Language of document : ECLI:EU:T:2005:264

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 juin 2005(*)

« Fonctionnaires – Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Services effectués pour un autre État ou pour une organisation internationale – Notion d’État – Activité professionnelle principale »

Dans l’affaire T‑190/03,

Sanni Olesen, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 19 avril 2002, refusant à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, et, d’autre part, une demande de paiement de cette indemnité à partir de la date de sa prise de fonctions, majorée des intérêts de retard,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 février 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       Le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), prévoit à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII :

« L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire est accordée :

a)      au fonctionnaire :

–       qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation,

et

–       qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération ;

[…] »

 Faits à l’origine du litige

2       La requérante, Mme S. Olesen, de nationalité danoise, est fonctionnaire de grade A 7 auprès de la direction générale (DG) « Environnement » de la Commission à Bruxelles.

3       Le 2 juillet 1994, la requérante a épousé M. O. Nielsen, lequel est entré en fonctions, en tant qu’agent temporaire, le 16 janvier 1994 auprès de la Commission à Bruxelles et est devenu fonctionnaire le 1er avril 2000.

4       La requérante, employée par le Parlement danois, est arrivée en Belgique le 31 décembre 1994, bénéficiant d’un congé de maternité de 52 semaines lui permettant de vivre à l’étranger. À l’expiration de ce congé, la requérante n’a pas repris ses activités professionnelles auprès du Parlement danois et est demeurée en Belgique.

5       En ce qui concerne l’exercice de ses activités professionnelles en Belgique, d’une part, la requérante a, depuis une date indéterminée en 1995 ou, en tout cas, ainsi que la Commission l’a elle-même admis, depuis novembre 1996 jusqu’en 2002, année de son entrée en service en tant que fonctionnaire stagiaire auprès de la Commission, travaillé en tant que conférencière free-lance pour le service « Visites » de la DG « Éducation et culture ».

6       Cette prestation de services pour la DG « Éducation et culture » était rémunérée selon un tarif forfaitaire et sur la base de bons de commande établis par la Commission.

7       D’autre part, le 11 décembre 1995, la requérante a signé un contrat avec la commune danoise « Odense Kommune » (ci-après la « commune d’Odense ») pour travailler, à partir du 1er janvier 1996 et jusqu’au 31 décembre 1997, en tant que consultante pour les affaires européennes auprès du conseil économique et du bureau pour les affaires européennes de ladite commune à Bruxelles. Le contrat a été prorogé une première fois, pour la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, et une seconde fois, le 8 février 2000, pour une durée indéterminée, avec effet au 1er janvier 2000.

8       Le contrat conclu avec la commune d’Odense prévoyait, en son article 2, que la requérante « d[eva]it consacrer toute sa force de travail à son emploi et ne p[ouvai]t donc exercer aucune autre activité rémunérée sans l’accord de la commune d’Odense ». L’article 3 dudit contrat fixait le salaire annuel de la requérante comprenant un élément relatif à la « pension ». Les articles 4 à 10 régissaient la relation de travail concernant la loi applicable aux congés et au contrat de travail, l’usage d’un véhicule à des fins professionnelles, l’obligation de séjourner à Odense, les relations de la requérante avec le coordinateur de la commune d’Odense et une obligation de confidentialité ainsi que la cessation de la relation de travail.

9       Le 1er mars 2002, la requérante, fonctionnaire stagiaire au Parlement européen, a été transférée à l’emploi d’administrateur (fonctionnaire stagiaire) de grade A 7, échelon 1, auprès de la DG « Environnement », direction « Environnement et santé », unité « Substances chimiques » de la Commission à Bruxelles.

10     Par décision du 6 décembre 2002, prenant effet le 1er décembre 2002, la requérante a été titularisée dans son emploi.

11     Le 19 avril 2002, la Commission a établi une note de dossier signée au nom de Mme T., chef d’unité au sein de la DG « Personnel et administration » de la Commission, fixant les droits et indemnités de la requérante, dont il ressort que l’indemnité de dépaysement lui a été refusée.

12     Le 17 juillet 2002, la requérante a introduit une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, enregistrée le 17 juillet 2002 sous la référence R/378/02, à l’encontre de la décision de refus d’octroi de l’indemnité de dépaysement.

