Language of document : ECLI:EU:T:2023:177

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

29 mars 2023 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant des installations pour la distribution de fluides – Motif de nullité – Non-respect des conditions de protection – Article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Caractéristiques de l’apparence d’un produit exclusivement imposées par sa fonction technique – Article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑555/21,

Tinnus Enterprises LLC, établie à Plano, Texas (États-Unis), représentée par Mes T. Wuttke et J. Lewandowski, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Mystic Products Import & Export, SL, établie à Badalone (Espagne),

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg (rapporteur) et Mme K. Kowalik‑Bańczyk, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Tinnus Enterprises LLC, demande l’annulation et la réformation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 juin 2021 (affaire R 1007/2018-3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 13 juin 2016, Mystic Products Import & Export, SL a présenté à l’EUIPO une demande en nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 1431829‑0003 à la suite d’une demande d’enregistrement multiple déposée par la requérante le 10 mars 2015, et qui est représenté dans les vues suivantes :

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3        Le produit auquel le dessin ou modèle dont la nullité a été demandée est destiné à être appliqué relève de la classe 23.01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspond à la description suivante : « Installations pour la distribution de fluides ».

4        La demande d’enregistrement multiple mentionnée au point 2 ci-dessus comprenait neuf autres dessins ou modèles qui s’appliquaient également au produit « installations pour la distribution de fluides » et qui avaient, également, été enregistrés.

5        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient notamment ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

6        La demanderesse en nullité soutenait notamment que l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient imposées exclusivement par une fonction technique et, par conséquent, le dessin ou modèle contesté ne pouvait bénéficier d’aucune protection.

7        Le 30 avril 2018, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement.

8        Le 31 mai 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Le 7 janvier 2020, la troisième chambre de recours de l’EUIPO a adopté une décision provisoire en vertu de laquelle elle a suspendu la procédure jusqu’à ce que le juge de l’Union européenne statue définitivement sur le recours introduit par la requérante contre la décision de la chambre de recours dans une affaire parallèle (R 1002/2018‑3) qui déclarait la nullité du dessin ou modèle enregistré no 1431829‑0001, lequel était compris dans la demande d’enregistrement multiple visée au point 4 ci-dessus.

10      Par arrêt du 18 novembre 2020, Tinnus Enterprises/EUIPO – Mystic Products et Koopman International (Installations pour la distribution de fluides) (T‑574/19, EU:T:2020:543), le Tribunal a rejeté le recours visé au point 9 ci-dessus.

11      Par ordonnance du 5 mai 2021, Tinnus Enterprises/EUIPO (C‑29/21 P, non publiée, EU:C:2021:357), la Cour n’a pas admis le pourvoi formé par la requérante contre l’arrêt du Tribunal visé au point 10 ci-dessus.

12      Après avoir informé les parties de la reprise de la procédure, la troisième chambre de recours de l’EUIPO, par la décision attaquée, a confirmé la décision de la division d’annulation et rejeté le recours visé au point 8 ci-dessus. Ainsi, elle a accueilli la demande en nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, du même règlement, en constatant que ledit dessin ou modèle conférait des droits sur des caractéristiques de l’apparence du produit concerné qui sont exclusivement imposés par sa fonction technique (point 44 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée de sorte qu’il soit fait droit au recours devant la chambre de recours, que la demande en nullité du dessin ou modèle contesté soit rejetée et que la demanderesse en nullité soit condamnée à supporter les dépens qu’elle a exposés devant la chambre de recours et la division d’annulation ;

–        condamner la demanderesse en nullité aux dépens et frais qu’elle a exposés.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante invoque en substance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Ce moyen peut être divisé en quatre branches.

 Sur la première branche, tirée du défaut de prise en compte de l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné et de la violation de la règle de répartition de la charge de la preuve

16      La requérante soulève deux griefs.

17      En premier lieu, elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné et d’avoir, ainsi, enfreint l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002. La requérante soutient que la chambre de recours a uniquement pris en compte les caractéristiques « essentielles » de l’apparence du produit concerné, conformément au point 5.5.1 du document de l’EUIPO intitulé « Directives relatives à l’examen des dessins ou modèles communautaires enregistrés ».

18      Selon la requérante, les caractéristiques de l’apparence du produit concerné non prises en compte par la chambre de recours sont les suivantes :

–        la surface lisse des tubes creux, des ballons et des anneaux ;

–        la forme allongée uniforme des ballons non gonflés ;

–        les deux groupes de ballons, lesquels, vus du dessous, créent l’effet d’un chou-fleur réfléchi comme dans un miroir ;

–        le raccord qui aurait la forme d’un cylindre aplati avec un rebord extérieur supérieur ;

–        la forme hexagonale de l’éventail, cet éventail étant composé de trous disposés selon une forme hexagonale, les tubes creux étant placés dans ces trous ;

–        vu du dessus, le raccord est entouré de ballons qui créent l’effet d’un tournesol réfléchi comme dans un miroir ;

–        les tubes creux, droits et non évasés, de deux longueurs différentes, ces longueurs étant nettement supérieures à la longueur du raccord et des ballons ;

–        l’ensemble plus court des tubes creux est disposé de manière que les ballons attachés aux tubes plus courts se situent tous à l’intérieur dans l’ensemble des tubes plus longs, c’est-à-dire qu’ils ne dépassent pas à l’extérieur de l’ensemble des tubes plus longs, soulignant la formé allongée ;

–        les anneaux, lesquels consistent, pour chacun d’entre eux, en une bande unique apposée sur le col de chaque ballon ;

–        le contraste identique des ballons, des anneaux, du raccord et des tubes.

