Language of document : ECLI:EU:C:2011:14

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 13 janvier 2011 (1)

Affaire C‑530/09

Inter-Mark Group sp. z o.o., sp. komandytowa w Poznaniu

contre

Minister Finansów

[demande de décision préjudicielle formée par le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Poznaniu (Pologne)]

«Directive 2006/112/CE – TVA – Prestations de services – Détermination du lieu de rattachement fiscal – Service de fourniture temporaire de stands de foire»





1.        Le présent renvoi préjudiciel porte sur la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (2), et plus particulièrement sur la détermination du lieu d’une prestation de services ayant pour objet la fourniture temporaire de stands de foire.

2.        La juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour de dire pour droit si une prestation de services consistant en la mise à disposition temporaire de stands lors de foires ou d’expositions est une prestation de publicité au sens de l’article 56, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 imposable à l’endroit où le preneur est établi, ou bien si ce genre de prestation relève de l’article 52, sous a), de cette directive, applicable aux activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, ainsi qu’aux prestations de services qui leur sont accessoires, et est, dès lors, imposable à l’endroit où la prestation est matériellement exécutée.

3.        Dans les présentes conclusions, nous indiquerons les raisons pour lesquelles nous estimons que l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que la prestation de services qui consiste en la mise à disposition temporaire de stands de foire à des exposants est une prestation accessoire aux activités de foires et d’expositions et relève, ainsi, de cette disposition.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

4.        La sixième directive 77/388/CEE (3) ayant été modifiée à plusieurs reprises et de manière substantielle, la directive 2006/112 procède à sa refonte.

5.        L’article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/112 indique que le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services.

6.        Le principe fondamental qui gouverne le système commun de TVA est donc la taxation au lieu de la consommation effective (4), permettant ainsi de s’assurer que les recettes provenant de cette TVA parviennent à l’État membre où la consommation finale d’un bien ou d’un service a lieu.

7.        Dès lors, la détermination du lieu de consommation joue un rôle prépondérant, puisque l’attribution de la TVA à l’État membre de consommation en dépend.

8.        Afin de rendre possible l’application de ce principe et d’éviter les conflits de compétence entre les États membres (5) ainsi que la double imposition ou la non-imposition, le législateur de l’Union a instauré, concernant les prestations de services, un règle générale et des règles particulières applicables selon la nature du service fourni.

9.        Ainsi, l’article 43 de la directive 2006/112 prévoit que le lieu d’une prestation de services est l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable à partir duquel la prestation de services est fournie ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.

10.      Concernant les activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, y compris les prestations de services des organisateurs de telles activités ainsi que, le cas échéant, les prestations de services accessoires à ces activités, l’article 52, sous a), de cette directive indique que le lieu de telles prestations est l’endroit où la prestation est matériellement exécutée.

11.      Enfin, l’article 56, paragraphe 1, sous b), de ladite directive prévoit que le lieu des prestations de publicité, fournies à des preneurs établis en dehors de la Communauté européenne ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors de l’État membre du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable pour lequel la prestation de services a été fournie ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.

B –    Le droit national

12.      L’article 27, paragraphe 2, point 3, sous a), de la loi du 11 mars 2004 relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Ustawa z dnia 11 marca 2004r. o podatku od towarów i usług) (6) prévoit que le lieu des prestations de services ayant pour objet des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, et des prestations similaires, comme les foires et les expositions, ainsi que des prestations de services accessoires à ces activités, est l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées.

13.      L’article 27, paragraphe 3, de cette loi indique que, lorsque les prestations visées à l’article 27, paragraphe 4, de celle-ci sont fournies aux personnes physiques et morales ainsi qu’aux entités organisationnelles ne jouissant pas de la personnalité juridique, dont le siège ou le domicile est établi sur le territoire d’un État tiers, ou aux assujettis dont le siège ou le domicile est établi sur le territoire de la Communauté mais dans un État autre que celui du prestataire de services, le lieu de prestation de ces services est l’endroit où le preneur de services a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.

