Language of document : ECLI:EU:T:2022:299

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

18 mai 2022 (*) (1)

« Concurrence – Concentrations – Secteur de la fabrication d’instruments médicaux – Décision infligeant des amendes pour la réalisation d’une opération de concentration avant sa notification et son autorisation – Article 4, paragraphe 1, article 7, paragraphe 1, et article 14 du règlement (CE) no 139/2004 – Opération provisoire et opération finale – Structure de portage – Concentration unique – Droits de la défense – Confiance légitime – Principe de légalité – Proportionnalité – Montant des amendes – Circonstances atténuantes »

Dans l’affaire T‑609/19,

Canon Inc., établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes U. Soltész, W. Bosch, C. von Köckritz, K. Winkelmann, M. Reynolds, J. Schindler, D. Arts et W. Devroe, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme A.-L. Meyer et M. O. Segnana, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2019) 4559 final de la Commission, du 27 juin 2019, infligeant des amendes pour défaut de notification d’une concentration en violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 139/2004 et pour réalisation d’une concentration en violation de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement (affaire M.8179 – Canon/Toshiba Medical Systems Corporation), et, à titre subsidiaire, à la suppression ou à la réduction du montant des amendes infligées à la requérante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et R. Norkus (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, Canon Inc., est une société multinationale spécialisée dans la fabrication de produits d’imagerie et optiques, y compris de caméras, de caméscopes, de photocopieurs, de photorépéteurs et d’imprimantes d’ordinateur. Depuis qu’elle a acquis Toshiba Medical Systems Corporation (ci-après « TMSC »), la requérante est également spécialisée dans la fabrication d’équipements médicaux.

2        TMSC, active dans le développement, la fabrication et la vente d’équipements médicaux ainsi que dans la fourniture de services techniques en la matière, était, avant son acquisition par la requérante, une filiale détenue à 100 % par Toshiba Corporation (ci‑après « Toshiba »). À la suite de cette acquisition, TMSC a été rebaptisée « Canon Medical Systems Corporation ».

A.      Acquisition par la requérante de TMSC

3        Au début de l’année 2016, Toshiba a connu d’importantes difficultés financières. En particulier, compte tenu de ses prévisions de résultats, Toshiba considérait qu’elle encourait un risque de devoir signaler des résultats négatifs aux actionnaires pour l’exercice 2015 (clos le 31 mars 2016). Dès lors qu’aucune société publique d’une taille analogue à celle de Toshiba n’avait jamais signalé des résultats négatifs aux actionnaires dans la période récente au Japon, il était difficile de prévoir l’impact d’un tel événement sur les performances commerciales, la condition financière et la valeur marchande de Toshiba.

4        En conséquence, Toshiba a entamé un processus d’appel d’offres accéléré pour la vente de TMSC.

5        Dans un premier temps, le 19 février 2016, Toshiba a proposé aux soumissionnaires une structure de transaction, qualifiée de proposition « 80/20 ».

6        Dans le cadre du processus d’appel d’offres, chaque soumissionnaire a fait des propositions qui prenaient en considération la situation financière de Toshiba. Dans son offre, la requérante a proposé une nouvelle structure transactionnelle à Toshiba. La raison d’être de cette nouvelle structure était que la vente de TMSC soit reconnue comme un apport en capital dans les comptes de Toshiba au plus tard le 31 mars 2016, sans que toutefois la requérante n’en acquière formellement le contrôle avant d’avoir obtenu les autorisations nécessaires auprès des autorités de concurrence compétentes.

7        Grâce à la nouvelle structure transactionnelle proposée par la requérante, selon Toshiba, TMSC ne serait plus l’une de ses filiales au regard des principes comptables généralement acceptés aux États-Unis (« United States GAAP ») (considérant 13 de la décision attaquée).

8        Selon Toshiba, après avoir examiné la faisabilité et les effets de la proposition de chaque soumissionnaire, elle a considéré que la proposition de la requérante était la plus compétitive et la seule dans laquelle le transfert de l’intégralité du prix d’achat n’était pas subordonné à des autorisations relevant du contrôle des concentrations (considérant 14 de la décision attaquée).

9        L’acquisition de TMSC par la requérante a été annoncée publiquement le 17 mars 2016. Le même jour, la requérante a annoncé qu’elle avait conclu avec Toshiba un accord de cession de parts portant sur l’acquisition de TMSC auprès de Toshiba, et Toshiba et TMSC ont annoncé que Toshiba avait accepté de vendre TMSC à la requérante et que TMSC n’était plus une filiale du groupe Toshiba.

10      À la suite de la proposition de la requérante, TMSC a converti ses 134 980 060 actions ordinaires et a créé de nouvelles catégories d’actions afin de pouvoir mettre en œuvre la structure de transaction.

11      Le 15 mars 2016, les statuts de TMSC ont été modifiés afin d’y inclure les nouvelles catégories d’actions et actions supplémentaires.

12      Premièrement, TMSC a créé trois catégories d’actions :

–        les actions de catégorie A (actions avec droit de vote),

–        l’action de catégorie B (action sans droit de vote) et

–        les actions de catégorie C (actions avec droit de vote et option de rachat pouvant être exercée par TMSC).

13      Deuxièmement, TMSC a converti toutes ses actions ordinaires en actions de catégorie C et créé des options sur actions pour le rachat obligatoire de toutes les actions de catégorie C.

14      Troisièmement, le 16 mars 2016, TMSC a converti les actions de catégorie C et émis en contrepartie :

–        20 actions de catégorie A,

–        une action de catégorie B et

–        100 options sur actions liées aux actions de la catégorie C.