19      En second lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir enfreint la règle de répartition de la charge de la preuve, selon laquelle il appartient à la demanderesse en nullité d’identifier l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné et de démontrer qu’elles sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Selon la requérante, la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que, en l’espèce la demanderesse en nullité n’a pas procédé à une telle démonstration.

20      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

21      Concernant le premier grief soulevé par la requérante, il y a lieu de rappeler que l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002 définit le terme « dessin ou modèle » comme étant l’« apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ».

22      L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

23      Il ressort du considérant 10 du règlement no 6/2002 que l’article 8, paragraphe 1, de celui-ci vise à protéger l’innovation technologique, laquelle « ne devrait pas être entravée par l’octroi de la protection des dessins ou modèles à des caractéristiques imposées exclusivement par une fonction technique, étant entendu qu’il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique ».

24      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, du considérant 10 dudit règlement et de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), que l’appréciation d’un dessin ou modèle communautaire au regard de la disposition susvisée comporte les étapes suivantes : en premier lieu, il convient de déterminer la fonction technique du produit concerné, en deuxième lieu, d’analyser les caractéristiques de l’apparence dudit produit au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ce qui implique l’identification desdites caractéristiques et, en troisième lieu, d’examiner, au regard de toutes les circonstances objectives et pertinentes, si ces caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné, en d’autres termes, si la nécessité de remplir cette fonction technique est le seul facteur ayant déterminé le choix par le créateur de ces caractéristiques, des considérations d’une autre nature, en particulier celles liées à l’aspect visuel dudit produit, n’ayant joué aucun rôle lors du choix de ces caractéristiques [arrêts du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides, T‑574/19, EU:T:2020:543, point 23, et du 24 mars 2021, Lego/EUIPO – Delta Sport Handelskontor (Élément de construction d’une boîte de jeu de construction), T‑515/19, non publié, EU:T:2021:155, point 98].

25      Par ailleurs, il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et de son considérant 10 qu’un dessin ou modèle doit être déclaré nul si l’ensemble des caractéristiques de son apparence sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné par ledit dessin ou modèle. Il en découle que, si au moins une des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle contesté n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique de ce produit, le dessin ou modèle en cause ne saurait être annulé en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 (arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides, T‑574/19, EU:T:2020:543, point 24 ; voir, également, arrêt du 24 mars 2021, Élément de construction d’une boîte de jeu de construction, T‑515/19, non publié, EU:T:2021:155, point 96 et jurisprudence citée).

26      Le règlement no 6/2002 ne fournit pas de définition précise des « caractéristiques de l’apparence d’un produit ». Dans la définition d’un dessin ou modèle figurant à l’article 3, sous a), dudit règlement, le terme « caractéristiques » est utilisé de manière large, englobant tous les aspects possibles de l’apparence d’un produit, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture ou des matériaux du produit lui-même ou de son ornementation. L’identification de ces caractéristiques doit être effectuée au cas par cas et dépend du produit concerné (arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides, T‑574/19, EU:T:2020:543, point 41).

27      Ainsi, l’identification des caractéristiques de l’apparence d’un produit peut, selon le cas, et en particulier eu égard au degré de complexité de celui-ci, être effectuée par une simple analyse visuelle du dessin ou modèle ou, au contraire, être fondée sur un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte des éléments utiles à l’appréciation, tels que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement en rapport avec ce produit concerné (voir arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides, T‑574/19, EU:T:2020:543, point 42 et jurisprudence citée).

28      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier le premier grief de la requérante.

29      Aux points 32 et 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que le produit concerné était une installation pour la distribution de fluides destiné à faciliter les batailles de ballons d’eau et que sa fonction était de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables.

30      Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé « qu’il était constant entre les parties » que le dessin ou modèle contesté présente les caractéristiques d’apparence suivantes :

–        un raccord présentant une ouverture et plusieurs trous ;

–        un certain nombre de tubes reliés au raccord ;

–        un certain nombre de ballons gonflables fixés à l’extrémité des tubes ;

–        un certain nombre d’attaches assujettissant les ballons aux tubes.

31      Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a noté que les quatre caractéristiques susvisées correspondaient aux composants du produit concerné et a conclu que toutes ces caractéristiques et leur configuration étaient exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné.

32      Aux fins de l’identification des caractéristiques de l’apparence du produit concerné et de l’appréciation de la question de savoir si elles sont imposées exclusivement par la fonction technique de celui-ci, la chambre de recours s’est référée, au point 36 de la décision attaquée, à la demande de brevet européen EP 3 005 948 A2 déposée au nom de la requérante le 10 mars 2015 et publiée le 13 avril 2016 (ci-après la « demande de brevet européen ») et, au point 37 de la décision attaquée, à l’article intitulé « Bunch O Balloons will revolutionize water fights » (Bunch O Balloons révolutionnera les batailles d’eau), avec le sous-titre « The product fills multiple balloons with water simultaneously » (Le produit remplit d’eau de nombreux ballons simultanément), publié le 27 juillet 2014 sur le site Internet www.arstechnica.com (ci-après l’« article “Bunch O Balloons” »). Ces deux documents avaient été présentés lors de la procédure devant l’EUIPO à l’appui de la demande en nullité.