13     Dans sa réclamation, la requérante a affirmé avoir vécu et travaillé en Belgique dès 1995, et ce jusqu’à son entrée en fonctions à la Commission, mais a également souligné que, statutairement, elle était toujours rattachée au Danemark, compte tenu du fait que, à son arrivée en Belgique, elle était encore employée par le Parlement danois dans le cadre d’un congé de maternité. Selon la requérante, à partir du 1er janvier 1996, elle ne résidait que « techniquement » à Bruxelles pour y travailler pour le bureau de représentation de la commune d’Odense, puisque son statut professionnel était intégralement régi par le droit danois. La requérante a conclu qu’aucun élément concernant sa vie professionnelle ne pouvait dès lors être considéré comme étant lié à l’exercice d’une activité principale sur le territoire de la Belgique et que, au contraire, tous ces éléments la rattachaient au Danemark.

14     À titre subsidiaire, la requérante a relevé, dans sa réclamation, qu’elle avait travaillé comme conférencière pour la Commission de façon régulière depuis 1995 jusqu’à son entrée en fonctions comme fonctionnaire, en effectuant environ deux à douze conférences par mois, et a souligné que sa relation avec la Commission était formalisée depuis 1998 par un contrat de trois ans, lequel avait été renouvelé en 2001. La requérante en a conclu que, eu égard au fait qu’elle avait fait des interventions publiques, comme conférencière, au nom de la Commission et qu’elle avait perçu un salaire de cette dernière, elle remplissait la condition d’avoir travaillé pour une organisation internationale au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

15     Le 30 janvier 2003, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’ « AIPN ») a pris une décision explicite de rejet de la réclamation de la requérante. Cette décision a été notifiée à la requérante par note du 3 février 2003 du directeur de la direction B de la DG « Personnel et administration ». La requérante en a accusé réception le 1l février suivant.

16     Dans sa décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a indiqué que la période de référence, aux fins de l’indemnité de dépaysement, était celle comprise entre le 1er septembre 1996 et le 30 août 2001 et a relevé que l’objectif de la détermination de cette période était de lier l’octroi de ladite indemnité à la question de savoir si l’intéressée avait habituellement vécu ou travaillé dans l’État où se situait son lieu d’affectation.

17     Elle a souligné que la requérante ne contestait pas avoir exercé son activité professionnelle principale à Bruxelles au cours de ladite période et confirmait, de surcroît, avoir eu sa résidence principale en Belgique depuis 1995. L’AIPN a relevé que l’activité principale exercée par la requérante était celle d’agent contractuel de la commune d’Odense et que cette activité était exercée de façon stable au moins depuis 1996.

18     L’AIPN a également relevé que l’activité de conférencière de la requérante était exercée à titre subsidiaire en tant que free-lance avec une fréquence qu’elle ne pouvait déterminer exactement et qu’une telle activité ne pouvait générer aucune « neutralisation » au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut.

19     Eu égard à ces éléments, l’AIPN a conclu que c’était à bon droit que le bénéfice de l’indemnité de dépaysement avait été refusé à la requérante, en sorte qu’il ne pouvait être donné une suite favorable à la réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

20     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 2003, la requérante a introduit le présent recours.

21     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision de la Commission du 19 avril 2002 de ne pas lui octroyer l’indemnité de dépaysement à compter de son entrée en service le 1er mars 2002 ;

–       condamner la Commission à lui payer l’indemnité de dépaysement qui lui est due depuis la date de son entrée en service, majorée des intérêts de retard calculés selon la jurisprudence ;

–       condamner la Commission aux dépens.

22     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

23     Le 14 octobre 2003, le Tribunal a décidé, en vertu de l’article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure, qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire, le dossier étant suffisamment complet pour permettre aux parties de développer leurs moyens et arguments au cours de la procédure orale, ce sur quoi la requérante n’a formulé aucune observation.

24     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Le Tribunal a invité la requérante à produire des documents au titre de l’article 64 du règlement de procédure, ce qui a été fait dans le délai imparti.

25     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 3 février 2005.