15      L’offre de la requérante consistait en une structure d’opérations en deux étapes.

16      Dans un premier temps, le 17 mars 2016, la requérante et Toshiba ont conclu un « Shares and Other Securities Transfer Agreement » par lequel la requérante a acquis l’action sans droit de vote de catégorie B pour 4 930 yens (environ 40 euros) et 100 options sur actions avec droit de vote de catégorie C de TMSC pour 665 497 806 400 yens (environ 5 280 000 000 euros), droit de vote qui ne pouvait cependant pas être exercé tant que les options sur actions n’étaient pas exercées. Le même jour, MS Holding, véhicule de titrisation créé spécifiquement aux fins de l’opération le 8 mars 2016, et Toshiba ont conclu un « Excluded share Transfert Agreement », par lequel MS Holding a acquis les 20 actions avec droit de vote restantes de catégorie A de TMSC pour 98 600 yens (environ 800 euros). Ces deux opérations sont désignées conjointement par l’expression « opération provisoire » dans la décision C(2019) 4559 final de la Commission, du 27 juin 2019, infligeant des amendes pour défaut de notification d’une concentration en violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 139/2004 et pour réalisation d’une concentration en violation de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement (affaire M.8179 – Canon/Toshiba Medical Systems Corporation, ci‑après la « décision attaquée »).

17      Dans un second temps, le 19 décembre 2016, la requérante, après avoir obtenu la dernière autorisation de concentration pertinente, a exercé ses 100 options sur actions de catégorie C pour acquérir les actions avec droit de vote sous-jacentes de TMSC, tandis que TMSC a acquis l’action sans droit de vote de catégorie B de la requérante pour 4 930 yens (environ 40 euros) et les 20 actions avec droit de vote restantes de catégorie A de MS Holding pour 36 098 600 yens (environ 300 000 euros). Ces deux opérations sont désignées conjointement, dans la décision attaquée, par l’appellation « opération finale ».

18      L’ensemble de ces opérations est désigné, dans la décision attaquée, par le terme « concentration ».

B.      Phase de prénotification

19      Le 11 mars 2016, la requérante a envoyé à la Commission européenne une demande de désignation d’une équipe au regard de son projet d’acquérir le contrôle exclusif de TMSC au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1).

20      Dans un courriel du 5 avril 2016, la requérante a adressé à la Commission la partie du formulaire CO relative à la structure de l’opération envisagée ainsi qu’une brève présentation décrivant les différentes étapes de l’opération.

21      Le 28 avril 2016, la requérante a soumis à la Commission un premier projet de formulaire CO. Le 11 mai 2016, cette dernière a adressé à la requérante plusieurs questions sur le projet de formulaire CO, dont trois sur la structure de l’opération, auxquelles la requérante a répondu le 27 mai 2016.

C.      Notification et décision autorisant la concentration

22      Le 12 août 2016, la requérante a notifié à la Commission, conformément à l’article 4 du règlement no 139/2004, l’acquisition du contrôle exclusif de TMSC par l’acquisition de 100 % de ses actions, conformément à la procédure normale de contrôle des concentrations. La requérante a précisé que la notification devait être entendue comme couvrant toute la concentration, c’est-à-dire la transaction provisoire et la transaction finale.

23      Dans le cadre de l’appréciation de la concentration, l’enquête de la Commission n’a abouti à mettre en évidence aucun indice susceptible de faire apparaître des problèmes au regard du droit de la concurrence. C’est la raison pour laquelle la Commission a adopté, le 19 septembre 2016, une décision d’autorisation, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 et à l’article 57 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

D.      Procédure administrative et décision attaquée

24      Le 18 mars 2016, quelques jours après avoir reçu la demande de la requérante que soit désignée une équipe concernant son projet d’acquérir le contrôle exclusif de TMSC, la Commission a été saisie par un plaignant anonyme.

25      Le 11 mai 2016, la Commission a adressé à la requérante une demande de renseignements concernant son premier projet de formulaire de notification du 28 avril 2016, en réponse à laquelle la requérante a soumis ses observations.

26      Le 29 juillet 2016, la Commission a informé la requérante qu’elle avait ouvert une enquête susceptible d’aboutir à l’imposition d’amendes au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004 en raison de possibles violations de l’obligation de suspension prévue à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement et de l’obligation de notification prévue à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement.

27      Le 5 septembre 2016, la Commission a reçu  un mémoire supplémentaire de la requérante.

28      Le 6 octobre 2016, une réunion s’est tenue entre la Commission et la requérante.

29      Par décision du 7 octobre 2016 prise au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, la Commission a demandé à la requérante, à TMSC et à Toshiba de fournir des informations et des documents internes. La requérante et TMSC ont répondu le 4 novembre 2016. Toshiba a fourni ses réponses entre le 4 novembre et le 1er décembre 2016.

30      Le 5 novembre 2016, la requérante a adressé une lettre à la Commission relative à ses observations concernant la réunion du 6 octobre 2016 et la décision du 7 octobre 2016.

31      Faisant suite à des courriels de la Commission, Toshiba, TMSC et la requérante ont fourni des documents additionnels, respectivement les 15 février, 24 février et 15 mars 2017.

32      Le 6 juillet 2017, en vertu de l’article 18 du règlement no 139/2004, la Commission a adressé à la requérante une communication des griefs, dans laquelle elle conclut à titre préliminaire que la requérante a enfreint intentionnellement, ou au moins par négligence, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, et dans laquelle elle indique envisager, par conséquent, l’imposition d’amendes au titre de l’article 14, paragraphe 2, dudit règlement.  

33      Le 15 mars 2018, la requérante a présenté des observations écrites et a demandé à être entendue.

34      Le 3 mai 2018 s’est tenue une audition au cours de laquelle la requérante a présenté ses arguments.

35      Le 8 mai 2018, la Commission a envoyé à la requérante un courriel comprenant des questions auxquelles la requérante n’avait pu répondre au cours de l’audition du 3 mai 2018. La requérante a soumis ses réponses le 24 mai 2018.

36      Le 11 juin 2018, la Commission a reçu des informations additionnelles de la part de la requérante. Par ailleurs, en réponse à la communication des griefs, la requérante a demandé à la Commission de clore la procédure d’infraction à la lumière du critère défini par la Cour dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371).

37      Le 30 novembre 2018, la Commission a publié une communication des griefs supplémentaire, dans laquelle elle conclut à titre préliminaire que le comportement de la requérante constitue une infraction à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, également sur la base de l’interprétation du cadre juridique retenue dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371).

