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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 16 février 2017 (1)

Affaire C‑75/16

Livio Menini

Maria Antonia Rampanelli

contre

Banco Popolare – Società Cooperativa

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale Ordinario di Verona (tribunal de Vérone, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Opposition à une ordonnance d’injonction de payer – Directive 2008/52/CE – Médiation en matière civile et commerciale – Article 1er, paragraphe 2 – Champ d’application – Directive 2013/11/UE – Règlement extrajudiciaire des litiges de consommation – Article 1er – Obligation pour le consommateur d’engager une procédure de médiation préalablement à la saisine d’un organe juridictionnel – Article 2 – Champ d’application – Article 8, sous b) – Assistance obligatoire d’un avocat – Article 9, paragraphe 2, sous a) – Sanctions attachées au retrait de la procédure de médiation »





I –    Introduction

1.        Le Tribunale Ordinario di Verona (tribunal de Vérone, Italie) est saisi de l’opposition, formée par deux consommateurs, à une ordonnance d’injonction de payer obtenue contre eux par un établissement de crédit.

2.        En vertu de la législation italienne transposant la directive 2008/52/CE sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (2), la recevabilité de l’opposition est subordonnée à l’engagement préalable, à l’initiative des parties opposantes, d’une procédure de médiation. Cette juridiction constate, par ailleurs, que le litige au principal relève également du champ d’application de la législation italienne transposant la directive 2013/11/UE relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation (3). Or, elle nourrit des doutes quant à la compatibilité d’une telle procédure de médiation obligatoire, pourtant conforme à la directive 2008/52, avec certaines dispositions de la directive 2013/11.

3.        Dans ce contexte, ladite juridiction interroge la Cour, en premier lieu, quant à la démarcation des champs d’application respectifs de ces deux directives. Elle cherche, en deuxième lieu, à savoir si les dispositions de la directive 2013/11 s’opposent à ce que la recevabilité d’une demande en justice, introduite par un consommateur à l’encontre d’un professionnel et portant sur un contrat de prestation de services, soit subordonnée à l’engagement préalable par le consommateur d’une procédure de médiation. En troisième lieu, la juridiction de renvoi demande à la Cour si les modalités de la procédure de médiation prévue par la législation italienne, en ce qu’elles obligent le consommateur à se faire assister d’un avocat et attachent des sanctions au retrait sans juste motif de cette procédure, sont conformes à la directive 2013/11.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

1.      La directive 2008/52

4.        L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/52 dispose que celle‑ci « s’applique, dans les litiges transfrontaliers, aux matières civiles et commerciales, à l’exception des droits et obligations dont les parties ne peuvent disposer en vertu de la législation pertinente applicable ».

5.        L’article 3, sous a), de cette directive définit la « médiation » comme « un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles‑mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un État membre ».

6.        Selon l’article 5, paragraphe 2, de ladite directive, celle‑ci « s’applique sans préjudice de toute législation nationale rendant le recours à la médiation obligatoire ou le soumettant à des incitations ou des sanctions, que ce soit avant ou après le début de la procédure judiciaire, pour autant qu’une telle législation n’empêche pas les parties d’exercer leur droit d’accès au système judiciaire ».

2.      La directive 2013/11

7.        L’article 1er de la directive 2013/11 prévoit que celle‑ci « a pour objectif, en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs, de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur, en faisant en sorte que les consommateurs puissent, à titre volontaire, introduire des plaintes contre des professionnels auprès d’entités appliquant des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges [ci‑après “REL”] indépendantes, impartiales, transparentes, efficaces, rapides et équitables. La présente directive est sans préjudice d’une législation nationale rendant obligatoire la participation à de telles procédures, pour autant qu’une telle législation n’empêche pas les parties d’exercer leur droit d’accès à la justice ».

8.        Conformément à l’article 2 de cette directive :

« 1.      La présente directive s’applique aux procédures de règlement extrajudiciaire des litiges nationaux et transfrontaliers concernant les obligations contractuelles découlant de contrats de vente ou de service conclus entre un professionnel établi dans l’Union et un consommateur résidant dans l’Union, qui font intervenir une entité de REL, laquelle propose ou impose une solution, ou réunit les parties en vue de faciliter la recherche d’une solution amiable.

2.      La présente directive ne s’applique pas :

[...]

g)      aux procédures introduites par un professionnel contre un consommateur ;

[...] »

9.        L’article 3, paragraphes 1 et 2, de ladite directive est libellé comme suit :

« 1.      Sauf dispositions contraires énoncées dans la présente directive, si une disposition de la présente directive est en conflit avec une disposition figurant dans un autre acte juridique de l’Union et concernant les procédures de recours extrajudiciaires introduites par un consommateur contre un professionnel, la disposition de la présente directive prime.

2.      La présente directive est sans préjudice de la directive 2008/52/CE. »

10.      L’article 4, paragraphe 1, sous g), de la directive 2013/11 définit la « procédure de REL » comme « une procédure, visée à l’article 2, qui satisfait aux exigences énoncées dans la présente directive et est mise en œuvre par une entité de REL ». L’« entité de REL » désigne, selon l’article 4, paragraphe 1, sous h), de cette directive, « toute entité, quelle que soit la façon dont elle est appelée ou citée, qui est durablement établie et propose de régler un litige par une procédure de REL et qui figure sur la liste établie conformément à l’article 20, paragraphe 2 ».

11.      L’article 5, paragraphe 1, de ladite directive dispose que « [l]es États membres [...] font en sorte que les litiges relevant de la présente directive et impliquant un professionnel établi sur leur territoire respectif puissent être soumis à une entité de REL se conformant aux exigences fixées par la présente directive ».

12.      L’article 8, sous b), de la même directive enjoint les États membres à assurer aux parties l’accès aux procédures de REL « sans devoir faire appel à un avocat ou un conseiller juridique ».

13.      En vertu de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/11, « [d]ans les procédures de REL qui visent à régler un litige en proposant une solution, les États membres veillent à ce que les parties aient la possibilité de se retirer de la procédure à tout moment si elles sont insatisfaites du déroulement ou du fonctionnement de la procédure. Ce droit leur est notifié avant le début de la procédure. Lorsque les règles nationales prévoient la participation obligatoire des professionnels aux procédures de REL, le présent point s’applique uniquement au consommateur ».

14.      Aux termes de l’article 20 de cette directive :

« 1.      Chaque autorité compétente évalue, en particulier sur la base des informations qu’elle a reçues conformément à l’article 19, paragraphe 1, si les entités de règlement des litiges qui lui ont été notifiées peuvent prétendre à la qualité d’entité de REL relevant de la présente directive et satisfont aux exigences de qualité fixées au chapitre II ainsi que dans les dispositions nationales qui la mettent en œuvre, y compris celles qui vont au‑delà des exigences prévues par la présente directive, conformément au droit de l’Union.

2.     Chaque autorité compétente dresse, sur la base de l’évaluation visée au paragraphe 1, une liste de toutes les entités de REL qui lui ont été notifiées et qui satisfont aux conditions fixées au paragraphe 1.

[...] »

B –    Le droit italien

1.      Le décret législatif n° 28/2010

15.      L’article 5 du decreto legislativo 4 marzo 2010, n. 28, recante attuazione dell’articolo 60 della legge 18 giugno 2009, n. 69, in materia di mediazione finalizzata alla conciliazione delle controversie civili e commerciali [décret législatif du 4 mars 2010, n° 28, pris pour l’application de l’article 60 de la loi n° 69, du 18 juin 2009, relative à la médiation en vue de la conciliation des litiges civils et commerciaux (ci‑après le « décret législatif n° 28/2010 »)] (4), lequel transpose la directive 2008/52, dispose :

« 1 bis. Celui qui entend exercer en justice une action relative à un litige en matière de copropriété, de droits réels, de partage, de succession, de pactes familiaux, de location, de commodat, de location d’entreprises, d’action en dommages et intérêts consécutive à un acte médical ou sanitaire ou pour diffamation par voie de presse ou de tout autre moyen de communication, de contrats d’assurance, de contrats bancaires et financiers, est tenu, avec l’assistance de son avocat, d’engager au préalable la procédure de médiation prévue par le présent décret, ou la procédure de conciliation prévue par le décret législatif du 8 octobre 2007 n° 179, ou la procédure instituée en application de l’article 128 bis du texte unique des lois en matière bancaire et de crédit visé dans le décret législatif du 1er septembre 1993 n° 385 tel que modifié ultérieurement, pour les domaines qui y sont réglementés. L’engagement de la procédure de médiation représente une condition de recevabilité de l’action en justice. [...]

