Language of document : ECLI:EU:T:2021:627

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

29 septembre 2021 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents afférents à la procédure de contrôle des aides d’État – Refus d’accès – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Intérêt public supérieur »

Dans l’affaire T‑619/18,

TUIfly GmbH, établie à Langenhagen (Allemagne), représentée par Mes L. Giesberts et M. Gayger, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Blanck et par M.F. Erlbacher, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2018) 5432 final de la Commission, du 3 août 2018, refusant d’accorder à la requérante l’accès à des documents afférents à la procédure administrative concernant l’aide d’État SA.24221 (2011/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par l’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, U. Öberg et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, TUIfly GmbH, est une entreprise fournissant des services de transport aérien qui a été créée en janvier 2007 par la fusion des sociétés Hapag Lloyd Express GmbH et Hapag-Lloyd Flug. Après ladite fusion, la requérante a poursuivi les services de transport aérien antérieurement fournis par Hapag Lloyd Express GmbH (ci-après « HLX »).

2        Le 22 février 2012, la Commission européenne a décidé d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant l’octroi d’une aide d’État présumée à l’aéroport de Klagenfurt (Autriche) [Aide d’État SA.24221 (ex CP 281/2007) – Aéroport de Klagenfurt – Ryanair et autres compagnies utilisant l’aéroport (JO 2012, C 233, p. 28)].

3        Le 11 novembre 2016, la Commission a adopté la décision (UE) 2018/628, concernant l’aide d’État SA.24221 (2011/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par l’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport (JO 2018, L 107, p. 1). Dans cette décision, la Commission a, notamment, constaté que les accords conclus en 2003 et en 2008 entre la société d’exploitation de l’aéroport de Klagenfurt et la requérante pour des services aéroportuaires et de commercialisation contenaient des aides d’État qui avaient été accordées en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et qui étaient incompatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. En vertu de la même décision, la Commission a décidé que la République d’Autriche était tenue de récupérer auprès de la requérante les montants de 9 566 988 euros et de 1 134 084 euros.

4        Par lettre du 2 mai 2018, la requérante a demandé, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), l’accès aux documents inclus dans le dossier afférent à la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision 2018/628.

5        Par décision du 28 mai 2018, la Commission a refusé l’accès à ce dossier. En particulier, elle a communiqué à la requérante la référence de publication de la décision 2018/628 au Journal officiel de l’Union européenne et l’a également informée que le délai pour saisir le Tribunal n’avait pas encore expiré. Par ailleurs, elle a refusé l’accès aux autres documents contenus dans le dossier de l’affaire, en se fondant, d’une part, sur les exceptions relatives à la protection des intérêts commerciaux et des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 et, d’autre part, sur le risque d’atteinte grave au processus décisionnel d’une institution, visé à l’article 4, paragraphe 3, du même règlement.

6        Par courrier électronique du 18 juin 2018, la requérante a présenté une demande confirmative au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2018, la requérante a formé un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑447/18 et tendant à l’annulation de la décision 2018/628 en ce qu’elle la concernait.

8        Par la décision C(2018) 5432 final, du 3 août 2018, la Commission a rejeté la demande confirmative d’accès au dossier de la requérante, en se fondant sur l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, et sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 (ci-après la « décision attaquée »).

9        S’agissant, en particulier, de la protection des objectifs des activités d’enquête et des intérêts commerciaux des tiers, la Commission a constaté que, d’une part, le dossier auquel l’accès était demandé concernait une procédure d’examen des aides d’État et, d’autre part, que la décision de la Commission qui y était relative, à savoir la décision 2018/628, faisait l’objet d’un recours tendant à son annulation devant le Tribunal.

10      Ensuite, la Commission a considéré que, contrairement à ce que la requérante soutenait dans sa demande confirmative, les documents inclus dans le dossier de l’affaire contenaient des informations commerciales à caractère sensible et que leur divulgation nuirait aux intérêts commerciaux des sociétés concernées par la procédure d’examen ayant abouti à la décision 2018/628. Elle a ajouté que, en l’absence de protection des intérêts commerciaux des sociétés impliquées, l’efficacité du système de contrôle dans le domaine des aides d’État, qui dépendrait de la coopération des États membres au travers de leurs contributions sur des données sensibles relatives à des entités commerciales, serait sérieusement affaiblie.

