les requérantes, la Commission s’est contredite elle-même dès lors que, d’une part, elle est partie de la prémisse d’une infraction unique relative tant au carbure de calcium qu’au magnésium et, d’autre part, dans le cadre de la détermination du taux de réduction de l’amende en récompense de la coopération des requérantes, elle a distingué entre le volet de l’entente relatif au carbure de calcium, auquel les requérantes avaient participé, et celui relatif au magnésium, dans le cadre duquel la coopération des requérantes au sens de la communication sur la clémence a apporté une valeur ajoutée. Les requérantes considèrent que le fait que leur coopération portait sur un volet de l’entente différent de celui pour lequel elles avaient été impliquées ne peut pas être pris en considération pour la détermination du taux de réduction de l’amende, conformément au paragraphe 23 de la communication sur la clémence, et reprochent à la Commission une violation de leurs attentes légitimes concernant le respect de ladite communication ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation.

196    Dans leur réplique, les requérantes ont fait valoir que leur coopération au sens de la communication sur la clémence a apporté une valeur ajoutée significative par rapport au volet de l’infraction relatif au carbure de calcium. En témoignerait le fait que les informations qu’elles avaient fournies seraient très souvent citées dans la décision attaquée.

197    La Commission rejette l’argument des requérantes tiré de la violation de leurs attentes légitimes découlant de la communication sur la clémence. Elle fait remarquer que ladite communication prévoit une réduction dans une fourchette de 20 à 30 % et qu’elle dispose, dès lors, à cet égard, d’une certaine marge d’appréciation, de sorte que le contrôle de légalité ne doit porter que sur l’existence d’une éventuelle erreur manifeste d’appréciation. Elle ajoute que le fait que les preuves fournies par les requérantes apportaient une valeur ajoutée significative en ce qui concerne le magnésium n’est pas de nature à appuyer leur thèse, dès lors que, ainsi qu’il résulte du paragraphe 21 de la communication sur la clémence, il s’agit d’une condition minimale pour l’octroi d’une réduction d’amende.

198    La Commission précise qu’elle n’a pas ignoré, dans la décision attaquée, qu’il était question d’une infraction unique, complexe et continue concernant trois produits. Elle souligne que, si tel n’avait pas été le cas, les requérantes n’auraient pas pu bénéficier d’une réduction du montant de l’amende, dès lors que, selon la jurisprudence, ne constitue pas une coopération relevant du champ d’application de la communication sur la clémence le fait pour une entreprise de mettre à la disposition de la Commission des informations relatives à des actes pour lesquels elle n’aurait pas dû acquitter d’amende. La Commission ajoute qu’il convenait, en l’espèce, de tenir également compte du fait que les requérantes n’avaient pas participé à tous les éléments constitutifs de l’infraction litigieuse. Elle considère, dès lors, qu’il était raisonnable que le pourcentage de la réduction du montant de l’amende accordée aux requérantes ne fût pas le maximum prévu dans la communication sur la clémence. Elle relève, à cet égard, que les informations communiquées n’apportaient une valeur significative ajoutée qu’en ce qui concerne une partie de l’infraction (celle relative au magnésium), alors qu’elles n’ont pas apporté une telle valeur par rapport au carbure de calcium. Partant, aucune erreur manifeste d’appréciation ne saurait lui être reprochée, s’agissant de la détermination du taux de réduction du montant de l’amende accordée aux requérantes en récompense de leur coopération au sens de la communication sur la clémence.

199    Il y a lieu de relever, d’abord, que, ainsi qu’il ressort des considérants 25 et 28 de la décision attaquée, SKW, la filiale des requérantes, produisait tant du carbure de calcium que du magnésium. En outre, il ressort des considérants 57 et 114 de la décision attaquée qu’elle a participé tant au volet de l’entente litigieuse relatif au carbure de calcium en poudre qu’à celui relatif au magnésium. Toutefois, il ressort du considérant 125 de la décision attaquée que la période infractionnelle retenue dans la décision attaquée par rapport à ce dernier volet de l’entente a débuté le 14 juillet 2005, à savoir à une époque où SKW ne faisait plus partie de la même entreprise que les requérantes. Par conséquent, ainsi qu’il ressort des considérants 288 et 308 de la décision attaquée, afin de déterminer le montant de base de l’amende infligée aux requérantes, la Commission n’a pris en considération que les ventes du carbure de calcium que celles-ci avaient réalisées à travers leur filiale SKW.

200    Ces précisions données, la question de savoir si la coopération des requérantes avec la Commission leur aurait ouvert le droit à une réduction du montant de l’amende dans l’hypothèse où les volets de l’entente relatifs au carbure de calcium et au magnésium auraient été considérés comme des infractions distinctes est dépourvue de pertinence. Ce qui importe est que, en l’espèce, la Commission a considéré qu’ils faisaient partie d’une seule et même infraction unique, sans que cette appréciation ne soit contestée par les requérantes.

201    Ensuite, il convient de relever que, certes, comme le fait valoir la Commission, le paragraphe 23, premier alinéa, sous b), de la communication sur la clémence ne définit qu’une fourchette des réductions possibles du montant de l’amende à infliger à une entreprise qui, comme celle des requérantes en l’occurrence, était la deuxième à fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée conformes au paragraphe 21 de la même communication. C’est donc à juste titre que la Commission relève qu’elle dispose d’une certaine marge d’appréciation s’agissant du choix du niveau exact de réduction à accorder dans chaque cas particulier.

202    Toutefois, il résulte d’une jurisprudence constante que, si la Commission jouit d’une marge d’appréciation pour fixer le montant des amendes à infliger pour une violation des règles de la concurrence, elle ne peut se départir des règles qu’elle s’est elle-même imposées (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 161 supra, point 537, et la jurisprudence citée). Il s’ensuit que la Commission doit effectivement tenir compte des termes de la communication sur la clémence en fixant le niveau de réduction du montant de l’amende à accorder à une entreprise en récompense de sa coopération.

203    Comme le relèvent à juste titre les requérantes, les critères dont la Commission doit tenir compte pour la fixation du taux de réduction applicable sont énumérés au paragraphe 23, deuxième alinéa, de la communication sur la clémence et portent sur la date à laquelle l’entreprise concernée a communiqué des éléments de preuve à la Commission ainsi que sur la valeur ajoutée que ces éléments ont représentée. Il est également loisible à la Commission de tenir compte, à cet égard, de l’étendue et de la continuité de la coopération dont l’entreprise concernée a fait preuve.

204    En l’espèce, la Commission a tenu compte de la date de communication, par les requérantes, des éléments de preuve qu’elles ont mis à sa disposition et c’est ainsi qu’elle a considéré que l’entreprise des requérantes était la deuxième à remplir la condition énoncée au paragraphe 21 de la communication sur la clémence et pouvait prétendre à une réduction du montant de l’amende comprise entre 20 et 30 %. Cette appréciation de la Commission n’est pas contestée par les requérantes.

205    S’agissant du degré de valeur ajoutée qu’ont représenté les éléments de preuve communiqués par les requérantes, il convient de relever que les considérants 351 à 354 de la décision attaquée comportent, à cet égard, des considérations positives, qui plaident en faveur du choix d’un niveau de réduction élevé à l’intérieur de la fourchette prévue au paragraphe 23, premier alinéa, sous b), de la communication sur la clémence.

206    En revanche, il ressort du considérant 350 de la décision attaquée que les éléments de preuve communiqués à la Commission par les requérantes n’ont pas apporté une valeur ajoutée significative par rapport au carbure de calcium, pour lequel la Commission avait déjà à sa disposition des preuves provenant d’Akzo Nobel. Il s’agit là d’un élément plaidant contre le choix du niveau de réduction le plus élevé (30 %) à l’intérieur de la fourchette définie au paragraphe 23, premier alinéa, sous b), de la communication sur la clémence.

