Language of document : ECLI:EU:C:2012:651

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

18 octobre 2012 (*)

«Directive 2005/29/CE – Pratiques commerciales déloyales – Pratique consistant à informer le consommateur du fait qu’il a gagné un prix et l’obligeant, afin de recevoir ledit prix, à supporter un coût quelconque»

Dans l’affaire C‑428/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni), par décision du 2 août 2011, parvenue à la Cour le 16 août 2011, dans la procédure

Purely Creative Ltd,

Strike Lucky Games Ltd,

Winners Club Ltd,

McIntyre & Dodd Marketing Ltd,

Dodd Marketing Ltd,

Adrian Williams,

Wendy Ruck,

Catherine Cummings,

Peter Henry

contre

Office of Fair Trading,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. U. Lõhmus et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 juin 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour Purely Creative Ltd e.a., par M. K. de Haan, QC, et M. N. Tillott, solicitor,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski et Mme E. Jenkinson, en qualité d’agents, assistés de Mme J. Simor, barrister,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme W. Ferrante, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme J. Samnadda, M. M. van Beek et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du point 31 de l’annexe 1 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149, p. 22).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant cinq entreprises spécialisées dans le publipostage et plusieurs personnes ayant travaillé dans ces entreprises (ci-après les «professionnels») à l’Office of Fair Trading (ci-après l’«OFT»), chargé de veiller à l’application de la réglementation protégeant les consommateurs, au sujet des pratiques utilisées par les professionnels.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 6, 8 et 16 à 19 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales énoncent ce qui suit:

«(6)      La présente directive a [...] pour objet de rapprocher les législations des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et, par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes. [...]

[...]

(8)      La présente directive protège expressément les intérêts économiques des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur égard. [...]

[...]

(16)      Les dispositions sur les pratiques commerciales agressives devraient couvrir les pratiques qui altèrent de manière significative la liberté de choix du consommateur. Il s’agit de pratiques incluant le harcèlement, la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou une influence injustifiée.

(17)      Afin d’apporter une plus grande sécurité juridique, il est souhaitable d’identifier les pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales. L’annexe I contient donc la liste complète de toutes ces pratiques. Il s’agit des seules pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9. Cette liste ne peut être modifiée que par une révision de la directive.

(18)      Il convient de protéger tous les consommateurs des pratiques commerciales déloyales. [...] Conformément au principe de proportionnalité, et en vue de permettre l’application effective des protections qui en relèvent, la présente directive prend comme critère d’évaluation le consommateur moyen qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques, selon l’interprétation donnée par la Cour de justice, mais prévoit également des dispositions visant à empêcher l’exploitation de consommateurs dont les caractéristiques les rendent particulièrement vulnérables aux pratiques commerciales déloyales. Lorsqu’une pratique commerciale s’adresse spécifiquement à un groupe particulier de consommateurs, comme les enfants, il est souhaitable que son incidence soit évaluée du point de vue du membre moyen de ce groupe. [...] La notion de consommateur moyen n’est pas une notion statistique. Les juridictions et les autorités nationales devront s’en remettre à leur propre faculté de jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice, pour déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné.

(19)      Lorsque certaines caractéristiques, telles que l’âge, une infirmité physique ou mentale ou la crédulité, rendent un groupe particulier de consommateurs particulièrement vulnérable à une pratique commerciale ou au produit qu’elle concerne, ou lorsque le comportement économique de ce seul groupe de consommateurs est susceptible d’être altéré par cette pratique d’une manière que le professionnel peut raisonnablement prévoir, il y a lieu de veiller à ce que ce groupe soit suffisamment protégé, en évaluant la pratique en cause du point de vue du membre moyen de ce groupe.»

4        L’article 1er de cette directive dispose:

«L’objectif de la présente directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des consommateurs.»

5        À l’article 2, sous e), de ladite directive figure la définition suivante:

«‘altération substantielle du comportement économique des consommateurs’: l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement».

6        L’article 5 de la même directive, intitulé «Interdiction des pratiques commerciales déloyales», est ainsi rédigé:

«1.      Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

2.      Une pratique commerciale est déloyale si:

a)      elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,

et

b)      elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

[...]

4.      En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont:

a)      trompeuses au sens des articles 6 et 7,

ou

b)      agressives au sens des articles 8 et 9.

5.      L’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Cette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu’au travers d’une révision de la présente directive.»

7        L’article 8 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, intitulé «Pratiques commerciales agressives», est libellé comme suit:

«Une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.»