14.      Cette disposition, conformément à l’article 27, paragraphe 4, point 2, de ladite loi, s’applique, notamment, aux prestations de publicité.

II – Les faits et le litige au principal

15.      Inter-Mark Group sp. z o.o., sp. komandytowa w Poznaniu (ci-après «Inter-Mark») est immatriculée en Pologne en tant qu’assujettie à la TVA. L’activité qu’elle souhaite exercer consiste en la mise à disposition temporaire de stands lors de foires et d’expositions pour des exposants, principalement non nationaux, qui présentent leurs produits et leurs services au cours de ces manifestations. Ces foires et ces expositions seront situées aussi bien sur le territoire polonais que sur le territoire d’autres États membres et d’États tiers.

16.      La juridiction de renvoi précise, dans sa demande, que cette mise à disposition de stands est généralement précédée de l’élaboration d’un projet et de la visualisation du stand. Elle indique, également, qu’Inter-Mark est susceptible, dans le cadre de son activité, de s’occuper du transport des éléments de ce stand, ainsi que du montage de celui-ci sur le lieu de l’organisation de la foire ou de l’exposition.

17.      Afin de connaître le montant de la TVA à laquelle son activité sera soumise, Inter-Mark a, par une lettre du 11 février 2009, sollicité une interprétation des dispositions de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée auprès du Dyrektor Izby Skarbowej w Poznaniu (directeur de la chambre fiscale de Poznań).

18.      Par une lettre du 4 mai 2009, ce dernier a indiqué que, dans le cadre d’activités telles que celles d’Inter-Mark, le lieu des prestations de services est, conformément à l’article 27, paragraphe 2, point 3, sous a), de cette loi, le lieu où ces prestations sont matériellement exécutées. En effet, il a estimé que, contrairement à ce que soutenait Inter-Mark, ces activités ne constituaient pas une forme de communication persuasive et ne pouvaient donc pas être considérées comme des prestations de publicité.

19.      Inter-Mark a demandé au Dyrektor Izby Skarbowej w Poznaniu de revenir sur sa décision. Ce dernier, par une lettre du 12 juin 2009, a confirmé sa position.

20.      Estimant que les services qu’elle propose doivent être considérés comme des prestations de publicité, Inter-Mark a intenté un recours à l’encontre de la décision du 4 mai 2009 devant la juridiction de renvoi.

III – Les questions préjudicielles

21.      Le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Poznaniu (Pologne), éprouvant des doutes quant à l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les dispositions de l’article 52, sous a), de la directive 2006/112[…] doivent-elles être interprétées en ce sens que les prestations de services consistant en la mise à disposition temporaire de stands d’expositions et de foires pour des clients qui présentent leur offre sur des foires et expositions relèvent des prestations de services – mentionnées par ces dispositions – accessoires aux prestations d’organisation de foires et d’expositions, c’est-à-dire des prestations similaires aux activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement, qui sont taxées au lieu où elles sont matériellement exécutées?

2)      Ou bien convient-il de considérer qu’il s’agit de prestations de publicité taxées au lieu où le preneur a établi de façon stable le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable pour lequel la prestation de services a été fournie ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle, en application de l’article 56, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112,

–        étant entendu que ces prestations de services ont pour objet la mise à disposition temporaire de stands pour des clients présentant leur offre sur des foires et des expositions, impliquant habituellement au préalable l’élaboration d’un projet et la visualisation du stand et, éventuellement, le transport des éléments du stand et le montage de celui-ci sur le lieu d’organisation des foires ou des expositions, et que les clients du prestataire, qui présentent leurs produits ou services, versent séparément à l’organisateur de la manifestation une redevance pour la simple possibilité de participer à ces foires ou expositions, qui couvre les frais relatifs aux services et aux fournitures d’utilité générale, à l’infrastructure de la foire, au service de communication aux médias, etc.?

