Language of document : ECLI:EU:T:2015:499

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

15 juillet 2015 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marché européen de l’acier de précontrainte – Fixation des prix, partage du marché et échange d’informations commerciales sensibles – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Coopération durant la procédure administrative – Article 139, sous a), du règlement de procédure du Tribunal »

Dans l’affaire T‑406/10,

Emesa-Trefilería SA, établie à Arteixo (Espagne),

Industrias Galycas SA, établie à Vitoria (Espagne),

représentées par Mes A. Creus Carreras et A. Valiente Martin, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. V. Bottka et Mme F. Castilla Contreras, puis par MM. Bottka et A. Biolan, en qualité d’agents, assistés de Mme M. Gray, barrister,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. F. Florindo Gijón et Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation et de réformation de la décision C (2010) 4387 final de la Commission, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38344 – Acier de précontrainte), modifiée par la décision C (2010) 6676 final de la Commission, du 30 septembre 2010, et par la décision C (2011) 2269 final de la Commission, du 4 avril 2011,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, F. Dehousse et A. M. Collins, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

 Objet du litige

1        Le présent recours en annulation partielle est intenté à l’encontre de la décision C (2010) 4387 final de la Commission, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38344 – Acier de précontrainte) ; (ci-après la « décision initiale »), sanctionnant une entente entre des fournisseurs d’acier de précontrainte (ci-après l’« APC ») qui ont pris part à des opérations de fixation de quotas, de partage de clientèle, de fixation des prix et d’échange d’informations commerciales sensibles portant sur le prix, le volume et les clients aux niveaux européen, régional et national.

2        La décision initiale a été adressée par la Commission européenne à :

–        ArcelorMittal SA,

–        ArcelorMittal Wire France SA,

–        ArcelorMittal Fontaine SA,

–        ArcelorMittal Verderio Srl,

–        Emesa-Trefilería, SA (ci-après « Emesa »), la première requérante,

–        Industrias Galycas, SA (ci-après « Galycas »), la seconde requérante,

–        ArcelorMittal España, SA (précédemment Arcelor España),

–        Trenzas y Cables de Acero PSC, SL (ci-après « Tycsa »),

–        Trefilerías Quijano, SA (ci-après « TQ »),

–        Moreda-Riviere Trefilerías, SA (ci-après « MRT »),

–        Global Steel Wire, SA (ci-après « GSW »),

–        Socitrel – Sociedade Industrial de Trefilaria, SA (ci-après « Socitrel »),

–        Companhia Previdente – Sociedade de Controle de Participações Financeiras, SA (ci-après « Companhia Previdente »),

–        voestalpine Austria Draht GmbH (ci-après « Austria Draht »),

–        voestalpine AG,

–        Fapricela Indústria de Trefilaria, SA (ci-après « Fapricela »),

–        Proderac – Productos Derivados del Acero, SA (ci-après « Proderac »),

–        Westfälische Drahtindustrie GmbH (ci-après « WDI »),

–        Westfälische Drahtindustrie Verwaltungsgesellschaft mbH & Co. KG (ci-après « WDV »),

–        Pampus Industriebeteiligungen GmbH & Co. KG (ci-après « Pampus »),

–        Nedri Spanstaal BV (ci-après « Nedri »),

–        Hit Groep BV,

–        DWK Drahtwerk Köln GmbH, Saarstahl AG (ci-après, prises ensemble, « DWK »),

–        Ovako Hjulsbro AB,

–        Ovako Dalwire Oy AB,

–        Ovako Bright Bar AB,

–        Rautaruukki Oyj,

–        Italcables SpA (ci-après « ITC »),

–        Antonini SpA,

–        Redaelli Tecna SpA (ci-après « Redaelli »),

–        CB Trafilati Acciai SpA (ci-après « CB »),

–        ITAS – Industria Trafileria Applicazioni Speciali SpA (ci-après « Itas »),

–        Siderurgica Latina Martin SpA (ci-après « SLM »),

–        Ori Martin SA,

–        Emme Holding SpA, anciennement puis de nouveau dénommée Trafileria Meridionali SpA, (ci-après « Trame »).

3        La décision initiale a été modifiée à deux reprises par la Commission.

4        Premièrement, la Commission a adopté, le 30 septembre 2010, la décision C (2010) 6676 final amendant la décision initiale (ci-après la « première décision modificative »). En substance, la première décision modificative a eu pour effet de diminuer le montant des amendes imposées aux sociétés suivantes : ArcelorMittal Verderio, ArcelorMittal Fontaine et ArcelorMittal Wire France, ArcelorMittal España, WDI et WDV.

5        La première décision modificative a été adressée à l’ensemble des destinataires de la décision initiale.

6        Deuxièmement, la Commission a adopté, le 4 avril 2011, la décision C (2011) 2269 final modifiant la décision initiale (ci-après la « seconde décision modificative »). En substance, la seconde décision modificative a, notamment, eu pour effet de diminuer le montant des amendes imposées aux sociétés suivantes : d’une part, ArcelorMittal, ArcelorMittal Verderio, ArcelorMittal Fontaine et ArcelorMittal Wire France et d’autre part, SLM et Ori Martin. Seules ces sociétés étaient destinataires de la seconde décision modificative.

7        Le cas échéant à l’initiative du Tribunal, toutes les sociétés ayant introduit un recours contre la décision initiale ont reçu communication de la seconde décision modificative.

8        Emesa et Galycas ont été interrogées par le Tribunal sur les conséquences susceptibles d’être tirées de ces modifications de la décision initiale sur le contenu de leur argumentation et ont eu la possibilité d’adapter leurs moyens et conclusions pour tenir compte de ces éventuelles conséquences.

9        Ainsi, la décision initiale, telle que modifiée par la première et la seconde décision modificative, constitue, aux fins du présent recours, la « décision attaquée ».

10      Vingt-huit recours ont été introduits contre la décision initiale, la première décision modificative, la seconde décision modificative ou les lettres adressées par la Commission à la suite de demandes formées par certains des destinataires de la décision initiale visant à la réappréciation de leur capacité contributive (affaires T‑385/10, ArcelorMittal Wire France e.a./Commission, T‑388/10, Productos Derivados del Acero/Commission, T‑389/10, SLM/Commission, T‑391/10, Nedri Spanstaal/Commission, T‑393/10, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T‑398/10, Fapricela/Commission, T‑399/10, ArcelorMittal España/Commission, T‑406/10, Emesa-Trefilería et Industrias Galycas/Commission, T‑413/10, Socitrel/Commission, T‑414/10, Companhia Previdente/Commission, T‑418/10, voestalpine et voestalpine Wire Rod Austria/Commission, T‑419/10, Ori Martin/Commission, T‑422/10, Trafilerie Meridionali/Commission, T‑423/10, Redaelli Tecna/Commission, T‑426/10, Moreda-Riviere Trefilerías/Commission, T‑427/10, Trefilerías Quijano/Commission, T‑428/10, Trenzas y Cables de Acero/Commission, T‑429/10, Global Steel Wire/Commission, T‑436/10, Hit Groep/Commission, T‑575/10, Moreda-Riviere Trefilerías/Commission, T‑576/10, Trefilerías Quijano/Commission, T‑577/10, Trenzas y Cables de Acero/Commission, T‑578/10, Global Steel Wire/Commission, T‑438/12, Global Steel Wire/Commission, T‑439/12, Trefilerías Quijano/Commission, T‑440/12, Moreda-Riviere Trefilerías/Commission, T‑441/12, Trenzas y Cables de Acero/Commission, T‑409/13, Companhia Previdente et Socitrel/Commission).

 Antécédents du litige

1.     Secteur faisant l’objet de la procédure

 Produit

11      L’entente sanctionnée par la Commission concernait l’APC. Cette expression désigne des câbles métalliques et des torons en fil machine et, notamment, d’une part, l’acier pour béton prétensionné, ce dernier servant pour la réalisation de balcons, de pieux de fondation ou de conduits et, d’autre part, l’acier pour béton postcontraint, ce dernier servant en architecture industrielle, en architecture souterraine ou pour la construction de ponts (décision attaquée, considérant 2).

12      La gamme de produits en APC comprend plusieurs sortes de câbles unifilaires (par exemple, des câbles lisses, brillants ou galvanisés, à empreinte, nervurés) ainsi que plusieurs sortes de torons (par exemple, des torons brillants, à empreinte, revêtus de polyéthylène ou métalliques). Les torons en APC se composent de trois ou de sept fils. L’APC se vend en plusieurs diamètres. Les torons spéciaux, c’est-à-dire les torons galvanisés ou gainés – graissés ou cirés –, et les haubans, c’est-à-dire les torons galvanisés enduits et les câbles galvanisés utilisés dans la construction des ponts, n’ont toutefois pas été pris en considération par la Commission (décision attaquée, considérants 3 et 4).

13      Il est également indiqué dans la décision attaquée que, dans de nombreux pays, un agrément technique délivré par les autorités nationales est requis. Les procédures de certification nécessitent environ six mois (décision attaquée, considérant 5).

 Structure de l’offre

14      Pris dans leur ensemble et selon la décision attaquée, les membres de l’entente contrôlaient environ 80 % des ventes au sein de l’Espace économique européen (EEE). Dans la plupart des pays, plusieurs des plus grands producteurs étaient présents à côté de quelques producteurs locaux. La plupart de ces plus grands producteurs faisaient partie de groupes métallurgiques produisant également du fil machine, une matière première de l’APC qui en constitue le principal élément de coût. Si les entreprises non intégrées étaient obligées d’acheter leurs propres matières premières sur le marché, les entreprises intégrées comptaient généralement sur des approvisionnements existant au sein de leur groupe. Durant toute la période de l’entente constatée dans la décision attaquée, l’industrie a déclaré des surcapacités substantielles et durables d’APC (décision attaquée, considérants 98 et 99).

