Language of document : ECLI:EU:T:2012:252

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 mai 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative SUISSE PREMIUM – Marque communautaire figurative antérieure Premium – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Rejet de l’opposition – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑60/11,

Kraft Foods Global Brands LLC, établie à Northfield, Illinois (États‑Unis), représentée par Me M. de Justo Bailey, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme R. Manea, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

fenaco Genossenschaft, établie à Berne (Suisse), représentée par Mme P. Koch Moreno, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 11 novembre 2010 (affaire R 522/2010‑1), relative à une procédure d’opposition entre Kraft Foods Global Brands LLC et fenaco Genossenschaft,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 janvier 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 22 juin 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2011,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 septembre 2004, l’intervenante, fenaco Genossenschaft, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 30, 31 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 30 : « Pétales de céréales, céréales pour le petit déjeuner, préparations faites de céréales, farines, pâtisseries, confiseries ; tous les produits précités d’origine suisse » ;

–        classe 31 : « Céréales panifiables, céréales pour l’alimentation animale, aliments pour les animaux, graines ; tous les produits précités d’origine suisse » ;

–        classe 42 : « Certification de semences, céréales, farine pour pâtisserie et produits de céréales ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 23/2005, du 6 juin 2005.

5        Le 6 septembre 2005, la Compagnie Gervais Danone SA, le prédécesseur en droit de la requérante, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque communautaire figurative antérieure, enregistrée le 17 mars 2009 sous le numéro 2870525, désignant les produits relevant de la classe 30 et correspondant à la description suivante : « Biscuits, gâteaux, pâtisserie, crackers, produits de boulangerie et de paneterie, substituts de pain », telle que reproduite ci‑après :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

8        Le 2 octobre 2009, la requérante a informé l’OHMI qu’elle était la cessionnaire du transfert de la marque antérieure.

9        Le 3 février 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

10      Le 6 avril 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 11 novembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours et a confirmé la décision de la division d’opposition. Elle a estimé, en substance, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en cause. Plus particulièrement, elle a considéré que les marques dans leur ensemble étaient différentes sur le plan visuel et ne présentaient qu’une certaine similitude sur le plan phonétique et une similitude partielle sur le plan conceptuel. La chambre de recours a entériné l’appréciation de la division d’opposition quant à la similitude des produits et des services en cause. En outre, elle a constaté que la marque antérieure était pourvue d’un caractère distinctif très faible. Le risque de confusion n’existerait pas même pour les produits identiques couverts par les deux marques.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

13      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

15      La requérante fait valoir, en substance, que, en raison d’une similitude des signes sur les plans visuel et phonétique, leur identité sur le plan conceptuel ainsi que l’identité des produits et des services en cause, il existe un risque de confusion entre les deux marques.

16      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

20      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits et des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

21      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

22      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent recours.

 Sur le public pertinent

23      S’agissant du public pertinent, la chambre de recours a considéré, à juste titre, qu’il était composé du consommateur moyen de l’Union, étant donné que la marque antérieure était une marque communautaire. La requérante ne conteste pas cette affirmation.

 Sur la comparaison des produits et des services

24      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

25      La chambre de recours a considéré, à l’instar de la division d’opposition, aux points 20 et 22 de la décision attaquée, que les « farines » relevant de la classe 30, les « céréales panifiables, céréales pour l’alimentation animale, aliments pour les animaux, graines » relevant de la classe 31 et la « certification de semences, de céréales, de farine pour pâtisserie et produits de céréales » relevant de la classe 42 couverts par la marque demandée étaient différents des produits couverts par la marque antérieure, à savoir « biscuits, gâteaux, pâtisserie, crackers, produits de boulangerie et de paneterie, substituts de pain » relevant de la classe 30.

26      Les autres produits relevant de la classe 30 couverts par la marque demandée, à savoir les « pétales de céréales, céréales pour le petit déjeuner, préparations faites de céréales, pâtisseries, confiseries », ont été considérés par les instances de l’OHMI comme similaires ou identiques aux produits couverts par la marque antérieure.

