Language of document : ECLI:EU:F:2015:115

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

6 octobre 2015 (*)

« Fonction publique – Assistants parlementaires accrédités – Article 266 TFUE – Mesures d’exécution d’un arrêt d’annulation du Tribunal – Annulation d’une décision de licenciement – Annulation d’une décision rejetant une demande d’assistance formulée au titre de l’article 24 du statut – Étendue de l’obligation d’assistance en présence d’un commencement de preuve d’un harcèlement – Obligation pour l’AHCC de conduire une enquête administrative – Faculté pour le fonctionnaire ou l’agent d’engager une procédure judiciaire nationale – Comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes d’assistants parlementaires accrédités à l’égard de membres du Parlement – Rôle et prérogatives – Préjudices matériel et moral »

Dans l’affaire F‑132/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

CH, ancien assistant parlementaire accrédité du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes L. Levi, C. Bernard‑Glanz et A. Tymen, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes E. Taneva et M. Dean, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. R. Barents, président, E. Perillo et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, avec l’accord des parties, de statuer sans audience en application de l’article 59, paragraphe 2, du règlement de procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 17 novembre 2014, CH a introduit le présent recours tendant :

–        à l’annulation de la décision du Parlement européen du 3 mars 2014, en ce que cette institution a refusé, au titre des mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203, ci‑après l’« arrêt CH »), au sens de l’article 266 TFUE, d’ouvrir une enquête administrative visant à établir la réalité des faits, mettant en cause un membre du Parlement, tels que dénoncés dans sa demande d’assistance formulée le 22 décembre 2011 ;

–        à l’annulation de la décision du Parlement, du 2 avril 2014, en ce que, par cette décision, il a refusé de lui verser un montant de 5 686 euros correspondant à la différence de rémunération à laquelle la requérante estimait avoir droit au titre des mesures que comportait l’exécution de l’arrêt CH au sens de l’article 266 TFUE ;

–        à l’annulation de la décision du Parlement, du 4 août 2014, par laquelle le Parlement a rejeté la réclamation introduite par la requérante contre les deux décisions susmentionnées du 3 mars et du 2 avril 2014 ;

–        à la condamnation du Parlement à verser à la requérante les montants, respectivement, de 144 000 euros et de 60 000 euros, au titre de la réparation de ses préjudices matériel et moral.

 Cadre juridique

1.     Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

2        Aux termes de l’article 266 TFUE, « [l]’institution, l’organe ou l’organisme dont émane [un] acte annulé [par le juge de l’Union], ou dont l’abstention a été déclarée contraire aux traités, est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt [d’annulation] ». Cette disposition précise que « [c]ette obligation ne préjuge pas celle qui peut résulter de l’application de l’article 340, deuxième alinéa[, TFUE] », lequel prévoit que, « [e]n matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ».

2.     Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne

3        L’article 12 bis, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version applicable au litige (ci‑après le « statut ») dispose :

« Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne. »

4        L’article 24 du statut dispose :

« L’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

Elle répare solidairement les dommages subis de ce fait par le fonctionnaire dans la mesure où celui‑ci ne se trouve pas, intentionnellement ou par négligence grave, à l’origine de ces dommages et n’a pu obtenir réparation de leur auteur. »

3.     Le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne

5        Le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci‑après le « RAA »), dans sa version applicable au litige, s’applique, aux termes de son article 1er, « à tout agent engagé par contrat par l’Union » et, en particulier, à l’agent ayant la qualité d’assistant parlementaire accrédité (ci‑après l’« APA »). À cet égard, l’article 5 bis du RAA précise :

« Est considéré comme ‘[APA]’, aux fins du [RAA], la personne choisie par un ou plusieurs députés et engagée sous contrat direct avec le Parlement […] pour apporter une assistance directe, dans les locaux du Parlement […] sur l’un de ses trois lieux de travail, à ce ou à ces députés dans l’exercice de leurs fonctions de députés au Parlement […], sous leur direction et leur autorité et dans une relation de confiance mutuelle, selon la liberté de choix visée à l’article 21 de la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement […], du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement […] [(JO L 262, p. 1)]. »

6        Le RAA contient un titre VII, intitulé « Assistants parlementaires », consacré aux APA, composé des articles 125 à 139, et dont, aux termes de l’article 125, paragraphe 1, « [l]e Parlement […] adopte, par une décision interne, [l]es mesures d’application […] ».

7        L’article 127 du RAA dispose :

« Les articles 11 à 26 bis du statut s’appliquent par analogie. En se référant strictement, en particulier, à la spécificité des fonctions et des tâches des [APA] et à la confiance mutuelle qui doit caractériser la relation professionnelle entre ceux‑ci et le ou les députés au Parlement […] qu’ils assistent, les mesures d’application concernant cet aspect qui seront adoptées conformément à l’article 125, paragraphe 1, [du RAA] tiennent compte du caractère spécifique de la relation professionnelle entre les députés et leurs [APA]. »

8        L’article 128, paragraphe 2, première phrase, du RAA prévoit que l’« [APA] est choisi par le ou les députés au Parlement […] qu’il sera chargé d’assister ».

9        Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de la décision du bureau du Parlement du 14 avril 2014, adoptée au titre de l’article 125, paragraphe 1, du RAA, identique sur ce point à l’article 13, paragraphe 1, de la précédente décision du bureau du Parlement du 9 mars 2009 modifiée, l’APA est engagé par le Parlement sur demande expresse du membre ou des membres de cette institution qu’il sera chargé d’assister.

4.     La réglementation interne relative aux comités consultatifs sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail

10      Le 21 février 2006, le Parlement a adopté des « [r]ègles internes relatives au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail […] » en vue de mettre en œuvre l’article 12 bis du statut (ci‑après les « règles internes en matière de harcèlement »). Il ressort de l’article 9 de ces règles internes que tout membre du personnel de cette institution qui est confronté à un problème qui pourrait constituer un harcèlement ou qui pense qu’un problème de ce type existe dans son environnement de travail peut soumettre la question au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail (ci‑après le « comité consultatif général »), lequel est composé de six membres nommés par le secrétaire général du Parlement, dont deux sont désignés par le comité du personnel et un par le service médical de l’institution. L’article 11 des règles internes en matière de harcèlement prévoit qu’un membre du personnel qui se sent victime de harcèlement doit être reçu par le comité consultatif général dans les dix jours ouvrables suivant sa demande. Aux termes des articles 12 à 14 des règles internes en matière de harcèlement, le comité consultatif général peut, s’il l’estime souhaitable, formuler des recommandations au personnel d’encadrement en vue de résoudre le problème ; il doit, en vue d’assurer le suivi du dossier, rester en contact avec le membre du personnel concerné et, si nécessaire, avec ses supérieurs hiérarchiques ; enfin, si le problème persiste, ledit comité transmet un rapport confidentiel au secrétaire général du Parlement contenant des propositions sur l’action ou les actions à entreprendre et, lorsque cela paraît approprié, il peut lui demander des instructions pour la conduite d’une enquête détaillée.

11      Le 14 avril 2014, eu égard à la situation spécifique des APA, telle que mise en exergue par l’arrêt CH, le bureau du Parlement a adopté une réglementation interne visant à constituer un comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail compétent pour les litiges entre les APA et les membres du Parlement (ci‑après les « règles internes ‘APA' en matière de harcèlement »). Le comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail compétent pour les litiges entre les APA et les membres du Parlement (ci‑après le « comité consultatif spécial ‘APA' ») est composé de cinq membres, nommés par le président du Parlement : trois questeurs de l’institution, les questeurs du Parlement, au nombre de cinq, réunis dans un collège, étant des membres du Parlement élus par leurs pairs pour gérer les tâches administratives et financières concernant directement les parlementaires ; un membre nommé par le comité des APA visé à l’article 126, paragraphe 2, second alinéa, du RAA, tandis que le dernier, président du comité consultatif général, représente l’administration du Parlement. Le comité consultatif spécial « APA », présidé par l’un des questeurs, a pour mission principale de « prévenir et/ou de faire cesser tout harcèlement d’un APA » et de « remplir un rôle de médiation et d’information ».

12      À cet égard, en vertu de l’article 10 des règles internes « APA » en matière de harcèlement, le comité consultatif spécial « APA » est amené à transmettre, après avoir entendu les intéressés, victime et harceleur présumés, un rapport confidentiel au collège des questeurs. Ce rapport confidentiel doit contenir une description des accusations, les détails de la procédure, les conclusions du comité consultatif spécial « APA » et des propositions concernant les suites à donner, le cas échéant en demandant au collège des questeurs de charger le comité consultatif spécial « APA » de procéder à une enquête exhaustive. L’article 11 des règles internes « APA » en matière de harcèlement prévoit que, « [s]’il est chargé de procéder à une telle enquête, le comité [consultatif spécial ‘APA’] transmet ses conclusions et d’éventuelles recommandations aux [q]uesteurs », tandis que l’article 12 des mêmes règles internes prévoit notamment que les questeurs « indiquent par écrit au comité [consultatif spécial ‘APA’] les mesures qu’ils envisagent de prendre, y compris, le cas échéant, s’ils recommandent au [p]résident [du Parlement] d’imposer au député concerné une sanction conformément aux articles 9 et 153 du règlement du Parlement […] ».

 Antécédents du litige

1.     Les faits ayant donné lieu à l’arrêt CH

13      Le 1er octobre 2004, la requérante a été engagée par le Parlement en tant qu’APA pour assister M. B., membre du Parlement, en vertu d’un contrat devant expirer à la fin de la législature 2004/2009.

14      À la suite de l’interruption du mandat parlementaire de M. B., la requérante a, à partir du 1er décembre 2007, et ce jusqu’à la fin de la législature, été engagée par le Parlement en tant qu’APA pour assister Mme P., nouveau membre du Parlement ayant succédé à M. B. pour la fin du mandat restant à courir.

15      Avec effet au 1er août 2009, la requérante a été engagée par le Parlement en tant qu’APA pour assister Mme P. durant la législature 2009/2014. Elle était classée au grade 14 du groupe de fonctions II. Toutefois, par un nouveau contrat, conclu le 1er septembre 2010 et qui mettait fin au précédent contrat, la requérante a été engagée pour exercer les mêmes fonctions, mais cette fois‑ci au grade 11 du groupe de fonctions II (ci‑après le « contrat de travail » ou le « contrat d’APA »).

16      À compter du 27 septembre 2011, la requérante a été placée en congé de maladie, lequel a été prolongé jusqu’au 19 avril 2012.

17      Le 28 novembre 2011, la requérante a informé le comité consultatif général de ses difficultés au travail résultant, selon ses dires, du comportement de Mme P. à son égard.

18      Par courriel du 6 décembre 2011, la requérante a interrogé les membres du comité consultatif général sur les démarches à suivre pour « déposer une plainte ». Ensuite, par courriel du 12 décembre 2011 et afin d’illustrer le harcèlement qu’elle estimait subir du fait des agissements du membre du Parlement qu’elle assistait, la requérante a transmis à chacun des membres dudit comité, ainsi qu’au secrétaire général du Parlement, le courriel qu’elle avait adressé le même jour à Mme P. dans lequel elle décrivait, à l’attention de ce membre du Parlement, son état de santé. Enfin, par courriel du 21 décembre 2011, la requérante s’est adressée au président du comité consultatif général pour solliciter un rendez‑vous.

19      Le 22 décembre 2011, la requérante a introduit, auprès du secrétaire général du Parlement, une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut (ci‑après la « demande d’assistance »), dans laquelle elle alléguait être victime de harcèlement moral de la part de Mme P. et sollicitait l’adoption de mesures d’éloignement ainsi que l’ouverture d’une enquête administrative.