15      En 2001, la valeur des ventes d’APC au sein de l’EEE s’est élevée à quelque 365 millions d’euros pour un volume total approchant les 600 000 tonnes au cours de cette même année. Ces ventes portaient, pour 20 à 25 %, sur du fil d’APC et, pour 75 à 80 %, sur du toron d’APC, ces moyennes présentant quelques différences selon chaque pays. L’Italie était le pays où la consommation d’APC était la plus importante (environ 28 % des ventes d’APC au sein de l’EEE). D’autres grands pays consommateurs étaient l’Espagne (16 %) ainsi que les Pays-Bas, la France, l’Allemagne et le Portugal (8 à 10 % chacun) (décision attaquée, considérant 100).

 Structure de la demande

16      Selon la décision attaquée, la structure de la demande en APC était très hétérogène. Les fabricants de matériaux de construction préfabriqués et les entreprises d’ingénierie spécialisées utilisaient de l’APC, par exemple dans des constructions visant à stabiliser les bâtiments ou les ponts. La clientèle se composait d’un très petit nombre de grands clients – par exemple, Addtek International Oy AB, devenue, depuis, Consolis Oy AB, qui représentait entre 5 et 10 % de la consommation en APC au sein de l’Union européenne – et d’un grand nombre de plus petits clients (décision attaquée, considérants 101 et 102).

17      Les habitudes commerciales variaient d’un État membre à l’autre. Les producteurs d’APC et leurs clients concluaient souvent des contrats-cadres de six ou de douze mois. Dès lors, en fonction de la demande, les clients commandaient des tonnages s’inscrivant dans la plage du volume convenu au prix convenu. Les contrats étaient régulièrement prolongés à la suite d’autres négociations (décision attaquée, considérant 103).

 Échanges au sein de l’Union et de l’EEE

18      Selon ce qui est rapporté dans la décision attaquée, les volumes de ventes d’APC au cours de la période concernée par l’entente montrent que les échanges entre les États membres de l’Union étaient intensifs. De l’APC a été produit et commercialisé dans l’ensemble de l’EEE (décision attaquée, considérant 104).

2.     Emesa et Galycas

19      Emesa est une société dont le siège est établi à Arteixo (Espagne) qui a été fondée le 5 décembre 1984. Du 19 octobre 1989 au 31 mars 1995, Emesa a été une filiale à 100 % de l’entreprise publique espagnole Empresa Nacional Siderúrgica, SA (également appelée Ensidesa).

20      En 1995, l’industrie sidérurgique publique espagnole a été réorganisée après que la Commission a donné son feu vert à un projet de restructuration le 12 avril 1994. Le 31 mars 1995, Ensidesa a transféré sa participation dans Emesa (et Galycas) par voie d’apport en espèces à une société nouvellement créée dénommée CSI Productos Largos, SA, Ensidesa restant elle-même active en tant que producteur sidérurgique pendant plusieurs années. Le 2 avril 1995, l’État espagnol a affecté toutes les actions de CSI Productos Largos à la société holding nouvellement établie, CSI Corporación Siderúrgica, SA, qui a ainsi obtenu le contrôle d’Emesa et de Galycas. Toujours le 2 avril 1995, l’État espagnol a acquis (par le biais de CSI Corporación Siderúrgica) 100 % du capital d’actions d’une autre société nouvellement créée, à savoir CSI Planos, SA. L’État espagnol est resté propriétaire indirect à 100 % d’Emesa et de Galycas (par l’intermédiaire de CSI Corporación Siderúrgica et, par la suite, d’Aceralia) jusqu’au 23 juillet 1997, date à laquelle il a progressivement vendu l’ensemble de sa participation.

21      À partir du 23 juillet 1997, CSI Planos, qui était jusqu’alors une filiale à 100 % de CSI Corporación Siderúrgica, est devenue l’unique actionnaire de CSI Corporación Siderúrgica ainsi que de CSI Productos Largos (et donc aussi d’Emesa et de Galycas). Le 1er septembre 1997, CSI Planos a changé de dénomination pour s’appeler Aceralia Corporación Siderúrgica SA (aujourd’hui ArcelorMittal España). Le lendemain, le 2 septembre 1997, la totalité de l’actif et du passif de CSI Corporación Siderúrgica a été transférée à Aceralia, et CSI Corporación Siderúrgica a ensuite été dissoute. Par conséquent, Aceralia (précédemment appelée CSI Planos) a repris les responsabilités de CSI Corporación Siderúrgica au cours de la période du 2 avril 1995 au 23 juillet 1997. Depuis la fin de 1997, Aceralia n’est plus une entreprise publique. La privatisation d’Aceralia s’est faite en trois phases. Dans un premier temps, Arbed SA a acquis une participation de 35 % dans Aceralia. Dans un deuxième temps, deux partenaires industriels espagnols, à savoir Corporación JM Aristrain et Corporación Gestamp, ont acquis respectivement 13,242 et 6,67 % du capital d’Aceralia. Dans un troisième temps enfin, les actions restantes de l’entreprise qui se trouvaient toujours aux mains du secteur public ont été mises en vente dans le cadre d’une offre publique sur le marché boursier espagnol, opération qui s’est finalisée le 10 décembre 1997.

22      Depuis le 18 février 2002, après la fusion d’Aceralia (aujourd’hui ArcelorMittal España), d’Arbed et d’Usinor SA (aujourd’hui ArcelorMittal France), Aceralia faisait partie du groupe Arcelor, dirigé par Arcelor SA. Après l’intégration des trois groupes en février 2002, Arcelor possédait plus de 95 % du capital-actions de chacune des trois filiales Aceralia, Arbed et Usinor.

23      Emesa est restée à 100 % sous le contrôle (direct ou indirect) d’Aceralia jusqu’en 2004, c’est-à-dire jusqu’après la fin de l’infraction présumée, lorsqu’Emesa fut rachetée à 100 % par Companhia Previdente en vertu d’une convention de vente d’actions datée du 15 avril 2004.

24      Le chiffre d’affaires total en APC d’Emesa en 2001 au sein de l’EEE était de 24 513 197 euros et son chiffre d’affaires mondial consolidé était en 2009 de 27 125 319 euros.

25      Galycas, qui a son siège principal à Vitoria (Espagne), a été constituée en 1963. Elle existe sous sa dénomination et sa forme sociale actuelle depuis le 3 juillet 1972. Ensidesa a racheté Galycas le 30 avril 1992.

26      À l’instar d’Emesa, Galycas a été depuis le 2 avril 1995 une filiale à 100 % d’abord de CSI Corporación Siderúrgica (par le biais de CSI Productos Largos), puis d’Aceralia. À partir du 18 février 2002, Galycas a continué à rester sous le contrôle (direct ou indirect) à 100 % d’Aceralia (aujourd’hui ArcelorMittal España) jusqu’en 2004, c’est-à-dire jusqu’après la fin de l’infraction présumée, lorsqu’elle a été acquise à 100 % par Companhia Previdente en vertu d’une convention de vente d’actions datée du 15 avril 2004.

27      En 2001, le chiffre d’affaires total en APC de Galycas au sein de l’EEE était de 6 348 809 euros et son chiffre d’affaires mondial consolidé était en 2009 de 9 140 514 euros.

3.     Procédure administrative

28      Le 9 janvier 2002, le Bundeskartellamt (autorité de la concurrence allemande) a transmis à la Commission des documents portant sur une affaire en instance devant un tribunal du travail local allemand, concernant le licenciement d’un ancien employé de WDI. Cet employé affirmait avoir été impliqué dans une infraction à l’article 101 TFUE concernant l’APC. Dans ce contexte, il a fait un relevé des entreprises impliquées et a fourni de premières informations sur l’infraction (décision attaquée, considérant 105).

 Première demande de clémence et immunité accordée à DWK

29      Le 18 juin 2002, DWK a soumis à la Commission un mémorandum relatif à une infraction à l’article 101 TFUE concernant l’APC, qui l’impliquait elle-même ainsi que d’autres entreprises. Dans ce contexte, DWK a précisé qu’elle espérait bénéficier de la communication de la Commission du 19 février 2002 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 45, p. 3), ci-après la « communication sur la clémence ») (décision attaquée, considérant 106).

30      Le 3 juillet 2002, les représentants de DWK ont rencontré la Commission et ont discuté de la procédure de clémence. Le 19 juillet 2002, la Commission a accordé à DWK l’immunité conditionnelle d’amendes en vertu du point 8, sous b), de la communication sur la clémence, étant donné qu’elle était la première à fournir des éléments de preuve qui allaient permettre à la Commission de constater une infraction à l’article 101 TFUE, relative à une entente présumée entre producteurs d’APC dans l’ensemble de l’Union (décision attaquée, considérant 107).

 Inspections et demandes de renseignements

31      Les 19 et 20 septembre 2002, la Commission a procédé à des vérifications dans les locaux, notamment, de WDI, de DWK, de Tycsa, de Nedri, d’ITC, de Redaelli, d’Itas, de SLM et d’Edilsider (la société appartenant à un agent de vente de Tréfileurope Italia Srl, devenue ArcelorMittal Verderio), ainsi qu’auprès de leurs filiales ou entreprises liées respectives, conformément à l’article 14, paragraphes 2 ou 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204) (décision attaquée, considérant 108).

32      À partir du 19 septembre 2002, la Commission a adressé plusieurs demandes de renseignements, conformément à l’article 11 du règlement n° 17 et à l’article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), aux entreprises destinataires de la décision initiale, à leurs sociétés mères, à d’autres entreprises, à certaines personnes (un salarié retraité de Redaelli et par la suite conseiller commercial, et par un agent de vente de Tréfileurope Italia par l’intermédiaire d’Edilsider) et à certaines associations professionnelles (décision attaquée, considérant 109).

