Language of document : ECLI:EU:T:2023:304

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

7 juin 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative représentant une chauve-souris dans un cadre ovale – Causes de nullité absolue – Caractère distinctif – Absence de caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001] – Limitation des produits visés par la demande en nullité – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑735/21,

Luigi Aprile, demeurant à San Giuseppe Vesuviano (Italie),

Commerciale Italiana Srl, établie à Nola (Italie),

représentés par Me C. Saettel, avocate,

parties requérantes,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenante devant le Tribunal, étant

DC Comics, établie à Burbank, Californie (États-Unis), représentée par Mes G. Glas, P. Van Dyck et E. Taelman, avocats,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. E. Buttigieg et Mme B. Ricziová (rapporteure), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 13 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, le premier requérant, M. Luigi Aprile, et la seconde requérante,  Commerciale Italiana Srl, en liquidation, demandent l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 6 septembre 2021 (affaire R 1447/2020-2) (ci-après la « décision attaquée »).

2        Le présent recours a été déposé par, d’une part, le premier requérant, en qualité d’actionnaire unique de la seconde requérante, et, d’autre part, par cette dernière, représentée par cet actionnaire unique, étant donné que la seconde requérante était partie à la procédure devant l’EUIPO.

 Antécédents du litige

3        Le 21 janvier 2019, la seconde requérante, a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande de l’intervenante, DC Comics, déposée le 1er avril 1996 pour le signe figuratif suivant (ci-après la « marque contestée ») :

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4        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. Plus spécifiquement, les produits visés dans le formulaire introductif de la demande en nullité correspondaient à la description suivante :

–        classe 25 : « Chapeaux et casquettes ; shorts ; vestes ; chemises ; sweatshirts ; chemisettes ; débardeurs ; gants et moufles ; pantalons ; costumes ; pantoufles ; chaussons ; bonneterie ; tongs ; sandales ; chaussures et bottes ; ceintures en tissu » ;

–        classe 28 : « Masques (sauf pour le sport) ; badges, objets de cotillon et chapeaux de carnaval ».

5        Cependant, dans l’exposé de l’argumentation étayant la demande en nullité déposé le même jour, à savoir le 21 janvier 2019, la seconde requérante a demandé la nullité de la marque contestée pour les produits suivants :

–        classe 25 : « Costumes, costumes de théâtre, costumes de mascarade, costumes de danse, costumes pour la fête d’Halloween, costumes de carnaval, costumes pour les fêtes déguisées, masques et/ou tenue complète, chapellerie, corsets [vêtements de dessous], caleçons, blouses, collants, ceintures, chaussures, housses pour chaussures et capes, en rapport avec le personnage de Batman et/ou destinés à être portés pour représenter le personnage de Batman » ;

–        classe 28 : « Masques, boutons d’ornement, articles pour cotillons et chapeaux de fête, en rapport avec le personnage de Batman et/ou destinés à être portés pour représenter le personnage de Batman ».

6        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement.

7        Le 21 mai 2020, la division d’annulation, après avoir refusé de limiter la portée de la demande en nullité aux produits indiqués au point 5 ci-dessus, au motif que la limitation demandée contenait une terminologie et des termes différents qui ne correspondaient pas aux produits désignés par la marque contestée, a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

8        Le 14 juillet 2020, la seconde requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. D’une part, elle a relevé que la division d’annulation avait jugé à juste titre que l’examen de la demande en nullité se poursuivrait sur la base des produits indiqués dans le formulaire introductif de la demande en nullité. D’autre part, elle a considéré, en souscrivant au raisonnement de la division d’annulation, que, au regard des éléments de preuve sur lesquels se fondait la seconde requérante, le personnage de Batman était toujours associé à son éditeur, à savoir à l’intervenante, et qu’il n’avait pas été démontré que, au moment du dépôt de la marque contestée, le logo Batman était associé à une autre origine, ni que, avant ce dépôt, ladite marque était utilisée sur le marché des produits en cause sans aucune autorisation de l’intervenante. Elle a conclu que les consommateurs reconnaissent l’origine dudit logo et le considèrent comme une marque de l’intervenante.

 Conclusions des parties

10      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté le recours ; 

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens exposés par elle et faire supporter à l’EUIPO ses propres dépens.

 En droit

 Sur le droit applicable ratione temporis

13      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 1er avril 1996, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement 2017/1001] (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

14      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par les requérants dans l’argumentation soulevée et par l’intervenante dans ses écritures à l’article 59, paragraphe 1, sous a), et à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, comme visant respectivement l’article 51 paragraphe 1, sous a), et l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), d’une teneur quasiment identique du règlement no 40/94.

 Sur le fond

15      Les requérants invoquent en substance quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation visée à l’article 94, paragraphe 1, première phrase, de ce règlement, le troisième, de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, et, le quatrième, de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce dernier règlement.

