Language of document : ECLI:EU:T:2015:792

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

22 octobre 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant la Communauté européenne – Marque verbale ELMA – Marque communautaire verbale antérieure ELMEX – Refus d’enregistrement – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑309/13,

Enosi Mastichoparagogon Chiou, établie à Chios (Grèce), représentée par Me A.-E. Malami, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. P. Geroulakos et J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Gaba International Holding GmbH, établie à Therwil (Suisse), représentée par Mes G. Schindler, M. Zintler et P. Nagel, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 26 mars 2013 (affaire R 1539/2012‑4), relative à une procédure d’opposition entre Gaba International Holding GmbH et Enosi Mastichoparagogon Chiou,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 juin 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 13 septembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 septembre 2013,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 28 février 2014,

vu la décision du 8 juillet 2014 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en duplique,

à la suite de l’audience du 10 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents au litige

1        Le 7 décembre 2005, la requérante, Enosi Mastichoparagogon Chiou, a présenté une demande d’enregistrement international désignant la Communauté européenne, signifiée à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) le 9 novembre 2006, en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ELMA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

« Gommes à mâcher à usage médical et dentaire contenant du mastic de Chios, mastic dentaire et produits dentaires contenant du mastic de Chios ; solutions pour les soins de bouche à usage médical, dentaire et hygiénique contenant du mastic de Chios ».

4        La demande d’enregistrement international désignant la Communauté européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires 2006/046, du 13 novembre 2006.

5        Le 10 août 2007, l’intervenante, Gaba International Holding GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 156 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure ELMEX,

déposée le 12 décembre 1997 et enregistrée le 22 juillet 1999 sous le numéro 000703546, désignant notamment les produits relevant des classes 3 et 5 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits et préparations cosmétiques, produits et préparations pour les soins buccodentaires » ;

–        classe 5 : « Produits et préparations pharmaceutiques et hygiéniques, produits et préparations pharmaceutiques pour les soins buccodentaires » ;

–        classe 21 : « Brosses à dent ».

7        Le 22 juin 2012, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, et a ainsi estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous a), dudit règlement.

8        Le 17 août 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 26 mars 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

10      S’agissant du public pertinent, la chambre de recours a constaté que celui-ci était composé de consommateurs moyens au sein de l’Union européenne dont le degré d’attention était moyen. Puis, en comparant les produits désignés par la marque demandée, relevant de la classe 5, et les produits couverts par la marque antérieure relevant de la classe 3, elle a estimé que lesdits produits étaient fortement similaires et que les signes présentaient un degré moyen de similitudes visuelle et phonétique, tandis que, les signes étant dépourvus de signification, une comparaison conceptuelle n’était pas possible.

11      Partant, au vu de ces considérations, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition selon laquelle il existait un risque de confusion entre les marques en cause, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante à supporter individuellement leur dépens et, solidairement, ceux exposés par elle.

13      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de nouveaux arguments et de nouveaux éléments de preuve

14      Dans la réplique, la requérante s’est prévalue pour la première fois devant le Tribunal de la renommée de la marque demandée et, en invoquant l’article 48 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, elle a produit dix documents en vue de prouver ladite renommée.

15      Aux termes de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du 2 mai 1991, les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En effet, il appartient au Tribunal, dans le cadre du présent litige, de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 22 juin 2004, « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, Rec, EU:T:2004:190, point 45 et jurisprudence citée]. De même, une partie requérante n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par elle-même et par la partie intervenante (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec, EU:C:2007:252, point 43). En l’espèce, il ressort du dossier, et la requérante le reconnait elle-même, que la renommée de la marque demandée n’a pas été invoquée devant les instances de l’OHMI. L’objet du litige devant la chambre de recours ne concernait donc pas la renommée de la marque demandée. Partant, les arguments de la requérante concernant la renommée de sa marque modifient l’objet et les termes du litige tels qu’ils se présentaient devant la chambre de recours, si bien qu’ils doivent être déclarés irrecevables.