2 bis.          Lorsque l’engagement de la procédure de médiation représente une condition de recevabilité de l’action en justice, cette condition est réputée remplie [si la] première rencontre devant le médiateur se conclut sans accord.

[...]

4.      Les paragraphes 1 bis et 2 ne s’appliquent pas :

1)      dans les procédures d’injonction, y compris l’opposition, jusqu’au stade de la décision sur les demandes d’octroi et de suspension de l’exécution provisoire [...] »

16.      Selon l’article 8, paragraphe 1, de ce décret, « [l]ors de la première rencontre et des rencontres ultérieures [des parties devant le médiateur], et jusqu’à la fin de la procédure, les parties doivent participer assistées d’un avocat ». Le paragraphe 4 bis de cette disposition prévoit que, « [e]n cas de défaut de participation sans juste motif à la procédure de médiation, le juge peut en tirer des arguments de preuve dans le cadre du jugement ultérieur conformément à l’article 116, paragraphe 2, du code de procédure civile. Le juge condamne la partie qui, dans les cas prévus par l’article 5, n’a pas participé à la procédure sans juste motif, à verser au Trésor public une somme d’un montant correspondant à la contribution unifiée due au titre du procès. »

2.      Le décret législatif n° 130/2015

17.      Le decreto legislativo 6 agosto 2015, n. 130, recante attuazione della direttiva 2013/11/UE sulla risoluzione alternativa delle controversie dei consumatori [décret législatif du 6 août 2015, n° 130, transposant la directive 2013/11/UE relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation (ci‑après le « décret législatif n° 130/2015 »)] (5), a modifié certaines dispositions du decreto legislativo 6 settembre 2005, n. 206, « Codice del consumo » [décret législatif du 6 septembre 2005, n° 206, portant code de la consommation (ci‑après le « décret législatif n° 206/2005)] (6). L’article 1er du décret législatif n° 130/2015 a, notamment, remplacé l’article 141 du décret législatif n° 206/2005, dont les paragraphes 4 et 6 prévoient désormais :

« 4.      Les dispositions contenues sous le présent titre s’appliquent aux procédures volontaires à caractère extrajudiciaire de règlement, y compris par voie télématique, des litiges nationaux et transfrontaliers entre consommateurs et professionnels résidents et établis dans l’Union européenne, dans le cadre desquelles l’organisme de REL propose une solution ou réunit les parties afin de faciliter un accord à l’amiable et, en particulier, aux organismes de médiation pour le traitement des affaires en matière de consommation inscrits dans la section spéciale prévue à l’article 16, paragraphes 2 et 4, du décret législatif du 4 mars 2010, n° 28, et aux autres organismes de REL institués ou inscrits sur les listes tenues et contrôlées par les autorités visées au paragraphe 1, sous i), après vérification de l’existence des conditions et de la conformité de leur organisation et de leurs procédures aux dispositions du présent titre. 

[...]

6.      Le présent texte est sans effet sur les dispositions suivantes qui prévoient le caractère obligatoire des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges :

a)      Article 5, paragraphe 1 bis, du décret législatif du 4 mars 2010, n° 28, [...] »

III – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

18.      Le 15 juin 2015, Banco Popolare – Società Cooperativa a obtenu, par la voie judiciaire, une injonction de payer à l’encontre de M. Livio Menini et de Mme Maria Antonia Rampanelli pour un montant de 991 848,21 euros. Ce montant correspond au solde restant dû au titre d’un contrat d’ouverture de crédit hypothécaire en compte courant conclu entre ces derniers et Banco Popolare. M. Menini et Mme Rampanelli ont, devant le Tribunale Ordinario di Verona (tribunal de Vérone), formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer et demandé la suspension de l’exécution provisoire y attachée.

19.      Au soutien de l’opposition, ces derniers font valoir que Banco Popolare leur a, en dépit de leurs modestes conditions de revenus, itérativement accordé des crédits en vertu de plusieurs contrats successifs. Ces crédits auraient visé à leur permettre d’acquérir une quantité exorbitante d’actions, pour une large part de Banco Popolare elle‑même ou d’autres sociétés du même groupe. Banco Popolare aurait, en outre, présenté ces investissements comme étant sûrs.

20.      La juridiction de renvoi estime qu’il y aura lieu de rejeter la demande de suspension de l’exécution provisoire. Après que cette juridiction aura rendu cette décision de rejet, les parties opposantes devront, sous peine d’irrecevabilité de l’opposition, engager une procédure de médiation en vertu de l’article 5, paragraphes 1 bis et 4, du décret législatif n° 28/2010, transposant la directive 2008/52 en droit italien.

21.      Cette juridiction constate que le litige relève également du champ d’application du décret législatif n° 130/2015, lequel assure la transposition en droit italien de la directive 2013/11. En effet, les parties opposantes présenteraient la qualité de « consommateurs », au sens de l’article 4, sous a), de cette directive, ayant conclu avec un « professionnel », tel que défini à l’article 4, sous b), de ladite directive, un « contrat de service », au sens de l’article 4, sous d), de la même directive.

22.      Ladite juridiction postule, en substance, que la directive 2013/11 s’oppose à l’institution d’un système de médiation obligatoire pour les litiges de consommation – que permet pourtant l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/52 –, tel que celui prévu par le décret législatif n° 28/2010.

23.      Premièrement, le considérant 16 de la directive 2013/11 prescrirait aux États membres l’établissement d’un régime de REL unifié pour tous les litiges de consommation. Il s’opposerait donc à ce que certains litiges de consommation soient soumis à un système de médiation obligatoire, alors que le recours à la médiation repose sur une base volontaire pour les autres litiges de consommation. Or, l’article 5, paragraphe 1 bis, du décret législatif n° 28/2010 prévoit un système de médiation obligatoire pour les seuls litiges de consommation qui portent sur des contrats bancaires et financiers ou sur des contrats d’assurance.

24.      Deuxièmement, la directive 2013/11, bien qu’elle permette d’imposer au professionnel la participation à une procédure de médiation, interdirait aux États membres de faire peser une telle obligation sur le consommateur.

25.      Partant, l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/52 contreviendrait au système établi par la directive 2013/11. La juridiction de renvoi suggère de résoudre ce prétendu conflit en interprétant l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2013/11 de façon à éviter tout chevauchement des champs d’application de ces deux directives. Ainsi, la directive 2008/52 ne régirait que les litiges auxquels la directive 2013/11 ne s’applique pas, à savoir les litiges qui ne concernent pas les consommateurs, ceux qui portent sur des obligations nées de contrats autres que des contrats de vente ou de prestation de services, ainsi que les litiges exclus du champ d’application de cette directive en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de celle‑ci (tels que les procédures engagées par un professionnel).

26.      Cette juridiction souligne, par ailleurs, que l’article 5, paragraphe 1 bis, et l’article 8, paragraphe 1, du décret législatif n° 28/2010 prévoient l’assistance obligatoire du consommateur par un avocat au cours de la procédure de médiation. Or, l’article 8, sous b), de la directive 2013/11 s’y opposerait.

27.      Ladite juridiction nourrit également des doutes quant à la conformité à l’article 9, paragraphe 2, sous a), de cette directive de l’article 8, paragraphe 4 bis, de ce décret, en ce qu’il ne permet au consommateur de se retirer de la procédure de médiation sans en subir de conséquences défavorables dans le cadre de la procédure judiciaire ultérieure qu’en présence d’un juste motif. Selon la juridiction de renvoi, la notion de « juste motif » désigne des raisons objectives et ne couvre pas l’insatisfaction du consommateur quant à la procédure de médiation.