33      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en compte, en tant que caractéristique de l’apparence du produit concerné, la surface « lisse » des tubes creux, des ballons et des anneaux, il convient de constater, ainsi que l’EUIPO le fait valoir à juste titre, que, dans le cas d’une installation pour la distribution de fluides, les tubes, les ballons et les attaches ont normalement des surfaces lisses, de sorte que cette surface « lisse » ne peut pas être considérée comme étant spécifique au produit concerné. Par conséquent, la surface « lisse » ne peut pas être considérée, en l’espèce, comme étant le résultat d’un choix spécifique du créateur du dessin ou modèle contesté. Cette circonstance distingue la présente affaire de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mars 2021, Élément de construction d’une boîte de jeu de construction (T‑515/19, non publié, EU:T:2021:155), dans lequel le Tribunal a considéré, au point 107, que la surface lisse de la face supérieure du produit en cause (brique de jeu) constituait une caractéristique de l’apparence propre de ce produit et devait, dès lors, être prise en compte par la chambre de recours.

34      Il convient, dès lors, de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en ne mentionnant pas explicitement, dans la décision attaquée, la surface prétendument « lisse » des tubes creux, des ballons et des anneaux.

35      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en compte la « forme allongée uniforme des ballons non gonflés », il convient de constater que la chambre de recours a pris en compte, aux points 34 et 36 de la décision attaquée, les ballons « gonflables » en tant que caractéristique de l’apparence du produit concerné. Il convient en outre de noter que la forme « allongée » du ballon non gonflé, mentionnée par la requérante, est le résultat de l’état normal d’un ballon non gonflé et non pas le résultat d’un choix spécifique du créateur du dessin ou modèle contesté. Dès lors, il n’était pas nécessaire que la chambre de recours se réfère explicitement à cette forme « allongée » pour identifier une caractéristique de l’apparence du produit concerné relative aux ballons, la référence aux ballons « gonflables » étant suffisante à cet égard. L’argument susvisé de la requérante doit, ainsi, être écarté.

36      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en compte les « deux groupes de ballons, lesquels, vus du dessous, créent l’effet d’un chou-fleur réfléchi comme dans un miroir », il y a lieu de constater que, au point 40 de la décision attaquée, la chambre de recours relève que la demande de brevet européen indique que la longueur différente des tubes est destinée à empêcher la saturation et à accueillir un plus grand nombre de ballons. De l’identification de la longueur différente des tubes, laquelle permet d’accueillir un plus grand nombre de ballons, il peut être déduit que la chambre de recours a pris en compte l’existence de « deux groupes de ballons » évoquée par la requérante.

37      Par ailleurs, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir identifié, dans la décision attaquée, l’effet créé par les deux groupes de ballons qui prend, prétendument, la forme d’un « chou-fleur réfléchi comme dans un miroir ». En effet, cet effet ne constitue pas une « caractéristique de l’apparence du produit concerné » conférée par les lignes, les contours, les couleurs, la forme, la texture ou les matériaux du produit [au sens de l’article 3, sous a) et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002], mais une description subjective du dessin ou modèle contesté effectuée par la requérante.

38      En quatrième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte le « raccord qui aurait la forme d’un cylindre aplati avec un rebord extérieur supérieur » ni la « forme hexagonale de l’éventail, cet éventail étant composé de trous disposés selon une forme hexagonale, les tubes creux étant placés dans ces trous ».

39      À cet égard, il est noté que, au point 36 de la décision attaquée, la chambre de recours, en se référant à la demande de brevet européen, affirme que « [l]e raccord peut être de forme cylindrique, la première extrémité étant dotée d’un périmètre extérieur dont la longueur est inférieure à celle du périmètre extérieur de la seconde extrémité afin de fixer un tuyau, tandis que la seconde extrémité est fixée à la pluralité des tubes creux ». Elle affirme également que « les tubes creux sont fixés au raccord par des trous disposés en cercles concentriques et permettent le passage du fluide ».

40      Par ailleurs, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours, en s’appuyant tant sur l’article « Bunch O Balloons » que sur la demande de brevet européen, a précisé que toutes les caractéristiques du dessin ou modèle contesté et leur agencement étaient exclusivement imposées par une fonction technique et étaient nécessaires pour la solution technique du produit concerné permettant de remplir simultanément un certain nombre de ballons avec de l’eau. Selon la chambre de recours, cela devient plus évident si l’on considère que toutes les caractéristiques dudit produit sont destinées à être en contact avec un fluide, de sorte que la forme, le nombre et la position des caractéristiques ont une incidence sur le débit de liquide et sur le gonflement des ballons/récipients.