33      Les 7 et 8 juin 2006, la Commission a mené une inspection conformément à l’article 20 du règlement n° 1/2003 dans les locaux (« studio ») d’un membre de la famille d’un ancien salarié de Redaelli (décision attaquée, considérant 114).

 Autres demandes de clémence et réponses apportées par la Commission

34      Parmi les destinataires de la décision attaquée, certaines, telles ITC, Nedri, SLM, Redaelli et WDI, ont introduit des demandes officielles de clémence au titre de la communication sur la clémence. Tycsa a confirmé l’existence des arrangements anticoncurrentiels, mais n’a pas demandé la clémence (décision attaquée, considérant 110).

35      ITC a demandé la clémence le 21 septembre 2002, soumettant des éléments de preuve contemporains concernant les réunions qui se sont tenues entre les producteurs d’APC entre 1979 et 2002. Le 11 novembre 2002, elle a également soumis une déclaration d’entreprise. Le 10 janvier 2003, la Commission a accordé à ITC une réduction provisoire d’amendes de l’ordre de 30 à 50 %, à la condition qu’elle continue de respecter les conditions prévues au point 21 de la communication sur la clémence (décision attaquée, considérant 111).

36      Le 17 octobre 2002, Tycsa a répondu à une demande de renseignements, reconnaissant les faits et fournissant des preuves qui l’incriminaient. Le 21 octobre 2002, répondant à une demande de renseignements, Redaelli a soumis des preuves qui l’incriminaient et, le 20 mars 2003, elle a officiellement demandé à bénéficier de la communication sur la clémence. Le 23 octobre 2002, répondant à une demande de renseignements, Nedri a soumis des preuves, tout en demandant à bénéficier de l’application de la communication sur la clémence. Le 25 octobre 2002, Emesa a soumis des preuves incluant certaines déclarations auto-incriminantes. Le 30 octobre 2002, tout en répondant à une demande de renseignements, SLM a demandé une réduction du montant des amendes. Le 4 novembre 2002 et, par la suite, les 6 mars et 11 juin 2003, Tréfileurope a soumis des informations auto-incriminantes en réponse à une demande de renseignements ainsi qu’une déclaration d’entreprise visant à bénéficier de l’application de la communication sur la clémence. Le 17 mars 2004, Galycas a répondu à une demande de renseignements en reconnaissant les faits et en faisant certaines déclarations incriminantes. Le 19 mai 2004, WDI a soumis une déclaration d’entreprise visant à bénéficier de l’application de la communication sur la clémence. Le 28 juin 2007, entre autres contacts avec la Commission, ArcelorMittal a soumis une demande de clémence contenant principalement les notes manuscrites contemporaines couvrant la période allant de 1992 à 2002 d’un ancien employé d’Emesa (ci-après les « notes d’Emesa ») (décision attaquée, considérant 112).

37      Faisant suite aux demandes de clémence, la Commission a adressé à Nedri et à WDI une lettre datée du 19 septembre 2008, par laquelle elle les a informées de l’indisponibilité de l’immunité d’amendes et de son intention, en vertu du point 26 de la communication sur la clémence, d’appliquer une réduction du montant des amendes dans les limites prévues au point 23, sous b), de cette communication. Ce même jour, la Commission a également adressé une lettre à Redaelli et à SLM, rejetant leur demande de clémence (décision attaquée, considérant 113).

 Ouverture de la procédure et communication des griefs

38      Le 30 septembre 2008, la Commission a adopté une communication des griefs visant plusieurs sociétés, dont Emesa et Galycas.

39      Tous les destinataires de la communication des griefs ont soumis des remarques écrites en réponse aux griefs formulés par la Commission.

 Accès au dossier et audition

40      Les destinataires de la communication des griefs ont pu obtenir l’accès au dossier de la Commission sous la forme d’une copie sur un DVD. Parallèlement, ces sociétés ont également reçu une liste énumérant les documents contenus dans le dossier d’enquête et indiquant le degré d’accessibilité de chaque document. Elles ont été informées que le DVD leur donnait un accès total à tous les documents que la Commission avait pu obtenir en cours d’enquête, à l’exception des documents ou parties de document qui contenaient des secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles. L’accès aux documents afférents à la clémence a été accordé dans les locaux de la Commission.

41      Une audition a eu lieu les 11 et 12 février 2009. Toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs, à l’exception de HIT Groep, d’Emesa et de Galycas, y ont pris part.

42      Quatorze entreprises ont également invoqué une incapacité à payer au sens du point 35 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2). Elles ont fourni des justifications à l’appui de cette demande.

 Demandes complémentaires de renseignements

43      Par la suite, la Commission a adressé des demandes de renseignements à GSW, à MRT, à Tycsa, à TQ, à Companhia Previdente et à Socitrel, afin de clarifier certains points concernant, notamment, leur structure d’entreprise. Ces sociétés ont répondu entre le 6 mars et le 15 avril 2009.

44      La Commission a également adressé des demandes de renseignements à tous les destinataires de la décision initiale, afin d’établir la valeur des ventes des produits pertinents ainsi que le chiffre d’affaires des groupes. Tous les destinataires ont répondu à ces demandes.

4.     Décision attaquée

45      La décision attaquée concerne une entente entre des fournisseurs d’APC qui ont pris part à des opérations de fixation de quotas, de partage de clientèle, de fixation des prix et d’échange d’informations commerciales sensibles portant sur le prix, le volume et les clients aux niveaux européen, national et régional. Selon le considérant 1 de la décision attaquée, ces entreprises ont ainsi commis une infraction unique et continue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et, à partir du 1er janvier 1994, à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’EEE. Les agissements illégaux se sont déroulés au moins à partir du début de l’année 1984 et se sont poursuivis jusqu’au 19 septembre 2002.

46      L’enquête a impliqué 18 entreprises. Aux considérants 122 à 133 de la décision attaquée, les arrangements d’entente faisant l’objet de la procédure sont décrits dans des termes généraux. Ces considérants sont résumés ci-après dans la mesure où les faits qui y sont décrits permettent une meilleure compréhension du cadre du litige.

47      Depuis la première moitié des années 80 (1984) au moins et jusqu’au moment des inspections de la Commission, les 19 et 20 septembre 2002, plusieurs entreprises actives dans le secteur de l’APC ont été partiellement ou constamment impliquées dans des arrangements paneuropéens consistant en une phase dite « de Zurich » et une phase dite « européenne » ou dans des arrangements nationaux ou régionaux selon le cas. Les arrangements paneuropéens et les arrangements nationaux ou régionaux poursuivaient le même objectif global de maintenir l’équilibre afin d’éviter la chute des prix sur un marché européen changeant, caractérisé par des capacités de production excessives. Les entreprises ont par conséquent tenté en permanence d’éviter une concurrence féroce sur leur marché national ou sur les marchés d’exportation, en passant des accords en termes de quotas, de prix ou d’attribution de clientèle.

 Club Zurich et accords régionaux

48      La première phase de l’accord paneuropéen est dénommée « club Zurich ». Ainsi, du 1er janvier 1984 au 9 janvier 1996, à la suite d’une forte pression exercée sur les prix à l’époque, Tréfileurope SA, Nedri, WDI, DWK – ou leurs prédécesseurs – et Redaelli – cette dernière représentant plusieurs autres entreprises italiennes (au moins en 1993 et en 1995) – ont fixé des quotas par pays (Allemagne, Espagne, France, Italie, Autriche et Benelux), partagé des clients, arrêté des prix et échangé des informations commerciales sensibles. Ils ont été rejoints par les producteurs espagnols, Emesa, en 1992, et Tycsa, en 1993 – lesquels, vers la même époque, ont également commencé à se réunir, en ce qui concerne le marché ibérique, avec d’autres producteurs espagnols, dans un premier temps, puis également avec des producteurs portugais, au sein du « club España ». Au cours des années 80, les réunions du club Zurich ont essentiellement eu lieu à Zurich (Suisse) et, dans les années 90, à Düsseldorf (Allemagne).

49      Au plus tard à partir du 23 janvier 1995 et durant tout le reste de l’année 1995, les entreprises italiennes Redaelli, ITC, CB et Itas (les trois dernières étant souvent représentées par Redaelli) ont négocié un accord (révisé) de quotas avec les autres producteurs du club Zurich qui devait régir les ventes des producteurs italiens et des autres producteurs du club Zurich en Italie et dans le reste de l’Europe. Aucun accord n’a finalement pu être conclu en raison du fait que les quotas à l’exportation revendiqués par les producteurs italiens ont été jugés trop élevés. Cela a contribué à la dissolution du club Zurich, dont la dernière réunion attestée a eu lieu le 9 janvier 1996.

50      Le 5 décembre 1995, les entreprises italiennes Redaelli, ITC, CB et Itas ont néanmoins passé entre elles un accord fixant des quotas à la fois au sein du marché italien et concernant les exportations de l’Italie vers le reste de l’Europe (le « club Italia »). Par la suite, ces entreprises italiennes ont été (de nouveau) rejointes par Tréfileurope et Tréfileurope Italia, SLM, Trame, Tycsa, DWK et Austria Draht. Les rencontres avaient lieu régulièrement pour surveiller l’exécution de l’arrangement sur les quotas, fixer les prix (y compris une surtaxe dénommée « supplément »), se répartir la clientèle et échanger des informations commercialement sensibles, et ce jusqu’à l’inspection par la Commission. Ces sociétés ont recouru à un système de surveillance sophistiqué par l’intermédiaire de tiers indépendants qui contrôlaient régulièrement les prix et le volume réel vendu aux clients en Italie.