20      Le 6 janvier 2012, Mme P. a envoyé à l’unité « Recrutement et mutation du personnel » de la direction « Développement des ressources humaines » de la direction générale du personnel du Parlement une demande écrite de résiliation du contrat d’APA de la requérante (ci‑après la « demande de résiliation »). Le 18 janvier 2012, Mme P. a confirmé la demande de résiliation.

21      Par décision de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement du Parlement (ci‑après l’« AHCC ») du 19 janvier 2012, le contrat d’APA de la requérante a été résilié avec effet au 19 mars 2012 au motif allégué d’une rupture du lien de confiance (ci‑après la « décision de licenciement »). La requérante a été dispensée de prester son préavis, lequel était d’une durée de deux mois, à savoir du 19 janvier au 19 mars 2012. À l’appui du motif tiré de la rupture du lien de confiance, l’AHCC faisait valoir que Mme P. l’avait informée que la requérante ne disposait pas des compétences nécessaires pour suivre le travail de certaines commissions parlementaires dans lesquelles elle siégeait et qu’elle s’était également plainte d’un comportement inacceptable de la requérante tant à son égard qu’à l’égard d’autres membres du Parlement et d’APA de ces derniers.

22      Par lettre du 15 mars 2012, la demande d’assistance a été rejetée par le directeur général de la direction générale du personnel, agissant en qualité d’AHCC, au motif que, indépendamment du point de savoir si un APA pouvait bénéficier d’une assistance au titre de l’article 24 du statut, la demande d’assistance de la requérante, relative à l’adoption de mesures d’éloignement et à la conduite d’une enquête administrative, était devenue sans objet puisque, au regard de la décision de licenciement intervenue entre‑temps, la requérante n’exerçait plus d’activité professionnelle au sein du Parlement (ci‑après la « décision de rejet de la demande d’assistance »).

23      Le 30 mars 2012, la requérante a introduit auprès du secrétaire général du Parlement une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision de licenciement. Le 22 juin 2012, la requérante a également introduit une réclamation, au titre de la même disposition statutaire, à l’encontre de la décision de rejet de la demande d’assistance.

24      Par décision du 20 juillet 2012, le secrétaire général du Parlement a partiellement fait droit à la réclamation introduite contre la décision de licenciement en décidant de reporter la date d’échéance du contrat d’APA de la requérante au 20 juin 2012 en raison de son congé de maladie justifié par certificat médical jusqu’au 19 avril 2012. En revanche, il a confirmé le bien‑fondé de la décision de licenciement en invoquant l’impossibilité, reconnue par la jurisprudence, en particulier au point 149 de l’arrêt du 7 juillet 2010, Tomas/Parlement (F‑116/07, F‑13/08 et F‑31/08, EU:F:2010:77), de contrôler l’existence ou la perte d’un lien de confiance, impossibilité s’étendant en partie au contrôle des motifs avancés pour justifier l’inexistence ou la perte de ce lien de confiance.

25      En tout état de cause, le secrétaire général du Parlement estimait que la requérante n’avait pas apporté la preuve d’erreurs manifestes entachant les faits avancés pour justifier la rupture du lien de confiance, alors même que le Parlement avait eu connaissance de plusieurs manquements professionnels de la requérante, notamment en lien avec l’opportunité de formuler des amendements législatifs pouvant être soumis dans un dossier, d’un manque de courtoisie dont elle aurait fait preuve vis‑à‑vis d’un membre du Parlement d’un autre État membre que celui de Mme P. ou encore d’un comportement insolent de la requérante à l’égard de la nouvelle APA recrutée pour assister Mme P. et d’un manque de politesse manifesté à l’égard de cette dernière en présence d’un chef d’entreprise. Un professeur accompagnant un groupe d’étudiants en visite dans les locaux de l’institution se serait également plaint d’un manque de politesse de la part de la requérante.

26      Enfin, selon le secrétaire général du Parlement, la circonstance que la requérante avait formulé la demande d’assistance n’était pas de nature à faire obstacle à la décision de licenciement que la détérioration manifeste des relations entre Mme P. et la requérante rendait inévitable.

27      Par ailleurs, par décision du 8 octobre 2012, le secrétaire général du Parlement a, en sa qualité d’AHCC, rejeté la réclamation formée contre la décision de rejet de la demande d’assistance, en soulignant que, alors qu’il « a[vait] fait part [à la requérante], au soutien de la décision de licenciement par l’AHCC, d[e son] comportement inacceptable […] et de faits précis, vérifiables et survenus en présence de témoins, [cette dernière] formul[ait] des allégations qu’aucun élément n’étay[ait] ». Il était également répondu à la requérante que, d’une manière générale, les mesures qu’elle demandait n’étaient « de toute façon pas compatibles avec la nature spécifique des relations proches et confiantes qui sont nécessairement celles d’un député avec son [APA] », que, en particulier, une mesure d’éloignement n’aurait pas le moindre sens puisqu’elle reviendrait à empêcher toute relation effective de travail entre le membre du Parlement et son APA et que, sur le plan pratique, le Parlement ne pouvait pas réaffecter la requérante auprès d’un autre membre de l’institution puisque seul ce dernier peut demander à l’AHCC le recrutement d’un APA de son choix. Le secrétaire général du Parlement soulignait également, en ce qui concernait la demande d’ouverture d’une enquête administrative, que l’arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission (F‑95/09, EU:F:2011:9), invoqué à cet égard par la requérante, n’était pas transposable au cas d’espèce puisque les membres du Parlement ne sont pas soumis au statut, y compris donc à son article 12 bis, et qu’ils ne peuvent pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire ou être contraints par l’AHCC à participer à une enquête administrative, alors même qu’une telle participation serait essentielle.

28      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 31 octobre 2012 et enregistrée sous la référence F‑129/12, la requérante a, en substance, demandé l’annulation de la décision de licenciement et de la décision de rejet de la demande d’assistance, ainsi que la condamnation du Parlement à lui verser une somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts.

29      Le 12 décembre 2013, par l’arrêt CH, qui n’a pas fait l’objet d’un pourvoi et qui, partant, est définitif, le Tribunal a annulé la décision de licenciement et la décision de rejet de la demande d’assistance. En outre, « tenant compte des conditions hautement critiquables dans lesquelles la décision de licenciement et la décision de rejet de la demande d’assistance sont intervenues », le Tribunal a condamné le Parlement à payer à la requérante un montant de 50 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral subi (arrêt CH, point 65).

2.     Sur les mesures d’exécution de l’arrêt CH adoptées par le Parlement

30      À la suite de la décision de licenciement, annulée par l’arrêt CH, la requérante a bénéficié d’allocations de chômage, depuis la date d’effet de la décision de licenciement jusqu’au 23 janvier 2013, date à laquelle elle a été engagée par un employeur privé belge (ci‑après l’« employeur privé ») qui, ultérieurement, a été contraint, pour des raisons économiques, de la licencier. La requérante a ainsi perçu un salaire de l’employeur privé du 23 janvier 2013 au 12 mars 2014.

31      Par lettre du 15 janvier 2014, la requérante a demandé au Parlement de prendre les mesures suivantes afin d’assurer, conformément à l’article 266 TFUE, l’exécution de l’arrêt CH :

–        lui payer sa rémunération depuis le 20 juin 2012, date d’effet de la décision de licenciement illégale, jusqu’au 12 mars 2014. À cet égard, elle précisait que, pour couvrir la différence entre la rémunération qu’elle aurait dû percevoir si elle n’avait pas été licenciée et le salaire qu’elle avait perçu de l’employeur privé jusqu’au 12 mars 2014, la somme de 7 402,41 euros devait lui être versée ;

–        la réintégrer dans un emploi permanent au sein du Parlement ;

–        ouvrir une enquête administrative visant à établir la réalité des faits dénoncés dans la demande d’assistance. À ce sujet, elle faisait valoir auprès du Parlement que les déclarations faites par Mme P. dans la presse grecque et allemande illustraient le harcèlement qu’elle continuait de subir de sa part ;

–        faire en sorte que les éléments négatifs découlant de la demande de résiliation ne figurent plus dans son dossier personnel ;

–        transférer les droits à pension qu’elle avait antérieurement acquis auprès d’un régime national vers le régime de pensions de l’Union européenne.

32      Le 12 février 2014, une réunion a eu lieu entre les avocats de la requérante et les représentants du service juridique du Parlement afin de faire le point sur l’étendue des mesures d’exécution de l’arrêt CH que devrait prendre le Parlement au titre de l’article 266 TFUE.

33      Par lettre du 3 mars 2014, le Parlement a répondu officiellement aux différentes demandes de mesures d’exécution de l’arrêt CH présentées par la requérante dans la lettre susmentionnée du 15 janvier 2014 (ci‑après la « décision du 3 mars 2014 »).

34      S’agissant de la demande de la requérante tendant à être réintégrée dans un emploi permanent au sein du Parlement, cette institution a indiqué qu’une telle mesure irait manifestement au‑delà de ce qu’exigeait l’exécution de l’arrêt CH, notamment parce que, en vertu du considérant 7 du règlement (CE) no 160/2009 du Conseil, du 23 février 2009, modifiant le [RAA] (JO L 55, p. 1), « aucune disposition du présent règlement ne saurait être interprétée comme donnant aux [APA] un accès privilégié ou direct à des postes de fonctionnaires ou d’autres catégories d’agents [de l’Union européenne] ».

35      Dans ces conditions, compte tenu du caractère personnel de la relation de travail qui lie les députés et leurs APA, le Parlement a fait savoir à la requérante qu’une réintégration effective dans ses fonctions n’était pas possible. Ainsi, le Parlement précisait que « la seule possibilité consist[ait] à réintégrer [la requérante] dans la fonction qu’elle occupait avant la décision de licenciement [jugée illégale], mais en la dispensant de prester le travail correspondant, et cela jusqu’à la fin de son [contrat de travail] […] le 1er juillet 2014[ ; c]ette dispense de travail appar[aissait] également conforme au devoir de sollicitude ». À cet égard, le Parlement s’engageait à verser à la requérante les rémunérations qui lui étaient dues depuis le 21 juin 2012, date d’effet de la décision de licenciement, jusqu’à la fin de son contrat de travail, à savoir le 1er juillet 2014, déduction faite des rémunérations et des allocations de chômage qu’elle serait amenée à percevoir par ailleurs durant cette période.

36      En outre, le Parlement a confirmé que la demande de résiliation, qui avait été formulée en son temps, ne figurait pas dans le dossier personnel de la requérante et que la décision de licenciement, jugée illégale par le Tribunal, en serait retirée. Quant à la demande de transfert vers le régime de pensions de l’Union des droits à pension antérieurement acquis sous un régime national, le Parlement a observé que la requérante, qui capitalisait à peine cinq années de travail en tant qu’APA, ne remplissait pas la condition de justifier d’au moins dix années de service au sein de l’Union pour pouvoir prétendre à une pension d’ancienneté à la charge du budget de l’Union.

37      S’agissant enfin de la demande d’ouverture d’une enquête administrative, déjà formulée dans la demande d’assistance, le Parlement a indiqué que, « [s]ur ce point, […] si [la requérante] décidait d’engager un recours de droit national contre [Mme P.], le Parlement reconsidérerait la situation à la lumière de la jurisprudence telle qu’elle ressort [du point 57] de l’arrêt [CH] ».

38      Par lettre du 26 mars 2014, tout en annonçant son intention d’introduire, ultérieurement, une réclamation contre la décision du 3 mars 2014, la requérante a formulé des observations visant à rectifier sur trois points spécifiques sa demande de mesures d’exécution du 15 janvier 2014, ce qui, à son avis, ne devait pas soulever de problème dans le chef du Parlement.