28.      Dans ce contexte, le Tribunale Ordinario di Verona (tribunal de Vérone) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2013/11, en ce qu’il prévoit que cette directive s’applique “sans préjudice de la directive 2008/52” doit‑il se comprendre comme signifiant qu’il préserve pour les États membres la possibilité de prévoir la médiation obligatoire pour les seuls cas ne relevant pas du champ d’application de la directive 2013/11, c’est‑à‑dire ceux visés à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2013/11, les litiges contractuels découlant de contrats autres que les contrats de vente ou de service, ainsi que ceux qui ne concernent pas les consommateurs ?

2)      L’article 1er de la directive 2013/11, en ce qu’il garantit aux consommateurs la possibilité d’introduire une plainte contre des professionnels auprès d’entités appliquant des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges instituées à cet effet, doit‑il être interprété comme signifiant que cette norme s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit le recours à la médiation, dans l’un des litiges visés à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2013/11, comme condition de recevabilité de la demande en justice formée par la partie ayant la qualité de consommateur et, en tout état de cause, à une réglementation nationale qui prévoit l’assistance obligatoire d’un avocat avec les coûts qui en résultent pour le consommateur prenant part à la médiation dans l’un des litiges susmentionnés, ainsi que la possibilité de ne pas prendre part à la médiation seulement en présence d’un juste motif ? »

29.      Les gouvernements allemand et italien ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites. Le gouvernement italien et la Commission ont été représentés à l’audience du 24 novembre 2016.

IV – Analyse

A –    Sur la compétence de la Cour

30.      Dans leurs observations écrites et orales, les intervenants ont soulevé deux arguments susceptibles de mettre en cause l’applicabilité de la directive 2013/11 au litige au principal ainsi que, partant, la pertinence des questions préjudicielles pour la résolution de ce litige et la compétence de la Cour pour y répondre.

31.      En premier lieu, le gouvernement italien a allégué, lors de l’audience, que le litige au principal s’insère dans le prolongement d’une procédure d’injonction de payer introduite par un professionnel contre des consommateurs. Par conséquent, ce litige relèverait de l’exclusion du champ d’application de la directive 2013/11 prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous g), de celle‑ci.

32.      En second lieu, le gouvernement allemand et la Commission ont fait remarquer que la décision de renvoi n’indique pas si la procédure de médiation instituée par le décret législatif n° 28/2010 constitue bien une « procédure de REL », se déroulant auprès d’une « entité de REL », telles que ces notions sont définies à l’article 4, paragraphe 1, sous g) et h), de la directive 2013/11. Au cours de l’audience, le gouvernement italien a soutenu que tel n’est pas le cas. Or, à défaut de répondre à ces définitions, la procédure de médiation prévue par ce décret ne relèverait pas, selon les intervenants, du champ d’application de cette directive, tel que défini à son article 2, paragraphe 1.

33.      Je répondrai tour à tour à ces deux arguments ci‑après, en gardant à l’esprit la présomption de pertinence qui s’attache aux questions préjudicielles.

34.      À cet égard, je rappelle que cette présomption ne peut être écartée que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (7). Ainsi, ladite présomption peut être renversée, notamment, si ces questions ne sont manifestement pas pertinentes pour la solution du litige au principal (8). En particulier, la Cour n’est pas compétente pour répondre à une question préjudicielle lorsque la disposition de droit de l’Union dont l’interprétation est demandée ne peut manifestement pas trouver à s’appliquer (9).

1.      Sur la portée de l’exclusion du champ d’application de la directive 2013/11 prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous g), de celle‑ci

35.      Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, sous g), de la directive 2013/11, celle‑ci ne s’applique pas « aux procédures introduites par un professionnel contre un consommateur ». Le considérant 16 de cette directive précise, à cet égard, qu’elle ne devrait pas s’appliquer « aux plaintes introduites par des professionnels contre des consommateurs ».

36.      Cette exclusion reflète l’objectif de ladite directive, lequel, ainsi qu’il ressort de son article 1er, consiste à contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur, tout en garantissant un niveau élevé de protection des consommateurs, en assurant que ceux‑ci puissent, dans l’ensemble de l’Union, accéder à des procédures de REL répondant à certaines exigences de qualité aux fins d’introduire des plaintes contre des professionnels. La directive 2013/11 ne vise, en revanche, pas à garantir la disponibilité de ces procédures aux professionnels en vue de faire valoir des griefs à l’endroit de consommateurs.

37.      Selon moi, ladite exclusion implique également que, dans l’hypothèse où le professionnel porte une réclamation contre le consommateur et obtient gain de cause auprès des tribunaux, cette directive n’exige pas que le consommateur souhaitant contester ce jugement puisse, au lieu d’interjeter appel de celui‑ci ou de le frapper d’opposition, disputer ledit jugement devant une entité de REL.

38.      En conséquence, l’exclusion prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous g), de la directive 2013/11 couvre, me semble‑t‑il, la situation dans laquelle un consommateur conteste une ordonnance d’injonction de payer rendue contre lui à la demande d’un professionnel.

39.      Il pourrait, cependant, en aller différemment dans l’hypothèse où le consommateur, au stade de l’opposition à cette ordonnance, présenterait une prétention autonome à l’endroit du professionnel qui aurait pu faire l’objet, en tant que telle, d’une action en justice distincte. En particulier, lorsque le consommateur soulève, dans le cadre de l’opposition, l’invalidité du contrat ou de certaines de ses clauses, la demande tendant à faire constater cette invalidité (ainsi qu’éventuellement à obtenir réparation de ce fait) constitue, outre un moyen de défense avancé dans le cadre de la procédure d’injonction de payer, une prétention autonome du consommateur à l’encontre du professionnel (10). La directive 2013/11 requiert, à mes yeux, que le consommateur puisse porter cette prétention auprès d’une entité de REL (11). L’exclusion prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous g), de cette directive n’entrerait alors pas en jeu en ce qui concerne une telle prétention.

40.      La question de savoir si le consommateur qui forme opposition à un jugement fait valoir, dans ce cadre, une prétention autonome à l’endroit du professionnel qui aurait pu faire l’objet, en tant que telle, d’une action en justice, relève du droit interne de chaque État membre. Cette appréciation est donc du ressort de la compétence exclusive de la juridiction nationale.

41.      En l’espèce, le cadre factuel décrit dans la décision de renvoi et repris au point 19 des présentes conclusions suggère que M. Menini et Mme Rampanelli ont allégué, à l’appui de l’opposition, que Banco Popolare a enfreint le droit applicable en leur accordant les crédits litigieux. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si une telle allégation est ou non constitutive d’une réclamation autonome des consommateurs à l’endroit du professionnel.

42.      Dans ces conditions, j’estime que, bien que ledit litige s’insère dans le prolongement d’une procédure d’injonction de payer introduite par un professionnel contre des consommateurs, il n’est pas manifeste que les dispositions de la directive 2013/11 dont l’interprétation est demandée ne s’appliquent pas au litige au principal et, partant, que les questions préjudicielles ne sont pas pertinentes pour résoudre ce litige.

2.      Sur la qualité d’ « entité de REL » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous h), de la directive 2013/11 et les conséquences qui en découlent

43.      L’article 4, paragraphe 1, sous g), de la directive 2013/11 définit la « procédure de REL » comme une procédure mise en œuvre par une « entité de REL ». L’« entité de REL » est à son tour définie à l’article 4, paragraphe 1, sous h), de cette directive, par référence à la liste établie en application de l’article 20, paragraphe 2, de celle‑ci. Cette liste, qui doit être dressée par les autorités compétentes de chaque État membre et transmise à la Commission, énumère toutes les entités qui leur ont été notifiées et qui satisfont, après vérification au titre du paragraphe 1 de cet article, aux exigences de qualité prescrites par ladite directive et par les dispositions nationales transposant celle‑ci (12).

44.      Or, ainsi qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2013/11, celle‑ci ne s’applique qu’aux procédures « qui font intervenir une entité de REL ». Le considérant 37 de cette directive précise, à ce propos, que les exigences de qualité qu’elle prescrit ont vocation à s’appliquer aux « procédures de REL ayant fait l’objet d’une notification à la Commission ». Autrement dit, ladite directive ne régit que les procédures qui se déroulent auprès d’une entité de REL telle que définie à l’article 4, sous h), de celle‑ci.