207    Les requérantes contestent l’appréciation de la Commission dont il est question au point 206 ci-dessus. Toutefois, à l’appui de leurs prétentions, elles font seulement valoir que la décision attaquée renvoie itérativement aux informations qu’elles avaient fournies. Or, ce seul fait, à le supposer établi, ne suffit pas pour démontrer que les informations qu’elles avaient communiquées apportaient une valeur significative, au sens du paragraphe 22 de la communication sur la clémence. En effet, il peut raisonnablement être supposé que la Commission s’est efforcée de renvoyer à tous les éléments d’information en sa possession relatifs à chaque affirmation figurant dans la décision attaquée, quand bien même certains d’entre eux ne seraient pas indispensables, dès lors que l’affirmation en question aurait pu être considérée comme prouvée même en leur absence. Par conséquent, à défaut d’autres arguments avancés par les requérantes tendant à démontrer la prétendue valeur ajoutée, par rapport au carbure de calcium, que les éléments de preuve qu’elles avaient fournis apportaient, il convient de rejeter cet argument.

208    Il s’ensuit que les appréciations figurant aux considérants 350 à 354 de la décision attaquée justifiaient que la Commission choisisse un niveau de réduction élevé à l’intérieur de la fourchette définie au paragraphe 23, premier alinéa, sous b), de la communication sur la clémence, sans, toutefois, opter pour le niveau maximal (30 %).

209    Cependant, comme il ressort du considérant 355 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte du fait que l’amende imposée aux requérantes concernait uniquement leur participation au volet de l’entente relatif au carbure de calcium et avait été calculée sur la base de leurs ventes réalisées dans ce secteur, alors que les informations utiles qu’elles avaient fournies se référaient au magnésium, et a ainsi choisi le niveau de réduction le moins élevé (20 %) prévu par la fourchette en question.

210    Or, la pertinence des éléments de preuve d’une infraction pour le volet de l’infraction auquel l’entreprise les ayant fournis a participé ne figure pas au nombre des critères dont il convient de tenir compte, conformément au paragraphe 23, deuxième alinéa, de la communication sur la clémence, pour déterminer le niveau de réduction du montant de l’amende à accorder à ladite entreprise.

211    Il s’ensuit que, en choisissant, à l’égard des requérantes, pour le motif indiqué au considérant 355 de la décision attaquée, le niveau de réduction du montant de l’amende le moins élevé prévu dans la communication sur la clémence, la Commission a violé ladite communication. Il convient, dès lors, d’accueillir ce grief des requérantes, ce qui justifie l’annulation de l’article 2, sous g) et h), de la décision attaquée également en ce qu’il vise la première requérante. En outre, dans l’exercice de la compétence de pleine juridiction du Tribunal en matière d’amendes, il convient de réformer la décision attaquée afin de réduire le montant de l’amende infligée aux requérantes. Bien que le Tribunal ne soit pas lié par la communication sur la clémence (arrêts du Tribunal du 21 octobre 2003, General Motors Nederland et Opel Nederland/Commission, T‑368/00, Rec. p. II‑4491, point 188, et du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 169), la fourchette de réduction du montant de l’amende allant de 20 à 30 % prévue par ladite communication pour la deuxième entreprise à avoir fourni des informations à la Commission paraît appropriée. Pour les motifs indiqués au point 208 ci‑dessus, il convient de choisir un niveau de réduction élevé à l’intérieur de cette fourchette, sans toutefois opter pour le niveau maximal (30 %). Concrètement, au regard de l’ensemble des éléments pertinents susmentionnés, il convient de choisir un niveau de réduction de 28 %. Il sera tenu compte de cette réduction lors de la fixation du montant de l’amende (voir points 285 à 287 ci‑après).

212    Par ailleurs, à l’instar de ce qui a déjà été relevé concernant l’annulation de l’article 2, sous g), de la décision attaquée à l’égard de la seconde requérante, il y a lieu de préciser que l’annulation de cet article également à l’égard de la première requérante n’affecte pas l’effet libératoire de tout versement par celle-ci au titre de l’amende qui lui sera infligée, à l’égard de SKW, et de l’amende qui est infligée à cette dernière au même article 2, sous g), de ladite décision.

 Sur la violation du principe de proportionnalité

213    Les requérantes font valoir que, dans la fixation du montant de l’amende, la Commission a violé le principe de proportionnalité. Elles avancent, à cet égard, des arguments relatifs, d’une part, à la durée de l’infraction et, d’autre part, à l’absence de tout bénéfice tiré de l’entente.

–       Sur la durée de l’infraction

214    Les requérantes font valoir que l’amende qui leur a été infligée est disproportionnée par rapport à la durée de l’infraction. Elles comparent, à cet égard, l’amende qui leur a été infligée à celle infligée à SKW ainsi qu’à celle qui aurait été infligée à Akzo Nobel si cette dernière n’avait pas bénéficié d’une immunité d’amendes, pour conclure que, malgré un chiffre d’affaires comparable, voire, dans le cas de SKW, supérieur, à celui des requérantes, ces deux entreprises devaient, selon la Commission, se voir infliger des amendes dont le montant par mois de participation est très inférieur à celui des requérantes.

215    Selon les requérantes, le caractère disproportionné de l’amende qui leur a été infligée s’explique par trois raisons. Premièrement, l’application du paragraphe 24 des lignes directrices aboutit, selon elles, à une prolongation disproportionnée d’infractions de très courte durée. Ce paragraphe énonce : « Afin de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction, le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes (voir les [paragraphes] 20 à 23 ci-dessus) sera multiplié par le nombre d’années de participation à l’infraction [ ; l]es périodes de moins d’un semestre seront comptées comme une demi-année ; les périodes de plus de six mois mais de moins d’un an seront comptées comme une année complète. » Les requérantes relèvent que, en application de la seconde phrase dudit paragraphe, un multiplicateur de 0,5 a été appliqué dans leur cas, ainsi qu’il ressort du considérant 304 de la décision attaquée. Or, cela équivaudrait à une augmentation disproportionnée de la durée de l’infraction de deux mois. Une telle augmentation ne serait aucunement indispensable, dès lors que l’application d’un multiplicateur de 1/3 (correspondant à une durée de participation à l’infraction de quatre mois) serait parfaitement envisageable.

216    Deuxièmement, la somme prévue au paragraphe 25 des lignes directrices, dite « droit d’entrée », acquerrait, dans le cas d’infractions de très courte durée, une importance excessive. Ce paragraphe prévoit ce qui suit : « En outre, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes telle que définie à la section A ci-dessus, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production [ ; l]a Commission peut également appliquer un tel montant additionnel dans le cas d’autres infractions [ ; e]n vue de décider la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au [paragraphe] 22. » Les requérantes relèvent que le droit d’entrée est fixé sur la base d’un chiffre d’affaires annuel, même dans les cas où, comme en l’espèce, l’infraction a été d’une durée inférieure à six mois. L’inclusion du droit d’entrée aurait triplé le montant de l’amende qui leur a été infligée et aurait abouti à une amende aussi élevée que celle qui aurait été infligée si l’infraction avait duré un an de plus. Pour ces motifs, les requérantes considèrent que, pour les infractions de très courte durée, le droit d’entrée n’est pas indispensable aux fins de la dissuasion.

217    Troisièmement, la majoration de l’amende pour récidive aurait également abouti, en l’espèce, à un résultat disproportionné, dès lors que le taux de majoration aurait été fixé sans tenir compte de la très courte durée de l’infraction. Selon les requérantes, la majoration pour récidive entraîne également le risque que des entreprises de grande taille soient plus sévèrement sanctionnées que celles de petite taille ou de taille moyenne, dès lors que, en raison de leur taille et de la diversité de leurs activités, les premières courent un risque de récidive beaucoup plus important que les secondes. Cela serait évident en l’espèce, où l’infraction reprochée aux requérantes aurait été commise par une de leurs filiales dans un domaine commercial ne relevant pas de leurs activités essentielles.