39      Les deux premiers points concernaient une réévaluation à la hausse du montant de 7 402,41 euros, initialement réclamé par la requérante pour couvrir la rémunération due pour la période comprise entre le 20 juin 2012, date de son licenciement illégal, et le 12 mars 2014, date à laquelle elle avait cessé de percevoir une rémunération de son employeur privé (ci‑après la « période de double revenu »). À cet égard, premièrement, elle faisait valoir que, dans le calcul des sommes perçues de la part de son employeur privé, une prime de treizième mois de 5 686 euros avait été intégrée à tort. En effet, cette prime ne constituerait pas une part de sa rémunération. Elle correspondrait au contraire à la compensation anticipée d’un mois de congé qu’elle serait tenue de prendre dans le cadre de sa prochaine relation de travail avec un nouvel employeur privé belge, mais qui ne serait pas rémunéré par ce dernier. Deuxièmement, la requérante précisait que, « lors de son départ [involontaire] du Parlement au mois de février 2012 », elle avait bénéficié d’un préavis d’une durée de deux mois. Or, la décision de licenciement ayant été annulée, la requérante considérait qu’elle devait désormais être replacée dans une relation d’emploi d’une durée plus longue, laquelle lui ouvrirait le droit à un préavis de trois mois. En conséquence, le montant réclamé de 5 686 euros en lien avec la période de double revenu devrait également, selon la requérante, être augmenté d’un montant de 3 977,43 euros correspondant au traitement afférent au mois de préavis supplémentaire dont lui était redevable le Parlement.

40      Troisièmement, la requérante précisait que, étant contractuellement liée au Parlement en sa qualité d’APA jusqu’à l’échéance de son contrat à la fin de la législature, soit le 1er juillet 2014, cette institution avait l’obligation de lui restituer son badge d’APA et sa vignette d’accès aux parkings du Parlement.

41      Par lettre du 2 avril 2014 (ci‑après la « décision du 2 avril 2014 »), le Parlement, en réponse aux demandes complémentaires de mesures d’exécution, formulées par la requérante le 26 mars 2014, a d’abord observé que, la jurisprudence définissant de manière très large les sommes devant être déduites des rémunérations dues a posteriori à une personne qui s’avérerait avoir été licenciée à tort, il était dans l’obligation de déduire la prime de treizième mois qui relevait de la notion d’« indemnité de substitution » au sens du point 71 de l’arrêt du 13 avril 2011, Scheefer/Parlement (F‑105/09, EU:F:2011:41). S’agissant du deuxième point soulevé par la requérante dans sa lettre du 26 mars 2014, le Parlement a expliqué que, étant donné qu’il n’avait pas pris de nouvelle décision de licenciement, la question d’un droit de préavis ne se posait plus. En effet, le contrat de travail était désormais maintenu jusqu’à la fin de la législature, le 1er juillet 2014, et il n’était donc plus question de licenciement. Enfin, en ce qui concerne le troisième point soulevé dans la lettre du 26 mars 2014, le Parlement a expliqué que l’« accès aux locaux et aux parkings du Parlement [était] accessoire à l’exercice des fonctions, dont [la requérante] [avait] été dispensée jusqu’à la fin de son contrat [de travail] ». Toutefois, le Parlement a néanmoins décidé de transmettre sa demande à l’unité « Accréditation » de la direction générale de la sécurité du secrétariat général du Parlement.

42      Le 16 avril 2014, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre les décisions du 3 mars et du 2 avril 2014. En premier lieu, s’agissant spécifiquement de la prime de treizième mois qu’elle avait intégrée à tort dans le calcul des sommes perçues de la part de son employeur privé, la requérante précisait qu’il s’agissait d’un « double pécule de vacances, qui n’[était] payé que par anticipation sur des congés payés à venir ». En deuxième lieu, s’agissant des conséquences à tirer de l’annulation de la décision de licenciement, la requérante faisait valoir qu’elle devait « pouvoir bénéficier de l’ensemble des avantages liés à [son] contrat [de travail] » jusqu’à l’échéance de celui‑ci. Pour cette raison, il revenait au Parlement non seulement de lui restituer son badge d’APA et sa vignette d’accès aux parkings du Parlement, mais également de rétablir son droit à utiliser sa messagerie électronique professionnelle et à consulter l’intranet du Parlement. À cet égard, elle faisait valoir que l’absence de réintégration effective dans ses fonctions d’APA l’avait privée de contacts essentiels à la poursuite de sa carrière et lui avait causé un préjudice évalué à 15 000 euros. En troisième lieu, s’agissant des conséquences à tirer de l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance, l’arrêt CH ne saurait être compris, selon elle, en ce sens que le Tribunal aurait voulu conditionner l’octroi d’une assistance au titre de l’article 24 du statut à l’introduction d’un recours devant une juridiction nationale contre le harceleur présumé. Selon la requérante, le Parlement n’aurait exécuté que partiellement l’arrêt CH, ce qui lui aurait causé un préjudice moral que, à ce stade, elle évaluait ex æquo et bono à un montant de 60 000 euros.

43      Par lettre du 6 juin 2014, le service juridique du Parlement a, dans le cadre des mesures d’exécution de l’arrêt CH, informé la requérante de l’existence des règles internes « APA » en matière de harcèlement et de la mise en place du comité consultatif spécial « APA ». Il lui a ainsi été expliqué que, désormais, ledit comité était « l’instance compétente pour traiter une éventuelle plainte pour harcèlement de la part de [la requérante] » et il lui a été « conseill[é] […] de s’adresser au [c]omité [consultatif spécial ‘APA’] via son secrétariat ».

44      Par lettre du 20 juin 2014, la requérante a répondu que, à la suite de l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance, le Parlement se trouvait toujours saisi de cette demande trouvant son origine dans le comportement de Mme P. En conséquence, la requérante s’interrogeait sur « les raisons pour lesquelles le Parlement […] n’a[vait] pas jugé utile, précisément dans le cadre des mesures d’exécution de l’arrêt [CH], de saisir lui‑même et directement le [comité consultatif spécial ‘APA’], dès lors que ce dernier serait valablement constitué, ce qui ne [lui] a[vait] toujours pas été confirmé ».

45      Par lettre du 4 août 2014, le secrétaire général du Parlement, agissant en qualité d’AHCC, a rejeté la réclamation du 16 avril précédent (ci‑après la « décision de rejet de la réclamation »). Ayant rappelé que la requérante avait désormais reçu la somme totale de 9 433,20 euros, couvrant la différence entre, d’une part, les montants qu’elle avait perçus au titre des allocations de chômage et en tant que salariée de l’employeur privé entre le 20 juin 2012 et le 12 mars 2014 et, d’autre part, les traitements qu’elle avait perçus sur la même période en tant qu’APA, le Parlement a d’abord maintenu que, s’agissant de la période de double revenu, la somme de 5 686 euros encore revendiquée par la requérante avait été décomptée à bon droit, car celle‑ci « correspond[ait] à la compensation financière des congés payés non pris par [la requérante] avant la fin de son contrat de travail [avec l’employeur privé] ».

46      S’agissant ensuite de la question de la restitution du badge d’APA et de la vignette d’accès aux parkings, le Parlement a observé que la requérante avait eu la possibilité de les retirer auprès de l’unité « Accréditation » dès le 23 avril 2014. Par ailleurs, le Parlement a rappelé à la requérante qu’il avait donné une suite favorable à sa demande d’adresse électronique et d’accès à l’intranet du Parlement exprimée dans sa réclamation, soit le 16 avril 2014, en lui accordant une adresse électronique et un accès à l’intranet du Parlement. Estimant qu’il avait ainsi donné suite à toutes les demandes formulées par la requérante, sans aucunement faire obstacle à ce qu’elle prenne contact avec des membres de l’institution, le Parlement a rejeté les demandes indemnitaires formulées par la requérante.

47      S’agissant enfin des mesures à prendre en lien avec l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance, le Parlement a réitéré sa position, telle qu’exprimée dans la décision du 3 mars 2014, selon laquelle, si la requérante décidait d’engager un recours devant une juridiction nationale contre Mme P., le Parlement serait prêt à reconsidérer la situation à la lumière du point 57 de l’arrêt CH. Le Parlement n’a toutefois pas abordé la question de l’ouverture d’une enquête administrative. En revanche, il a sollicité l’autorisation de la requérante pour saisir le comité consultatif spécial « APA » de son cas.

48      Le 25 novembre 2014, le Parlement s’est vu notifier le présent recours par le greffe du Tribunal. Le comité consultatif spécial « APA » a tenu sa réunion constitutive le lendemain, soit le 26 novembre 2014. Il ressort du point 2 du procès‑verbal de cette réunion que, « si nécessaire, [le] jurisconsulte [du Parlement] pourrait être convié à participer à la réunion du comité […] pour conseiller ce dernier sur des questions d’ordre juridique ». Il ressort du point 4 de ce même procès‑verbal que « [l]e jurisconsulte [a] inform[é] les membres [du comité consultatif spécial ‘APA’] de la position du Parlement dans […] deux affaires de présomption de harcèlement[, dont l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CH] ».

49      Par lettre du 17 décembre 2014, le président du comité consultatif spécial « APA » a convoqué la requérante à une réunion avec les membres dudit comité prévue le 28 janvier suivant.

50      Le 15 janvier 2015, la requérante a présenté ses observations écrites au comité consultatif spécial « APA ». Les auditions de la requérante et de Mme P. devant ce comité ont eu lieu le 28 janvier 2015.

 Conclusions des parties et procédure

51      La requérante demande en substance au Tribunal :

–        d’annuler la décision du 3 mars 2014, en ce que, par celle‑ci, le Parlement a refusé d’ouvrir une enquête administrative visant à établir la réalité des faits dénoncés dans la demande d’assistance ;

–        d’annuler la décision du 2 avril 2014, en ce que, par celle‑ci, le Parlement a refusé de lui verser un montant supplémentaire de 5 686 euros, majoré des intérêts de retard calculés au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, augmenté de deux points de base ;

–        d’annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        de condamner le Parlement à réparer son préjudice matériel, évalué à un montant de 144 000 euros, majoré des intérêts de retard calculés au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, augmenté de deux points de base ;

–        de condamner le Parlement à l’indemniser du préjudice moral subi par l’octroi d’un montant évalué ex æquo et bono à 60 000 euros ;

–        de condamner le Parlement aux dépens.

52      Le Parlement demande au Tribunal :

–        de rejeter le recours comme non fondé ;

–        de condamner la requérante à supporter tous les dépens.

53      À la suite du second échange de mémoires qui avait été autorisé par le Tribunal, les parties ont marqué leur accord à ce qu’il soit fait application en l’espèce de l’article 59, paragraphe 2, du règlement de procédure. Le Tribunal a alors décidé, en vertu de cette disposition, de statuer sans audience et en a informé les parties par lettre du greffe du 7 juillet 2015.

 En droit

1.     Sur l’objet du recours

54      Il convient de rappeler que, conformément au principe d’économie de la procédure, le juge de l’Union peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation lorsqu’il constate que celles‑ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été présentée. Il peut, notamment, en être ainsi lorsqu’il constate que la décision portant rejet de la réclamation est purement confirmative de la décision faisant l’objet de la réclamation et que, partant, l’annulation de celle‑là ne produirait sur la situation juridique de la personne intéressée aucun effet distinct de celui découlant de l’annulation de celle‑ci (arrêts du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 33, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 85).

