Language of document : ECLI:EU:F:2007:116

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

28 juin 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Nomination en grade – Poste de directeur publié avant le 1er mai 2004 – Modification du statut – Article 2 et article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut – Classement en grade en application de dispositions nouvelles moins favorables – Principe selon lequel tout fonctionnaire a vocation à faire carrière »

Dans l’affaire F‑21/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Joao da Silva, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall, H. Kraemer, et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Arpio Santacruz et I. Šulce, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mars 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 2 mars 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 6 mars suivant), M. da Silva demande, notamment :

–        l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 18 mai 2005, en ce qu’elle porte son classement en qualité de directeur au grade A*14, échelon 2,

–        son classement au grade A*15, conformément aux dispositions de l’avis de vacance COM/R/8003/03, publié le 7 novembre 2003 (JO C 268 A, p. 1, ci-après l’« avis de vacance »), ainsi que

–        la reconstitution intégrale de sa carrière avec effet rétroactif à la date de son classement en grade et échelon ainsi rectifiés, en ce compris le paiement d’intérêts de retard.

 Cadre juridique

2        L’article 29 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), dans sa version applicable jusqu’au 30 avril 2004, était rédigé comme suit :

« 1. En vue de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné :

a)       les possibilités de promotion et de mutation au sein de l’institution ;

b)       les possibilités d’organisation de concours internes à l’institution ;

c)       les demandes de transfert de fonctionnaires d’autres institutions des trois Communautés européennes

ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l’annexe III.

Cette procédure peut être ouverte également en vue de constituer une réserve de recrutement.

2. Une procédure de recrutement autre que celle du concours peut être adoptée par l’autorité investie du pouvoir de nomination pour le recrutement des fonctionnaires des grades A 1 et A 2, ainsi que, dans des cas exceptionnels, pour des emplois nécessitant des qualifications spéciales. »

3        Une nouvelle structure de carrière a été mise en place par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1), entré en vigueur le 1er mai 2004.

4        Il ressort du considérant 10 de ce règlement ce qui suit :

« Il est manifestement nécessaire de confirmer le principe d’évolution de carrière fondée sur le mérite et de renforcer le lien entre performance et rémunération en offrant davantage d’incitations en récompense des bonnes prestations au moyen de modifications structurelles du système des carrières, tout en assurant l’équivalence des profils de carrière moyens entre la nouvelle et l’ancienne structure dans le respect du tableau des effectifs et de la discipline budgétaire. »

5        La mise en place de cette nouvelle structure de carrière a été accompagnée de mesures de transition énoncées à l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement n° 723/2004. Ainsi l’article 2, paragraphe 1, de cette annexe prévoit notamment que, s’agissant des fonctionnaires placés dans l’une des positions visées à l’article 35 du statut, les grades A 3 et A 2 sont renommés respectivement A*14 et A*15.

6        L’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut est libellé comme suit :

« Un fonctionnaire de grade A 3 au 30 avril 2004 doit, s’il est nommé après cette date comme directeur, être promu au grade supérieur suivant, conformément à l’article 7, paragraphe 5, de la présente annexe. La dernière phrase de l’article 46 du statut n’est pas d’application. »

7        Aux termes de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, les fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 sont classés :

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A*, B* ou C*, dans le grade publié dans l’avis de concours ;

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A, LA, B ou C, selon le tableau suivant :

Grade du concours

Grade du recrutement

A/LA 8

A*5

A/LA 7 et A/LA 6

A*6

A/LA 5 et A/LA 4

A*9

A/LA 3

A*12

A 2

A*14

A 1

A*15

B 5 et B 4

B*3

B 3 et B 2

B*4

C 5 et C 4

C*1

C 3 et C 2

C*2

  

8        Le passage de l’ancienne grille des rémunérations à la nouvelle fait l’objet de l’article 7 de l’annexe XIII du statut qui prévoit, notamment, à son paragraphe 1, que « [l]e traitement mensuel de base versé à chaque fonctionnaire ne subit aucune modification en raison du changement de dénomination des grades opéré en application de l’article 2, paragraphe 1 ».

9        Aux termes de l’article 19 de l’annexe XIII du statut :

« Lorsque le fonctionnaire perçoit, au cours de la période transitoire du 1er mai 2004 au 31 décembre 2008, une rémunération nette mensuelle avant l’application de tout coefficient correcteur inférieure à la rémunération nette qu’il aurait perçue dans la même situation personnelle le mois précédant le 1er mai 2004, il bénéficie d’une indemnité compensatoire égale à la différence. Cette indemnité n’est pas due lorsque la réduction de la rémunération nette provient de l’adaptation annuelle des rémunérations visée à l’annexe XI du statut. La garantie de revenus nets ne couvre pas les effets du prélèvement spécial, des évolutions du taux de cotisation pour les pensions ou des modifications apportées aux dispositions relatives au transfert d’une partie de la rémunération. »

10      L’avis de vacance en vue de pourvoir l’emploi de directeur de grade A 2 de la direction « Technologies émergentes et infrastructures, Applications » de la direction générale (DG) « Société de l’information », publié le 7 novembre 2003, au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut prévoyait, parmi les conditions de recrutement, que « [l]a rémunération et les conditions de travail sont celles qui sont prévues pour les fonctionnaires de grade A 2 des Communautés européennes ». Le délai pour l’envoi des candidatures était fixé au 5 décembre 2003.

