Language of document : ECLI:EU:T:1998:23

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

4 février 1998(1)

«Recours en annulation — Indemnisation des producteurs laitiers — Règlement (CEE) n° 2187/93 — Offre d'indemnisation — Actes des autorités nationales — Contrôle — Compétence — Recours en indemnisation — Recevabilité»

Dans l'affaire T-94/95,

Jean-Pierre Landuyt, demeurant à Grisolles (France), représenté par Me Jean-François Le Petit, avocat au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Aloyse May, 31, Grand-rue,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gérard Rozet, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée initialement par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères,

et M. Frédéric Pascal, chargé de mission à la même direction, puis par Mme Kareen Rispail-Bellanger, sous-directeur à la même direction, et M. Pascal, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

partie intervenante,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers du 20 janvier 1995, excluant le droit du requérant à l'offre d'indemnisation prévue par le règlement (CEE) n° 2187/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, prévoyant l'offre d'une indemnisation à certains producteurs de lait ou de produits laitiers qui ont été empêchés temporairement d'exercer leur activité (JO L 196, p. 6), et, d'autre part, une demande de condamnation de la Commission à la réparation du préjudice subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. A. Saggio, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 21 octobre 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits et cadre réglementaire

1.
    Le requérant, producteur de lait, exploite ses terres dans le cadre d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) constitué avec M. Laga. Dans le cadre du règlement (CEE) n° 1078/77 du Conseil, du 17 mai 1977, instituant un régime de primes de non-commercialisation du lait et des produits laitiers et de reconversion de troupeaux bovins à orientation laitière (JO L 131, p. 1, ci-après «règlement n° 1078/77»), il a souscrit à un engagement de non-commercialisation qui a expiré le 1er juillet 1985.

2.
    Entre-temps, le 31 mars 1984, le Conseil avait adopté le règlement (CEE) n° 857/84, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article

5 quater du règlement (CEE) n° 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 13, ci-après «règlement n° 857/84»). Ce prélèvement était dû par les producteurs qui dépassaient une quantité de référence fixée sur la base de la production de lait livrée au cours d'une année de référence.

3.
    Le règlement n° 857/84 ne comportant à l'origine aucune disposition spécifique prévoyant l'attribution d'une quantité de référence aux producteurs qui, comme le requérant, n'avaient pas, en exécution d'un engagement de non-commercialisation pris au titre du règlement n° 1078/77, livré de lait pendant l'année de référence, il a été en partie déclaré invalide par deux arrêts de la Cour du 28 avril 1988, Mulder (120/86, Rec. p. 2321), et Von Deetzen (170/86, Rec. p. 2355).

4.
    A la suite de ces arrêts, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 764/89, du 20 mars 1989 (JO L 84, p. 2, ci-après «règlement n° 764/89»), et, ensuite, le règlement n° 1639/91, du 13 juin 1991 (JO L 150, p. 35, ci-après «règlement n° 1639/91»), tous deux modifiant le règlement n° 857/84. Ces textes prévoyaient l'attribution d'une quantité de référence dite «spécifique» aux producteurs qui n'avaient pas livré de lait pendant l'année de référence. Cette quantité de référence était d'abord octroyée à titre provisoire, puis, après vérification de certaines conditions, elle devenait définitive.

5.
    Par arrêt de la Cour du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission (C-104/89 et C-37/90, Rec. p. I-3061), la Communauté a été condamnée à réparer les dommages subis par les requérants du fait de l'application du règlement n° 857/84.

6.
    A la suite de cet arrêt, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 2187/93, du 22 juillet 1993, prévoyant l'offre d'une indemnisation à certains producteurs de lait ou de produits laitiers qui ont été empêchés temporairement d'exercer leur activité (JO L 196, p. 6, ci-après «règlement n° 2187/93»).

7.
    L'article 1er de ce règlement prévoit qu'une indemnisation est attribuée aux producteurs qui ont subi un dommage du fait de n'avoir pu, en exécution d'un engagement pris au titre du règlement n° 1078/77, livrer ou vendre du lait pendant l'année de référence.