45.      Cette limitation du champ d’application matériel de la directive 2013/11, loin de consacrer une définition formaliste de celui‑ci, s’explique au regard de l’économie générale du système qu’elle institue.

46.      Je souligne, à cet égard, que l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, lu à la lumière de l’article 4, paragraphe 1, sous h), de celle‑ci, oblige chaque État membre à garantir, pour tout litige relevant du champ d’application de ladite directive et impliquant un professionnel établi sur son territoire, l’accès des consommateurs à (au moins) une entité extrajudiciaire présentant les qualités requises par la même directive et répertoriée sur la liste nationale établie au titre de l’article 20, paragraphe 2, de celle‑ci.

47.      Pourvu qu’ils s’acquittent de cette obligation, il demeure loisible aux États membres d’instaurer d’autres entités extrajudiciaires n’offrant pas nécessairement ces qualités et ne figurant donc pas sur cette liste. La directive 2013/11 n’harmonise pas l’ensemble des procédures extrajudiciaires nationales ; elle vise uniquement à assurer que chaque État membre prévoie au moins une procédure de REL répondant aux exigences qu’elle établit.

48.      En l’occurrence, la décision de renvoi ne précise pas si la procédure de médiation prévue par le décret législatif n° 28/2010 a lieu devant une « entité de REL » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous h), de la directive 2013/11, à savoir une entité inscrite sur la liste dressée par les autorités italiennes conformément à l’article 20, paragraphe 2, de cette directive. Elle n’indique pas davantage si les consommateurs disposent de la possibilité de porter un litige de consommation visé à l’article 5, paragraphe 1 bis, du décret législatif n° 28/2010 auprès d’autres entités qui figureraient, le cas échéant, sur cette liste (13). Lors de l’audience, le gouvernement italien a soutenu que l’organisme de médiation compétent dans le cadre de la procédure instituée par le décret législatif n° 28/2010 n’est pas répertorié sur ladite liste.

49.      À supposer qu’une telle inscription fasse défaut – ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier –, j’estime, eu égard à ce qui précède et à l’instar des intervenants, que cette procédure de médiation ne relèverait pas du champ d’application de la directive 2013/11 (14).

50.      Ces considérations ne remettent cependant pas en cause la compétence de la Cour. En effet, eu égard à l’incertitude relevée au point 48 des présentes conclusions, l’inapplicabilité au litige au principal des dispositions de la directive 2013/11 dont l’interprétation est demandée et, partant, l’absence de pertinence des questions préjudicielles aux fins de résoudre ce litige, n’apparaît pas manifeste.

51.      En tout état de cause, quand bien même la procédure de médiation prévue par le décret législatif n° 28/2010 ne relèverait pas du champ d’application de cette directive, cette circonstance n’entraînerait pas l’incompétence de la Cour dès lors qu’il faudrait alors considérer que le législateur italien a étendu, au titre de son droit interne, le régime prévu par ladite directive à cette procédure.

52.      Je rappelle, à ce propos, que, lorsque le droit national d’un État membre rend applicable, de manière directe et inconditionnelle, les dispositions du droit de l’Union à des situations qui ne relèvent pas du champ d’application de celles‑ci afin d’assurer un traitement identique à ces situations et à celles qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union, la Cour s’estime néanmoins compétente pour interpréter ces dispositions au titre de l’article 267 TFUE. Cette approche est justifiée par l’intérêt d’assurer que les dispositions du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme (15).

53.      En l’espèce, la décision de renvoi fournit des indications suffisamment précises d’un tel renvoi au droit de l’Union (16). En effet, il ressort de cette décision que la législation italienne transposant la directive 2013/11 inclut expressément la procédure de médiation prévue par le décret législatif n° 28/2010 dans son champ d’application (17). Ce faisant, à supposer même que cette procédure implique un organisme ne figurant pas sur la liste établie en vertu de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2013/11, le législateur italien a, à tout le moins, entendu régir ladite procédure, de la même façon que les procédures se déroulant auprès d’entités de REL dûment inscrites, par les dispositions nationales transposant cette directive.

54.      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, j’estime que la Cour est compétente pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi.

B –    Sur l’articulation entre la directive 2008/52 et la directive 2013/11

55.      Par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour quant à l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2013/11, aux termes duquel cette directive s’applique « sans préjudice de la directive 2008/52/CE ». Cette juridiction cherche à savoir si les champs d’application matériels de ces directives se recoupent ou si, au contraire, la directive 2008/52 ne régit que les litiges auxquels la directive 2013/11 ne s’applique pas.

56.      Il ne fait guère de doute, à mes yeux, que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2013/11 permet un certain chevauchement des champs d’application respectifs de celle‑ci et de la directive 2008/52. À cet égard, le considérant 19, in fine, de la directive 2013/11 précise que celle‑ci « a vocation à s’appliquer de manière horizontale à tous les types de procédures de REL, y compris [à celles] relevant de la directive 2008/52 ». Ainsi que l’a souligné le gouvernement italien, ces deux directives peuvent gouverner un même litige de façon concomitante dans la mesure où, si la directive 2008/52 encadre déjà les procédures de médiation, la directive 2013/11 harmonise de manière plus détaillée l’ensemble des procédures de REL. Elle régit donc de nombreux aspects de ces procédures qui ne sont pas abordés dans la directive 2008/52 (18).

57.      Cela étant, il ressort de la décision de renvoi que la première question repose sur la prémisse selon laquelle le litige au principal serait le théâtre d’un conflit entre ces deux directives. À supposer cette prémisse avérée, il conviendrait, afin d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, de l’éclairer également quant aux règles applicables dans l’hypothèse où les dispositions de la directive 2008/52 et celles de la directive 2013/11 entreraient en conflit.

58.      Je doute, cependant, de l’exactitude de ladite prémisse. Ainsi que l’a fait remarquer la Commission, un tel conflit ne peut survenir qu’à condition qu’un litige relève, simultanément, du champ d’application de ces deux directives et que, de surcroît, les dispositions de celles‑ci soient effectivement incompatibles. Or, aucune de ces deux conditions n’est remplie en l’espèce.

59.      En premier lieu, le litige au principal ne ressortit pas au champ d’application de la directive 2008/52, lequel, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, ne couvre que les litiges transfrontaliers (19). Ceux‑ci englobent, en substance, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, tout litige dans lequel au moins deux des parties ont leur domicile ou leur résidence habituelle dans différents États membres. Dès lors que les parties opposantes sont domiciliées en Italie et que Banco Popolare y est également établie, le litige au principal ne répond pas à cette définition.

60.      Certes, comme l’indique le considérant 8 de la directive 2008/52, rien n’empêche les États membres d’en appliquer les dispositions aux processus de médiation internes. Le législateur italien a fait usage de cette faculté en étendant l’application des dispositions du décret législatif n° 28/2010 aux litiges nationaux. Ce considérant ne saurait, toutefois, avoir pour effet d’élargir, à l’encontre du libellé clair de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, le champ d’application de celle‑ci à ces litiges. Tel que l’a observé la Commission lors de l’audience, ledit considérant se borne à constater la faculté pour les États membres d’appliquer, en vertu de leur droit interne, des dispositions du droit de l’Union à des situations qui ne relèvent pas du champ d’application de ces dispositions (20).

61.      En second lieu, et en tout état de cause, je ne souscris pas à l’analyse de la juridiction de renvoi selon laquelle l’article 3, sous a), et l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/52, en ce qu’ils permettent aux États membres d’imposer le recours à une procédure de médiation avant la saisine d’une instance judiciaire, seraient inconciliables avec le système établi par la directive 2013/11. Dans la mesure où cette problématique fait l’objet de la première partie de la seconde question, je développerai mon raisonnement dans la suite de mon exposé (21).

62.      Étant donné que le litige au principal n’implique donc aucun conflit entre les dispositions de la directive 2008/52 et celles de la directive 2013/11, il n’y a pas lieu de déterminer auxquelles de ces dispositions revient la priorité.