 En droit

26     La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut. Dans le cadre de ce moyen, la requérante articule son argumentation en deux branches. La première est tirée du fait qu’elle aurait effectué des services pour un État pendant la période de référence et la seconde est tirée du fait qu’elle aurait effectué des services pour une organisation internationale durant la même période.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de « services effectués pour un autre État »

 Arguments des parties

27     La requérante relève que, de janvier 1996 jusqu’au 1er mars 2002, date de son entrée en fonctions en qualité de fonctionnaire stagiaire à la Commission, elle a été au service de la commune d’Odense en tant que représentante de celle-ci auprès des institutions communautaires. Au titre de cette activité professionnelle qu’elle exerçait à titre principal, la requérante affirme qu’elle bénéficiait d’un contrat et d’une rémunération et qu’elle était soumise à un horaire de travail quotidien. En outre, cette activité impliquait, selon la requérante, de fréquents séjours au Danemark.

28     La requérante fait valoir que, si les communes danoises ne disposent pas de la personnalité juridique, elles bénéficient d’un statut d’autonomie, conformément à l’article 82 de la constitution danoise qui prévoit que le « droit des communes de gérer leurs affaires publiques de manière autonome, sous la supervision de l’État, est défini par la loi ». C’est en application de ce statut d’autonomie que les communes danoises pourraient ouvrir des représentations à l’étranger et, par exemple, conclure des contrats de droit privé.

29     À cet égard, la requérante invoque la lettre du jurisconsulte du ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement belge du 18 juillet 1991 adressée aux avocats de la commune d’Odense, dans laquelle celui-ci a précisé :

« En réponse à votre lettre du 3 juillet, j’ai le plaisir de vous confirmer que l’établissement à Bruxelles de votre cliente ne devrait rencontrer aucune difficulté. Comme la ville danoise en question n’est pas titulaire de la personnalité juridique de droit international, il lui suffira de remplir les formalités requises dans le cas d’établissement d’une personne morale étrangère. »

30     Selon la requérante, il s’ensuit que l’activité professionnelle principale qu’elle a exercée de janvier 1996 jusqu’au 1er mars 2002, en tant que représentante de la commune d’Odense, doit être considérée comme des « services effectués pour un autre État », à savoir pour le Royaume de Danemark, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut.

31     La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

32     Il convient, dans le cadre de la première branche du moyen, de rechercher si le travail effectué par la requérante pour la commune d’Odense doit être considéré comme des « services effectués pour un autre État » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut. La période de référence à prendre en considération pour l’application de cette disposition se situe entre le 1er septembre 1996 et le 31 août 2001, la requérante étant entrée en fonctions six mois après cette dernière date, soit le 1er mars 2002.

33     Il y a lieu de constater que, ainsi que la requérante l’affirme elle-même, son activité pour le bureau de représentation de la commune d’Odense constituait son activité professionnelle principale et qu’elle l’a exercée à Bruxelles du 1er janvier 1996 jusqu’au 28 février 2002, donc pendant toute la période de référence.

34     Le caractère principal de l’activité professionnelle de la requérante ainsi que son exercice à Bruxelles ressortent clairement du dossier, en particulier des termes du contrat que la requérante a conclu avec la commune d’Odense selon lesquels cette activité était exercée à temps plein, la requérante devant y consacrer toute sa force de travail (article 2) et étant rémunérée sur cette base (article 3), la requérante avait sa résidence à Bruxelles et non au Danemark, le contrat prévoyant expressément que les éventuels frais de déplacement à Odense lui étaient remboursés et que, lors d’éventuels séjours qu’elle pouvait être appelée à faire dans cette commune, un logement était mis à sa disposition (article 6).

35     Cela étant rappelé, le Tribunal considère que, dans l’interprétation de la notion de « services effectués pour un autre État », plusieurs éléments doivent être pris en compte.

36     Il y a lieu de relever, en tout état de cause, que, selon la jurisprudence, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition de droit communautaire, qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, doivent normalement trouver dans toute la Communauté une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt de la Cour du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107, point 11 ; arrêts du Tribunal du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T‑43/90, Rec. p. II‑2619, point 36, et du 28 janvier 1999, D/Conseil, T‑264/97, RecFP p. I‑A‑1 et II‑1, points 26 et 27, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 31 mai 2001, D et Suède/Conseil, C‑122/99 P et C‑125/99 P, Rec. p. I‑4319).

37     Il s’ensuit que les termes de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut ne sauraient, à défaut de renvoi exprès, faire l’objet d’une interprétation par référence au droit d’un État membre.

38     Afin de procéder à l’interprétation autonome de cette disposition, il convient de se référer, en premier lieu, à son libellé, en deuxième lieu, au contexte dans lequel elle s’inscrit, à sa raison d’être et à sa nature ainsi que, en troisième lieu, aux interprétations que la jurisprudence a dégagées en la matière.