Chaque exposant est responsable personnellement de l’agencement et de la construction de son propre stand et a recours à cet égard aux prestations de services litigieuses nécessitant une interprétation.

Pour l’accès aux foires et aux expositions, les organisateurs demandent aux visiteurs de verser des droits d’entrée, qui reviennent à l’organisateur de la manifestation et non au prestataire de services.»

IV – Notre analyse

22.      Avant d’entamer notre analyse, il nous paraît opportun de faire la remarque suivante.

23.      L’affaire au principal a pour origine un litige entre Inter-Mark et le Dyrektor Izby Skarbowej w Poznaniu au sujet de l’avis rendu par ce dernier concernant l’imposition future des activités d’Inter-Mark. Au moment où la juridiction de renvoi pose ses questions préjudicielles à la Cour, aucune opération imposable n’a donc encore été réalisée. Il pourrait, dès lors, être reproché à la Cour de statuer sur un problème de nature hypothétique.

24.      Cependant, une telle circonstance n’est pas de nature, selon nous, à remettre en cause la recevabilité desdites questions, recevabilité qui n’est, d’ailleurs, pas contestée par les parties.

25.      En effet, il existe bien un litige réel devant la juridiction nationale, puisqu’Inter-Mark a introduit un recours à l’encontre de l’avis préalable rendu par le Dyrektor Izby Skarbowej w Poznaniu, cherchant ainsi à faire contrôler, par une juridiction, la légalité de cet avis, de sorte que la Cour dispose d’informations suffisantes sur la situation faisant l’objet du litige au principal lui permettant d’interpréter les règles de droit de l’Union (7).

26.      Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi demande donc, en substance, si la mise à disposition temporaire de stands de foire ou d’exposition à des exposants constitue une prestation de publicité imposable au lieu d’établissement du preneur ou bien si ce genre de prestation relève des prestations de services culturels, artistiques, sportifs, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, et serait imposable à l’endroit où a lieu la foire ou l’exposition.

27.      Pour les raisons que nous exposerons ci-après, nous sommes d’avis que la mise à disposition de stands de foire ou d’exposition à des exposants constitue une prestation de services accessoire aux activités de foires et d’expositions, imposable au lieu où elle est matériellement exécutée.

28.      Certes, dans l’arrêt du 5 juin 2003, Design Concept (8), la Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la problématique à laquelle nous sommes confronté. Dans cet arrêt, elle est partie de la prémisse selon laquelle les prestations consistant en la construction de stands, leur nettoyage et la mise à disposition de personnel pour le transport de matériel sont des prestations de publicité.

29.      Toutefois, ledit arrêt ne nous paraît pas déterminant pour la question qui nous est posée, et ce pour les deux raisons suivantes.

30.      En premier lieu, la Cour a accepté la qualification de la juridiction de renvoi qui avait considéré que ces prestations étaient, a priori, des prestations de publicité. Elle a, en effet, expliqué que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (9). La juridiction nationale, dans cette affaire, ayant considéré que les prestations en cause étaient, a priori, des prestations de publicité, la Cour s’était donc refusée à toute modification de qualification de ces prestations (10).

31.      Cependant, en second lieu, elle a indiqué que la notion de prestations de publicité est une notion autonome de droit de l’Union et qu’il appartiendra à la juridiction nationale, le cas échéant, de vérifier la qualification des services concernés à la lumière de la jurisprudence de la Cour (11).

32.      Dès lors, il ne saurait être déduit de l’arrêt Design Concept, précité, que la fourniture temporaire de stands à l’occasion d’une foire ou d’une exposition est une prestation de publicité, au sens de l’article 56, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112.

33.      Par ailleurs, la Cour, dans l’arrêt du 9 mars 2006, Gillan Beach (12), a abouti à une qualification différente de ce type de prestation de services.