41      Il résulte de l’analyse de la chambre de recours que la forme cylindrique du raccord est imposée par la forme cylindrique de la source d’eau (du robinet ou du tuyau d’arrosage à titre d’exemple) à laquelle il se rattache. Ce raccord dispose de deux extrémités, la première fixée à la source d’eau et la seconde étant connectée aux tubes qui servent à remplir d’eau les ballons. Le diamètre de la première extrémité résulte du diamètre du robinet d’eau ou d’autre source de fluide. Le diamètre de la seconde extrémité (qui comporte les trous) dépend du nombre des tubes qu’on veut rattacher et, en fin de compte, du nombre des ballons qu’on veut remplir de fluide : plus le nombre de tubes qu’on veut rattacher est grand, plus le diamètre de la seconde extrémité du raccord sera grand. Il apparaît ainsi que le rapport entre le diamètre de la première extrémité du raccord et le diamètre de la seconde extrémité du raccord représenté en l’espèce (qui confère une forme « aplatie » au raccord dans la mesure où le diamètre de la première extrémité sera plus grand que le diamètre de la seconde extrémité) résulte, selon l’analyse de la chambre de recours, des considérations techniques. Il ressort de cette analyse de la chambre de recours que celle-ci a pris en compte le « raccord qui aurait la forme d’un cylindre aplati avec un rebord extérieur supérieur ».

42      Par ailleurs, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir identifié, en tant que caractéristique de l’apparence du produit concerné, le fait que, « vu du dessus, le raccord est entouré de ballons qui créent l’effet d’un tournesol réfléchi comme dans un miroir ». En effet, ce prétendu effet ne constitue pas une caractéristique de l’apparence du produit concerné mais une description subjective du dessin ou modèle contesté effectuée par la requérante (voir aussi point 37 ci-dessus).

43      En ce qui concerne la mention par la requérante de la « forme hexagonale de l’éventail » et de la « disposition hexagonale » des trous, il convient de rappeler que l’identification des caractéristiques de l’apparence peut être fondée, selon le cas d’espèce, sur une multitude de facteurs et non pas uniquement sur une simple analyse visuelle (voir point 27 ci-dessus). En l’espèce, en tenant compte du fait que, lors de l’utilisation du produit concerné, le raccord se rattache à la source d’eau, il peut être déduit que la forme « hexagonale » de l’éventail et de la disposition des trous ne sera pas aperçue par l’utilisateur du produit concerné et qu’elle n’a pas un véritable impact visuel susceptible de la qualifier de « caractéristique de l’apparence ». Il ne saurait dès lors être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir identifié, dans la décision attaquée, la forme « hexagonale » de l’éventail et de la disposition des trous.

44      En cinquième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte l’existence des « tubes creux droits, non évasés, de deux longueurs différentes, ces longueurs étant nettement supérieures à la longueur du raccord et des ballons ».

45      À cet égard, il y a lieu de noter que, au point 36 de la décision attaquée, la chambre de recours, en se référant à la demande de brevet européen, observe que les tubes creux sont fixés au raccord et permettent le passage du fluide. Par ailleurs, au point 40 de la décision attaquée, la chambre de recours relève que la demande de brevet européen indique que la longueur différente des tubes est destinée à empêcher la saturation et à accueillir un plus grand nombre de ballons. De l’identification de la longueur différente des tubes, laquelle permet d’accueillir un plus grand nombre de ballons, il peut être déduit que la chambre de recours a pris en compte l’existence des « tubes creux, de deux longueurs différentes, ces longueurs étant nettement supérieures à la longueur du raccord et des ballons » et a conclu que l’ensemble de ces caractéristiques était fonctionnel.

46      Il convient également de noter que la chambre de recours, tout en se référant aux « tubes creux », n’emploie pas les adjectifs « droits » et « non évasés » pour les décrire, ainsi que le fait la requérante. Cela étant, dans le cas du produit concerné, les tubes sont habituellement « droits » et, par conséquent, « non évasés », afin de permettre au fluide de circuler et gonfler rapidement les ballons. Il s’ensuit que le caractère « droit » et « non évasé » des tubes creux ne peut pas être considéré, en l’espèce, comme étant le résultat d’un choix spécifique du créateur du dessin ou modèle contesté. Il ne saurait, dès lors, être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir mentionné explicitement cette caractéristique dans la décision attaquée.

47      Le Tribunal considère également que l’identification par la requérante de « l’ensemble plus court des tubes creux [qui] est disposé de manière que les ballons attachés aux tubes plus courts se situent tous à l’intérieur dans l’ensemble des tubes plus longs, c’est-à-dire qu’ils ne dépassent pas à l’extérieur de l’ensemble des tubes plus longs », est couverte par la référence de la chambre de recours, au point 40 de la décision attaquée, à la longueur différente des tubes qui est destinée à empêcher la saturation et à accueillir un plus grand nombre de ballons. Elle est couverte également par la constatation de la chambre de recours, au point 38 de la décision attaquée, selon laquelle toutes les caractéristiques du produit concerné sont destinées à être en contact avec un fluide, de sorte que la forme, le nombre et la position des caractéristiques ont une incidence sur le débit de liquide et sur le gonflement des ballons/récipients. Cette analyse sur le caractère fonctionnel de la forme, du nombre et de la position des caractéristiques du produit concerné révèle que la chambre de recours a pris en compte le fait que les ballons attachés aux tubes plus courts se situent tous à l’intérieur dans l’ensemble des tubes plus longs. Par ailleurs, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir identifié, dans la décision attaquée, la « forme allongée » de l’apparence du produit concerné en tant que caractéristique de son apparence, dans la mesure où une installation pour la distribution de fluides comportant des tubes qui servent à canaliser le fluide vers les ballons gonflables a, normalement, une forme allongée. Partant, une telle forme ne peut pas être considérée comme étant le résultat d’un choix spécifique du créateur du dessin ou modèle contesté.