38      Le 21 janvier 2019, la requérante a soumis ses réponses à la communication des griefs supplémentaire et a demandé que soit tenue une seconde audition, laquelle a eu lieu le 14 février 2019.

39      Le 25 février 2019, la Commission a envoyé à la requérante un courriel comprenant des questions auxquelles la requérante n’avait pu répondre au cours de l’audition du 14 février 2019. La requérante a soumis ses réponses le 13 mars 2019.

40      Le 3 avril 2019, la requérante a soumis à la Commission des commentaires supplémentaires concernant l’approche de cette dernière s’agissant de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371).

41      Le 27 juin 2019, la Commission a adopté la décision attaquée.

42      Les quatre premiers articles du dispositif de la décision attaquée sont libellés comme suit :

« Article premier

En ne notifiant pas une concentration de dimension européenne avant sa réalisation (le 17 mars 2016) sans y être expressément autorisée par l’article 7, paragraphe 2, du règlement […] no 139/2004 ou par une décision prise en application de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, [la requérante] a violé, au moins par négligence, l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement.

Article 2

En réalisant une concentration de dimension européenne (le 17 mars 2016) avant son autorisation (le 19 septembre 2016), [la requérante] a violé, au moins par négligence, l’article 7, paragraphe 1, du règlement […] no 139/2004.

Article 3

Une amende de 14 000 000 euros est infligée à [la requérante], conformément à l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 139/2004, pour l’infraction visée à l’article 1er de la présente décision.

Article 4

Une amende de 14 000 000 euros est infligée à [la requérante], conformément à de l’article 14, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no 139/2004 pour l’infraction visée à l’article 2 de la présente décision. »

II.    Procédure et conclusions des parties

43      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 septembre 2019, la requérante a introduit le présent recours.

44      Le 27 novembre 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense.

45      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 janvier 2020, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

46      Par décision du 5 mars 2020, la présidente de la sixième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le Conseil a déposé le mémoire en intervention le 24 avril 2020 et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

47      Les parties principales ont déposé la réplique et la duplique respectivement les 18 mars et 26 juin 2020.

48      Par lettre du 28 juillet 2020, la requérante a formulé une demande d’audience de plaidoiries, au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

49      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler ou réduire significativement les amendes imposées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

50      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :  

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

51      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter dans son intégralité l’exception d’illégalité soulevée à l’égard de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004.

III. En droit

52      Au soutien du recours, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, de l’absence de violation par elle de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, le deuxième, de la violation de l’article 14 du règlement no 139/2004 et, le troisième, de la violation de l’article 18 du règlement no 139/2004 et de l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

A.      Sur le premier moyen, tiré de l’absence de violation par la requérante de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004

53      À titre liminaire, il importe de relever que, au considérant 99 de la décision attaquée, la Commission résume l’approche qu’elle a retenue pour conclure à la violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, comme suit :

« […]

a)      L’opération provisoire et l’opération finale constituaient, ensemble, une concentration unique au sens de l’article 3 du règlement [no 139/2004] et de la jurisprudence des juridictions de l’Union, consistant en l’acquisition du contrôle de TMSC par [la requérante] (voir section 4.1).

b)      Faisant partie d’une concentration unique, les opérations provisoire et finale étaient intrinsèquement étroitement liées. En effet, l’opération provisoire était une étape nécessaire pour parvenir à un changement de contrôle de TMSC, présentant un lien fonctionnel direct avec la réalisation de l’acquisition du contrôle de TMSC par [la requérante]. Pour ces raisons, l’opération provisoire a contribué (du moins en partie) au changement de contrôle de TMSC au sens de l’arrêt Ernst & Young. En procédant à l’opération provisoire, [la requérante] a partiellement réalisé la concentration unique consistant en l’acquisition [par elle] du contrôle de TMSC (voir section 4.2).

c)      Du fait qu’elle a réalisé en partie la concentration consistant en l’acquisition du contrôle de TMSC avant notification à la Commission et autorisation par cette dernière, [la requérante] a enfreint l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement [no 139/2004] (voir section 4.3). »

54      Le premier moyen s’articule autour de quatre branches. La première branche est tirée de ce que l’opération provisoire ne constituerait pas une acquisition de contrôle par la requérante. La deuxième branche est tirée de l’absence de réalisation partielle violant l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. La troisième branche est tirée de prétendues erreurs manifestes commises dans l’application de la notion de « réalisation partielle » d’une « concentration unique ». La quatrième branche est tirée du fait que la procédure de contrôle ex ante des concentrations n’aurait jamais été contournée.

1.      Sur la première branche, tirée de ce que lopération provisoire ne constituerait pas une acquisition de contrôle

55      Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que l’opération provisoire n’a pas abouti à une acquisition de contrôle par elle et ne saurait, par conséquent, constituer un cas de réalisation anticipée d’une opération de concentration.

56      Cette première branche se subdivise en deux sous-branches. Dans le cadre de la première sous-branche, la requérante soutient qu’il n’y aurait réalisation anticipée d’une opération de concentration que dans l’hypothèse d’une acquisition du contrôle. Dans le cadre de la seconde sous-branche, la requérante soutient que la jurisprudence antérieure confirmerait que le changement de contrôle est le seul critère pertinent.

a)      Sur la première sous-branche, selon laquelle la réalisation anticipée dune concentration suppose lacquisition de contrôle