218    Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, pour fixer des amendes telles que celle en cause en l’espèce, la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit, tout particulièrement les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, tels que développés par la jurisprudence des juridictions de l’Union (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, points 77 et 79, et du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 41). En particulier, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, point 226, et la jurisprudence citée).

219    Il ressort des paragraphes 24 et 25 des lignes directrices, cités aux points 215 et 216 ci‑dessus, que le montant de base de l’amende est composé de deux sommes, l’une calculée proportionnellement à la durée de la participation à l’infraction de l’entreprise concernée et l’autre – le droit d’entrée – calculée sur la seule base de la valeur des ventes annuelles de l’entreprise en cause, indépendamment de la durée de sa participation à l’infraction. Aux termes du paragraphe 25 des lignes directrices, l’inclusion, dans le montant de l’amende, du droit d’entrée vise à « dissuader les entreprises de même participer à des accords » tels que ceux en cause en l’espèce.

220    Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne saurait être considéré que l’inclusion, dans le montant de base de l’amende, du droit d’entrée est contraire au principe de proportionnalité. Il convient de rappeler, à cet égard, que, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende à imposer pour une infraction aux règles de la concurrence, la Commission doit prendre en considération non seulement la durée de l’infraction, mais également la gravité de celle-ci. Or, il importe de faire toujours une distinction, en application de cette disposition, entre la durée effective des infractions et leur gravité telle qu’elle résulte de leur nature propre (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, SGL Carbon/Commission, T‑68/04, Rec. p. II‑2511, point 109, et la jurisprudence citée). La Commission peut, dès lors, légitimement inclure dans le montant de base de l’amende une somme calculée indépendamment de la durée de l’infraction, afin de refléter la gravité de celle-ci, telle qu’elle résulte de sa nature propre.

221    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le pouvoir de la Commission d’infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibérés ou par négligence, commettent une infraction aux règles de la concurrence constitue un des moyens qui lui sont attribués en vue de lui permettre d’accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit de l’Union. Cette mission comprend certainement la tâche d’instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais elle comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité FUE et à orienter en ce sens le comportement des entreprises. L’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende vise à assurer le respect par les entreprises des règles de la concurrence. Il s’ensuit que le caractère dissuasif d’une amende infligée en raison d’une violation des règles de la concurrence du droit de l’Union ne saurait être déterminé en fonction seulement de la situation particulière de l’entreprise condamnée (voir arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, points 179 à 181, et la jurisprudence citée).

222    Cette jurisprudence plaide également en faveur de la considération énoncée au paragraphe 25 des lignes directrices, selon laquelle il convient d’inclure, dans le montant de base de l’amende, une somme indépendante de la durée de l’infraction, afin d’assurer un caractère dissuasif suffisant à l’amende. Cela est d’autant plus nécessaire lorsque, comme en l’espèce, la courte durée de la participation d’une entreprise à une infraction ne résulte pas de la nature propre de l’infraction et de la manière dont elle a été conçue par ses auteurs. En effet, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, la courte durée de la participation des requérantes à l’entente litigieuse est exclusivement due au fait que, peu après le début de l’infraction, elles ont cédé à une autre entreprise la totalité du capital de leur filiale impliquée dans l’infraction. Cette dernière a, en revanche, continué de participer à l’entente litigieuse jusqu’à sa fin (voir considérant 226 de la décision attaquée).

223    L’augmentation du montant de base de l’amende en cas de récidive ne peut pas non plus être considérée comme étant contraire au principe de proportionnalité. Il ressort de la jurisprudence rappelée au point 141 ci‑dessus qu’une telle augmentation poursuit un objectif spécifique légitime, qui fait partie de l’objectif plus large de dissuasion que la Commission doit poursuivre lorsqu’elle impose des amendes pour violation des règles de la concurrence.

224    Dans leur argumentation résumée au point 217 ci‑dessus, les requérantes avancent, en substance, deux arguments aux fins de démontrer le caractère prétendument disproportionné de l’augmentation pour récidive du montant de l’amende qui leur a été infligée. Ces arguments ne doivent être examinés qu’à l’égard de la première requérante, dès lors qu’il a déjà été jugé (voir point 156 ci‑dessus) que, pour autant que la seconde requérante est concernée, c’est à tort que la Commission a augmenté le montant de l’amende qui lui a été infligée pour cause de récidive.

225    D’une part, la première requérante invoque la très courte durée de l’infraction qui lui a été reprochée par la Commission. Or, il y a lieu de relever, à cet égard, que le paragraphe 28, premier tiret, des lignes directrices prévoit, en cas de récidive, une augmentation proportionnelle du montant de base de l’amende. Ainsi qu’il a déjà été relevé, ce dernier montant comprend, outre le droit d’entrée, une somme calculée en fonction de la durée de la participation de l’entreprise concernée à l’entente. Il s’ensuit que l’amende infligée à une entreprise pour sa participation à une infraction sera, même après avoir été majorée aux fins de tenir compte de la circonstance aggravante liée à la récidive, moins élevée dans le cas d’une infraction de courte durée que celle qui aurait été infligée à la même entreprise si la durée de sa participation à l’infraction avait été plus longue. Ce résultat est conforme au principe de proportionnalité. Ce dernier principe n’exige pas, en revanche, de renoncer à toute majoration du montant de l’amende pour récidive en cas d’une nouvelle infraction de courte durée, dès lors que les motifs qui justifient une telle majoration restent valides indépendamment de la durée de la nouvelle infraction.

226    D’autre part, la première requérante soutient qu’il doit être tenu compte, dans le cadre de la prise en considération de la récidive aux fins du calcul du montant de l’amende, de la taille de l’entreprise concernée, dès lors que les entreprises de grande taille courent un risque plus important de récidive. Cet argument ne saurait pas non plus prospérer. Il a déjà été relevé que la majoration, pour récidive, du montant de l’amende vise à assurer à cette dernière un caractère dissuasif suffisant. L’allégation qu’une entreprise aurait, en raison de sa grande taille et de la diversité de ses activités, une plus grande propension d’enfreindre les règles de la concurrence plaide pour, et non contre, une telle majoration. Il incombe, en effet, à l’entreprise concernée de prendre les mesures appropriées, au regard de sa taille et de ses activités, pour éliminer tout risque d’implication dans une nouvelle infraction aux règles de concurrence. Il convient, par ailleurs, de relever qu’une entreprise de grande taille peut, précisément en raison de sa taille, mettre en œuvre des moyens plus importants afin d’éviter qu’une nouvelle infraction aux règles de la concurrence soit commise par les membres de son personnel.

227    Il ressort des considérations qui précèdent que ni l’inclusion, dans le montant de base de l’amende, du droit d’entrée, ni l’augmentation dudit montant pour récidive dans le cas de la première requérante, ne sont contraires au principe de proportionnalité. Reste ainsi à examiner l’argument des requérantes selon lequel la Commission a violé le principe de proportionnalité, en ce qu’elle a utilisé, dans le cadre de l’application du paragraphe 24 des lignes directrices, un multiplicateur de 0,5 correspondant à une demi-année de participation à l’infraction, alors qu’elle aurait dû utiliser un multiplicateur de 1/3 pour tenir compte du fait que leur participation à l’infraction n’a duré que quatre mois.

228    Les explications fournies par la Commission dans ses écrits pour justifier la disposition de la dernière phrase du paragraphe 24 n’emportent pas la conviction. La Commission relève que la durée de l’infraction doit, conformément à l’approche adoptée dans les lignes directrices, jouer un rôle significatif, « étant donné qu’elle a nécessairement un impact sur les conséquences potentielles de l’infraction sur le marché ». Cette considération est correcte, mais elle ne constitue pas une justification pour la règle selon laquelle, en substance, les périodes de participation à une entente inférieures à six mois seront considérées, pour les besoins de l’application du paragraphe 24 des lignes directrices, comme équivalentes à une participation de six mois.