11      Par ailleurs, la Commission a invoqué l’applicabilité de la présomption générale de confidentialité des documents relevant de la procédure de contrôle des aides d’État, telle qu’établie par l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376), et a relevé que les intéressés, à l’exception de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposaient pas, dans le cadre de cette procédure, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission. La Commission a considéré que l’accès au dossier permettait aux intéressés d’obtenir l’ensemble des observations et des documents présentés à elle et, le cas échéant, de prendre position sur ces éléments dans leurs propres observations, ce qui serait susceptible de modifier la nature d’une procédure ouverte sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

12      La Commission a également considéré, en faisant référence aux arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob (C‑404/10 P, EU:C:2012:393), et du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding (C‑477/10 P, EU:C:2012:394), que la publication des informations sensibles concernant les activités économiques des entreprises impliquées était susceptible de porter atteinte à leurs intérêts commerciaux, indépendamment de l’existence ou non d’une procédure de contrôle pendante. Elle a indiqué faire application, par analogie, de la jurisprudence déjà rendue dans le domaine des concentrations, au motif que les procédures de contrôle et d’enquête, dans ce domaine ainsi que dans celui des aides d’État, seraient similaires à plusieurs titres.

13      La Commission a également considéré que les documents concernés étaient couverts par l’exception relative au risque d’atteinte grave au processus décisionnel d’une institution prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, dans la mesure où leur divulgation risquerait de priver la Commission de la possibilité d’adopter, le cas échéant, en toute indépendance et sans pressions extérieures, une nouvelle décision en matière d’aides d’État.

14      Par ailleurs, la Commission a examiné la possibilité d’accorder à la requérante un accès partiel aux documents concernés sur le fondement de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001. À cet égard, elle a conclu qu’une telle possibilité n’était pas envisageable, sous peine de porter atteinte à la protection de la finalité de ses procédures d’investigation et à la protection des intérêts commerciaux. En effet, selon elle, les documents concernés étaient manifestement et entièrement couverts par les exceptions invoquées et n’étaient donc soumis ni entièrement ni partiellement à l’obligation de divulgation.

15      Enfin, la Commission a estimé que, en l’espèce, il n’existait aucun intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, pouvant justifier la divulgation des documents concernés. À cet égard, la Commission a écarté l’argument de la requérante selon lequel l’exercice de ses droits de la défense dans le cadre de son recours en annulation contre la décision 2018/628 constituait un tel intérêt, en relevant que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») n’était pas applicable à son égard. La Commission a également considéré que l’intérêt particulier que pouvait faire valoir un demandeur à l’accès à des documents le concernant personnellement ne saurait généralement être décisif lors de l’appréciation de l’existence d’un intérêt public supérieur au sens du règlement no 1049/2001.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 octobre 2018, la requérante a introduit le présent recours. Dans cette requête, la requérante sollicitait la jonction de la présente affaire avec l’affaire T‑447/18.

17      Le 11 décembre 2018, la Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal.

18      La requérante a déposé la réplique le 23 janvier 2019 et la Commission la duplique le 7 mars 2019.

19      Par décision du président de la cinquième chambre du Tribunal du 9 décembre 2019, les affaires T‑619/18 et T‑447/18 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal.

20      Un membre de la chambre étant empêché de siéger, le président de la cinquième chambre a désigné, en application de l’article 17, paragraphe 2, du règlement de procédure, un autre juge pour compléter la formation de jugement.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 29 septembre 2020.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

24      Dans le mémoire en défense, la Commission excipe de l’irrecevabilité du recours. En particulier, elle allègue que, bien que la requérante invoque l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 comme base légale de sa demande d’accès aux documents, celle-ci constitue en réalité une demande d’accès au dossier dans le cadre de la procédure d’aide d’État, en vertu du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9). Par ailleurs, elle ajoute que les arguments soulevés dans le présent recours sont, en substance, identiques à ceux que fait valoir la requérante dans l’affaire T‑447/18.

25      La requérante rétorque que sa demande d’accès aux documents du dossier administratif concerné ne se fondait pas uniquement sur le règlement no 1049/2001, mais également sur les droits fondamentaux en matière de protection des droits de la défense, ainsi qu’ils sont consacrés par l’article 41 de la Charte. Elle ajoute qu’elle n’a pas l’intention de rendre publiques les informations contenues dans le dossier administratif de l’affaire, mais que celles-ci lui serviraient à comprendre ladite affaire et à étayer davantage son recours contre la décision 2018/628.

26      Il convient de constater d’emblée que la Commission n’explique pas en quoi le motif invoqué devrait avoir comme conséquence le rejet du présent recours comme irrecevable.

