Language of document : ECLI:EU:T:2023:856

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

20 décembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale THE FEED – Usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑27/23,

Feed SA, établie à Paris (France), représentée par Mes V. Bouchara et A. Maier, avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Pétrequin et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

The Feed.com, Inc., établie à Broomfield, Colorado (États-Unis), représentée par Me J. Lacker, avocat,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. G. Hesse (rapporteur) et Mme B. Ricziová, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 11 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Feed SA, demande l’annulation partielle de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 novembre 2022 (affaire R 1905/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 3 décembre 2013, Participant Sports LLC, le prédécesseur en droit de l’intervenante,  The Feed.com, Inc., a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal THE FEED.

4        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 35 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Logiciels ; logiciels téléchargeables » ;

–        classe 35 : « Services de commande informatisés en ligne ; services d’un magasin de vente au détail en ligne liés aux substituts de repas, aux aliments énergétiques, aux barres nutritionnelles, aux gels, aux préparations, aux compléments et aux boissons ; ventes alimentaires par abonnement ; services d’abonnement pour substituts de repas, aliments énergétiques, barres nutritionnelles, gels, préparations, compléments et boissons ; ventes de substituts de repas, aliments énergétiques, barres nutritionnelles, gels, préparations, compléments et boissons » ;

–        classe 39 : « Livraison d’aliments par abonnement ; livraison par abonnement de substituts de repas, aliments énergétiques, barres nutritionnelles, gels, préparations, compléments et boissons ».

5        Le 20 mai 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de déchéance de cette marque sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, pour l’ensemble des produits et des services visés au point 4 ci-dessus.

6        Le 25 septembre 2020, l’intervenante a produit devant l’EUIPO divers documents en vue de prouver l’usage sérieux de la marque contestée.

7        Par décision du 14 septembre 2021, la division d’annulation de l’EUIPO a partiellement accueilli la demande en déchéance. Elle a prononcé la déchéance de la marque contestée pour les produits et les services visés au point 4 ci-dessus, à l’exception des « services d’un magasin de vente au détail en ligne liés aux substituts de repas, aux aliments énergétiques, aux barres nutritionnelles, aux gels énergétiques, aux préparations énergétiques, aux compléments alimentaires et aux boissons énergétiques ; ventes de substituts de repas, aliments énergétiques, barres nutritionnelles, gels énergétiques, préparations énergétiques, compléments alimentaires et boissons énergétiques », relevant de la classe 35, pour lesquels elle a maintenu la validité de l’enregistrement de ladite marque.

8        Le 12 novembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation en ce que la déchéance de la marque contestée n’avait pas été prononcée pour les services visés au point 7 ci-dessus.

9        Le 25 février 2022, l’intervenante a formé un recours incident auprès de l’EUIPO tendant à l’annulation partielle de la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait été partiellement déchue de ses droits sur la marque contestée.

10      Par décision du 11 novembre 2022 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté les recours.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce que la demande en déchéance a été rejetée pour les services visés au point 7 ci-dessus ;

–        renvoyer l’affaire devant la chambre de recours ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés devant l’EUIPO.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse où une audience serait prévue.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

14      À la suite d’une demande de régularisation de la requête, la requérante a déposé une requête de 20 pages, conformément au point 116 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal (JO 2015, L 152, p. 1, ci-après les « DPE »).

15      Toutefois, l’intervenante reproche, en substance, à la requérante, d’une part, de ne pas avoir respecté le point 81, sous b), des DPE, selon lequel le texte est écrit en caractères « d’une taille d’au moins 12 points ». La longueur de la requête ne respecterait pas, dans ces conditions, les DPE. D’autre part, la requérante aurait repris à l’identique l’argumentation qu’elle avait présentée devant la chambre de recours.

16      À cet égard, en ce qui concerne la longueur de la requête et la taille de la police de caractères utilisée, d’une part, il suffit de relever qu’une éventuelle violation du point 81, sous b), des DPE, qui ne relèvent pas de l’annexe 1 de ces dernières, n’implique pas l’irrecevabilité du recours [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 septembre 2016, European Food/EUIPO – Société des produits Nestlé (FITNESS), T‑476/15, EU:T:2016:568, point 19].

17      Par ailleurs, à la suite de la régularisation de la requête, demandée par le greffe, celle-ci est devenue conforme aux conditions posées par les DPE en ce qui concerne le nombre des pages maximal.