229    De surcroît, la Commission a relevé que, en l’espèce, elle avait décidé de déroger au paragraphe 24 des lignes directrices et de n’appliquer un multiplicateur de 0,5 par semestre de participation à l’entente qu’à partir d’une durée de participation d’au moins trois mois. Dans la duplique, la Commission admet, en outre, que, dans une décision ultérieure relative à une autre affaire, elle avait appliqué une méthode différente, consistant en l’augmentation du multiplicateur par 0,25 pour chaque trimestre de participation à l’infraction.

230    L’argument de la Commission tiré de la marge d’appréciation dont elle dispose en matière de fixation de l’amende ne saurait pas non plus prospérer. Cette marge d’appréciation ne la dispense pas de l’obligation de respecter le principe de proportionnalité (voir la jurisprudence citée au point 218 ci‑dessus).

231    Comme la Commission l’a elle-même admis dans ses écrits, l’arrondissement prévu à la dernière phrase du paragraphe 24 des lignes directrices ne se justifie pas non plus par des considérations pratiques. Le calcul de la durée exacte de la participation d’une entreprise à une infraction en mois, voire, si nécessaire, en jours, et du multiplicateur exact correspondant ne présente aucune difficulté pratique significative. Cet arrondissement ne saurait pas non plus se justifier par le besoin d’assurer à l’amende un effet dissuasif minimal, indépendamment de la durée de l’infraction, dès lors que c’est précisément pour cette raison que le paragraphe 25 prévoit l’inclusion, dans le montant de base de l’amende, du droit d’entrée (voir points 220 à 222 ci‑dessus).

232    La Commission fait également valoir que, dans son arrêt du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission (T‑220/00, Rec. p. II‑2473, points 129 à 137), le Tribunal avait confirmé que l’arrondissement, aux fins du calcul de l’amende, de la durée de participation d’une entreprise à une infraction était, en principe, légitime. Cet argument doit également être rejeté. Loin d’infirmer l’argument des requérantes, l’arrêt Cheil Jedang/Commission, précité, plaide, en réalité, en sa faveur.

233    Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Commission avait fait application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »). Celles-ci prévoyaient une méthodologie différente pour la prise en compte du facteur relatif à la durée de l’infraction, aux fins du calcul du montant de l’amende. Concrètement, elles établissaient une distinction entre les infractions de courte durée (en général inférieure à un an), pour lesquelles le montant de départ retenu au titre de la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant pouvait être majoré de 50 %, et les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant pouvait être majoré pour chaque année de 10 % (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 232 supra, point 129).

234    Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Cheil Jedang/Commission, point 232 supra, la Commission avait imposé une majoration de 30 % à l’amende infligée à la requérante, pour une durée de participation de deux ans et dix mois (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 232 supra, points 130 et 131). Le Tribunal a relevé que les lignes directrices de 1998 ne prévoyaient pas, pour une telle infraction, une majoration d’un pourcentage déterminé par année de participation, mais laissait, à cet égard, une marge d’appréciation à la Commission (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 232 supra, point 134). Il a, toutefois, constaté que la Commission avait elle-même retenu, dans sa décision attaquée dans cette affaire, le principe d’une majoration de 10 % par an pour toutes les entreprises ayant participé à l’infraction et que, dès lors, la majoration de 30 % pratiquée à l’égard de la requérante dans cette affaire, si elle n’était pas, en soi, contraire aux lignes directrices de 1998, était néanmoins manifestement erronée au regard de l’appréciation effectuée par la Commission dans sa décision et sur laquelle elle avait elle-même prétendu se fonder pour appliquer aux entreprises concernées les majorations au titre de la durée de l’infraction. Le Tribunal a, dès lors, réduit, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, à 20 % la majoration du montant de départ de l’amende infligée à la requérante dans cette affaire (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 232 supra, points 135 à 139).

235    Il s’ensuit qu’une comparaison directe entre les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Cheil Jedang/Commission, point 232 supra, et celles de la présente affaire n’est pas possible, dès lors que, contrairement aux lignes directrices de 1998, les lignes directrices, appliquées en l’espèce, ne laissent à la Commission aucune marge d’appréciation quant au calcul du multiplicateur, mais prévoient, au paragraphe 24, l’utilisation d’un multiplicateur de 0,5 pour une durée d’infraction d’un à six mois. Nonobstant cette constatation, il doit être relevé que l’arrêt Cheil Jedang/Commission, point 232 supra, plaide contre le principe d’un arrondissement de la durée de participation d’une entreprise à une infraction. En effet, l’amende infligée à la requérante dans cette affaire correspondait à une participation à l’infraction de trois ans, alors que la durée de sa participation à l’infraction était de deux ans et dix mois. Or, le Tribunal n’a pas approuvé une telle amende, mais l’a réduite.

236    Au regard des considérations qui précèdent, il convient de conclure que l’imposition aux requérantes d’une amende correspondant à une participation à l’infraction de six mois, alors qu’elles n’y ont participé que pendant quatre mois, est contraire au principe de proportionnalité. Par conséquent, il convient de réduire le montant de l’amende infligée aux requérantes en réduisant, plus particulièrement, la somme calculée en application du paragraphe 24 des lignes directrices. Aux fins de cette réduction, il convient de retenir un multiplicateur de 1/3, correspondant à quatre mois de participation à l’infraction, au lieu du multiplicateur de 0,5 retenu par la Commission. Les modalités de cette réduction sont exposées aux points 285 à 287 ci‑après.

–       Sur l’absence de bénéfice tiré de l’entente

237    Selon les requérantes, il ressort de la jurisprudence que le montant de l’amende infligée à une entreprise pour violation des règles de la concurrence doit être proportionné au bénéfice qu’elle a tiré de sa participation à l’infraction. En l’espèce, le chiffre d’affaires réalisé par SKW avec la poudre de carbure de calcium durant la période pour laquelle les requérantes ont été tenues pour responsables de sa participation à l’entente s’élèverait à 5,492 millions d’euros et l’amende infligée aux requérantes représenterait, ainsi, 85 % de ce chiffre d’affaires. Les requérantes ajoutent qu’elles n’ont pas même tiré profit de ce chiffre d’affaires, en raison du caractère rétroactif de la vente de SKW (voir point 108 ci-dessus). Elles n’auraient ainsi obtenu que le prix de vente qui serait inférieur au montant de l’amende qui leur a été infligée. En revanche, l’acheteur de SKW aurait réalisé un bénéfice important lors de la vente des actions de cette société en Bourse. Les requérantes demandent, dès lors, au Tribunal de réduire le montant de l’amende de manière appropriée dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction.

238    Il ressort d’une jurisprudence constante que, pour la détermination du montant des amendes à infliger en cas de violation des règles de la concurrence, il y a lieu de tenir compte de la durée des infractions et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celles-ci, tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME e.a./Commission, C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 96, et la jurisprudence citée).

239    Toutefois, il ressort d’une jurisprudence également constante que, si le montant de l’amende infligée à une entreprise doit être proportionné à la durée de l’infraction et aux autres éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, parmi lesquels figure le profit que l’entreprise concernée a pu retirer de ses pratiques, le fait qu’une entreprise n’a retiré aucun bénéfice de l’infraction ne saurait faire obstacle à ce qu’une amende soit infligée, sous peine de faire perdre à cette dernière son caractère dissuasif (voir arrêt BPB/Commission, point 154 supra, point 441, et la jurisprudence citée).

240    Les requérantes font valoir que la jurisprudence citée au point 239 ci-dessus doit être interprétée en ce sens que la condamnation à une amende ne peut pas être subordonnée à l’obtention d’un avantage de l’infraction. Elles considèrent, toutefois, que, lorsqu’il est établi que l’entreprise concernée a tiré de l’infraction un profit d’un montant déterminé, le montant de l’amende à infliger à ladite entreprise doit être proportionné au profit obtenu.