57      La requérante avance qu’il résulte du libellé de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 qu’il n’y a réalisation anticipée d’une opération de concentration que lorsqu’il y a acquisition du contrôle. Il serait constant que la notion de « concentration » employée dans ces dispositions doit être définie à la lumière de l’article 3 dudit règlement, selon lequel les concentrations sont des acquisitions qui conduisent à un changement durable du contrôle direct ou indirect. Par ailleurs, la requérante renvoie aux points 44 et suivants de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), selon lesquels la réalisation anticipée d’une opération de concentration est étroitement liée à la notion de concentration au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004, laquelle requiert une acquisition du contrôle, au point 46 dudit arrêt, selon lequel seules les « opérations contribuant à changer durablement le contrôle sur l’entreprise cible » relèvent de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, et aux points 49 et 60 dudit arrêt, selon lesquels les opérations ne « contribuent [pas] à changer durablement le contrôle » lorsqu’elles ne présentent pas de « lien fonctionnel direct avec la réalisation » de la concentration, c’est-à-dire lorsqu’elles ne présentent pas « en tant que telle[s] » de lien avec le changement de contrôle, ce critère excluant toutes les opérations qui présentent un « lien conditionnel avec la concentration » en ce sens qu’elles sont « accessoires ou préparatoires » à sa réalisation. Or, au considérant 134 de la décision attaquée, la Commission reconnaîtrait expressément que la requérante n’a pas acquis le contrôle sur TMSC avant l’autorisation de la Commission du 19 septembre 2016. En outre, la requérante renvoie à l’arrêt du 6 juillet 2010, Aer Lingus Group/Commission (T‑411/07, EU:T:2010:281), selon lequel l’obligation de suspension entend éviter que la Commission se retrouve dans une situation où une décision d’incompatibilité nécessiterait d’être complétée par une décision de dissolution destinée à mettre fin à l’obtention du contrôle intervenue avant même que la Commission ne se prononce sur ses effets concurrentiels et en conclut que son champ d’application ne devrait pas s’étendre au-delà de ce qui est nécessaire pour s’assurer que les restructurations des entreprises n’entraînent pas de préjudice durable pour la concurrence. Enfin, le contrôle de l’opération par la Commission n’aurait à aucun moment et en aucune façon été entravé, étant donné que la requérante n’aurait acquis le contrôle sur TMSC qu’après avoir obtenu toutes les autorisations des autorités de concurrence concernées, dont celle de la Commission.

58      La Commission conteste les arguments de la requérante.

59      Il est constant entre les parties que TMSC n’était pas contrôlée par la requérante pendant l’opération provisoire.

60      Il convient donc de déterminer si, comme le soutient la requérante, il ne peut y avoir de réalisation anticipée d’une concentration que dans l’hypothèse d’un contrôle de l’entreprise cible.

61      À cet égard, il convient de rappeler que la réalisation d’une concentration, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, a lieu dès que les parties à une concentration mettent en œuvre des opérations contribuant à changer durablement le contrôle sur l’entreprise cible (arrêts du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 46, et du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 50).

62      Répond ainsi à l’exigence d’assurer un contrôle efficace des concentrations la circonstance que toute réalisation partielle d’une concentration relève du champ d’application de ce même article. En effet, s’il était interdit aux parties à une concentration de réaliser une concentration au moyen d’une seule opération, mais il leur était loisible de parvenir au même résultat par des opérations partielles successives, cela réduirait l’effet utile de l’interdiction édictée à l’article 7 du règlement no 139/2004 et mettrait ainsi en danger le caractère préalable du contrôle prévu par ce règlement ainsi que la poursuite des objectifs de celui‑ci (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 47).

63      C’est dans cette même optique que le considérant 20 dudit règlement prévoit qu’il convient de traiter comme une concentration unique des opérations étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel ou prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 48).

64      Toutefois, dès lors que de telles opérations, bien qu’accomplies dans le cadre d’une concentration, ne sont pas nécessaires pour parvenir à un changement du contrôle d’une entreprise concernée par cette concentration, elles ne relèvent pas de l’article 7 du règlement no 139/2004. En effet, ces opérations, même si elles peuvent être accessoires ou préparatoires à la concentration, ne présentent pas de lien fonctionnel direct avec la réalisation de celle-ci, de telle sorte que leur mise en œuvre n’est en principe pas susceptible de porter atteinte à l’efficacité du contrôle des concentrations (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 49).

65      Enfin, la Cour a conclu que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 devait être interprété en ce sens qu’une concentration n’est réalisée que par une opération qui, en tout ou en partie, en fait ou en droit, contribue au changement de contrôle de l’entreprise cible (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 59).

66      L’article 7, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 étant deux dispositions concernant la notion de « réalisation d’une concentration », il y a lieu de considérer que ce que la Cour, saisie d’une demande préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), a indiqué s’agissant de la première de ces dispositions vaut également pour la seconde.

67      C’est donc à juste titre que la Commission soutient qu’il résulte de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que la Cour a opéré une distinction entre les notions de « concentration » et de « réalisation d’une concentration ».

68      À cet égard, il résulte du point 45 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que, conformément à l’article 3 du règlement no 139/2004 auquel est définie la notion de concentration, une concentration est réputée réalisée « lorsqu’un changement durable du contrôle » a lieu, alors qu’il résulte du point 46 dudit arrêt que la « réalisation d’une concentration » peut avoir lieu « dès que les parties à une concentration mettent en œuvre des opérations contribuant à changer durablement le contrôle sur l’entreprise cible », c’est-à-dire éventuellement avant l’acquisition du contrôle de l’entreprise cible.

69      Cette conclusion est corroborée par le point 59 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), dont il résulte que, pour qu’il y ait réalisation d’une concentration, au sens de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, il suffit qu’une opération, en tout ou en partie, en fait ou en droit, contribue au changement de contrôle de l’entreprise cible.

70      Ainsi, il ressort de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que la notion de « réalisation d’une concentration », telle que prévue à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, ne se limite pas à la situation dans laquelle l’acheteur final acquiert le contrôle de l’entreprise cible, mais recouvre également toute opération qui « contribue » à un tel changement de contrôle.

71      À cet égard, l’argument de la requérante selon lequel la Cour, dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), aurait exclu, de manière générale, « toutes les opérations qui présentent un “lien conditionnel avec la concentration” en ce sens qu’elles sont “accessoires ou préparatoires” à sa réalisation » est erroné, dès lors que ce que la Cour a indiqué, au point 49 de cet arrêt (voir point 64 ci-dessus), c’est que les opérations qui n’étaient pas nécessaires pour obtenir un changement de contrôle et qui dès lors, même si elles pouvaient être accessoires ou préparatoires à la concentration, ne présentaient pas de lien fonctionnel direct avec la réalisation de la concentration ne relevaient pas de l’article 7 du règlement no 139/2004. Il résulte donc de ce point que les opérations relèvent de la notion de « réalisation d’une concentration », même si cette réalisation est partielle au sens des points 47 et 51 dudit arrêt, si elles contribuent, en tout ou en partie, au changement de contrôle de l’entreprise cible.

