Language of document : ECLI:EU:T:2010:410

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

28 septembre 2010 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative représentant deux courbes sur une poche – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑388/09,

Rosenruist – Gestão e serviços, Lda, établie à Funchal (Portugal), représentée par Mes S. Rizzo et S. González Malabia, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 18 juin 2009 (affaire R 237/2009-2), concernant une demande d’enregistrement d’un signe figuratif représentant deux courbes sur une poche comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur), président, MM. F. Dehousse et H. Kanninen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 mai 2008, la requérante, Rosenruist – Gestão e serviços, Lda, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins, modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Dans la demande d’enregistrement, la marque en cause est décrite de la manière suivante : « motif représentant deux courbes entrecroisées sur une poche ; la marque consiste en un élément cousu décoratif composé de deux courbes entrecroisées sur une poche ; l’une des courbes a une forme cintrée et est dessinée au trait fin, tandis que l’autre a une forme sinusoïdale et est dessinée au trait épais ; les lignes intermittentes représentent le périmètre de la poche ; la demanderesse ne fait valoir aucune prétention à leur égard et elles servent uniquement à indiquer la position de la marque sur la poche ».

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Sacs, pochettes, porte-monnaie, portefeuille, sacs de voyage, malles, trousses de maquillage et vanity-cases vides, porte-documents, parapluies, sacs à main » ;

–        classe 25 : « Robes, jupes, pantalons, chemises, vestes, pardessus, imperméables, manteaux et pulls, gilets, chapeaux, écharpes, foulards, bas (vêtements), tours de cou, gants (vêtements), ceintures, chaussures, bottes, sandales, sabots, pantoufles ».

5        Par décision du 17 décembre 2008, l’examinateur a refusé l’enregistrement pour tous les produits, au motif que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

6        Le 13 février 2009, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009).

7        Par décision du 18 juin 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. La chambre de recours a considéré que les produits en cause étant des produits qui couvrent ou protègent le corps humain, ou qui sont des articles de mode ou des articles de voyage suffisamment à la mode, le public pertinent se composait des consommateurs moyens de l’Union européenne, censés être normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. Prenant en compte la description de la marque demandée, la chambre de recours a estimé que cette marque était une « marque de position » qui consistait en un motif cousu occupant une position spécifique sur une poche. Elle a considéré que ce motif cousu était une simple variante d’une caractéristique courante des produits couverts par la marque en cause ne permettant pas au consommateur moyen de reconnaître l’origine de ces produits. Elle a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et enjoindre à l’OHMI d’enregistrer la marque en cause pour l’ensemble des produits visés ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

9        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. La requérante considère, contrairement à la chambre de recours, que le signe en cause ne sera pas perçu par le public pertinent comme un élément exclusivement décoratif ou comme une simple variante d’une caractéristique courante des produits en cause, mais comme un signe original qui dispose d’un minimum de caractère distinctif suffisant pour remplir la fonction de marque.

11      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

12      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 37, et du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, non encore publié au Recueil, point 14].

13      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits ou de ces services (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 35, et arrêt Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, point 12 supra, point 15).

14      Un minimum de caractère distinctif suffit toutefois pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne soit pas applicable [arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 44, et arrêt Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, point 12 supra, point 16].

15      En l’espèce, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, les produits en cause étant des produits qui couvrent ou protègent le corps humain ou qui sont des articles de mode ou des articles de voyage suffisamment à la mode relevant des classes 18 et 25, le public pertinent se compose des consommateurs moyens de l’ensemble de l’Union, censés être normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.

16      La requérante conteste en revanche l’appréciation par la chambre de recours du caractère distinctif de la marque en cause.

17      Il ressort de la description de la marque en cause, figurant au point 3 ci-dessus, qu’elle consiste en deux courbes entrecroisées qui sont cousues (ou surpiquées) sur une poche à un emplacement précis. La chambre de recours a donc estimé à juste titre, sans que cela soit contesté par la requérante, que la marque en cause était une « marque de position » consistant en un motif cousu occupant un emplacement spécifique sur une poche.