51      Une coordination spécifique existait entre le club Zurich et le club Italia. Redaelli, et par la suite Tréfileurope, tenait les membres de l’arrangement paneuropéen informés. De leur côté, les participants du club Italia étaient aussi informés des développements pertinents de l’arrangement paneuropéen par l’intermédiaire de Redaelli, puis de Tréfileurope, de DWK et de Tycsa, qui participaient aux deux clubs.

52      Parallèlement, pendant toute l’année 1996, les entreprises italiennes (du moins Redaelli, CB, ITC et Itas), Tycsa et Tréfileurope ont négocié et sont parvenues à la fin de 1996 à un accord spécifique intitulé « accord du Sud », qui arrêtait le taux de pénétration de chacun des participants dans les pays du Sud (Belgique, Espagne, France, Italie et Luxembourg) et contenait un engagement de leur part à négocier ensemble les quotas avec les autres producteurs d’Europe du Nord.

 Club Europe et accords régionaux

53      Afin de surmonter la crise du club Zurich, les anciens participants à celui-ci (avec une participation moins régulière cependant des producteurs italiens, en particulier Redaelli) ont également continué à se réunir régulièrement entre janvier 1996 et mai 1997. Tréfileurope, Nedri, WDI, DWK, Tycsa et Emesa (ci-après les « membres permanents ») ont finalement adopté, en mai 1997, un arrangement paneuropéen révisé, par lequel ils partageaient des quotas qui étaient calculés sur la base d’une région de référence et d’une période de référence spécifiques (du quatrième trimestre de 1995 au premier trimestre de 1997). Cette deuxième phase de l’arrangement paneuropéen est dénommée « club Europe ».

54      Les membres permanents se sont en outre réparti la clientèle et ont fixé les prix des produits (de façon spécifique à la fois par pays et par client). Ils sont convenus de règles de coordination incluant la nomination de coordonnateurs responsables de la mise en œuvre des arrangements par pays et de la coordination avec d’autres entreprises intéressées, actives dans ces mêmes pays ou concernant les mêmes clients. De plus, leurs représentants se sont réunis régulièrement à différents niveaux (directeurs et représentants des ventes), afin de surveiller la mise en œuvre des arrangements. Ils ont échangé des informations commerciales sensibles. En cas d’écart par rapport au comportement commercial convenu, un système de compensation adéquat était appliqué.

55      Dans le cadre de cet arrangement paneuropéen, les membres permanents, rejoints occasionnellement par les producteurs italiens et Fundia Hjulsbro AB (ci-après « Fundia »), entretenaient également des contacts bilatéraux (ou multilatéraux) et participaient à la fixation des prix et à l’attribution de clientèle sur une base ad hoc, s’ils y avaient un intérêt (en fonction de leur présence sur le marché discuté).

56      Au cours de la période allant, au moins, de septembre 2000 jusqu’aux inspections de la Commission, en septembre 2002, les membres permanents ainsi qu’ITC, CB, Redaelli, Itas et SLM se sont réunis régulièrement dans le but d’intégrer les entreprises italiennes dans le club Europe en tant que membres permanents.

57      Au cours de la même période, en plus de la fixation de quotas généraux par zone géographique, la répartition des quotas par client a été discutée. L’entreprise qui coordonnait habituellement un marché national donné devait également gérer les négociations pour une attribution détaillée de quotas par client installé dans ce pays.

58      Les membres du club Europe ont également tenté d’accueillir en tant que membres permanents non seulement les producteurs italiens, mais aussi tous les autres producteurs importants d’APC avec lesquels ils avaient eu des arrangements ou avaient entretenu des contacts bilatéraux ou multilatéraux par le passé et de redistribuer les quotas européens par pays, comme cela se faisait dans le cadre du club Zurich.

59      En parallèle à l’arrangement paneuropéen et au club Italia, cinq entreprises espagnoles TQ, Tycsa, Emesa, Galycas et Proderac (cette dernière à partir de mai 1994) et deux entreprises portugaises (Socitrel à partir d’avril 1994, et Fapricela à partir de décembre 1998) – sont convenues, pour l’Espagne et le Portugal, de maintenir leur part de marché stable et de fixer des quotas, de s’attribuer des clients, y compris pour les marchés publics de travaux, et de fixer les prix et les conditions de paiement. Elles ont en outre échangé des informations commerciales sensibles (club España).

60      Les arrangements paneuropéens et régionaux (club Italia/club España/accord du Sud) sont restés en vigueur jusqu’au moment des inspections qui ont été menées par la Commission en septembre 2002.

61      Emesa est tenue pour responsable de sa participation à l’entente pour la période allant du 30 novembre 1992 au 19 septembre 2002 et Galycas pour la période allant du 15 décembre 1992 au 19 septembre 2002 (article 1er de la décision attaquée). Pour cette infraction, une amende de 36 720 000 euros a été infligée à ArcelorMittal España, dont, d’une part, Emesa a été tenue pour solidairement responsable pour un montant de 2 576 400 euros et, d’autre part, Galycas a été tenue pour solidairement responsable pour un montant de 868 300 euros.

 Procédure et conclusions des parties

62      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2010, Emesa et Galycas ont formé le présent recours.

63      Par document déposé au greffe du Tribunal le 5 novembre 2010, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir au présent recours au soutien des conclusions de la Commission, ce qui lui a été accordé par le président de la première chambre du Tribunal par ordonnance du 10 mars 2011.

64      Par décision du 6 juin 2011, le Tribunal a demandé à la Commission de lui fournir la seconde décision modificative. La Commission a déféré à cette demande le 14 juin 2011.

65      Les requérantes, par lettre enregistrée au greffe le 16 août 2011, ont indiqué ne pas souhaiter adapter leurs moyens à la suite de l’adoption de la seconde décision modificative.

66      La procédure écrite s’est terminée le 20 octobre 2011, avec le dépôt, par la Commission, de la duplique dans la langue de procédure.

67      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir du 23 septembre 2013, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée le 3 octobre 2013.

68      Le rapport préalable visé à l’article 52, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 a été communiqué à la sixième chambre en date du 8 novembre 2013.

69      Le 18 décembre 2013, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a posé par écrit une série de questions aux requérantes et à la Commission. Les parties ont notamment été interrogées sur les conséquences éventuelles de l’arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, Rec, EU:C:2013:522), sur le premier moyen avancé par les requérantes à l’appui du recours.

70      Par lettres des 30 et 31 janvier 2014, le Conseil, les requérantes et la Commission ont déféré à ces mesures. La Commission a toutefois indiqué dans sa réponse qu’elle ne pouvait pas entièrement donner suite à certaines demandes de production de documents en raison du fait que certains documents demandés, revêtant un caractère confidentiel, lui avaient été communiqués dans le cadre du traitement de demandes de clémence.

71      Le 14 mai 2014, sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

72      Par ordonnance du 16 mai 2014, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire la version confidentielle des documents qui faisaient l’objet des mesures d’organisation de la procédure du 18 décembre 2013 qui ne lui avaient pas encore été transmis.

73      Le 23 mai 2014, la Commission a produit une version non confidentielle de ces documents.

74      Par ordonnance du 12 juin 2014, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire la version confidentielle desdits documents.

75      La Commission a déféré à cette demande le 16 juin 2014.

76      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 juin 2014.

77      Par ordonnance du 17 juillet 2014, le Tribunal a décidé d’ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 62 du règlement de procédure du 2 mai 1991, à la suite de la production de documents par la Commission et d’observations de la part de celle-ci sur le procès-verbal de l’audience.

78      Le Conseil a présenté ses observations le 24 juillet 2014.

79      Les requérantes ont présenté leurs observations le 1er août 2014 sur les documents communiqués par la Commission ainsi que sur le procès-verbal de l’audience.

80      Le Conseil a présenté ses observations sur les observations des requérantes le 2 septembre 2014.

81      La Commission a présenté ses observations sur les observations des requérantes le 3 septembre 2014.

82      Par décision du 9 septembre 2014, le Tribunal a clos à nouveau la procédure orale.

83      Emesa et Galycas concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée dans la mesure où elle les concerne ;

–        à titre subsidiaire, annuler ou réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

84      La Commission, soutenue par le Conseil, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner Emesa et Galycas aux dépens.

 En droit

85      Emesa et Galycas avancent trois moyens au soutien du recours.

86      Premièrement, elles soutiennent en substance que la procédure suivie par la Commission en matière d’ententes et de sanction des entreprises tenues pour responsables de la commission d’une infraction au droit de la concurrence viole l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que le droit à un tribunal impartial.

87      Deuxièmement, elles font valoir que c’est à tort que la Commission a considéré qu’elles ne pouvaient bénéficier de la demande de clémence introduite par Arcelor España pour la divulgation, par cette dernière, des notes d’Emesa au titre de la communication sur la clémence.

88      Troisièmement, elles invoquent une violation du point 23 de cette même communication, en ce que la Commission se serait fondée, à tort, sur les éléments de preuve qu’elles lui avaient fournis dans le cadre de la clémence pour déterminer la durée de leur participation à l’infraction.

1.     Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux et du droit à un tribunal impartial

 Arguments des parties

89      Emesa et Galycas soutiennent que la procédure appliquée par la Commission – et par le Tribunal jusqu’à l’adoption de la décision attaquée ne respecte pas les exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

90      Elles rappellent à titre liminaire que les institutions européennes sont tenues d’appliquer la CEDH. Il a, en effet, été jugé, dans l’arrêt du 14 septembre 2004, Aristrain/Commission (T‑156/94, EU:T:2004:261), que l’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit de l’Union.

91      Selon elles, ce principe doit désormais être adapté au nouvel environnement juridique créé par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

92      Premièrement, elles avancent que, dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») applique les garanties du procès équitable aux sociétés.