55      En l’espèce, la requérante a, dans sa réclamation du 16 avril 2014, formulé pour la première fois une demande d’accès à l’intranet du Parlement et à une boîte de messagerie électronique, demande à laquelle l’AHCC a répondu dans la décision de rejet de la réclamation. En revanche, sur tous les autres points, la décision de rejet de la réclamation est confirmative des décisions du 3 mars et du 2 avril 2014, de sorte qu’il n’y a pas lieu, dans cette mesure, de statuer spécifiquement sur les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation, même si la motivation figurant dans cette dernière décision précise certains motifs de celles initiales du 3 mars et du 2 avril 2014 et doit ainsi, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, également être prise en considération pour l’examen de la légalité des décisions du 3 mars et du 2 avril 2014, ladite motivation étant censée coïncider avec ces derniers actes (voir arrêt du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 86, et la jurisprudence citée).

2.     Sur les conclusions en annulation

56      Par ses conclusions en annulation, la requérante conteste le caractère approprié des mesures d’exécution de l’arrêt CH adoptées par le Parlement dans les décisions des 3 mars et 2 avril 2014 en ce qui concerne deux volets de mesures qu’il convient d’examiner successivement, à savoir, premièrement, celles en lien avec l’annulation de la décision de licenciement et, secondement, celles en lien avec l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance.

 Sur les mesures d’exécution adoptées par le Parlement en lien avec l’annulation de la décision de licenciement par l’arrêt CH

 Arguments des parties

57      Premièrement, la requérante fait grief au Parlement d’avoir erronément tenu compte, dans ses décisions des 3 mars et 2 avril 2014, de la somme de 5 686 euros au titre des sommes devant, en exécution de l’arrêt CH, venir en déduction des rémunérations dues par le Parlement pour la période de double revenu. En effet, il s’agirait non pas d’une prime de treizième mois, mais d’un double pécule de vacances payé par l’employeur privé par anticipation sur des congés à venir qui, lorsqu’ils seront effectivement pris, ne seront pas rémunérés par le nouvel employeur. La requérante fournit à cet égard une « attestation de vacances », émise le 16 décembre 2013 par l’organisme d’assurances belge Partena, dont il ressort que « le montant du pécule de vacances sera déduit de[s] rémunérations [de la requérante] lorsqu['elle] prendr[a ses] vacances chez [son] nouvel employeur ».

58      Secondement, la requérante fait grief au Parlement de ne pas lui avoir restitué, dans les plus brefs délais après le prononcé de l’arrêt CH, son badge d’APA, sa vignette de parking et ses accès à sa messagerie professionnelle et à l’intranet du Parlement (ci‑après, ensemble, les « outils de travail »). Elle explique que ces outils de travail étaient les seuls de nature à lui permettre de rentrer à nouveau efficacement en contact avec les membres du Parlement et de prendre connaissance des offres d’emplois d’APA à pourvoir. Les décisions dont elle demande l’annulation seraient entachées d’illégalité dans la mesure où les outils de travail, qui sont étroitement liés à l’existence même de sa qualité d’APA, n’auraient été restitués que très tardivement. En conséquence de cette restitution tardive, elle aurait perdu une chance non négligeable de se voir offrir un nouveau contrat d’APA.

59      Le Parlement rétorque que la somme litigieuse de 5 686 euros constitue une « indemnité de substitution », au sens de l’arrêt du 13 avril 2011, Scheefer/Parlement (F‑105/09, EU:F:2011:41, point 71), qu’il lui incombait de décompter des rémunérations dues par lui pour les prestations d’APA de la requérante durant la période de double revenu. En ce qui concerne le grief visant la restitution tardive des outils de travail, le Parlement fait en substance valoir que, la requérante ayant été dispensée de travailler jusqu’à la fin de son contrat de travail, elle n’avait pas besoin de disposer des outils de travail. Cela étant, le Parlement fait observer que, par sollicitude et dans un esprit d’apaisement envers la requérante, il avait répondu favorablement aux demandes formulées par celle‑ci quant à l’accès aux outils de travail.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la possibilité de décompter, du montant des rémunérations dues pour la période de double revenu, le montant perçu par la requérante au titre d’un pécule de vacances

60      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’annulation d’un acte par le juge a pour effet d’éliminer rétroactivement cet acte de l’ordre juridique et que, lorsque l’acte annulé a déjà été exécuté, l’anéantissement de ses effets impose de rétablir la situation juridique dans laquelle la partie requérante se trouvait antérieurement à l’adoption de cet acte (arrêt du 26 mai 2011, Kalmár/Europol, F‑83/09, EU:F:2011:66, point 88).

61      Il s’ensuit que, en application de l’article 266 TFUE, le Parlement était tenu de prendre les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt CH en se plaçant à la date à laquelle la décision de licenciement, annulée par ledit arrêt, avait été prise. D’emblée, il convient de constater que la requérante ne conteste pas nécessairement, dans son principe, la décision du Parlement du 3 mars 2014 de la replacer dans un contrat d’engagement en tant qu’APA jusqu’à la fin de la législature en cours à la date de cette décision, soit jusqu’au 1er juillet 2014, tout en la dispensant de l’exercice effectif des fonctions d’APA. Le Tribunal considère, en tout état de cause, que cette mesure d’exécution de l’arrêt CH n’apparaît pas inappropriée au regard, d’une part, du contexte dans lequel doivent se déployer les activités d’un APA, en l’occurrence dans le cadre d’un rapport direct avec le membre du Parlement concerné qui a, seul, le pouvoir de choisir ses collaborateurs, ainsi que, d’autre part, du fait que la requérante avait repris des activités professionnelles auprès d’un employeur privé, de sorte que la période durant laquelle elle a été salariée de cet employeur privé et celle où elle a été indemnisée au titre du chômage est ainsi apparue comme une période de double revenu. La requérante conteste en revanche la manière dont le Parlement a calculé le montant de la rémunération qui lui était dûe pour ladite période.

62      À cet égard, le Parlement pouvait considérer que le rétablissement de la situation juridique dans laquelle la requérante se trouvait antérieurement à l’adoption de la décision de licenciement annulée par l’arrêt CH impliquait de lui verser, pour la période comprise entre le 20 juin 2012, date d’effet de la décision de licenciement, et le 1er juillet 2014, date de la fin de son contrat de travail, la différence entre, d’une part, le montant de la rémunération auquel la requérante aurait pu prétendre si elle était restée en fonctions et avait effectivement exercé des activités d’APA ainsi que, d’autre part, la rémunération ou les allocations de chômage qu’elle avait effectivement perçues par ailleurs (arrêt du 26 mai 2011, Kalmár/Europol, F‑83/09, EU:F:2011:66, point 90), sans préjudice pour l’organisme ayant servi lesdites indemnités de chômage de récupérer auprès du Parlement le montant desdites indemnités.

63      S’agissant des rémunérations ou indemnités de chômage pouvant être déduites pendant la période de double revenu, il ressort de la jurisprudence que celles‑ci peuvent comprendre « le montant de la rémunération, des honoraires, des indemnités de chômage ou de toute autre indemnité de substitution » ou « rémunération de même nature » perçus par la requérante pendant la période de double revenu « en remplacement de la rémunération » qu’elle aurait dû normalement percevoir si, en l’absence d’intervention de la décision de licenciement annulée, elle était restée en fonctions au sein du Parlement (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2011, Scheefer/Parlement, F‑105/09, EU:F:2011:41, point 71).

64      Sur ce point, il importe de noter que, en vertu du droit belge et ainsi qu’il ressort des documents soumis par les parties, le pécule de vacances comprend la rémunération qui est normalement due pour la durée des vacances ainsi qu’un supplément égal, par mois presté ou assimilé de l’année précédente, à un douzième de 92 % de la rémunération brute du mois au cours duquel les vacances débutent. Par ailleurs, en cas de licenciement sous le statut d’employé de droit privé, l’employeur qui licencie a l’obligation, comme cela a été le cas en l’espèce, de payer, de manière anticipée, le pécule de vacances à la fin du contrat de travail.

65      À cet égard, dans les circonstances de l’espèce, le pécule de vacances que la requérante a perçu de l’employeur privé ne doit pas être considéré comme une indemnité visant à se substituer à une rémunération qu’elle aurait effectivement reçue, durant la période de double revenu, en remplacement de la rémunération qu’elle devait percevoir du Parlement pour ses prestations d’APA. En effet, ce pécule est censé couvrir les jours de congé annuel que la requérante sera dans l’obligation de prendre ultérieurement dans le cadre d’un nouveau contrat de travail de droit belge, mais qui ne seront pas, au moment de leur utilisation, rémunérés par le nouvel employeur privé. Au contraire, il ressort de l’attestation fournie par l’organisme d’assurances belge Partena que, lors de l’utilisation obligatoire des jours de congés couverts par ce pécule, le montant alloué au titre du pécule de vacances devra être déduit du salaire par le nouvel employeur. Or, prendre en compte le montant de ce pécule au titre de rémunération ou d’indemnité de substitution perçue pendant la période de double revenu reviendrait à prendre en compte un revenu qui, certes, a déjà été versé par anticipation, mais qui, en réalité, devra en principe être ultérieurement déduit du salaire perçu et s’avère, ainsi, venir en rémunération pour des périodes de vacances qui seront prises en dehors de la période de double revenu et que ce pécule est censé couvrir en termes de rémunération.

66      Partant, ainsi que le fait valoir à juste titre la requérante, le Parlement ne pouvait pas, dans la définition des mesures que comportait l’exécution de l’arrêt CH en lien avec l’annulation par ledit arrêt de la décision de licenciement et à la suite de la demande de la requérante du 26 mars 2014, en l’occurrence dans la décision du 2 avril 2014, déduire du montant de la rémunération que la requérante aurait dû percevoir du Parlement pour ses prestations d’APA durant la période de double revenu la somme de 5 686 euros correspondant au pécule de vacances payé par l’employeur privé.

–       Sur la restitution des outils de travail

67      S’agissant des outils de travail pour lesquels la requérante reproche au Parlement de ne les avoir mis à sa disposition que tardivement, et ce en méconnaissance de l’article 266 TFUE, le Tribunal rappelle que, compte tenu du caractère personnel de la relation d’emploi qui lie les membres du Parlement et leurs APA, le Parlement pouvait estimer, dans la décision du 3 mars 2014, qu’il n’était pas approprié de réintégrer effectivement la requérante dans ses fonctions, décision que la requérante n’a pas réellement contestée dans son principe. De la même manière, le Parlement pouvait décider qu’il n’était pas en mesure d’affecter la requérante sur un autre poste d’APA, au motif que ce sont les membres du Parlement eux‑mêmes qui, conformément aux articles 5 bis et 128, paragraphe 2, du RAA, choisissent leurs APA et demandent ensuite à l’administration du Parlement de procéder au recrutement des APA qu’ils ont choisis, étant entendu que l’engagement de ceux‑ci présuppose l’existence d’un lien de confiance.

68      En outre, dans une situation où, à ce stade, il n’est ni avéré ni prouvé que la requérante aurait effectivement été victime de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut de la part du membre du Parlement qu’elle assistait, et dans la mesure où les APA n’ont pas vocation, compte tenu de leur statut particulier caractérisé et justifié par l’existence d’un lien de confiance avec le membre du Parlement qu’ils sont chargés d’assister, à occuper un emploi permanent, l’AHCC pouvait estimer qu’elle ne devait pas, à titre de mesure d’exécution de l’arrêt CH, affecter la requérante, à titre temporaire ou permanent, sur un emploi dans l’un de ses services pouvant être occupé par un agent temporaire au sens de l’article 2 du RAA ou par un agent contractuel au sens de l’article 3 bis du RAA.