 Faits à l’origine du litige

11      Le requérant est entré au service de la Commission le 16 mars 1991 en qualité d’agent temporaire de grade A 4 et a été affecté à la DG « Télécommunications, industries de l’information et innovation ».

12      Le 16 mars 1993, le requérant a été nommé, toujours en qualité d’agent temporaire, chef de l’unité B 3 « Communications mobiles » de la même DG, alors dénommée « Technologies et industries de l’information et télécommunications ». Il a été promu au grade A 3, échelon 4, le 1er février 1997.

13      Par décision du 17 avril 2002, le requérant a été nommé fonctionnaire stagiaire, avec effet au 16 mars 2002, et son classement a été fixé au grade A 3, échelon 6. Il a conservé le poste qu’il occupait alors en qualité de chef d’unité. Le 16 décembre 2002, le requérant a été titularisé dans son emploi.

14      Par ailleurs, il a été appelé, à deux reprises, à occuper l’emploi de directeur faisant fonction, ce conformément à l’article 7, paragraphe 2, du statut : une première fois, de novembre 2002 à janvier 2003 et, une seconde fois, du 16 avril au 16 septembre 2004.

15      Le 20 novembre 2003, le requérant s’est porté candidat au poste visé par l’avis de vacance.

16      Au 1er mai 2004, date d’entrée en vigueur du règlement n° 723/2004, le grade A 3, échelon 7, que détenait le requérant, a été renommé A*14, échelon 7.

17      Lors de sa réunion du 7 juillet 2004, le collège des commissaires a nommé le requérant au poste de directeur visé par l’avis de vacance. Le point 7.11 du procès-verbal de cette réunion indiquait que la date de prise d’effet de la décision serait fixée ultérieurement.

18      Le 1er janvier 2005, le requérant a atteint l’échelon 8 du grade A*14.

19      Par lettre du 11 janvier 2005, Mme S., directrice de la direction « Personnel et carrière » de la DG « Personnel et administration », a informé le requérant des difficultés rencontrées par l’administration pour déterminer son classement, ce qui avait conduit celle-ci à consulter, le 25 octobre 2004, le service juridique, dont l’avis était toujours attendu.

20      Par lettre du 21 février 2005, adressée au directeur général de la DG « Personnel et administration », le requérant a manifesté son étonnement quant au retard dans l’adoption de la décision formelle de sa nomination au poste de directeur, ce dans les termes qui suivent :

« Je comprends d’autant moins ce défaut de décision à mon égard que l’annonce du poste publiée au Journal officiel faisait clairement état que celui-ci serait pourvu au grade A 2, soit le grade A*15 [depuis le 1er mai 2004]. Je vous signale, à toutes fins utiles, qu’aujourd’hui je suis au grade A*14 [échelon] 8, soit le dernier échelon du grade A*14 et qu’il serait pour le moins normal que je sois nommé au grade A*15 sans perte de salaire. »

21      Par note du 2 mars 2005, Mme S. a informé le requérant que l’administration n’était pas encore en mesure d’établir l’acte formel de nomination pour des raisons indépendantes de sa volonté, le service juridique n’ayant pas encore rendu son avis, à la suite de la consultation du 25 octobre 2004.

22      Par lettre du 7 avril 2005, le requérant a regretté l’absence de toute décision formelle le concernant et a manifesté son intention de porter sa situation à la connaissance de Mme Reding, membre, et de M. Barroso, président de la Commission, si aucune décision « juste et équitable » n’était prise dans un délai d’une semaine.

23      Par note du 8 avril 2005, Mme S. a informé le requérant du fait que, ayant obtenu l’avis du service juridique, l’administration était en mesure de préparer la décision formelle de nomination. Elle a précisé, d’abord, que le requérant n’avait pas l’ancienneté dans le grade A 3 (renommé A*14 au 1er mai 2004) nécessaire pour être promu au grade supérieur en qualité de candidat « interne » et qu’il n’était donc pas promouvable au grade A*15, ensuite, que sa nomination devait être traitée comme un nouveau recrutement au grade A*14, échelon 2, sans coefficient correcteur, en application des critères normaux et, enfin, qu’il n’était pas possible pour le requérant de conserver son grade A*14, échelon 8.

24      Par lettre du 11 avril 2005, le requérant a informé le directeur général de la DG « Personnel et administration » qu’il ne pouvait pas accepter un classement qui reviendrait à réduire ses droits « actuels » (rémunération) et futurs (retraite) en méconnaissance de l’avis de vacance ainsi que de l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut. Par conséquent, il a demandé que, avant que la décision formelle de nomination soit soumise à la signature du président de la Commission, des explications lui soient fournies sur les raisons qui avaient conduit l’administration à s’écarter de l’avis de vacance et de la disposition susmentionnée.