93      Deuxièmement, elles considèrent en substance qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour EDH que les procédures et les amendes du droit européen de la concurrence devraient être considérées comme étant de nature pénale.

94      Selon Emesa et Galycas, deux décisions récentes de la Cour EDH (Cour EDH Canal Plus e.a. c. France, n° 29408/08, 21 décembre 2010 et Compagnie des gaz de pétrole Primagaz c. France, n° 29613/08, 21 décembre 2010) rendues concernant des affaires de concurrence en France – mais portant tant sur le droit français que sur le droit européen de la concurrence – viendraient confirmer cette position.

95      Ainsi, selon elles, si les autorités nationales sont tenues d’appliquer l’article 6 de la CEDH lorsqu’elles appliquent les articles 101 et 102 TFUE, la Commission et le Conseil ne sauraient prétendre que la Commission n’est pas liée par l’article 6 de la CEDH. Elles ajoutent en substance que la Commission et le Conseil ne sauraient soutenir que l’article 6 de la CEDH ne serait pas applicable dans son intégralité aux procédures de droit de la concurrence mais que seuls y seraient garantis certains droits prévus par cette disposition.

96      Troisièmement, les requérantes soutiennent que, pour déterminer l’applicabilité de l’article 6 de la CEDH dans son volet pénal, il y a lieu d’avoir recours aux critères établis par l’arrêt de la Cour EDH Engel et autres c. Pays-Bas (8 juin 1976, série A n° 22), réaffirmés dans son arrêt Jussila c. Finlande (n° 73053/01, CEDH 2006-XIV).

97      En premier lieu, ces critères ont trait à la classification de l’infraction en droit national, qui n’a toutefois qu’une importance relative. Certes, l’amende infligée par la Commission n’a pas de caractère pénal en droit de l’Union, mais elle a un tel caractère au Royaume-Uni, par exemple.

98      Emesa et Galycas précisent que ce qui est déterminant pour distinguer une décision administrative d’une mesure pénale, ce n’est pas la définition qu’en donne l’auteur de la norme (en l’occurrence l’article 23, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003, qui précise que les décisions infligeant une amende n’ont pas un caractère pénal), mais la façon dont cette norme doit être appréciée objectivement sur la base de son contenu.

99      En deuxième lieu, il conviendrait de s’attacher à la nature de la sanction. Or, il faudrait constater que les règles de concurrence sont des normes générales à caractère contraignant, qu’elles ont un but de sanction et de dissuasion et qu’elles donnent lieu à l’ouverture d’un « casier judiciaire » dans la mesure où existe la notion de récidive, ce qui est indubitablement un concept pénal.

100    En troisième lieu, doivent être pris en considération la nature et le degré de gravité de la sanction. Or, une sanction financière pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires (mondial) d’une société constitue une sanction très grave. En outre, aucune réglementation nationale n’impose des amendes d’un tel niveau pour une infraction au droit de la concurrence.

101    Enfin, Emesa et Galycas considèrent que, eu égard à l’ordonnance du 16 décembre 1999, Hüls/Commission (C‑137/92 P‑DEP, EU:C:1999:610), les amendes prononcées par la Commission doivent être considérées comme étant de nature pénale.

102    Quatrièmement, Emesa et Galycas estiment que le règlement n° 1/2003 accorde non seulement à la Commission le pouvoir d’enquêter, mais aussi le pouvoir de constater une infraction à l’article 101 TFUE et d’infliger des sanctions pécuniaires aux auteurs de ce qu’elle qualifie elle-même d’infractions. Une telle confusion des fonctions entraîne, selon elles, une claire violation du droit à un tribunal impartial. Elles estiment que l’ensemble du processus est, en effet, vicié dans la mesure où les fonctionnaires qui ont participé à l’enquête sont inévitablement influencés par ces activités lorsqu’ils rédigent la communication des griefs ou la décision finale infligeant une sanction et où ils influencent également les autres participants à la prise de décision.

103    Or, aucune disposition ne garantirait une nette distinction entre les actes de la Commission en tant qu’autorité d’enquête, de poursuite et de jugement lorsqu’elle inflige des sanctions pour des infractions au droit de la concurrence de l’Union.

104    Force est au contraire de constater, selon elles, que le membre de la Commission chargé de la concurrence supervise les enquêtes, décide de l’inculpation de l’entreprise, formule les griefs et décide des sanctions à infliger, sans que les entreprises aient pu faire entendre leurs arguments devant le collège des membres de la Commission. L’enchevêtrement des rôles de la Commission augmente ainsi le risque de sanctions inappropriées et déraisonnables et est contraire au principe de bonne administration et au droit d’être entendu avant qu’une mesure individuelle ne soit prise à l’encontre d’une entreprise.

105    Cinquièmement, Emesa et Galycas considèrent que le Tribunal n’exerce pas un contrôle suffisamment complet pour compenser les défaillances de la procédure suivie par la Commission.

106    En effet, selon elles, en premier lieu, le Tribunal limite son examen aux moyens soulevés par les parties, quelles que soient les illégalités qui entachent la décision attaquée, en deuxième lieu, il n’effectue pas lui-même sa propre enquête sur les faits, en troisième lieu, il n’existe pas d’obligation de transmission du dossier de la Commission dans son intégralité au Tribunal – à la différence de ce qui était prévu dans le cadre du traité CECA – et, en quatrième lieu, il n’y a pas de vraie suspension de la décision attaquée, puisque les intérêts sur les montants qui sont dus continuent à courir pendant la suspension.

107    Sixièmement, Emesa et Galycas font valoir en substance que le Tribunal n’exerce pas un véritable contrôle complet tant qu’il ne statue pas erga omnes, entraînant l’annulation de la décision attaquée à l’égard de tous ses destinataires si les mêmes violations affectent d’autres personnes que la partie requérante.

108    Ainsi, selon les requérantes, le dossier administratif ne devrait être clos que par une décision du Tribunal, qui établirait l’amende sur une appréciation non seulement des moyens, mais aussi de l’ensemble du dossier et des éléments de l’affaire. Dans un tel cas, les décisions de la Commission ne pourraient pas être exécutées avant la décision du Tribunal, ce qui permettrait d’éviter l’obligation de constituer une caution bancaire.

109    Emesa et Galycas précisent qu’elles ne remettent pas en cause la légalité de l’article 105 TFUE, mais uniquement l’illégalité de la procédure, mise en place sur le fondement de cet article, au regard de l’article 6 de la CEDH.

110    Ces considérations établissent par conséquent, selon elles, une violation du droit à une juridiction impartiale et, partant, de l’article 6 de la CEDH.

111    Enfin, septièmement, les requérantes ont indiqué lors de l’audience que, nonobstant l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522), elles entendaient maintenir leur premier moyen et elles ont précisé, en substance, que, selon elles, en ayant opté pour un système dans lequel un tribunal impartial statue en pleine juridiction, c’est la décision prise par le Tribunal qui mettrait fin à la procédure, et non la décision de la Commission, qui n’est pas un tribunal impartial. Ce n’est que de la sorte que le système serait véritablement conforme à la charte des droits fondamentaux et à la CEDH. Elles estiment que c’est par conséquent également cette décision du Tribunal qui doit être prise en compte aux fins de l’application de l’article 25 du règlement n° 1/2003. En l’espèce, le délai de prescription, qui est de dix ans à compter de la cessation de l’infraction, a expiré le 19 septembre 2012. La prescription est par conséquent acquise, selon les requérantes, puisque le Tribunal ne s’était pas prononcé à cette date.

112    La Commission et le Conseil contestent cette argumentation.

 Appréciation du Tribunal

113    Le premier moyen est tiré, en substance, de ce que la procédure suivie en matière d’infractions au droit de la concurrence est illégale au regard de l’article 6 de la CEDH et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, dans la mesure où, s’agissant d’une procédure de nature pénale, la Commission ne peut se voir conférer simultanément les fonctions d’instruction, d’accusation et de décision par laquelle elle inflige une sanction sans que le Tribunal exerce un plein contrôle sur lesdites décisions, ce qui n’est pas le cas, selon les requérantes.

 Rappel des principes

114    Il convient de rappeler que, dans son arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522), la Cour a jugé ce qui suit :

« 33. […] Contrairement à ce que font valoir les [parties] requérantes, le fait que les décisions infligeant des amendes en matière de concurrence soient adoptées par la Commission n’est pas en soi contraire à l’article 6 de la CEDH tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme. Il y a lieu à cet égard de relever que, dans son arrêt A. Menarini Diagnostics c. Italie, précité, relatif à une sanction infligée par l’autorité italienne de régulation de la concurrence en raison de pratiques anticoncurrentielles analogues à celles qui étaient reprochées aux [parties] requérantes, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que, compte tenu du montant élevé de l’amende infligée, la sanction relevait, par sa sévérité, de la matière pénale.

34. Elle a cependant rappelé, au point 58 dudit arrêt, que confier à des autorités administratives la tâche de poursuivre et de réprimer les contraventions aux règles de concurrence n’est pas incompatible avec la CEDH, pour autant que l’intéressé puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties prévues à l’article 6 de la CEDH.

35. Au point 59 de son arrêt A. Menarini Diagnostics c. Italie, précité, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé que le respect de l’article 6 de la CEDH n’exclut pas que, dans une procédure de nature administrative, une ‘peine’ soit imposée d’abord par une autorité administrative. Il suppose cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction. Parmi les caractéristiques d’un tel organe figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par l’organe inférieur. L’organe judiciaire doit notamment avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi.

36. Or, statuant sur le principe de protection juridictionnelle effective, principe général du droit de l’Union qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux et qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, la Cour a jugé que, outre le contrôle de légalité prévu par le traité TFUE, le juge de l’Union dispose d’une compétence de pleine juridiction qui lui est reconnue par l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE, et qui l’habilite à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, Rec, EU:C:2011:815, point 63).