18      Quant au fait que la requérante aurait repris de manière identique l’argumentation qu’elle avait présentée devant la chambre de recours, il convient de rappeler que l’article 177, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal énonce les exigences de la recevabilité d’une requête introduite dans le cadre d’un recours dirigé contre l’EUIPO. En l’espèce, le présent recours, contenant l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens et les conclusions de la requérante, est conforme auxdites exigences. Par conséquent, le fait que la motivation du recours soit partiellement identique à celle présentée devant la chambre de recours n’implique pas son irrecevabilité.

19      Dès lors, l’argumentation par laquelle l’intervenante soutient que le recours est irrecevable doit être écartée.

 Sur le fond

20      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58 du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours aurait conclu à tort que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les « services d’un magasin de vente au détail en ligne liés aux substituts de repas, aux aliments énergétiques, aux barres nutritionnelles, aux gels énergétiques, aux préparations énergétiques, aux compléments alimentaires et aux boissons énergétiques ; ventes de substituts de repas, aliments énergétiques, barres nutritionnelles, gels énergétiques, préparations énergétiques, compléments alimentaires et boissons énergétiques », compris dans la classe 35. Il s’ensuit que la portée du présent recours se limite à ces services.

21      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

22      En vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625, la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque concernée et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies et des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

23      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 31 janvier 2019, Pandalis/EUIPO, C‑194/17 P, EU:C:2019:80, point 83 et jurisprudence citée).

24      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale d’une entreprise, ni à en contrôler la stratégie économique, ni même à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 7 juillet 2016, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 27 et jurisprudence citée].

25      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par ladite marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché ainsi que l’importance et la fréquence de l’usage de cette marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

26      L’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de cette marque sur le marché concerné. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents au cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 35].

27      Dans le cadre de l’appréciation des preuves de l’usage sérieux d’une marque, il ne s’agit pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et le plus cohérent. Ainsi, même si la valeur probante d’un élément de preuve est limitée dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si les produits concernés ont été mis sur le marché et comment ils l’ont été et si cet élément n’est dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque concernée. Il en va ainsi, par exemple, lorsque cet élément vient s’ajouter à d’autres éléments de preuve [voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2014, Inter-Union Technohandel/OHMI – Gumersport Mediterranea de Distribuciones (PROFLEX), T‑278/12, EU:T:2014:1045, points 64 à 69, et du 7 septembre 2016, Victor International/EUIPO – Ovejero Jiménez et Becerra Guibert (VICTOR), T‑204/14, non publié, EU:T:2016:448, point 74].

28      Afin d’examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque contestée, la chambre de recours s’est fondée sur les éléments de preuve suivants, produits par l’intervenante :

–        annexe 1 : près de 1 700 factures datées entre le 10 janvier 2019 et le 11 mai 2020 envoyées à des clients situés dans l’Union et faisant référence, entre autres, à la vente de boissons énergétiques, préparation de boissons énergétiques, gels énergétiques, barres nutritionnelles, compléments alimentaires, substituts de repas et aliments énergétiques. Dans lesdites factures figure la marque suivante :

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–        annexe 2 : extraits du site Internet « www.thefeed.com » de l’intervenante, imprimés entre juin et juillet 2020 et montrant les produits facturés ;

–        annexe 3 : bulletins d’information « THE FEED. » envoyés le 1er décembre 2013 et du 8 juillet 2018 au 31 décembre 2019 dans lesquelles figurent divers produits énergétiques ;

–        annexe 4 : extraits du site Internet « www.thefeed.com » datés du 23 décembre 2014, du 25 juillet 2015, du 22 janvier 2016, du 21 février 2017, du 24 février 2018, du 1er avril 2019 et du 11 mai 2020, produits par Internet Archive WayBackMachine et dans lesquels figurent divers produits énergétiques ;

–        annexe 5 : document montrant le déroulement d’une procédure d’achat sur le site Internet « www.thefeed.com », contenant un ordre de confirmation du 11 juin 2019, un courriel de modification et de mise à jour de la commande du 12 juin 2019, un courriel de confirmation d’envoi de la commande du 13 juin 2019 et le bordereau d’envoi daté du 11 juin 2019, émis par « The Feed. » ;