25      Par décision du 18 mai 2005, parvenue au requérant le 27 mai suivant, signée par le président de la Commission, la nomination du requérant au poste de directeur a été confirmée avec effet au 16 septembre 2004 et son classement a été fixé au grade A*14, échelon 2, l’ancienneté d’échelon prenant effet le 1er septembre 2004.

26      Par note du 30 mai 2005, le requérant a informé le président de la Commission qu’il se sentait obligé de décliner la proposition de nomination en qualité de directeur puisque le classement au grade A*14, échelon 2, qui en résultait, avait pour effet de diminuer son salaire net mensuel d’environ 1 000 euros et équivalait plutôt à une rétrogradation implicite, relevant de la sanction, qu’à une promotion. De surcroît, il soulignait que l’avis de vacance faisait expressément référence au grade A 2, renommé A*15 au 1er mai 2004, et qu’il n’aurait pas déposé sa candidature s’il avait pu prévoir un classement au grade A*14, échelon 2. Il demandait au président de la Commission de suspendre sa nomination jusqu’à l’issue de la procédure précontentieuse qu’il entendait introduire à l’encontre de la décision du 18 mai 2005 et faisait valoir qu’une « décision juste serait de [lui] proposer un classement qui ne léserait ni [s]es droit ni [s]a rémunération ». Une copie de cette lettre était également adressée au directeur général de la DG « Personnel et administration ».

27      Le 14 juillet 2005, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par laquelle il demandait, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission, du 18 mai 2005, en ce qu’elle porte son classement en qualité de directeur au grade A*14, échelon 2 (ci-après la « décision attaquée »), d’autre part, un classement au grade A*15, sans perte de salaire, avec effet au 16 septembre 2004 ou, à titre subsidiaire, une nomination à un échelon qui ne modifie pas ses conditions de rémunération, avec conservation des grade et échelon qu’il détenait jusqu’alors, à savoir le grade A*14, échelon 8.

28      Par décision du 14 novembre 2005, notifiée par courrier du 21 novembre suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation du requérant.

29      Par note de l’office de gestion et liquidation des droits individuels de la Commission (ci-après le « PMO »), du 12 janvier 2006, le requérant a été informé que, au titre de l’article 85 du statut, une somme de 12 615,85 euros serait récupérée sous forme de retenue échelonnée, de février à juillet 2006, pour couvrir le trop perçu par lui et correspondant à la différence de rémunération entre son ancien grade A*14, échelon 8, et le grade A*14, échelon 2, attribué en exécution de la décision attaquée.

30      Par note du 23 janvier 2006, faisant suite à un entretien s’étant déroulé entre eux le 19 janvier 2006, adressée au directeur général de la DG « Personnel et administration », le requérant a indiqué ne pas pouvoir « accepter le poste de [d]irecteur au grade A*14, échelon 2, sans facteur de multiplication ni facteur de protection nominale » et a demandé « de bien vouloir faire corriger à la hausse [s]on salaire de janvier 2006 […] et de faire annuler l’ordre de recouvrement de plus de 12 600 euros pour salaires prétendument ‘indûment’ perçus ». Le requérant soulignait encore dans cette note :

« Je vous rappelle que je n’ai jamais accepté ma nomination au grade A*14 échelon 2. »

31      Par lettre du 13 février 2006, le directeur général de la DG « Personnel et administration » a informé le requérant du fait que, en accord avec le cabinet du vice-président de la Commission, M. Kallas, il n’entendait pas proposer au collège des commissaires de reconsidérer la décision attaquée.

32      Le 21 février 2006, le requérant a de nouveau écrit au directeur général de la DG « Personnel et administration » au sujet de son refus du poste de directeur avec classement au grade A*14, échelon 2, en invitant l’AIPN à prendre position sur cette question, alors qu’il n’avait encore reçu aucune explication ou motivation de sa part, et à prendre toute mesure utile afin de faire corriger à la hausse son salaire, à compter de janvier 2006, ainsi que de faire annuler l’ordre de recouvrement du montant prétendument indûment perçu. Il informait également le directeur général de la DG « Personnel et administration » de son intention d’introduire un recours contre le rejet de sa réclamation, en raison notamment du caractère d’ordre public des délais de recours, et précisait que son recours ne saurait être considéré comme remettant en cause son refus d’accepter le poste de directeur. La Commission n’a pas répondu à cette lettre.

33      Par note du 22 février 2006 adressée à M. Kallas, membre, Mme Reding, autre membre, s’est déclarée étonnée de la situation dans laquelle le requérant était placé et a invité M. Kallas à s’engager personnellement en vue de trouver une solution, ce afin d’éviter que le cas de l’intéressé soit porté à la connaissance du Parlement européen ou d’un plus grand public.