16      Il convient d’examiner les deuxième, troisième et quatrième moyens avant le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001

17      Les requérants reprochent à la chambre de recours d’avoir analysé conjointement les deux causes de nullité, à savoir celle prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), et celle prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, sans fournir de motivation détaillée au regard du caractère descriptif de la marque contestée. Ils estiment ainsi que, d’une part, ils ne sont pas en mesure de connaître les justifications de la décision attaquée et de défendre efficacement leurs droits et que, d’autre part, le Tribunal n’est pas à même d’exercer son contrôle.

18      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments des requérants.

19      Aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Cette obligation, qui découle également de l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a pour objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision concernée (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, points 64 et 65 et jurisprudence citée).

20      Toutefois, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2015, Soprema/OHMI – Sopro Bauchemie (SOPRAPUR), T‑763/14, non publié, EU:T:2015:883, point 21 et jurisprudence citée].

21      En l’espèce, la chambre de recours a examiné conjointement les causes de nullité fondées sur l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 40/94. À cet égard, elle a rappelé, aux points 22 et 26 de la décision attaquée, que, pour être distinctive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, une marque de l’Union devait être capable de remplir sa fonction essentielle, à savoir, identifier l’origine des produits en cause, mais que cette marque était réputée incapable de remplir cette fonction, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, lorsque ladite marque pouvait servir, dans le commerce, à désigner des caractéristiques de ces produits.

22      En outre, la chambre de recours a expliqué, aux points 32 à 34 de la décision attaquée, que la marque contestée permettait d’indiquer l’origine des produits en cause, dès lors que cette marque ne faisait référence qu’à des produits provenant de l’intervenante. Ensuite, au point 36 de ladite décision, elle a souscrit au raisonnement de la division d’annulation, y compris concernant le caractère descriptif de ladite marque. À cet égard, la division d’annulation avait, tout d’abord, considéré que les éléments de preuve ne montraient pas en quoi le « logo de la chauve-souris » pourrait être descriptif des produits en cause, ils démontrent au mieux la renommée du personnage de Batman dans le monde entier. Ensuite, elle avait précisé que le fait que le personnage de fiction soit associé à un costume portant le « logo de chauve-souris » ne signifiait pas que la marque en question véhicule des informations sur les caractéristiques desdits produits. En outre, elle avait constaté que les arguments de la seconde requérante concernant le caractère descriptif de pareille marque étaient les mêmes que ceux présentés par rapport à son caractère distinctif et reposaient sur l’hypothèse selon laquelle la même marque était dépourvu de caractère distinctif. Selon elle, ladite requérante avait simplement affirmé que si une marque était dépourvue de caractère distinctif, alors celle-ci était descriptive. Ainsi, elle avait conclu que dans la mesure où la marque concernée présentait un caractère distinctif au regard des produits en question, l’argumentation de la seconde requérante relative au caractère descriptif d’une telle marque n’était pas fondée.

23      À la lumière de la jurisprudence citée au point 20 ci-dessus, le renvoi de la chambre de recours à un tel raisonnement de la division d’annulation doit en l’espèce être considéré comme permettant aux requérants de connaître suffisamment la motivation de la décision attaquée au regard du caractère descriptif de la marque contestée afin de défendre leurs droits, et au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2015, SOPRAPUR, T‑763/14, non publié, EU:T:2015:883, points 21, 24 et 26).

24      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le présent moyen comme non-fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94

25      Les requérants soutiennent que la chambre de recours a violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94. Ils font valoir que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif. À cet égard, ils relèvent, notamment, que cette marque n’est pas perçue par le public pertinent comme une indication de l’origine des produits en cause, mais comme un symbole faisant référence au personnage de Batman et comme un élément ornemental desdits produits. Ils ajoutent que ladite chambre a considéré, à tort, que ce public associe toujours le personnage de Batman à l’intervenante.

26      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments des requérants.

27      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

28      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

29      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

30      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 95, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement 2017/1001, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28].

31      En premier lieu, les requérants ne contestent pas la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours selon laquelle celui-ci était composé du grand public de l’Union européenne.

32      En deuxième lieu, il est constant que la marque contestée renvoie, pour le public pertinent, au personnage de Batman. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il convient de relever que la circonstance que cette marque soit associée à un personnage de fiction ne permet pas, à elle seule, d’exclure que ladite marque puisse également indiquer l’origine des produits en cause.

33      Plus particulièrement, il y a lieu de relever que la chambre de recours a considéré dans la décision attaquée que le public pertinent associait la marque contestée au logo du personnage de Batman et que celui-ci était toujours associé, dans les éléments de preuve sur lesquels se fondent les requérants, à l’intervenante.