8        L’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales est constituée d’une liste de 31 points décrivant des pratiques réputées déloyales en toutes circonstances. Les pratiques décrites aux points 1 à 23 de cette annexe figurent sous le titre «Pratiques commerciales trompeuses» tandis que les pratiques décrites aux points 24 à 31 de celle-ci figurent sous le titre «Pratiques commerciales agressives».

9        Le point 20 de l’annexe I de ladite directive est libellé comme suit:

«Décrire un produit comme étant ‘gratuit’, ‘à titre gracieux’, ‘sans frais’ ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d’autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l’article.»

10      Le point 31 de ladite annexe est rédigé dans les termes suivants:

«Donner la fausse impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait,

–        soit il n’existe pas de prix ou autre avantage équivalent,

–        soit l’accomplissement d’une action en rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à l’obligation pour le consommateur de verser de l’argent ou de supporter un coût.»

 Le droit national

11      La directive sur les pratiques commerciales déloyales a été transposée par le règlement relatif à la protection des consommateurs contre le commerce déloyal de 2008 [Consumer Protection from Unfair Trading Regulations 2008 (SI 1277/2008), ci-après le «règlement»]. La règle 3 du règlement interdit les pratiques déloyales. La règle 5 de celui-ci interdit les actions trompeuses, tandis que sa règle 6 interdit les omissions trompeuses.

12      L’annexe I du règlement correspond à l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Elle ne comprend cependant pas les titres qui figurent dans cette dernière annexe. Le point 31 de l’annexe I du règlement reprend, en des termes identiques, le point 31 de l’annexe I de ladite directive.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Après un long processus de consultations et de négociations entre l’OFT et les professionnels, tendant à obtenir de ces derniers qu’ils s’engagent à respecter certaines règles en matière de publicité, l’OFT a engagé une procédure devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Companies Court), aux fins d’obtenir une injonction ordonnant aux professionnels de cesser de distribuer des publicités semblables à cinq publicités spécifiques, réalisées au cours de l’année 2008 et numérotées de 5 à 9 dans les dossiers présentés à cette juridiction. L’OFT prétendait que ces publicités étaient interdites en ce qu’elles constituaient des «pratiques commerciales déloyales» en vertu de la règle 3 du règlement, au motif qu’elles violaient le paragraphe 31, sous b), de l’annexe 1 de ce règlement et qu’elles incluaient des actions trompeuses au sens de la règle 5 de celui-ci ainsi que des omissions trompeuses au sens de la règle 6 dudit règlement.

14      Lesdites publicités comprennent des lettres adressées individuellement, des coupons et autres encarts publicitaires placés dans des journaux et des magazines. Bien que, dans le détail, elles soient différentes, elles présentent plusieurs caractéristiques communes, décrites comme suit par la juridiction de renvoi, à savoir la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division):

–        le consommateur est informé du fait qu’il est en droit de demander l’un des prix ou récompenses spécifiés, qui vont de prix ayant une valeur considérable jusqu’à des prix ne valant guère plus de quelques GBP et désignés, au cours de la procédure, comme les «prix les plus répandus». Entre ces deux extrêmes figurent plusieurs prix dont la valeur se situe entre ceux-ci. Il n’est pas contesté que les prix en question ont effectivement été mis à la disposition des consommateurs concernés;

–        sauf dans le cas de la publicité 8, le consommateur bénéficiait de plusieurs options pour découvrir ce qu’il était en droit de demander et pour obtenir un numéro de demande:

–        appeler un numéro de téléphone surtaxé,

–        utiliser un service SMS de télétexte inversé, ou

–        obtenir des informations par voie postale ordinaire;

la méthode utilisant la voie postale était moins mise en avant que celle recourant au numéro de téléphone surtaxé, de sorte que les consommateurs étaient encouragés à utiliser une voie plus onéreuse que la voie postale. En ce qui concerne la publicité 5, il a été constaté qu’au moins 80 % des consommateurs participants avaient répondu par téléphone ou par télétexte. Aucun constat précis n’a été établi sur ce point en ce qui concerne les autres publicités. Le numéro de téléphone concerné correspondait à une ligne surtaxée. Le consommateur était informé du coût à la minute et de la durée maximale de l’appel;

–        le consommateur n’était pas informé du fait que:

–        la durée minimale de l’appel permettant d’obtenir les informations nécessaires aux fins de demander le prix le plus répandu était inférieure de quelques secondes à la durée maximale d’appel,