 Conclusions des parties et procédure

34      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé, en ce compris l’exception d’illégalité qu’il comporte ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        en conséquence, le réintégrer dans le grade et l’échelon auquel il devait normalement être classé (ou son équivalent selon le classement instauré par le statut, dans sa version applicable à compter du 1er mai 2004) selon les dispositions de l’avis de vacance ;

–        reconstituer de façon intégrale sa carrière avec effet rétroactif à la date de son classement en grade et échelon ainsi rectifié (y compris la valorisation de son expérience dans le classement ainsi rectifié, ses droits à l’avancement et ses droits à pension), en ce compris le paiement d’intérêts de retard sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points, sur l’ensemble des sommes représentant la différence entre le traitement correspondant à son classement figurant dans la décision de recrutement et le classement auquel il aurait dû avoir droit jusqu’à la date où interviendra la décision de son classement régulier ;

–        condamner la partie défenderesse à l’ensemble des dépens.

35      La partie défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

36      Par ordonnance du Tribunal du 17 mai 2006, le Conseil de l’Union européenne a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse.

 En droit

37      Le requérant soulève, à l’appui de son recours, quatre moyens, tirés de la violation :

–        de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut ;

–        de l’article 7, paragraphe 1, du statut et des principes de non-discrimination, d’équivalence de l’emploi et du grade ainsi que de l’intérêt du service ;

–        des principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime ainsi que des droits acquis et du droit à la vocation à la carrière ;

–        du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

38      À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la base juridique de la décision attaquée serait constituée par l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, le requérant soulève une exception d’illégalité à l’encontre de ladite disposition.

39      Il y a lieu d’examiner, tout d’abord et ensemble, les premier, troisième et quatrième moyens.

 Arguments des parties

 Quant à la prétendue violation de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut

40      En ce qui concerne le premier moyen, le requérant observe que la partie défenderesse établit une distinction entre le candidat « externe », qui serait celui qui participe à une procédure de recrutement ouverte tant à des candidats qui travaillent déjà pour l’institution qu’à des candidats qui ne travaillent pas pour cette dernière, et le candidat « interne », qui serait celui qui participe à une procédure de recrutement ouverte aux seules personnes travaillant déjà pour ladite institution. Sur le fondement de cette distinction, la partie défenderesse se serait crue obligée d’appliquer l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, pour déterminer le grade et l’échelon du requérant lors de sa nomination, car le grade A 2 n’existait plus à compter du 1er mai 2004.

41      À ce sujet, le requérant ne conteste pas qu’il ne disposait pas de l’ancienneté d’échelon requise pour pouvoir présenter sa candidature au titre d’une procédure de promotion ouverte en application de l’article 29, paragraphe 1, du statut. Toutefois, ce serait bien parce que la partie défenderesse n’aurait pas trouvé de candidat répondant aux exigences du poste à pourvoir, si elle avait suivi la procédure de promotion prévue par ces dispositions, qu’elle a ouvert la procédure de recrutement au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut. De surcroît, si le fait de disposer ou non de la qualité de fonctionnaire au moment du lancement de la procédure de sélection constitue une différence essentielle dans la situation de droit de candidats, justifiant l’application de dispositions statutaires différentes, le requérant possédait précisément la qualité de fonctionnaire au moment où la procédure de sélection a été lancée, de telle sorte que sa situation ne pouvait pas être réglée sur la base des dispositions applicables aux personnes nouvellement recrutées.

42      Le requérant ajoute que l’annexe XIII du statut, qui ne règle pas explicitement l’hypothèse d’une nomination intervenue après le 1er mai 2004 à l’issue d’une procédure de recrutement ouverte avant cette date au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut, introduit cependant les dispositions utiles pour permettre de convertir les anciens grades en nouveaux grades, définis dans cette annexe. Tel serait l’objet de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, en vertu duquel le grade A 2 est renommé A*15.

43      Or, s’il est vrai que l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut ne vise que les grades des fonctionnaires placés dans une des positions visées à l’article 35 du statut au 1er mai 2004, étant entendu que le requérant n’avait pas à cette date la qualité de directeur dans l’une desdites positions et n’était donc pas classé au grade A 2, il n’en demeurerait pas moins que, à défaut d’une disposition spécifique, l’application par analogie de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut aurait été de nature à résoudre le problème résultant de la « disparition » du grade A 2, visé par l’avis de vacance, tout en évitant que le requérant, nommé à un emploi supérieur, se voie rétrogradé.

44      En revanche, le requérant réfute toute application par analogie de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. Cette disposition ne viserait que les procédures de concours, alors que l’article 29, paragraphe 2, du statut, qui prévoit la procédure à l’issue de laquelle il a été nommé directeur, précise explicitement que la procédure de recrutement qu’il instaure est différente de celle du concours. En outre, l’article 12, paragraphe 3, de ladite annexe XIII, en ce qu’il introduit un régime dérogatoire à la règle de conversion des grades contenue à l’article 2, paragraphe 1, de la même annexe, devrait faire l’objet d’une interprétation restrictive. À titre subsidiaire, le requérant soulève une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, qui fait l’objet de développements séparés dans ses écritures.

45      Le requérant estime que, pour définir son classement, la partie défenderesse aurait dû faire application de l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut, qui vise spécifiquement la situation du fonctionnaire de grade A 3 au 30 avril 2004, lequel, s’il est nommé après cette date comme directeur, doit être promu au grade supérieur suivant.