27      Il convient d’approuver les conclusions de la chambre de recours renvoyant aux considérations de la division d’opposition.

28      D’ailleurs, la requérante ne conteste pas les conclusions selon lesquelles les produits couverts par les marques en cause sont partiellement identiques et partiellement similaires. Cependant, elle reproche à la chambre de recours d’avoir, dans le cadre de l’évaluation du risque de confusion, ignoré la jurisprudence selon laquelle l’identité ou la similitude des produits couverts par les marques peut compenser un degré moindre de similitude des signes.

29      En outre, bien que la motivation de la chambre de recours, au point 22 de la décision attaquée, soit très succincte, il convient de tenir compte de la motivation plus détaillée, à ce titre, dans la décision de la division d’opposition. En effet, étant donné que la chambre de recours a entériné cette décision dans son intégralité, et compte tenu de la continuité fonctionnelle entre divisions d’opposition et chambres de recours, dont atteste l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 [arrêt du Tribunal du 10 juillet 2006, La Baronia de Turis/OHMI – Baron Philippe de Rothschild (LA BARONNIE), T‑323/03, Rec. p. II‑2085, points 57 et 58], cette décision ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, contexte qui est connu de la requérante et qui permet au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité quant au bien-fondé de l’appréciation du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 novembre 2007, Wesergold Getränkeindustrie/OHMI – Lidl Stiftung (VITAL& FIT), T‑111/06, non publié au Recueil, point 64].

 Sur la comparaison des signes

30      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

31      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

32      En outre, un éventuel caractère distinctif faible d’un élément d’une marque complexe n’implique pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 54, et la jurisprudence citée].

33      La marque demandée est un signe figuratif constitué de la représentation en noir et blanc d’un double épi sur un fond marbré. À gauche apparaît une croix blanche rappelant celle qui figure sur le drapeau de la Confédération suisse. Dans la partie inférieure droite du signe se superposent les éléments verbaux « suisse » et « premium ».

34      La marque antérieure, quant à elle, est composée d’un cadre gris foncé dont la partie centrale se prolonge sur le côté gauche, l’ensemble produisant ainsi l’impression d’une étiquette. Dans le cadre, l’élément verbal « premium », écrit en blanc est superposé à l’image d’un épi.

35      La requérante fait valoir que les signes présentent un degré moyen ou élevé de similitude sur les plans visuel et phonétique et que, sur le plan conceptuel, ils sont pratiquement identiques.

36      S’agissant de la comparaison visuelle, la chambre de recours a considéré, au point 29 de la décision attaquée, qu’il existait une certaine similitude entre les marques dans la mesure où les deux partageaient l’élément verbal « premium ». Cet élément se distinguerait sur le plan visuel dans la marque antérieure. Dans la marque demandée, au contraire, ce sont les éléments figuratifs – la croix blanche, le fond et, surtout, le double épi – qui joueraient un rôle prépondérant. Ainsi, la chambre de recours a considéré que l’impression visuelle produite par les deux marques, dans leur ensemble, était très différente.

37      La requérante insiste sur le fait que la similitude des deux marques ne se résume pas au fait qu’elles ont en commun l’élément verbal « premium ». Les éléments verbaux seraient également écrits en lettres de couleur blanche sur un fond foncé et les deux marques comporteraient également le même élément figuratif, à savoir l’épi. Dans la marque demandée, l’élément verbal « suisse » écrit en caractères plus petits et moins épais n’aurait qu’un rôle secondaire dans l’impression visuelle produite par cette marque. Par conséquent, la similitude visuelle des marques serait moyenne, voire élevée.

38      Il y a lieu de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le fait que les deux marques comportaient l’élément verbal « premium » ne permettait pas de conclure à leur similitude sur le plan visuel. En effet, s’agissant de la marque demandée, ce sont les différents éléments figuratifs qui dominent l’impression d’ensemble produite par celle‑ci. Quant à la marque antérieure, le rôle joué par le dessin de l’épi dans celle‑ci est secondaire par rapport à l’élément verbal « premium », qui, au contraire, domine l’impression produite par cette marque. Ainsi, la similitude visuelle des marques en cause ne peut être qualifiée que de faible.