48      En sixième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en compte les « anneaux [qui] consistent, pour chacun, en une bande unique apposée sur le col de chaque ballon », il convient de constater que, au point 36 de la décision attaquée, la chambre de recours, en se référant à la demande de brevet européen, a noté que « l’attache ou la bande élastique apposée au niveau du col des ballons fix[ait] le ballon au tube en y enfermant le fluide ». Il apparaît ainsi que la chambre de recours a pris en compte la caractéristique susvisée.

49      En septième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en compte le contraste identique des ballons, du raccord et des tubes, il convient de noter que le dessin ou modèle contesté a été représenté dans la demande d’enregistrement en noir et blanc, et non pas en couleur, et qu’il n’y avait aucun indice sur cette représentation indiquant que la requérante demandait la protection des « caractéristiques » susvisées. Pour cette raison, l’argument susvisé de la requérante doit être rejeté.

50      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que la chambre de recours a pris en compte l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, et de rejeter, ainsi, le premier grief de la requérante.

51      En ce qui concerne le second grief de la requérante, selon lequel la chambre de recours a enfreint la règle relative à la répartition de la charge de la preuve, il convient de préciser que, selon cette règle, lorsque le demandeur en nullité invoque le motif de nullité prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, il lui incombe de fournir les éléments de nature à démontrer que le dessin ou modèle contesté ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 de ce règlement (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 60). Cette obligation exécutée, il revient alors au titulaire du dessin ou modèle contesté de produire des contre-arguments et des éléments de preuve démontrant pour quelle raison le dessin ou modèle contesté ne devrait pas être annulé. La conclusion finale dépend d’une évaluation de l’ensemble des faits, des arguments et des preuves présentés par les parties, comme l’exige l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

52      Cette règle de répartition de la charge de la preuve a été appliquée correctement par la chambre de recours dans la décision attaquée, ainsi qu’il ressort de son point 31. Dans la mesure où la demanderesse en nullité en l’espèce a fourni des arguments et des éléments de preuve fiables et solides corroborant sa thèse selon laquelle toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient imposées par sa fonction technique, il incombait à la requérante, en tant que titulaire du dessin ou modèle contesté, d’apporter des arguments et des preuves afin de démontrer le contraire. En effet, ainsi que l’EUIPO le note à juste titre, le titulaire du dessin ou modèle contesté est le mieux placé pour fournir des informations sur la création du dessin ou modèle contesté et sur les caractéristiques de l’apparence du produit auquel ce dessin s’applique. Ainsi, si ledit titulaire considère que la demanderesse en nullité n’a pas identifié l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, il lui incombe de préciser devant les instances de l’EUIPO les caractéristiques non identifiées dont la protection est sollicitée.

53      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second grief de la requérante et, par voie de conséquence, la première branche du moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’application erronée des critères prévus dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C395/16), aux fins de déterminer si les caractéristiques de l’apparence du produit concerné relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

54      La requérante soutient que la chambre de recours a commis des erreurs dans l’appréciation des circonstances objectives, identifiées dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37), qui seraient pertinentes en l’espèce aux fins de déterminer si les caractéristiques de l’apparence du produit concerné sont exclusivement imposées par sa fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

55      À cet égard, en premier lieu, la requérante fait valoir que le dessin ou modèle contesté est un jouet et que les ballons décoratifs dégonflés constituent une partie essentielle de celui-ci. La requérante soutient également que le dessin ou modèle contesté a été enregistré à tort dans la classe 23.01 au sens de l’arrangement de Locarno, intitulée « Installations pour la distribution de fluides », alors que la classe 21.01, intitulée « Jeux et jouets » aurait été la classe correcte.

56      En deuxième lieu, la requérante soutient que, dans la mesure où le produit concerné est un jouet, il doit être attrayant aux yeux des enfants et, dès lors, son apparence revêt une importance particulière pour le créateur du dessin ou modèle contesté, supérieure à l’importance attribuée à sa fonction technique. À cet égard, la requérante invoque le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté, joint à la requête. La requérante se réfère également à l’article « Bunch O Balloons » dont il ressortirait que le but de l’utilisation du produit concerné est de faciliter la bataille d’eau entre enfants.

57      En troisième lieu, la requérante invoque l’existence des dessins ou modèles alternatifs au dessin ou modèle contesté et renvoie, notamment, aux dessins ou modèles compris dans la demande d’enregistrement multiple. Elle soutient, à titre plus général, qu’il existe de nombreuses possibilités pour concevoir le produit concerné en l’espèce.

58      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

59      Il convient de rappeler que la Cour, dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37), a précisé que, afin de déterminer si les caractéristiques concernées de l’apparence d’un produit relevaient de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il convenait de tenir compte de toutes les circonstances objectives et pertinentes de chaque cas d’espèce. Une telle appréciation doit notamment être effectuée au regard du dessin ou modèle en cause, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables.