46      Le requérant reconnaît que sa nomination n’est pas intervenue à la suite d’une promotion au sens de l’article 45 du statut. Toutefois, il conteste l’interprétation de la partie défenderesse selon laquelle l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut ne s’appliquerait qu’à des situations de promotion au titre dudit article 45. En effet, si le législateur avait entendu restreindre cette disposition à des situations de ce type, il aurait préféré au terme « nommé » celui de « promu ». De surcroît, le fait que la nouvelle structure de carrière prévoit deux grades pour l’emploi type de directeur – A*14 et A*15 – contre un seul grade dans l’ancien régime – A 2 – ne signifierait pas que l’article 5, paragraphe 5, de ladite annexe ne vise que les seules promotions au sens de l’article 29, paragraphe 1, du statut.

47      Le requérant conclut que, en faisant application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, la partie défenderesse a violé l’article 2, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 5, de la même annexe. Il ajoute que, s’il existait plusieurs possibilités de fixer son classement, il revenait à la partie défenderesse, ne fût-ce qu’au titre du devoir de sollicitude, de retenir celle qui était la plus favorable à l’intéressé.

48      La partie défenderesse observe que, si l’emploi litigieux avait été publié au titre de l’article 29, paragraphe 1, du statut, le requérant n’aurait même pas pu présenter sa candidature, car il ne possédait pas l’ancienneté requise, en tant que fonctionnaire titularisé dans le grade A 3, pour être promu au grade A 2. Ce n’est que parce que l’emploi litigieux était ouvert aux candidats « externes », au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut, que le requérant était éligible et a pu participer à la procédure de sélection. Il s’ensuivrait que les règles applicables sont celles régissant la nomination de tout candidat « externe » en tant que fonctionnaire. Au cours de l’audience, la partie défenderesse a assimilé la nomination du requérant au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut à un « deuxième recrutement » au sein de l’institution.

49      Selon la partie défenderesse, ce raisonnement ne serait pas contraire au principe d’égalité de traitement, le fait de disposer ou non de la qualité de fonctionnaire au moment où la procédure de sélection est lancée constituant une différence essentielle entre candidats, différence qui justifierait l’application au requérant des dispositions statutaires applicables aux nouveaux recrutés.

50      Quant à l’applicabilité de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, la partie défenderesse relève que celui-ci ne vise que les personnes ayant déjà la qualité de fonctionnaire avant le 1er mai 2004. Toutefois, selon la partie défenderesse, si ledit article 2 devait s’appliquer par analogie au classement en grade lors d’un recrutement, la logique imposerait de faire application de cette disposition aussi bien au recrutement effectué à l’issue d’une procédure de concours qu’à celui effectué à l’issue d’une procédure suivie en vertu de l’article 29, paragraphe 2, du statut. Ces deux procédures, bien que distinctes quant à leur but, ne le seraient pas en présence d’un changement de la structure de carrière opéré entre la publication de l’avis de concours ou de vacance et la nomination.

51      Quant à l’applicabilité de l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut, la partie défenderesse soutient que cette disposition figure parmi les dispositions de ladite annexe par lesquelles le législateur aurait entendu préserver la vocation à la carrière des fonctionnaires qui, avant le 1er mai 2004, possédaient déjà cette qualité, et qu’elle ne concerne que la promotion, et donc la procédure de l’article 29, paragraphe 1, du statut, et non celle de l’article 29, paragraphe 2, du statut. En effet, s’agissant des fonctionnaires de grade A 3, leur vocation à la carrière comportait, avant le 1er mai 2004, la possibilité d’une promotion vers le grade A 2 en cas de nomination à un emploi de directeur ou de conseiller principal. Dans la nouvelle structure de carrière, l’emploi de directeur serait pourvu au grade A*14, avec une possibilité de promotion vers le grade A*15. Ce serait par dérogation à cette règle que l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut prévoirait une promotion au grade A*15 pour les fonctionnaires ayant détenu l’ancien grade A 3, avant le 1er mai 2004, lors de leur nomination à un emploi de directeur. Il découlerait de cette disposition que, en cas de pourvoi de l’emploi de directeur au titre de l’article 29, paragraphe 1, du statut, l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII dudit statut devrait être interprété en ce sens que la nomination à un tel emploi exige une ancienneté de deux ans dans le grade A 3. En revanche, cette dernière disposition ne s’appliquerait pas lorsque le recrutement a lieu selon la procédure de l’article 29, paragraphe 2, du statut.

 Quant à la prétendue violation des principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime ainsi que des droits acquis et du droit à la vocation à la carrière 

52      Dans le cadre du troisième moyen, le requérant fait valoir que la décision attaquée entraîne sa rétrogradation. En effet, classé au grade A*14, échelon 8, avant l’adoption formelle de la décision attaquée, il a été classé au grade A*14, échelon 2, du fait de cette décision. Un tel résultat porterait atteinte aux droits acquis quant à son classement et à ses droits pécuniaires, qui seraient réduits de façon substantielle, ainsi qu’à sa vocation à la carrière.