16      Le même raisonnement s’applique en ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve. En effet, dans le contentieux de l’annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas celle de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments de preuve présentés pour la première fois devant lui [voir arrêt du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, Rec, EU:T:2005:379, point 16 et jurisprudence citée].

17      Par conséquent, il appartient au Tribunal de déclarer les nouveaux éléments de preuve irrecevables, sous peine de devoir opérer un réexamen de l’affaire sur la base d’un contexte factuel différent de celui présenté devant la chambre de recours.

18      En l’espèce, aucune circonstance spéciale ne justifie la production, devant le Tribunal, de ces documents, lesquels auraient pu être présentés lors de la procédure devant l’OHMI, l’admission de telles pièces étant contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du 2 mai 1991, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

19      Au vu des considérations qui précèdent, les dix pièces litigieuses présentées pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

20      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle conteste, en substance, l’existence d’une similitude entre les produits et les signes en cause et reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération tous les facteurs pertinents lors de son appréciation globale du risque de confusion.

21      L’OHMI et l’intervenante concluent au rejet de ce moyen.

22      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

23      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

24      Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, suivant la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

25      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

26      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’existe que dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent et sur son degré d’attention

27      La requérante allègue que le consommateur des produits visés par la marque demandée est plus prudent et informé que le consommateur moyen. Elle affirme que les produits en cause sont destinés à un consommateur qui, ayant un problème d’ordre médical ou voulant protéger sa dentition, choisit un produit caractérisé par des propriétés thérapeutiques.

28      S’agissant de la définition du public pertinent, il y a lieu de rappeler que, lorsque les produits ou les services sur lesquels porte la demande d’enregistrement sont destinés à l’ensemble des consommateurs, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 24 janvier 2013, Yordanov/OHMI – Distribuidora comercial del frio (DISCO DESIGNER), T‑189/11, EU:T:2013:34, point 24 et jurisprudence citée]. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec, EU:C:2007:252, point 62 et jurisprudence citée, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

29      En outre, les droits conférés ou susceptibles d’être conférés par les marques en conflit s’étendent à chacune des catégories de produits ou de services pour lesquels ces marques sont protégées ou à chacune des catégories de produits désignées par la demande d’enregistrement. Les choix commerciaux effectués ou susceptibles d’être effectués par les titulaires des marques en conflit sont des facteurs devant être distingués des droits tirés de ces marques et, dans la mesure où ils ne dépendent que de la volonté des titulaires desdites marques, sont susceptibles de changements. Aussi longtemps que la liste des produits désignés par les marques en conflit n’a pas été modifiée, de tels facteurs ne peuvent avoir une incidence quelconque sur le public pertinent à prendre en compte au stade de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion (voir arrêt DISCO DESIGNER, point 28 supra, EU:T:2013:34, point 25 et jurisprudence citée).

30      Concernant le degré d’attention dont fait preuve le public pertinent, il importe de déterminer le niveau d’attention du consommateur moyen lorsqu’il achète des produits tels que ceux contestés. Ainsi, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération (voir arrêt DISCO DESIGNER, point 28 supra, EU:T:2013:34, point 31 et jurisprudence citée).

31      En l’espèce, même si l’on admet, à l’instar de la requérante, que les produits visés par la marque demandée sont également achetés par certains consommateurs qui les choisissent avec une attention particulière, pour des raisons médicales, cela n’empêche pas qu’ils soient destinés à l’ensemble des consommateurs, dont la grande majorité ne fait preuve que d’un niveau d’attention moyen lorsqu’il s’agit de l’achat de tels produits.

32      En effet, il ressort du dossier que les produits visés par la marque demandée, bien qu’ils soient « principalement » vendus dans des boutiques spécialisées, appelées « mastihashops », peuvent également, ainsi que l’admet la requérante elle-même, être vendus dans d’autres magasins, tels que des supermarchés, des drogueries ou des pharmacies.

33      Au vu de ce qui précède, il convient d’entériner la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits visés par la marque demandée sont destinés au grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen.

34      Partant, l’argument de la requérante selon lequel le consommateur des produits visés par la marque demandée est plus prudent et informé que le consommateur moyen doit être rejeté.