63.      Dans un souci d’exhaustivité, j’ajoute néanmoins que, à supposer qu’un tel conflit existe, la directive 2008/52 devrait primer. En effet, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/11 confère à cette dernière la priorité sur les autres actes de l’Union comprenant des dispositions relatives aux procédures de recours extrajudiciaires introduites par un consommateur contre un professionnel, « sauf si elle en dispose expressément autrement ». L’article 3, paragraphe 2, de cette directive, lu à la lumière du considérant 19 de celle‑ci, constitue une telle dérogation expresse en ce qu’il prévoit que ladite directive « est sans préjudice de la directive 2008/52 ». Ce considérant, outre qu’il affirme la primauté de cette directive sur la directive 2013/11, indique qu’il en va ainsi dès lors que la directive 2008/52 instaure déjà un cadre applicable spécifiquement aux systèmes de médiation pour les litiges transfrontaliers.

C –    Sur la compatibilité avec la directive 2013/11 d’une obligation d’engager une procédure de médiation

64.      Aux termes de la première partie de sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 1er de la directive 2013/11 s’oppose à une disposition législative nationale, telle que l’article 5, paragraphe 1 bis, du décret législatif n° 28/2010, qui subordonne la recevabilité d’une demande en justice formée par un consommateur à l’encontre d’un professionnel et portant sur un contrat de prestation de services, à l’engagement préalable d’une procédure de médiation à l’initiative du consommateur.

1.      Sur l’absence d’interdiction de principe de prévoir une obligation d’engager une procédure de médiation dans le chef du consommateur

65.      Le Tribunale Ordinario di Verona (tribunal de Vérone) nourrit des doutes quant à la compatibilité de l’article 5, paragraphe 1 bis, du décret législatif n° 28/2010 avec l’article 1er de la directive 2013/11 pour deux motifs distincts.

66.      D’une part, cette juridiction se demande si cette directive n’impose pas aux États membres de prévoir un régime unique et uniforme de REL pour tous les litiges de consommation. Or, ledit article 5, paragraphe 1 bis, aurait pour effet de fragmenter les régimes de REL applicables à ces litiges dans la mesure où il prévoit un régime de médiation obligatoire pour certains litiges de consommation (à savoir, selon ladite juridiction, ceux qui portent sur des contrats bancaires et financiers ou sur des contrats d’assurance), alors que les autres litiges de consommation ne sont soumis qu’à un régime de médiation volontaire (22).

67.      Ni le libellé ni la finalité de la directive 2013/11 n’étayent une telle exigence (23). Comme je l’ai rappelé au point 36 des présentes conclusions, cette directive a vocation, en substance, à assurer au consommateur l’accès, dans l’ensemble de l’Union, à des procédures de REL répondant à certaines exigences de qualité harmonisées pour introduire des plaintes contre le professionnel. Ces procédures doivent être « indépendantes, impartiales, transparentes, efficaces, rapides et équitables ». Ladite directive ne vise nullement, au‑delà de cet objectif, à garantir l’unicité ou l’uniformité des modalités de ces procédures au sein d’un même État membre pour tous les litiges de consommation. Cette conclusion découle également du caractère minimal de l’harmonisation qu’opère la même directive, lequel ressort de l’article 2, paragraphe 3, de celle‑ci.

68.      D’autre part, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si seul le professionnel, ou également le consommateur, peut être astreint à participer à une procédure de médiation en vue de résoudre un litige relevant du champ d’application de la directive 2013/11 (24).

69.      À cet égard, ainsi que cette juridiction l’a relevé, le libellé de l’article 1er de cette directive recèle, du moins en apparence, une certaine ambiguïté. La première phrase de cet article souligne le caractère volontaire du recours des consommateurs à des procédures de REL en vue de faire valoir leurs droits à l’encontre des professionnels. La seconde phrase dudit article réserve, quant à elle, la faculté des États membres d’adopter des législations rendant obligatoire la participation à de telles procédures, pour autant que ces législations « n’empêchent pas les parties d’exercer leur droit d’accès à la justice ». Le texte de cette disposition ne précise pas si la notion de « participation » renvoie à la seule participation du professionnel à une procédure de REL initiée par le consommateur, ou vise aussi l’engagement par ce dernier d’une telle procédure.

70.      L’emploi des termes « les parties » suggère que cette notion vise tant l’implication du consommateur que celle du professionnel dans la procédure de REL. Cependant, le considérant 49 de la directive 2013/11 se focalise plutôt sur l’implication du professionnel en ce qu’il précise que, si cette directive n’exige pas que la participation du professionnel aux procédures de REL soit obligatoire, elle n’empêche pas les États membres de prévoir une telle obligation, sous réserve du respect du droit des parties d’accéder au système judiciaire.

71.      Dès lors que la lettre de l’article 1er de la directive 2013/11, lu à la lumière du considérant 49 de celle‑ci, n’en permet donc pas une interprétation univoque, il convient d’avoir égard aux objectifs et au contexte de cette disposition et de la réglementation dont elle fait partie (25).

72.      Dans cette optique, j’observe, en premier lieu, que le contexte législatif plus large dans lequel s’insère cette directive confirme la compatibilité entre le caractère volontaire de la médiation et l’imposition au consommateur d’une obligation d’y recourir. La directive 2008/52 apporte, à ce propos, un éclairage qui s’avère pertinent en vue d’interpréter l’article 1er de la directive 2013/11 (26).

73.      L’article 3, sous a), de la directive 2008/52 définit la médiation comme un processus volontaire, tout en précisant que ce processus peut être non seulement engagé par les parties, mais également ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un État membre. L’article 5, paragraphe 2, de cette directive préserve, sur cette même ligne, la faculté pour les États membres de rendre obligatoire, en vertu de leurs droits nationaux, le « recours » à la médiation. Cette formulation indique, sans ambiguïté, que ces derniers peuvent prévoir que le consommateur est tenu d’engager une procédure de médiation (27). Ainsi qu’il ressort du considérant 13 de ladite directive, le caractère volontaire de la médiation réside non pas dans la liberté des parties de recourir ou non à ce processus, mais dans le fait que « les parties elles‑mêmes sont responsables du processus et peuvent l’organiser comme elles l’entendent et y mettre un terme à tout moment ».

74.      Je n’aperçois aucun élément qui justifierait d’attribuer une signification distincte au caractère volontaire des procédures de REL que consacre l’article 1er de la directive 2013/11. Par conséquent, cette disposition ne saurait être interprétée comme interdisant aux États membres de subordonner la recevabilité d’une demande en justice introduite par le consommateur au recours préalable à une procédure de REL.

75.      Or, je souligne, en second lieu, que, en ce qui concerne les modalités et les caractéristiques des procédures de REL que la directive 2013/11 ne règle pas, les États membres conservent leur pleine autonomie législative, pour autant que soit respecté l’effet utile de cette directive (28). Cette considération résulte du caractère minimal de l’harmonisation qu’elle effectue (29). Le considérant 15 de ladite directive précise, par ailleurs, que le système de REL qu’elle vise à mettre en place a vocation à « s’appuyer sur les procédures de REL existant dans les États membres et respecter les traditions juridiques nationales ».

76.      Rien ne suggère qu’une obligation dans le chef du consommateur d’engager une procédure de REL entraverait la réalisation de l’objectif de la directive 2013/11, tel que défini à son article 1er, et, partant, l’effet utile de cette directive. Au contraire, elle tend à renforcer celui‑ci en garantissant le caractère systématique du recours à cette procédure extrajudiciaire (30). De surcroît, dans la mesure où cette obligation vise supposément à désengorger les tribunaux – objectif dont la Cour a, d’ailleurs, reconnu la légitimité (31) –, elle promeut indirectement aussi l’accès à la justice des consommateurs, dont ledit article 1er confirme l’importance. Dans cette perspective, il serait contreproductif d’interpréter cette disposition de manière à interdire aux États membres d’imposer au consommateur une telle obligation.

77.      Je rappelle, en outre, que les dispositions de la directive 2013/11 doivent céder le pas à celles de la directive 2008/52 en cas de conflit entre ces dispositions (32). Or, pour les litiges transfrontaliers, l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/52 autorise les États membres à rendre obligatoire le recours à la médiation. Il serait paradoxal que ces derniers en soient, en revanche, empêchés dans le cadre des litiges nationaux, auxquels seule la directive 2013/11 s’applique.