18      La chambre de recours a considéré qu’une poche cousue était une caractéristique habituelle et courante de nombreux articles de mode et notamment des produits compris dans les classes 18 et 25. Le consommateur moyen percevrait simplement les points de couture comme des éléments décoratifs et non comme l’indication de l’origine des produits. La chambre de recours a indiqué que le motif cousu faisant l’objet de la demande d’enregistrement était une simple variante d’une caractéristique courante des poches de vêtements et d’autres articles de mode couverts par la marque en cause. Elle a ajouté que, s’il était exact qu’il était inhabituel de voir figurer une poche sur plusieurs des produits en cause, le consommateur n’accorderait guère d’attention au motif cousu sur la poche lors de l’achat de ces produits. La chambre de recours a estimé que la marque en cause ne déclencherait pas un « stimulus visuel » permettant au consommateur moyen de reconnaître l’origine des produits en cause, « à moins qu’un usage intensif l’ait précédemment habitué à réagir ainsi ».

19      Cette analyse de la chambre de recours doit être approuvée. Il y a lieu de relever que, dans le secteur de la mode, des motifs cousus sur des poches sont courants. Des lignes surpiquées constituent une décoration habituelle pour les poches de manière générale et particulièrement pour les poches des vêtements relevant de la classe 25. En outre, de nombreux articles de mode relevant de la classe 18 sont également habituellement pourvus de poches ayant des coutures décoratives. Le consommateur est ainsi habitué à voir des motifs cousus sur les poches des vêtements ou des articles de mode. Il les percevra donc comme un élément décoratif et non comme l’indication de l’origine commerciale de ces produits.

20      La marque en cause représentant deux courbes entrecroisées cousues sur une poche, l’une fine de forme cintrée et l’autre plus épaisse de forme sinusoïdale, elle constitue un motif simple, comme l’admet la requérante. Cette marque ne comporte aucun élément frappant propre à attirer l’attention du consommateur. Ainsi que le souligne l’OHMI, la description de la marque en cause fait expressément référence à un « élément piqué décoratif ».

21      De nombreux exemples de motifs cousus sur des poches, cités par la requérante elle-même, pouvant être décrits comme des lignes courbes qui se croisent, il y a lieu de considérer que la marque en cause ne présente aucun caractère unique, original ou inhabituel.

22      Certes, il est possible de soutenir que le fait qu’une marque remplisse une fonction décorative ou ornementale est sans incidence aux fins de l’appréciation de son caractère distinctif. Toutefois, un signe qui remplit d’autres fonctions que celle d’une marque au sens classique n’est distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, que s’il peut être perçu d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de permettre au public pertinent de distinguer sans confusion possible les produits ou les services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale (voir arrêt Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, point 12 supra, point 30, et la jurisprudence citée).

23      En outre, la constatation du caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’est pas subordonnée à la constatation d’un certain niveau de créativité de la part du déposant de la marque. Néanmoins, la marque doit permettre au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services visés par elle et de les distinguer de ceux d’autres entreprises (arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 41, et arrêt Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, point 12 supra, point 27).

24       Il est donc toujours nécessaire que le signe en cause, même s’il peut remplir une fonction décorative et s’il ne doit pas répondre à un certain niveau de créativité, ait un minimum de caractère distinctif.

25      Pour présenter le degré minimal de caractère distinctif exigé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le signe déposé doit seulement apparaître a priori apte à permettre au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services désignés dans la demande de marque communautaire et de les distinguer, sans confusion possible, de ceux qui ont une autre provenance [arrêt du Tribunal du 13 juin 2007, IVG Immobilien/OHMI (I), T‑441/05, Rec. p. II‑1937, point 55].

26      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. La marque en cause ne contient aucun élément caractéristique, ni de caractère marquant ou accrocheur, susceptible de lui conférer un degré minimal de caractère distinctif et permettant au consommateur de la percevoir autrement que comme une décoration habituelle de poche s’agissant des produits relevant des classes 18 et 25. Comme le relève l’OHMI, elle ne diverge pas de manière significative de la norme en matière de présentation de poches et sera donc perçue comme une simple décoration. La chambre de recours a donc considéré à juste titre que la marque en cause constituait une simple variante des surpiqûres classiques présentes sur les poches des vêtements et des articles de mode couverts par la marque en cause.

27      Dès lors, il y a lieu de considérer que la marque en cause est un motif simple et banal ayant une fonction exclusivement décorative, qui ne présente aucun aspect permettant au public pertinent d’identifier l’origine commerciale des produits désignés dans la demande de marque ou de les distinguer de ceux ayant une autre provenance.