34.      Cette affaire avait pour cadre factuel une société, Gillan Beach Ltd, qui avait organisé deux salons nautiques en France et avait fourni aux exposants des prestations globales comprenant, notamment, l’aménagement et la mise à disposition de stands et de moyens de communication. La question qui se posait au principal était celle de savoir si une telle activité relevait de l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la sixième directive [article 52, sous a), de la directive 2006/112] en tant qu’activité similaire aux activités visées à cette disposition.

35.      La Cour a, d’abord, indiqué que le législateur de l’Union avait considéré que, dans la mesure où le prestataire fournit ses services dans l’État dans lequel de telles prestations sont matériellement exécutées et que l’organisateur de la manifestation perçoit dans ce même État la TVA acquittée par le consommateur final, la TVA ayant pour assiette l’ensemble des prestations dont le coût entre dans le prix de la prestation globale payée par ce consommateur devait être versée à cet État et non à celui dans lequel le prestataire a établi le siège de son activité économique (13).

36.      La Cour a, ensuite, expliqué qu’un salon ou une foire visent à fournir, à une pluralité de destinataires, en principe dans un lieu unique et de manière ponctuelle, diverses prestations à caractère complexe dans le but, notamment, de présenter des informations, des biens ou des événements dans des conditions de nature à promouvoir ceux-ci auprès des visiteurs (14).

37.      Elle a alors jugé que la prestation globale fournie aux exposants par un organisateur de foire ou de salon, en l’occurrence l’aménagement et la mise à disposition de stands et de moyens de communication, l’accueil par des hôtesses, ainsi que la location et la surveillance des lieux d’amarrage des bateaux exposés, doit être considérée comme étant au nombre de celles qui sont visées à l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la sixième directive (15).

38.      La différence entre l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et la présente affaire réside dans le fait qu’Inter-Mark n’est pas l’organisateur des foires ou des expositions et qu’elle ne fournit pas non plus ses services à l’organisateur de ces foires ou de ces expositions. Les prestations de services d’Inter-Mark consistent en la fourniture temporaire de stands aux seuls exposants à l’occasion de foires ou d’expositions.

39.      Pour cette raison, la Commission européenne considère que l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 n’est pas applicable dans la présente affaire. Elle estime que, puisque les coûts de la prestation de fourniture de stands aux exposants n’entrent pas dans le prix de la prestation globale de services d’exposition fournie par l’organisateur du salon, les prestations de services proposées par Inter-Mark ne peuvent pas être taxées sur le lieu de leur exécution (16). Selon la Commission, conformément au dix-septième considérant de cette directive, qui indique qu’il convient de fixer le lieu des prestations de services dans l’État membre du preneur, notamment pour certaines prestations de services effectuées entre assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens, c’est ce critère qui doit être pris en considération pour déterminer le lieu de rattachement fiscal pour les prestations de services visées aux articles 44 à 59 de ladite directive (17) et il ne serait pas rempli dans la présente affaire.

40.      La qualité du prestataire de services jouerait donc un rôle déterminant dans l’application de l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 aux prestations de services.

41.      Nous ne partageons par l’avis de la Commission, et ce pour les motifs suivants.

42.      Tout d’abord, dans l’arrêt du 7 octobre 2010, Kronospan Mielec (18), la Cour a indiqué qu’il résulte de l’utilisation de l’adverbe «notamment», au septième considérant de la sixième directive (dix-septième considérant de la directive 2006/112), que le champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive (article 52 de la directive 2006/112) n’est pas limité aux prestations de services entre assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens (19). Elle a ajouté que la sixième directive ne comporte aucune indication permettant de conclure que le fait que le preneur intègre les coûts des prestations de services de manière non pas directe, mais indirecte, dans le prix des biens et des services qu’il propose est pertinent aux fins de déterminer si une prestation de services relève du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de l’article 9 de la sixième directive (20).

43.      Dès lors, le fait que le coût de la prestation entre ou non dans le prix des biens n’est pas déterminant, à notre avis, aux fins de l’application de l’article 52, sous a), de la directive 2006/112.