27      En effet, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la requérante a formulé sa demande d’accès au dossier sur la base du règlement no 1049/2001 et, à la suite de son rejet par la Commission, elle a présenté une demande confirmative, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement. Cette demande a été rejetée par la décision attaquée, prise sur le fondement du règlement no 1049/2001.

28      Il s’ensuit que la requérante conteste en l’espèce un acte susceptible de faire l’objet d’un recours, dès lors que le rejet de sa demande confirmative est, en principe, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2015, ClientEarth et International Chemical Secretariat/ECHA, T‑245/11, EU:T:2015:675, point 107). De surcroît, la décision attaquée a été adoptée par la Commission selon la procédure prévue par les articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001. Par ailleurs, il n’est pas contesté par la Commission que la décision attaquée affecte les intérêts commerciaux de la requérante, dans la mesure où elle se voit refuser l’accès à des informations obtenues par la Commission au cours de la procédure formelle d’examen, ouverte sur la base de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et ayant abouti, en vertu de la décision 2018/628, à l’obligation de rembourser les aides reçues par la République d’Autriche. La requérante est donc directement et individuellement concernée par la décision attaquée.

29      Quant à l’argument de la Commission selon lequel la demande d’accès de la requérante au dossier constitue en réalité une demande de cette nature formulée dans le cadre de la procédure d’aides d’État, régie par le règlement 2015/1589, il ne saurait non plus prospérer. Ainsi qu’il a été relevé au point 27 ci-dessus, la demande d’accès au dossier a été présentée par la requérante sur le fondement du règlement no 1049/2001, ce qui, d’ailleurs, n’est pas contesté par la Commission.

30      Le fait que la requérante se réfère de manière étendue dans la requête au règlement 2015/1589 ne saurait entraîner l’irrecevabilité du recours en raison d’une modification devant le Tribunal de la base légale de la demande d’accès au dossier, ce que la Commission pourrait, en substance, alléguer au travers de son motif d’irrecevabilité. En effet, le renvoi par la requérante aux dispositions dudit règlement est tout à fait justifié dans la mesure où, indépendamment de la base juridique sur laquelle l’accès au dossier serait en l’espèce demandé, c’est-à-dire soit le règlement no 1049/2001, soit le règlement 2015/1589, le résultat pour la requérante serait le même, à savoir la possibilité d’obtenir l’ensemble des observations et des documents présentés à la Commission et, le cas échéant, de prendre position sur ces éléments dans ses propres observations (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 59).

31      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le motif d’irrecevabilité soulevé par la Commission.

 Sur le fond

32      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, du fait que le refus de la Commission de lui donner accès au dossier administratif aurait enfreint l’article 41 de la Charte et l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, le deuxième, du fait que la Commission n’aurait pas tenu compte de ce qu’aucun intérêt commercial d’une personne physique ou morale ne s’opposait à l’accès au dossier en l’espèce et, le troisième, du fait que le refus de la Commission de lui permettre un accès même partiel au dossier aurait porté atteinte au principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 41 de la Charte et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001

33      La requérante soutient qu’elle est directement et individuellement concernée par la décision 2018/628. Elle précise que, en sa qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, elle dispose d’un droit d’accès au dossier. Elle ajoute que ce droit découle du droit à une bonne administration, garanti par l’article 41 de la Charte, du principe de bonne administration ainsi que de ses droits de la défense.

34      Quant au bon déroulement de la procédure d’enquête, la requérante allègue que son accès au dossier ne mettrait pas en péril l’enquête menée par la Commission. En tout état de cause, elle estime que la protection effective des droits de la défense l’emporte sur l’intérêt procédural de la Commission de poursuivre son enquête sans l’intervention de la personne concernée par la mesure en cause.

35      La Commission conteste les arguments de la requérante.

36      À titre liminaire, il convient de noter que, au travers de ce moyen, la requérante invoque, en substance, une erreur de droit dans l’application par la Commission de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, et de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. Elle soutient, pour l’essentiel, que la protection des objectifs de l’enquête était, en l’espèce, supplantée par l’existence d’un intérêt supérieur à protéger son statut de « partie intéressée » dans la procédure formelle, ouverte sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, par la Commission, de l’intérêt de garantir ses droits de la défense en tant que personne directement et individuellement concernée par la décision de récupération de l’aide et de l’intérêt de faire respecter le principe de bonne administration.

