Language of document : ECLI:EU:T:2005:254

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

28 juin 2005 (*)

« Marque communautaire − Marque figurative CANAL JEAN CO. NEW YORK − Opposition du titulaire de la marque verbale nationale CANALI − Risque de confusion »

Dans l’affaire T‑301/03,

Canali Ireland Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par Mes C. Gielen et O. Schmutzer, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mmes A. Apostolakis et S. Laitinen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Canal Jean Co. Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par M. M. Cover, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 17 juin 2003 (affaire R 103/2002‑2), relative à la procédure d’opposition 78859 entre Canali SpA et Canal Jean Co. Inc.,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. J. D. Cooke, président, Mmes I. Labucka et V. Trstenjak, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 août 2003,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2003,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2003,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 2 février 2004,

à la suite de l’audience du 15 février 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 22 novembre 1996, l’intervenante a présenté à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) une demande d’enregistrement d’une marque communautaire au titre du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2       L’enregistrement a été demandé pour la marque figurative suivante :

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3       Les produits et services désignés dans la demande d’enregistrement relèvent de la classe 25 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et sont décrits comme suit : « Vêtements ; chaussures ; chapellerie ».

4       La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 42/98, du 8 juin 1998.

5       Le 3 septembre 1998, Canali SpA a formé, au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, une opposition à l’enregistrement de la marque en invoquant un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et la marque antérieure qu’elle détenait.

6       La marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition est la marque verbale CANALI et couvre des produits et des services relevant des classes 3, 6, 9, 14, 16, 18, 20, 25, 34 et 42.

7       Canali SpA a dirigé son opposition contre tous les produits désignés dans la demande de marque communautaire.

8       Par décision du 27 novembre 2001, la division d’opposition a fait droit à l’opposition en refusant l’enregistrement de la marque demandée au motif que, compte tenu de l’identité des produits désignés par chacune des marques et du caractère distinctif élevé de la marque antérieure, le risque important d’association l’emportait sur la similitude réduite des signes en cause et suscitait un risque de confusion.

9       Le 25 janvier 2002, l’intervenante a formé un recours au titre des articles 57, 58 et 59 du règlement n° 40/94 et de la règle 48 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d´application du règlement nº 40/94 (JO L 303, p. 1), visant à entendre annuler la décision pour violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

10     Par décision du 17 juin 2003 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a fait droit au recours.

 Procédure et conclusions des parties

11     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, a demandé aux parties de répondre à certaines questions. En premier lieu, il a invité les parties à présenter leurs observations sur la recevabilité du recours, compte tenu du fait que la partie qui était intervenue devant l’OHMI était Canali SpA, et non la requérante. Les parties ont présenté leurs observations dans les délais impartis. Le Tribunal a également demandé à l’OHMI et à l’intervenante de confirmer que, compte tenu des pièces produites par la requérante au cours de la présente procédure, Canali Ireland Ltd était effectivement subrogée dans les droits de Canali SpA concernant les mesures administratives devant l’OHMI. Cela a été confirmé par l’OHMI. L’intervenante n’a pas émis d’objection sur ce point.

12     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées à l’audience du 15 février 2005.

13     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       faire droit à l’opposition formée contre la demande d’enregistrement et refuser la demande d’enregistrement de la marque dans son ensemble et/ou ordonner toute mesure qu’il jugera adéquate ;

–       condamner l’intervenante aux dépens.

14     L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

15     L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       statuer en sa faveur sur les dépens liés à l’intervention.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

16     Au cours de la procédure écrite, l’OHMI et l’intervenante ont souligné que la requérante n’était pas partie à la procédure devant l’OHMI et qu’elle prétendait être le nouveau titulaire de la marque antérieure CANALI. Selon eux, d’une part, la requérante n’a pas établi avoir qualité pour former le présent recours et, d’autre part, l’acte de cession joint à la requête ne vise pas la marque antérieure invoquée dans la procédure d’opposition.