72      En outre, la conclusion énoncée au point 69 ci-dessus ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la requérante en ce qu’elle procède à une interprétation littérale d’un extrait de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. Celle‑ci invoque le cas de figure dans lequel les concentrations doivent être notifiées « après [...] l’acquisition d’une participation de contrôle ». En effet, ledit règlement détaille dans ce paragraphe différents cas de figure possibles de l’acquisition de contrôle et précise à quel moment, selon les cas, la notification doit avoir lieu. Comme le relève la Commission, la référence à l’« acquisition d’une participation de contrôle » peut porter sur les situations régies par l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 : même si elles ne sont pas soumises à la condition suspensive de l’autorisation de concentration, la réalisation d’offres publiques d’achat et de transactions sur titres pourrait conduire à l’acquisition d’une participation de contrôle sans enfreindre l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, sous réserve du respect des exigences établies au paragraphe 2 de cette disposition. Cependant, la requérante ne prétend pas que la présente espèce relève du champ d’application de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement.

73      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le critère retenu par l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), pour déterminer si l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 a été violé n’est pas celui de savoir s’il y a eu acquisition du contrôle de l’entreprise cible, mais, comme le soutient la Commission, celui de savoir si l’opération en cause a contribué, en tout ou en partie, en fait ou en droit, au changement de contrôle de ladite entreprise. Un tel critère est applicable, par analogie, s’agissant de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

74      En ce qui concerne l’interprétation que fait la requérante de l’arrêt du 6 juillet 2010, Aer Lingus Group/Commission (T‑411/07, EU:T:2010:281), selon laquelle seules les opérations qui nécessitent des mesures de dissolution équivalent à des actes qui portent atteinte à l’efficacité du système de contrôle des concentrations, il y a lieu de relever que cette interprétation est inexacte. En effet, ce qu’a indiqué le Tribunal dans cet arrêt, c’est que, d’une part, sans acquisition du contrôle, la Commission ne disposait pas du pouvoir de dissoudre une concentration (arrêt du 6 juillet 2010, Aer Lingus Group/Commission, T‑411/07, EU:T:2010:281, point 66) et que, d’autre part, l’acquisition d’une participation qui ne conférait pas, en tant que telle, le contrôle au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004 pouvait relever du champ d’application de l’article 7 dudit règlement (arrêt du 6 juillet 2010, Aer Lingus Group/Commission, T‑411/07, EU:T:2010:281, point 83). En d’autres termes, le Tribunal a déclaré que, si l’acquisition du contrôle était nécessaire pour que la Commission puisse exercer son pouvoir de dissoudre la concentration, cette acquisition du contrôle n’était pas nécessaire pour qu’une opération relève du champ d’application de l’article 7 du règlement no 139/2004.

75      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le contrôle de l’opération par la Commission n’aurait à aucun moment et en aucune façon été entravé, étant donné qu’elle n’aurait acquis le contrôle sur TMSC qu’après avoir obtenu toutes les autorisations des autorités de concurrence concernées, il est erroné.

76      En effet, la requérante considère que « les concentrations sont définies comme des acquisitions qui conduisent à un changement durable du contrôle direct ou indirect » et, donc, que tant que le contrôle n’est pas acquis, il n’y a pas de réalisation anticipée de la concentration.

77      Ainsi, la requérante confond les notions de « réalisation » et d’« acquisition », lesquelles sont deux notions distinctes dans le règlement no 139/2004.

78      En effet, le terme « réalisation » est relatif à la concentration (ou à la transaction comme visée par l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 139/2004) tandis que le terme « acquisition » est relatif au contrôle.

79      Or, ces deux termes ne sauraient être confondus. La « réalisation » de la concentration peut s’inscrire dans la durée, ce qui explique les notions de réalisation partielle et de concentration unique, tandis que l’« acquisition » du contrôle ne peut s’inscrire dans la durée. En effet, soit le contrôle est acquis, dès lors qu’une entité a la possibilité d’exercer une influence déterminante sur la société cible, soit il n’est pas acquis. La notion d’acquisition du contrôle ne saurait donc recouvrir une acquisition « partielle ». Partant, un prétendu « contrôle partiel » ne peut être la condition d’une réalisation partielle de la concentration, contrairement à ce que soutient la requérante.

80      Ainsi, le contrôle de la Commission, pour être effectif, doit être réalisé non seulement avant l’acquisition du contrôle, mais également avant la réalisation, même partielle, de la concentration. En effet, comme il a déjà été relevé au point 62 ci‑dessus, s’il était interdit aux parties à une concentration de réaliser une concentration au moyen d’une seule opération, mais il leur était loisible de parvenir au même résultat par des opérations partielles successives, cela réduirait l’effet utile de l’interdiction édictée à l’article 7 du règlement no 139/2004 et mettrait ainsi en danger le caractère préalable du contrôle prévu par ce règlement ainsi que la poursuite des objectifs de celui‑ci (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 47).

81      Dès lors, il convient de rejeter la première sous‑branche du premier moyen.

b)      Sur la seconde sous-branche, selon laquelle la jurisprudence antérieure confirmerait que le changement de contrôle est le seul critère pertinent

82      La requérante soutient que la décision attaquée méconnaît la jurisprudence des juridictions de l’Union européenne.