–        annexe 6 : attestation du président-directeur général du prédécesseur en droit de l’intervenante, du 25 septembre 2020, dans laquelle il certifie que le chiffre d’affaires réalisé par le biais du site Internet « www.thefeed.com », entre le 19 mai 2015 et le 30 juin 2020, est de 542 204,49 dollars des États-Unis (USD) (environ 503 000 euros). Les produits vendus sont des barres protéinées, des barres énergétiques, des substituts de repas, des gels énergétiques, des mélanges de boissons, des boissons énergétiques, des aliments énergétiques divers et des compléments alimentaires ;

–        pièce F : divers documents montrant les efforts publicitaires pour promouvoir la marque contestée dans l’Union. Il s’agit, à titre indicatif, de photos de véhicules portant la marque contestée pendant le Tour de France des années 2015 et 2017, une photo d’un véhicule portant la même marque pendant le Paris-Nice 2017, un extrait d’un site allemand ainsi que deux articles du site Internet « www.eurosport.fr » à propos du Tour de France de 2015 montrant la marque contestée, plusieurs extraits tirés du réseau social Instagram montrant l’usage de la marque contestée pendant diverses courses en Europe, une photo montrant l’usage de la marque contestée durant le Tour de Grande-Bretagne de 2015, un article du site Internet « www.todaycycling.com » montrant la marque contestée, des extraits de pages Instagram et Pinterest montrant l’usage de musettes sur lesquelles figure la marque contestée durant diverses courses en Europe, des photos montrant un véhicule et des musettes avec la marque contestée, des photos montrant l’usage des bidons portant la marque contestée et un extrait d’une page Ebay proposant à la vente un bidon de l’année 2018 portant la marque contestée.

29      À ce propos, il convient de rappeler que, selon l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, la preuve de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne comprend également la preuve de l’utilisation de celle-ci sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée. Le caractère distinctif d’une marque au sens du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée). À cet égard, selon la jurisprudence, si les différences entre le signe tel qu’il est utilisé et le signe tel qu’il a été enregistré ne sont que des éléments négligeables, une conformité stricte n’est pas nécessaire ; il suffit que la forme sous laquelle les signes sont utilisés soit globalement équivalente [voir arrêt du 30 novembre 2016, K&K Group/EUIPO – Pret A Manger (Europe) (Pret A Diner), T‑2/16, non publié, EU:T:2016:690, point 48 et jurisprudence citée].

30      En l’espèce, tant les preuves portant sur la marque figurative représentée dans l’annexe 1 (voir point 28 ci-dessus) que celles portant sur la marque contestée sont pertinentes aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de cette dernière, la présence ou pas d’un point sur la marque contestée n’altérant pas son caractère distinctif.

31      La requérante critique chacun des éléments de preuve produits, mettant en cause leur pertinence ou leur valeur probante en l’espèce. Elle soutient, en substance, que certains devraient être écartés, car ils ne sont pas datés de manière certaine ou ne relèvent pas de la période pertinente. Elle fait également valoir, en substance, que la chambre de recours s’est fondée sur quelques ventes sporadiques effectuées dans l’Union, ce qui entacherait d’illégalité l’examen par lequel la chambre de recours a conclu à l’usage sérieux de la marque contestée.

 Sur la période pertinente

32      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a retenu comme période pertinente, aux fins d’examiner l’existence ou non d’un usage sérieux de la marque contestée, celle allant du 20 mai 2015 au 19 mai 2020 inclus.

33      Selon la requérante, il conviendrait au contraire d’examiner l’existence ou non d’un usage sérieux de la marque contestée au cours de la période allant du 23 février 2015 au 23 février 2020, soit la période de 5 ans précédant la date de l’envoi d’un courrier au prédécesseur en droit de l’intervenante l’informant sur son intention d’engager une procédure de déchéance. En effet, selon elle, ce serait seulement après ce courrier que l’intervenante aurait commencé à exploiter sa marque, et ce de manière artificielle.

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

35      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a défini la période pertinente conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, à savoir en prenant en compte les cinq ans précédant le dépôt de la demande en déchéance.

36      Toutefois, la requérante invoque à l’appui de son argument l’exception prévue dans la même disposition qui s’applique uniquement aux cas dans lesquels le commencement ou la reprise de l’usage a lieu au cours des trois derniers mois précédant le dépôt de la demande en déchéance, mais après une période ininterrompue de cinq ans de non-usage et après que le titulaire de la marque en cause a appris que ladite demande pourrait être présentée.