69      En conséquence, il convient de comprendre le second grief en ce sens que la requérante, sans nécessairement revendiquer le droit, au titre des mesures d’exécution de l’arrêt CH, à une réintégration effective en tant qu’APA auprès d’un membre du Parlement, reproche à cette institution d’avoir méconnu l’article 266 TFUE en n’ayant pas mis à sa disposition les outils de travail immédiatement à la suite du prononcé de l’arrêt CH et, en tout état de cause, en ayant tardé dans cette mise à disposition, ce qui aurait eu des conséquences sur sa capacité à entreprendre des démarches pour pouvoir être recrutée auprès d’un membre du Parlement nouvellement élu pour la durée de la législature à venir.

70      À cet égard, il est constant entre les parties que les fonctionnaires et autres agents du Parlement en activité disposent normalement, pour l’exercice de leurs fonctions, d’un droit d’accès permanent aux locaux du Parlement et qu’ils se voient délivrer un titre d’accès spécifique, sous la forme d’un badge, ainsi que, le cas échéant, une vignette d’accès aux parkings de l’institution leur permettant de faire usage de ce droit.

71      Or, en raison de la dispense dont bénéficiait la requérante de s’acquitter de ses tâches d’APA pour la durée restante de son contrat de travail, le Parlement n’avait pas l’obligation de restituer le badge et la vignette revendiqués par elle en tant que mesure d’exécution découlant directement de l’arrêt CH.

72      Par ailleurs, force est de constater que, lorsque la requérante a, par sa lettre du 26 mars 2014, soit plus de trois mois après le prononcé de l’arrêt CH, finalement exprimé le souhait de disposer à nouveau d’un badge et d’une vignette d’accès aux parkings du Parlement, le Parlement a accédé à sa demande quelques jours plus tard, par la décision du 2 avril 2014, et a tenu le badge et la vignette à sa disposition à partir du 23 avril suivant. Les griefs de la requérante à cet égard doivent donc être écartés.

73      S’agissant de la demande visant à obtenir une adresse électronique et un accès à l’intranet du Parlement, demande que la requérante a présentée pour la première fois dans sa réclamation du 16 avril 2014, il est vrai que, au regard des spécificités du cas d’espèce, le Parlement a pris un certain temps pour concevoir un accès informatique de l’extérieur pour un APA n’exerçant pas, dans les faits, les fonctions afférentes à un APA et qui n’était pas effectivement rattaché à l’un des membres du Parlement en fonctions.

74      À cet égard, d’une part, la demande de la requérante d’avoir accès aux infrastructures et aux facilités informatiques du Parlement semble s’inscrire dans une démarche, certes compréhensible, visant à être en mesure de contacter les membres du Parlement nouvellement élus avant leur prise de fonctions effectives en se prévalant de sa qualité d’APA en fonctions, ce qu’une adresse électronique du Parlement aurait confirmé en lui donnant une certaine visibilité. De la même manière, la requérante souhaitait disposer d’un accès à certaines informations diffusées au sein du Parlement. Cependant, force est de constater que, si l’institution peut, en opportunité, permettre à ses fonctionnaires et agents d’utiliser, en dehors des heures consacrées au travail, ses infrastructures, y compris informatiques, pour des finalités étrangères au service, cette faculté pour l’institution ne saurait être érigée en droit statutaire des fonctionnaires et agents, surtout dans une situation telle que celle de l’espèce dans laquelle l’intéressée a été dispensée de s’acquitter de ses tâches professionnelles dans l’intérêt du service et alors que les dispositions internes au Parlement indiquent clairement que « [l]e courrier électronique […] est strictement réservé à un usage directement lié aux tâches exercées par l'[agent] ».

75      D’autre part et en tout état de cause, il convient de rappeler que, de manière générale, lorsque l’exécution d’un arrêt d’annulation exige l’adoption d’un certain nombre de mesures administratives, cette exécution ne peut s’effectuer de manière immédiate. Ainsi, les institutions doivent disposer d’un délai raisonnable pour se conformer à l’arrêt d’annulation (arrêts du 12 janvier 1984, Turner/Commission, 266/82, EU:C:1984:3, point 5 ; du 10 juillet 1997, Apostolidis e.a./Commission, T‑81/96, EU:T:1997:111, point 37, et du 20 juin 2012, Menidiatis/Commission, F‑79/11, EU:F:2012:89, point 40). Or, le Tribunal considère que la mise à disposition de la requérante, le 18 juin 2014, d’une adresse électronique et d’un accès à l’intranet du Parlement est intervenue dans un laps de temps raisonnable, compte tenu du fait que la demande en ce sens avait été formulée le 16 avril précédent et que des aménagements techniques étaient nécessaires pour ce faire dans la mesure où l’accès à l’intranet du Parlement et la mise à disposition d’une boîte de messagerie électronique à un APA nécessitait une autorisation préalable du membre du Parlement qu’il assiste.

76      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de considérer que, s’agissant des mesures que comportait l’exécution de l’arrêt CH en lien avec l’annulation de la décision de licenciement, le Parlement n’a méconnu l’article 266 TFUE, dans sa réponse aux demandes complémentaires du 26 mars 2014, qu’en ce qui concerne la déduction, des rémunérations dues pour la période de double revenu, du montant dont a bénéficié la requérante au titre d’un pécule de vacances servi en vertu du droit belge.

77      Partant, il convient d’annuler la décision du 2 avril 2014, telle que confirmée par la décision de rejet de la réclamation, en ce que le Parlement a refusé de verser à la requérante un montant supplémentaire de 5 686 euros. En outre, compte tenu de cette annulation, il y a d’ores et déjà lieu de faire droit à la demande indemnitaire de la requérante visant ce montant ainsi qu’à sa demande tendant à ce que celui‑ci soit majoré d’intérêts de retard au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, augmenté de deux points, à partir du 1er juillet 2014, date de fin de son contrat.

 Sur les mesures d’exécution adoptées par le Parlement en lien avec l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance par l’arrêt CH

 Arguments des parties

78      La requérante fait valoir que, en ce qui concerne la décision de rejet de sa demande d’assistance annulée par le Tribunal, le Parlement s’est contenté, dans la décision du 3 mars 2014 et en guise de mesure d’exécution de l’arrêt CH, de n’examiner la possibilité de lui offrir une assistance au sens de l’article 24 du statut que dans l’hypothèse où elle déciderait d’introduire un recours devant une juridiction nationale à l’encontre Mme P. Or, selon la requérante, ceci ne constituerait pas une mesure d’exécution adéquate de l’arrêt CH au sens de l’article 266 TFUE. En effet, l’AHCC aurait dû reprendre l’examen de sa demande d’assistance et, compte tenu des commencements de preuve qu’elle avait fournis à l’époque de cette demande, elle aurait dû ouvrir une enquête administrative, telle que requise par la jurisprudence, afin d’établir la réalité des faits de harcèlement dénoncés par elle dans sa demande d’assistance.

79      À cet égard, la requérante fait en particulier valoir que le Tribunal n’aurait pas entendu conditionner l’obligation pour l’AHCC de lui fournir son assistance à l’introduction d’un recours devant une juridiction nationale, puisque l’assistance d’un APA dans le cadre d’un recours devant le juge national n’est que l’une des formes que peut revêtir l’obligation d’assistance visée à l’article 24 du statut.

80      Enfin, la requérante observe que l’AHCC n’a pas confié les pouvoirs qu’elle détient en vertu de l’article 24 du statut au comité consultatif spécial « APA » et qu’il est incompréhensible que l’AHCC n’ait pas décidé d’ouvrir une enquête administrative immédiatement après le prononcé de l’arrêt CH ou de saisir elle‑même le comité consultatif spécial « APA » immédiatement après la constitution de celui‑ci si elle avait souhaité que ce comité prenne en charge l’enquête administrative à laquelle elle était normalement tenue de procéder. La requérante conclut ainsi à la méconnaissance par le Parlement de l’article 24 du statut, du devoir de sollicitude et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

81      Le Parlement conclut pour sa part au rejet des griefs soulevés. À cet égard, il observe que, dès le mois de février 2014, soit antérieurement à la mise en place du comité consultatif spécial « APA », il avait offert une assistance à la requérante au cas où elle déciderait d’engager un recours devant une juridiction nationale à l’encontre de Mme P. Ensuite, il avait informé le comité consultatif spécial « APA », lors de la première réunion tenue par ce nouveau comité, en l’occurrence le 26 novembre 2014, de l’existence de la plainte pour harcèlement de la requérante. Or, ce comité, à qui l’AHCC avait confié la tâche de mener une enquête administrative dans le cadre d’allégations de harcèlement émises par des APA à l’égard de membres du Parlement afin de donner un effet à l’article 24 du statut lorsqu’une plainte visant un membre du Parlement émane de cette catégorie de personnel, a instruit ladite plainte en procédant à l’audition de la requérante ainsi que de Mme P. Le Parlement souligne, à cet égard, que les membres du Parlement ne sont pas soumis à l’AHCC et que le Parlement n’est donc pas, en cette qualité d’AHCC, en mesure de les contraindre à coopérer à une enquête administrative, ce d’autant moins que l’AHCC ne dispose d’aucun pouvoir pour leur imposer des sanctions en cas de harcèlement avéré.

 Appréciation du Tribunal

82      À titre liminaire, il convient de rappeler que, pour se conformer à l’obligation que fait peser sur elle l’article 266 TFUE, il appartient à l’institution dont émane un acte annulé par le juge de l’Union de déterminer quelles sont les mesures requises pour exécuter l’arrêt d’annulation en exerçant le pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet effet dans le respect aussi bien du dispositif et des motifs de l’arrêt qu’elle est tenue d’exécuter que des dispositions du droit de l’Union applicables. À cet égard, lorsque l’exécution de l’arrêt d’annulation présente des difficultés particulières, l’institution concernée peut satisfaire à l’obligation découlant de l’article 266 TFUE en prenant toute décision qui serait de nature à compenser équitablement un désavantage en ayant résulté pour les intéressés. Dans ce contexte, l’autorité investie du pouvoir de nomination, ou, comme en l’espèce, l’AHCC, peut par exemple établir un dialogue avec le requérant en vue de chercher à parvenir à un accord offrant à celui‑ci une compensation équitable de l’illégalité dont il a été victime (voir arrêts du 9 août 1994, Parlement/Meskens, C‑412/92 P, EU:C:1994:308, points 28 et 30 ; du 8 octobre 1992, Meskens/Parlement, T‑84/91, EU:T:1992:103, point 80, et du 17 mars 1994, Hoyer/Commission, T‑43/91, EU:T:1994:29, point 64).

83      Toutefois, même lorsque l’exécution de l’arrêt d’annulation présente des difficultés particulières et qu’un dialogue avec l’intéressé ne permet pas de parvenir à un accord, le pouvoir d’appréciation dont dispose l’institution concernée est, de fait, limité par la nécessité de respecter le dispositif et les motifs de l’arrêt qu’elle est tenue d’exécuter ainsi que les dispositions du droit de l’Union applicables. Ainsi, l’institution doit notamment éviter que les mesures adoptées ne soient entachées des mêmes irrégularités que celles identifiées dans l’arrêt d’annulation (arrêt du 13 décembre 2012, Honnefelder/Commission, F‑42/11, EU:F:2012:196, point 46, et la jurisprudence citée).