83      Ainsi, premièrement, la requérante renvoie au point 25 de l’arrêt du 6 juillet 2010, Aer Lingus Group/Commission (T‑411/07, EU:T:2010:281), selon lequel une concentration n’est réalisée que lorsqu’une entreprise acquiert le contrôle d’une autre, c’est-à-dire la possibilité d’exercer une influence déterminante, et au point 85 dudit arrêt, selon lequel, en l’absence de prise de contrôle effective, la participation litigieuse ne peut être assimilée à une concentration qui a déjà été réalisée. Deuxièmement, la requérante avance que, dans l’arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384), le Tribunal a accepté une structure de portage parce qu’aucun contrôle n’avait été transféré avant l’obtention de l’autorisation. Le Tribunal aurait confirmé, dans cet arrêt, que le fait de confier des actions à une société constituée dans le seul but de les accueillir ne conduit pas à une acquisition de contrôle par l’acquéreur final et ne relève donc pas du champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. Troisièmement, selon la requérante, dans l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), le Tribunal a rejeté, aux points 148 et suivants dudit arrêt, relatifs au considérant 20 du règlement no 139/2004, l’idée selon laquelle, en cas de réalisation anticipée d’une concentration, deux opérations devraient être qualifiées de « concentration unique » au seul motif qu’elles sont étroitement liées. À cet égard, il résulterait du point 44 de l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149), que le considérant 20 du règlement no 139/2004 ne constitue pas une base juridique permettant de conclure à l’existence d’une « concentration unique ». La position exprimée par la Commission dans son mémoire en défense selon laquelle un « projet économique unique » de deux opérations peut conduire à une « concentration unique » devrait donc être rejetée. En outre, la requérante renvoie au point 128 de l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), selon lequel le critère pertinent est celui du moment auquel l’acquisition du contrôle a eu lieu. Par ailleurs, la requérante affirme que la notion de « concentration unique » ne saurait être invoquée pour établir la réalisation anticipée d’une concentration et indique que le Tribunal a précisé, au point 151 dudit arrêt, que, lorsque ces opérations, prises ensemble, ne sont pas suffisantes afin de transférer le contrôle de l’entreprise cible, cela n’a « aucun sens » de les qualifier de concentration unique. Enfin, la Commission elle-même aurait soutenu, au point 105 de la décision C(2014) 5089 final de la Commission, du 23 juillet 2014, infligeant une amende pour la réalisation d’une concentration en violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 (affaire COMP/M.7184 – Marine Harvest/Morpol), que la question de savoir si ces deux étapes faisaient partie de la même opération, autrement dit l’existence d’une « concentration unique », était « dénuée de pertinence » dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

84      La Commission conteste les arguments de la requérante.

85      Premièrement, il convient de relever que le point 25 de l’arrêt du 6 juillet 2010, Aer Lingus Group/Commission (T‑411/07, EU:T:2010:281), ne concerne pas la position du Tribunal, mais relate le raisonnement de la Commission dans la décision relative à cette affaire. Quant au point 85 dudit arrêt, si le Tribunal a effectivement indiqué que, en l’absence de prise de contrôle effective, la participation litigieuse dans ladite affaire ne pouvait « être assimilée à une “concentration” qui a “déjà été réalisée” », il ne saurait être déduit de cette affirmation qu’une concentration ne peut être partiellement réalisée par une opération contribuant à un changement de contrôle.

86      En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 74 ci‑dessus, le Tribunal a indiqué dans l’arrêt du 6 juillet 2010, Aer Lingus Group/Commission (T‑411/07, EU:T:2010:281, point 83), que l’acquisition d’une participation qui ne conférait pas, en tant que telle, le contrôle au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004 pouvait relever du champ d’application de l’article 7 dudit règlement. Il ressort ainsi de cet arrêt du Tribunal, prononcé antérieurement à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que la réalisation d’une concentration ne devait pas nécessairement être interprétée comme une acquisition de contrôle.

87      Par conséquent, l’arrêt du 6 juillet 2010, Aer Lingus Group/Commission (T‑411/07, EU:T:2010:281), n’exclut pas que l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 englobe également la réalisation partielle, c’est-à-dire des opérations ne transférant pas, en tant que telles, le contrôle.

88      Deuxièmement, en ce qui concerne l’arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384), il convient de rectifier la conclusion qu’en tire la requérante, à savoir que le fait de confier des actions à une société constituée dans le seul but de les accueillir n’aurait pas conduit à une acquisition de contrôle par l’acquéreur final et ne relèverait donc pas du champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, en la replaçant dans son contexte.

89      D’une part, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384), et la présente affaire ne sont pas pleinement comparables. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384), la requérante contestait que la structure de portage relevait de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 1989, L 395, p. 1), alors que, dans la présente affaire, la requérante ne prétend pas que la structure de portage en cause relève d’une telle exception.

90      Dès lors qu’il s’agit de deux structures de portage différentes, les conclusions tirées à l’égard de la première ne peuvent être étendues, de manière générale, à la seconde.

91      D’autre part, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384), comme l’a souligné la Commission au point 175 de la décision attaquée, et comme la Cour, saisie sur pourvoi, l’avait relevé, le recours de la requérante dans ladite affaire visait uniquement l’annulation de la décision litigieuse par laquelle la Commission avait déclaré l’opération de concentration en cause compatible avec le marché commun (arrêt du 6 novembre 2012, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑551/10 P, EU:C:2012:681, point 36). La question en litige portait ainsi sur la légalité de la décision de la Commission autorisant la concentration, et non sur la question de la mise en œuvre précoce des concentrations au moyen d’une structure de portage. Pour cette raison, la Cour a relevé que, pour que le Tribunal puisse se prononcer sur la légalité de la décision litigieuse, l’examen de la question de savoir si Lagardère SCA avait acquis un contrôle unique ou conjoint avec la banque NBP des actifs cibles, par l’opération de portage en cause, n’était pas nécessaire et que les constatations du Tribunal relatives à cette question devaient donc être considérées comme surabondantes (arrêt du 6 novembre 2012, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑551/10 P, EU:C:2012:681, point 40).

92      En outre, en tout état de cause, dans son recours devant le Tribunal, la partie requérante dans cette affaire soutenait que le portage des actifs cibles avait donné à l’acquéreur final, dès leur acquisition par la société de portage, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité liée à ces derniers, en ce que ce portage aurait conféré à l’acquéreur final, sur tout ou partie des actifs cibles, des droits de propriété ou de jouissance, au sens de l’article 3, paragraphe 3, sous a), du règlement no 4064/89, tel que modifié par le règlement (CE) no 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO 1997, L 180, p. 1) (arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384, point 119).

