Language of document : ECLI:EU:T:2021:255

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 mai 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle AQUA CARPATICA – Marques de l’Union européenne et nationale tridimensionnelles antérieures VODAVODA – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑637/19,

Sun Stars & Sons Pte Ltd, établie à Singapour (Singapour), représentée par Mes M. Maček et C. Saettel, avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Carpathian Springs SA, établie à Vatra Dornei (Roumanie), représentée par Mes D. Bogdan, G. Bozocea et M. Stănescu, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 6 août 2019 (affaire R 317/2018-4), relative à une procédure d’opposition entre Sun Stars & Sons et Carpathian Springs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, U. Öberg et R. Norkus, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 12 décembre 2019,

vu la décision du 15 juillet 2020 portant jonction des affaires T‑637/19 et T‑638/19 aux fins de la phase orale de la procédure,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite de l’empêchement d’un de ses membres,

vu la réattribution de l’affaire à la cinquième chambre et à un nouveau juge rapporteur,

à la suite de l’audience du 28 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 janvier 2016, l’intervenante, Carpathian Springs SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32, 35 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Eaux minérales et autres boissons gazeuses ; eau plate ; eau potable ; eau contenant de la quinine ; eau en bouteille ; eau gazeuse [soda] ; boisson à l’orge citronnée ; boisson à l’orge aromatisée à l’orange, eau de noix de coco [boisson] ; eaux de table ; eaux aromatisées ; eaux de source ; eau glaciaire ; eaux pétillantes (gazeuses) ; eaux minérales [boissons] ; eaux minérales aromatisées ; eau minérale gazeuse ; eaux gazeuses ; eau de Seltz ; eaux lithinées ; produits pour la fabrication des eaux minérales ; sodas ; préparations pour faire de l’eau gazeuse » ;

–        classe 35 : « Publicité ; services de gestion d’affaires commerciales, services d’administration commerciale ; travaux de bureau ; vente en gros et au détail, y compris via des réseaux informatiques mondiaux, d’eau minérale et d’eau gazeuse, d’eau plate, d’eau potable, d’eau contenant de la quinine, d’eau en bouteille, d’eau gazeuse (soda), de boisson à l’orge citronnée, de boisson à l’orge aromatisée à l’orange, d’eau de noix de coco [boisson] ; vente en gros et au détail, y compris via des réseaux informatiques mondiaux, d’eau de table, d’eau aromatisée, d’eau de source, d’eau glaciaire, d’eau gazeuse, d’eau minérale (boisson), d’eau minérale aromatisée, d’eau minérale gazeuse, d’eau gazeuse ; vente en gros et au détail, y compris via des réseaux informatiques mondiaux, d’eau de Seltz, d’eaux lithinées, de préparations pour la fabrication d’eaux minérales, de sodas, de préparations pour la fabrication de sodas » ;

–        classe 39 : « Transport, distribution, livraison, conditionnement et entreposage d’eau minérale et d’eau gazeuse, d’eau plate, d’eau potable, d’eau contenant de la quinine, d’eau en bouteille, d’eau gazeuse (soda), de boisson à l’orge citronnée, de boisson à l’orge aromatisée à l’orange ; transport, distribution, livraison, conditionnement et entreposage d’eau de noix de coco en tant que boisson, d’eau de table, d’eau aromatisée, d’eau de source, d’eau glaciaire, d’eau gazeuse, d’eau minérale (boisson), d’eau minérale aromatisée, d’eau minérale gazeuse, d’eau gazeuse ; transport, distribution, livraison, conditionnement et entreposage d’eau de Seltz, d’eaux lithinées, de préparations pour la fabrication d’eaux minérales, de sodas, de préparations pour la fabrication de sodas ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2016/041, du 1er mars 2016.

5        Le 31 mai 2016, la requérante, Sun Stars & Sons Pte Ltd, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque de l’Union européenne tridimensionnelle, reproduite ci-après, consistant en la forme d’une bouteille, enregistrée le 20 avril 2009 sous le numéro 7041098, désignant les produits relevant des classes 5 et 32 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Eaux minérales à usage médical » ;

–        classe 32 : « Eaux gazeuses, eaux minérales [boissons], eaux de table, eaux de source » ;

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–        la marque slovène tridimensionnelle, reproduite ci-dessus, enregistrée le 11 janvier 2010 sous le numéro 200970433, désignant les produits relevant des classes 5 et 32 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Eaux minérales à usage médical » ;

–        classe 32 : « Eaux minérales et sodas, à savoir eaux de source naturelle » ;

–        l’enregistrement international désignant la Croatie de la marque figurative, reproduite ci-dessus, enregistrée le 10 septembre 2009 sous le numéro 1019590, visant les produits relevant des classes 5 et 32 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Eaux minérales à usage médical » ;

–        classe 32 : « Eaux minérales et sodas, à savoir eaux de source naturelle ».

7        Le moyen unique invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Le 3 novembre 2016, sur demande de l’intervenante, la division d’opposition a demandé à ce que la requérante soit invitée à apporter, au titre de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), la preuve que ses marques antérieures avaient fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits pour lesquels elles étaient enregistrées et sur lesquels l’opposition était fondée.

9        Le 8 mars 2017, la requérante a présenté devant l’EUIPO divers documents en vue d’établir l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne et de la marque slovène antérieures.