241    Cette argumentation ne saurait prospérer. Il résulte de la jurisprudence citée au point 238 ci‑dessus que le profit qu’une entreprise a pu tirer de l’infraction constitue un élément parmi d’autres qui entre en ligne de compte pour la détermination du montant de l’amende à infliger à ladite entreprise. La jurisprudence citée au point 239 ci‑dessus ne fait que refléter cette considération, lorsqu’elle relève que le montant de l’amende doit être proportionné, notamment, au profit éventuellement tiré de l’infraction. Elle ne saurait en aucun cas être interprétée en ce sens que ce profit constitue un plafond que l’amende ne peut pas dépasser. En effet, il est souligné dans cette jurisprudence que l’absence de bénéfice tiré de l’infraction ne fait pas obstacle à l’imposition d’une amende. Or, il serait paradoxal d’admettre, dans ce cas, l’imposition d’une amende qui ne peut pas être proportionnelle au bénéfice tiré de l’infraction (qui équivaut à zéro) et d’exiger, pour le cas où un tel bénéfice, ne fût-ce que minimal, a été réalisé, l’imposition d’une amende dont le montant ne peut pas dépasser ce bénéfice.

242    Comme le relève à juste titre la Commission, la prise en considération, aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction, du profit réalisé par l’entreprise concernée justifie, au contraire, la majoration du montant de l’amende déterminé en application de la méthodologie prévue dans les lignes directrices, afin de dépasser le montant des gains illicites réalisés grâce à l’infraction, ainsi que le prévoit le paragraphe 31 desdites lignes directrices.

243    Il résulte des considérations qui précèdent que, à supposer même que, comme le font valoir les requérantes, le montant de l’amende qui leur a été infligée constituerait un pourcentage très significatif du chiffre d’affaires réalisé par leur filiale SKW pendant la période infractionnelle avec la vente de la poudre de carbure de calcium, ladite amende ne serait pas, de ce seul fait, disproportionnée. Partant, il convient de rejeter le présent grief.

 Sur la responsabilité solidaire de SKW pour le paiement de l’amende infligée aux requérantes

 Considérations liminaires

244    Le Tribunal relève que l’unité du comportement sur le marché d’une entreprise justifie, aux fins de l’application du droit de la concurrence, que les sociétés ou, plus généralement, les sujets de droit qui peuvent être tenus pour personnellement responsables du comportement de cette entreprise soient tous obligés au paiement de la sanction infligée pour cette infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, point 45, et arrêt HFB e.a./Commission, point 32 supra, points 54, 524 et 525).

245    La notion de la responsabilité solidaire de plusieurs personnes pour le paiement d’une seule et même amende infligée pour sanctionner le comportement anticoncurrentiel d’une entreprise sur le marché permet à la Commission d’exiger de chacune desdites personnes le paiement de l’intégralité de l’amende.

246    Dans le cas particulier d’une société qui a successivement fait partie de deux entreprises différentes ayant toutes les deux participé à l’infraction, il paraît justifié de lui infliger une amende composée de deux montants distincts pour chacune des périodes correspondant à son appartenance à ces deux entreprises, afin de distinguer le montant pour lequel elle est solidairement responsable avec les sociétés ayant composé la première entreprise de celui pour lequel elle est solidairement responsable avec les sociétés ayant composé la seconde entreprise.

 Décision attaquée

247    Ainsi qu’il ressort du considérant 226 de la décision attaquée, lors de la période allant du 22 avril 2004 au 16 janvier 2007, SKW a participé à l’infraction litigieuse. Le considérant 227 de la décision attaquée relève que, pendant cette période, SKW était une filiale détenue à 100 % par différentes sociétés mères. Durant la période allant du 22 avril au 30 août 2004, pour laquelle les requérantes ont été tenues pour responsables de l’infraction, SKW était, ainsi qu’il a déjà itérativement été relevé, leur filiale détenue à 100 %. Pour le reste de la période de sa participation à l’infraction, à savoir du 30 août 2004 au 16 janvier 2007, elle était, ainsi qu’il ressort du considérant 245 de la décision attaquée, une filiale détenue à 100 % par SKW Stahl-Metallurgie Holding AG (ci-après « SKW Holding »). Au considérant 251 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, jusqu’au 30 novembre 2006, cette dernière société était une filiale détenue à 100 % de la société Arques Industries AG (ci‑après « Arques »). La Commission a ajouté qu’il existait des faits à même de démontrer que, pour le reste de la période de la participation de SKW à l’infraction, à savoir du 30 novembre 2006 au 16 janvier 2007, Arques détenait une participation d’au moins 57 % dans SKW Holding et exerçait une influence déterminante sur le comportement de celle-ci sur le marché, de sorte qu’elles constituaient une seule et même entreprise et pouvaient être tenues solidairement pour responsables, avec leur filiale SKW, de la participation de cette dernière à l’infraction (voir les considérants 250, 252 et 262 de la décision attaquée).

248    Il ressort du considérant 288, septième tiret, de la décision attaquée que la Commission a pris en considération, aux fins de la fixation du montant de l’amende à infliger à SKW, à SKW Holding et à Arques, la valeur des ventes de carbure de calcium en poudre et de magnésium réalisées par SKW en 2006. Sur cette base, elle a calculé un montant de base de l’amende à infliger à ces trois sociétés qui s’élevait à 13,3 millions d’euros, ainsi qu’il ressort du considérant 308 de la décision attaquée. Dès lors qu’elle n’a retenu, à l’égard de ces trois sociétés, ni de circonstances atténuantes ni de circonstances aggravantes, le montant définitif de l’amende à infliger solidairement à ces trois sociétés, tel qu’il figure au considérant 361, sous f), de la décision attaquée, s’élève à cette même somme. Toutefois, le même considérant de la décision attaquée indique, sous g), qu’une amende de 1,04 million d’euros doit être infligée solidairement à SKW et aux requérantes et, sous h), qu’une amende de 3,64 millions d’euros doit être infligée solidairement aux requérantes. Ces amendes sont infligées par l’article 2, sous f), g) et h), de la décision attaquée. En outre, le considérant 361 de cette décision renvoie à la note en bas de page n° 681, laquelle relève que SKW « est responsable pour une amende unique » et que « sa responsabilité conjointe et solidaire cumulative avec d’autres destinataires de la décision [attaquée] n’excède pas 13,3 millions d’euros ».

–       Arguments des parties

249    Les requérantes soulèvent la question de l’étendue de la responsabilité solidaire de SKW pour l’amende qui leur a été infligée dans plusieurs parties de leur requête. En premier lieu, dans le cadre de leur argumentation tirée du principe d’égalité de traitement, elles reprochent à la Commission une violation dudit principe, du fait qu’elle a indiqué, dans la décision attaquée, que SKW était solidairement responsable avec SKW Holding et Arques pour l’intégralité du montant de l’amende infligée à ces dernières, alors que sa responsabilité solidaire avec les requérantes ne couvrait qu’une partie de l’amende infligée à celles-ci.

250    En deuxième lieu, elles reprochent à la Commission une violation de l’obligation de motivation, du fait qu’elle a retenu, dans le tableau figurant au considérant 304 de la décision attaquée, s’agissant de la durée de la participation de SKW au volet de l’infraction relatif au carbure de calcium en poudre, un multiplicateur de 2,5 alors que, ainsi qu’il ressort du considérant 280 de la même décision, cette durée s’élevait à deux ans et huit mois, ce qui justifiait, conformément au paragraphe 24 des lignes directrices, un multiplicateur de 3. Les requérantes y voient une contradiction non motivée qui entacherait la décision attaquée. Elles ajoutent que le montant de l’amende infligée à SKW par la décision attaquée est important pour elles, « étant donné qu’il influe sur leurs possibilités de se retourner contre SKW ».