37. S’agissant du contrôle de légalité, la Cour a rappelé que le juge de l’Union doit l’effectuer sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués, et qu’il ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices de 1998 ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (arrêt Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 62).

38. Le contrôle prévu par les traités impliquant que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes, la Cour a conclu qu’il n’apparaît dès lors pas que le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende, prévu à l’article 31 du règlement n° 1/2003, soit contraire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective qui figure actuellement à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (arrêt Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 67). »

115    Par ailleurs, l’absence de contrôle d’office de l’ensemble de la décision litigieuse ne viole pas le principe de protection juridictionnelle effective. Il n’est pas indispensable au respect de ce principe que le Tribunal, certes tenu de répondre aux moyens soulevés et d’exercer un contrôle tant de droit que de fait, soit tenu de procéder d’office à une nouvelle instruction complète du dossier (arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, Rec, EU:C:2011:815, point 66, et du 26 octobre 2013, Kone e.a./Commission, C‑510/11 P, EU:C:2013:696, point 32).

116    S’agissant de la portée relative des arrêts d’annulation, la Cour a itérativement jugé qu’une décision adoptée en matière de concurrence à l’égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, devait s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende (arrêts du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec, EU:C:1999:407, points 49 et suivants, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec, EU:C:2002:582, point 100).

117    Dans son arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission (C‑444/11 P, EU:C:2013:464), la Cour a jugé que, si un destinataire d’une décision décidait d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’était saisi que des éléments de la décision le concernant, tandis que ceux concernant d’autres destinataires n’entraient pas dans l’objet du litige que le juge de l’Union était appelé à trancher, sous réserve toutefois de circonstances particulières et elle a renvoyé à cet égard à son arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, Rec, EU:C:2013:29, points 43 et 49).

118    Pour le surplus, la décision demeure par conséquent contraignante à l’égard des destinataires n’ayant pas introduit de recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 116 supra, EU:C:2002:582, point 100).

119    Par ailleurs, il a été jugé que les garanties procédurales qui doivent s’attacher à la procédure suivie en matière d’infraction aux règles de concurrence n’imposaient pas à la Commission de se doter d’une organisation interne empêchant qu’un seul et même fonctionnaire puisse agir dans une même affaire en qualité d’enquêteur et de rapporteur (voir arrêt du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T‑156/94, Rec, EU:T:1999:53, point 26 et jurisprudence citée).

120    La Cour a en outre jugé que rien ne s’opposait à ce que les membres de la Commission chargés de prendre une décision infligeant des amendes soient informés des résultats de l’audition par des personnes que la Commission a mandatées pour y procéder (arrêt du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, 44/69, Rec, EU:C:1970:72, points 19 à 23).

 Sur le bien-fondé du premier moyen

121    Le 18 décembre 2013, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a décidé de poser par écrit une question aux requérantes concernant les répercussions éventuelles de l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522), sur le premier moyen avancé à l’appui du recours. Celles-ci ont déféré à cette demande le 30 janvier 2014.

122    Les requérantes ont indiqué à cette occasion que, nonobstant l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522), elles entendaient maintenir leur premier moyen (voir point 111 ci-dessus).

123    D’une part, il y a lieu, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 114 et suivants ci-dessus, de rejeter l’ensemble des griefs tirés de l’incompatibilité avec l’article 6 de la CEDH et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de la procédure menée par la Commission en matière d’entente telle qu’elle est prévue par le règlement n° 1/2003 ainsi que de la prétendue absence de contrôle de pleine juridiction exercé par le Tribunal dans ce domaine.

124    La jurisprudence rappelée au point 115 ci-dessus conduit également à rejeter les griefs tirés de l’absence de contrôle d’office de l’ensemble de la décision litigieuse par celui-ci.

125    Il convient également d’écarter l’argumentation des requérantes suivant laquelle, en substance, l’absence d’effets erga omnes des arrêts d’annulation d’une décision individuelle en matière de concurrence infligeant une amende au destinataire de celle-ci est incompatible avec l’exigence d’un contrôle complet de la part du Tribunal et rend l’ensemble de la procédure appliquée par la Commission et par le Tribunal incompatible avec les exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

126    En premier lieu, il convient de rappeler que l’annulation d’une décision individuelle a un effet erga omnes et s’impose à tous, mais, suivant la jurisprudence rappelée au point 116 ci-dessus, elle ne bénéficie pas à tous – à la différence de l’annulation d’un acte de portée générale – sous réserve toutefois de certaines circonstances particulières (arrêt Commission/Tomkins, point 117 supra, EU:C:2013:29, points 43 et 49). Un arrêt d’annulation d’une décision faisant partie d’un faisceau de décisions individuelles dans le cadre d’une procédure menée par la Commission en matière d’ententes est par conséquent susceptible, dans certaines circonstances, d’emporter certaines conséquences pour d’autres que le requérant dans la procédure ayant conduit à cet arrêt d’annulation.

127    En deuxième lieu, force est de constater que, à l’occasion de l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522), la Cour a entendu affirmer la compatibilité avec l’article 6 de la CEDH et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’ensemble de la procédure menée, en matière d’ententes, par la Commission et le Tribunal. Cette conclusion ne saurait par conséquent être remise en cause par les allégations des requérantes suivant lesquelles le Tribunal n’exercerait pas un contrôle complet de la décision de la Commission en l’absence d’effets erga omnes de ses arrêts d’annulation, dès lors que la Cour a nécessairement pris en compte sa jurisprudence constante rappelée aux points 116 à 118 ci-dessus lorsqu’elle s’est prononcée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522).

128    Enfin, en troisième lieu, et pour autant que de besoin, il convient de rappeler que, suivant une jurisprudence constante, il n’appartient en tout état de cause pas au juge de l’Union de se substituer au pouvoir constituant de l’Union en vue de procéder à une modification du système des voies de recours et des procédures établi par le traité [voir arrêt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T‑28/03, Rec, EU:T:2005:139, point 34 et la jurisprudence citée].

129    Par conséquent, le grief tiré de l’absence d’effet erga omnes des décisions des arrêts d’annulation doit être rejeté.

130    D’autre part, s’agissant de l’argumentation avancée par les requérantes en réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, ainsi qu’aux questions qui leur ont été posées à ce sujet lors de l’audience, il y a lieu de constater qu’elle est, en tout état de cause, non fondée.

131    Force est de relever que le règlement n° 1/2003 ne prévoit pas que la décision mettant fin à la procédure administrative est celle que prendrait le Tribunal. Cette argumentation de lege ferenda – ce que les requérantes ont au demeurant reconnu lors de l’audience – ne repose sur aucun fondement dans la réglementation applicable au présent litige et ne saurait par conséquent fonder un recours en annulation formé contre une décision de la Commission.

132    Par ailleurs, il convient de rappeler que, certes, l’article 25, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003 prévoit que la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que la Commission ait prononcé une amende ou astreinte. Par ailleurs, l’article 25, paragraphe 5, précise que le délai maximal de dix ans est prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue conformément au paragraphe 6. Or, l’article 25, paragraphe 6, de ce même règlement prévoit que la prescription en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne.

133    En l’espèce, il est constant que la Commission a adopté une décision infligeant une amende aux requérantes avant l’expiration du délai de dix ans prévu par l’article 25, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003.

134    Dès lors, pour autant que les requérantes entendent faire valoir que la prescription serait acquise en ce qui les concerne, il y a lieu de relever qu’elles ont introduit leur recours le 15 septembre 2010 et que la prescription a dès lors été suspendue à compter de cette date, conformément à l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003.

135    Il convient par conséquent de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

2.     Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration ainsi que de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, en ce que c’est à tort que la Commission a refusé d’étendre aux requérantes le bénéfice de la demande de clémence introduite par Arcelor España

 Rappel de la décision attaquée

136    Il ressort des considérants 112 et 1089 à 1092 de la décision attaquée que la Commission a refusé d’étendre à Emesa et à Galycas le bénéfice de la demande de clémence introduite par Arcelor España en son nom, mais également pour le compte de ses anciennes filiales, dans la mesure où celles-ci ne constituaient plus une seule et même entreprise avec leur ancienne société mère au moment de l’introduction de la demande de clémence et qu’elle a écarté toute inégalité de traitement avec Saarstahl, qui a bénéficié de l’immunité accordée à DWK, en raison du fait que DWK et Saarstahl faisaient partie de la même entreprise au moment de la demande d’immunité.

137    Emesa et Galycas se sont néanmoins vu accorder une réduction de 5 % du montant de l’amende eu égard aux informations qu’elles ont fournies le 25 octobre 2002 (considérants 1093 et 1098 de la décision attaquée). Le bénéfice de cette réduction du montant de l’amende a en outre été accordé par la Commission à Arcelor España, qui, au moment de la communication des preuves par Emesa et Galycas en 2002, faisait partie de la même entreprise que celles-ci (considérant 1098 de la décision attaquée).

 Arguments des parties

138    Emesa et Galycas soutiennent en substance que c’est à tort que la Commission s’est bornée à leur accorder une réduction du montant de l’amende de 5 % au titre de la communication sur la clémence et leur a refusé une réduction de 20 %, alors qu’une telle réduction était octroyée à leur ancienne société mère, ArcelorMittal España à la suite de la communication des notes d’Emesa dans le cadre de sa demande de clémence.

139    Les requérantes rappellent qu’elles ont appartenu à Arcelor España (devenue ArcelorMittal España en novembre 2007) pendant une bonne partie de la durée de l’infraction et qu’elles ont été vendues, après la cessation de celle-ci, à Companhia Previdente en 2004.