 Sur la comparaison des produits

35      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, au point 16 de la décision attaquée, la chambre de recours indique qu’elle a procédé à la même comparaison faite par la division d’opposition et ajoute que celle-ci a concerné les produits contestés et ceux de la marque antérieure compris dans la classe 5. Cependant, une lecture de l’ensemble de la décision attaquée, et en particulier des points 5 et 16 de celle-ci, permet de conclure qu’il s’agit d’une erreur de plume.

36      La chambre de recours a effectivement comparé les produits contestés avec ceux de la marque antérieure qui relèvent des classes 3 et 21, à l’instar de la division d’opposition.

37      Partant, il y a lieu de considérer que l’erreur matérielle en cause, n’étant pas de nature à infirmer les conclusions de la chambre de recours sur la comparaison des produits en conflit, n’affecte pas la légalité de la décision attaquée.

38      S’agissant, à présent, de la comparaison des produits, la requérante reproche essentiellement à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération la nature différente des produits en cause. Elle allègue notamment que, contrairement aux produits couverts par la marque antérieure, les produits visés par la marque demandée contiennent le « mastic de Chios » et que la chambre de recours n’a pas pris cela en considération, ainsi que la renommée de cet ingrédient. Selon la requérante, ledit ingrédient est une résine produite par l’arbre à mastic de l’île de Chios, connue pour ses vertus médicinales et qui bénéficie du label « appellation d’origine protégée » (ci-après l’« AOP »). À cet égard, elle affirme que la chambre de recours aurait dû prendre en considération qu’elle avait limité sa demande concernant les produits de la classe 5 en précisant « contenant du mastic de Chios ». En outre, elle fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir procédé à une comparaison directe entre la gomme à mâcher visée par la marque demandée et les produits couverts par la marque antérieure relevant de la classe 3. Partant, elle reproche à la chambre de recours d’avoir conclu que les produits comparés avaient la même destination, les mêmes canaux de distribution et le même utilisateur final.

39      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

40      Par ailleurs, il ressort de la règle 2, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), tel que modifié, que des services ou produits ne peuvent être considérés comme différents au seul motif qu’ils figurent dans des classes différentes au sens de l’arrangement de Nice. En effet, il résulte de la jurisprudence que les produits ou services ne doivent pas nécessairement relever de la même classe, voire d’une même catégorie au sein d’une classe donnée, pour pouvoir faire valablement l’objet d’une comparaison et donner lieu de conclure à l’existence ou à l’absence d’une similitude entre ces produits ou services [voir arrêt du 14 décembre 2006, Gagliardi/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (MANŪ MANU MANU), T‑392/04, EU:T:2006:400, point 77 et jurisprudence citée].

41      Il convient d’abord de relever que la requérante ne conteste pas que la chambre de recours a, pour des raisons d’économie de procédure, comparé les produits couverts par la marque demandée relevant de la classe 5 avec ceux visés par la marque antérieure relevant des classes 3 et 21, pour lesquels elle n’avait pas requis de preuves d’usage.

42      Il y a ensuite lieu de considérer que la similitude entre les produits en cause doit être appréciée par rapport aux produits finaux, à savoir, respectivement, les gommes à mâcher, le mastic dentaire, les produits dentaires et les solutions pour les soins de la bouche, tous destinés à un usage médical et dentaire et contenant tous du mastic de Chios, pour les produits de la requérante, et les produits et préparations cosmétiques ainsi que les produits pour les soins buccaux et dentaires, pour les produits de l’intervenante.

43      Cela établi, il convient de relever que les produits visés par la marque demandée contiennent du mastic de Chios, une résine produite par l’arbre à mastic de l’île de Chios qui possède des propriétés adaptées à l’hygiène buccodentaire. C’est également en vertu desdites propriétés que certains consommateurs choisissent les produits visés par la marque demandée.

44      Par ailleurs, quant à leur destination, il convient de constater que, nonobstant leurs vertus médicales, les produits visés par la marque demandée contribuent, autant que ceux couverts par la marque antérieure, à l’hygiène et aux soins dentaires et buccaux.