251    En troisième lieu, les requérantes avancent une argumentation spécifique, à l’appui du troisième chef de conclusions de la requête, présenté à titre subsidiaire. À cet égard, premièrement, elles rappellent que ce chef de conclusions vise à obtenir que SKW soit condamnée solidairement avec elles au paiement de l’intégralité de l’amende qui leur a été infligée et relèvent que, selon elles, le recours en annulation constitue la forme de recours appropriée pour obtenir un tel résultat.

252    Deuxièmement, elles soutiennent qu’elles ont la qualité nécessaire pour attaquer la décision prise par la Commission à l’encontre de SKW et présentent des arguments tendant à démontrer qu’elles sont directement et individuellement concernées par ladite décision. Dans l’hypothèse où cette qualité leur serait néanmoins déniée, elles demandent que le montant de l’amende qui leur a été infligée soit réduit à concurrence de la partie de ce montant pour le paiement de laquelle SKW n’est pas solidairement responsable avec elles.

253    Troisièmement, quant au bien-fondé de leur troisième chef de conclusions, elles répètent leurs arguments tirés de la violation du principe d’égalité de traitement, résumés au point 249 ci‑dessus. En outre, elles répètent également l’argument tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, du fait que la circonstance aggravante liée à la récidive n’a pas été retenue à l’égard de SKW (voir point 156 ci‑dessus).

254    La Commission fait valoir que le troisième chef de conclusions constitue, en réalité, un « recours supplémentaire autonome » tendant, en substance, à obtenir une majoration de l’amende infligée à SKW. Il s’agirait d’une « action en injonction » qui ne serait pas prévue en droit de l’Union et les obligations découlant d’un arrêt d’annulation ne sauraient comprendre l’augmentation de la responsabilité de SKW, réclamée par les requérantes.

255    Les requérantes n’auraient pas, en outre, qualité pour agir, dès lors qu’elles ne seraient pas directement et individuellement concernées par la décision prise à l’égard de SKW. De plus, la fixation de l’amende infligée à SKW ne constitue pas, selon la Commission, une mesure portant atteinte aux intérêts des requérantes, dès lors qu’elle ne produit pas d’effets juridiques obligatoires à leur égard. Il en irait de même de la responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende, laquelle présenterait un caractère accessoire et ne pourrait « déployer une autonomie détachée de l’amende ».

256    Enfin, la Commission fait valoir qu’il n’existe pas, dans le droit de l’Union, un droit à la responsabilité solidaire. Le regroupement en groupes de responsabilité servirait principalement à lui permettre d’obtenir l’exécution effective des obligations de paiement découlant de sa décision et non à ouvrir des voies de recours en répétition aux entreprises. Par conséquent, selon la Commission, il ne saurait, en l’espèce, être question d’un intérêt légitime des requérantes, reconnu par le droit de l’Union.

 Sur la recevabilité

257    Au regard de l’argumentation résumée ci‑dessus, il convient d’analyser la recevabilité, non seulement du troisième chef de conclusions présenté par les requérantes et dont la recevabilité est contestée par la Commission, mais, plus généralement, de l’ensemble de l’argumentation des requérantes relative à la responsabilité solidaire de SKW pour le paiement de l’amende qui leur a été infligée.

258    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme l’a jugé la Cour dans son arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363, point 53), si un destinataire d’une décision décide d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’est saisi que des éléments de la décision le concernant. En revanche, ceux concernant d’autres destinataires, qui n’ont pas été attaqués, n’entrent pas dans l’objet du litige que le juge de l’Union est appelé à trancher.

259    Or, s’agissant d’une décision de la Commission infligeant une amende pour violation des règles de la concurrence à deux entités distinctes, force est de constater qu’une disposition de cette décision selon laquelle ces entités sont, en tout ou en partie, solidairement responsables pour le paiement de l’amende concerne chacune de ces deux entités. Une telle disposition signifie, pour chacune d’entre elles, qu’elle ne sera plus poursuivie par la Commission pour le paiement de l’amende qui lui a été infligée, à concurrence des sommes déjà versées par l’autre. Ainsi, une telle disposition d’une décision infligeant une amende pour violation des règles de la concurrence produit des effets juridiques obligatoires à l’égard de chacune des deux entités concernées et celles-ci doivent être considérées comme étant, toutes les deux, directement et individuellement concernées par cette partie de la décision en cause.

260    Il ressort des considérations qui précèdent que les requérantes peuvent soulever, dans le cadre de leur chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, la question de la responsabilité solidaire de SKW pour le paiement de l’amende qui leur a été infligée.

261    S’agissant du troisième chef de conclusions des requérantes, il y a lieu de rappeler que, en matière de sanctions pour violation des règles de la concurrence, le Tribunal dispose, en vertu de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement nº 1/2003, d’une compétence de pleine juridiction lui permettant de supprimer, de majorer ou de réduire l’amende ou l’astreinte infligée par la Commission (arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 24 supra, point 177).

262    En l’espèce, le Tribunal a déjà jugé que les dispositions de la décision attaquée infligeant une amende aux requérantes, à savoir l’article 2, sous g) et h), de cette décision, devaient être annulées en ce qu’elles visent les requérantes. Il revient, dès lors, au Tribunal de déterminer lui‑même, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, l’amende qui doit être infligée aux requérantes pour sanctionner leur participation à l’infraction litigieuse.

263    Dans ce contexte, le Tribunal doit nécessairement déterminer, non seulement le montant de ladite amende, mais également la partie de ce montant qui sera considérée comme payée dans l’hypothèse où SKW paye l’amende qui lui a été infligée par la décision attaquée, ainsi que, le cas échéant, l’autre partie du montant de l’amende à infliger aux requérantes, que ces dernières doivent supporter seules et qui, dès lors, n’est pas affectée par les paiements éventuellement effectués par SKW, au titre de l’amende qui lui a été infligée. En effet, ces parties avaient été fixées à l’article 2, respectivement sous g) et h), de la décision attaquée et, compte tenu de leur annulation à l’égard des requérantes, devront, en l’espèce, nécessairement être définies par le Tribunal lorsque celui-ci exercera sa compétence de pleine juridiction afin de déterminer l’amende à infliger aux requérantes.

264    Par ailleurs, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà approuvé la constatation de la Commission dans la décision attaquée selon laquelle, pendant la période infractionnelle en cause dans la présente affaire, les requérantes et SKW constituaient une unité économique (voir point 119 ci‑dessus). Or, il résulte nécessairement de cette constatation et des considérations exposées aux points 244 à 246 ci‑dessus que SKW devait être tenue pour solidairement responsable d’au moins une partie de l’amende à infliger aux requérantes. C’est ainsi que le Tribunal, lorsqu’il fixe le montant de cette amende dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, doit, comme il a été relevé au point 263 ci-dessus, déterminer également la partie de ce montant qui sera considérée comme payée si SKW paye son amende. Dans ce contexte, le Tribunal doit également examiner les moyens et arguments soulevés par les requérantes qui tendent à obtenir que cette partie soit la plus importante possible.

265    Il s’ensuit que le troisième chef de conclusions du recours, tout comme le deuxième, tend à obtenir du Tribunal qu’il exerce sa compétence de pleine juridiction dans un sens déterminé, favorable aux requérantes, c’est-à-dire qu’il augmente la partie de l’amende infligée à ces dernières qui sera considérée comme payée si SKW s’acquitte de l’amende qui lui a été infligée par la Commission. C’est ainsi qu’il convient de comprendre ce chef de conclusions du recours et il est évident qu’un tel chef de conclusions ne tend pas à ce que le Tribunal adresse à la Commission une injonction, comme le fait valoir à tort cette dernière.