44.      Ensuite, le libellé de cette disposition démontre, selon nous, qu’elle vise aussi bien les organisateurs de telles activités que les prestataires qui n’organisent pas ces activités.

45.      En effet, ladite disposition vise les prestations de services ayant pour objet les activités qui y sont énumérées, «y compris [les prestations de services] des organisateurs de telles activités» (21). Selon nous, l’utilisation de l’expression «y compris» indique que le législateur de l’Union entendait préciser que ces prestations de services incluent également les prestations de services fournies par les organisateurs, en plus de celles fournies par les autres prestataires, du moment que ces prestations ont pour objet les activités qui sont énumérées à l’article 52, sous a), de la directive 2006/112.

46.      Il nous semble, à cet égard, que, si le législateur de l’Union a pris soin de soumettre les prestations de services ayant pour objet une activité artistique, culturelle ou autres à une règle différente de la règle générale en ce qui concerne la détermination du lieu de taxation, ce n’est pas tant pour la qualité du prestataire que pour la nature des prestations qu’il propose. En effet, il ressort du libellé de l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 que c’est l’objet des prestations de services qui détermine l’application ou non de cette disposition à une prestation de services donnée. Ainsi, pour que ladite disposition soit applicable, l’activité exercée par le prestataire de services doit faire partie de celles qui y sont énumérées.

47.      Cette constatation est, à notre avis, corroborée par l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive fournie par la Cour dans l’arrêt Gillan Beach, précité. En effet, la Cour, afin de déterminer si les prestations en cause dans cette affaire relèvent de cet article, s’attache à l’objet de l’activité et non à la qualité du prestataire. Ainsi, elle indique qu’une activité doit être considérée comme similaire, au sens dudit article, lorsqu’elle comporte des caractéristiques qui sont également présentes dans les autres catégories d’activités qui y sont énumérées et qui justifient que ces activités relèvent de cette disposition (22).

48.      La Cour poursuit en précisant que les prestations de services ayant pour objet de telles activités ont un caractère complexe, puisqu’elles comprennent plusieurs services et qu’elles sont normalement fournies à une pluralité de destinataires, à savoir l’ensemble des personnes participant, à divers titres, à des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement ou de divertissement (23). Elle a ajouté que de telles prestations ont également pour caractéristique commune d’être généralement fournies à l’occasion de manifestations ponctuelles et le lieu où elles sont matériellement exécutées est, en principe, facile à identifier, puisque ces manifestations se déroulent dans un endroit précis (24).

49.      Nous voyons bien que l’application de l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 à une prestation de services dépend non pas de la qualité de celui qui la fournit, mais de l’objet même de cette prestation.

50.      Nous retrouvons, d’ailleurs, cette approche dans l’arrêt du 26 septembre 1996, Dudda (25). En effet, dans cet arrêt, la Cour a indiqué, concernant les prestations de services accessoires aux activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, qu’il s’agit de prestations qui sont accessoires à l’activité principale vue objectivement, indépendamment de la personne qui les effectue (26). Elle a ajouté que cette interprétation est corroborée par le libellé de l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la sixième directive, qui fait état de prestations de services accessoires aux activités notamment artistiques ou de divertissement, sans comporter d’indication relative aux personnes qui exercent ces activités (27).

51.      Cette analyse se justifie par le fait que la logique qui sous-tend l’article 52 de la directive 2006/112 veut que l’imposition s’effectue dans la mesure du possible au lieu où les services qui y sont énumérés sont consommés (28). Or, pour toutes ces catégories de services, le lieu où les prestations sont matériellement exécutées est, en principe, facile à identifier (29). Dès lors, l’élément déterminant qui permet une taxation au plus proche du lieu de la consommation effective est non pas l’identité du prestataire, mais l’objet même de la prestation de services qui va rendre possible une identification facile du lieu où la prestation est exécutée.