39     S’agissant, en premier lieu, du libellé, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que les dispositions du statut qui ont pour seule finalité de réglementer les relations juridiques entre les institutions et les fonctionnaires, en établissant des droits et obligations réciproques, comportent une terminologie précise dont l’extension par analogie à des cas non visés de façon explicite est exclue (voir en ce sens arrêts de la Cour du 16 mars 1971, Bernardi/Parlement, 48/70, Rec. p. 175, points 11 et 12 ; du 20 juin 1985, Klein/Commission, 123/84, Rec. p. 1907, point 23, et du 10 juin 1999, Johannes, C‑430/97, Rec. p. I‑3475, points 18 et 19 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 19 juillet 1999, Mammarella/Commission, T‑74/98, RecFP p. I‑A‑151 et II‑797, point 38).

40     À cet égard, il y a lieu de relever que la disposition en cause se réfère à l’État en tant que sujet de droit international. C’est d’ailleurs précisément dans le cadre des relations entre sujets de droit international que la Cour a considéré antérieurement certaines situations comme « résultant de services effectués pour un État » au sens de la disposition précitée, puisqu’il s’agissait des situations concernant des personnes ayant travaillé, avant leur entrée en fonctions auprès des institutions communautaires, pour des ambassades (arrêts de la Cour du 31 mai 1988, Nuñez/Commission, 211/87, Rec. p. 2791, et du 10 octobre 1989, Atala-Palmerini/Commission, 201/88, Rec. p. 3109).

41     Sur ce point, le Tribunal rappelle également que, dans le cadre des traités institutifs et des traités d’adhésion, les relations entre, d’une part, les États membres et, d’autre part, entre les États membres et la Communauté, sont régies par les dispositions institutionnelles desdits traités.

42     Or, la Cour a jugé, dans les ordonnances du 21 mars 1997, Région wallonne/Commission (C‑95/97, Rec. p. I‑1787, point 6), et du 1er octobre 1997, Regione Toscana/Commission (C‑180/97, Rec. p. I‑5245, point 6), qu’il ressort clairement de l’économie générale des traités que la notion d’État membre, au sens des dispositions institutionnelles et, en particulier, de celles portant sur les recours juridictionnels, ne vise que les autorités gouvernementales des États membres des Communautés européennes et ne saurait être étendue aux gouvernements de régions ou de communautés autonomes, quelle que soit l’étendue des compétences qui leur sont reconnues. La Cour a ajouté qu’admettre le contraire conduirait à porter atteinte à l’équilibre institutionnel prévu par les traités, qui déterminent notamment les conditions dans lesquelles les États membres, c’est-à-dire les États parties aux traités institutifs et aux traités d’adhésion, participent au fonctionnement des institutions communautaires. Selon la Cour, les Communautés européennes ne peuvent, en effet, comprendre un nombre d’États membres supérieur à celui des États entre lesquels elles sont instituées (voir, également, arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, point 28).

43     Il convient de rappeler, par ailleurs, que, ainsi qu’il a été relevé par la Cour dans le domaine de la responsabilité de l’État pour violation du droit communautaire, la considération de l’État dans son unité correspond à l’approche traditionnelle dans le domaine du droit international public et qu’il doit en être d’autant plus ainsi dans l’ordre juridique communautaire. En effet, la Cour a affirmé que, dans l’ordre juridique international, l’État, dont la responsabilité serait engagée du fait de la violation d’un engagement international, est également considéré dans son unité, que la violation à l’origine du préjudice soit imputable au pouvoir législatif, judiciaire ou exécutif. Il doit en être d’autant plus ainsi dans l’ordre juridique communautaire que toutes les instances de l’État, y compris le pouvoir législatif, sont tenues, dans l’accomplissement de leurs tâches, au respect des normes imposées par le droit communautaire et susceptibles de régir directement la situation des particuliers (arrêt de la Cour du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, Rec. p. I‑1029, point 34).

44     S’agissant, en deuxième lieu, de la raison d’être de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’indemnité de dépaysement vise à compenser les charges et désavantages particuliers résultant de l’exercice permanent de fonctions dans un pays avec lequel le fonctionnaire n’a pas établi de lien durable avant son entrée en fonctions (arrêts du Tribunal du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, Rec. p. II‑357, point 39, et du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, T‑72/94, RecFP p. I‑A‑285 et II‑865, point 48).