266    Ce chef de conclusions ne tend pas non plus à ce que le Tribunal augmente le montant de l’amende infligée à SKW par la décision attaquée ou, plus généralement, qu’il modifie d’une quelconque manière les termes de cette amende. Cela est d’autant plus le cas que le montant de l’amende infligée à SKW par la décision attaquée est largement supérieur au montant de l’amende infligée aux requérantes et que par son arrêt de ce jour, SKW Stahl-Metallurgie Holding et SKW Stahl-Metallurgie/Commission (T‑384/09, non publié au Recueil), le Tribunal a rejeté le recours formé, notamment, par SKW contre la décision attaquée et a maintenu en l’état le montant de l’amende infligée à cette dernière. Il s’ensuit qu’une augmentation du montant de l’amende infligée à SKW, à supposer que les requérantes eussent été recevables à la solliciter, ne leur apporterait aucun bénéfice et n’est pas nécessaire pour faire droit au troisième chef de conclusions. Partant, ce dernier chef de conclusions ne saurait, dans les circonstances de l’espèce, être interprété en ce sens qu’il vise une telle augmentation.

267    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième chef de conclusions du recours est recevable.

268    Par ailleurs, il convient de constater que, eu égard aux considérations figurant au point 266 ci‑dessus, les requérantes n’ont aucun intérêt à faire valoir l’argument résumé au point 250 ci‑dessus.

269    En effet, à supposer même que, comme le font valoir les requérantes, elles ne sauraient former une action récursoire contre SKW pour la récupération des sommes versées à la Commission au titre de l’amende qui leur a été infligée qu’à concurrence du montant de l’amende infligée à SKW, ce dernier montant est suffisant, dans la mesure où il est largement supérieur à celui de l’amende infligée aux requérantes par la décision attaquée (au total, 4,68 millions d’euros). De surcroît, il convient, dans l’exercice de la compétence de pleine juridiction du Tribunal, de réduire encore ce dernier montant (voir points 285 à 287 ci-après). Partant, cet argument doit être écarté.

 Sur le fond

270    S’agissant du grief des requérantes tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, résumé au point 249 ci‑dessus, il convient de relever que la Commission a expliqué dans ses écrits que la partie de l’amende infligée aux requérantes pour le paiement de laquelle SKW n’était pas solidairement responsable avec elles [3,64 millions d’euros ; voir article 2, sous h), de la décision attaquée] correspond, d’une part, à la majoration de l’amende au regard de la circonstance aggravante de la récidive, retenue à leur égard, et, d’autre part, au droit d’entrée (voir point 216 ci‑dessus), qui fait partie du montant de base de l’amende.

271    En ce qui concerne, en premier lieu, la majoration de l’amende au titre de la récidive, il y a lieu de relever que, si l’unité du comportement d’une entreprise sur le marché justifie que, en cas d’une infraction aux règles de la concurrence, les différentes sociétés ayant fait partie de l’entreprise pendant la durée de l’infraction soient, en principe, toutes tenues pour solidairement responsables pour le paiement du même montant de l’amende, une exception doit être admise dans l’hypothèse de circonstances aggravantes ou atténuantes et, plus généralement, de circonstances justifiant une modulation du montant de l’amende qui ne seraient présentes qu’à l’égard de certaines d’entre elles et non des autres. Partant, une entité à l’égard de laquelle la circonstance aggravante de la récidive n’a pas été retenue ne peut pas être tenue pour solidairement responsable, avec une autre entité à l’égard de laquelle cette circonstance a été retenue, de la partie de l’amende correspondant à la majoration pour récidive. Il en résulte que la première requérante, à l’égard de laquelle la circonstance aggravante liée à la récidive a été retenue à juste titre (voir les considérations exposées aux points 136 à 167 ci‑dessus), doit seule supporter la majoration pour récidive de l’amende qui lui a été infligée. En revanche, s’agissant de la seconde requérante, le grief résumé au point 270 ci-dessus doit être écarté, dès lors que, ainsi qu’il a été relevé ci‑dessus, cette circonstance aggravante ne doit pas, en tout état de cause, être retenue à son égard.

272    En second lieu, pour ce qui est du droit d’entrée, la Commission relève, en substance, que, compte tenu de la finalité de cette partie du montant de base de l’amende, telle qu’elle est exposée au paragraphe 25 des lignes directrices et qu’elle est rappelée au point 216 ci‑dessus, une société ne devrait le supporter qu’une seule fois.

273    Cette considération est correcte, mais, contrairement à ce qu’estime la Commission, elle ne signifie pas que SKW ne doit pas être tenue pour solidairement responsable, avec les requérantes, pour la partie de l’amende infligée à celles-ci qui correspond au droit d’entrée.

274    En effet, il résulte de la considération exposée au point 259 ci‑dessus que le fait de tenir SKW pour solidairement responsable, avec les requérantes, pour le paiement du droit d’entrée infligé à ces dernières ne signifie pas que SKW payera deux fois un tel droit. Il signifie uniquement que les requérantes seront libérées de leur obligation de payer l’amende qui leur a été infligée, y compris le droit d’entrée faisant partie du montant de cette amende, à concurrence des sommes éventuellement versées par SKW. Dès lors que, de surcroît, il peut être déduit de la lecture combinée des considérants 288 et 306 de la décision attaquée que le droit d’entrée compris dans le montant de l’amende infligée à SKW est supérieur à celui compris dans le montant de l’amende infligée aux requérantes, rien ne s’oppose à ce que SKW soit tenue pour solidairement responsable avec les requérantes pour le paiement de l’intégralité du droit d’entrée infligé à ces dernières.

275    Il s’ensuit que, en ce qui concerne le droit d’entrée, le grief des requérantes tiré de la violation du principe d’égalité de traitement est fondé. Il convient de tenir compte de cette conclusion lors de la détermination de la partie du montant de l’amende infligée aux requérantes qui sera considérée comme payée si SKW s’acquitte de l’amende qui lui a été infligée par la décision attaquée.

 Sur le grief tiré de l’arrêt Siemens

276    En dernier lieu, il y a lieu de relever que, dans leur demande d’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure, évoquée au point 8 supra, les requérantes ont évoqué l’arrêt Siemens, point 8 supra (points 153 à 158), et, dans ce contexte, elles ont, notamment, soutenu qu’il ressort de cet arrêt que la Commission aurait dû déterminer les quotes‑parts de l’amende infligée solidairement à elles‑mêmes et à SKW revenant à chacune d’entre elles.

277    Interrogées, lors de l’audience, quant à la question de savoir si cette argumentation devait être considérée comme constituant un moyen nouveau ou si elle se rattachait à un grief déjà soulevé dans la requête, elles ont répondu qu’elle se rattachait à l’argumentation avancée à l’appui du troisième chef de conclusions. Selon elles, les considérations de l’arrêt Siemens, point 8 supra, qu’elles avaient invoquées étayent leur argument selon lequel l’étendue de la responsabilité solidaire de SKW pour le paiement de l’amende qui leur a été infligée exerçait également une influence sur leur possibilité de former une action récursoire contre SKW.

278    Pour sa part, la Commission a soutenu qu’il s’agissait d’un moyen nouveau, non fondé sur des éléments révélés en cours d’instance et, partant, irrecevable.

279    Si, comme les requérantes l’ont fait valoir lors de l’audience, cette argumentation n’est avancée que pour étayer le troisième chef de conclusions, elle est inopérante. Il a déjà été relevé qu’il convenait de faire droit au troisième chef de conclusions, sauf en ce qu’il vise la partie de l’amende de la première requérante qui correspond à la majoration pour récidive. Rien dans l’arrêt Siemens, point 8 supra, ne saurait remettre en cause les considérations exposées au point 271 ci‑dessus pour justifier le rejet de cette partie de l’argumentation des requérantes.