53      Le requérant souligne que le statut consacre, tant dans son texte même que dans les mesures transitoires qu’il prévoit, le principe des droits acquis. En effet, le maintien du traitement de base ainsi que du niveau de rémunération, nonobstant le changement de dénomination des grades, serait garanti par l’article 7, paragraphe 1, et l’article 19 de l’annexe XIII du statut. De même, l’article 45 bis du statut garantirait que la nomination à un poste du groupe de fonctions AD ne modifie ni le grade ni l’échelon atteints par le fonctionnaire au moment de sa nomination. Enfin, l’article 46 du statut garantirait les droits acquis dans l’ancienneté d’échelon en cas de nomination au grade supérieur.

54      La partie défenderesse aurait également violé le principe de protection de la confiance légitime, le requérant étant en droit de s’attendre à ce que la décision de nomination, intervenue à l’issue de la procédure de recrutement ouverte le 7 novembre 2003, soit conforme à l’avis de vacance, rien dans le statut n’autorisant la mise en cause du classement d’un fonctionnaire en raison de sa nomination au grade supérieur sur la base de l’article 29, paragraphe 2, du statut.

55      Le requérant reproche à la partie défenderesse de n’avoir, à aucun moment, pris en considération le fait qu’il était déjà fonctionnaire aussi bien à la date d’ouverture de la procédure de recrutement qu’à la date de l’adoption de la décision attaquée. Par ailleurs, l’application des nouvelles règles issues de la réforme statutaire ne pourrait pas avoir pour effet de porter atteinte aux droits acquis par le requérant avant le 1er mai 2004 en sa qualité de fonctionnaire.

56      La partie défenderesse observe que le requérant n’a pas fait l’objet d’une rétrogradation, son classement au grade A*14, échelon 2, résultant de sa nomination en qualité de directeur à la suite de la procédure de recrutement suivie en application de l’article 29, paragraphe 2, du statut.

57      Quant à la prétendue violation des droits pécuniaires acquis, la partie défenderesse observe que l’article 7, paragraphe 1, et l’article 19 de l’annexe XIII du statut concernent ce qui est appelé la « protection du nominal » et visent le cas du fonctionnaire dont la situation statutaire est restée inchangée après l’entrée en vigueur du règlement n° 723/2004, neutralisant ainsi les changements apportés par ce règlement à une situation préexistante et qui continue à exister. En effet, le champ d’application de l’article 19 de l’annexe XIII du statut concernerait les hypothèses dans lesquelles l’entrée en vigueur dudit règlement a pu avoir un impact sur les indemnités perçues par les fonctionnaires. L’article 45 bis du statut concernerait la procédure de certification, qui serait comparable à une procédure de promotion, telle que prévue par l’article 29, paragraphe 1, sous a), ii) et iii), du statut, plutôt qu’à un recrutement.

58      Quant à la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, le requérant resterait en défaut de démontrer que l’administration lui aurait fourni des assurances précises, inconditionnelles et concordantes que son classement en grade allait s’effectuer au grade A*15. La partie défenderesse rappelle que, conformément à la jurisprudence, la confiance légitime ne peut naître que d’assurances conformes aux normes applicables (arrêts du Tribunal de première instance du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T‑46/90, Rec. p. II‑699, point 38, et du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, point 106). Selon elle, l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, prévoirait clairement le classement des fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004 aux grades qu’il indique, sans laisser de marge d’appréciation à l’AIPN.

59      De surcroît, l’avis de vacance pour un emploi déterminé, s’il représente bien un cadre de légalité qui lie l’AIPN quant aux qualifications requises des candidats, ne constituerait pas un cadre contraignant quant au contenu de la future décision de recrutement du fonctionnaire choisi sur la base de cet avis. Cette dernière décision de recrutement serait uniquement soumise aux dispositions du statut en vigueur au moment de son adoption.

 Quant à la prétendue violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

60      En ce qui concerne le quatrième moyen, le requérant estime que la partie défenderesse a violé le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude, en ce qu’il n’a pu à aucun moment comprendre qu’il serait recruté à un grade inférieur à celui visé dans l’avis de vacance, ni à celui lié à son poste de chef d’unité, d’autant plus que la décision du collège des commissaires, du 7 juillet 2004, le nommant directeur, ne donnait aucune information quant à son classement et que la décision attaquée n’identifiait pas la base juridique spécifique permettant son classement.

61      Le requérant fait remarquer que la question de son classement était tellement peu claire que la DG « Personnel et administration » a jugé utile de consulter le service juridique, qui aurait pris un temps considérable pour rendre son avis.

62      La partie défenderesse fait valoir que l’argument du requérant selon lequel la décision attaquée ne se réfère pas expressément à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, n’affecte pas le bien-fondé de cette décision, mais constitue une critique de sa motivation, laquelle peut, conformément à une jurisprudence constante, être complétée par celle contenue dans la réponse à la réclamation. En outre, le long délai qui s’est écoulé entre la prise de fonctions du requérant en qualité de directeur et l’adoption formelle de la décision attaquée, ainsi que la consultation du service juridique, ne constitueraient pas des éléments de nature à mettre en cause la légalité de ladite décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

63      Il convient de constater, à titre liminaire, que l’annexe XIII du statut, qui a pour objet de fixer des « mesures de transition » à la suite de l’entrée en vigueur du règlement n° 723/2004, ne contient aucune disposition régissant le cas d’un fonctionnaire nommé à un emploi supérieur après le 1er mai 2004, à l’issue d’une procédure de recrutement ouverte au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut avant cette date.