84      En l’espèce, s’agissant du grief soulevé par la requérante, relatif au refus de l’AHCC d’ouvrir une enquête administrative portant sur les faits de harcèlement dont elle se prétendait victime, il convient de constater que, dans la décision du 3 mars 2014, l’AHCC n’a pas informé la requérante de l’ouverture d’une enquête administrative sur les faits allégués de harcèlement moral. Ainsi, compte tenu de la demande d’ouverture d’une enquête administrative figurant dans la demande de mesures d’exécution du 15 janvier 2014, réitérant la demande d’ouverture d’une telle enquête initialement présentée dans la demande d’assistance ainsi que dans la réclamation du 16 avril 2014, il convient de considérer que, par la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a, implicitement, mais nécessairement, refusé d’ouvrir une telle enquête administrative, et ce en se bornant à indiquer qu’un comité consultatif spécial « APA » avait été mis en place, lequel n’a été constitué que le 26 novembre 2014 et n’a auditionné la requérante qu’en janvier 2015, soit postérieurement tant à la décision de rejet de la réclamation qu’à la date d’introduction du présent recours.

85      Il convient donc d’examiner si l’exécution de l’arrêt CH, en ce qu’il annulait la décision du 15 mars 2012 de rejet de la demande d’assistance, commandait, comme le soutient la requérante, l’ouverture par le Parlement d’une enquête administrative.

86      S’agissant de la légalité d’une décision rejetant, sans qu’une enquête administrative ait été ouverte, une demande d’assistance introduite sur le fondement de l’article 24 du statut, le juge de l’Union doit examiner le bien‑fondé de cette décision, au vu des éléments ayant été portés à la connaissance de l’administration, notamment par l’intéressé dans sa demande d’assistance, lorsque celle‑ci a statué (arrêts du 16 septembre 2013, Faita/CESE, F‑92/11, EU:F:2013:130, point 98, et du 26 mars 2015, CW/Parlement, F‑124/13, EU:F:2015:23, point 143, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑309/15 P).

87      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’obligation d’assistance, l’administration doit, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle‑ci (arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16 ; du 21 avril 1993, Tallarico/Parlement, T‑5/92, EU:T:1993:37, point 31 ; du 5 décembre 2000, Campogrande/Commission, T‑136/98, EU:T:2000:281, point 42 ; du 8 juillet 2004, Schochaert/Conseil, T‑136/03, EU:T:2004:229, point 49 ; du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 136, et du 26 mars 2015, CW/Parlement, F‑124/13, EU:F:2015:23, point 37).

88      En présence d’allégations de harcèlement, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, la plainte pour harcèlement et d’informer le plaignant de la suite réservée à sa plainte (arrêts du 27 novembre 2008, Klug/EMEA, F‑35/07, EU:F:2008:150, point 74, et du 26 mars 2015, CW/Parlement, F‑124/13, EU:F:2015:23, point 38).

89      En ce qui concerne les mesures à prendre dans une situation qui, telle celle de l’espèce, entre dans le champ d’application de l’article 24 du statut, l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous le contrôle du juge de l’Union, dans le choix des mesures et des moyens d’application de l’article 24 du statut. Le contrôle du juge de l’Union consiste ainsi uniquement à apprécier si l’institution concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêts du 15 septembre 1998, Haas e.a./Commission, T‑3/96, EU:T:1998:202, point 54 ; du 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, EU:T:2005:158, point 98 ; du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 137, et du 26 mars 2015, CW/Parlement, F‑124/13, EU:F:2015:23, point 39).

90      Cela étant, il ressort de la jurisprudence du juge de l’Union en matière de harcèlement, jurisprudence applicable mutatis mutandis en l’espèce, a fortiori dans des cas où la personne mise en cause est une personne remplissant un mandat électif prévu par les traités, que, d’une manière générale, l’institution ne saurait prendre des sanctions disciplinaires ou autres à l’encontre d’une personne visée par une plainte pour harcèlement, qu’il s’agisse ou non d’un supérieur hiérarchique de la supposée victime, que si les mesures d’instruction ordonnées établissent avec certitude l’existence, chez la personne accusée par le fonctionnaire ou l’agent, d’un comportement portant atteinte au bon fonctionnement du service ou à la dignité et à la réputation de la victime supposée (arrêts du 9 novembre 1989, Katsoufros/Cour de justice, 55/88, EU:C:1989:409, point 16 ; du 28 février 1996, Dimitriadis/Cour des comptes, T‑294/94, EU:T:1996:24, point 39, et du 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, EU:T:2005:158, point 108).

91      Au regard des articles 11 et 12 des règles internes « APA » en matière de harcèlement, qui, à la différence des articles 13 et 14 des règles internes en matière de harcèlement, confient non plus au secrétaire général du Parlement, mais aux questeurs, voire au président du Parlement, les pouvoirs que l’AHCC détient en matière de sanction dans ce domaine, il y a lieu de comprendre du dispositif juridique mis en place au sein du Parlement que, désormais, lorsqu’une demande d’assistance mettant en cause un membre du Parlement est formulée en vertu de l’article 24 du statut par un APA auprès de l’AHCC, en la personne du secrétaire général du Parlement, celui‑ci est compétent pour adopter toute mesure concernant directement l’APA, mais que, en revanche, toute mesure nécessitant la participation du membre du Parlement concerné ou impliquant d’envisager de sanctionner et/ou de sanctionner ce dernier relève, selon les cas, du comité consultatif spécial « APA », des questeurs ou du président du Parlement.

92      En l’espèce, il ressort du dossier que la requérante avait étayé sa demande d’assistance par un commencement de preuve. En effet, au‑delà des allégations qu’elle faisait de manière unilatérale en expliquant que Mme P. ne laissait pas de trace écrite des évènements les opposant, la requérante indiquait les noms de deux collaborateurs de Mme P. qui avaient, selon elle, assisté à l’ensemble des comportements qu’elle décrivait et pourraient ainsi corroborer ses déclarations lors d’une audition. Par ailleurs, même si les avis d’experts médicaux ne sont pas de nature à établir, par eux‑mêmes, l’existence, en droit, d’un harcèlement ou d’une faute de l’institution eu égard à son devoir d’assistance (voir arrêts du 6 février 2015, BQ/Cour des comptes, T‑7/14 P, EU:T:2015:79, point 49, et du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 127), la requérante avait fourni des certificats médicaux, qui, pour déterminer si une obligation d’assistance pèse sur l’AHCC, peuvent être considérés comme des commencements de preuve d’un ressenti, quoique subjectif, de harcèlement moral. À ceci s’ajoutait la circonstance qu’un collègue de la requérante avait également contacté le comité consultatif général, mis en place par les règles internes en matière de harcèlement, et avait saisi le Tribunal, le 24 mars 2014, d’un recours mettant en cause le même membre du Parlement pour des faits allégués de harcèlement moral.

93      Ainsi, les éléments d’information fournis lors de la demande d’assistance et ceux révélés ultérieurement, à l’occasion de la demande de mesures d’exécution de l’arrêt CH, du 15 janvier 2014, et de la réclamation du 16 avril 2014, à savoir des écrits de la requérante dans lesquels elle demandait à l’AHCC qu’elle ouvre et procède à une enquête administrative, constituaient des indices susceptibles de créer des doutes sérieux quant au point de savoir si, dans le cas d’espèce, les conditions posées par l’article 12 bis du statut étaient satisfaites (voir arrêt du 26 mars 2015, CN/Parlement, F‑26/14, EU:F:2015:22, point 56).

94      Dans ces circonstances, par l’effet de l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance par l’arrêt CH, l’AHCC était à nouveau saisie de la demande d’assistance qui demeurait en souffrance. Par conséquent, l’AHCC avait l’obligation, dans le cadre des mesures d’exécution de l’arrêt CH, de donner dûment suite et avec célérité à cette demande d’assistance, notamment en ouvrant une enquête administrative, d’autant plus que, ainsi que l’avait indiqué le Tribunal au point 58 de l’arrêt CH, rien n’empêchait le Parlement, en invoquant l’article 9, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’inviter Mme P. à collaborer à une enquête administrative, afin de vérifier le prétendu comportement méconnaissant l’article 12 bis du statut dont la requérante soutenait être victime.

95      Par ailleurs, l’objectif d’une enquête administrative est, ainsi que cela a été rappelé précédemment, d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées tant par rapport au cas faisant l’objet de l’enquête que, d’une manière générale et afin de satisfaire au principe de bonne administration, pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir. En outre, les résultats d’une enquête administrative peuvent soit confirmer les allégations de harcèlement moral, confirmation qui peut s’avérer utile pour la victime dans sa recherche d’une réparation d’un possible préjudice subi au moyen d’un éventuel recours contre le harceleur présumé devant une juridiction nationale, soit infirmer les allégations de la prétendue victime, infirmation qui permet alors de réparer les torts qu’une telle accusation, finalement non fondée, a pu causer chez la personne visée en tant que harceleur présumé par une procédure d’enquête.

96      Il résulte de ce qui précède que, en n’ouvrant pas d’enquête administrative, telle que demandée par la requérante dans la demande d’assistance ainsi que dans sa demande de mesures d’exécution de l’arrêt CH du 15 janvier 2014 et dans sa réclamation du 16 avril 2014, le Parlement a, au regard de l’annulation par l’arrêt CH de la décision de rejet de la demande d’assistance, méconnu l’article 266 TFUE.

97      À cet égard, il est sans importance que le comité consultatif spécial « APA » n’ait été créé qu’en avril 2014 ou encore que la requérante n’ait pas marqué son accord à la saisine dudit comité qui, comme son nom l’indique, n’a qu’une fonction consultative.

98      En effet, d’une part, la requérante était, en tout état de cause, en droit d’introduire une demande d’assistance en vertu de l’article 24 du statut auprès de l’AHCC, sans être soumise à une obligation de saisine préalable du comité consultatif général et/ou du comité consultatif spécial « APA » ni non plus, au cas où elle aurait saisi lesdits comités, à une obligation d’attendre une éventuelle réponse de ce ou ces comités, et ce même si cela peut être souhaitable, dans certains cas, notamment en vue d’une médiation (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2015, CW/Parlement, F‑124/13, EU:F:2015:23, point 140).

99      D’autre part, l’obligation d’ouvrir et de conduire une enquête administrative avec célérité incombe à l’AHCC qui est en effet l’autorité habilitée à traiter une demande d’assistance formulée en vertu de l’article 24 du statut, sans préjudice toutefois de la possibilité pour l’AHCC de déléguer les tâches d’investigation ou de prévention nécessaires à une autre entité administrative ou à un autre organe interne de l’institution, en vertu d’une disposition juridique régulièrement adoptée par celle‑ci fixant les termes et les conditions d’une telle délégation, dans le respect des dispositions supérieures du droit de l’Union applicables. Ainsi, l’institution peut, dans cet objectif et en fournissant les moyens logistiques et humains appropriés, décider de confier la conduite d’une enquête administrative à la hiérarchie de l’institution, telle qu’un directeur général, à un comité d’enquête ad hoc, à un comité consultatif sur le harcèlement ou, encore, à une personnalité ou une instance extérieure à cette institution (arrêt du 26 mars 2015, CW/Parlement, F‑124/13, EU:F:2015:23, point 142).

100    Partant, même si, postérieurement à l’introduction du présent recours, l’AHCC a décidé de saisir directement le comité consultatif spécial « APA », démarche qui semble traduire la volonté de l’AHCC de confier à ce comité la conduite de l’enquête administrative qui incombait à l’AHCC en vertu du devoir d’assistance au titre de l’article 24 du statut, il n’en demeure pas moins que, même en considérant cette saisine du comité consultatif spécial « APA » comme équivalant à une décision d’ouverture d’une enquête administrative par l’AHCC, celle‑ci est intervenue postérieurement à la décision de rejet de la réclamation et à la date d’introduction du présent recours.