60      En l’espèce, aux points 32 à 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné les caractéristiques de l’apparence du produit concerné au regard des circonstances objectives identifiées dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 37). En premier lieu, au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a identifié le produit concerné comme étant une installation pour la distribution de fluides, destiné à faciliter les batailles de ballons d’eau. Elle a conclu, au point 33 de la décision attaquée, que la fonction du produit concerné est de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables. En deuxième lieu, aux points 34 à 38 notamment de la décision attaquée, la chambre de recours a analysé le dessin ou modèle contesté et ses caractéristiques d’apparence en s’appuyant sur la demande de brevet européen et sur l’article « Bunch O Balloons », à savoir des éléments de preuve fiables. En troisième lieu, aux points 40 à 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné et rejeté les arguments de la requérante tirés du fait que le produit concerné serait un produit de consommation, de l’existence de plusieurs formes et configurations possibles du produit concerné et du fait que la division d’annulation avait, à tort, tenu compte des autres dessins ou modèles compris dans la demande d’enregistrement multiple. Dans le cadre de son appréciation, la chambre de recours a également pris en compte, au point 41 de la décision attaquée, le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté.

61      L’argumentation de la requérante ne démontre pas que la chambre de recours a commis des erreurs en ce qui concerne l’application des circonstances objectives en l’espèce.

62      En ce qui concerne les arguments de la requérante présentés aux points 55 et 56 ci-dessus, il convient de noter tout d’abord que, ainsi qu’il ressort du dossier de l’affaire devant l’EUIPO, la requérante avait précisé que le produit concerné était un « système utilisé pour remplir un certain nombre de ballons ou des sacs à partir d’une source unique » et que, selon elle, le dessin ou modèle contesté devait être classé dans la classe 23.01 de l’arrangement de Locarno et le produit devait être décrit comme étant des « installations pour la distribution de fluides ». Partant, il ne peut pas être reproché à l’EUIPO d’avoir classé le dessin ou modèle contesté dans la classe 23.01 de l’arrangement de Locarno et d’avoir marqué comme indication du produit « installations pour la distribution des fluides ».

63      Ensuite, ainsi que l’EUIPO le soutient à juste titre, même si l’indication du produit concerné était « jeux et jouets », comme l’affirme la requérante, cela n’aurait pas d’impact sur l’appréciation du dessin ou modèle contesté au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), la classification des produits selon l’arrangement de Locarno est effectuée à des fins exclusivement administratives et que, ainsi qu’il ressort de l’article 36, paragraphe 6, du règlement no 6/2002, l’indication du produit concerné dans la demande d’enregistrement du dessin ou modèle en cause ne porte pas atteinte à l’étendue de la protection du dessin ou modèle en tant que tel. Ainsi, à partir du moment où il peut être déduit du dessin ou modèle lui-même, ainsi que des éléments de preuve produits, que la fonction technique de celui-ci est de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables, même à supposer que l’indication du produit concerné soit « jeux et jouets », comme l’affirme la requérante, cela n’aurait pas d’impact sur l’appréciation du dessin ou modèle contesté au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

64      Par ailleurs, le simple fait que le produit concerné soit utilisé en tant que jouet, ainsi qu’il ressort de l’article « Bunch O Balloons », ne suffit pas, en lui seul, à remettre en cause la conclusion selon laquelle toutes les caractéristiques de son apparence sont exclusivement imposées par sa fonction technique. En effet, la requérante ne démontre pas que des considérations esthétiques jouent nécessairement un rôle lors de la conception de jouets ou, plus généralement, des produits destinés au divertissement.

65      S’agissant du témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté, invoqué par la requérante, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides (T‑574/19, EU:T:2020:543, point 100), le Tribunal a déjà considéré que ledit témoignage, lequel était également soumis dans le dossier de cette affaire, avait une force probante limitée, dans la mesure où il présentait l’opinion personnelle et subjective du créateur du dessin ou modèle contesté et où ce créateur, en tant que président et propriétaire de la requérante, avait un intérêt personnel à la validité du dessin ou modèle contesté.

66      Indépendamment de la force probante limitée qu’il convient d’attribuer au témoignage susvisé, il convient également de remarquer que celui-ci ne corrobore pas l’argument de la requérante selon lequel, dans la mesure où le produit concerné est un jouet, son apparence revêt une importance particulière, supérieure à sa fonction technique. En effet, dans son témoignage, le créateur ne qualifie pas le produit concerné de « jouet » et ne tire aucun argument de la fonction de ce produit en tant que « jouet ». Le créateur affirme simplement que des considérations esthétiques jouent un rôle pour le « design » des produits destinés à être vendus directement au consommateur final par opposition de ce qui se passe en ce qui concerne les produits qui sont incorporés dans d’autres produits et qui ne sont pas vus par le consommateur final (point 4 du témoignage).

67      Il convient dès lors de rejeter les arguments de la requérante présentés aux points 55 et 56 ci-dessus.

68      En ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de l’existence de dessins ou modèles alternatifs (voir point 57 ci‑dessus), il convient de noter que la chambre de recours, au point 40 de la décision attaquée, a indiqué à juste titre, en se référant à l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32), que le simple fait qu’un dessin ou modèle alternatif existait ne signifiait pas que l’apparence d’un produit avait été imposée par d’autres considérations que des considérations techniques. La chambre de recours a poursuivi en constatant qu’il existait en l’espèce des dessins ou modèles alternatifs en ce qui concerne la taille, la forme et la position de telles caractéristiques, mais que ces modèles pouvaient également être exclusivement imposés par une fonction technique, ainsi qu’il ressortait de la demande de brevet européen. La chambre de recours a conclu que l’existence des dessins ou modèles alternatifs en l’espèce ne remettait pas en cause la conclusion selon laquelle les caractéristiques de l’apparence du produit concerné en l’espèce et la manière dont elles étaient conçues résultaient exclusivement de sa fonction technique.