10      Par décision du 22 décembre 2017, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité en estimant qu’il n’existait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

11      Le 13 février 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 6 août 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En premier lieu, elle a précisé, à titre liminaire, que la requérante, dans le cadre de la procédure d’opposition, n’avait transmis aucun élément de preuve à l’appui de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de l’enregistrement international désignant la Croatie. Dès lors, la chambre de recours a conclu que l’examen de l’opposition était limité à la marque de l’Union européenne et à la marque slovène antérieures. En deuxième lieu, après avoir, d’une part, confirmé que les éléments de preuves produits par la requérante suffisaient à établir l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne pour désigner les produits relevant de la classe 32, et, d’autre part, relevé qu’aucun élément de preuve ne faisait référence aux produits « Eaux minérales à usage médical » relevant de la classe 5 couverts par la marque antérieure, la chambre de recours a considéré que, en l’absence d’éléments de preuve suffisants démontrant l’usage sérieux de la marque antérieure slovène, l’opposition fondée sur celle-ci devait être rejetée comme étant non fondée. En troisième lieu, la chambre de recours a considéré, premièrement, que les produits relevant de la classe 32 couverts par la marque enregistrée et la marque demandée étaient identiques, deuxièmement, que certains services de la marque demandée relevant de la classe 35 étaient similaires à un degré moyen aux produits de la requérante compris dans la classe 32 et, troisièmement, s’agissant d’une partie des services relevant de la classe 35, ainsi que tous les services relevant de la classe 39, elle a considéré qu’ils étaient différents. En quatrième lieu, la chambre de recours a considéré que la forme de la bouteille ne constituait pas un élément distinctif de la marque antérieure et que, dès lors, le public pertinent, afin de faire référence à l’origine commerciale des produits visés par ladite marque, était plus susceptible de prendre en compte les éléments verbaux qui y apparaissaient que la forme de son emballage, à savoir la bouteille.  Enfin, en cinquième lieu, la chambre de recours a constaté que, dans l’esprit du public pertinent à l’égard des produits et des services en cause et compte tenu de la faible similitude visuelle, de la différence phonétique des signes en conflit ainsi que de l’absence de toute comparaison conceptuelle entre les signes en conflit, il n’existait aucun risque de confusion au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Procédure et conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        confirmer la décision attaquée.

 En droit

  Sur la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal

16      Dans un premier temps, l’EUIPO et l’intervenante excipent de l’irrecevabilité des annexes A.10 à A.14 ainsi que des annexes A.16 et A.17 de la requête au motif qu’elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal. Selon la requérante, d’une part, les annexes A.10 à A.13 visent à établir le prétendu succès de la forme de la bouteille de la marque antérieure, par son originalité, sur le marché des bouteilles d’eaux minérales. D’autre part, les annexes A.14, A.16 et A.17 viseraient à démontrer un risque de confusion et d’association dans l’esprit des consommateurs entre les marques en conflit.

17      Dans un second temps, lors de l’audience, la requérante a excipé de l’irrecevabilité des annexes B.4 à B.8 du mémoire en réponse de l’intervenante au motif qu’elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal. Selon l’intervenante, d’une part, l’annexe B.4 viserait à démontrer l’état des procédures nationales concernant l’annulation de quatre marques roumaines et, d’autre part, les annexes B.5 à B.8 viseraient à démontrer que la forme carrée de la bouteille antérieure ne diverge pas des normes du secteur et est dépourvue d’un caractère distinctif en ce qu’elle existe déjà sur le marché.  

18      Les annexes de la requête ainsi que celles du mémoire en réponse de l’intervenante détaillées ci-dessus, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

19      Il convient donc d’écarter comme irrecevables les documents mentionnés ci-dessus sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante.

 Sur le fond

20      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 5 janvier 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 dans sa version initiale (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

21      En outre, il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, les règles de fond sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué (arrêts du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, EU:C:1981:270, point 9, et du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07 P, EU:C:2008:709, point 44).

22      À cet égard, il convient de relever que, en l’espèce, la demande d’enregistrement de la marque demandée a été déposée le 5 janvier 2016, l’opposition a été introduite le 31 mai 2016 et la preuve de l’usage de la marque antérieure a été demandée par la requérante le 3 novembre 2016. Sont, dès lors, applicables aux faits de l’espèce les articles 8 et 42 du règlement no 207/2009, dans sa version initiale, ainsi que, en ce qui concerne l’examen des preuves de l’usage de la marque antérieure, le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1).

23      Certes, la requérante se réfère, dans ses écritures, à des dispositions du règlement 2017/1001 qui sont inapplicables en l’espèce, ainsi que cela a été constaté au point 22 ci-dessus. Toutefois, dans la mesure où l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 est identique à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il y a lieu de comprendre les références au premier article faites par la requérante, l’intervenante et, le cas échéant, par la chambre de recours comme visant ce second article. De la même manière, la référence par la chambre de recours à l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 doit être comprise comme visant, en réalité, l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, avant sa modification par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 , modifiant le règlement no 207/2009 et le règlement no 2868/95, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21).

24      Au soutien de son recours, la requérante invoque, compte tenu de la précision qu’elle a apportée à l’audience en réponse à une question du Tribunal sur la clarification des moyens effectivement invoqués, deux moyens, tirés, le premier, d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours sur la preuve de l’usage sérieux de la marque slovène antérieure et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

25      Il convient d’examiner d’abord le second moyen.

 Observations liminaires

26      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

27      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

28      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

29      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009  existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

30      C’est à la lumière des principes mentionnés ci-dessus qu’il convient d’examiner le présent recours.

 Sur le public pertinent

31      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

32      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 25 de la décision attaquée, que le public pertinent était constitué à la fois du grand public se situant sur le territoire de l’Union européenne ainsi que du public professionnel ayant un niveau d’attention tout au plus moyen à l’égard des produits en cause.

33      La requérante ne conteste pas ces appréciations de la chambre de recours. Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de les remettre en cause.

 Sur la comparaison des produits et des services en cause

34      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude des produits et des services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur finalité, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

35      Les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits incombe à la même entreprise. Par définition, des produits adressés à des publics différents ne peuvent pas présenter un caractère complémentaire (voir arrêt du 22 janvier 2009, easyHotel, T‑316/07, EU:T:2009:14, points 57 et 58 et jurisprudence citée).