101    Eu égard à ce qui précède, il convient d’annuler la décision du 3 mars 2014, telle que confirmée par la décision de rejet de la réclamation, en ce que le Parlement a méconnu l’article 266 TFUE en n’ordonnant pas, au titre de son devoir d’assistance qui lui incombe en vertu de l’article 24 du statut et de son devoir de sollicitude, l’ouverture d’une enquête administrative sur les faits allégués de harcèlement moral à la suite de l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance par l’arrêt CH.

102    Dans ces circonstances, il n’est plus nécessaire de se prononcer sur le grief avancé par la requérante quant au point de savoir si l’AHCC avait l’obligation de l’assister dans la recherche d’une protection par des voies de droit nationales. En tout état de cause, il suffit de relever à cet égard que les motifs figurant au point 57 de l’arrêt CH ne sauraient être compris en ce sens que le devoir d’assistance visé à l’article 24 du statut se limiterait, au titre des mesures d’exécution de l’arrêt CH, à proposer à la requérante, dans l’hypothèse où elle aurait décidé d’introduire un recours devant une juridiction nationale contre le harceleur présumé, de l’assister dans cette procédure.

3.     Sur les conclusions indemnitaires

 Sur le préjudice matériel résultant de la perte de chance d’être recrutée par un membre du Parlement pour la législature 2014/2019

 Arguments des parties

103    La requérante considère que le Parlement devrait être condamné à lui verser la somme de 144 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice matériel découlant de la perte de chance de se voir offrir un nouveau contrat d’APA pour la législature 2014/2019. En effet, selon la requérante, n’ayant pas eu à sa disposition en temps utile les outils de travail, elle n’a pas pu utilement prendre contact avec les membres nouvellement élus du Parlement ni prendre connaissance d’éventuelles vacances d’emploi communiquées au sein du Parlement. Partant, elle aurait perdu une chance d’être recrutée pour une période de cinq ans. Étant donné qu’elle était encore, à la date du dépôt de sa réplique, à la recherche d’un emploi, elle fait valoir que l’avantage perdu peut être évalué, approximativement, à la somme de 240 000 euros sur la base du traitement dont elle bénéficiait auparavant en qualité d’APA. La chance d’être recrutée par un membre du Parlement nouvellement élu pour la législature 2014/2019 aurait été sérieuse si elle était restée travailler dans les locaux du Parlement durant toute la législature précédente, et ce notamment en raison de l’expérience qu’elle aurait acquise. Comme en témoigne le fait qu’elle avait été engagée par Mme P. à la suite du départ du membre du Parlement auquel celle‑ci avait succédé, la requérante estime que, en moyenne, les APA demeurent en fonction en obtenant, dans 60 % des cas, un nouvel emploi auprès d’un nouveau député européen à la suite de la proclamation des résultats des élections. En appliquant ce pourcentage de quantification de la chance d’être recrutée, soit 60 %, à la somme de 240 000 euros que représente le salaire cumulé par un APA au cours d’une législature complète, elle arrive à la conclusion que le Parlement devrait être condamné à lui verser une somme de 144 000 euros au titre du dommage matériel subi.

104    Le Parlement estime que, au regard des trois conditions, retenues par la jurisprudence, subordonnant l’engagement de la responsabilité de l’Union, la condition liée à l’illégalité du comportement fait défaut en l’espèce puisque le Parlement n’a jamais empêché la requérante d’entrer en contact avec les membres du Parlement nouvellement élus pour la législature 2014/2019. Par ailleurs, la réalité du dommage allégué ne serait pas suffisamment étayée au regard de la jurisprudence qui exige que le dommage soit réel et certain et, lorsqu’il s’agit d’une perte de chance, que la chance prétendument perdue ait été réelle et, en outre, que cette perte ait été définitive. Or, la requérante, qui n’a d’ailleurs pas démontré avoir entrepris des démarches en ce sens, conserve toujours la possibilité d’être recrutée par l’un des membres du Parlement au cours de la législature quinquennale actuelle, laquelle ne se termine qu’en 2019. En tout état de cause, aucune règle statutaire ou juridique ne conférerait aux APA un quelconque droit à l’embauche pour assister un autre membre du Parlement à l’expiration de leur contrat, l’avenir d’un APA demeurant, en raison de son engagement fondé sur un lien de confiance, par nature hypothétique et sans caractère réel ni certain.

105    Quant aux contacts avec les membres du Parlement nouvellement élus, ceux‑ci se feraient essentiellement, contrairement à ce que sous‑entend la requérante, non pas dans les locaux du Parlement, mais davantage dans les États membres d’origine des députés nouvellement élus et avant même que ceux‑ci n’entrent en fonctions.

106    Enfin, le lien de causalité entre la prétendue illégalité et le dommage matériel allégué ferait défaut, car, en aucune manière, la prétendue faute du Parlement ne pourrait être la cause déterminante de l’absence de réalisation de la chance alléguée par la requérante, à savoir son absence de recrutement par un membre du Parlement pour la législature 2014/2019, car les APA sont librement choisis par les personnes élues au Parlement et non par l’institution.

 Appréciation du Tribunal

107    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de trois conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du préjudice et l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité reprochée et le préjudice invoqué. Ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter des conclusions indemnitaires (voir arrêts du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 52 ; du 5 juillet 2011, V/Parlement, F‑46/09, EU:F:2011:101, point 157, et du 19 mai 2015, Brune/Commission, F‑59/14, EU:F:2015:50, point 71).

108    S’agissant du comportement illégal invoqué à l’appui de la demande de réparation du préjudice matériel résultant d’une perte de chance d’être recrutée, force est de constater que ce comportement consiste essentiellement dans le prétendu refus illégal du Parlement de mettre à la disposition de la requérante les outils de travail, refus résultant des décisions du 3 mars et 2 avril 2014. Or, ainsi qu’il a été constaté précédemment, pareil grief apparaît non fondé.

109    En tout état de cause, s’agissant de la réalité du préjudice, en l’occurrence matériel, il est de jurisprudence constante que celui‑ci doit être dûment établi et certain (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 54, et du 19 mai 2015, Brune/Commission, F‑59/14, EU:F:2015:50, point 76). En particulier, lorsque le préjudice allégué consiste, comme en l’espèce, en une perte de chance, d’une part, la chance perdue doit avoir été réelle (arrêts du 5 octobre 2004, Eagle e.a./Commission, T‑144/02, EU:T:2004:290, point 165, et du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 96) et, d’autre part, cette perte doit être définitive.

110    Quant au degré de certitude du lien de causalité, il est atteint lorsque l’illégalité commise par une institution de l’Union a, de façon certaine, privé une personne non pas nécessairement d’un recrutement, dont l’intéressé ne pourra jamais prouver qu’il se serait produit, mais d’une chance sérieuse d’être recruté comme fonctionnaire ou agent, avec comme conséquence pour l’intéressé un préjudice matériel consistant en une perte de revenus (arrêts du 5 juillet 2011, V/Parlement, F‑46/09, EU:F:2011:101, point 159, et du 17 octobre 2013, BF/Cour des comptes, F‑69/11, EU:F:2013:151, point 73).

111    En l’espèce, le Tribunal considère que, même si, en pratique, il peut être observé que, à la suite de chaque élection au Parlement, une certaine proportion des APA, évaluée par la requérante à 60 % de ceux qui étaient précédemment employés, est effectivement engagée par les membres du Parlement nouvellement élus, qu’il s’agisse de membres du Parlement ayant ou non été titulaires d’un mandat parlementaire durant la législature précédente, il ne saurait être raisonnablement invoqué par la requérante que, si elle était demeurée effectivement en fonctions durant toute la législature 2009/2014, elle aurait eu 60 % de chance de convaincre un membre du Parlement nouvellement élu de s’adjoindre ses services. En effet, son recrutement et l’éventuelle continuation de son rapport de travail ou le renouvellement de son contrat de travail étant, par définition, tributaires de l’existence d’un lien de confiance avec le membre du Parlement qu’il assiste, un APA en fonctions au service d’un membre du Parlement ne peut ni être assuré d’être engagé pour assister un autre membre du Parlement ni être certain que, à la suite de son engagement, le même membre du Parlement, nouvellement réélu, continuera à s’adjoindre ses services.

112    Par ailleurs, s’agissant de la diminution de la chance d’être recrutée par un membre du Parlement nouvellement élu pour la législature 2014/2019 en raison de la mise à disposition tardive des outils de travail, d’une part, ceux‑ci ont été restitués à la requérante lorsqu’elle en a formulé la demande, à tout le moins dans un délai qui n’était pas déraisonnable. D’autre part, ainsi que le fait valoir à juste titre le Parlement, le seul fait de se trouver physiquement dans les locaux du Parlement et/ou de disposer d’une adresse électronique de cette institution ou d’un accès à l’intranet de cette dernière ne saurait être raisonnablement considéré comme un élément déterminant pour être choisi, par un membre du Parlement nouvellement élu, comme futur collaborateur. En tout état de cause, si ces aspects peuvent faciliter des prises de contact, ils ne consistent ni ne fournissent en aucune manière une garantie d’emploi ou d’accès à un emploi. Ils ne peuvent donc pas être érigés, de manière spéculative, en éléments constitutifs d’une chance réelle et certaine de recrutement.

113    En outre, les membres du Parlement nouvellement élus, avant d’entrer officiellement en fonctions au sein du Parlement, peuvent avoir des contacts et organiser des entretiens en vue du recrutement de leurs collaborateurs également dans leur État membre d’origine. Enfin, compte tenu de l’importance qu’attache la requérante à cet aspect pour l’obtention d’un engagement en tant qu’APA, il peut être raisonnablement présumé que, ayant exercé plusieurs années en qualité d’APA, elle avait conservé un réseau de contacts suffisant parmi les membres du Parlement et les APA pour être informée des vacances de poste et pouvait, partant, aisément entrer en contact avec des membres du Parlement nouvellement élus, sans avoir nécessairement besoin de disposer d’une adresse électronique du Parlement ou d’un accès à ses locaux. Il ressort d’ailleurs des indications qu’elle a fournies dans sa réplique qu’elle a conservé des relations avec des APA en fonctions auprès de la délégation nationale d’un groupe parlementaire, ainsi qu’avec ladite délégation, toutes ces personnes ayant pu lui relayer des informations du Parlement.

114    Il résulte de ce qui précède que, à supposer même que la requérante ait pu demeurer effectivement en fonctions et qu’elle ait disposé, immédiatement après le prononcé de l’arrêt CH, des outils de travail, sa prétendue chance d’être recrutée par un membre du Parlement nouvellement élu pour la législature 2014/2019 aurait davantage reposé non pas sur la disponibilité des outils de travail ou sa présence physique dans les locaux du Parlement, mais davantage sur les mérites de sa candidature et de son profil professionnel, profil qui n’aurait pas été substantiellement amélioré par la prestation effective des fonctions d’APA sur une période supplémentaire de quelques mois en 2014. Au demeurant, la requérante ne se prévaut pas de ce qu’elle aurait entrepris des démarches particulières auprès de membres du Parlement nouvellement élus ou encore du fait que l’un d’eux aurait refusé de s’adjoindre ses services au motif qu’elle n’était pas présente physiquement dans les locaux du Parlement ou qu’elle ne disposait pas, avant le 16 juin 2014, d’une adresse électronique de cette institution ou encore qu’elle disposait d’une expérience professionnelle insuffisante en qualité d’APA.

115    En outre, ainsi que le souligne le Parlement, la législature 2014/2019 est toujours en cours. Ainsi, la prétendue perte de chance n’apparaît nullement définitive puisque, au contraire, la requérante pourrait à l’avenir être amenée à être recrutée à nouveau en qualité d’APA.