–        l’entreprise à l’origine de la publicité percevait 1,21 GBP sur le coût à la minute facturé 1,50 GBP;

–        dans certains cas, le consommateur était tenu de payer des frais supplémentaires stipulés pour la livraison et l’assurance, dont une partie était utilisée par l’entreprise à l’origine de la publicité pour financer le coût d’acquisition de l’article demandé, et

–        plus de 99 % des personnes demandant un prix étaient en droit de recevoir le prix le plus répandu, dont la valeur équivalait ou correspondait à une part substantielle de ce qu’elles avaient déjà déboursé en frais de téléphone ou de télétexte et/ou en frais stipulés pour la livraison et l’assurance.

15      À titre d’exemple, s’agissant de la publicité 5, il ressort des points 87 et 90 de la décision de la High Court que, pour recevoir une montre prétendument suisse, fabriquée au Japon, un consommateur devait payer 18 GBP (8,95 GBP de téléphone, 8,50 GBP d’assurance et de frais de port ainsi que le coût de deux enveloppes et de deux timbres-poste). Si le consommateur choisissait la voie postale, son débours était de 9,50 GBP. En cas d’utilisation du téléphone, le professionnel percevait au total 15,71 GBP (7,21 GBP de téléphone et 8,50 GBP d’assurance et de frais de port), alors que ses frais étaient de 9,36 GBP.

16      Les publicités 6 et 8 concernent des croisières. Ainsi qu’il ressort des points 171 à 173 de la décision de la High Court, dans la publicité 8, le consommateur faisant partie des 356 578 personnes ayant gagné une croisière en mer Méditerranée pour quatre personnes pouvait réclamer son prix en remplissant un formulaire et en payant 14,95 GBP pour l’assurance et le port. Il recevait alors un bon, dont le prix de revient pour le professionnel était de 0,35 GBP. La lecture des petits caractères figurant sur ce bon lui permettait de se rendre compte que la croisière était de trois jours, en Corse (France) et en Sardaigne (Italie), à partir d’un port non spécifié de Toscane (Italie) et à des dates non spécifiées. Ledit bon permettait de bénéficier d’un transport au départ de l’Angleterre vers le lieu de départ de la croisière ainsi que le voyage de retour pour un prix de 159 GBP. Un supplément devait être versé pour obtenir une cabine d’un ou de deux lits (et non de quatre lits). Le consommateur devait s’acquitter des frais de nourriture et de boisson ainsi que des taxes portuaires. Selon la High Court, deux couples de deux personnes auraient dû débourser 1 596 GBP, soit 399 GBP par personne pour participer à cette croisière.

17      Ainsi que l’ont expliqué les professionnels dans les observations qu’ils ont présentées devant la Cour, ce qui est important pour eux est constitué par les bases de données à jour des participants susceptibles de répondre aux publicités mettant en jeu des prix, ces données pouvant être utilisées pour proposer d’autres produits pertinents aux consommateurs ou être cédées à d’autres sociétés souhaitant proposer leurs produits.

18      La High Court a estimé que les publicités en cause impliquaient des pratiques commerciales déloyales, dans une mesure toutefois plus limitée que ce que soutenait l’OFT.

19      Dans sa décision, cette juridiction a relevé que la pratique décrite au point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales figure sous le titre «Pratiques commerciales agressives», et non sous le titre «Pratiques commerciales trompeuses», soulignant cependant que ces titres ne figurent pas dans l’annexe I du règlement. Toutefois, au point 47 de ladite décision, la High Court a considéré que le caractère trompeur d’une opération commerciale est au cœur de l’interdiction prévue au point 31 de l’annexe I de ladite directive. Elle a admis l’argument selon lequel ce point 31 ne serait pas applicable si le paiement exigé était d’un montant modique (correspondant à l’achat d’un timbre-poste ou au coût d’un appel téléphonique ordinaire), si aucune partie de celui-ci ne bénéficiait au professionnel concerné et si ce paiement était négligeable par rapport à la valeur du prix gagné.