28      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

29      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas examiné si la marque en cause avait un caractère distinctif minimal pour chaque produit pertinent, il y a lieu de relever que, lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés [arrêt du Tribunal du 15 octobre 2008, TridonicAtco/OHMI (Intelligent Voltage Guard), T‑297/07, non publié au Recueil, point 22]. En l’espèce, les produits en cause sont des vêtements relevant de la classe 25 et des articles de mode relevant de la classe 18. Si la décision attaquée ne contient pas une appréciation différenciée pour chacun des produits en cause, force est de constater que la chambre de recours a procédé à l’analyse de la perception de la marque demandée par le public pertinent au regard, d’une part, de la catégorie des vêtements et, d’autre part, de la catégorie des articles de mode. Elle a considéré que le public pertinent aurait la même perception de la marque en cause pour tous les vêtements et tous les articles de mode. La chambre de recours a donc fourni une motivation globale pour les deux catégories de produits en cause lors de son appréciation du caractère distinctif de la marque et l’argument de la requérante à cet égard ne saurait prospérer.

30      Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la marque en cause aurait une apparence spécifique et ne pourrait être considérée comme tout à fait commune, étant donné que le signe en cause serait entièrement arbitraire, que, même s’il est simple, il serait élégant et accrocheur et de ce fait capable d’attirer l’attention du consommateur et de s’imprimer dans sa mémoire, qu’il se distinguerait des lignes symétriques ou figures géométriques communes et qu’il évoquerait l’idée de mouvement. En effet, de pareils éléments ne rendent une marque distinctive que pour autant qu’elle soit perçue d’emblée par le public concerné comme une indication de l’origine commerciale des produits de la requérante, et ce afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les produits de la requérante de ceux qui ont une autre provenance commerciale [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 84]. Le fait que la marque en cause puisse être perçue comme élégante ou puisse évoquer l’idée de mouvement, et par là même être mémorisable, ne la rend pas pour autant distinctive.

31      Troisièmement, ne peut non plus prospérer l’argument de la requérante selon lequel le public pertinent ne percevrait pas un motif cousu sur une poche comme une simple décoration, étant donné que, dans le secteur de la mode, il serait habitué à distinguer l’origine des produits non uniquement au moyen de marques verbales, mais également au moyen de « marques de position » et qu’il serait particulièrement sensible aux signes graphiques et aux éléments stylisés, comme des emblèmes surpiqués, lesquels sont fréquemment utilisés dans la mode comme marques.

32      En effet, l’appréciation du caractère distinctif de la marque en cause consiste à déterminer si elle a, par elle-même, la capacité d’être perçue, par le public pertinent, comme une indication lui permettant d’identifier l’origine commerciale des produits en cause, sans confusion possible avec ceux qui ont une autre provenance. Ainsi, le seul fait que d’autres marques, quand bien même elles seraient également simples, ont été considérées comme ayant cette capacité, et, dès lors, comme n’étant pas dépourvues de tout caractère distinctif, n’est pas concluant pour déterminer si la marque en cause possède également le caractère distinctif minimal nécessaire pour pouvoir être enregistrée (voir, en ce sens, arrêt Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, point 12 supra, point 34).

33      En outre, l’argument selon lequel le consommateur serait habitué à reconnaître des emblèmes surpiqués en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits est également sans pertinence, car la circonstance que de tels signes soient reconnus en tant que marque par les consommateurs ne signifie pas nécessairement qu’ils sont pourvus d’un caractère distinctif intrinsèque. Il est en effet possible pour une marque d’acquérir un caractère distinctif à travers son usage dans le temps.

34      Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le fait qu’il existe sur le marché des logos simples et stylisés sur des poches de vêtements ne constituerait pas un obstacle à l’enregistrement de ce type de marques, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a considéré que le motif cousu faisant l’objet de la demande d’enregistrement était une simple variante d’une caractéristique courante des poches de vêtements et d’autres articles de mode couverts par la marque en cause. Contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’a pas considéré que le simple fait qu’il existe sur le marché des motifs cousus sur des poches de vêtements constituait un obstacle à l’enregistrement de la marque en cause. La chambre de recours a constaté que, en l’absence d’originalité de la marque en cause par rapport aux surpiqûres présentes habituellement sur les produits en cause, celle-ci n’attirerait pas particulièrement l’attention du consommateur, qui la percevrait uniquement comme une décoration. La chambre de recours ne s’est donc pas abstenue d’examiner si la marque en cause présentait effectivement un caractère distinctif minimal.

35      Il en résulte que c’est à tort que la requérante prétend que la chambre de recours n’a pas procédé à une analyse des raisons pour lesquelles la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif et qu’elle a simplement envisagé des hypothèses générales, sans évaluer réellement les circonstances concrètes de l’espèce. Il convient ainsi de rejeter également l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée ne ferait pas référence à la marque en cause, mais plus généralement à l’absence de caractère distinctif de tous les « signes surpiqués ».