45      En ce qui concerne les canaux de distribution, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 32 ci-dessus, bien que les produits visés par la marque demandée soient, selon la requérante, commercialisés principalement dans des boutiques spécialisées, les « mastihashops », ils peuvent également être vendus à côté d’autres produits ne contenant pas le mastic de Chios, notamment dans les supermarchés, les drogueries et les pharmacies, et ils ne sont pas délivrés sur ordonnance. Partant, force est de constater que les produits en cause sont susceptibles de partager les mêmes canaux de distribution.

46      Il s’ensuit que le mastic de Chios doit être considéré comme un ingrédient de base des produits contestés, qui ne change pas la destination, l’usage ou les canaux de distribution de ceux-ci et qui, donc, n’a pas d’impact sur l’appréciation de la similitude desdits produits avec ceux couverts par la marque antérieure.

47      Il en va de même en ce qui concerne, en particulier, la gomme à mâcher visée par la marque demandée. En effet, les vertus médicales du mastic de Chios, bien qu’elles en fassent un produit spécifique, ne sauront, au regard du raisonnement ci-dessus (voir point 46), amener à une conclusion différente quant à sa similitude avec les produits couverts par la marque antérieure.

48      D’ailleurs, le fait que ladite gomme à mâcher bénéficie d’un label AOP ne saurait pas non plus affecter l’appréciation de sa similitude avec les produits visés par la marque antérieure. En effet, l’AOP ne fait que désigner l’origine géographique d’un produit, et doit ainsi être considérée comme une circonstance dépourvue de pertinence quant à l’appréciation de la similitude entre les produits en cause.

49      Au vu des considérations qui précèdent, la constatation de la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, selon laquelle la différente composition des produits visés par la marque demandée ne saurait affecter leur similitude avec les produits couverts par la marque antérieure, doit être approuvée.

50      Partant, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que les produits en cause sont fortement similaires.

 Sur la comparaison des signes

51      Quant à la comparaison des signes, la requérante allègue que les marques en conflit diffèrent des points de vue visuel, phonétique et conceptuel.

52      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

53      Il convient de rappeler qu’il est admis, en général, que le consommateur attache plus d’importance à la partie initiale des mots, de sorte que la ressemblance ou la différence du début des mots est un facteur important d’appréciation [arrêt du 13 février 2008, Sanofi-Aventis/OHMI – GD Searle (ATURION), T‑146/06, EU:T:2008:33, point 49].

54      S’agissant de signes verbaux relativement brefs, les éléments centraux sont aussi importants que les éléments de début et de fin du signe [arrêt du 21 octobre 2008, Aventis Pharma/OHMI – Nycomed (PRAZOL), T‑95/07, EU:T:2008:455, point 43].

55      En outre, il convient de tenir compte de la circonstance selon laquelle le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il garde en mémoire (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec, EU:C:1999:323, point 26).

56      En particulier, l’appréciation de la similitude visuelle peut tenir compte, notamment, s’agissant de marques verbales, de leur longueur, des lettres dont elles sont formées ainsi que de l’ordre de ces lettres [arrêt du 29 février 2012, Azienda Agricola Colsaliz di Faganello Antonio/OHMI – Weinkellerei Lenz Moser (SERVO SUO), T‑525/10, EU:T:2012:96].

57      D’ailleurs, ce qui importe dans l’appréciation de la similitude visuelle de deux marques verbales, c’est plutôt la présence, dans chacune d’elles, de plusieurs lettres se présentant dans le même ordre [arrêt du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, Rec, EU:T:2009:85, point 83].

–       Sur la comparaison visuelle

58      En l’espèce, la marque ELMA compte quatre lettres et la marque ELMEX en compte cinq. Lesdites marques commencent par les mêmes lettres, à savoir « e », « l » et « m » et se distinguent uniquement par leurs lettres finales, notamment « a » pour ELMA et « e » et « x » pour ELMEX. Il s’agit, donc, de signes verbaux relativement brefs qui sont identiques quant à leurs parties initiales, la différence entre les lettres finales n’étant pas suffisante pour compenser cette identité.