69      Il convient dès lors de constater que la chambre de recours a pris en compte en l’espèce l’existence des dessins ou modèles alternatifs au dessin ou modèle contesté et que son analyse à cet égard n’est pas entachée d’erreur.

70      Eu égard aux considérations qui précèdent, la deuxième branche du moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’application d’un critère juridique erroné dans le cadre de l’appréciation du dessin ou modèle contesté à l’égard de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

71      La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir validé, dans la décision attaquée, l’analyse de la division d’annulation qui a cherché à déterminer si une caractéristique de l’apparence du produit concerné « amélior[ait] l’apparence du produit ». Selon la requérante, ce critère d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 est erroné.

72      La requérante reproche également à la chambre de recours d’avoir concentré son analyse sur les composants du produit contesté plutôt que sur les caractéristiques de son apparence et d’avoir confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle le produit contesté était un produit jetable à usage unique, présentant ainsi une valeur esthétique limitée.

73      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

74      S’agissant du grief présenté au point 71 ci-dessus, il suffit de constater que la chambre de recours applique correctement dans la décision attaquée – qui, elle seule, fait l’objet du contrôle de légalité effectué par le Tribunal – les principes juridiques énoncés dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172). En particulier, il ne ressort nullement de cette décision que la chambre de recours a cherché à déterminer, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, si une caractéristique donnée de l’apparence du produit concerné « amélior[ait] son apparence » ou, en d’autres termes, lui conférait un caractère esthétique. De même, il ne ressort nullement de cette décision que la chambre de recours « valide » une telle analyse prétendument effectuée par la division d’annulation. Le grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

75      Les deux griefs présentés au point 72 ci-dessus ne sauraient non plus être retenus.

76      D’une part, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides (T‑574/19, EU:T:2020:543, point 47), le Tribunal a conclu que, s’agissant du dessin ou modèle qui était en cause dans cette affaire – lequel était compris dans la demande d’enregistrement multiple évoquée au point 4 ci-dessus –, la coïncidence entre les caractéristiques de l’apparence du produit concerné et les éléments individuels qui le composent ne signifiait pas que la chambre de recours avait commis une erreur dans l’identification desdites caractéristiques. Il convient également de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation de la première branche du moyen, il a été conclu que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur concernant l’identification des caractéristiques de l’apparence du produit concerné. Partant, le grief selon lequel la chambre de recours aurait, à tort, focalisé son analyse sur les composants du produit concerné, et non pas sur ses caractéristiques d’apparence, ne saurait être retenu.

77      D’autre part, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a confirmé l’analyse de la division d’annulation indiquant que le produit concerné était un produit à usage unique et présentait ainsi une valeur esthétique limitée, il convient de constater que la décision attaquée n’est nullement fondée sur une telle considération.

78      Sur le fondement des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la troisième branche du moyen.

 Sur la quatrième branche, tirée de l’interprétation erronée de la demande de brevet européen et de la demande d’enregistrement multiple de la requérante

79      Dans le cadre de la quatrième branche du moyen, la requérante soulève deux griefs à l’encontre de la chambre de recours.

80      En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a interprété de manière erronée la demande de brevet européen, dans la mesure où cette demande n’identifiait aucune fonction technique potentielle en ce qui concerne plusieurs caractéristiques de l’apparence du produit concerné, telles que la surface lisse des tubes creux, des ballons et des anneaux, la forme allongée uniforme des ballons non gonflés, l’aspect épais des anneaux, l’éventail hexagonal dans la partie centrale du raccord et le choix des couleurs et des contrastes.

81      Selon la requérante, la demande de brevet européen mentionne même l’existence de diverses variantes concernant certaines caractéristiques de l’apparence du produit concerné, sans identifier la moindre fonction technique de ces variantes. La requérante se réfère, à titre d’exemple, au paragraphe [0121] de la demande de brevet européen où il est indiqué que la forme du raccord peut être conique, cylindrique ou pyramidale.

82      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

83      Il y a lieu de rappeler que, au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a identifié les caractéristiques de l’apparence du produit concerné comme étant, premièrement, un raccord présentant une ouverture et plusieurs trous, deuxièmement, un certain nombre de tubes reliés au raccord, troisièmement, un certain nombre de ballons gonflables fixés à l’extrémité des tubes et, quatrièmement, un certain nombre d’attaches assujettissant les ballons aux tubes. Il convient également de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation de la première branche du moyen, il a été conclu que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur dans l’identification des caractéristiques de l’apparence du produit concerné.

84      Dès lors, force est de constater que, ainsi que la chambre de recours le note à juste titre au point 36 de la décision attaquée, la demande de brevet européen fournit des informations sur toutes les caractéristiques susvisées de l’apparence du produit concerné et que les figures 9A à 9C de cette demande correspondent visuellement aux représentations du dessin ou modèle contesté.