45     Ainsi, en établissant l’exception selon laquelle, pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération, l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut vise à ne pas pénaliser les fonctionnaires qui, dans les situations susmentionnées, ne peuvent pas être considérés comme ayant établi un lien durable avec le pays d’affectation (arrêts de la Cour du 15 janvier 1981, Vutera/Commission, 1322/79, Rec. p. 127, point 8 ; du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 246/83, Rec. p. 1253, points 13 et 14, et Nuñez/Commission, point 40 supra, point 11 ; arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Nevin/Commission, T‑127/00, RecFP p. I‑A‑149 et II‑781, point 50).

46     Cette exception constitue la seule prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut aux conditions que le fonctionnaire doit remplir pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement, à savoir ne pas avoir et n’avoir jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et ne pas avoir habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions.

47     Par conséquent, les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, et ce parce qu’elles constituent une exception aux conditions d’octroi de l’indemnité de dépaysement.

48     De plus, une telle interprétation s’impose également dès lors qu’il s’agit d’une disposition régissant l’octroi d’un avantage financier (voir arrêt de la Cour du 6 mai 1982, BayWa e.a., 146/81, 192/81 et 193/81, Rec. p. 1503, point 10 ; arrêt du Tribunal du 8 mars 1990, Schwedler/Parlement, T‑41/89, Rec. p. II‑79, point 23, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 28 novembre 1991, Schwedler/Parlement, C‑132/90 P, Rec. p. I‑5745 ; arrêts du Tribunal du 30 novembre 1994, Dornonville de la Cour/Commission, T‑498/93, RecFP p. I‑A‑257 et II‑813, point 38 ; du 17 avril 2002, Sada/Commission, T‑325/00, RecFP p. I‑A‑47 et II‑209, point 37 ; du 18 septembre 2003, Lebedef e.a./Commission, T‑221/02, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1037, point 38, et du 15 juillet 2004, Valenzuela Marzo/Commission, T‑384/02, non encore publié au Recueil, point 104).

49     En troisième lieu, cette interprétation est, au demeurant, corroborée par la jurisprudence, relative à la nature du lien devant rattacher le fonctionnaire demandeur de l’indemnité de dépaysement à l’organisation internationale concernée, issue des arrêts du Tribunal du 22 mars 1995, Lo Giudice/Parlement (T‑43/93, RecFP p. I‑A‑57 et II‑189), Diamantaras/Commission, point 44 supra, et Nevin/Commission, point 45 supra, qui exige, conformément à la ratio legis de l’exception et à la nécessité d’établir des critères simples et clairs aux fins de l’octroi de l’indemnité de dépaysement, que le fonctionnaire ait un lien juridique « direct » avec l’organisation internationale afin de pouvoir bénéficier de ladite indemnité.

50     Il ne serait par ailleurs pas cohérent, au vu de cette jurisprudence, de faire coexister deux approches opposées au sein de la même disposition, à savoir une interprétation stricte en ce qui concerne les « services effectués pour une organisation internationale » et une interprétation large en ce qui concerne les « services effectués pour un autre État ».

51     Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que, aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut, la notion d’État ne vise que les instances de l’État, en tant que personne juridique et sujet unitaire de droit international, ce que corrobore l’économie des dispositions en cause (voir point 40 ci-dessus) à l’exclusion de ses différents démembrements en vertu du droit interne dudit État juridiquement distincts de ce dernier en vertu même dudit droit interne. Une telle notion ne saurait donc s’étendre aux communes telles que celle en l’espèce.

52     En effet, il y a lieu de relever que la lettre du conseil de la commune d’Odense, envoyée le 13 juillet 1991 au ministère des Affaires étrangères belge, indique que les communes danoises jouissent de la personnalité juridique dans l’ordre interne, ce qui leur permet, ainsi que la requérante l’affirme elle-même, de conclure des contrats de droit privé et d’ouvrir des bureaux de représentation à l’étranger.

53     Une interprétation de la notion de « services effectués pour un autre État » qui mènerait à considérer des personnes morales de droit public autres que l’État, tel que défini ci-dessus, comme pouvant être incluses dans le champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut serait contraire à l’interprétation nécessairement stricte des dispositions en cause, eu égard aux considérations figurant aux points 46 à 50 ci-dessus.