37      Or, cette exception ne s’applique pas aux cas, comme en l’espèce, dans lesquels il existe des preuves de l’usage de la marque avant ces trois mois et au cours d’une période de cinq ans précédant le dépôt de la demande en déchéance.

38      En l’espèce, ainsi qu’il sera démontré ci-après (voir points 65 à 69 ci-après), c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé qu’il existait des preuves de l’usage de la marque contestée avant les trois derniers mois précédant le dépôt de la demande en déchéance et au cours d’une période de cinq ans précédant le dépôt de la demande en déchéance.

39      Il convient dès lors de souscrire à la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il y a lieu de prendre en considération, comme période pertinente pour laquelle l’usage sérieux de la marque doit être démontré, la période allant du 20 mai 2015 au 19 mai 2020 inclus.

 Sur la valeur probante de certains éléments de preuve présentés par l’intervenante

–       Sur les éléments de preuve prétendument non datés ou datés en dehors de la période pertinente

40      Premièrement, en ce qui concerne la pièce F mentionnée au point 28 ci-dessus, la requérante estime qu’elle est dénuée de valeur probante compte tenu du fait qu’il s’agit d’un montage constitué par l’intervenante et que son contenu n’est pas daté ou n’est pas daté de la période pertinente.

41      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments de la requérante.

42      À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que la prise en considération des éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente est possible, en ce qu’elle permet de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque contestée ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de cette période. Cependant, de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en considération que si d’autres éléments de preuve portant, eux, sur la période pertinente ont été produits [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 41 et jurisprudence citée].

43      D’autre part, dès lors qu’il existe des preuves d’usage qui se rattachent à la période pertinente, comme en l’espèce, les pièces ne relevant que très peu de celle-ci, loin d’être dépourvues d’intérêt, peuvent être prises en compte et évaluées conjointement avec les autres éléments, car elles peuvent apporter la preuve d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque (arrêt du 8 juillet 2020, GNC LIVE WELL, T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 46).

44      En outre, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence a admis que des éléments de preuve non datés pouvaient être pris en compte, dans le cadre de l’appréciation globale des documents, en combinaison avec d’autres éléments de preuve datés de la période pertinente [voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2011, J & F Participações/OHMI – Plusfood Wrexham (Friboi), T‑324/09, non publié, EU:T:2011:47, point 33].

45      En l’espèce, il convient de considérer que, même s’il est vrai que certains documents de la pièce F du dossier de l’EUIPO datent d’avant la période pertinente, celle-ci contient également des documents qui datent de la période pertinente. En particulier, ainsi qu’il résulte de la description de ladite pièce au point 28 ci-dessus, de nombreux éléments montrent les efforts publicitaires de l’intervenante pendant la période pertinente.

46      En outre, dans la mesure où dans son contenu figurent principalement des extraits et des photos, dont il n’est pas établi ni même allégué qu’ils auraient été retouchés par l’intervenante, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la pièce F est dénuée de valeur probante au motif qu’il s’agirait d’un « montage » constitué par l’intervenante.

47      Deuxièmement, en ce qui concerne l’annexe 4 mentionnée au point 28 ci-dessus, la requérante fait valoir qu’elle ne relève pas de la période pertinente. Elle soutient qu’elle comporte des pièces qui ne sont pas corroborées par d’autres éléments de preuve permettant de garantir de manière fiable que les services en cause étaient effectivement proposés aux consommateurs de l’Union pendant la période pertinente.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments de la requérante.

49      En l’espèce, il importe de rappeler que l’annexe 4 contient des extraits du site Internet de l’intervenante dans lesquels figurent plusieurs produits énergétiques. À cet égard, il y a lieu de relever que seule la première pièce de cette annexe date du 23 décembre 2014, à savoir une date en dehors de la période pertinente. Le reste des pièces couvrent une période allant du 25 juillet 2015 au 11 mai 2020 et datent donc de la période pertinente. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, la prise en compte de pièces qui ne relèvent pas de la période pertinente n’est pas exclue, lorsque leur contenu est corroboré par les autres preuves produites, comme c’est le cas en l’occurrence. Partant, la requérante ne peut être approuvée lorsqu’elle soutient que cet élément de preuve devrait être écarté sur le seul fondement qu’il ne daterait pas de la période pertinente.

50      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a évalué les éléments de preuve susmentionnés conjointement avec les autres éléments de preuve.