8.
    Son article 2 dispose que la demande d'indemnisation est retenue, dès lors qu'elle émane d'un producteur qui a reçu l'attribution d'une quantité de référence spécifique définitive, en vertu du règlement n° 764/89 ou du règlement n° 1639/91.

9.
    Son article 14 prévoit que, aux fins de l'indemnisation, une offre est adressée aux producteurs concernés par l'autorité nationale compétente, au nom et pour le compte du Conseil et de la Commission.

10.
    Par arrêté du préfet de l'Aisne du 31 août 1989, une quantité de référence spécifique provisoire a été attribuée au requérant. Par arrêté préfectoral du

8 novembre 1991, cette quantité de référence spécifique provisoire est devenue définitive avec effet au 30 mars 1991.

11.
    Les 10 et 11 mars 1994, l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ci-après «Onilait») a effectué un contrôle dans l'exploitation du requérant. Il est parvenu à la conclusion que le requérant n'avait pas repris personnellement la production de lait, en violation des prescriptions de l'article 3 bis, paragraphe 3, du règlement n° 857/84.

12.
    Par lettre du 20 janvier 1995, le directeur de l'Onilait a informé le requérant que la quantité de référence spécifique qui lui avait été attribuée ne pouvait pas être considérée comme définitive et que, en conséquence, sans préjudice de l'annulation de cette quantité de référence qui lui serait signifiée ultérieurement, l'Onilait n'était pas en mesure de payer l'indemnité prévue par le règlement n° 2187/93.

13.
    Le 6 mars 1995, le directeur de l'Onilait a pris une décision annulant la quantité de référence spécifique définitive qui avait été attribuée au requérant.

Procédure et conclusions des parties

14.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mars 1995, le requérant a demandé, au titre des articles 173, 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CE, l'annulation de la décision contenue dans la lettre du directeur de l'Onilait du 20 janvier 1995 et la condamnation de l'Onilait au payement de l'indemnité prévue par le règlement n° 2187/93, majorée d'intérêts au taux de 8 % à compter du 19 mai 1992, d'une somme de 50 000 FF au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens. Cette requête était dirigée contre l'Onilait en tant que «délégataire des institutions européennes, plus particulièrement de la Commission». En réponse à une lettre du greffe du même jour, le requérant a fait parvenir au Tribunal, le 30 mars 1995, une version modifiée de la requête, désormais dirigée contre la Commission.

15.
         Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 juin 1995, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité, sur laquelle le requérant s'est prononcé le 28 août 1995.

16.
    Le 10 octobre 1995, la République française a demandé à intervenir au litige au soutien des conclusions de la Commission.

17.
    Par ordonnance du 29 novembre 1995, le président de la première chambre du Tribunal a accueilli cette demande.

18.
    Par ordonnance du même jour, le Tribunal a joint au fond l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission.

19.
    Le 9 avril 1996, la partie intervenante a présenté ses observations.

20.
    La procédure écrite s'est terminée le 31 mai 1996, avec le dépôt du mémoire en duplique.

21.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience du 21 octobre 1997.

22.
    Le requérant conclut, dans sa requête, à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision contenue dans la lettre du directeur de l'Onilait du 20 janvier 1995;

—    condamner la Commission au payement de l'indemnité prévue par le règlement n° 2187/93, majorée d'intérêts au taux de 8 % à compter du 19 mai 1992;

—    condamner la Commission au payement de 50 000 FF au titre des frais irrépétibles;

—    condamner la Commission aux dépens.

23.
    Dans sa réplique, il maintient ses conclusions et demande que, en conséquence, l'Onilait lui adresse une offre d'indemnité dans les termes des articles 10 et 14 du règlement n° 2187/93. Subsidiairement, il conclut au paiement d'une indemnité de 1 220 634,30 FF au titre de l'article 215 du traité.