17     Dans son mémoire en réplique, la requérante expose que, si l’acte de cession ne mentionne pas le numéro d’enregistrement originaire de la marque antérieure CANALI, il vise en tout état de cause le numéro et la date du certificat de renouvellement (n° 822 119 du 3 mai 1999) de cette marque. La banque de données de l’Ufficio marchi e brevetti (Office italien des marques et brevets) signalerait le dernier numéro de renouvellement, car le certificat de renouvellement indiquerait les enregistrements antérieurs renouvelés. Le certificat de renouvellement indiquerait clairement qu’il porte sur le renouvellement de la marque italienne CANALI, premier numéro d’enregistrement 513 948, daté du 2 octobre 1989, à savoir la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition.

 Appréciation du Tribunal

18     L’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 dispose que le recours contre une décision d’une chambre de recours est « ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions ».

19     Or, le Tribunal considère que, conformément à l’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, les nouveaux titulaires d’une marque antérieure peuvent former un recours devant le Tribunal et doivent être admis en tant que parties à la procédure dès lors qu’ils ont établi être titulaires du droit invoqué devant l’OHMI.

20     Le Tribunal estime que, le nouveau titulaire de la marque antérieure italienne ayant produit la preuve de la cession de la marque en cause à son endroit et l’OHMI ayant enregistré la cession de la marque italienne CANALI de Canali SpA à la requérante à la suite de la procédure devant la chambre de recours, la requérante devient la partie à la procédure devant l’OHMI.

 Sur le fond

21     S’agissant du premier chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

22     La requérante prétend que la décision attaquée est non fondée, en ce que la chambre de recours a erronément conclu à l’absence de risque de confusion entre les deux marques.

23     En ce qui concerne la similitude entre les signes, la requérante estime que, compte tenu de la similitude des produits et des marques en présence, le risque de confusion doit être établi en prenant en compte le public pertinent, à savoir, en l’espèce, les consommateurs moyens en Italie.

24     En ce qui concerne les signes en présence, la requérante soutient que le terme « canal » est l’élément verbal dominant de la marque demandée et présente une grande similitude avec la marque antérieure. Selon la requérante, les éléments supplémentaires de la marque demandée sont trop courants pour jouer un rôle décisif qui les amènerait à être perçus comme des éléments distinctifs par le consommateur moyen italien.

25     Premièrement, sur le plan visuel, la requérante admet que la marque demandée comporte plusieurs éléments différents de la marque antérieure.

26     Deuxièmement, sur le plan phonétique, la requérante soutient que les signes en question sont similaires. Lorsque les consommateurs parlent des produits de l’intervenante entre eux ou avec un détaillant, ils les évoqueront presque certainement par « canal » ou « canal jean(s) ». L’élément « canal » serait ainsi l’élément le plus frappant de la marque demandée.

27     Troisièmement, sur le plan conceptuel, la requérante estime que les signes sont similaires. Le terme « canali » signifierait « canaux » et un grand nombre de consommateurs associeraient le terme « canal » figurant dans la marque demandée à l’idée de canal, sens de ce terme dans un certain nombre de dialectes du nord de l’Italie.

28     Quatrièmement, compte tenu de la similitude conceptuelle et phonétique des signes en cause, les éléments différant sur le plan visuel et figurant dans la demande ne pourraient exclure le risque de confusion.

29     La requérante indique, en outre, qu’il est courant dans le secteur de l’habillement de voir la même marque représentée de différentes manières en fonction du type de produit auquel elle est attachée et qu’il est courant de voir le même fabricant de vêtements utiliser des sous-marques.

30     La requérante prétend, enfin, qu’il y a un risque de confusion entre les signes en question en raison du caractère distinctif élevé de la marque antérieure et de l’identité ou du haut degré de similitude entre les produits en question.

31     L’OHMI prétend, en revanche, que les deux marques présentent des différences considérables. Il soutient que la requérante conclut à la similitude des signes en se focalisant entièrement sur le seul élément verbal « canal » de la marque demandée et en ignorant, à tout le moins sur les plans phonétique et conceptuel, les autres éléments de cette marque.