93      La partie requérante dans cette affaire avait ainsi isolé l’opération donnant lieu à l’acquisition des actifs cibles par la société de portage et soutenu que celle‑ci avait déjà conduit à une acquisition de contrôle.

94      Dans ce contexte, le Tribunal a indiqué que, étant donné que le portage des actifs cibles ne pouvait, dans cette espèce, être considéré comme une opération de concentration au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 4064/89, l’interdiction faite aux parties à une telle opération, par l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 4064/89, de la réaliser avant qu’elle ne soit notifiée et déclarée compatible avec le marché commun n’avait donc pas pu être violée (arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384, point 171).

95      Cette déclaration du Tribunal n’a ainsi été formulée qu’en réponse à l’allégation de la requérante selon laquelle la décision d’autorisation de la concentration était invalide, notamment parce que l’acquéreur final, par une opération de portage, aurait acquis le contrôle soit unique, soit conjoint des actifs cibles dès l’acquisition de ceux-ci par la société de portage (détenue indirectement, mais à 100 % par la banque NBP), sans notification préalable de la concentration.

96      Le Tribunal n’a donc pas examiné la question de savoir si l’acquisition des actifs cibles par la société de portage constituait, comme en l’espèce, la réalisation partielle d’une concentration unique, mais si cette acquisition, effectuée dans le cadre d’une structure de portage, avait, en tant que telle, transféré le contrôle à l’acquéreur.

97      Troisièmement, en ce qui concerne l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), à titre liminaire, il convient de constater que les parties principales s’opposent quant à la question de savoir quel a été le critère utilisé dans la décision attaquée pour caractériser la réalisation anticipée d’une concentration.

98      En effet, la requérante considère que la Commission a, dans la décision attaquée, estimé qu’il était suffisant d’établir que l’opération provisoire et l’opération finale constituaient une concentration unique, tandis que le critère approprié aurait été d’apprécier si l’opération provisoire lui a permis d’acquérir le contrôle de TMSC.

99      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte du considérant 99 de la décision attaquée (voir point 53 ci‑dessus), la Commission n’a pas considéré comme suffisant d’établir que l’opération provisoire et l’opération finale constituaient une concentration unique, mais a relevé, premièrement, que l’opération provisoire et l’opération finale constituaient, ensemble, une concentration unique, deuxièmement, que l’opération provisoire avait contribué partiellement au changement de contrôle de TMSC au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), et que, en procédant à cette opération provisoire, la requérante avait partiellement réalisé la concentration unique consistant en l’acquisition du contrôle de TMSC par la requérante et, troisièmement, que cette réalisation partielle, antérieure à la notification à la Commission, avait violé l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

100    En ce qui concerne le renvoi, par la requérante, aux points 148 et suivants de l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal n’a pas rejeté l’idée selon laquelle, en cas de réalisation anticipée d’une concentration, deux opérations devraient être qualifiées de « concentration unique » au seul motif qu’elles étaient étroitement liées, puisqu’il a simplement indiqué que le règlement no 139/2004 ne donnait pas une définition exhaustive des conditions dans lesquelles deux opérations constituaient une concentration unique (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 150). Quant au point 44 de l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149), auquel la requérante renvoie également, la Cour y indique simplement qu’il ne saurait valablement être déduit du seul libellé du considérant 20 du règlement no 139/2004 une interprétation de la notion de « concentration unique » qui ne serait pas conforme aux dispositions de ce règlement. Il ne saurait donc être déduit de ce point que, dans cet arrêt, la Cour rejette l’approche de la Commission selon laquelle un « projet économique unique » de deux opérations peut conduire à une « concentration unique ».

101    Ainsi, comme l’indique la Commission, ni le Tribunal ni la Cour n’ont remis en cause le fait que deux opérations pouvaient conduire à une opération unique.

102    À cet égard, sans être contredit par la Cour, le Tribunal a relevé, au point 90 de l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), que la Commission s’était, dans plusieurs décisions, appuyée sur le concept de « concentration unique » et que le Tribunal avait entériné ce concept, notamment dans l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64).

103    En ce qui concerne le renvoi au point 128 de l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest (T‑704/14, EU:T:2017:753), il convient de souligner que cette affaire concernait l’application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 à une suite d’opérations, pour lesquelles il n’était pas contesté que le contrôle de l’entreprise cible avait déjà été acquis lors de la première opération. C’est donc dans ce cadre que le Tribunal a conclu que, lorsque l’acquisition du contrôle exclusif de fait de la seule entreprise cible avait lieu au moyen d’une seule première transaction, les transactions ultérieures par lesquelles l’acquéreur obtenait des parts supplémentaires de cette entreprise n’étaient plus pertinentes pour acquérir le contrôle (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 128). Dès lors, cette conclusion ne saurait avoir pour conséquence que la réalisation anticipée ne peut avoir lieu que dans l’hypothèse d’un changement de contrôle lors de la première opération dans le contexte d’une concentration unique telle qu’en l’espèce.

104    En ce qui concerne le renvoi au point 151 de l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest (T‑704/14, EU:T:2017:753), il y a lieu de relever que la citation produite par la requérante est inexacte, car elle est incomplète. En effet, ce qui n’aurait « aucun sens » à ce point, selon le Tribunal, ce serait de considérer que toutes les opérations qui font l’objet d’un lien conditionnel ou prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref devraient être traitées comme une concentration unique, et ce même lorsque ces opérations, prises ensemble, ne seraient pas suffisantes afin de transférer le contrôle de l’entreprise cible (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 151). Ainsi, par ce point, le Tribunal a simplement souligné que seules les opérations qui, dans leur ensemble, transfèrent le contrôle, peuvent constituer une « concentration unique ».

105    Or, en l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission ne soutient pas que l’opération provisoire a, à elle seule, suffi à transférer le contrôle de TMSC à la requérante. En effet, dans la décision attaquée, la Commission a conclu que c’est l’opération finale, qui constituait une concentration unique avec l’opération provisoire, qui a transféré le contrôle de TMSC à la requérante.