34      À cet égard, les requérants invoquent différentes preuves afin d’établir que le public pertinent n’associe pas toujours le personnage de Batman à l’intervenante.

35      Toutefois, il ressort, inter alia, de la jurisprudence, que les instances de l’EUIPO doivent, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94 s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [voir, en ce sens, ordonnance du 24 septembre 2009, Bateaux mouches/OHMI, C‑78/09 P, non publiée, EU:C:2009:584, points 18 et 19, et arrêt du 6 octobre 2021, Kondyterska korporatsiia « Roshen »/EUIPO – Krasnyj Octyabr (Représentation d’un homard), T‑254/20, non publié, EU:T:2021:650, point 93]. Partant, la date pertinente aux fins d’apprécier l’existence du caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée est la date du dépôt de la demande d’enregistrement de celle-ci, à savoir le 1er avril 1996.

36      S’il est vrai que cette circonstance n’exclut pas que les instances de l’EUIPO puissent prendre en compte, le cas échéant, des éléments de preuve antérieurs ou postérieurs à la demande d’enregistrement, il n’en demeure pas moins que ceux-ci doivent permettre de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. En outre, la valeur probante de tels éléments est susceptible de varier en fonction de la proximité plus ou moins élevée de la période couverte avec la date de dépôt (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Représentation d’un homard, T‑254/20, non publié, EU:T:2021:650, points 94 et 95).

37      S’agissant des extraits de site Internet figurant à l’annexe A.5 de la requête, qui contiennent les photos sur la couverture des différentes bandes dessinées publiées pour le public francophone dans les années 1976 à 1996, à savoir dans la période antérieure ou identique à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, il convient de considérer qu’ils ne sont pas susceptibles de démontrer l’absence de caractère distinctif de la marque contestée. En effet, bien que certaines bandes dessinées puissent être considérées comme pertinentes au regard de leur publication dans la période très proche ou identique à la date pertinente, à savoir le 1er avril 1996, néanmoins, la seule circonstance qu’uniquement 16 de 134 bandes dessinées comportent une mention expresse de l’intervenante ne suffit pas pour constater que le public pertinent n’a pas associée ladite marque à l’intervenante étant donné que l’absence d’une telle mention ne permet pas à elle seule de déterminer la perception du public pertinent de cette marque concernant son origine commerciale.

38      Concernant les éléments de preuve figurant aux annexes A.6 à A.9 de la requête, qui consistent notamment en des extraits de l’encyclopédie en ligne Wikipédia présentant différents films, dessins animés, jeux vidéo et série télévisées, lesquels font un usage du logo de Batman, il y a lieu de rappeler que ces documents n’ont qu’une valeur probante limitée en raison du fait que Wikipédia, dont le contenu est modifiable à tout moment et, dans certains cas, par tout visiteur, même anonyme, repose sur des informations incertaines [voir arrêt du 10 mai 2012, Amador López/OHMI (AUTOCOACHING), T‑325/11, non publié, EU:T:2012:230, point 26 et jurisprudence citée]. En outre, les extraits susvisés sont non datés. À supposer même que les dates de leurs dernières modifications, à savoir 2018 et 2019, ainsi que les annonces figurant dans un extrait du site Internet « www.comingsoon.it » se référant à l’année 2019, soient prises en compte, les requérants n’avancent aucun argument expliquant comment ces preuves, postérieures de plus de 20 ans à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 1er avril 1996, permettent de tirer des conclusions sur la perception du public pertinent de cette marque à cette dernière date.

39      En tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent les requérants, chacune des annexes A.6 à A.9 de la requête comporte également les articles extraits de l’encyclopédie en ligne Wikipédia qui associent le personnage de Batman à son éditeur, à savoir l’intervenante.

40      S’agissant des copies de photographies des bandes dessinées et d’autres différents produits liés au personnage de Batman figurant aux annexes A.10 et A.11 de la requête, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’images non datées ou dont la date n’est pas lisible. Bien que, dans certains cas, les dates soient indiquées dans les liens inactifs vers les sites Internet situés au-dessous des images, il n’est pas évident de déterminer comment ces éléments démontrent la perception du public pertinent de la marque contestée à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque, à savoir le 1er avril 1996. De surcroît, plusieurs images et liens contiennent une mention expresse de l’intervenante ou de son logo.

41      Par ailleurs, il importe de relever que les requérants ne produisent aucun élément de preuve fournissant une information sur la connaissance et la perception de la marque contestée par le public pertinent à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, comme, par exemple, des enquêtes.

42      Dans ces conditions, il convient de considérer que les preuves présentées par les requérants ne suffisent pas à démontrer que le public pertinent n’associait pas le personnage de Batman à l’intervenante à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée ou qu’à cette date, celle-ci était associée à une autre origine commerciale. De plus, lors de l’audience, l’intervenante a confirmé, dans ce contexte, que l’utilisation en cause de ladite marque avait été autorisée.