59      Partant, il y a lieu d’entériner la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en cause présentent un degré moyen de similitude visuelle.

–       Sur la comparaison phonétique

60      Concernant la comparaison phonétique, il y a lieu de noter que les marques en cause sont similaires en ce sens qu’elles comptent deux syllabes, respectivement « el » et « ma » et « el » et « mex », et partagent la même syllabe initiale, « el ». De plus, la seconde syllabe de chacune des deux marques commence par la lettre « m », laquelle se prononce de la même manière pour les deux marques. Le fait que la syllabe commune « el » soit située au début des mots accroît la similitude phonétique des signes, alors que la différence qui caractérise la partie finale des mots ne suffit pas pour l’emporter sur cette similitude.

61      En outre, même s’il est constant entre les parties que le mot « elma », constituant la marque demandée, sera vraisemblablement prononcé « élma », il ne peut pas être établi comment le public pertinent prononcera le mot « elmex », constituant la marque antérieure.

62      Il s’ensuit que, sur le plan phonétique, il convient d’approuver la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques en cause présentent un degré moyen de similitude.

–       Sur la comparaison conceptuelle

63      Il y a lieu d’entériner le constat de la chambre de recours selon lequel le mot « elma » est un prénom féminin rare et qu’il est également le nom de quatre petites villes aux États-Unis ainsi que le constat selon lequel le mot « elmex » est dépourvu de signification.

64      À cet égard, le Tribunal observe que, compte tenu du fait que le terme « elmex » n’a de signification dans aucune des langues de l’Union, ce qui est constant entre les parties, il n’est pas possible de procéder à une comparaison des signes sur le plan conceptuel [voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 2013, Gitana/OHMI – Teddy (GITANA), T‑569/11, EU:T:2013:462, point 67 et jurisprudence citée, et du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – Nanso Group (TEEN VOGUE), T‑509/12, Rec, EU:T:2014:89, point 45].

65      Le fait que le mot « elma » correspond à l’abréviation grecque « EΛMA » issue de l’expression « Ελληνική μαστίχα », signifiant « mastic grec », ainsi que l’allègue la requérante, ne saurait conduire à une conclusion différente. En effet, cela présupposerait non seulement la connaissance par le public pertinent de l’alphabet grec, mais aussi la reconnaissance de ladite abréviation par ce public. Or, ledit alphabet n’étant connu, en dehors de la Grèce et de Chypre, que par une catégorie de consommateurs plus érudits, il y a lieu de relever que la majorité des consommateurs européens ne serait pas en position de faire un tel constat [arrêt du 10 juin 2009, Vivartia/OHMI – Kraft Foods Schweiz (milko ΔΕΛΤΑ), T‑204/06, EU:T:2009:185, point 43].

66      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’approuver la conclusion de la chambre de recours selon laquelle une comparaison conceptuelle des marques en cause n’est pas possible.

 Sur le risque de confusion

67      Concernant l’appréciation globale du risque de confusion, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir comparé les produits et les signes en cause sans considérer, notamment, les propriétés du mastic de Chios et sa renommée.

68      Selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et VENADO avec cadre e.a., point 26 supra, EU:T:2006:397, point 74).

69      En l’espèce, les produits en cause sont similaires en ce qu’ils ont la même destination finale, notamment l’hygiène buccodentaire, empruntent les mêmes canaux de distribution et visent les mêmes consommateurs. De plus, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que le mastic de Chios, nonobstant ses éventuelles vertus médicales, n’était qu’un ingrédient des produits visés par la marque demandée et que ces derniers présentaient un fort degré de similitude avec les produits couverts par la marque antérieure.

70      S’agissant des signes en cause, les mots « elma » et « elmex » présentent un niveau moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique (voir points 59 et 62 ci-dessus), alors qu’une comparaison conceptuelle n’est pas possible (voir point 66 ci-dessus).

71      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

72      Il s’ensuit que le moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, n’est pas fondé. Par conséquent, il convient de rejeter le recours.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Enosi Mastichoparagogon Chiou est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 octobre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.