140    Elles indiquent que, au cours de la période qui a précédé la vente, des décisions ont été prises au niveau des services administratifs d’Arcelor España et que, si les notes d’Emesa n’ont pas été fournies antérieurement à la Commission, c’est en raison d’une décision d’Arcelor España en ce sens et non parce qu’Emesa et Galycas les auraient dissimulées ou retenues. Elles ajoutent que les notes d’Emesa devaient, à l’origine, être en leur possession et que, si elles sont parvenues à leur société mère, c’est parce qu’elles les lui ont remises. Toutefois, elles ne sont pas en mesure de préciser où et qui les détenait, ni les raisons pour lesquelles elles ont été conservées puis remises.

141    Par ailleurs, les requérantes avancent que, en vertu de l’accord de vente passé entre Arcelor España et Companhia Previdente, il était prévu que la responsabilité de l’intégralité de l’amende serait supportée par Arcelor España qui assurerait les droits de la défense de ces sociétés aux fins de la procédure, ce dont Arcelor España a informé la Commission dans sa demande de clémence. Celle-ci a, en effet, transmis les notes d’Emesa en annexe d’une demande de clémence conjointe formée le 28 juin 2007 par Arcelor España et ses filiales, Mittal Steel Company NV et ses filiales, y compris Arcelor, et Tréfileurope et ses filiales, en leur propre nom ainsi qu’au nom de leurs anciennes filiales Emesa et Galycas.

142    Elles indiquent toutefois que l’obligation de maintenir secrète l’existence d’une demande de clémence aurait empêché ArcelorMittal España de remettre les notes d’Emesa à la Commission conjointement avec elles.

143    Elles ont également précisé qu’ArcelorMittal España les avait seulement informées après la communication des griefs qu’elle avait communiqué les notes d’Emesa dans le cadre de sa demande de clémence, ce moment coïncidant, en effet, avec la levée du secret pesant sur la demande de clémence introduite par Arcelor España.

144    Selon Emesa et Galycas, aussitôt cette obligation levée, et à la suite de l’adoption de la communication des griefs, elles ont demandé, dans leur réponse à celle-ci, à se joindre à la demande de clémence de leur ancienne société mère.

145    Emesa et Galycas considèrent qu’elles devraient par conséquent également bénéficier de la clémence accordée à ArcelorMittal España, puisque les notes d’Emesa, établies par un ancien employé d’Emesa, émanent d’elles et ont eu une incidence significative sur la durée et la gravité de l’infraction, ce que reconnaîtrait d’ailleurs la Commission.

146    Elles estiment que, pour « des raisons d’équité », et afin de préserver l’effet d’incitation du programme de clémence, ainsi qu’en vertu du principe d’égalité de traitement, elles devraient pouvoir bénéficier de la même réduction que leur ancienne société mère.

147    Emesa et Galycas soutiennent que, eu égard à la notion d’entreprise et d’unité économique, les sociétés mères sont tenues pour solidairement responsables du comportement de leur filiale en raison de l’influence déterminante qu’elles exercent sur celle-ci. Or, les principes d’équité et d’égalité de traitement – qui devraient primer sur la communication sur la clémence – impliquent que le même raisonnement soit tenu dans le cas où la politique de la société mère « donne droit à la clémence », même si les anciennes filiales ne font plus partie du groupe au moment de la demande de clémence.

148    Elles considèrent à cet égard que la situation factuelle sous-tendant l’arrêt du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission (T‑161/05, Rec, EU:T:2009:366), qui est invoqué au soutien de sa thèse par la Commission, n’est pas comparable à leur situation.

149    La Commission conteste cette argumentation.

150    Elle considère en substance qu’il résulte de la jurisprudence qu’Emesa et Galycas ne pouvaient bénéficier de la clémence accordée à leur ancienne société mère, dès lors que ces sociétés ne faisaient plus partie de la même entreprise au moment où la demande de clémence a été faite par Arcelor España, qui seule a coopéré avec elle dans le cadre de cette demande.

151    Par ailleurs, la Commission a fait valoir, lors de l’audience, qu’il résultait au moins de manière implicite de la lettre qu’elle avait adressée à ArcelorMittal España le 19 septembre 2008 en réponse à la demande de clémence qu’elle n’entendait pas faire droit à la demande faite par cette dernière d’étendre le bénéfice de la clémence à Emesa et Galycas.

 Appréciation du Tribunal

 Rappel des principes

152    Il convient de rappeler que, suivant une jurisprudence constante, seule une entreprise ayant coopéré avec la Commission sur la base de la communication sur la clémence peut se voir accorder, au titre de cette communication, une réduction du montant de l’amende qui, sans cette coopération, aurait été infligée. Cette réduction ne saurait être étendue à une société qui, pendant une partie de la durée de l’infraction en cause, avait fait partie de l’unité économique constituée par une entreprise, mais qui n’en faisait plus partie au moment où cette dernière a coopéré avec la Commission. Une interprétation contraire impliquerait ainsi, notamment, que, dans les cas de succession d’entreprise, une société ayant initialement participé à une infraction, en tant que société mère d’une filiale directement impliquée dans celle-ci, et transférant ensuite cette filiale à une autre entreprise, bénéficierait, le cas échéant, d’une réduction d’amende accordée à cette dernière entreprise au titre de la coopération de celle-ci avec la Commission, bien que ladite société n’ait ni contribué elle-même à la découverte de l’infraction en cause ni exercé une influence déterminante, au moment de la coopération, sur son ancienne filiale. En effet, eu égard à l’objectif visé par la communication sur la clémence, consistant à promouvoir la découverte de comportements contraires au droit de concurrence de l’Union, et en vue de garantir une application effective de ce droit, rien ne justifie l’extension d’une réduction du montant de l’amende accordée à une entreprise au titre de sa coopération avec la Commission à une entreprise qui, tout en ayant contrôlé, dans le passé, le secteur d’activité impliqué dans l’infraction en cause, n’a pas elle-même contribué à la découverte de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, FLSmidth/Commission, C‑238/12 P, Rec, EU:C:2014:284, points 83 à 85 ; du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission, C‑243/12 P, Rec, EU:C:2014:2006, points 85 et 87, et Hoechst/Commission, point 148 supra, EU:T:2009:366, point 76).

153    Il résulte de cette jurisprudence que le critère qui doit être pris en considération afin d’apprécier si le bénéfice de la clémence doit être accordé à une entreprise est sa contribution effective à la découverte ou à l’établissement de la preuve de l’infraction.

154    Il en résulte également que le bénéfice de la clémence est accordé à une entreprise, c’est-à-dire à l’unité économique qui existe au moment où la demande de clémence est présentée à la Commission.

155    Le principe d’une coopération effective de l’entreprise est reflété par le point 7 de la communication sur la clémence ainsi que par le point 11, sous a), de celle-ci, relatif à l’immunité d’amendes, suivant lequel l’entreprise doit apporter à la Commission une coopération, totale, permanente et rapide tout au long de la procédure administrative, et par le point 23, sous b), deuxième paragraphe, de cette communication, relatif à la réduction du montant de l’amende, qui prévoit que la Commission pourra prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution.

156    Par conséquent, aucune réduction du montant de l’amende ne saurait être accordée à une entreprise en l’absence d’une coopération effective de sa part à l’établissement de la preuve de l’infraction.

157    Sur ce fondement, la Cour, dans les arrêts précités au point 152 ci-dessus, a ainsi considéré qu’une société qui, pendant une partie de la durée de l’infraction en cause, a fait partie de l’unité économique constituée par une entreprise, mais qui n’en faisait plus partie au moment où cette dernière a coopéré avec la Commission, ne saurait bénéficier de la clémence accordée à l’unité économique qui coopère effectivement avec la Commission.

158    C’est également sur ce fondement que la Cour a considéré que rien ne justifiait l’extension d’une réduction du montant de l’amende accordée à une entreprise au titre de sa coopération avec la Commission à une entreprise qui, tout en ayant contrôlé, dans le passé, le secteur d’activité impliqué dans l’infraction en cause, n’a pas elle-même contribué à la découverte de celle-ci.

159    Il convient de considérer que l’exclusion du bénéfice de la clémence fondée sur l’absence de contribution à la découverte de l’infraction et de coopération effective vaut, dans cette mesure, tant pour une ancienne filiale à l’occasion d’une demande de clémence faite par son ancienne société mère que pour une ancienne société mère à la suite d’une demande de clémence faite par son ancienne filiale.

 Appréciation en l’espèce

160    En l’espèce, il convient tout d’abord de rappeler que la demande de clémence dont les requérantes prétendent pouvoir bénéficier a été introduite le 28 juin 2007 par Arcelor España et ses filiales, Mittal Steel Company et ses filiales, y compris Arcelor, et Tréfileurope et ses filiales, tout en requérant expressément que toute immunité ou réduction d’amende accordée à Arcelor España soit également étendue à Emesa et à Galycas, Arcelor España assurant les droits de la défense de celles-ci, conformément à l’accord de vente intervenu entre Arcelor España et Companhia Previdente.

161    Force est toutefois de constater que, malgré les références explicites à Emesa et Galycas dans la demande de clémence du 28 juin 2007, formellement, celles-ci ne faisaient pas partie de l’entreprise constituée par les demandeurs de clémence, ce que les requérantes ne soutiennent d’ailleurs pas.

162    Or, il ressort de la jurisprudence citée au point 152 ci-dessus qu’une société ne peut bénéficier d’une demande de clémence dont elle n’est pas formellement demandeur que si, au moment de l’introduction de cette demande, elle faisait partie de la même entreprise que le demandeur.