24.
    La Commission, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer irrecevable et, subsidiairement, non fondé le recours en annulation;

—    déclarer irrecevable et, subsidiairement, non fondé le recours en indemnité;

—    condamner la partie requérante aux dépens.

25.
    Le gouvernement français, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal faire droit aux conclusions de la Commission considérant comme non fondés les recours en annulation et en indemnité.

Sur les conclusions en annulation

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

26.
    A l'appui de son exception, la Commission allègue, en premier lieu, que la requête ne remplit pas les conditions énoncées par les articles 19 du statut (CE) de la Cour

et 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, dans la mesure où elle ne permettrait pas d'identifier les moyens invoqués. Elle estime enconséquence ne pas être en mesure de se défendre.

27.
    En second lieu, elle soutient que, dans l'hypothèse où le recours devrait être interprété comme visant à l'annulation du contrôle effectué par l'Onilait dans l'exploitation du requérant ou à celle de la décision qui a annulé la quantité de référence spécifique attribuée au requérant, il serait irrecevable parce que dirigé contre des actes accomplis par des autorités nationales dans le cadre de leurs activités normales et traditionnelles de mise en oeuvre de la réglementation communautaire applicable aux producteurs de lait.

28.
    Contrairement à ce que le requérant allègue, les actes en question ne seraient pas de simples actes préparatoires à la décision de refus de l'offre. Cette thèse méconnaîtrait la large compétence de droit commun dont les États membres sont investis dans la mise en oeuvre et le contrôle de la réglementation communautaire, compétence qui serait confirmée en l'espèce par la circulaire des autorités françaises indiquant les moyens de mise en oeuvre de la réglementation relative au régime des quotas laitiers. Le juge naturel de tels actes serait donc le juge national.

29.
    En réponse à la première fin de non-recevoir opposée par la Commission aux conclusions en annulation, le requérant soutient que la requête contient tous les éléments nécessaires.

30.
    Pour ce qui est de la seconde fin de non-recevoir, il affirme que l'acte attaqué est un acte de l'Onilait agissant en tant que mandataire de la Communauté. Contrairement à ce que prétend la Commission, les missions de contrôle opérées par l'Onilait, même si elles sont exécutées dans le cadre du droit interne, seraient des actes préparatoires à une décision prise par cette administration en sa qualité de mandataire de la Communauté. En conséquence, le Tribunal serait compétent pour contrôler de tels actes.

31.
    Le requérant considère que les trois conditions posées pour l'attribution d'une indemnisation dans le cadre du règlement n° 2187/93 sont réunies dans son chef. Il ne serait pas contesté qu'il a livré du lait à la laiterie, que ce lait a été ramassé sur les lieux de l'exploitation agricole et que celle-ci disposait de toutes les installations pour cette production. En conséquence, l'Onilait n'aurait pu, à la suite de son contrôle des 10 et 11 mars 1994, faire grief au requérant de ne pas avoir repris personnellement l'exploitation, sous peine d'ajouter au règlement n° 2187/93 des conditions qui n'y figurent pas.

32.
    Le contrôle en cause n'aurait donc pas été de nature à démontrer la violation par le requérant des obligations qui lui incombaient et l'acte attaqué serait entaché d'une erreur de fait.

Appréciation du Tribunal

33.
    Il résulte d'une jurisprudence constante que, selon les règles régissant les compétences respectives de la Communauté et des États membres, il appartient à ces derniers d'assurer sur leur territoire l'exécution de la réglementation communautaire, notamment en matière de politique agricole commune (arrêt de la Cour du 7 juillet 1987, Étoile Commerciale et CNTA/Commission, 89/86 et 91/86, Rec. p. 3005, point 11; ordonnance du Tribunal du 21 octobre 1993, Nutral/Commission, T-492/93 et T-492/93 R, Rec. p. II-1023, point 26). Les actes adoptés par les autorités nationales dans le cadre de l'exécution de cette dernière politique sont donc normalement soumis au contrôle du juge national.