39      Il convient également de rejeter les arguments de la requérante relatifs à la disposition des éléments figuratifs dans les deux marques. Manifestement, les images de l’épi dans les deux marques sont différentes ainsi que leur positionnement. De même, il ne saurait être affirmé que l’élément « suisse » dans la marque demandée serait écrit en caractères plus petits, le plaçant ainsi au second plan.

40      S’agissant de la comparaison phonétique, la chambre de recours a estimé que les marques présentaient une certaine similitude dans la mesure où elles comportaient toutes les deux l’élément verbal « premium ».

41      La requérante, quant à elle, estime que, en raison du fait que l’élément verbal « suisse » serait d’une importance moindre sur le plan visuel dans la marque demandée, cette dernière sera prononcée comme « premium » ou « premium suisse », créant ainsi une similitude moyenne, voire élevée, des marques sur le plan phonétique.

42      Il convient de rejeter les arguments de la requérante. La marque demandée sera prononcée comme « suisse premium » et non pas comme « premium » ou « premium suisse ». En effet, instinctivement, les éléments verbaux que comportent les marques sont lus de haut en bas. Quant à la marque antérieure, le seul élément prononcé sera l’élément verbal « premium ». Par conséquent, la similitude des marques sur le plan phonétique doit être qualifiée de faible.

43      Par ailleurs, il est possible que le degré de similitude phonétique soit d’une importance réduite en raison du mode de commercialisation des produits en cause, impliquant que, habituellement, le public pertinent, lors de l’achat, perçoit la marque les désignant de façon visuelle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec. p. I‑7333, point 36). Au vu de la nature des produits en cause et de leur mode de commercialisation, c’est également le cas en l’espèce. Les produits en cause qui ont été considérés comme similaires ou identiques (voir point 26 ci‑dessus) sont, de manière générale, en vente libre et l’acheteur potentiel ne se réfère pas nécessairement à ces produits oralement.

44      S’agissant de la comparaison conceptuelle, la chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que les marques étaient en partie similaires dans la mesure où elles ont en commun l’élément verbal « premium ». Ce terme conférerait un certain prestige et une connotation d’excellence à son objet et sera facilement compris par le consommateur moyen de l’Union compte tenu de son utilisation fréquente dans le domaine du commerce des produits. La similitude conceptuelle serait nuancée par la présence de la référence à la Confédération suisse dans la marque demandée.

45      La requérante estime que les marques en conflit sont partiellement identiques sur le plan conceptuel, car le terme « premium » serait suggestif pour le consommateur moyen sans que l’ajout de l’élément « suisse » modifie substantiellement cette perception. L’ajout de l’élément figuratif commun, l’image d’un épi, évoquant certains produits de la classe 30, renforcerait l’identité conceptuelle des marques en cause.

46      Il y a lieu de constater que les deux marques ont en commun certains éléments pouvant contribuer à une similitude conceptuelle. Tout d’abord, les marques en cause, ainsi que l’avait constaté la chambre de recours, comportent l’élément « premium », qui, pour le consommateur de l’Union, fait référence à un niveau de qualité élevé des produits visés. De même, l’image d’un épi que contiennent les deux marques a un lien direct avec les produits et les services qu’elles désignent.

47      Toutefois, il convient de préciser que le message conceptuel véhiculé par la marque demandée est plus nuancé que celui de la marque antérieure : il ne s’agit pas uniquement des produits du blé de qualité premium, mais de ces produits et de ces services d’origine suisse, ce qui est démontré par la présence de la croix grecque, symbole helvétique, et par celle du mot « Suisse ».

48      La requérante conteste également la compréhension de l’élément « premium » par l’ensemble des consommateurs de l’Union. Elle estime que le consommateur moyen non anglophone percevra le terme « premium » comme quelque chose de positif, mais de manière confuse, imprécise et non claire.