36      En ce qui concerne la comparaison des produits et des services visés par la marque antérieure et la marque contestée, d’une part, la requérante ne conteste ni que les produits « Eaux minérales et autres boissons gazeuses ; eau plate ; eau potable ; eau contenant de la quinine ; eau en bouteille ; eau gazeuse [soda] ; boisson à l’orge citronnée ; boisson à l’orge aromatisée à l’orange, eau de noix de coco [boisson] ; eaux de table ; eaux aromatisées ; eaux de source ; eau glaciaire ; eaux pétillantes (gazeuses) ; eaux minérales [boissons] ; eaux minérales aromatisées ; eau minérale gazeuse ; eaux gazeuses ; eau de Seltz ; eaux lithinées », relevant de la classe 32 couverts par la marque contestée, soient identiques aux produits relevant de la classe 32 de la marque antérieure, ni que les « produits pour la fabrication des eaux minérales ; sodas ; préparations pour faire de l’eau gazeuse » soient fortement similaires aux produits relevant de la classe 32 de l’intervenante.

37      D’autre part, la requérante fait valoir que, contrairement à ce que soutient la chambre de recours, les services relevant des classes 35 et 39 couverts par la marque contestée sont similaires aux produits relevant de la classe 32 de la marque antérieure. Plus particulièrement, s’agissant, d’un côté, des services relevant de la classe 35, la requérante soutient que ces derniers sont similaires aux produits couverts par la marque antérieure en ce que les services de vente au détail de produits sont similaires à ces mêmes produits. De l’autre côté, s’agissant des services relevant de la classe 39, la requérante soutient qu’il existe un rapport de complémentarité entre les services de transport, de distribution, de livraison, d’emballage et de stockage de l’eau et l’eau comme produit couvert par la classe 32.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      La chambre de recours a considéré, premièrement, que les produits relevant de la classe 32 couverts par la marque antérieure et la marque contestée étaient identiques. Deuxièmement, s’agissant des services « Publicité ; services de gestion d’affaires commerciales, services d’administration commerciale ; travaux de bureau », relevant de la classe 35, ainsi que tous les services relevant de la classe 39, la chambre de recours a considéré qu’ils étaient différents. Troisièmement, elle a considéré que les services de la marque demandée « Vente en gros et au détail, y compris via des réseaux informatiques mondiaux, d’eau de table, d’eau aromatisée, d’eau de source, d’eau glaciaire, d’eau gazeuse, d’eau minérale (boisson), d’eau minérale aromatisée, d’eau minérale gazeuse, d’eau gazeuse ; vente en gros et au détail, y compris via des réseaux informatiques mondiaux, d’eau de Seltz, d’eaux lithinées, de préparations pour la fabrication d’eaux minérales, de sodas, de préparations pour la fabrication de sodas », relevant de la classe 35, étaient similaires à un degré moyen aux produits de la requérante compris dans la classe 32.

40      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de relever que, conformément à une jurisprudence constante, selon laquelle, lorsque les produits visés par la marque antérieure incluent les produits visés par la demande de marque, ces produits sont considérés comme identiques (voir arrêt du 24 novembre 2005, ARTHUR ET FELICIE, T‑346/04, EU:T:2005:420, point 34 et jurisprudence citée), c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 27 de la décision attaquée, a considéré que les produits de la marque contestée, mentionnés ci-dessus, relevant de la classe 32 étaient identiques aux produits couverts par la marque antérieure relevant de la même classe et que les « produits pour la fabrication des eaux minérales ; sodas ; préparations pour faire de l’eau gazeuse », relevant également de la classe 32, étaient fortement similaires aux produits de la marque antérieure « Eaux minérales » relevant de la classe 32.

41      La requérante ne conteste pas ces appréciations de la chambre de recours. Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de les remettre en cause.

42      En deuxième lieu, c’est également à juste titre que la chambre de recours, au point 28 de la décision attaquée, a approuvé les conclusions de la division d’opposition selon lesquelles les services « Publicité ; services de gestion d’affaires commerciales, services d’administration commerciale ; travaux de bureau » relevant de la classe 35, et tous les services relevant de la classe 39 couverts par la marque contestée étaient différents des produits relevant de la classe 32 couverts par la marque antérieure.

43      En effet, d’une part, s’agissant des services relevant de la classe 35, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, qu’aucun élément ne permet d’établir qu’un lien étroit, au sens de la jurisprudence rappelée au point 35 ci-dessus, existe en l’espèce entre les produits et les services en cause. En effet, ceux-ci s’adressent à un public de professionnels en ce qu’ils visent à apporter un soutien ou une aide à d’autres entreprises en vue d’exercer ou d’améliorer leurs activités. Ces services ont, dès lors, une nature, une destination ainsi qu’une utilisation différentes par rapport aux produits relevant de la classe 32 couverts par la marque antérieure. Il y a également lieu de constater qu’il n’existe pas de rapport de concurrence entre lesdits produits et lesdits services.

44      D’autre part, concernant les services relevant de la classe 39, il y a lieu de constater, à l’instar de l’EUIPO, qu’il s’agit de services destinés au transport, au conditionnement et à l’entreposage de différents types de boissons à base d’eau et de préparations pour fabriquer ces boissons. Bien que ces services concernent des produits qui sont identiques ou fortement similaires aux produits relevant de la classe 32 couverts par la marque antérieure, il y a lieu de constater que lesdits services sont fournis par des entreprises spécialisées dans le domaine du transport et de l’entreposage dont les activités ne concernent pas la fabrication ou la vente des produits relevant de la classe 32. Par conséquent, lesdits services n’ont ni la même nature, ni la même destination, ni la même utilisation que les produits en cause et ne sont ni complémentaires ni concurrents de ces derniers, au sens de la jurisprudence rappelée au point 35 ci-dessus.