163    À cet égard, force est de constater qu’Emesa et Galycas, ayant été acquises par Companhia Previdente en 2004, ne faisaient plus partie d’Arcelor España au moment où celle-ci a déposé sa demande de clémence en 2007. C’est donc à juste titre que la Commission a relevé, dans la décision attaquée, qu’elles ne faisaient plus partie de l’entreprise ayant introduit une demande de clémence auprès d’elle.

164    Il convient d’observer que la réduction de 5 % accordée à Emesa et à Galycas au titre des informations qu’elles ont-elles-mêmes fournies à la Commission en 2002 a été étendue à Arcelor España en raison du fait que, au moment où les requérantes ont communiqué ces informations, Arcelor España et elles faisaient précisément partie de la même entreprise.

165    Ensuite, il convient d’examiner si, eu égard des circonstances particulières du cas d’espèce et malgré les développements qui précèdent, la Commission aurait dû accorder le bénéfice de la demande de clémence introduite par Arcelor España aux requérantes.

166    À cet égard, il y a lieu de constater, en premier lieu, que la coopération active des requérantes avec la Commission dans la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée se limite aux informations qu’elles ont fournies à la Commission dans le cadre de leur propre demande de clémence introduite le 25 octobre 2002, pour laquelle la Commission a accordé une réduction du montant de l’amende de 5 %.

167    Les requérantes indiquent certes que les notes d’Emesa communiquées par Arcelor España dans le cadre de la demande de clémence du 28 juin 2007 émanent d’elles, ayant été établies à l’époque par un ancien employé d’Emesa, et qu’elles ont eu une incidence significative sur la durée et la gravité de l’infraction.

168    Cependant, il convient de relever que la provenance de ces notes et leur valeur ajoutée incontestable n’établissent pas une coopération active de la part des requérantes à l’égard de la Commission. Il ressort au contraire du dossier – et les requérantes ne le contestent pas – que les notes d’Emesa communiquées à la Commission par Arcelor España étaient en possession de cette dernière et non des requérantes et il est constant que celles-ci n’étaient pas au courant de la demande de clémence faite par Arcelor España, laquelle avait été tenue confidentielle par Arcelor España conformément aux règles applicables.

169    En second lieu, le comportement de la Commission qui, contrairement à ses allégations, n’a pas informé Arcelor España en temps utile et de manière précise du fait que sa demande de clémence ne pouvait être étendue pour couvrir Emesa et Galycas, n’est pas pour autant à même de créer un droit pour les requérantes à bénéficier de la demande de clémence de Arcelor Espana.

170    En effet, le fait de n’avoir répondu à la demande de clémence d’Arcelor España du 28 juin 2007 que le 19 septembre 2008 et sans rejeter explicitement la demande visant à étendre le bénéfice de celle-ci à Emesa et à Galycas, aurait, certes, pu être reproché à la Commission, du point de vue du principe de bonne administration, par ArcelorMittal España, mais demeure toutefois sans incidence sur la possibilité pour les requérantes de bénéficier d’une demande de clémence à laquelle elles n’ont pas contribué activement.

171    Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas violé le principe de bonne administration et l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, ni le principe d’égalité de traitement, ni l’équité en n’étendant pas à Emesa et à Galycas, qui n’y avaient pas droit, le bénéfice de la demande de clémence introduite par Arcelor España et, partant, en ne leur accordant pas une réduction du montant de l’amende analogue à celle qu’elle avait accordée à ArcelorMittal España.

172    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

3.     Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du point 23 de la communication sur la clémence

 Arguments des parties

173    Emesa et Galycas soutiennent en substance que les notes d’Emesa ont eu une incidence déterminante en ce qui concerne la détermination de la durée et la gravité de l’infraction. Elles renvoient à cet égard aux annexes 2 et 4 de la décision attaquée, qui énumèrent les réunions tenues dans le cadre du club Europe et du club España, et estiment que la plupart des pages de la décision concernant le club España et plusieurs de celles concernant le club Europe n’ont pu être écrites que sur la base de ces notes. La valeur ajoutée de ces éléments – au demeurant reconnue par la Commission dans la décision attaquée – est dès lors indiscutable, selon elles.

174    Elles précisent que les notes d’Emesa sont les seuls éléments de preuve de l’infraction qu’elles ont commise du 11 novembre 1992 à avril 1997.

175    Emesa et Galycas estiment qu’elles auraient également dû bénéficier d’une immunité partielle pour la période allant du 11 novembre 1992 à avril 1997, eu égard à la teneur du point 23 de la communication sur la clémence, puisque ces éléments de preuve ont permis d’établir des faits nouveaux et ont eu une valeur ajoutée significative en ce qu’ils ont permis d’allonger la durée de l’infraction et d’en renforcer la gravité. Elles ajoutent à ce propos qu’il serait déraisonnable d’exiger, pour que ces éléments puissent être considérés comme portant sur des faits ignorés de la Commission, que celle-ci n’ait disposé d’aucune information, quelle qu’elle soit à leur égard. Ce qui importe, en revanche, c’est l’incidence sur la durée et la gravité de l’infraction.

176    Elles considèrent que, si le bénéfice d’une telle immunité partielle ne leur était pas accordé, cela pourrait constituer une interprétation erronée des faits contenus dans les notes d’Emesa ainsi qu’une violation du principe de l’égalité de traitement.

177    Emesa et Galycas font également valoir que l’établissement de l’existence de l’accord espagnol dépendant entièrement de la transmission des notes d’Emesa, le club España ne devrait pas être pris en considération pour l’établissement du multiplicateur de gravité et que celui-ci, qui est de 19 %, devrait être réduit dans la mesure correspondant au club España.

178    Enfin, elles considèrent en substance que la pratique décisionnelle de la Commission confirme que l’immunité partielle aurait dû leur être accordée.

179    La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation du Tribunal

180    Aux termes du point 23, troisième alinéa, de la communication sur la clémence :

« […] Si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis. »

181    Il convient de rappeler qu’il y a lieu de rejeter le deuxième moyen, dans la mesure où les requérantes ne sauraient prétendre bénéficier de la réduction du montant de l’amende accordée à leur ancienne société mère, ArcelorMittal España.

182    Emesa et Galycas ne sauraient, par conséquent, se prévaloir du point 23 de ladite communication, puisqu’elles ne sont pas l’entreprise qui a fourni les documents à la Commission au sens de ce point.

183    Le fait qu’il s’agisse de documents ayant été établis par Emesa n’est pas de nature à remettre cette appréciation en cause.

184    Est également sans incidence la pratique décisionnelle invoquée par les requérantes, qui a trait à la réduction de l’amende accordée à l’entreprise qui fournit des preuves permettant d’établir des faits nouveaux et ayant une valeur ajoutée significative, dans la mesure où ils permettraient d’allonger la durée de l’infraction et d’en renforcer la gravité. En effet, les requérantes ne sont pas l’entreprise ayant fourni de tels éléments de preuve à la Commission.

185    En outre, la situation des requérantes n’est en rien comparable à celle d’ArcelorMittal au regard du point 23 de la communication sur la clémence, celle-ci étant le demandeur de clémence.

186    Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

187    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des moyens soulevés par les requérantes ne peut être accueilli. Le recours en annulation doit, dès lors, être rejeté dans son entièreté, sans qu’il y ait lieu, dans les circonstances de l’espèce, de procéder, au titre de la pleine juridiction, à la réformation du montant de l’amende qui leur a été infligée.

 Sur les dépens

188    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

189    Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et la Commission ainsi que le Conseil ayant conclu en ce sens, elles supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et le Conseil.

190    Par ailleurs, en vertu de l’article 139, sous a), du règlement de procédure, si le Tribunal a exposé des frais qui auraient pu être évités, notamment si le recours a un caractère manifestement abusif, il peut condamner la partie qui les a provoqués à les rembourser.

191    Il convient de rappeler que, en l’espèce, par ordonnance du 16 mai 2014, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire la version confidentielle des documents qui faisaient l’objet des mesures d’organisation de la procédure du 17 décembre 2013 qui ne lui avaient pas encore été transmis par celle-ci.

192    Le 23 mai 2014, la Commission a communiqué une version non confidentielle de ces documents au Tribunal.

193    Par ordonnance du 12 juin 2014, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire la version confidentielle desdits documents.

194    La Commission a déféré à cette demande le 16 juin 2014.

195    Il convient donc, eu égard à l’importance des frais que le Tribunal a dû exposer et qui auraient pu être évités, de condamner la Commission à rembourser au Tribunal une partie de ces frais pour un montant de 1 500 euros.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Emesa-Trefilería, SA et Industrias Galycas, SA supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission est condamnée à payer au Tribunal un montant de 1 500 euros au titre de l’article 139, sous a), de son règlement de procédure, afin de rembourser une partie des frais que ce dernier a dû exposer.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2015.

Signatures

Table des matières


Objet du litige

Antécédents du litige

1.  Secteur faisant l’objet de la procédure

Produit

Structure de l’offre

Structure de la demande

Échanges au sein de l’Union et de l’EEE

2.  Emesa et Galycas

3.  Procédure administrative

Première demande de clémence et immunité accordée à DWK

Inspections et demandes de renseignements

Autres demandes de clémence et réponses apportées par la Commission

Ouverture de la procédure et communication des griefs

Accès au dossier et audition

Demandes complémentaires de renseignements

4.  Décision attaquée

Club Zurich et accords régionaux

Club Europe et accords régionaux

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux et du droit à un tribunal impartial

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Rappel des principes

Sur le bien-fondé du premier moyen

2.  Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration ainsi que de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, en ce que c’est à tort que la Commission a refusé d’étendre aux requérantes le bénéfice de la demande de clémence introduite par Arcelor España

Rappel de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Rappel des principes

Appréciation en l’espèce

3.  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du point 23 de la communication sur la clémence

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.