43      En troisième lieu, il convient de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la marque contestée ne saurait être dépourvue de caractère distinctif au seul motif qu’elle est habituellement apposée sur des vêtements et des costumes et qu’elle ne diverge pas, en conséquence, des habitudes du secteur. En effet, ainsi qu’il résulte du point 42 ci-dessus, les requérants ne démontrent pas que ladite marque ne désigne pas, pour le public pertinent, l’origine des produits en cause comme provenant de l’intervenante, y compris lorsqu’elle est apposée sur des vêtements ou des costumes. À la lumière de cette considération, il n’est plus nécessaire d’examiner l’argumentation des requérants relative à d’éventuels enseignements à tirer dans le cadre du présent litige de la décision de l’EUIPO, du 4 mars 2015, PINOCCHIO (affaire R 1856/2013‑2), et de l’arrêt du 25 janvier 2007, Adam Opel (C‑48/05, EU:C:2007:55).

44      En quatrième lieu, l’argument des requérants selon lequel la marque contestée ne saurait bénéficier de la protection conférée par une marque étant donné que le logo de Batman est une œuvre littéraire et artistique dont la protection devrait être assurée par des droits d’auteur, ne saurait prospérer, dans la mesure où l’existence de la protection des droits d’auteur n’exclut pas que le signe puisse être, en même temps, protégé par le droit des marques [voir, par analogie, arrêt du 30 juin 2009, Danjaq/OHMI – Mission Productions (Dr. No), T‑435/05, EU:T:2009:226, point 26].

45      Dans ces conditions, il convient de constater que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque contestée possédait un caractère distinctif.

46      Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94

47      Les requérants soutiennent que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94. Ils font valoir que la marque contestée décrit l’une des caractéristiques des produits en cause, dès lors que le personnage de Batman ne saurait être représenté sans celle-ci.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments des requérants.

49      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de services, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

50      Ces signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37].

51      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

52      En l’espèce, il y a lieu de constater que les requérants n’expliquent pas suffisamment la raison pour laquelle la marque contestée serait susceptible de décrire les caractéristiques du personnage de Batman et, a fortiori, celles des produits en cause. En effet, ils se bornent à soutenir que ladite marque était nécessaire pour représenter le personnage de Batman et n’invoquent, au demeurant, aucun élément de preuve à cet égard dans le cadre du présent moyen.

53      Dans ces conditions, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n’est pas établi que le public pertinent perçoit la marque contestée comme une indication que les produits en cause contiennent une représentation du personnage de Batman incluant cette marque.

54      Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à reprocher à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque contestée n’était pas descriptive des produits en cause.

55      Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

56      Les requérants soutiennent que la chambre de recours a violé l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. Premièrement, ladite chambre n’aurait pas examiné l’ensemble de la demande en nullité, y compris au regard de l’exposé de l’argumentation étayant celle-ci. Deuxièmement, son raisonnement serait incohérent. Troisièmement, elle aurait refusé de limiter ladite demande aux produits indiqués dans l’exposé de l’argumentation étayant celle-ci pour autant que ces produits étaient « en rapport avec le personnage de Batman et/ou destinés à être portés pour représenter le personnage de Batman ».

57      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments des requérants.

58      Aux termes de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dans les procédures de nullité, l’EUIPO limite son examen aux moyens et arguments soumis par les parties.

59      En l’espèce, la chambre de recours a, certes, refusé de limiter la portée de la demande en nullité aux motifs, que, d’une part, une partie des produits contenus dans l’exposé de l’argumentation étayant la demande en nullité ne correspondait pas aux produits pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée, et, d’autre part, en ce qui concerne les autres produits figurant dans cet exposé, que l’annulation partielle de ladite marque pour autant que les produits en cause se rapportaient au personnage de Batman aurait dû conduire à maintenir la validité de cette marque pour une liste de produits dont le libellé n’aurait pas été suffisamment clair et précis au titre de l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

60      Toutefois, il convier également de relever que, ainsi qu’il résulte des points 42 et 53 ci-dessus, la chambre de recours a, par la suite, considéré, à juste titre, que la marque contestée indiquait l’origine des produits en cause, dès lors que le public pertinent associait cette marque à l’intervenante en ce qui concerne l’ensemble desdits produits, dont ceux qui se rapportaient au personnage de Batman.

61      Dans ces conditions, il convient de considérer que le fait que la chambre de recours a refusé de limiter la portée de la demande en nullité n’a, en l’espèce, pas eu d’incidence sur l’appréciation des caractères distinctif et descriptif de la marque contestée.

62      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le présent moyen comme inopérant, et, par voie de conséquence, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante afférentes à leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Luigi Aprile et Commerciale Italiana Srl sont condamnés aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.