280    En revanche, dans l’hypothèse où cette argumentation devrait être comprise en ce sens que les requérantes demandent l’annulation de la décision attaquée en ce que la Commission n’a pas procédé, dans cette décision, à la détermination des quotes‑parts de l’amende infligée solidairement à elles-mêmes et à SKW revenant à chacune d’entre elles, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du Tribunal du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T‑345/05, Rec. p. II‑2849, point 85, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, un arrêt qui n’a fait que confirmer une situation de droit que le requérant connaissait, en principe, au moment où il a introduit son recours ne saurait être considéré comme un élément nouveau permettant la production d’un moyen nouveau (arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, T. Port/Conseil, T‑2/99, Rec. p. II‑2093, point 57 ; Banatrading/Conseil, T‑3/99, Rec. p. II‑2123, point 49, et du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, non encore publié au Recueil, point 44).

281    En l’espèce, le nouveau moyen soulevé par les requérantes ne saurait être considéré comme se fondant sur un élément révélé pendant la procédure. Il résulte de la jurisprudence citée au point 280 ci‑dessus que l’arrêt Siemens, point 8 supra, ne constitue pas un tel élément. Par conséquent, ledit moyen est irrecevable.

282    En tout état de cause, quand bien même les conditions justifiant la production d’un moyen nouveau en cours d’instance, prévues à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, seraient remplies, ce moyen devrait être rejeté comme irrecevable, car non conforme aux exigences prévues à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

283    En vertu de ces dispositions, toute requête doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués. Indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et la jurisprudence citée).

284    Ces exigences doivent également être respectées lorsque les conditions justifiant, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production, en cours d’instance, d’un moyen nouveau sont remplies. Cette dernière disposition peut justifier la production tardive d’un moyen, lequel, toutefois, doit être exposé de manière conforme à la jurisprudence citée au point 283 ci‑dessus (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Lacruz Bassols/Cour de justice, T‑109/92, RecFP p. I‑A‑31 et II‑105, point 67).

285    Or, en l’espèce, les requérantes n’ont pas indiqué les éléments de fait et de droit sur la base desquels la Commission aurait dû procéder à une telle répartition ni même quelle aurait dû être, selon elles, la répartition appropriée. Il y a lieu de relever que le seul renvoi à l’arrêt Siemens, point 8 supra, est manifestement insuffisant à cet égard. En effet, il ne ressort pas de cet arrêt, qui, au demeurant, a été frappé de plusieurs pourvois qui sont encore pendants devant la Cour de justice, que, dans tous les cas où la Commission inflige une amende pour violation des règles de la concurrence solidairement à plusieurs entités, elle doit procéder à la répartition des quotes-parts internes respectives de chacune d’entre elles dans le montant de l’amende. Au contraire, le Tribunal a considéré que, faute d’indication contraire dans la décision par laquelle la Commission inflige une amende à payer solidairement à plusieurs sociétés en raison du comportement infractionnel d’une entreprise, celle-ci leur impute, à responsabilité égale, ledit comportement (arrêt Siemens, point 8 supra, point 158).

286    La circonstance que les requérantes ont également demandé au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction à l’égard du montant de l’amende qui leur a été infligée ne saurait conduire à une conclusion différente. À supposer même que la détermination de la quote-part interne dans le montant de l’amende, de chaque codébiteur condamné solidairement au paiement d’une amende fasse partie de la compétence de pleine juridiction du Tribunal en matière d’amendes, il importe de rappeler que l’exercice de cette compétence n’équivaut pas à un contrôle d’office (voir point 166 ci‑dessus) et de relever que les requérantes sont restées en défaut de formuler des griefs précis à l’égard de la répartition interne du montant de l’amende qui leur a été infligée solidairement avec SKW et de démontrer leur bien-fondé.

 Sur la fixation du montant de l’amende

287    Il y a lieu de rappeler que la Commission a déterminé le montant de base de l’amende infligée à 17 % de la valeur des ventes en relation avec l’infraction retenue à leur égard (considérants 301 et 306 de la décision attaquée), multiplié par 1,5. Ce dernier multiplicateur reflète le droit d’entrée (1) plus le multiplicateur relatif à la durée de l’infraction (0,5).

288    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 236 ci‑dessus, le multiplicateur qui doit être retenu au titre de la durée de l’infraction est de 1/3. Il convient, dès lors, de diminuer le montant de départ mentionné, à l’égard des requérantes, au considérant 308 de la décision attaquée (3,9 millions d’euros) et de retenir, ainsi, un montant de départ de 3,47 millions d’euros. Ainsi qu’il a été relevé au point 211 ci-dessus, ce montant de départ doit être réduit de 28 % au titre de la coopération des requérantes et être porté à 2,49 millions d’euros. Il convient, en outre, de préciser que cette partie de l’amende infligée aux requérantes doit être considérée comme payée à concurrence des sommes éventuellement payées par SKW pour s’acquitter de l’amende qui lui a été infligée par la décision attaquée.

289    En outre, le montant de l’amende à infliger à la première requérante doit être majoré de 50 % au titre de la récidive (voir point 167 ci‑dessus). Le montant de 1,24 million d’euros résultant de cette augmentation doit être supporté par la seule première requérante, une augmentation analogue n’étant pas justifiée à l’égard de la seconde requérante (voir point 156 ci‑dessus). Par ailleurs, la responsabilité de la première requérante pour le paiement de cette partie de l’amende qui lui est infligée n’est pas affectée par les paiements éventuellement effectués par SKW pour s’acquitter de l’amende qui lui a été infligée.

 Sur les dépens

290    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

291    Le recours n’ayant été que partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que les requérantes supporteront deux tiers de leurs propres dépens ainsi que deux tiers de ceux de la Commission. La Commission supportera un tiers de ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par les requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 2, sous g) et h), de la décision C (2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier), est annulé en ce qu’il vise, Evonik Degussa GmbH et AlzChem AG, étant toutefois précisé que cette annulation n’affecte pas l’effet libératoire de tout paiement, par l’une ou l’autre de ces deux sociétés, au titre de l’amende qui leur est infligée solidairement pour l’infraction constatée à l’article 1er, sous f), de ladite décision, à l’égard de SKW Stahl‑Technik GmbH & Co. KG, et de l’amende qui a été infligée à cette dernière à l’article 2, sous g), de la même décision.

2)      Pour l’infraction constatée à l’égard d’Evonik Degussa et d’AlzChem à l’article 1er, sous f), de la décision C (2009) 5791 final, les amendes suivantes sont infligées :

–        à Evonik Degussa et AlzChem solidairement : 2,49 millions d’euros, étant précisé qu’il sera considéré qu’Evonik Degussa et AlzChem se sont acquittées de cette amende à concurrence des sommes versées par SKW Stahl‑Technik au titre de l’amende qui lui a été infligée à l’article 2, sous f) et g), de la même décision ;

–        à Evonik Degussa, seule responsable pour le paiement de cette amende, 1,24 million d’euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Evonik Degussa et AlzChem supporteront deux tiers de leurs propres dépens ainsi que deux tiers de ceux de la Commission européenne. La Commission supportera un tiers de ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par Evonik Degussa et AlzChem.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 janvier 2014.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur l’imputation aux requérantes de la responsabilité de l’infraction commise par SKW

Rappel de la jurisprudence pertinente

Sur l’interprétation prétendument erronée de la notion d’unité économique

Sur l’application prétendument erronée de la notion d’unité économique

Sur l’exercice par les requérantes d’une influence déterminante sur SKW

– Sur la violation de l’obligation de motivation

– Sur le renversement de la présomption capitalistique

Sur le montant de l’amende

Sur le montant de base de l’amende

Sur la récidive

Sur l’omission de la Commission de retenir des circonstances atténuantes à l’égard des requérantes

Sur la violation de la communication sur la clémence

Sur la violation du principe de proportionnalité

– Sur la durée de l’infraction

– Sur l’absence de bénéfice tiré de l’entente

Sur la responsabilité solidaire de SKW pour le paiement de l’amende infligée aux requérantes

Considérations liminaires

Décision attaquée

– Arguments des parties

Sur la recevabilité

Sur le fond

Sur le grief tiré de l’arrêt Siemens

Sur la fixation du montant de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.