45      En troisième lieu, il convient de rappeler que les principes applicables à la comparaison des produits s’appliquent également à la comparaison entre les produits et les services. Certes, du fait de leur nature même, les produits sont généralement différents des services, mais il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent être complémentaires ou que les services peuvent avoir le même objet ou la même destination que les produits et se trouver, de ce fait, en concurrence avec ces derniers. Il s’ensuit que, dans certaines circonstances, une similitude peut être constatée entre des produits et des services [voir arrêt du 7 septembre 2016, Victor International/EUIPO – Ovejero Jiménez et Becerra Guibert (VICTOR), T‑204/14, non publié, EU:T:2016:448, point 105 et jurisprudence citée]. Notamment, il ressort de la jurisprudence que les services de vente au détail de certains produits peuvent être étroitement liés à ces produits dans la mesure où ils les visent en tant qu’objets [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2011, Cooperativa Vitivinícola Arousana/OHMI – Sotelo Ares (ROSALIA DE CASTRO), T‑421/10, non publié, EU:T:2011:565, point 33]. Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 29 de la décision attaquée, a approuvé les conclusions de la division d’opposition relatives à l’existence d’un degré moyen de similitude entre certains produits désignés par la marque antérieure compris dans la classe 32, d’une part, et les services de vente au détail désignés par la marque demandée, relevant de la classe 35 et portant sur des produits identiques, d’autre part.

46      En effet, le rapport entre ces produits et ces services est caractérisé par un lien étroit en ce sens que lesdits produits sont indispensables ou, à tout le moins, importants pour la prestation des services désignés par la marque demandée, ces derniers étant précisément fournis à l’occasion de la vente desdits produits. Les services et les produits visés par les signes en conflit sont, par conséquent, liés par un rapport de complémentarité, comme la chambre de recours l’a relevé, à juste titre, au point 29 de la décision attaquée. 

47      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer, premièrement, que les produits relevant de la même classe et couverts par les signes en conflit sont identiques. Deuxièmement, il convient également de relever que les services de « vente en gros et au détail, y compris via des réseaux informatiques mondiaux, d’eau minérale et d’eau gazeuse, d’eau plate, d’eau potable, d’eau contenant de la quinine, d’eau en bouteille, d’eau gazeuse (soda), de boisson à l’orge citronnée, de boisson à l’orge aromatisée à l’orange, d’eau de noix de coco [boisson] ; vente en gros et au détail, y compris via des réseaux informatiques mondiaux, d’eau de table, d’eau aromatisée, d’eau de source, d’eau glaciaire, d’eau gazeuse, d’eau minérale (boisson), d’eau minérale aromatisée, d’eau minérale gazeuse, d’eau gazeuse ; vente en gros et au détail, y compris via des réseaux informatiques mondiaux, d’eau de Seltz, d’eaux lithinées » relevant de la classe 35 couverts par la marque contestée sont, à un degré moyen, similaires aux produits relevant de la classe 32 couverts par la marque antérieure. Troisièmement, il convient, enfin, de relever que les services de « publicité ; services de gestion d’affaires commerciales, services d’administration commerciale ; travaux de bureau » et les services de « vente en gros et au détail de préparations pour la fabrication d’eaux minérales, de sodas, de préparations pour la fabrication de sodas » relevant de la classe 35 ainsi que la totalité des services relevant de la classe 39 couverts par la marque contestée sont différents des produits relevant de la classe 32 couverts par la marque antérieure.

 Sur la comparaison des signes en conflit

48      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

49      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer à une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

50      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le caractère distinctif plus ou moins élevé des éléments communs à une marque demandée et à une marque antérieure est un des éléments pertinents dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes [voir arrêt du 8 juin 2017, AWG/EUIPO – Takko (Southern Territory 23°48’25”S), T‑6/16, non publié, EU:T:2017:383, point 30 et jurisprudence citée]. En effet, les éléments descriptifs, non distinctifs ou faiblement distinctifs d’une marque complexe ont généralement un poids moindre dans l’analyse de la similitude entre les signes que les éléments revêtus d’un caractère distinctif plus important, qui ont également une faculté plus grande de dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2019, Hansson, C‑705/17, EU:C:2019:481, point 53 et jurisprudence citée).

51      À cet égard, selon la jurisprudence, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’une marque ou d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et, donc, à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du 12 juillet 2012, Winzer Pharma/OHMI – Alcon (BAÑOFTAL), T‑346/09, non publié, EU:T:2012:368, point 78 et jurisprudence citée].

52      En l’espèce, il y a lieu, tout d’abord, de préciser que les deux signes en conflit consistent en des marques tridimensionnelles, qui sont complexes, en ce qu’elles sont composées d’une forme de bouteille transparente dotée d’une base octogonale et d’éléments verbaux figurant, d’une part, à l’intérieur d’une étiquette verticale placée sur un côté de la bouteille ainsi que, d’autre part, sur d’autres côtés de la bouteille.

53      Plus précisément, ainsi que la chambre de recours l’a observé au point 31 de la décision attaquée, la marque demandée correspond à un dessin technique, composé de cinq vues, d’une bouteille transparente de base octogonale, comportant huit côtés, dont quatre plus grands et les autres plus réduits. Il comprend, sur deux de ses vues latérales, le mot « aqua » en caractères majuscules précédé, en haut de la bouteille, d’un élément graphique constitué par la combinaison horizontale des lettres « a » et « c » en caractères majuscules, puis succédé, en bas de la bouteille, par la même combinaison graphique inversée. La troisième vue latérale montre, à l’intérieur d’une étiquette qui semble être transparente, le mot « aqua » en caractères majuscules, rédigé horizontalement, ainsi que le mot « carpatica », se situant en dessous du mot « aqua » et rédigé en caractères encore plus petits. En dessous de ces mots figurent un motif géométrique, semblable à une bordure, suivi de l’élément graphique composé des lettres « a » et « c » en caractères blancs sur un carré noir, ainsi qu’un texte illisible qui semble indiquer des informations sur le produit. 