32     Il fait observer que c’était l’argument essentiel que la chambre de recours a fait valoir dans la décision attaquée, laquelle a considéré, pour conclure à la similitude de la marque demandée et de la marque antérieure, qu’il faudrait décomposer radicalement la marque demandée, ce que les consommateurs ne seraient pas enclins à tenter et encore moins à réaliser. Il s’ensuivrait que, contrairement à ce que la requérante prétend, les éléments supplémentaires de la marque demandée doivent également être pris en compte dans la comparaison des signes, étant donné que certains d’entre eux sont, dans une certaine mesure, intrinsèquement distinctifs.

33     Comparant les signes en cause, l’OHMI relève que, sur le plan visuel, la marque demandée contient certains éléments différents de la marque antérieure. Le dessin en damier et les mots supplémentaires « jean co. New York » figurant dans la marque demandée contrebalanceraient clairement la similitude entre la marque antérieure CANALI et le mot « canal » de la marque demandée.

34     Sur le plan phonétique, la marque demandée se prononcerait « Canal Jean Co. New York », dès lors qu’il est inhabituel que des éléments figuratifs soient énoncés oralement lors de l’évocation d’un signe. Certes, il y aurait certaines similitudes phonétiques entre les signes en conflit, compte tenu du fait que, dans cinq de ses six lettres, la marque antérieure CANALI coïncide avec le mot « canal » de la marque demandée. Néanmoins, dès lors que cette marque contient quatre mots supplémentaires, les consommateurs n’en feraient pas totalement abstraction pour évoquer la marque, la distinguant ainsi sur le plan phonétique de la marque antérieure.

35     Sur le plan conceptuel, la marque antérieure pourrait être perçue comme un nom patronymique ou comme le pluriel du terme italien « canale ». Compte tenu en particulier des produits en question, à savoir des vêtements, et du marché en cause, à savoir le secteur italien de la mode, dans lequel les noms de famille sont abondamment utilisés, il serait plus que probable que le consommateur italien percevra cette marque plus comme un nom que comme le terme susmentionné. D’autre part, considérée dans son ensemble, et abstraction faite de ses éléments dominants, la marque demandée serait perçue comme évoquant une société et une ville.

36     L’OHMI soutient que, en l’espèce, les produits désignés dans la demande de marque sont des vêtements, des chaussures et de la chapellerie, c’est-à-dire des produits qui ne sont généralement pas commandés ou désignés oralement, mais qui sont choisis par des consommateurs en fonction de leur aspect, de leur qualité, de leur couleur et de leur taille. Ces produits seraient généralement appréhendés et essayés ou, en tout état de cause, soigneusement examinés avant l’achat. Il serait évident que l’incidence phonétique et conceptuelle de la marque est moins importante. Il s’ensuivrait que les disparités visuelles entre les signes en cause sont particulièrement importantes.

37     L’OHMI conclut donc que c’est à juste titre que la chambre de recours a décidé que les signes en conflit ne sont, globalement, pas similaires.

38     S’agissant du risque que le public puisse croire que les produits en question viennent de la même entreprise, l’OHMI indique d’emblée que la marque demandée ne reproduit pas la marque antérieure. Une sous-marque devrait, par définition, inclure la marque originale même. L’OHMI indique ensuite que la marque demandée inclut nettement trop d’éléments supplémentaires pour que les consommateurs puissent croire qu’il s’agit d’une sous-marque de la marque de la requérante. Pour que les consommateurs fassent le lien entre la marque principale et la sous-marque, cette dernière devrait inclure une indication du type de vêtement appelé à être commercialisé sous cette sous-marque.

39     Enfin, s’agissant du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure, l’OHMI fait observer que la chambre de recours n’a pas examiné dans la décision attaquée si l’appréciation qu’en avait fait la division d’opposition était exacte, mais a plutôt indiqué, pour des « raisons d’économie de procédure », que la marque antérieure avait un caractère distinctif prononcé. La requérante n’ayant pas contesté cette proposition, cette question ne fait pas l’objet de la présente procédure.

40     Il découlerait de tout ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a décidé que, les signes n’étant pas similaires et en dépit de l’identité, voire de la similitude, des produits en cause et du caractère distinctif prononcé acquis par la marque antérieure, il n’y a pas de risque de confusion de la part du public dans le domaine dans lequel la marque antérieure est protégée.