20      Dans le cadre de ses compétences, la High Court a rendu une décision fixant les engagements pris par les professionnels. Ceux-ci se sont engagés, en vertu du point 1 de cette décision, à s’abstenir de «donner la fausse impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait, l’accomplissement d’une action recommandée par le défendeur en rapport avec la demande du prix ou d’un autre avantage équivalent est subordonné à l’obligation pour le consommateur de verser de l’argent ou de supporter un coût:

a)      qui représentent une part substantielle du coût unitaire supporté par le défendeur pour fournir au consommateur la chose décrite comme un prix ou un autre avantage équivalent, ou

b)      en cas de frais stipulés pour la livraison et l’assurance, qui sont utilisés par le défendeur pour financer tout ou partie de son acquisition, du traitement ou de tout autre coût lié à la mise à disposition de cette chose, autre que le coût réel de livraison au consommateur et d’assurance (le cas échéant) lors du transport».

21      Les professionnels ont interjeté appel de la décision de la High Court devant la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division), demandant que le paragraphe 1 de celle-ci soit modifié en vue de supprimer ledit point 1, sous a), ou, à titre alternatif, de le remplacer par le texte suivant:

«a)      une part substantielle du coût probable d’acquisition pour le consommateur moyen de la chose présentée comme un prix ou un autre avantage équivalent».

22      L’OFT a formé un appel incident portant également sur le point 1, sous a), de l’injonction, demandant que son contenu soit remplacé par les termes suivants:

«donner l’impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait, l’accomplissement de toute action indiquée par les défendeurs en rapport avec la demande du prix ou d’un autre avantage équivalent est subordonné à l’obligation pour le consommateur de verser de l’argent ou [de supporter un coût]» ou, à titre alternatif, «[autre chose qu’un coût négligeable]».

23      La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) estime qu’une interprétation correcte du point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales est nécessaire, car les réglementations des États membres transposant cette disposition sont divergentes. La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a, dès lors, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La pratique prohibée par le point 31 de l’annexe I de la directive [sur les pratiques commerciales déloyales] interdit-elle aux professionnels d’informer les consommateurs qu’ils ont gagné un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait, le consommateur est invité à supporter un coût, même négligeable, en rapport avec la demande du prix ou d’un autre avantage équivalent?

2)      Si le professionnel offre plusieurs méthodes possibles au consommateur pour demander le prix ou un autre avantage équivalent, y a-t-il violation du point 31 de l’annexe I [de la directive sur les pratiques commerciales déloyales] si l’accomplissement d’une action en rapport avec l’une des méthodes de demande [du prix ou d’un autre avantage équivalent] est subordonné au fait que le consommateur supporte un coût, même négligeable?

3)      En l’absence de violation du point 31 de l’annexe I [de la directive sur les pratiques commerciales déloyales] lorsque la méthode de demande [du prix ou d’un autre avantage équivalent] implique que le consommateur ne supporte que des coûts négligeables, comment le juge national doit-il déterminer si ces coûts sont négligeables? En particulier, ces coûts doivent-ils être totalement nécessaires afin que:

a)      l’entreprise à l’origine de la publicité identifie le consommateur comme étant le gagnant du prix;

b)      le consommateur prenne possession du prix, et/ou

c)      le consommateur bénéficie de l’expérience présentée comme le prix?

4)      L’utilisation des termes ‘fausse impression’ visés au point 31 [de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales] impose-t-elle quelque condition supplémentaire venant s’ajouter à celle selon laquelle le consommateur doit verser de l’argent ou supporter un coût en rapport avec la demande du prix pour que le juge national conclue que les dispositions du[dit] point 31 ont été violées?

5)      Si tel est le cas, comment le juge national doit-il déterminer si une ‘fausse impression’ a été donnée? En particulier, le juge national est-il tenu d’examiner la valeur relative du prix par rapport au coût supporté pour le demander aux fins de décider si une ‘fausse impression’ a été donnée? Si tel est le cas, cette ‘valeur relative’ doit-elle être appréciée au regard:

a)      du coût unitaire supporté par l’entreprise à l’origine de la publicité pour acquérir le prix;

b)      du coût unitaire supporté par l’entreprise à l’origine de la publicité pour fournir le prix au consommateur, ou

c)      de la valeur que le consommateur peut accorder au prix selon une évaluation de la ‘valeur marchande’ d’un article équivalent à l’achat?»

 Sur les questions préjudicielles

24      Par ses questions, la juridiction de renvoi demande une interprétation du point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, plus particulièrement de l’expression «fausse impression» et du second tiret de ce point, afin de déterminer si cette disposition interdit que soit imposé un coût, même négligeable, à un consommateur à qui il a été annoncé qu’il a gagné un prix.