34.
    En l'espèce, le système d'indemnisation mis en oeuvre par le règlement n° 2187/93 confère aux autorités nationales le pouvoir d'adresser aux producteurs des offres de dédommagement au nom et pour le compte du Conseil et de la Commission (voir dixième considérant et article 14 du règlement).

35.
    Conformément à l'article 2 du règlement n° 2187/93, seuls les producteurs auxquels une quantité de référence spécifique définitive a été accordée peuvent bénéficier d'une offre de dédommagement. En application du règlement n° 857/84, tel que modifié par les règlements n° 764/89 et 1639/91, l'attribution des quantités de référence spécifiques définitives est subordonnée à la reprise effective de la production laitière.

36.
    Il en résulte donc que le pouvoir, attribué aux autorités nationales par le règlement n° 2187/93, d'adresser une offre d'indemnisation à chaque producteur au nom et pour le compte du Conseil et de la Commission (voir ci-dessus point 9) est lui-même étroitement lié à la reprise effective de la production de lait par le destinataire de l'offre.

37.
    En l'absence d'une telle reprise, la condition essentielle prévue par le règlement n° 2187/93 pour l'établissement d'une offre d'indemnisation fait défaut.

38.
    Selon la réglementation applicable, le contrôle de l'existence de la reprise de la production incombe à la même autorité nationale à qui il appartient de faire l'offre de dédommagement (voir article 3 bis, paragraphe 3, du règlement n° 857/84, ajouté par le règlement n° 764/89 et modifié par le règlement n° 1639/91).

39.
    Partant, les actes qui constatent l'inexistence d'une telle reprise et ceux qui, en conséquence, refusent la quantité de référence spécifique définitive, relèvent du contrôle du juge national (arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Branco/Commission, T-271/94, Rec. p. II-749, point 53). D'ailleurs, le requérant a effectivement attaqué devant le juge national l'acte de retrait de la quantité de référence spécifique définitive ainsi que les constatations effectuées lors de la visite de contrôle opérée dans son exploitation agricole.

40.
    Il convient de constater que le requérant se limite à alléguer que l'acte attaqué, c'est-à-dire le refus des autorités nationales d'établir une offre de dédommagement, est la conséquence d'une erreur commise lors du contrôle effectué dans son exploitation agricole par ces mêmes autorités. Il n'invoque ainsi aucun moyen d'annulation autre que celui relatif à la vérification de la reprise de la production.

41.
    Dans ces conditions, les conclusions en annulation sont en substance dirigées contre les constatations effectuées lors de la visite de contrôle opérée par les autorités nationales. Elles visent donc à mettre en cause la validité d'une décision prise par les organes nationaux chargés de mettre en oeuvre certaines mesures dans le cadre de la politique agricole commune (voir, dans le même sens, pour ce qui est du recours en indemnité, l'arrêt de la Cour du 2 mars 1978, Debayser e.a./Commission, 12/77, 18/77 et 21/77, Rec. p. 553, point 25).

42.
    Il s'ensuit que le Tribunal n'est pas compétent pour contrôler la légalité de l'acte contre lequel les conclusions en annulation sont en substance dirigées.

43.
    Partant, ces conclusions sont irrecevables.

Sur les conclusions en indemnisation

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

44.
    La Commission considère que les conclusions en indemnité contenues dans la requête sont irrecevables, dès lors qu'elles viseraient en réalité à atteindre le même objectif que celui poursuivi par les conclusions en annulation (arrêt du Tribunal du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission T-514/93, Rec. p. II-621). Elle soutient que les conclusions en indemnité sont également irrecevables, parce qu'elles ne sont pas étayées par des éléments indispensables. En particulier, la requête ne permettrait pas d'identifier les moyens invoqués à cet égard, ce qui empêcherait la Commission de défendre ses intérêts. Même après l'indication, dans la réplique, du montant du préjudice allégué, le requérant ne formulerait aucun grief contre la Commission.