37      Dès lors, dans le cadre de l’examen du premier moyen, il doit être répondu à la question de savoir si c’est à bon droit que la Commission a, par la décision attaquée, refusé l’accès au dossier au motif que sa divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête et qu’il n’y avait aucun intérêt public supérieur permettant la divulgation du dossier.

38      À cet égard, il convient de rappeler que le règlement no 1049/2001, adopté sur le fondement de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, vise, comme l’indiquent le considérant 4 et l’article 1er de ce règlement, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible. Il ressort également dudit règlement, notamment de son considérant 11 et de son article 4, qui prévoit un régime d’exceptions à cet égard, que ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 51, et du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 61).

39      En outre, pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. L’institution concernée doit également expliquer comment l’accès audit document peut porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article (voir arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 53 et jurisprudence citée, et du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 64 et jurisprudence citée).

40      Toutefois, il est loisible à l’institution de l’Union européenne concernée de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 54 et jurisprudence citée, et du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 65 et jurisprudence citée).

41      Il importe de rappeler que, à la différence des cas où les institutions de l’Union agissent en qualité de législateur, dans lesquels un accès plus large aux documents devrait être autorisé en application du considérant 6 du règlement no 1049/2001, les documents afférents aux procédures de contrôle des aides d’État s’inscrivent en principe dans le cadre des fonctions administratives spécifiquement attribuées auxdites institutions par l’article 108 TFUE (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 60).

42      Il a également déjà été jugé qu’il convenait de reconnaître l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif de la Commission dans les procédures de contrôle des aides d’État porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 61 ; du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 37, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 122).

43      En l’espèce, il est constant que la requérante a demandé l’accès aux documents contenus au dossier ayant conduit à l’adoption de la décision 2018/628. Par conséquent, les documents inclus dans ce dossier sont, de ce fait, couverts par la présomption générale de confidentialité rappelée au point 42 ci-dessus. Par ailleurs, la requérante n’a pas contesté qu’une telle présomption générale couvrait les documents inclus dans ledit dossier.

44      Certes, la requérante relève, en substance, l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Elle soutient que ses droits de la défense et le principe de bonne administration, garanti par l’article 41 de la Charte, seraient mis en cause si elle n’avait pas accès au dossier, étant donné que, en tant que personne directement et individuellement concernée par la décision 2018/628, elle est affectée financièrement par cette décision.

45      Toutefois, ainsi qu’il a déjà été jugé par la Cour, les intéressés, à l’exception de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposent pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission. Il y a lieu de tenir compte de cette circonstance aux fins de l’interprétation de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. En effet, si ces intéressés étaient en mesure d’obtenir l’accès, sur le fondement du règlement no 1049/2001, aux documents du dossier administratif de la Commission, le régime de contrôle des aides d’État serait mis en cause (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 58).

46      La Cour a souligné, à cet égard, que le droit de consulter le dossier administratif dans le cadre d’une procédure de contrôle ouverte conformément à l’article 108 TFUE et le droit d’accès aux documents, en vertu du règlement no 1049/2001, se distinguent juridiquement, mais il n’en demeure pas moins qu’ils conduisent à une situation comparable sur le plan fonctionnel. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 30 ci-dessus, indépendamment de la base juridique sur laquelle il est accordé, l’accès au dossier permet aux intéressés d’obtenir l’ensemble des observations et des documents présentés à la Commission et, le cas échéant, de prendre position sur ces éléments dans leurs propres observations, ce qui est susceptible de modifier la nature d’une telle procédure (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 59).

47      L’invocation par la requérante de l’intérêt d’exercer de manière efficace ses droits de la défense et de garantir la bonne administration de la justice ne constitue pas une circonstance qui démontre l’existence d’un « intérêt public supérieur » au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, dès lors qu’un tel intérêt ne saurait être qualifié de public (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 97, et du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 52).

48      En effet, un intérêt représenté par un préjudice subi par une entreprise privée dans le cadre d’une procédure de contrôle des aides d’État, telle que celle en cause dans l’affaire T‑447/18, ne saurait constituer un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 98 et jurisprudence citée, et du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 53).

49      Il a déjà été jugé que l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur d’accès à un document le concernant personnellement ne saurait être pris en compte en tant qu’intérêt public supérieur au sens des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, que cet intérêt soit constitué par les droits de la défense du demandeur ou par la garantie d’une bonne administration de la justice. Dès lors, l’institution qui refuse l’accès à certains documents sur le fondement d’une exception visée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 ne commet pas d’erreur de droit en considérant que l’intérêt particulier invoqué par un demandeur ne constituait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés (voir arrêt du 21 octobre 2010, Umbach/Commission, T‑474/08, non publié, EU:T:2010:443, point 59 et jurisprudence citée).