52.      Concernant l’objet même des prestations de services en cause dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi se demande si ces prestations ne peuvent pas être qualifiées de prestations de publicité au sens de l’article 56, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, imposables au lieu où le preneur a établi le siège de son activité économique.

53.      Les doutes de la juridiction de renvoi sont liés au fait que les prestations fournies par Inter-Mark prennent en compte les exigences individuelles de ses clients, en particulier en ce qui concerne l’aspect extérieur et les fonctionnalités du stand. Dès lors, l’aménagement des stands aurait pour but de susciter l’intérêt des acheteurs potentiels et deviendrait un élément d’une opération de promotion pour les produits ou les services offerts par l’exposant. En cela, ces prestations se rapprocheraient des prestations de publicité.

54.      À cet égard, la Commission considère que l’apparence et l’aménagement du stand peuvent augmenter considérablement l’effet de promotion des produits proposés par l’exposant (30). Elle estime donc que la fourniture de stands personnalisés, c’est-à-dire conçus spécialement pour un exposant donné et indissociables de l’image de la société exposante, peut être reconnue comme une prestation de publicité (31).

55.      La notion de prestations de publicité a été définie dans l’arrêt du 17 novembre 1993, Commission/France (32). Dans cet arrêt, la Cour a indiqué que la notion de publicité comporte nécessairement la diffusion d’un message destiné à informer les consommateurs de l’existence et des qualités d’un produit ou d’un service, dans le but d’en augmenter les ventes (33). Elle a également précisé que la diffusion de ce message peut être réalisée par l’utilisation d’autres moyens que la parole, les écrits, les images, la presse ou les médias (34).

56.      La Cour a ajouté que la qualité du prestataire n’est pas une condition indispensable à la qualification de prestation de publicité et qu’il suffit qu’une action de promotion, telles la vente de marchandises à prix réduit, la distribution aux consommateurs de biens meubles corporels vendus au preneur par une agence de publicité, la prestation de services à prix réduit ou à titre gratuit, ou l’organisation d’un cocktail ou d’un banquet, comporte la transmission d’un message destiné à informer le public de l’existence et des qualités du produit ou du service faisant l’objet de cette action, dans le but d’en augmenter les ventes, pour que l’on puisse la qualifier de prestation de publicité (35).

57.      Il en est de même pour toute opération qui fait indissociablement partie d’une campagne publicitaire et qui concourt, de ce fait, à la transmission du message publicitaire (36).

58.      S’il est vrai que l’aménagement d’un stand par un prestataire de services contribue à mettre en valeur le produit de l’exposant et doit donc être attractif, nous ne pensons pas pour autant que cette prestation devrait être qualifiée de prestation de publicité au sens de l’article 56, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112.

59.      Certes, la simple fourniture de stands à l’occasion d’une foire ne constitue pas l’activité de foire elle-même. Cependant, le stand est l’élément matériel indispensable à la réalisation de cette activité. La fourniture de stands n’a donc pas d’autre but, selon nous, que celui d’offrir la possibilité matérielle de participer à la foire en permettant à l’exposant de présenter ses produits.

60.      En cela, la fourniture de stands par un prestataire autre que l’organisateur de la foire ou de l’exposition est une prestation accessoire à l’activité d’organisation de cette foire ou de cette exposition, puisqu’elle constitue une condition nécessaire à la réalisation de cette activité (37).

61.      Le fait qu’Inter-Mark propose de personnaliser l’aménagement du stand n’est pas de nature, selon nous, à remettre en cause cette qualification. Contrairement à ce que semble avancer la Commission, nous ne pensons pas que, pour être rattachés aux catégories énumérées à l’article 52, sous a), de la directive 2006/112, les stands fournis par le prestataire doivent être des modèles uniformes et non pas aménagés selon les exigences de chaque exposant (38).