64      Ni l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut, dont se prévaut le requérant, ni l’article 12, paragraphe 3, de ladite annexe, dont la partie défenderesse a fait, en l’espèce, application par analogie, ne trouvent, en première analyse, à s’appliquer dans une telle hypothèse.

65      En effet, ces dispositions concernent exclusivement les possibilités de pourvoir à un emploi vacant au sein d’une institution, par voie de promotion au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a), iii), du statut, s’agissant de l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut, ou par voie de la procédure de concours, s’agissant de l’article 12, paragraphe 3, de la même annexe.

66      S’il est vrai que l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut se réfère, de façon générale, à la « nomination » du fonctionnaire, de grade A 3 au 30 avril 2004, en qualité de directeur après cette date, il précise bien que l’intéressé est « promu » au grade supérieur suivant et que la dernière phrase de l’article 46 du statut, qui concerne la promotion, n’est pas d’application.

67      Or, force est de constater que la procédure de recrutement, prévue par l’article 29, paragraphe 2, du statut, qui a été effectivement suivie en l’espèce, ne concerne ni la promotion à proprement parler ni, ainsi qu’il ressort des termes mêmes de cette disposition, la procédure de concours.

68      Il n’en demeure pas moins que le cas du requérant soulève la question de la détermination de son classement qui, en dépit de l’absence de dispositions spécifiques dans le statut, ne saurait être laissée sans réponse par l’administration. Même si l’article 5, paragraphe 5, ou l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut ne trouvent pas, comme tels, à s’appliquer, il n’est pas exclu que le régime prévu par l’une ou l’autre de ces dispositions puisse être retenu en l’espèce en application d’un des principes généraux du droit de la fonction publique communautaire, tels que ceux invoqués dans le cadre des troisième et quatrième moyens.

69      À cet égard, il convient de rappeler que le requérant, de grade A 3, échelon 7, au 30 avril 2004 (renommé A*14, échelon 7, au 1er mai 2004, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut), a été nommé directeur à l’issue d’une procédure de recrutement au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut et classé au grade A*14, échelon 2, soit au même grade que celui qu’il détenait auparavant, mais à un échelon inférieur.

70      Il y a lieu d’examiner, tout d’abord, au regard du principe selon lequel tout fonctionnaire a vocation à faire carrière au sein de son institution, si un tel classement peut être valablement justifié ou si, ainsi que le soutient le requérant, il incombait à l’AIPN de le classer au grade supérieur suivant, à savoir le grade A*15.

71      En premier lieu, le principe de la vocation de tout fonctionnaire à faire carrière au sein de son institution a été invoqué par la Cour et le Tribunal de première instance à propos de l’ordre de préférence établi à l’article 29, paragraphe 1, du statut, selon lequel il incombe à l’AIPN, lorsqu’elle envisage de pourvoir aux vacances d’emploi, d’examiner d’abord les possibilités de promotion ou de mutation au sein de l’institution et, ensuite, après cet examen, les possibilités d’organisation de concours internes à l’institution (arrêt de la Cour du 13 décembre 1984, Vlachos/Cour de justice, 20/83 et 21/83, Rec. p. 4149, points 19, 23 et 24 ; arrêts du Tribunal de première instance du 19 février 1998, Campogrande/Commission, T‑3/97, RecFP p. I‑A‑89 et II‑215, point 65, et du 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, RecFP p. I‑A‑49 et II‑223, points 91 et 92).

72      Cela ne signifie cependant pas que le principe selon lequel tout fonctionnaire a vocation à faire carrière au sein de son institution trouve sa seule expression dans l’ordre de préférence établi à l’article 29, paragraphe 1, du statut.

73      En deuxième lieu, il importe de souligner que l’article 29, paragraphe 2, du statut a été interprété comme offrant une possibilité, certes exceptionnelle, aux fonctionnaires et agents de bénéficier d’une nomination à un emploi supérieur et, donc, d’un avancement dans leur carrière. En effet, la procédure de recrutement prévue par cette disposition ne vise pas seulement le recrutement des personnes non encore au service des Communautés, mais également les fonctionnaires ou agents déjà en fonction. Ainsi que la Cour l’a jugé dans son arrêt du 5 décembre 1974 (Van Belle/Conseil, 176/73, Rec. p. 1361, point 10), il ne serait ni équitable ni conforme à l’intérêt du service que ladite procédure ne puisse trouver application qu’à l’égard de candidats non fonctionnaires alors qu’elle se substitue à un concours, interne ou général, dont des candidats fonctionnaires n’auraient pu être écartés.

74      En d’autres termes, à l’instar d’un concours général (arrêt Van Belle/Conseil, précité, point 8), la procédure prévue à l’article 29, paragraphe 2, du statut, ne constitue pas exclusivement un mode de recrutement externe, par opposition au concours interne ou à la nomination à un grade supérieur par la voie de la promotion, dès lors qu’elle est ouverte à la fois aux candidats venant de l’extérieur des institutions communautaires et à d’autres candidats ayant déjà la qualité de fonctionnaires ou d’agents.