50      Par ailleurs, il est utile d’ajouter à cet égard que la divulgation des documents concernés est susceptible de porter atteinte à la protection des activités d’enquête relatives à une procédure d’application de l’article 108 TFUE, même close, lorsqu’un recours juridictionnel dirigé contre la décision au fond est pendant (voir arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, point 41 et jurisprudence citée).

51      Une telle solution s’explique par la prise en considération de la possibilité pour la Commission, en fonction de l’issue de la procédure juridictionnelle, de reprendre ses activités aux fins de l’adoption éventuelle d’une nouvelle décision (voir arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, point 42 et jurisprudence citée).

52      Or, en l’espèce, si la procédure d’enquête en cause a certes été close par l’adoption de la décision 2018/628, il n’en demeure pas moins qu’au jour du prononcé du présent arrêt, un recours, introduit par la requérante, était pendant devant le Tribunal contre ladite décision.

53      Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que la Commission a refusé, en l’espèce, l’accès au dossier demandé par la requérante en se fondant sur l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, et paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. Par ailleurs la Commission a, à juste titre, considéré qu’il n’y avait aucun motif justifiant de l’existence d’un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

54      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence d’intérêt commercial de tiers qui s’opposerait à l’accès au dossier de la requérante

55      La requérante allègue qu’aucun intérêt commercial d’une personne physique ou morale ne s’oppose à son droit d’accès au dossier. À cet égard, elle soutient que les contrats de commercialisation litigieux remontent à la période comprise entre 2003 et 2009 et, partant, que le dossier de la procédure devant la Commission ne porte que sur des informations commerciales anciennes. De l’avis de la requérante, de manière plus générale, les échanges portant sur des données anciennes ne sont pas susceptibles d’affecter la concurrence.

56      La Commission conteste les arguments de la requérante.

57      À cet égard, il convient de relever d’emblée que les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 ne sont pas cumulatives et qu’il suffit que l’accès au dossier tombe sous le coup d’une de ces exceptions pour que la Commission puisse à bon droit refuser leur divulgation. Dès lors, eu égard au rejet du premier moyen au point 54 ci-dessus, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme inopérant (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 62).

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

58      La requérante allègue qu’il était possible d’appliquer les principes et l’esprit de la communication concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6) afin de faciliter l’échange d’informations confidentielles entre les parties à la procédure. En particulier, elle soutient que la Commission aurait pu envisager des mesures moins contraignantes qui auraient pu mieux protéger ses droits. Elle soutient que la mise en œuvre de la procédure de l’espace de données, dans le cadre de laquelle les mandataires ad litem obtiennent un accès direct au dossier, serait, par exemple, envisageable. La constitution de cercles de confidentialité ou de « clean teams » serait également possible. Cela consisterait à accorder l’accès au dossier à un nombre limité de personnes, déterminées à l’avance par la requérante, par exemple à certains collaborateurs du service juridique, qui seraient tenus de ne pas utiliser les informations dont ils prendraient connaissance à des fins autres que celles de la procédure en matière d’aides d’État et de ne pas les transmettre à d’autres collaborateurs.

59      La Commission conteste les arguments de la requérante.

60      Il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’examen du premier moyen que les documents inclus dans le dossier administratif auquel la requérante a demandé à la Commission l’accès sont couverts par une présomption générale de confidentialité relative à l’exception visant à protéger les enquêtes réalisées par les institutions de l’Union. De surcroît, la requérante n’a pas été en mesure de démontrer l’existence d’un quelconque intérêt public supérieur qui aurait justifié l’accès au dossier administratif. Par conséquent, les documents constituant le dossier concerné échappent à toute obligation de divulgation de leur contenu, que cela ait trait au nombre des documents concernés ou au nombre des personnes habilitées à les consulter (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 67). En effet, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 fait référence à « l’accès à un document » de façon générale sans procéder à aucune distinction relative au nombre des personnes auxquelles ledit droit serait accordé.

61      Par conséquent, contrairement à ce qui allégué par la requérante, la Commission a, à bon droit, considéré que l’accès partiel au dossier, par les représentants de la requérante ou par un nombre spécifique de collaborateurs qui seraient définis à l’avance par elle-même, ne pouvait pas être accordé en l’espèce.

62      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen comme non fondé et, par conséquent, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TUIfly GmbH est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Spielmann

Öberg

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.