54     Il s’ensuit que la situation résultant des services effectués par la requérante pour la commune d’Odense entre le 1er janvier 1996 et le 28 février 2002 ne peut être considérée comme une situation résultant de « services effectués pour un autre État » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut, en sorte que la requérante ne remplit pas les conditions prévues à cette disposition pour pouvoir bénéficier, à ce titre, de l’indemnité de dépaysement, compte tenu du fait que, durant la période de référence allant du 1er septembre 1996 au 31 août 2001, bien que n’ayant pas et n’ayant jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel était situé le lieu de son affectation, elle a habité de façon habituelle et exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État, à savoir la Belgique.

55     Partant, il convient de rejeter comme non fondé le moyen pris en sa première branche.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée de « services effectués pour une organisation internationale »

 Arguments des parties

56     La requérante fait valoir que son statut de conférencière indépendante, caractérisé par un lien juridique direct avec la Commission, correspond à une situation résultant de services effectués pour une organisation internationale (arrêt Diamantaras/Commission, point 44 supra). Dès lors, la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut s’appliquerait à sa situation.

57     Selon la requérante, elle aurait commencé en 1995, sans préciser la date exacte, son activité professionnelle en tant que conférencière pour la Commission et aurait poursuivi cette activité jusqu’au 1er mars 2002, date de son entrée en service en tant que fonctionnaire stagiaire à la Commission.

58     La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

59     Il convient de constater que l’activité de conférencière indépendante exercée par la requérante l’a été à titre accessoire, son activité professionnelle principale ayant consisté, ainsi qu’elle-même le reconnaît dans sa requête, en l’accomplissement, à titre principal, de services pour la commune d’Odense.

60     À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut, en vertu de laquelle, « [p]our l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération », ne peut être dissociée de la phrase précédente, ainsi qu’il ressort explicitement des termes « pour l’application de cette disposition » (arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Fantechi/Commission, T‑51/99, RecFP p. I‑A‑111 et II‑485, point 28). Or, la phrase précédente vise le fonctionnaire qui n’a pas, de façon habituelle, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire où se situe son lieu d’affectation.

61     D’autre part, selon la jurisprudence, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, qui se fonde, pour déterminer les cas de dépaysement, sur la résidence habituelle et l’activité professionnelle principale du fonctionnaire sur le territoire de l’État du lieu d’affectation pendant une certaine période de référence, retient ces points de rattachement en vue d’établir des critères simples et objectifs pour appréhender les situations habituelles des fonctionnaires qui sont obligés de changer de résidence et de s’intégrer ou de se réintégrer dans le milieu du lieu de leur affectation, du fait de leur prise de fonctions auprès des institutions communautaires (arrêt Nuñez/Commission, point 40 supra, point 10 ; arrêts du Tribunal du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, T‑18/91, Rec. p. II‑1655, point 41 ; du 13 avril 2000, Reichert/Parlement, T‑18/98, RecFP p. I‑A‑73 et II‑309, point 25, et du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, RecFP p. I‑A‑107 et II‑489, point 52).

62     Dans ces circonstances, l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut doit être interprété en ce sens que, pour permettre à l’intéressé de bénéficier de l’exception y contenue, seule une activité professionnelle exercée à titre principal peut être prise en considération.

63     En l’espèce, il suffit de constater que l’activité en tant que conférencière n’était pas exercée à titre principal pour conclure que la requérante ne saurait de ce fait utilement s’en prévaloir aux fins du bénéfice de l’exception susmentionnée.

64     Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la situation résultant des services effectués par la requérante pour la Commission entre une date indéterminée en 1995 ou, en tout cas, ainsi que la Commission l’a elle-même admis, entre novembre 1996 et 2002, ne peut être considérée comme une situation résultant de « services effectués pour une organisation internationale » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut et que, par conséquent, la requérante ne remplit pas les conditions prévues par cette disposition pour pouvoir bénéficier de l’indemnité de dépaysement.

65     Dès lors, il convient également d’écarter comme non fondé le moyen pris en sa seconde branche.

66     Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le second chef de conclusions et que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

67     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En l’espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,





LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chacune des parties supportera ses propres dépens.



Vilaras

Martins Ribeiro

Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 juin 2005

Le greffier

 

Le président



H. Jung

 

M. Vilaras


* Langue de procédure : le français.