54      Quant à la marque antérieure, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, elle présente une seule vue photographique d’une bouteille transparente de base octogonale, dotée de quatre grands côtés et de quatre autres plus réduits. Elle comprend l’élément verbal « vodavoda », en caractères majuscules de couleur grise, écrit le long de la hauteur d’un des grands côtés sur ce qui semble être une étiquette blanche. Sur les autres côtés de la bouteille apparaissent des formulations en relief, mais leur signification n’est pas claire. En outre, la bouteille comporte un bouchon non transparent.  

55      En application de la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, il convient d’examiner, tout d’abord, les arguments de la requérante portant sur le caractère distinctif de la marque antérieure, avant de procéder à une comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

–       Sur le caractère distinctif des éléments composant la marque antérieure

56      Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la forme de la bouteille de la marque antérieure ne s’écartait pas significativement des normes en vigueur dans le secteur des eaux minérales et qu’elle ne présentait aucune caractéristique que le public pertinent pourrait garder en mémoire comme constituant un élément distinctif.  

57      Ainsi, au point 38 de la décision attaquée, elle a considéré que le public pertinent, afin de faire référence à l’origine commerciale de ladite bouteille, était plus susceptible de citer les éléments verbaux qui y apparaissent plutôt que de tenir compte de la forme de son emballage.  S’agissant de l’élément verbal « vodavoda » de la marque antérieure, la chambre de recours soutient que le caractère distinctif doit être considéré comme étant faible à l’égard du public comprenant le terme « voda » comme signifiant « eau », à savoir le public slovène, polonais, bulgare, tchèque et slovaque, ainsi que normal pour l’autre partie du public ne comprenant pas ladite signification.

58      La requérante fait valoir, en substance, que la forme octogonale particulière de sa bouteille est la caractéristique lui permettant, sur le marché, de se différencier des autres bouteilles et constitue, dès lors, l’élément distinctif et dominant de sa marque.  En particulier, en se fondant sur les images des eaux minérales repérées sur Internet, qu’elle a versées au dossier, la requérante soutient que la forme habituelle pour le conditionnement d’eaux plates ou minérales est ronde et que les formes carrées ou octogonales ne sont pas couramment utilisées dans ce domaine. S’agissant de la présence depuis longtemps sur le marché de la forme carrée, la requérante précise que la plupart desdites images se réfèrent au marché des États-Unis et non au marché européen. En outre, elle fait valoir l’originalité et le succès de sa bouteille, imaginé par un designer de renom, à l’occasion de diverses foires, expositions et autres manifestations internationales. Elle conclut, enfin, que la forme de la bouteille de la marque antérieure produit une impression d’ensemble sur le consommateur plus forte que l’étiquette ou l’élément verbal « vodavoda » qui la composent.

59      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

60      En premier lieu, selon une jurisprudence constante, ainsi que l’a soulevé à juste titre l’EUIPO lors de l’audience, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir, par analogie, arrêt du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C‑445/13 P, EU:C:2015:303, point 90 et jurisprudence citée).

61      Plus particulièrement, le conditionnement d’un produit liquide étant un impératif de commercialisation, le consommateur moyen lui attribue, en premier lieu, cette simple fonction. Une marque tridimensionnelle constituée d’un tel conditionnement n’est distinctive que si elle permet au consommateur moyen du produit concerné, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sans procéder à une analyse ou à une comparaison et sans faire preuve d’une attention particulière, de distinguer ce produit de ceux des autres entreprises [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 février 2016, Coca-Cola/OHMI (Forme d’une bouteille à contours sans cannelures), T‑411/14, EU:T:2016:94, point 38 et jurisprudence citée]. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif (voir, par analogie, arrêt du 24 février 2016, Forme d’une bouteille à contours sans cannelures, T‑411/14, EU:T:2016:94, point 39 et jurisprudence citée).

62      Cependant, il ne résulte pas de la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus qu’il faille systématiquement circonscrire le secteur dans lequel s’opère la comparaison aux produits mêmes pour lesquels l’enregistrement est demandé. Il ne peut être exclu que les consommateurs d’un produit donné soient, le cas échéant, influencés, dans leur perception de la marque dont ce produit est revêtu, par les modalités de commercialisation développées pour d’autres produits dont ils sont également consommateurs. Ainsi, selon la nature des produits en cause et de la marque demandée, il peut être nécessaire, aux fins d’apprécier si la marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, de prendre en considération un secteur plus vaste (arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 32).

63      En particulier, lorsque, comme en l’espèce, la marque dont l’enregistrement est demandé est constituée de la forme tridimensionnelle de l’emballage des produits concernés – a fortiori lorsque la commercialisation de ces produits exige, en raison de leur nature même, un emballage, de sorte que c’est l’emballage choisi qui confère sa forme au produit et, aux fins de l’examen d’une demande d’enregistrement en tant que marque, doit être assimilé à la forme du produit –, la norme ou les habitudes pertinentes peuvent être celles en vigueur dans le secteur de l’emballage des produits de même nature et destinés aux mêmes consommateurs que ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 33).

64      En effet, il ne saurait être exclu que le consommateur moyen, qui est habitué à voir divers produits provenant d’entreprises distinctes conditionnés dans un même type d’emballage, n’identifie pas d’emblée l’utilisation de ce type d’emballage par une entreprise pour la commercialisation d’un produit donné comme étant, en soi, une indication d’origine, quand bien même ledit produit serait commercialisé par les concurrents de cette entreprise dans d’autres modes de conditionnement. À cet égard, il convient de souligner que le consommateur moyen, qui ne se livre pas à une étude de marché, ne saura pas, à l’avance, qu’une seule entreprise commercialise un produit donné dans un certain type d’emballage, tandis que ses concurrents utilisent d’autres modes de conditionnement pour ce produit (arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 34).