–       Sur les bulletins d’information contestés par la requérante

51      En ce qui concerne les bulletins d’information (annexe 3 mentionnée au point 28 ci-dessus), la requérante fait valoir que ceux-ci avaient été adressés au représentant de l’intervenante dans le cadre de la procédure de déchéance. Elle reproche ainsi à la chambre de recours d’en avoir tenu compte, alors que ces envois avaient comme seul objectif de constituer des pièces de nature à échapper à la déchéance.

52      À cet égard, il convient de rappeler que les bulletins d’information en cause datent du 1er décembre 2013 et du 8 juillet 2018 au 31 décembre 2019. Par conséquent, dans la mesure où la vaste majorité de ceux-ci relève de la période pertinente, il n’y a pas lieu de constater que leur seul but était d’échapper à une procédure de déchéance qui a commencé en 2020, ni de considérer qu’ils sont dénués de toute valeur probante.

–       Sur le document montrant le déroulement d’une procédure d’achat contesté par la requérante

53      En ce qui concerne le document montrant le déroulement d’une procédure d’achat qui a été effectué le 11 juin 2019 (annexe 5 mentionnée au point 28 ci-dessus), la requérante fait observer que la commande avait été passée par le représentant de l’intervenante dans la procédure de déchéance et que, par conséquent, l’achat avait été orchestré uniquement pour constituer des preuves d’exploitation de la marque contestée.

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments de la requérante.

55      En l’espèce, ce document vise à reproduire le déroulement d’une procédure d’achat sur le site de l’intervenante, du moment de la confirmation de l’achat jusqu’à l’envoi du produit. La valeur probante dudit document, qui concerne un achat effectué pendant la période pertinente, ne saurait être mise en doute uniquement en raison du fait que le nom du représentant de l’intervenante y figure en tant qu’acheteur.

56      La valeur probante de ce document doit être appréciée conjointement avec les nombreuses factures relevant de la période pertinente produites par l’intervenante afin de prouver l’usage sérieux de la marque contestée.

57      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’achat en question n’a pas été orchestré en vue d’échapper à la déchéance et de constater dès lors que ce document n’est pas dénué de valeur probante.

–       Sur l’attestation du  président-directeur général du prédécesseur en droit de l’intervenante contestée par la requérante

58      En ce qui concerne l’attestation du président-directeur général du prédécesseur en droit de l’intervenante (annexe 6 mentionnée au point 28 ci-dessus), la requérante fait valoir qu’il s’agit d’un document interne qui concerne une période pendant laquelle le prédécesseur en droit de l’intervenante était déjà informé sur son intention d’introduire une demande en déchéance et, dès lors, qu’il a été produit uniquement afin d’échapper à cette dernière. Elle souligne que les informations contenues dans cette attestation ne sont corroborées par aucun autre élément de preuve.

59      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

60      À cet égard, il importe de relever qu’il ressort de la jurisprudence qu’une déclaration établie dans l’intérêt de son auteur nécessite, afin d’avoir une valeur probante, d’être corroborée par d’autres éléments [voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 57, et du 13 janvier 2011, Park/OHMI – Bae (PINE TREE), T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 68].

61      En l’espèce, s’il est vrai que, compte tenu des liens qui unissent l’auteur de l’attestation et l’intervenante, ladite attestation doit être corroborée par le contenu des autres éléments de preuve fournis par l’intervenante pour avoir une valeur probante, il n’en reste pas moins que la circonstance qu’une telle attestation émane du président-directeur général du prédécesseur en droit de l’intervenante ne saurait à elle seule la priver de toute valeur. Par ailleurs, comme relevé ci-après, les informations fournies par l’attestation sont en cohérence avec les autres éléments de preuve soumis devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2009, Schuhpark Fascies/OHMI – Leder & Schuh (jello SCHUHPARK), T‑183/08, EU:T:2009:156, point 39]. Partant, cet argument de la requérante doit être rejeté.

 Sur la durée et le lieu de l’usage

62      S’agissant de la durée de l’usage, la chambre de recours a constaté que la plupart des éléments de preuve présentés par l’intervenante dataient de la période pertinente et que, en ce qui concerne les éléments de preuves relatifs à l’usage de la marque contestée au Royaume-Uni se référant à une période antérieure au 1er janvier 2021, ceux-ci devaient aussi être considérés comme pertinents.