78.      À la lumière de l’ensemble de ces considérations, j’estime que l’article 1er de la directive 2013/11 doit être interprété en ce sens qu’il est loisible aux États membres non seulement d’exiger du professionnel la participation à une procédure de REL, mais aussi d’astreindre le consommateur à engager une telle procédure préalablement à la saisine d’un organe juridictionnel. Cette faculté est toutefois limitée par la condition, énoncée à l’article 1er, in fine, de cette directive, selon laquelle une telle obligation ne saurait priver les parties de leur droit d’accès à la justice – condition dont j’examine ci‑après la portée.

2.      Sur la portée de la condition selon laquelle le recours obligatoire à la médiation ne saurait empêcher l’accès au système judiciaire

79.      Les considérants 45 et 49 de la directive 2013/11 clarifient la portée de la condition susmentionnée en rappelant que, eu égard aux droits à un recours effectif et à un procès équitable garantis par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), les procédures de REL ne sauraient empêcher les parties d’accéder à un juge. Le considérant 45 précise que, si un litige n’a pas pu être résolu par une procédure de REL dont l’issue ne lie pas les parties, celles‑ci doivent pouvoir engager par la suite une action en justice.

80.      Dès avant l’adoption de la directive 2013/11, la Cour a jugé, dans l’arrêt Alassini e.a. (33), qu’une obligation de mise en œuvre d’une procédure de conciliation, en tant que condition de recevabilité d’une action judiciaire, était compatible avec le principe de protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la Charte dans la mesure où cette procédure :

–        n’aboutissait pas à une décision contraignante pour les parties (34) ;

–        n’entraînait pas de retard substantiel pour l’introduction d’un recours juridictionnel ;

–        suspendait la prescription des droits concernés (35) ;

–        ne générait pas de frais substantiels pour les parties (36) ;

–        n’était pas uniquement accessible par la voie électronique (37) (ce qu’il appartenait toutefois à la juridiction nationale de vérifier), et

–        n’empêchait pas l’octroi de mesures provisoires dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation l’impose (ce que cette juridiction devait également contrôler).

81.      Bien que cet arrêt concernât une législation nationale imposant le recours à une procédure de conciliation, le raisonnement adopté par la Cour est transposable à des législations nationales rendant obligatoire le recours à d’autres procédures extrajudiciaires, telles que la procédure de médiation en cause au principal. De telles législations soulèvent des enjeux similaires du point de vue du droit à la protection juridictionnelle effective, dans la mesure où elles introduisent une « étape supplémentaire pour l’accès au juge » (38). Elles sont également toutes susceptibles de poursuivre des objectifs légitimes d’intérêt général tels que le traitement rapide et peu onéreux des litiges ainsi que le désencombrement des tribunaux (39).

82.      Par ailleurs, ainsi que le considérant 45 de la directive 2013/11 le met en lumière, la condition énoncée à l’article 1er, in fine, de celle‑ci, vise, précisément, à assurer la conformité dees procédures de REL à l’article 47 de la Charte. En conséquence, les circonstances prises en compte par la Cour dans l’arrêt Alassini e.a. (40) sont également pertinentes afin d’évaluer la compatibilité d’une obligation de recourir à une procédure de REL avec l’article 1er de cette directive (41).

83.      S’il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à une telle évaluation, il me paraît néanmoins utile d’exposer ici certaines considérations susceptibles d’aider celle‑ci à accomplir cette tâche.

84.      Je constate, premièrement, que l’article 141, paragraphe 4, du décret législatif n° 206/2005, dans sa version résultant de l’article 1er du décret législatif n° 130/2015, prévoit que les procédures relevant du champ d’application de celui‑ci – parmi lesquelles figure la procédure de médiation prévue par le décret législatif n° 28/2010 – ont vocation à aboutir à un accord à l’amiable ou à la proposition d’une solution par le médiateur ou toute autre entité impliquée. Sous réserve de confirmation par la juridiction de renvoi, l’issue de cette procédure ne lie donc pas les parties.

85.      Deuxièmement, en vertu de l’article 5, paragraphe 4, du décret législatif n° 28/2010, l’obligation de recourir à la médiation ne s’impose, dans le cadre d’une procédure d’injonction, qu’après qu’a été rendue une décision sur les demandes éventuelles d’octroi et de suspension de l’exécution provisoire. Aussi cette obligation n’empêche‑t‑elle pas, le cas échéant, toujours sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, l’octroi de mesures provisoires.

86.      J’ajoute que la législation italienne en cause au principal présente, en ce qu’elle attache des sanctions au retrait de la procédure de médiation en l’absence d’un juste motif, un aspect spécifique – qui n’était pas en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Alassini e.a. (42) – susceptible de compromettre la possibilité pour les parties de faire effectivement valoir leurs droits devant une juridiction à l’issue de cette procédure. Cette problématique sera examinée dans le cadre de la troisième partie de la seconde question préjudicielle (43).

D –    Sur la compatibilité avec la directive 2013/11 des modalités de la procédure de médiation

1.      Sur l’obligation d’être assisté d’un avocat

87.      La deuxième partie de la seconde question porte, en substance, sur la compatibilité avec les articles 1er et 8, sous b), de la directive 2013/11, d’une disposition législative nationale, telle que l’article 8, paragraphe 1, du décret législatif n° 28/2010 (44), qui impose aux parties de se faire assister d’un avocat dans le cadre d’une procédure de médiation.

88.      La réponse à cette question résulte sans équivoque du libellé de l’article 8, sous b), de cette directive, lequel dispose que les États membres ne peuvent pas prévoir une telle obligation dans le cadre des procédures de REL relevant du champ d’application de ladite directive. Cette seule considération suffit à apporter une réponse utile à la deuxième partie de la seconde question.

89.      Il n’y a donc pas lieu d’examiner l’argument, invoqué par le gouvernement italien, selon lequel l’obligation d’assistance par un avocat au cours de la procédure de médiation, si elle restreint les droits consacrés à l’article 47 de la Charte, est nécessaire et proportionnée à la réalisation d’un objectif d’intérêt général. Dès lors qu’une telle obligation viole l’article 8, sous b), de la directive 2013/11, il n’est pas nécessaire d’en vérifier la conformité à l’article 47 de la Charte et à l’article 1er de cette directive.

2.      Sur les sanctions attachées au retrait de la procédure de médiation

90.      Par la troisième partie de sa seconde question, la juridiction de renvoi demande essentiellement si l’article 1er et l’article 9, paragraphe 2, de la directive 2013/11 s’opposent à une disposition législative nationale, telle que l’article 8, paragraphe 4 bis, du décret législatif n° 28/2010, qui ne permet aux parties de ne pas participer à la procédure de médiation qu’en présence d’un juste motif, sous peine de sanctions dans le cadre de la procédure judiciaire ultérieure.

91.      Tel qu’exposé dans la décision de renvoi, l’article 8, paragraphe 4 bis, de ce décret sanctionne, notamment, le retrait de la procédure de médiation par l’une des parties (45), lorsqu’il n’est pas fondé sur un juste motif, en lui attachant des conséquences défavorables à la partie qui s’est retirée dans le cadre de la procédure judiciaire subséquente. Ainsi le juge peut‑il, en cas de retrait sans juste motif, en tirer argument dans le cadre de son jugement. Il doit, par ailleurs, imposer une sanction financière à la partie qui s’est retirée.

92.      Tels que présentés dans la décision de renvoi, l’article 5, paragraphes 1 bis et 2 bis, ainsi que l’article 8, paragraphe 4 bis, du décret législatif n° 28/2010, lus conjointement, instituent donc le régime suivant :

–        La partie demanderesse (ou, comme en l’espèce, opposante) ne peut, sous peine d’irrecevabilité, introduire une demande en justice qu’après avoir engagé une procédure de médiation (article 5, paragraphe 1 bis).

–        Pour remplir cette condition, il suffit que les parties tiennent une première et unique réunion avec le médiateur, même si celle‑ci se solde par un échec (article 5, paragraphe 2 bis).

–        Cependant, bien qu’il suffise donc d’avoir ainsi amorcé une tentative de médiation afin d’avoir accès au prétoire, le retrait de la procédure de médiation à un stade ultérieur entraîne, dans le cadre de la procédure judiciaire, des conséquences défavorables à la partie qui s’est retirée sans juste motif (article 8, paragraphe 4 bis).