49      Les affirmations de la requérante ne sont pas fondées. À l’instar de l’OHMI, il convient de relever que le terme « premium » est largement utilisé dans l’industrie agroalimentaire pour décrire les qualités des produits.

50      En tout état de cause, au vu de la jurisprudence citée au point 20 ci‑dessus, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit que l’existence du risque de confusion soit constatée dans une partie de l’Union. Or, il est constant que terme « premium » étant un mot anglais, il sera nécessairement compris par les habitants d’Irlande, de Malte et du Royaume-Uni, ces pays ayant l’anglais comme langue officielle. De même, le Tribunal a déjà souligné qu’une compréhension de base de la langue anglaise par le grand public, en tout cas celui des Pays-Bas, de la Finlande et des pays scandinaves, est un fait notoire. Cela vaut également pour Chypre [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 décembre 2010, Earle Beauty/OHMI (NATURALLY ACTIVE), T‑307/09, non publié au Recueil, point 26, et la jurisprudence citée].

51      Il s’ensuit qu’il existe une similitude moyenne entre les marques en cause sur le plan conceptuel.

 Sur le risque de confusion

52      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt VENADO avec cadre e.a., précité, point 74).

53      La chambre de recours a considéré, au point 40 de la décision attaquée, que la présence, dans les deux marques, de l’élément verbal « premium » ne permettait pas, en l’espèce, de conclure à l’existence d’un risque de confusion, même en ce qui concerne les produits identiques. Elle a estimé que la similitude des marques reposait exclusivement sur un terme dépourvu de caractère distinctif intrinsèque, qui ne sera pas mémorisé par les consommateurs comme l’élément clé des marques en cause.

54      Selon la requérante, la chambre de recours aurait mal appliqué la jurisprudence citée au point 52 ci‑dessus. D’après elle, une éventuelle faible similitude des marques serait compensée, en l’espèce, par une grande similitude des produits. Par conséquent, il existerait un risque de confusion entre les marques en cause, notamment, dans les cas des produits identiques.

55      En l’espèce, une partie des produits couverts par la marque demandée ont été estimés comme étant similaires ou identiques. Les marques présentaient un degré faible de similitude sur les plans visuel et phonétique ainsi qu’une similitude moyenne sur le plan conceptuel.

56      S’agissant du caractère distinctif de l’élément « premium » commun aux deux marques, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que celui‑ci présente un caractère distinctif très faible. Ainsi qu’il a été déjà constaté au point 46 ci‑dessus, ce terme évoque, de manière élogieuse, quelque chose d’excellent. Par conséquent, il sera compris par une partie du public pertinent, à tout le moins celui des pays anglophones, comme se référant à la qualité du produit.

57      En outre, la requérante invoque l’arrêt du Tribunal du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM) (T‑334/03, Rec. p. II‑65), selon lequel ce terme serait évocateur en ce qui concerne les produits en cause, mais non descriptif pour ceux‑ci.

58      Il convient de relever que, bien qu’il ne désigne pas des qualités précises des produits en cause, le terme « premium » décrit les produits couverts par des marques comme étant de qualité supérieure. Ainsi, même s’il ne peut pas être considéré comme directement descriptif, ce terme sera considéré comme laudatif, permettant ainsi de conclure à un faible caractère distinctif. De même, il y a également lieu de noter que les conclusions que le Tribunal tire dans l’arrêt EUROPREMIUM, précité, ne sont pas directement applicables en l’espèce. D’une part, les produits en cause relevaient de catégories différentes et, d’autre part, l’arrêt en question concernait les motifs absolus de refus et le Tribunal n’a pas examiné le caractère distinctif du terme « premium ».

59      Au vu de tout ce qui précède, la chambre de recours était fondée à conclure à l’absence de risque de confusion entre les marques en cause. Les différences existant entre les marques, notamment sur le plan visuel, et le faible caractère distinctif de l’élément verbal « premium » neutralisent en l’espèce la similitude ou l’identité d’une partie des produits (voir points 25 et 26 ci‑dessus), de sorte que tout risque de confusion entre les marques en cause peut être exclu.

60      Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Kraft Foods Global Brands LLC est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mai 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.