63      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours aurait dû considérer qu’une partie substantielle des pièces communiquées par l’intervenante ne démontrait pas un usage de la marque contestée pendant la période pertinente.

64      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

65      En l’espèce, premièrement, comme il ressort du point 28 ci-dessus, les nombreuses factures de vente correspondent à la période entre le 10 janvier 2019 et le 11 mai 2020 et relèvent, donc, de la période pertinente.

66      Deuxièmement, en ce qui concerne l’annexe 2 mentionnée au point 28 ci-dessus, qui contient des extraits du site Internet « www.thefeed.com », celle-ci date de juin 2020, à savoir après la période pertinente. Néanmoins, et contrairement à ce qu’affirme la requérante, cet élément de preuve, qui représente les divers produits vendus sur ce site, pris ensemble avec les autres éléments fournis, peut être pris en considération en tant qu’élément pertinent pour l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 42 et 43 ci-dessus. En effet, les extraits du site Internet de l’intervenante servent à confirmer la portée de l’utilisation de la marque contestée et complètent les factures déposées en tant qu’annexe 1 mentionnée au point 28 ci-dessus.

67      Troisièmement, en ce qui concerne la pièce F mentionnée au point 28 ci-dessus, ainsi qu’il résulte de la description de ladite pièce audit point, de nombreux éléments montrent les efforts publicitaires de l’intervenante entre 2015 et 2020.

68      Quatrièmement, s’agissant des annexes 3, 4 et 5 mentionnées au point 28 ci-dessus, la vaste majorité de celles-ci relèvent de la période pertinente, ainsi qu’il résulte de leur description faite dans ledit point.

69      Il s’ensuit que la chambre de recours a considéré, à juste titre, au point 49 de la décision attaquée, que les éléments de preuves fournis par l’intervenante concernaient la période pertinente.

70      S’agissant du lieu de l’usage, la chambre de recours a conclu au point 47 de la décision attaquée que, malgré le fait que la titulaire de la marque contestée était une société des États-Unis opérant dans un marché situé principalement aux États-Unis et que son site Internet était en anglais et présentait les prix des produits vendus en USD, les éléments de preuve montraient qu’un usage de la marque contestée avait eu lieu dans une partie substantielle de l’Union.

71      La requérante conteste ces appréciations de la chambre de recours. Elle soutient, en substance, que la marque contestée est principalement destinée à des consommateurs établis aux États-Unis et que l’intervenante n’a produit aucun élément de preuve visant à démontrer un usage dans l’Union, à savoir, notamment, une version du site Internet affichant les prix en euros ou des descriptions de produits dans d’autres langues de l’Union.

72      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

73      À cet égard, il ressort du dossier que, ainsi que la chambre de recours l’a constaté aux points 47 à 49 de la décision attaquée, les preuves qui lui ont été soumises font référence à plusieurs pays de l’Union. En effet, la vaste majorité des factures produites par l’intervenante concernent les États membres de l’Union, notamment l’Allemagne, l’Irlande, la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande et la Suède. Quant au peu d’autres éléments de preuves présentés, ils démontrent la participation de l’intervenante dans des activités publicitaires de sponsoring sportif également dans le territoire de l’Union.

74      En outre, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel une partie des factures concerne la Norvège et l’Islande, celui-ci ne saurait remettre en cause le constat fait au point 73 ci-dessus. En effet, d’une part, la requérante n’identifie que 171 factures concernant ces pays, ce qui constitue un nombre limité au regard des près de 1 700 factures produites par l’intervenante et, d’autre part, la chambre de recours n’a pas fait référence au territoire de la Norvège ou de l’Islande dans son raisonnement et n’a pas fondé sa décision sur les factures dans la mesure où elles concernent ces deux pays.

75      Par conséquent, il convient de conclure que l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée aurait été essentiellement utilisée aux États-Unis et non pas sur le territoire de l’Union n’est pas fondé.

 Sur l’importance de l’usage et sur l’appréciation globale

76      La chambre de recours a estimé que le volume des ventes par rapport à la durée et à la fréquence de l’usage était suffisamment important pour ne pas être considéré comme étant purement symbolique, minime ou fictif. En particulier, la chambre de recours a constaté que les documents produits, notamment l’attestation du président-directeur général du prédécesseur en droit de l’intervenante et les factures présentées fournissaient suffisamment d’informations concernant le volume commercial, l’étendue territoriale, la durée et la fréquence de l’usage.