93.      Or, l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/11 prévoit que, s’agissant d’une procédure aboutissant à une décision proposée par l’entité de REL, les parties doivent pouvoir se retirer de la procédure à tout moment « si elles sont insatisfaites du déroulement ou du fonctionnement de cette procédure » (46). Cette disposition ajoute, toutefois, que, lorsque le droit interne d’un État membre prévoit la participation obligatoire du professionnel aux procédures de REL, ce droit de retrait ne bénéficie qu’au consommateur (47). La décision de renvoi ne précise pas, en l’occurrence, si le décret législatif n° 28/2010 oblige le professionnel à participer à la procédure de médiation.

94.      Ladite disposition revient donc à consacrer la liberté totale de chacune des parties – ou, à tout le moins, du consommateur – de se retirer de la procédure, à tout moment, même pour des motifs purement subjectifs. Une législation nationale attachant au retrait de la procédure de médiation des conséquences défavorables à la partie qui s’est retirée dans le cadre de l’action judiciaire subséquente, telles que celles prévues à l’article 8, paragraphe 4 bis, de ce décret, entrave cette liberté et viole, dès lors, l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/11.

95.      Par ailleurs, je considère qu’une telle législation, en imposant le recours à une procédure extrajudiciaire tout en sanctionnant ainsi le retrait de celle‑ci, limite le droit d’accès à la justice des parties à un degré tel qu’elle ne satisfait pas à la condition énoncée à l’article 1er, in fine, de la directive 2013/11.

96.      Cette condition serait, en effet, privée d’effet utile s’il était permis que les États membres, tout en reconnaissant formellement le droit des parties d’accéder aux tribunaux, mettent en péril la possibilité pour celles‑ci de faire utilement valoir leurs droits par la voie judiciaire. Partant, ladite condition implique, à mon avis, que le retrait de la procédure de REL ne saurait entraîner des conséquences défavorables à la partie qui s’est retirée – du moins s’il s’agit du consommateur (48) – dans le cadre d’un recours juridictionnel ultérieur.

97.      La Commission a, cependant, souligné que, avant d’en constater l’incompatibilité avec l’article 1er et l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/11, la juridiction de renvoi devrait vérifier si l’article 8, paragraphe 4 bis, dudit décret ne pourrait pas être interprété de façon à éviter cette incompatibilité.

98.      Je rappelle, à ce propos, que, selon une jurisprudence constante, les juridictions nationales sont tenues d’interpréter, dans la mesure du possible, leur droit national de façon à en assurer la conformité au droit de l’Union (49). Cette obligation d’interprétation conforme ne saurait, toutefois, obliger ces juridictions à se livrer à une interprétation contra legem de leur droit national (50).

99.      En particulier, la Commission a soutenu, à juste titre, que la conformité de l’article 8, paragraphe 4 bis, du décret législatif n° 28/2010 aux dispositions susmentionnées de la directive 2013/11 pourrait être garantie en interprétant la notion de « juste motif » de façon à englober l’insatisfaction des parties (ou, à tout le moins, du consommateur (51)) quant au déroulement ou au fonctionnement de la procédure de médiation. Bien qu’il ressorte de la décision de renvoi que cette juridiction a estimé a priori que la notion de « juste motif » vise uniquement des considérations objectives (52), il lui incombera de vérifier si ledit article 8, paragraphe 4 bis, ne peut pas néanmoins recevoir une interprétation plus large.

V –    Conclusion

100. Au vu de tout ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par le Tribunale Ordinario di Verona (tribunal de Vérone, Italie) :

1.      L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2013/11/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation et modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2009/22/CE, doit être interprété en ce sens que la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, s’applique à tous les litiges relevant du champ d’application de celle‑ci, tel que circonscrit à son article 1er, paragraphe 2, même lorsqu’ils relèvent également du champ d’application de la directive 2013/11, tel que circonscrit à l’article 2 de cette directive.

2.      L’article 1er de la directive 2013/11 ne s’oppose pas à une législation nationale qui subordonne la recevabilité d’une demande en justice introduite par un consommateur à l’encontre d’un professionnel et portant sur un contrat de prestation de services à l’engagement préalable, par le consommateur, d’une procédure de règlement extrajudiciaire des litiges, telle qu’une procédure de médiation, pour autant qu’une telle législation n’ait pas pour effet d’empêcher les parties d’accéder au système judiciaire, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

3.      L’article 8, sous b), de la directive 2013/11 s’oppose à une législation nationale qui oblige, pour les litiges relevant du champ d’application de cette directive, tel que circonscrit à l’article 2 de celle‑ci, les parties à être assistées d’un avocat dans le cadre d’une procédure de règlement extrajudiciaire des litiges, telle qu’une procédure de médiation.

4.      L’article 1er et l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/11 s’opposent à une législation nationale qui sanctionne le retrait sans juste motif d’une procédure de règlement extrajudiciaire, telle qu’une procédure de médiation, des litiges relevant du champ d’application de cette directive, tel que circonscrit à l’article 2 de celle‑ci, en attachant à un tel retrait des conséquences défavorables à la partie qui s’est retirée dans le cadre d’une procédure judiciaire ultérieure, à moins que la notion de juste motif n’englobe l’insatisfaction de la partie qui s’est retirée quant au déroulement ou au fonctionnement de la procédure de règlement extrajudiciaire, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

Lorsque le droit national prévoit la participation obligatoire du professionnel à une procédure de règlement extrajudiciaire, l’article 1er et l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/11 ne s’opposent à une telle législation qu’en ce qu’elle sanctionne le retrait par le consommateur de cette procédure sans juste motif.


1 – Langue originale : le français.


2 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 (JO 2008, L 136, p. 3).


3 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2009/22/CE (directive relative au RELC) (JO 2013, L 165, p. 63).


4 – GURI n° 53, du 5 mars 2010.


5 – GURI n° 191, du 19 août 2015.


6 – GURI n° 235, du 8 octobre 2005.


7 – Voir, notamment, arrêt du 8 décembre 2016, Eurosaneamientos e.a. (C‑532/15 et C‑538/15, EU:C:2016:932, point 28 ainsi que jurisprudence citée).


8 – Voir arrêt du 24 octobre 2013, Stoilov i Ko (C‑180/12, EU:C:2013:693, point 38 et jurisprudence citée).


9 – Arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, EU:C:1990:360, point 40), ainsi que du 21 juin 2012, Susisalo e.a. (C‑84/11, EU:C:2012:374, point 17 ainsi que jurisprudence citée).


10 – Le gouvernement italien a souligné, lors de l’audience, que, selon le droit italien, la procédure tendant à obtenir une injonction de payer ne revêt pas de caractère contradictoire, dès lors que le débiteur n’y est pas impliqué. À l’inverse, la procédure d’opposition à une telle injonction, initiée par le débiteur, entraînerait citation à comparaître du créancier. À la supposer établie, cette circonstance indiquerait que, dans ce contexte, ce n’est qu’au stade de l’opposition que le consommateur peut faire valoir ses prétentions éventuelles à l’endroit du professionnel.


11 – Cette exigence découle, plus précisément, de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2013/11.


12 – Les travaux préparatoires à la directive 2013/11 révèlent que ces obligations de notification et d’inscription visent à instituer un « label de qualité » au niveau de l’Union afin de permettre aux consommateurs d’identifier les entités respectant les exigences minimales prescrites par cette directive [voir rapport de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen du 16 octobre 2012 (A7‑0280/2012, p. 34 et 80), ainsi qu’avis du Comité économique et social européen du 28 mars 2012 (INT/609 – CESE 803/2012, p. 4 et 5)]. Dans cette optique, l’article 20, paragraphe 2, quatrième alinéa, de ladite directive dispose que, si une entité répertoriée sur la liste nationale d’entités de REL ne satisfait plus aux exigences prescrites par la même directive, cette entité doit, passé un certain délai, être retirée de cette liste.


13 – À cet égard, la décision de renvoi ne précise ni si les deux autres procédures mentionnées à l’article 5, paragraphe 1 bis, du décret législatif n° 28/2010 ont lieu auprès d’entités inscrites sur la liste établie par les autorités italiennes ni si ces procédures sont accessibles aux consommateurs dans une situation telle que celle en cause au principal.