25      S’agissant du libellé de ladite disposition, il y a lieu de constater qu’elle se compose de deux éléments opposés, séparés par les termes «alors que, en fait». La première partie de ce point 31, à savoir «[d]onner la fausse impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent», décrit trois impressions fausses qui peuvent être créées dans l’esprit d’un consommateur à l’égard d’un prix ou d’un avantage. La seconde partie dudit point décrit deux circonstances factuelles distinctes. La première est celle dans laquelle il n’existe ni prix ni avantage équivalent, tandis que la seconde est celle dans laquelle il existe un prix ou un autre avantage mais où, pour obtenir le prix, le consommateur doit accomplir une action qui est subordonnée à l’obligation de verser de l’argent ou de supporter un coût.

26      La structure de la phrase qui compose le point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales montre que les deux circonstances factuelles décrites dans la seconde partie de ce point explicitent la première partie de celui-ci. En d’autres termes, une fausse impression est donnée lorsque les éléments de l’une ou de l’autre circonstance décrite dans ladite seconde partie sont présents.

27      Les professionnels insistent cependant sur le fait que la «fausse impression» constitue un élément distinct des circonstances décrites dans la seconde partie de ce point 31, si bien qu’il n’y aurait pas de pratique déloyale lorsque le consommateur est informé à suffisance du coût exigé pour réclamer le prix. Ils font valoir que l’expression «fausse impression» a été introduite par le Parlement européen lors de la deuxième lecture du projet de directive et que cet ajout du colégislateur conforte l’interprétation selon laquelle la «fausse impression» est un élément constitutif essentiel de la pratique déloyale, distinct des circonstances décrites dans les deux tirets dudit point 31.

28      Toutefois, il ressort de la structure de la phrase analysée au point 26 du présent arrêt que la «fausse impression» ne saurait être considérée comme un élément distinct des deux circonstances décrites dans la seconde partie du point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Par ailleurs, s’il n’est pas contesté que c’est le Parlement qui a introduit l’expression «fausse impression» dans le texte de ladite directive, il importe de relever que la modification introduite par celui-ci, telle qu’elle ressort de la recommandation pour la deuxième lecture, du 7 février 2005, relative à la position commune du Conseil en vue de l’adoption de la directive du Parlement européen et du Conseil relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (A6‑0027/2005 final), comporte non seulement l’ajout de cette expression, mais également celui des circonstances décrites dans les deux tirets dudit point 31. L’analyse des modifications introduites par le Parlement conforte donc l’interprétation exposée au point 26 du présent arrêt, selon laquelle les circonstances décrites dans ces tirets explicitent l’expression «fausse impression» et que celle-ci ne constitue pas un élément constitutif de la pratique déloyale indépendant desdites circonstances.

29      En tout état de cause, ainsi que l’a souligné à juste titre la Commission européenne, le terme «fausse» n’est pas indispensable à la compréhension du point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales mais ne fait que renforcer la phrase en question. En effet, la pratique interdite est constituée par l’action de donner l’une des impressions visées dans la première partie de ce point, alors que, ainsi que le relève la seconde partie dudit point, ces impressions ne correspondent pas à la réalité.

30      S’agissant plus particulièrement du second tiret du point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, il y a lieu de constater que, selon le libellé de cette disposition, constitue une pratique déloyale le fait d’exiger d’un consommateur qu’il verse de l’argent ou supporte un coût lorsqu’il accomplit une action en rapport avec la demande de ce qui lui est présenté comme prix ou autre avantage équivalent. Ce texte ne prévoit aucune exception, si bien que l’expression «supporter un coût» n’apparaît pas comme permettant de faire supporter au consommateur le moindre coût, qu’il s’agisse d’un coût négligeable par rapport à la valeur du prix ou d’un coût qui ne procurerait aucun avantage pour le professionnel, tel le coût d’un timbre-poste.

31      S’agissant des termes «d’une action en rapport avec la demande du prix», ceux-ci ont un contenu peu précis et peuvent, dès lors, recouvrir, notamment, toute démarche par laquelle le consommateur s’informe de la nature de son prix ou cherche à entrer en possession de celui-ci.

32      Les professionnels mettent en évidence les termes «en accomplissant tel acte» et en déduisent une absence de pratique déloyale lorsque le consommateur peut choisir entre plusieurs options, dont l’une est peu coûteuse ou sans frais, pour agir en rapport avec la demande du prix.