77      La requérante estime, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a conclu, au point 106 de la décision attaquée, que l’usage sérieux de la marque contestée avait été suffisamment démontré pour les services de la classe 35 mentionnés au point 7 ci-dessus. À ce titre, elle fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération certains éléments importants qu’elle aurait produits devant elle. Par ailleurs, la requérante estime qu’il ressort de l’analyse globale de l’ensemble des éléments de preuve que l’intervenante n’a pas fait un usage sérieux de la marque contestée pour les services en cause.

78      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

79      S’agissant de l’appréciation de l’importance de l’usage qui a été fait d’une marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle les actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [voir arrêt du 8 novembre 2007, Charlott/OHMI – Charlo (Charlott France Entre Luxe et Tradition), T‑169/06, non publié, EU:T:2007:337, point 36 et jurisprudence citée].

80      À cet égard, il importe de relever que le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous couvert de la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être par rapport à d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant ladite marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services en cause sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de ladite marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou services protégés par la marque contestée [voir arrêt du 2 février 2016, Benelli Q. J./OHMI – Demharter (MOTOBI B PESARO), T‑171/13, EU:T:2016:54, point 72 et jurisprudence citée].

81      Ainsi, et comme le constate par ailleurs à juste titre la chambre de recours, au regard du volume très important de factures fournies et de leur fréquence, la valeur probante de ces documents ne peut être valablement remise en cause à défaut d’éléments de preuve en ce sens. En effet, ces factures envoyées à des clients situés dans différents États membres de l’Union représentent un montant important de vente compte tenu des prix unitaires des produits vendus et montrent un usage régulier de la marque contestée. Ainsi, le montant global des chiffres d’affaires tel que mentionné dans l’attestation du président-directeur général du prédécesseur en droit de l’intervenante ne permet pas de caractériser les ventes comme sporadiques, contrairement à ce que fait valoir la requérante.

82      En ce qui concerne l’attestation susmentionnée, ainsi qu’il a été relevé aux points 58 à 61 ci-dessus, son contenu doit être corroboré par les autres éléments de preuve fournis par l’intervenante afin d’avoir une valeur probante. Dans cette attestation, le chiffre d’affaires mentionné, à savoir près de 500 000 euros, concerne la période allant du 20 mai 2015 au 30 juin 2020 et il est détaillé par État membre.

83      Dans ce contexte, en réponse à une question posée lors de l’audience concernant le fait que les factures déposées en tant que preuves concernent uniquement la période entre le 10 janvier 2019 et le 11 mai 2020, ce qui ne permet pas de corroborer l’attestation mentionnée ci-dessus, l’intervenante a fait valoir que, puisque les preuves déposées étaient déjà nombreuses, à savoir plus que 4000 pages, elle avait trouvé plus pertinent, s’agissant des factures, de se concentrer sur la dernière partie de la période pertinente.

84      De plus, l’EUIPO a indiqué qu’il n’était pas nécessaire que le chiffre précis mentionné dans l’attestation susmentionnée soit absolument étayé, ni que soit fournie la totalité des factures pour arriver au montant indiqué. Selon lui, il faut une cohérence entre ce qui est déclaré et les autres éléments de preuve.

85      À cet égard, il convient de considérer, à l’instar de l’EUIPO, que l’attestation du président-directeur général du prédécesseur en droit de l’intervenante n’est pas dénuée de valeur probante par le fait que les factures déposées en tant que preuves ne corroborent pas le chiffre exact mentionné. Au contraire, le contenu de cette attestation est cohérent avec les éléments de preuve pris dans leur ensemble. Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a tenu compte de cet élément dans l’appréciation de l’importance de l’usage de la marque contestée.

86      De même, il résulte des autres éléments de preuve, notamment la pièce F mentionnée au point 28 ci-dessus, que l’intervenante a réalisé des efforts publicitaires non négligeables afin de promouvoir sa marque dans l’Union, lors de plusieurs évènements sportifs, bien que l’intervenante n’ait pas précisément établi le nombre de consommateurs de l’Union qui auraient été exposés à la marque contestée. Par ailleurs, contrairement à ce soutient la requérante, la circonstance que l’intervenante a sponsorisé une équipe de cyclisme des États-Unis ne permet pas d’exclure que lesdits efforts publicitaires étaient également destinés aux consommateurs de l’Union, dès lors que les compétitions de cyclisme en cause avaient lieu dans l’Union.