65      Par ailleurs, il convient de relever qu’il est notoire que les opérateurs présents sur le marché du secteur alimentaire, caractérisé par une forte concurrence, sont tous confrontés à l’impératif technique de conditionnement pour la commercialisation desdits produits et soumis au nécessaire étiquetage de ceux-ci. À cet égard, s’il convient d’analyser l’impression d’ensemble produite par l’apparence du contenant constituant la marque demandée, il n’est pas exclu que la combinaison des éléments constituant une marque tridimensionnelle est véritablement spécifique et ne saurait être considérée comme tout à fait commune, conférant au contenant en cause une apparence particulière qui, compte tenu également du résultat esthétique d’ensemble, le différencie des bouteilles usuelles existant sur le marché [voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2018, Wajos/EUIPO (Forme d’un contenant), T‑313/17, non publié, EU:T:2018:638, points 26, 31 et 34].

66      En l’espèce, ainsi que l’ont relevé l’EUIPO et l’intervenante à l’audience et au sens de la jurisprudence citée précédemment, la chambre de recours a, à juste titre, au point 36 de la décision attaquée, pris en compte un secteur plus vaste que celui des eaux minérales. Partant, la marque antérieure, telle qu’elle a été enregistrée, représente une bouteille transparente de forme courante dans le secteur vaste pour le conditionnement des boissons et ne présente pas d’apparence particulière qui, compte tenu du résultat esthétique d’ensemble, la différencierait par rapport à la présentation habituelle des bouteilles présentes sur le marché.

67      Il s’ensuit que la forme de la bouteille en cause, telle qu’elle est perçue par le public pertinent, ne constitue pas une indication d’origine en ce qu’elle n’est pas apte à individualiser les produits et les services en cause et à les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale. Il y a lieu, dès lors, de considérer ladite forme de la bouteille comme ayant, tout au plus, un caractère distinctif intrinsèque faible.

68      En second lieu, s’agissant des éléments verbaux composant la marque antérieure, il y a lieu de relever, premièrement, ainsi que le souligne la chambre de recours au point 46 de la décision attaquée, que le caractère distinctif de l’élément verbal « vodavoda » est faible en ce qu’il revêt une certaine dimension descriptive, dans la mesure où il est perçu par une partie du public pertinent comme faisant allusion à un des produits spécifiques visés par les marques en conflit, à savoir l’eau. Pour la partie du public ne comprenant pas l’allusion à cette notion, le caractère distinctif dudit élément verbal est normal en ce qu’elle percevra ce mot comme étant fantaisiste.

69      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de considérer que la marque antérieure est pourvue d’un caractère distinctif faible dans l’ensemble et que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’élément verbal « vodavoda » de la marque antérieure est, pour une partie du public pertinent, plus distinctif, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 50 et 51 ci-dessus, que la forme de la bouteille en cause.

–       Sur la similitude visuelle

70      Sur le plan visuel, la chambre de recours, après avoir rappelé le caractère non distinctif conféré à la forme de la bouteille en cause, a considéré que le public pertinent concentrera son attention sur l’élément verbal « ac aqua » de la marque demandée ainsi que sur l’élément « vodavoda » de la marque antérieure, lesquels doivent être considérés comme étant différents et produisant, dans l’ensemble, une similitude visuelle faible.

71      La requérante soutient, en substance, que les signes en conflit sont fortement similaires sur le plan visuel. Premièrement, elle relève que, en raison du caractère distinctif de la forme de la bouteille en cause, les consommateurs percevront le conditionnement comme une indication de l’origine des produits et des services en cause et non comme un simple emballage. Ainsi, la chambre de recours n’aurait pas pris en considération les caractéristiques particulières des marques tridimensionnelles, en considérant que le public pertinent accordera une plus grande attention aux éléments verbaux composant lesdites marques plutôt qu’à la forme de la bouteille en cause. Deuxièmement, la requérante fait valoir que les marques en conflit coïncident par la présence de certains éléments, tels que l’inscription le long d’un côté de la bouteille, la longueur similaire des bouteilles en cause ou encore la forme de leurs bouchons respectifs.  Enfin, troisièmement, la requérante soutient que la chambre de recours a perçu de manière erronée ou, à tout le moins, a négligé certains éléments qui caractérisent sa bouteille, tels que l’étiquette présente sur l’une des faces de la bouteille ainsi que l’inscription de lettres épaissies et doublées disposées verticalement en relief présente sur trois autres faces.

72      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

73      À cet égard, il convient, d’abord, de relever que les signes en conflit sont des signes tridimensionnels consistant en une forme de bouteille octogonale. Les signes en cause se différencient par la présence d’éléments verbaux, à savoir, d’une part, « aqua carpatica » et « ac aqua ac » dans la marque demandée et, d’autre part, « vodavoda » dans la marque antérieure.

74      Or, s’agissant de la comparaison visuelle, s’il ne peut être ignoré que les formes des bouteilles en cause introduisent des éléments de similitude visuelle entre les signes en conflit, il y a toutefois lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la similitude visuelle entre les signes en conflit, considérés globalement, n’est que faible.

75      En effet, contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’impact des formes de bouteilles sur l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit n’est pas renforcé par un quelconque caractère dominant ou distinctif. Ainsi qu’il ressort des considérations développées aux points 53, 54 et 66 ci-dessus, le public pertinent percevra lesdites formes comme étant de simples variantes de la forme de base du conditionnement des produits concernés ne lui permettant pas de distinguer le produit en question de ceux d’autres entreprises et n’attachera donc aucune importance particulière à ces éléments.

76      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’examiner les éléments verbaux composant les marques en conflit aux fins de la comparaison visuelle desdites marques.