116    Prises sous cet angle, tant au regard de la condition relative à la réalité de la perte de chance d’être recrutée qu’à celle tenant à l’existence d’un lien de causalité, les conclusions indemnitaires relatives à une prétendue perte de chance d’être recrutée doivent être rejetées.

117    Il résulte des considérations qui précèdent que les conclusions indemnitaires relatives à la réparation du préjudice matériel qui résulterait de la perte de chance d’être recrutée par un membre du Parlement pour la législature 2014/2019 doivent être rejetées comme étant non fondées.

 Sur le préjudice moral résultant de l’absence d’ouverture d’une enquête administrative

 Arguments des parties

118    La requérante invoque, à l’appui de la réparation d’un préjudice moral qu’elle évalue à 60 000 euros, la circonstance qu’elle n’a toujours pas pu obtenir l’ouverture d’une enquête administrative de nature à établir la réalité des faits de harcèlement moral dénoncés dans sa demande d’assistance. L’annulation des décisions attaquées en l’espèce ne saurait réparer pareil préjudice qui apparaît détachable de l’illégalité fondant l’annulation de ces décisions. Elle estime que son préjudice moral repose en partie sur le fait que, en l’absence d’ouverture d’une enquête administrative, c’est la dignité de sa personne, selon elle harcelée, qui a été affectée. Ainsi que l’aurait relevé le Tribunal dans l’arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission (F‑95/09, EU:F:2011:9, point 26), la reconnaissance éventuelle de l’existence d’un harcèlement moral, laquelle est évidemment tributaire de l’ouverture et de la conduite jusqu’à son terme d’une enquête administrative, est susceptible, en elle‑même, d’avoir un effet bénéfique dans le processus thérapeutique de reconstruction de la personne harcelée. Or, la requérante a clairement été privée de cet éventuel effet bénéfique puisque, à tout le moins à la date d’introduction du recours, aucun rapport d’enquête administrative n’avait été établi. À ceci s’ajouterait le fait, d’une part, que le Parlement n’a manifestement pas veillé à ce que les nouvelles décisions prises en exécution de l’arrêt CH soient dépourvues des vices ayant justifié l’annulation par ledit arrêt des décisions précédentes et que, d’autre part, la requérante a été contrainte de s’engager une seconde fois dans une procédure précontentieuse, puis contentieuse, pour voir ses droits reconnus.

119    Le Parlement conclut au rejet des conclusions indemnitaires susmentionnées en faisant valoir qu’il a entrepris de constituer un organe, en l’occurrence le comité consultatif spécial « APA », capable de mener l’enquête administrative dans le cadre d’une plainte pour harcèlement dont l’auteur présumé serait un membre du Parlement. En ce qui concerne le délai dans lequel l’enquête administrative a été mise en place, le Parlement indique que, plutôt que d’« entreprendre un semblant d’enquête sans cadre approprié, ce qui, dans les faits, n’aurait pas présenté de garanties appropriées », il a préféré « se doter[, par l’adoption, le 14 avril 2014, des règles internes ‘APA’ en matière de harcèlement,] d’un instrument juridique contraignant pouvant donner un effet utile à l’article 24 du statut » dans le contexte des rapports contractuels particuliers noués avec les APA. Le Parlement estime, en outre, que la requérante « ne peut pas prétendre avoir subi un préjudice moral détachable et évaluable [en] une somme d’argent du fait qu[’il] n’aurait pas examiné sa demande d’assistance ».

 Appréciation du Tribunal

120    Si l’annulation d’un acte entaché d’illégalité, tel que les décisions du 3 mars et du 2 avril 2014, confirmées par la décision de rejet de la réclamation, peut constituer en elle‑même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que ces actes peuvent avoir causé, tel ne saurait être le cas lorsque le requérant démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131 ; du 19 novembre 2009, Michail/Commission, T‑49/08 P, EU:T:2009:456, point 88, et du 19 mai 2015, Brune/Commission, F‑59/14, EU:F:2015:50, point 80).

121    Force est de constater que, en l’espèce, la requérante a clairement subi un préjudice moral du fait que, premièrement, le Parlement n’avait toujours pas, à la date de mise en délibéré de la présente affaire, utilement traité sa demande d’assistance formulée au titre de l’article 24 du statut ; deuxièmement, à la date d’introduction du présent recours, aucune enquête administrative n’avait été diligentée au sens de la jurisprudence ; et, troisièmement, même si, postérieurement à cette dernière date, l’AHCC a finalement confié au comité consultatif spécial « APA » le soin de mener à sa place une telle enquête, la requérante n’avait pas encore été informée, à la date de mise en délibéré de la présente affaire, des résultats de cette enquête ni des éventuelles mesures suggérées aux questeurs ou encore au président du Parlement.

122    Or, dès lors que l’AHCC a été régulièrement saisie d’une demande d’assistance, en l’occurrence le 22 décembre 2011, à un moment où tant la requérante que le membre du Parlement concerné exerçaient leurs fonctions respectives au sein de l’institution, elle demeure dans l’obligation de conduire l’enquête administrative, indépendamment de la question de savoir si le harcèlement allégué a cessé ou non.

123    En effet, d’une part, la reconnaissance éventuelle par l’AHCC à l’issue de l’enquête administrative, éventuellement menée avec l’aide d’un comité consultatif tel que le comité consultatif spécial « APA », de l’existence d’un harcèlement moral est, en elle‑même, susceptible d’avoir un effet bénéfique dans le processus thérapeutique de reconstruction de l’APA harcelé (voir arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission, F‑95/09, EU:F:2011:9, point 26) et pourra en outre être utilisée par la victime aux fins d’une éventuelle action judiciaire nationale pour laquelle l’obligation d’assistance de l’AHCC au titre de l’article 24 du statut s’appliquera et ne s’éteindra pas à l’issue de la période d’engagement de l’APA.

124    D’autre part, d’autant plus dans une situation telle que celle de l’espèce où, à ce stade, seules des allégations de harcèlement sont en cause, la conduite jusqu’à son terme d’une enquête administrative peut, à l’inverse, permettre d’infirmer les allégations faites par la prétendue victime, permettant alors de réparer les torts qu’une telle accusation, si celle‑ci devait s’avérer non fondée, a pu causer chez la personne visée en tant que harceleur présumé par une procédure d’enquête.

125    En outre, ainsi que le relève la requérante, le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus peut constituer un préjudice moral pouvant découler du seul fait que l’administration a commis une illégalité, étant souligné que ces préjudices sont réparables, lorsque ceux‑ci ne sont pas compensés par la satisfaction résultant de l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 et 28). Ceci vaut, notamment, lorsque, dans le cadre des mesures d’exécution d’un arrêt d’annulation, l’administration réitère des irrégularités de même nature que celles ayant justifié ladite annulation.

126    En l’espèce, eu égard à l’absence d’ouverture en temps utile et de conduite jusqu’à son terme d’une enquête administrative, pourtant sollicitée dans la demande d’assistance puis ultérieurement réitérée, et au fait que la requérante a dû entreprendre de nouvelles démarches auprès de l’administration du Parlement puis introduire un nouveau recours contentieux pour obtenir la reconnaissance de la plénitude de ses droits tirés de l’article 24 du statut, le Tribunal décide qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la requérante en fixant, ex æquo et bono, la réparation dudit chef de préjudice à un montant de 25 000 euros.

127    Par ailleurs, le Tribunal considère qu’il y a lieu de faire droit à la demande de la requérante tendant à ce que ce montant soit majoré d’intérêts au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, augmenté de deux points. En l’absence d’indication de la date à partir de laquelle de tels intérêts moratoires devraient courir, le Tribunal décide, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1998, Aquilino/Conseil, T‑130/96, EU:T:1998:159, point 39), que ceux‑ci commenceront à courir à compter de la date d’adoption de la décision de rejet de la réclamation, à savoir le 4 août 2014, puisque, jusqu’à cette date, l’AHCC disposait encore, en principe, de la possibilité d’ouvrir une enquête administrative au titre des mesures d’exécution de l’arrêt CH afin de satisfaire à la demande formulée en ce sens par la requérante le 15 janvier 2014.

128    S’agissant, enfin, de l’argumentation de la requérante tirée d’une violation des droits de la défense et du principe de bonne administration en ce qu’elle n’a pas été autorisée à se faire accompagner de ses avocats lors de son audition par le comité consultatif spécial « APA » le 15 janvier 2015, le Tribunal se bornera à constater que les faits reprochés sont, en tout état de cause, postérieurs à la saisine du Tribunal et ne sauraient être pris en compte en tant que tels pour la détermination du préjudice subi.

129    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu pour le Tribunal :

–        d’annuler la décision du 2 avril 2014, telle que confirmée par la décision de rejet de la réclamation, en ce que le Parlement a, en méconnaissance de l’article 266 TFUE, refusé de verser à la requérante un montant supplémentaire de 5 686 euros au titre de l’exécution de l’arrêt CH, et de condamner le Parlement à verser ce montant à la requérante, majoré à compter du 1er juillet 2014, date de la fin du contrat d’APA de la requérante, d’intérêts moratoires au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, augmenté de deux points ;

–        d’annuler la décision du 3 mars 2014, telle que confirmée par la décision de rejet de la réclamation, en ce que, à la suite de l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance par l’arrêt CH, le Parlement a méconnu l’article 266 TFUE en n’ordonnant pas, au titre du devoir d’assistance qui lui incombe en vertu de l’article 24 du statut et de son devoir de sollicitude, l’ouverture d’une enquête administrative sur les faits allégués de harcèlement moral ;

–        de rejeter les conclusions en annulation pour le surplus ;

–        de condamner le Parlement à verser à la requérante un montant de 25 000 euros en réparation du préjudice moral subi, majoré, à compter du 4 août 2014, d’intérêts moratoires au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, augmenté de deux points ;

–        de rejeter les conclusions indemnitaires pour le surplus.

 Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

131    Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le Parlement est, pour l’essentiel, la partie qui succombe. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé que le Parlement soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement doit supporter ses propres dépens et être condamné à supporter les dépens exposés par CH.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Parlement européen du 2 avril 2014, telle que confirmée par la décision du 4 août 2014 de rejet de la réclamation, est annulée en ce que le Parlement européen a, en méconnaissance de l’article 266 TFUE, refusé de verser à CH un montant supplémentaire de 5 686 euros en exécution de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203).

2)      La décision du Parlement européen du 3 mars 2014, telle que confirmée par la décision du 4 août 2014 de rejet de la réclamation, est annulée en ce que, à la suite de l’annulation par l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), de la décision du Parlement européen du 15 mars 2012 portant rejet de la demande d’assistance de CH du 22 décembre 2011, le Parlement européen n’a pas décidé de l’ouverture d’une enquête administrative sur les faits allégués de harcèlement moral et a ainsi méconnu l’article 266 TFUE.

3)      Les conclusions en annulation sont rejetées pour le surplus.

4)      Le Parlement européen est condamné à verser à CH un montant de 5 686 euros, majoré à compter du 1er juillet 2014, date de fin d’engagement de CH, d’intérêts moratoires au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, augmenté de deux points.

5)      Le Parlement européen est condamné à verser à CH un montant de 25 000 euros en réparation du préjudice moral subi, majoré, à compter du 4 août 2014, d’intérêts moratoires au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, augmenté de deux points.

6)      Les conclusions indemnitaires sont rejetées pour le surplus.

7)      Le Parlement européen supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par CH.

Barents

Perillo

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2015.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       R. Barents


* Langue de procédure : le français.