85      Par ailleurs, le fait que, au paragraphe [0121] de la demande de brevet européen, il est indiqué que la forme du raccord peut être conique, cylindrique ou pyramidale ne suffit pas à démontrer que, en l’espèce, la forme cylindrique du raccord n’est pas exclusivement imposée par des considérations techniques liées au fait que le dispositif de distribution d’eau – lequel peut être un robinet ou un tuyau d’arrosage – a normalement une forme cylindrique. À cet égard, il convient de rappeler que l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’est pas déterminante aux fins de l’appréciation de la question de savoir si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32).

86      Le premier grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

87      En second lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que la demande d’enregistrement multiple démontrait que les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient exclusivement imposées par sa fonction technique. Selon la requérante, cette demande d’enregistrement multiple démontrait tout le contraire, à savoir qu’il existait un grand nombre de variantes possibles du dessin ou modèle contesté.

88      La requérante ajoute que l’analyse de la chambre de recours aboutit à une application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 aux demandes d’enregistrement multiple qui ne correspond pas à l’économie de ce règlement. La requérante invoque à cet égard l’article 37, paragraphe 4, dudit règlement qui prévoit que chaque dessin ou modèle compris dans une demande d’enregistrement multiple doit être examiné séparément.

89      La requérante considère que, si l’analyse de la demande d’enregistrement multiple effectuée par la chambre de recours en l’espèce était validée, cela signifierait que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 s’appliquerait plus facilement aux dessins ou modèles compris dans des demandes d’enregistrement multiple qu’aux dessins compris dans des demandes individuelles, ce qui désavantagerait les demandeurs d’enregistrement multiple.

90      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

91      Il convient de noter que, au point 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que c’était à bon droit que la division d’annulation avait pris en compte les autres dessins ou modèles de la requérante compris dans la demande d’enregistrement multiple, étant donné que les informations qui pouvaient être induites de ces autres dessins ou modèles enregistrés pour le même produit constituaient une circonstance parmi celles objectives et pertinentes en l’espèce qui devaient être prises en compte pour déterminer si l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 s’appliquait.

92      En effet, la division d’annulation avait pris en compte les autres dessins ou modèles enregistrés (dont la requérante était la titulaire) pour le même produit et a considéré que ces autres dessins ou modèles illustraient l’analyse faite par la Cour dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 30), selon laquelle l’existence des dessins ou modèles alternatifs n’était pas déterminante en vue de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 :

« [… I]l ne pourrait être exclu qu’un opérateur économique fasse enregistrer, en tant que dessin ou modèle communautaire, plusieurs formes concevables d’un produit incorporant des caractéristiques de l’apparence de celui-ci qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Cela permettrait à un tel opérateur de bénéficier, à l’égard d’un tel produit, d’une protection en pratique exclusive et équivalente à celle offerte par un brevet, sans être soumis aux conditions qui sont applicables à l’obtention de ce dernier, et serait de nature à empêcher les concurrents d’offrir un produit incorporant certaines caractéristiques fonctionnelles ou limiterait les solutions techniques possibles et priverait ainsi ledit article 8, paragraphe 1, de son effet utile. »

93      En effet, à l’instar de la division d’annulation, il convient de remarquer que les configurations des tubes et des ballons, qui apparaissent sur les dessins ou modèles compris dans la demande d’enregistrement multiple, constituent des manières différentes de permettre à un grand nombre de ballons d’être remplis d’eau simultanément, ce qui, dans les circonstances de l’espèce, constitue un indice de l’intention de la requérante de bénéficier d’une protection exclusive, équivalente à celle conférée par un brevet, à l’égard de la solution technique qui est à la base du produit concerné.

94      En même temps, il ressort de la décision attaquée que la multitude d’enregistrements effectués par la requérante visant le même produit constituait l’une des circonstances objectives examinées par la chambre de recours, conformément d’ailleurs aux précisions apportées par la Cour dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172). En d’autres termes, l’analyse de la chambre de recours ne s’est pas fondée exclusivement sur cette multitude d’enregistrement et cette circonstance n’était même pas déterminante dans le cadre de cette analyse. En effet, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a, notamment, pris en compte l’apparence du dessin ou modèle contesté (points 32 à 35 de la décision attaquée), la demande de brevet européen (point 36 de la décision attaquée), l’article « Bunch O Balloons » (point 37 de la décision attaquée) et examiné les contre-arguments avancés par la requérante ainsi que le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté (points 40 à 43 de la décision attaquée).

95      Par ailleurs, compte tenu du fait que la multitude d’enregistrements constituait, en l’espèce, une des circonstances objectives prises en compte par la chambre de recours, et pas la plus déterminante, force est de constater que son analyse ne conduit nullement à la conclusion que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 s’appliquerait, par principe, plus facilement aux dessins ou modèles compris dans des demandes d’enregistrement multiple qu’aux dessins ou modèles compris dans des demandes individuelles. L’argument de la requérante, présenté au point 89 ci-dessus, n’est, dès lors, pas fondé.

96      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second grief de la requérante et, dès lors, la quatrième branche du moyen. Le présent recours doit, dès lors, être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

97      En application de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO, conformément à ses conclusions.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tinnus Enterprises LLC supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.