77      À cet égard, d’une part, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 40 de la décision attaquée, les éléments verbaux composant les marques en conflit sont complètement différents sur le plan visuel. En effet, les termes « aqua carpatica » ou encore « ac aqua ac » de la marque demandée ne présentent aucune similitude visuelle avec le terme « vodavoda » de la marque antérieure. D’autre part, les marques en conflit diffèrent également par d’autres éléments figuratifs, d’une importance secondaire en raison de leur position, de leur taille, de leur visibilité ou de leur signification, comme c’est le cas, dans la marque contestée, du motif géométrique, semblable à une bordure, suivi de l’élément graphique, décrit au point 52 ci-dessus, en caractères blancs sur un carré noir, ainsi que, concernant la marque antérieure, des formulations en relief qui apparaissent sur les trois autres côtés.

78      Dans ces conditions, il convient de conclure que la similitude entre les marques en conflit, découlant de la forme de la bouteille, est contrebalancée dans une large mesure par des éléments différents, ce qui implique que, prises globalement, lesdites marques tridimensionnelles ne présentent, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours, qu’une similitude faible sur le plan visuel.

–       Sur la similitude phonétique

79      La chambre de recours a considéré au point 41 de la décision attaquée que les signes n’étaient pas similaires sur le plan phonétique en ce que seuls les éléments verbaux des marques en conflit seront prononcés, à savoir « aqua carpatica » ou « ac aqua ac » s’agissant de la marque contestée et « vodavoda » s’agissant de la marque antérieure.  

80      La requérante ne conteste pas ces appréciations de la chambre de recours. Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de les remettre en cause.

–       Sur la similitude conceptuelle

81      La chambre de recours a considéré, premièrement, que la combinaison graphique des lettres « a » et « c », qui compose le signe contesté, est sans signification à l’égard des produits et des services en cause. Deuxièmement, s’agissant du terme « aqua », elle a considéré que, pour la partie du public pertinent comprenant le latin ou, à tout le moins, une langue d’origine romane, ce terme sera compris comme signifiant « eau ». Cette partie du public pertinent serait également susceptible de comprendre le terme « carpatica » comme signifiant « provenant de la chaîne de montagne des Carpates ». Toutefois, la chambre de recours précise que, pour ces consommateurs, le terme « vodavoda » de la marque antérieure n’a aucune signification et que, inversement, il est peu probable, pour les consommateurs slovènes, polonais, tchèques, slovaques ou bulgares qui comprennent le terme « vodavoda » comme signifiant « eaueau », de comprendre le terme « aqua ». Elle ajoute, enfin, que les consommateurs n’ont aucune raison de traduire ledit terme pour procéder à une comparaison conceptuelle entre les signes en conflit et elle conclut, au point 42 de la décision attaquée, à une comparaison neutre sur le plan conceptuel.

82      Tout d’abord, la requérante fait valoir que les signes en conflit sont identiques sur le plan conceptuel en ce que la forme de la bouteille détient un message conceptuel se rapportant tant pour le terme « aqua » de la marque contestée que pour le terme « voda » de la marque antérieure, à la notion d’« eau ». En ce sens, elle considère que la référence à cette notion est comprise par tous les consommateurs de l’Union s’agissant du terme « aqua » de la marque contestée, alors que « vodavoda » est compris seulement par une partie des consommateurs, à savoir ceux comprenant le slovène, le tchèque, le slovaque, le bulgare ou le polonais. Puis, elle soutient que la combinaison graphique des lettres « a » et « c » est descriptive en ce qu’elle constitue la simple abréviation des termes « aqua » et « carpatica » de la marque contestée.

83      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

84      En premier lieu, s’agissant de la marque demandée, il convient de relever que, tout d’abord, la combinaison graphique des lettres « a » et « c », ainsi que l’a considéré, à juste titre, la chambre de recours, au point 42 de la décision attaquée, est sans signification à l’égard des produits et des services en cause et doit être considérée, dès lors, comme ayant un caractère fantaisiste. Par conséquent, ainsi que le suggère l’EUIPO, lesdites lettres ne doivent pas être prises en considération lors de la comparaison conceptuelle des signes en conflit. Ensuite, il convient de souligner que l’élément verbal « aqua » de ladite marque est constitué d’un terme latin courant, signifiant « eau », dont le sens peut être réputé connu par le consommateur de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Vitaminaqua/OHMI – Energy Brands (vitaminaqua), T‑410/12, non publié, EU:T:2013:615, point 57]. De surcroît, le sens du mot « aqua » sera compris par les consommateurs roumains, portugais, espagnol et italien en raison de sa grande proximité avec ses équivalents dans leurs langues respectives, à savoir les mots « apa », « água », « agua » et « acqua ». Il sera également compris par le consommateur français, étant donné que le terme « aqua » est un préfixe courant dans la langue française emprunté au latin (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, vitaminaqua, T‑410/12, non publié, EU:T:2013:615, point 69). Enfin, s’agissant du terme « carpatica », il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que seule la partie du public pertinent comprenant les langues romanes citées précédemment pourrait comprendre la référence à la chaîne de montagne des Carpates. Par conséquent, il y a lieu de constater que, sur le plan conceptuel, la marque demandée indique le concept d’une eau ayant une origine géographique.

85      En second lieu, s’agissant de la marque antérieure, il y a lieu de constater que le terme « voda » signifiant « eau », compris par une partie du public pertinent comprenant le slovène, le tchèque, le bulgare, le polonais ou le slovaque, ne sera pas forcément compris par l’ensemble du public pertinent qui comprend le terme « aqua » de la marque demandée.

86      Il est certes vrai, comme l’affirme la chambre de recours au point 42 de la décision attaquée, que le consommateur pertinent n’a pas tendance à traduire les marques. Toutefois, si une différence linguistique entre des signes ne saurait automatiquement suffire pour exclure l’existence d’une similitude conceptuelle du point de vue des consommateurs pertinents, il n’en reste pas moins qu’une telle différence – dans la mesure où elle nécessite une traduction dans l’esprit du consommateur – est susceptible de faire, en fonction, notamment, de la connaissance linguistique du public pertinent, du degré de parenté entre les langues concernées et des termes mêmes employés par les signes en cause, plus ou moins obstacle à un rapprochement conceptuel immédiat dans la perception du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Golden Balls/OHMI – Intra-Presse (GOLDEN BALLS), T‑437/11, EU:T:2013:441, point 43 et jurisprudence citée].