62.      Nous concevons sans difficulté que, selon la nature des produits ou des services proposés par l’exposant et selon les exigences de ses clients, Inter-Mark devra adapter le stand et aménager celui-ci en conséquence. Par exemple, un exposant qui propose des livres aux visiteurs aura besoin d’un stand équipé de présentoirs adaptés pour les livres, tandis qu’un exposant qui propose du vin devra être équipé, notamment, de tables et de chaises pour la dégustation.

63.      Promouvoir les produits présentés par les exposants auprès des visiteurs est l’objectif même de l’activité de foire (39) et l’aménagement des stands contribue sans nul doute à réaliser cet objectif. Cependant, selon la jurisprudence de la Cour susmentionnée, une prestation de publicité doit avoir pour but de faire passer un message informant les visiteurs de la qualité des produits et des services proposés par les exposants.

64.      D’après les éléments qui ressortent du dossier, cela ne semble pas être le cas dans l’affaire au principal, le juge de renvoi indiquant simplement qu’Inter-Mark prend en compte les exigences individuelles de ses clients, en particulier en ce qui concerne l’aspect extérieur et les fonctionnalités du stand, et peut fournir le transport et le montage des éléments du stand sur le lieu de la manifestation (40).

65.      Par conséquent, compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, nous sommes d’avis que l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que la prestation de services qui consiste en la mise à disposition temporaire de stands de foire à des exposants est une prestation accessoire aux activités de foires et d’expositions et relève, ainsi, de cette disposition.

V –    Conclusion

66.      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit au Wojewódzki Sąd Administracyjny w Poznaniu:

«L’article 52, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que la prestation de services qui consiste en la mise à disposition temporaire de stands de foire à des exposants est une prestation accessoire aux activités de foires et d’expositions et relève, ainsi, de cette disposition.»


1 – Langue originale: le français.


2 – JO L 347, p. 1.


3 – Directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).


4 – Voir troisième considérant de la directive 2008/8/CE du Conseil, du 12 février 2008, modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne le lieu des prestations de services (JO L 44, p. 11). Voir, également, point 3.1.1 de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen – Bilan et mise à jour des priorités de la stratégie TVA, du 20 octobre 2003 [COM(2003) 614 final].


5 – Voir dix-septième considérant de la directive 2006/112.


6 – Dz. U n° 54, position 535.


7 – Voir arrêt du 18 novembre 1999, X et Y (C‑200/98, Rec. p. I‑8261, points 21 et 22).


8 – C‑438/01, Rec. p. I‑5617.


9 – Point 14.


10 – Point 15.


11 – Idem.


12 – C‑114/05, Rec. p. I‑2427.


13 – Point 18 et jurisprudence citée.


14 – Point 25.


15 – Point 27. Nous précisons que, à la suite de l’arrêt Gillan Beach, précité, le législateur de l’Union a ajouté, à compter du 1er janvier 2010, les activités de foires et d’expositions à la liste des activités qui sont énumérées à l’article 52, sous a), de la directive 2006/112 (voir article 2, point 1, de la directive 2008/8).


16 – Voir points 34 à 37 des observations écrites de la Commission.


17 – Voir point 37 de ces mêmes observations.


18 – C‑222/09, non encore publié au Recueil.


19 – Point 28.


20 – Point 29.


21 – Nous soulignons.


22 – Point 22.


23 – Point 23.


24 – Point 24.


25 – C‑327/94, Rec. p. I‑4595.


26 – Points 27 et 28.


27 – Point 29.


28 – Voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, RCI Europe (C‑37/08, Rec. p. I‑7533, point 39).


29 – Voir arrêt Gillan Beach, précité (point 24)


30 – Voir point 20 des observations écrites de la Commission.


31 – Idem.


32 – C‑68/92, Rec. p. I‑5881.


33 – Point 16.


34 – Idem.


35 – Points 17 et 18.


36 – Point 19.


37 – Voir arrêt Dudda, précité (point 27).


38 – Voir points 20 et 21 des observations écrites de la Commission.


39 – Voir arrêt Gillan Beach, précité (point 25).


40 – Voir version française de la décision de renvoi, p. 3.