33      Il y a lieu cependant de relever que les termes «en accomplissant tel acte» figurent dans la première partie du point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, visent l’hypothèse dans laquelle est donnée l’impression du gain futur d’un prix lorsqu’un acte déterminé est accompli, par exemple l’achat de produits proposés dans un catalogue, et ne sont, dès lors, pas pertinents aux fins de l’interprétation du second tiret dudit point 31, qui vise les actions en rapport avec la demande d’un prix présenté au consommateur comme étant déjà gagné.

34      En outre, compte tenu du caractère absolu de l’interdiction d’imposer un coût, le fait de proposer plusieurs options ne saurait supprimer le caractère déloyal de la pratique lorsque certaines des options proposées imposent au consommateur de supporter un coût, quand bien même celui-ci serait négligeable au regard de la valeur du prix.

35      L’interprétation littérale du point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales est confortée par l’analyse de son contexte.

36      Ainsi, il importe de souligner que cette disposition figure à l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales qui, ainsi que le précise l’article 5, paragraphe 5, de cette dernière, contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Cet élément conforte l’interprétation selon laquelle aucune appréciation ne doit être nécessaire pour vérifier l’existence d’une intention trompeuse ou d’un caractère trompeur distinct des circonstances décrites dans les deux tirets de la seconde partie dudit point 31, ou encore le caractère négligeable d’un coût.

37      En outre, ce point 31 figure sous le titre «Pratiques commerciales agressives» de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, ce qui exclut toute pertinence du caractère trompeur de la pratique commerciale. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 8 de ladite directive, une pratique agressive est une pratique qui, en raison de ses caractéristiques, amène ou est susceptible d’amener un consommateur à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

38      Ainsi que l’ont souligné, notamment, les gouvernements du Royaume-Uni et italien, la pratique en cause au point 31, second tiret, de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales exploite l’effet psychologique provoqué par l’annonce du gain d’un prix, afin d’inciter le consommateur à effectuer un choix qui n’est pas toujours rationnel, tel qu’appeler un numéro de téléphone surtaxé pour s’informer de la nature du prix, effectuer un déplacement coûteux pour prendre possession d’un lot de vaisselle de faible valeur ou payer des frais de livraison d’un livre qu’il possède déjà.

39      À cet égard, il importe peu que le prix soit d’une très grande valeur au regard des coûts nécessaires pour en prendre possession. Les professionnels ont à de nombreuses reprises évoqué devant la Cour l’hypothèse d’un prix qui serait constitué d’une voiture de luxe dont le consommateur devrait cependant prendre livraison dans le pays de construction de celle-ci après en avoir assumé les frais d’immatriculation ou d’assurance.

40      Il y a lieu, toutefois, de relever qu’un tel exemple est peu représentatif des prix généralement offerts aux consommateurs. En tout état de cause, ainsi que l’a souligné le gouvernement du Royaume-Uni, le public ciblé par les pratiques en cause n’a pas nécessairement la capacité financière d’assumer de tels frais, même en contractant un emprunt. Enfin, le fait d’interdire aux professionnels de faire supporter le moindre coût au consommateur ne rendrait pas impossible l’organisation de telles actions promotionnelles. En effet, le professionnel pourrait prévoir une limitation géographique en ce qui concerne la participation au concours ou à l’action promotionnelle, afin de limiter les coûts qu’il doit supporter et qui sont liés au déplacement du consommateur et aux formalités nécessaires à la prise de possession du prix par ce dernier. Le professionnel pourrait également tenir compte des frais de communication et de livraison qu’il devrait supporter lorsqu’il détermine la valeur des prix à distribuer.

41      S’agissant de l’absence de reprise des titres figurant à l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales dans la législation nationale, celle-ci ne saurait être pertinente aux fins de l’interprétation de cette directive. Il en est de même des divergences constatées entre les différentes lois nationales mettant en œuvre ladite directive, invoquées par les professionnels. En revanche, il importe de rappeler que, en appliquant le droit national, la juridiction nationale appelée à interpréter ce dernier est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive sur les pratiques commerciales déloyales pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l’article 288, troisième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing, C‑106/89, Rec. p. I‑4135, point 8; du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 113, ainsi que du 28 juillet 2011, Samba Diouf, C‑69/10, Rec. p. I‑7151, point 60).

42      Ainsi que l’a fait valoir à juste titre le gouvernement du Royaume-Uni, l’interprétation du point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales peut être éclairée par la lecture du point 20 de ladite annexe. Cette disposition prévoit que constitue une pratique trompeuse le fait de décrire un produit comme étant «gratuit», «à titre gracieux», «sans frais» ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d’autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l’article. Ledit point 31 ne comporte pas une formulation semblable, ce qui conforte une interprétation de celui-ci selon laquelle l’interdiction de faire supporter le moindre coût par le consommateur est absolue, qu’il s’agisse du coût d’un timbre-poste ou d’une communication téléphonique ordinaire.