45.
    Le requérant affirme, en premier lieu, que l'irrecevabilité de la demande en annulation n'entraîne pas celle de la demande en indemnité. En second lieu, il estime que la requête contient tous les éléments nécessaires et que la Commission ne saurait le censurer sur ce point, alors qu'elle dispose d'éléments plus concrets, que lui-même ignore, notamment le montant de l'indemnité auquel il a droit. Dans sa réplique, il calcule le dédommagement auquel il prétend avoir droit au titre du règlement n° 2187/93.

Appréciation du Tribunal

46.
    Le Tribunal constate à titre liminaire que, par ses conclusions en responsabilité, le requérant demande le paiement de l'indemnité qui, estime-t-il, aurait dû faire l'objet de l'offre de dédommagement refusée par l'Onilait. En effet, il conclut à ce que cette autorité lui adresse une offre d'indemnité dans les termes des articles 10 et 14 du règlement n° 2187/93 et, subsidiairement, il chiffre sa demande en réparation par référence à une indemnisation calculée sur la base du règlement n° 2187/93.

47.
    Or, comme cela a été constaté ci-dessus (points 37 à 40), le refus d'adresser au requérant une offre de dédommagement, qui est imputable à la partie défenderesse dans les conditions prévues au règlement n° 2187/93, était la conséquence du résultat des contrôles opérés par les autorités nationales. La demande en indemnisation se fondant sur une prétendue inexactitude des constatations effectuées lors de ces contrôles, le fait à l'origine du dommage dont le requérant sollicite réparation est donc un acte des autorités nationales adopté dans l'exercice de leurs compétences propres. Il en résulte que les conditions d'une saisine du Tribunal au titre des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité ne sont pas réunies. En effet, ces dispositions ne donnent compétence au juge communautaire que pour réparer les dommages causés par les institutions ou leurs agents agissant dans l'exercice de leurs fonctions. Les dommages causés par les autorités nationales ne sont ainsi pas susceptibles de mettre en jeu la responsabilité de la Communauté et relèvent uniquement de la compétence des juridictions nationales, qui en assurent l'éventuelle réparation (voir notamment l'arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefebvre e.a./Commission, T-571/93, Rec. p. II-2379, point 65; voir également arrêts de la Cour du 12 décembre 1979, Wagner Agrarhandel/Commission, 12/79, Rec. p. 3657, point 10, et du 26 février 1986, Krohn/Commission, 175/84, Rec. p. 753, point 18).

48.
    De plus, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, même si le recours en annulation et le recours en indemnité constituent deux voies de recours autonomes et si, en principe, l'irrecevabilité d'une demande en annulation n'entraîne pas celle d'une demande d'indemnisation visant au dédommagement des préjudices prétendument causés par l'acte attaqué, l'irrecevabilité de la demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité lorsque celle-ci tend en réalité au retrait d'une décision individuelle et aurait pour effet, si elle était accueillie, d'annihiler les effets juridiques de cette décision (voir, notamment, arrêt Cobrecaf e.a./Commission, précité, points 58 et 59).

49.
    En l'espèce, il y a lieu de constater que les conclusions en indemnité visent à la condamnation de la défenderesse au paiement de l'indemnité refusée par la décision attaquée. Elles auraient donc pour effet l'obtention du résultat qu'une telle décision a précisément exclu et que le requérant a tenté d'obtenir par le biais de ses conclusions en annulation.

50.
    Dans ces conditions, les conclusions en indemnité doivent être rejetées comme irrecevables.

51.
    Quant aux conclusions du requérant tendant à la condamnation de la défenderesse au paiement d'une somme de 50 000 FF au titre «des frais irrépétibles», elles ne sont étayées par aucun élément de fait et de droit — tel que requis par l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure — permettant au Tribunal de statuer sur une telle demande. Partant, elles doivent également être déclarées irrecevables.

Sur les dépens

52.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Les conclusions du requérant n'étant pas recevables, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

53.
    En application de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les dépens exposés par la République française, partie intervenante, demeureront à sa charge.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)    La partie requérante est condamnée aux dépens.

3)    La partie intervenante supportera ses propres dépens.

Saggio Tiili Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 février 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Saggio


1: Langue de procédure: le français.