14 – Cette considération ne préjuge pas de la possibilité de constater, dans l’hypothèse où un litige relevant du champ d’application de la directive 2013/11 ne pourrait être porté, dans un État membre, devant aucune entité répertoriée en vertu de l’article 20, paragraphe 2, de cette directive, que cet État membre a manqué à son obligation d’assurer l’accès des consommateurs à une procédure de REL au titre de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive.


15 – Voir, notamment, arrêts du 18 octobre 2012, Nolan (C‑583/10, EU:C:2012:638, points 46 et 47 ainsi que jurisprudence citée), et du 16 juin 2016, Rodríguez Sánchez (C‑351/14, EU:C:2016:447, points 61 et 62). Cette jurisprudence s’est développée à partir de l’arrêt du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, EU:C:1990:360, points 35 à 37), dans lequel la Cour a jugé qu’elle était compétente pour interpréter, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, une disposition de droit de l’Union lorsque le droit national de l’État membre concerné renvoie au contenu de cette disposition pour régir une situation purement interne à celui‑ci.


16 – L’affaire en objet se différencie ainsi de celles dans lesquelles la Cour a conclu à son incompétence ou à l’irrecevabilité des questions préjudicielles en raison de l’absence d’indications d’un renvoi direct et inconditionnel au droit de l’Union [voir, notamment, arrêts du 21 décembre 2011, Cicala (C‑482/10, EU:C:2011:868, points 23 à 30), et du 16 juin 2016, Rodríguez Sánchez (C‑351/14, EU:C:2016:447, points 65 à 67), ainsi qu’ordonnances du 9 septembre 2014, Parva Investitsionna Banka e.a. (C‑488/13, EU:C:2014:2191, points 30 à 36), et du 12 mai 2016, Sahyouni (C‑281/15, EU:C:2016:343, points 30 à 33)].


17 – Article 141, paragraphe 4, du décret législatif n° 206/2005, dans sa version résultant de l’article 1er du décret législatif n° 130/2015.


18 – Voir, en particulier, articles 5 à 17 de la directive 2013/11.


19 – En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2013/11, celle‑ci s’applique, en revanche, tant aux litiges transfrontaliers qu’aux litiges nationaux.


20 – Voir, à cet égard, point 52 des présentes conclusions.


21 – Points 64 à 78 des présentes conclusions.


22 – Voir point 23 des présentes conclusions.


23 – En particulier, le considérant 16 de la directive 2013/11, que la juridiction de renvoi a invoqué au soutien d’une telle thèse, ne justifie ni l’existence d’une obligation pour chaque État membre de prévoir un régime unique et uniforme de REL pour tous les litiges de consommation ni même la prétendue préférence du législateur de l’Union pour un tel régime. Ce considérant indique simplement que cette directive s’applique à tous les litiges de consommation (hormis ceux qui sont exclus du champ d’application de celle‑ci en vertu de son article 2, paragraphe 2).


24 – Voir point 24 des présentes conclusions.


25 – Voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2015, Lanigan (C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 35).


26 – Ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335, point 20), l’ensemble des dispositions du droit de l’Union peuvent participer du contexte dans lequel s’insère l’une des dispositions de ce droit.


27 – Voir, à cet égard, résolution du Parlement européen, du 13 septembre 2011, sur la mise en œuvre de la directive relative à la médiation dans les États membres [2011/2026 (INI), points 7 et 8)]. Le Parlement y reconnaît, en faisant expressément référence à l’exemple italien, que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/52 permet aux États membres de conditionner la recevabilité d’une action judiciaire à la conduite d’une tentative préalable de médiation.


28 –      Voir, par analogie, arrêts du 18 mars 2010, Alassini e.a. (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 44), et du 12 juillet 2012, SC Volksbank România (C‑602/10, EU:C:2012:443, points 94 et 95).


29 –      Article 2, paragraphe 3, de la directive 2013/11.


30 – Voir arrêt du 18 mars 2010, Alassini e.a. (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 45).


31 –      Arrêt du 18 mars 2010, Alassini e.a. (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 64).


32 –      Voir point 63 des présentes conclusions.


33 – Arrêt du 18 mars 2010 (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 67).


34 – J’observe, à ce propos, que, si la recevabilité d’une action en justice était subordonnée à l’engagement préalable d’une procédure de REL dont l’issue lie les parties, cette procédure se substituerait effectivement aux procédures judiciaires et empêcherait ainsi les parties de faire valoir leurs droits devant les tribunaux.


35 – L’article 12 de la directive 2013/11 s’oppose désormais à ce que les parties soient privées d’un recours en justice en raison de l’expiration du délai de prescription au cours de la procédure de REL.


36 – L’article 8, sous c), de la directive 2013/11 impose désormais que les procédures de REL soient accessibles aux consommateurs gratuitement ou à coûts modiques.


37 – L’article 8, sous a), de la directive 2013/11 exige désormais que les procédures de REL soient accessibles tant en ligne que hors ligne.


38 – Voir arrêt du 18 mars 2010, Alassini e.a. (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 62).


39 – Voir arrêt du 18 mars 2010, Alassini e.a. (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 64).


40 – Arrêt du 18 mars 2010 (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 67).


41 – Certaines de ces circonstances correspondent, d’ailleurs, à des exigences découlant d’autres dispositions de la directive 2013/11 (voir notes en bas de page 35 à 37 des présentes conclusions).


42 – Arrêt du 18 mars 2010 (C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146).


43 – Voir points 90 à 99 des présentes conclusions.


44 – L’article 5, paragraphe 1 bis, du décret législatif n° 28/2010 prévoit également que la partie demanderesse doit être assistée d’un avocat aux fins d’engager la procédure de médiation.


45 – Lors de l’audience, le gouvernement italien a fait valoir que, eu égard à l’article 5, paragraphe 2 bis, du décret législatif n° 28/2010, le « défaut de participation » ne couvre pas l’hypothèse où la partie demanderesse, après avoir engagé une procédure de médiation, s’en retirerait. Cette notion viserait, en revanche, la situation dans laquelle cette partie s’abstient d’engager une telle procédure en refusant d’initier ne fût‑ce qu’une première réunion. Sous réserve de confirmation par la juridiction de renvoi, cette lecture me paraît difficile à concilier avec l’article 5, paragraphe 1 bis, de ce décret, lequel prévoit que la demande en justice est irrecevable si la partie demanderesse n’a pas engagé une procédure de médiation. Partant, l’article 8, paragraphe 4 bis, dudit décret, faute d’un juge valablement saisi, ne saurait, me semble‑t‑il, sanctionner un tel comportement.


46 – Dès lors que la procédure de médiation prévue à l’article 141, paragraphe 4, du décret législatif n° 206/2005 a vocation à aboutir à la proposition d’une solution aux parties (voir point 84 des présentes conclusions), cette procédure relève bien du cas de figure visé à l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/11. Les procédures de REL dont l’issue est contraignante pour les parties sont, quant à elles, visées au paragraphe 3 de cet article, lequel prévoit que les droits visés au paragraphe 2 dudit article, dont le droit de retrait, ne bénéficient qu’au consommateur. Ce dernier a donc, en toute hypothèse, le droit de se retirer de la procédure à tout moment s’il est insatisfait du déroulement ou du fonctionnement de celle‑ci.


47 – Ainsi, si un État membre oblige le professionnel à participer à la procédure de REL, cet État membre peut exiger l’engagement continu de ce dernier dans cette procédure. En revanche, si un État membre n’impose pas au professionnel de participer à la procédure de REL, mais que le professionnel y prend part volontairement, ce dernier ne saurait être « captif » de cette procédure. L’État membre doit donc lui garantir le droit de retrait prévu à l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/11.


48 – Voir point 93 des présentes conclusions.


49 – Voir, notamment, arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 113 ainsi que jurisprudence citée) et du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, points 38 et 39).


50 – Voir, notamment, arrêt du 19 avril 2016, DI (C‑441/14, EU:C:2016:278, point 32 et jurisprudence citée).


51 – Voir point 93 des présentes conclusions.


52 – Voir point 27 des présentes conclusions.