43      Les objectifs de la directive sur les pratiques commerciales déloyales confirment l’interprétation littérale du point 31 de l’annexe I de celle-ci.

44      L’article 1er de ladite directive prévoit que celle-ci a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs (arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C‑261/07 et C‑299/07, Rec. p. I‑2949, point 51).

45      Ainsi qu’il ressort des considérants de la directive sur les pratiques commerciales déloyales et, notamment, du considérant 17 de celle-ci, la sécurité juridique est un élément essentiel pour le bon fonctionnement du marché intérieur. C’est en vue d’atteindre cet objectif que le législateur a regroupé à l’annexe I de cette directive les pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales et qui, dès lors, ne nécessitent pas une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de ladite directive.

46      Cet objectif ne serait pas atteint si le point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales était interprété comme incluant un élément de tromperie, distinct des circonstances décrites dans la seconde partie de cette disposition. En effet, la preuve de l’existence de cet élément nécessiterait des évaluations difficiles, effectuées au cas par cas, que l’inclusion de la pratique dans cette annexe I vise précisément à éviter.

47      De même, cet objectif ne serait pas atteint si les professionnels étaient autorisés à imposer au consommateur des «coûts négligeables» au regard de la valeur du prix. En effet, cela imposerait de déterminer des méthodes d’évaluation tant des coûts que des prix et nécessiterait également de telles évaluations.

48      L’objectif d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs conforte également l’interprétation du point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, selon laquelle aucun coût ne peut être imposé au consommateur qui a gagné un prix.

49      Ainsi que l’a fait valoir notamment le gouvernement du Royaume-Uni, et ainsi qu’il a été rappelé au point 38 du présent arrêt, la pratique visée au point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales est considérée comme agressive par cette dernière car l’allusion à un prix vise à exploiter l’effet psychologique créé dans l’esprit du consommateur par la perspective d’un gain et à amener celui-ci à prendre une décision qui n’est pas toujours rationnelle et qu’il n’aurait pas prise autrement. C’est, dès lors, en vue de protéger le consommateur qu’il importe de préserver l’intégrité de la notion de «prix» en interprétant le point 31 de l’annexe I de ladite directive en ce sens qu’un prix pour lequel le consommateur est tenu d’effectuer un paiement quelconque ne peut pas être qualifié de «prix».

50      Cet objectif conforte l’interprétation selon laquelle il ne saurait être admis que les actions en rapport avec la demande d’un prix puissent être réalisées selon plusieurs méthodes proposées au consommateur par le professionnel, dont au moins l’une d’entre elles serait gratuite. En effet, c’est la perspective même de prendre possession du prix qui influence le consommateur et qui peut amener ce dernier à prendre une décision qu’il n’aurait pas prise autrement, telle que celle de choisir la méthode la plus rapide pour connaître le prix qu’il a gagné, alors que cette méthode peut être celle qui entraîne le coût le plus élevé.

51      Les professionnels ont fait valoir qu’une information adéquate du consommateur, en ce qui concerne la nature du prix et les conditions de la prise de possession de celui-ci, devrait permettre de considérer que la pratique suivie n’est pas déloyale. À cet égard, il importe de distinguer ce qui constitue le prix de ce qui constitue la prise de possession de ce dernier. En effet, si la description du prix s’impose au consommateur, le point 31 de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales interdit que les actions en rapport avec la demande du prix soient subordonnées à l’obligation, pour le consommateur, de verser de l’argent ou de supporter un coût.

52      Ainsi, pour reprendre l’un des exemples cités lors de l’audience, un prix défini comme «un billet d’entrée» pour un match de football déterminé ne comprend pas le transport du consommateur de son domicile au stade de football où a lieu ce match. En revanche, si le prix est constitué par «le fait d’assister» à cette rencontre sportive, sans autre précision, il appartient au professionnel de prendre en charge les frais de déplacement du consommateur.

53      Une information claire et adéquate du consommateur est importante dans le cas où le professionnel veut faire identifier le prix gagné et apprécier la consistance de celui-ci. À cet égard, il importe de rappeler que, selon le considérant 18 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, lorsqu’une pratique commerciale s’adresse spécifiquement à un groupe particulier de consommateurs, il est souhaitable que son incidence soit évaluée du point de vue du membre moyen de ce groupe. Selon ce considérant, les juridictions nationales, notamment, doivent s’en remettre à leur propre faculté de jugement pour déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné.