75      Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la partie défenderesse, l’on ne saurait considérer la nomination d’un fonctionnaire, en position d’activité, à un emploi supérieur au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut, comme un deuxième recrutement au sein de l’institution, ayant un effet interruptif de sa carrière. Dans un tel cas, il y a plutôt lieu d’estimer que la procédure choisie par l’AIPN doit être assimilée à la procédure de promotion, ainsi que la Cour l’a jugé, dans son arrêt Vlachos/Cour de justice (précité, point 23), à propos du pourvoi d’un emploi par voie de concours interne à l’institution.

76      Dès lors que la nomination d’un fonctionnaire à un emploi supérieur constitue un avancement dans sa carrière, elle ne saurait se traduire, sans que soit méconnu le principe de la vocation de tout fonctionnaire à faire carrière au sein de son institution, tel que ce principe a été repris dans le cadre du statut, par une diminution de son grade ou de son échelon, et, par voie de conséquence, par une baisse de sa rémunération.

77      En effet, il ressort de la grille des traitements mensuels de base, fixés pour chaque grade et chaque échelon, à l’article 66 du statut et, transitoirement, à l’article 2 de l’annexe XIII du statut, que tout avancement dans la carrière, voire dans le grade, doit normalement entraîner une augmentation du traitement mensuel de base et, si tel n’est pas le cas, à tout le moins le maintien du niveau de la rémunération perçue avant la nomination à un emploi supérieur. Une telle progression salariale répond d’ailleurs à l’objectif énoncé au considérant 10 du règlement n° 723/2004 et sous-tend l’article 46 du statut, lequel prévoit, en cas de promotion, le classement du fonctionnaire au premier, voire au deuxième échelon du grade supérieur.

78      En troisième lieu, il convient encore de déterminer le classement qui, au regard de ce qui précède, aurait dû être effectivement attribué au requérant à la suite de sa nomination en qualité de directeur.

79      À cet égard, il y a lieu d’observer que l’emploi type de directeur peut être pourvu aux grades A*14 et A*15, conformément à l’annexe XIII.1 (« Emplois types pendant la période transitoire ») du statut. Dans la mesure où la procédure de recrutement particulière prévue à l’article 29, paragraphe 2, du statut peut, lorsqu’elle bénéficie à un fonctionnaire ou à un agent en position d’activité, être assimilée à une promotion, ainsi qu’il ressort du point 75 du présent arrêt, il y a lieu de s’inspirer de la solution retenue par le législateur communautaire lui-même à l’article 5, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut et de prévoir ainsi un classement au « grade supérieur suivant », soit, en l’espèce, le grade A*15, dès lors que le requérant était chef d’unité de grade A*14 avant sa nomination en qualité de directeur, ce conformément à l’article 7, paragraphe 5, de la même annexe.

80      Une telle solution s’impose d’autant plus qu’elle est conforme au devoir de sollicitude qui incombe à l’administration, lequel implique notamment, selon une jurisprudence constante, que lorsqu’elle se prononce sur la situation d’un fonctionnaire, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 38 ; arrêts du Tribunal de première instance du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T‑133/89, Rec. p. II‑245, point 27, et du 1er juin 1999, Rodríguez Pérez e.a./Commission, T‑114/98 et T‑115/98, RecFP p. I‑A‑97 et II‑529, point 32). Or, en l’espèce, le requérant avait un intérêt légitime, sans que ce soit contraire aux règles statutaires en vigueur, à ce que sa rémunération ne soit pas abaissée après qu’il eut été nommé à un emploi supérieur en reconnaissance de ses mérites personnels.

81      S’agissant, enfin, des conclusions de la requête relatives à la reconstitution de la carrière du requérant, force est de constater qu’elles relèvent des mesures que la partie défenderesse sera appelée à prendre pour assurer l’exécution du présent arrêt.

82      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’AIPN a méconnu le principe selon lequel tout fonctionnaire a vocation à faire carrière au sein de son institution, en attribuant au requérant nommé à un emploi supérieur après le 1er mai 2004, à l’issue d’une procédure de recrutement lancée avant cette date en application de l’article 29, paragraphe 2, du statut, un classement en grade et en échelon inférieur à celui qu’il détenait avant sa nomination.

83      En conséquence, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments avancés à l’appui des premier, troisième et quatrième moyens ni le deuxième moyen et l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

84      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I‑A‑1‑3 et II‑A‑1‑7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier Tribunal.

85      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La partie défenderesse ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

86      Par ailleurs, en vertu de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus aux litiges supportent leurs dépens. Par conséquent, le Conseil, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission des Communautés européennes, du 18 mai 2005, en ce qu’elle porte classement de M. da Silva en qualité de directeur au grade A*14, échelon 2, est annulée.

2)      La Commission des Communautés européennes supporte les dépens de M. da Silva ainsi que ses propres dépens.

3)      Le Conseil de l’Union européenne, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 juin 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.