41     L’intervenante considère pour sa part qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les marques en présence et soutient les arguments avancés par l’OHMI. L’intervenante ajoute que chacun des éléments de la marque demandée renvoie à une entreprise de vêtements de New York liée au quartier de la mode de Canal Street. La combinaison de tous les éléments serait une synergie créant une impression d’ensemble unique nettement distincte de la marque antérieure.

 Appréciation du Tribunal

42     L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 dispose que, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement « lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée », le « risque de confusion » comprenant le « risque d’association avec la marque antérieure ». En outre, aux termes de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, on entend par « marques antérieures » les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

43     Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

44     Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 31 à 33, et la jurisprudence citée].

45     En l’espèce, compte tenu de ce que la marque antérieure est enregistrée en Italie et que les produits sont des articles de consommation courante, à savoir des vêtements, le public à prendre en considération pour apprécier le risque de confusion est composé des consommateurs moyens en Italie.

46     Il est constant que les produits désignés par la marque demandée et les produits couverts par la marque antérieure sont à tout le moins similaires. Il est dès lors nécessaire de comparer les signes en présence en l’espèce sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

47     L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47].

48     Tout d’abord, sur le plan de la comparaison visuelle, la chambre de recours a décidé qu’il faudrait décomposer radicalement la marque demandée pour arriver à la conclusion que les éléments qui doivent être comparés sont tout au plus les éléments « canal » et « canali » (point 21 de la décision attaquée). La marque demandée contient un certain nombre d’éléments à la fois verbaux et figuratifs qui la différencient de la marque invoquée à l’appui de l’opposition tels que « jean », « co. », « New York » et le dessin en damier. Ces éléments aideront le consommateur à la mémoire défaillante à distinguer les marques en cause. Ce consommateur pourra ainsi se rappeler des produits de la marque demandée comme étant ceux d’une entreprise de New York ou comme étant ceux qui ont le dessin en damier.

49     Le Tribunal observe que le fait que la marque antérieure et la marque demandée contiennent les mots « canali » et « canal », lesquels présentent une certaine ressemblance, a une incidence mineure dans la comparaison globale des signes en cause et ne suffit pas en lui-même pour conclure à la similitude visuelle desdits signes.

50     En effet, la marque demandée contenant d’autres éléments verbaux, à savoir les mots « jean », « co. » et « New York », l’impression d’ensemble produite par chaque signe est différente. Au surplus, la marque demandée inclut un élément figuratif, à savoir le dessin en damier. Or, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence issue de l´arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, précité (point 33), le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout sans se livrer à un examen de ses différents détails.

51     Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les différences entre les signes en présence suffisaient pour conclure que les signes ne sont pas similaires quand on les considère visuellement dans leur ensemble.

52     S’agissant, ensuite, de la comparaison phonétique, la chambre de recours n’a pas examiné spécifiquement les signes en présence. Elle s’est bornée à indiquer que les éléments « jean », « co. » et « New York » accentuaient aussi les différences phonétiques entre les marques en conflit (point 21 de la décision attaquée).

53     Il convient de relever, à cet égard, que la marque demandée se compose de six syllabes, dont une seule, à savoir la syllabe « ca », est la même que les syllabes de la marque antérieure composée de trois syllabes. Le mot « canali », figurant dans la marque antérieure, coïncide en cinq de ses six lettres avec le premier mot de la marque demandée, à savoir « canal ». Le Tribunal estime dès lors que, comme la marque demandée contient quatre mots supplémentaires, il est improbable que les consommateurs fassent abstraction de ces mots, de sorte qu’ils distingueront la marque antérieure quand ils énonceront la marque.

54     Le Tribunal estime que c’est à tort que la requérante invoque, à cet égard, les arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI –Petit Liberto (Fifties) (T‑104/01, Rec. p. II‑4359), et Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN) (T‑6/01, Rec. p. II‑4335), dans lesquels le Tribunal a constaté que l’élément verbal dominant était présent dans chaque signe. En l’espèce, toutefois, seule une partie du premier mot de la marque antérieure est présente dans la marque demandée.