54      Le considérant 19 de la même directive insiste sur la notion de groupe particulier particulièrement vulnérable à une pratique commerciale et sur la nécessité de protéger les consommateurs faisant partie de ce groupe en évaluant la pratique en cause du point de vue du membre moyen de celui-ci. L’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive sur les pratiques commerciales déloyales définit ainsi le caractère déloyal d’une pratique par rapport au groupe particulier de consommateurs ciblé par cette pratique.

55      Comme toute autre information fournie par un professionnel à un consommateur, celle précisant en quoi consiste le prix doit être examinée et appréciée par les juridictions nationales à la lumière des considérants 18 et 19 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales ainsi que de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de celle-ci. Cela concerne tant la disponibilité de l’information que le support de cette dernière, le caractère lisible des textes, la clarté et la compréhensibilité de ceux-ci par le public ciblé par la pratique.

56      S’agissant, notamment, de la pratique décrite au point 16 du présent arrêt, il importe que le public visé par l’offre d’un tel prix soit en mesure de connaître notamment les dates de la croisière, les points de départ et d’arrivée de cette dernière ainsi que les conditions de logement et de nourriture. C’est aux juridictions nationales qu’il appartient de vérifier si les informations fournies sont suffisamment claires et compréhensibles pour le public ciblé par la pratique pour permettre au consommateur moyen du groupe concerné de prendre une décision en connaissance de cause.

57      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que:

–        le point 31, second tiret, de l’annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales doit être interprété en ce sens qu’il interdit les pratiques agressives par lesquelles des professionnels donnent l’impression fausse que le consommateur a déjà gagné un prix, alors que l’accomplissement d’une action en rapport avec la demande de ce prix, qu’il s’agisse d’une demande d’information relative à la nature dudit prix ou de la prise de possession de celui-ci, est subordonné à l’obligation, pour le consommateur, de verser de l’argent ou de supporter un coût quelconque;

–        il est sans incidence que le coût imposé au consommateur, tel le coût d’un timbre-poste, soit négligeable par rapport à la valeur du prix ou qu’il ne procure aucun bénéfice au professionnel;

–        il est sans incidence également que les actions en rapport avec la demande d’un prix puissent être réalisées selon plusieurs méthodes proposées au consommateur par le professionnel, dont au moins l’une d’entre elles serait gratuite, dès lors que l’une ou plusieurs des méthodes proposées supposent que le consommateur supporte un coût pour s’informer au sujet du prix ou des modalités d’obtention de ce dernier;

–        il appartient aux juridictions nationales d’apprécier les informations fournies aux consommateurs à la lumière des considérants 18 et 19 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales ainsi que de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de celle-ci, c’est-à-dire en tenant compte de la clarté et de la compréhensibilité de ces informations par le public ciblé par la pratique suivie.

 Sur les dépens

58      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

Le point 31, second tiret, de l’annexe I de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales»), doit être interprété en ce sens qu’il interdit les pratiques agressives par lesquelles des professionnels, tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, donnent l’impression fausse que le consommateur a déjà gagné un prix, alors que l’accomplissement d’une action en rapport avec la demande de ce prix, qu’il s’agisse d’une demande d’information relative à la nature dudit prix ou de la prise de possession de celui-ci, est subordonné à l’obligation, pour le consommateur, de verser de l’argent ou de supporter un coût quelconque.

Il est sans incidence que le coût imposé au consommateur, tel le coût d’un timbre-poste, soit négligeable par rapport à la valeur du prix ou qu’il ne procure aucun bénéfice au professionnel.

Il est sans incidence également que les actions en rapport avec la demande d’un prix puissent être réalisées selon plusieurs méthodes proposées au consommateur par le professionnel, dont au moins l’une d’entre elles serait gratuite, dès lors que l’une ou plusieurs des méthodes proposées supposent que le consommateur supporte un coût pour s’informer au sujet du prix ou des modalités d’obtention de ce dernier.

Il appartient aux juridictions nationales d’apprécier les informations fournies aux consommateurs à la lumière des considérants 18 et 19 de la directive 2005/29 ainsi que de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de celle-ci, c’est-à-dire en tenant compte de la clarté et de la compréhensibilité de ces informations par le public ciblé par la pratique suivie.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.