87      En outre, s’agissant des extraits du site Internet de l’intervenante produits par Internet Archive WayBackMachine (annexe 4 mentionnée au point 28 ci-dessus), il convient de constater que, même si cet élément de preuve ne démontre pas la vente de produits dans le territoire de l’Union, il montre les produits en vente et, par conséquent, il sert à corroborer les autres éléments de preuve.

88      S’agissant des bulletins d’information (annexe 3 mentionnée au point 28 ci-dessus), ils sont compris dans le cadre des efforts publicitaires faits par l’intervenante, ainsi qu’il a été relevé au point 75 de la décision attaquée. Pour cette raison, ils constituent des éléments de preuve à prendre en considération pour examiner l’usage sérieux, même si l’intervenante n’a pas précisé le nombre de destinataires établis dans l’Union de ces bulletins et que les prix indiqués dans ces bulletins sont en USD. En effet, ces bulletins complètent utilement les factures adressées à des consommateurs dans l’Union.

89      Par conséquent, la chambre de recours a considéré à juste titre que les documents produits par l’intervenante, pris dans leur ensemble, fournissaient suffisamment d’informations quant à l’importance de l’usage de la marque contestée.

90      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

91      Premièrement, la requérante soutient, en substance, que les factures produites par l’intervenante dans l’annexe 1 mentionnée au point 28 ci-dessus ne sont pas corroborées par un autre document objectif, qu’elles ne contiennent pas le détail des prix des produits vendus et qu’elles ne sont pas toutes présentées sous le même format. Toutefois, les extraits du site Internet « www.thefeed.com » de l’intervenante (annexe 2 mentionnée au point 28 ci-dessus) montrent les produits facturés et leur prix. En tout état de cause, s’agissant de la véracité des éléments de preuve, leur authenticité ne saurait être mise en cause, à défaut d’arguments et d’éléments allant en ce sens. À cet égard, la requérante ne présente pas d’éléments suffisamment probants permettant d’établir que lesdites factures ne seraient pas authentiques. Dès lors, elle n’est pas fondée à mettre en doute la fiabilité des informations contenues dans les factures de l’annexe 1 mentionnée au point 28 ci-dessus.

92      Deuxièmement, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir négligé de prendre en compte les règles d’étiquetage précises concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. Selon la réglementation applicable, lesdites informations devraient apparaitre dans une langue facilement compréhensible par les consommateurs des États membres où la denrée est commercialisée. Elle en déduit que les produits commercialisés par l’intervenante n’étaient pas destinés aux consommateurs de l’Union.

93      Néanmoins, la circonstance, à la supposer établie, que les produits représentés sur les captures d’écran ne respectaient pas la réglementation de l’Union relative à l’étiquetage ne suffit pas, à elle seule, à démontrer que les produits effectivement commercialisés par l’intervenante ne respectaient pas non plus cette réglementation, ni que ces produits ne pouvaient être destinés aux consommateurs de l’Union en dépit de leur non-conformité à ladite réglementation.

94      Troisièmement, la requérante fait valoir que, afin d’étoffer son dossier, l’intervenante a produit des documents faisant état de commentaires ou d’autres interactions sur les réseaux sociaux avec des consommateurs prétendument situés sur le territoire de l’Union à l’égard de la marque contestée. Elle soutient que ces éléments ne sont pas de nature à établir un usage réel de la marque contestée. Un tel argument est toutefois inopérant, dès lors que, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, la chambre de recours ne s’est pas appuyée sur de telles interactions pour apprécier son usage sérieux.

95      Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que la requérante n’est pas en mesure de démontrer, dans le cadre de son moyen unique, que les appréciations de la chambre de recours concernant l’usage sérieux de la marque contestée pour les « services d’un magasin de vente au détail en ligne liés aux substituts de repas, aux aliments énergétiques, aux barres nutritionnelles, aux gels énergétiques, aux préparations énergétiques, aux compléments alimentaires et aux boissons énergétiques ; ventes de substituts de repas, aliments énergétiques, barres nutritionnelles, gels énergétiques, préparations énergétiques, compléments alimentaires et boissons énergétiques », compris dans la classe 35, qui étaient fondées sur les éléments de preuve produits, seraient erronées.

96      Partant, il y a lieu de rejeter le moyen unique et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

98      Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu, au vu des conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante, de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Feed SA est condamnée aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.