55     À cet égard, ainsi que l’OHMI l’a indiqué à juste titre, le degré de similitude phonétique entre les deux marques a une importance mineure, s’agissant de produits dont le mode de commercialisation incite le public visé à percevoir habituellement, lors de l’achat, de manière visuelle la marque désignant ces produits. Tel est certainement le cas des vêtements (arrêt BASS, précité, point 55).

56     Les signes en présence ont, dès lors, des éléments phonétiques moins communs que disparates. Partant, les marques en question ne sont pas similaires sur le plan phonétique.

57     Enfin, en ce qui concerne la comparaison des deux signes sur le plan conceptuel, la chambre de recours ne s’est pas livrée à une appréciation des signes, mais a indiqué que les éléments précités accentuaient les différences conceptuelles des marques.

58     La marque antérieure CANALI sera plutôt perçue comme étant le pluriel du mot italien « canale » signifiant « canal » ou un patronyme, ce qui est très répandu dans le secteur italien de la mode.

59     Le mot « canal » sera perçu par le consommateur pertinent comme un mot anglais signifiant « canal». Le mot « jean » peut se comprendre comme évoquant une partie des produits couverts par la marque demandée. L’élément « co. » sera reconnu par le public en cause comme étant l’abréviation du mot anglais « company ». Le mot « New York » est, quant à lui, une désignation géographique non descriptive des produits en question et a une importance sémantique qui, en combinaison avec les mots « canal jean co. », sera perçu par le public italien comme évoquant une entreprise de vêtements établie à New York. S’agissant de l’élément figuratif représentant un damier, l’argument de l’intervenante, selon lequel le public associera celui-ci aux taxis ou au quartier de Canal Street à New York, ne saurait prospérer. En tout état de cause, la marque demandée, appréhendée dans son ensemble, produit un effet qui est différent de la marque antérieure sur le plan conceptuel.

60     En conséquence, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’absence de similitude sur le plan conceptuel entre les signes en question.

61     En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel, dans le secteur de l’habillement, il serait courant de voir la même marque représentée de différentes manières et le même fabricant utiliser des sous-marques pour le même vêtement, le Tribunal estime que le degré de similitude entre les marques en cause n’est pas suffisamment élevé pour conclure que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I‑3819, point 17 ; Fifties, précité, point 25).

62     S’agissant du caractère distinctif prononcé de la marque antérieure, les signes en conflit n’ayant pas pu être considérés comme étant similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, cet aspect ne saurait affecter l’évaluation globale du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 octobre 2003, Éditions Albert René/OHMI – Trucco (Starix), T‑311/01, Rec. p. II‑4625, point 61].

63     Par tous ces motifs, le Tribunal estime que la chambre de recours a conclu à juste titre, au point 21 de la décision attaquée, à l’absence de risque de confusion dans l’esprit du public à prendre en considération entre la marque demandée et la marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

64     Compte tenu des différences entre les marques en cause, cette conclusion n’est pas invalidée par le fait que les produits couverts par la marque demandée sont identiques aux produits de la marque antérieure.

65     Le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 est dès lors non fondé.

66     Il s’ensuit que le premier chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée doit être rejeté.

67     En ce qui concerne le second chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal fasse droit à l’opposition formée contre la demande et refuse la demande d’enregistrement de la marque dans son ensemble, il découle du contexte des différentes demandes formées par la requérante que ce chef de conclusions présuppose qu’il soit fait droit au recours en annulation, à tout le moins en partie, et qu’il n’est dès lors formé que si le recours aboutit dans son premier chef de conclusions.

68     Ainsi qu’il ressort du point 65 ci-dessus, il n’y a aucune raison d’annuler la décision attaquée. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la recevabilité ou sur le bien-fondé du second chef de conclusions.

 Sur les dépens

69     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par l’intervenante conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Cooke

Labucka

Trstenjak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 juin 2005

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       J. D. Cooke


* Langue de procédure : l’anglais.