87      En l’espèce, il y a lieu de constater que, pour une partie significative du public pertinent, à savoir les consommateurs de l’Union pour lesquels le terme latin « aqua » est réputé connu (voir point 84 ci-dessus) et ceux qui comprennent le terme « voda » (voir point 85 ci-dessus), une certaine similitude conceptuelle, nécessitant une traduction préalable, existera, étant donné la signification identique de ces deux termes. Cependant, ladite similitude entre les signes en conflit découle uniquement des éléments descriptifs « aqua » et « voda » qui évoquent la même notion, en deux langues différentes, à savoir celle de l’« eau ».

88      Partant, au regard du caractère faiblement distinctif de la notion commune d’« eau », il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la chambre de recours, une comparaison au plan conceptuel, nécessitant une traduction préalable, est possible en l’espèce et que, contrairement à ce que prétend la requérante, les signes en conflit présentent, tout au plus, un degré de similitude conceptuelle moyen en ce qu’ils se réfèrent à la même notion d’« eau ».

89      Ainsi, dans la mesure où ont été établies l’existence d’une similitude, tout au plus, moyenne au plan conceptuel, d’une faible similitude au plan visuel ainsi que l’absence de similitude sur le plan phonétique, il convient d’apprécier globalement si, dans le cas d’espèce, il existe un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

90      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

91      La chambre de recours a considéré, au point 53 de la décision attaquée, que, compte tenu de la faible similitude visuelle, de la différence phonétique ainsi que de l’absence de toute comparaison conceptuelle immédiate entre les signes, il n’existait aucun risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, dans l’esprit du public pertinent à l’égard des produits et des services en cause.

92      La requérante fait valoir qu’il existe un risque d’association entre les signes en conflit en raison de leurs similitudes sur les plans visuel et conceptuel, ainsi que de la similitude existante des produits et des services et du faible niveau d’attention du consommateur pertinent. En effet, le consommateur pourrait croire que les termes inscrits sur les bouteilles en conflit, à savoir « aqua » et « vodavoda », couvrent des versions linguistiques différentes d’une même marque et proviendraient, dès lors, de la même entreprise.  

93      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

94      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée aux points 27 et 90 ci-dessus, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes, des produits et des services en cause et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits et des services désignés.

95      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il est probable que le contact visuel avec les marques soit prépondérant pour des produits de consommation courante [arrêt du 15 avril 2010, Cabel Hall Citrus/OHMI – Casur (EGLÉFRUIT), T‑488/07, non publié, EU:T:2010:145, point 54] et que, en tout état de cause, la simple association entre deux marques que pourrait faire le public pertinent par le biais de la concordance de leur contenu sémantique ne suffit pas en elle-même pour conclure à l’existence d’un risque de confusion au sens de la disposition visée [voir arrêt du 14 novembre 2019, Société des produits Nestlé/EUIPO – Jumbo Africa (Représentation d’une silhouette humaine sur un écusson), T‑149/19, non publié, EU:T:2019:789, point 47 et jurisprudence citée].

96      Il résulte des modalités de vente des bouteilles – à savoir leur présence en tant que produits étiquetés dans les rayons alimentaires des grands magasins ou leur commande dans un bar ou dans un restaurant – que le consommateur se concentrera préalablement et principalement sur les éléments verbaux et figuratifs situés sur leurs étiquettes, tels que le nom de la marque, le logo et/ou d’autres éléments figuratifs indiquant la provenance du produit [voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Weldebräu/OHMI – Kofola Holding (Forme d’une bouteille à goulot hélicoïdal), T‑24/08, EU:T:2010:71, point 33].

97      À la lumière de tout ce qui précède, il y a donc lieu de considérer que, pour les consommateurs qui ne comprennent pas les mots « aqua » de la marque demandée et « voda » de la marque antérieure, les différences identifiées entre les marques en question, et notamment l’absence de similitude phonétique, ainsi qu’une faible similitude sur le plan visuel sont suffisantes pour constater que les impressions d’ensemble produites par les marques en question sont suffisamment différentes pour pouvoir conclure qu’il n’existe pas de risque de confusion pour les consommateurs qui ne comprennent pas les mots « aqua » et « voda ».

98      Pour les consommateurs qui comprennent ces mots, tout risque de confusion doit a fortiori également être exclu, car, d’une part, ces consommateurs attribueront encore moins d’importance à ces éléments qui ne sont, en deux langues différentes, qu’une simple description des produits concernés et, d’autre part, l’impact de la similitude conceptuelle identifiée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en question est très faible et il n’est donc pas décisif aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion. En effet, la similitude conceptuelle découle uniquement de la notion commune d’« eau » qu’ont les signes en conflit et qui n’attire l’attention de ces consommateurs que d’une manière limitée.

99      Ainsi, compte tenu du faible caractère distinctif de la marque antérieure, du faible degré de similitude visuelle, de l’absence de similitude phonétique et de la similitude conceptuelle tout au plus moyenne entre les signes en conflit, il y a lieu de considérer que le risque de confusion n’est pas établi, y compris dans l’hypothèse où les produits et services en cause devraient être regardés comme étant identiques.

100    Par conséquent, il convient de relever que, au terme d’une appréciation globale, c’est à juste titre que, en dépit de l’erreur commise en considérant comme neutre la comparaison au plan conceptuel, la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, dans l’esprit du public pertinent.

101    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le second moyen soulevé par la requérante ainsi que, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le premier moyen, dès lors que, ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO, la marque de l’Union européenne antérieure couvre aussi le territoire slovène et il n’est donc pas nécessaire d’apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure slovène.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sun Stars & Sons Pte Ltd est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mai 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.