36      Cinquièmement, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours, en affirmant que la marque en cause ne déclencherait pas un « stimulus visuel » permettant au consommateur moyen de reconnaître l’origine des produits en cause « à moins qu’un usage intensif l’ait précédemment habitué à réagir ainsi », aurait appliqué des critères d’appréciation du caractère distinctif plus sévères pour les marques figuratives que pour les autres marques. Cet argument procède en effet d’une lecture erronée de la décision attaquée, la chambre de recours n’ayant pas déduit l’absence de caractère distinctif de la marque en cause de son absence d’usage. Il ressort de la décision attaquée que, après avoir examiné la marque en cause, la chambre de recours a conclu à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de celle-ci. Elle a ensuite relevé que la marque en cause ne permettait donc pas au consommateur de reconnaître l’origine des produits, sauf à démontrer l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’usage.

37      Sixièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la charge de la preuve de l’absence de caractère distinctif appartenait à l’OHMI, qui n’aurait proposé aucun exemple de l’usage du signe en l’espèce ou d’un signe similaire sur le marché, d’une part, il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où une requérante se prévaut du caractère distinctif d’une marque demandée, en dépit de l’analyse de l’OHMI, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée d’un caractère distinctif intrinsèque (arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, point 50). D’autre part, si le fait pour une marque d’être susceptible d’être communément utilisée dans le commerce pour présenter les produits ou les services concernés est un critère pertinent dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, ce critère n’est pas celui à l’aune duquel l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement doit être appliqué [voir arrêt du Tribunal du 15 septembre 2009, Wella/OHMI (TAME IT), T‑471/07, non encore publié au Recueil, point 34, et la jurisprudence citée]. Il s’ensuit que, pour conclure que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours n’avait en tout état de cause pas à apporter de tels exemples.

38      Septièmement, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, le fait que, dans sa pratique décisionnelle antérieure, l’OHMI ait accepté l’enregistrement de marques communautaires constituées par des signes relativement simples apposés sur une poche et semblables à la marque en cause, d’une part, démontrerait que ce type de marques a été reconnu comme ayant un caractère distinctif intrinsèque et, d’autre part, ne permettrait pas de définir quels sont les critères utilisés par l’OHMI pour déterminer si une marque revêt ou non un caractère distinctif.

39      Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif minimal requis aux fins de l’enregistrement ou de la protection dans l’Union doit être apprécié dans chaque cas au regard des circonstances de l’espèce. Les décisions que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, concernant l’enregistrement ou la protection d’un signe en tant que marque communautaire, relèvent de l’exercice d’une compétence liée. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47, et arrêt Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, point 12 supra, point 36). Par conséquent, le fait que des signes simples apposés sur une poche aient été enregistrés comme marques communautaires par l’OHMI n’est pas pertinent aux fins d’apprécier si la marque en cause est ou non dépourvue de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

40      Enfin, l’argument de la requérante selon lequel l’OHMI aurait dû prendre en considération, dans le cadre de la procédure d’enregistrement de la marque en cause, le fait qu’un grand nombre d’autorités nationales ont pris position en faveur du caractère distinctif de cette marque doit être écarté comme irrecevable. Il en va de même des preuves produites à l’appui de cet argument, à savoir les enregistrements nationaux obtenus pour un signe figuratif composé de deux courbes et constituant une partie de la marque en cause.

41      En effet, selon une jurisprudence constante, le régime communautaire des marques est un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national. Par conséquent, l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente, de sorte que l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par des décisions intervenues dans certains États membres, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque [arrêt du Tribunal du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre), T‑36/01, Rec. p. II‑3887, point 34 ; ordonnances du Tribunal du 28 avril 2009, Tailor/OHMI (Représentation d’une poche droite), T‑283/07, non publiée au Recueil, point 24, et Tailor/OHMI (Représentation d’une poche gauche), T‑282/07, non publiée au Recueil, point 24].

42      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la chambre de recours a considéré à bon droit que la marque en cause était dépourvue d’un minimum de caractère distinctif et qu’elle ne pouvait être enregistrée pour désigner les produits en cause en vertu de 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

43      Partant, il y a lieu de rejeter le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rosenruist Gestão e serviços, Lda est condamnée aux dépens.

Wiszniewska-Białecka

Dehousse

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 septembre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.