106    Enfin, l’argument de la requérante renvoyant à la position de la Commission exprimée au point 105 de la décision dans l’affaire Marine Harvest/Morpol est inopérant, car il ne s’agissait pas, dans cette affaire, de l’acquisition d’une entreprise cible au moyen d’une structure de portage comme en l’espèce, mais d’une situation dans laquelle la Commission avait conclu que Marine Harvest ASA avait acquis le contrôle de Morpol ASA par le biais d’un seul achat de 48,5 % des actions de Morpol, et non par le biais d’opérations partielles multiples portant sur des éléments d’actifs constituant, en fin de compte, une seule entité économique (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P EU:C:2020:149, point 29).

107    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la seconde sous‑branche du premier moyen doit être rejetée, ainsi que la première branche dudit moyen dans son ensemble.

2.      Sur la deuxième branche, tirée de labsence de réalisation partielle violant larticle 4, paragraphe 1, et larticle 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004

108    Il convient de relever que, à la section 4.1 de la décision attaquée, la Commission a conclu que l’opération provisoire et l’opération finale constituaient conjointement une concentration unique, car « elles s’inscriv[ai]ent dans un projet économique unique grâce auquel [la requérante] a acquis le contrôle de TMSC auprès de Toshiba » (considérant 101 de la décision attaquée). Pour parvenir à cette conclusion, la Commission s’est fondée sur trois éléments. Premièrement, l’opération provisoire n’aurait été réalisée que dans la perspective de l’opération finale (section 4.1.1 de la décision attaquée). Deuxièmement, l’unique finalité de MS Holding aurait été de faciliter l’acquisition du contrôle de TMSC par la requérante (section 4.1.2). Troisièmement, la requérante aurait été la seule partie à même de déterminer l’identité de l’acquéreur final de TMSC et assumait le risque économique de l’ensemble de l’opération dès l’opération provisoire (section 4.1.3).

109    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est indifférent que l’acquisition, directe ou indirecte, du contrôle d’une ou plusieurs entreprises ait été réalisée en une ou plusieurs étapes par le biais d’une ou plusieurs transactions, pour autant que le résultat atteint constitue une seule opération de concentration (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 104).

110    Que les parties, lorsqu’elles notifient une concentration à la Commission, projettent de conclure deux ou plusieurs transactions ou qu’elles les aient déjà conclues préalablement à leur notification est également indifférent. Il revient à la Commission, dans tous les cas de figure, d’apprécier si ces transactions présentent un caractère unitaire de sorte qu’elles constituent une seule opération de concentration au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004 (arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 105).

111    Une telle démarche vise à identifier, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à chaque cas d’espèce et dans un souci de rechercher la réalité économique qui sous-tend les opérations, la finalité économique poursuivie par les parties, en examinant, en présence de plusieurs transactions juridiquement distinctes, si les entreprises concernées auraient été disposées à conclure chaque transaction prise isolément ou si, au contraire, chaque transaction ne constitue qu’un élément d’une opération plus complexe, sans laquelle elle n’aurait pas été conclue par les parties (arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 106).

112    En d’autres termes, afin de déterminer le caractère unitaire des transactions en cause, il s’agit, dans chaque cas d’espèce, d’apprécier si ces transactions sont interdépendantes de sorte que l’une n’aurait pas été réalisée sans l’autre (arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 107).

113    Cette démarche tend, d’une part, à assurer aux entreprises qui notifient une opération de concentration le bénéfice de la sécurité juridique pour l’ensemble des transactions qui réalisent cette opération et, d’autre part, à permettre à la Commission d’exercer un contrôle efficace sur les opérations de concentration qui sont susceptibles d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces deux buts constituent, au demeurant, l’objectif principal du règlement no 139/2004 (voir arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 108 et jurisprudence citée).

114    Il s’ensuit qu’une opération de concentration, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, peut se réaliser même en présence d’une pluralité de transactions juridiques formellement distinctes dès lors que ces transactions sont interdépendantes de sorte qu’elles ne seraient pas réalisées les unes sans les autres et dont le résultat consiste à conférer à une ou à plusieurs entreprises le contrôle économique, direct ou indirect, sur l’activité d’une ou de plusieurs autres entreprises (arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 109).

115    C’est notamment à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les cinq griefs avancés par la requérante sous forme de cinq sous-branches, selon lesquels, premièrement, le fait que « l’opération provisoire n’a été entreprise que dans la perspective de l’opération finale » est dénué de pertinence et n’est pas établi à suffisance de droit par la Commission, deuxièmement, le seul but de MS Holding n’était pas de « faciliter la prise du contrôle par la requérante de TMSC », troisièmement, le prétendu pouvoir de déterminer l’identité de l’acquéreur final et les risques économiques sont dénués de pertinence, quatrièmement, les conditions de la « réalisation partielle » au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), ne sont pas remplies et, cinquièmement, l’opération provisoire n’a pas « contribué à changer durablement le contrôle » sur TMSC au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371).

a)      Sur la première sousbranche, selon laquelle le fait que « lopération provisoire na été entreprise que dans la perspective de lopération finale » est dénué de pertinence et nest pas établi à suffisance de droit par la Commission

116    La requérante soutient que le constat fait par la Commission au point 4.1.1 de la décision attaquée selon lequel « l’opération provisoire n’a été entreprise que dans la perspective de l’opération finale » ne saurait permettre de conclure à l’existence d’une concentration unique et avance qu’il ressort clairement du point 35 de la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement [no 139/2004] du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (ci-après la « CJC ») qu’il ne suffit pas qu’une opération soit entreprise dans la perspective d’une autre pour que deux opérations soient suffisamment liées au sens de ce point. Pour qu’elles soient suffisamment liées, la CJC requerrait la présence d’« un accord prévoyant la revente future » en vertu duquel « l’acquéreur provisoire acquiert généralement les actions “pour le compte” de l’acquéreur final ». En l’espèce, MS Holding et la requérante n’auraient pas conclu d’accord de ce type et MS Holding n’aurait pas agi pour le compte de celle‑ci.

117    La Commission conteste les arguments de la requérante.

118    En ce qui concerne la question de savoir s’il était pertinent de savoir si l’opération provisoire n’a été entreprise que dans la perspective de l’opération finale, c’est à juste titre que la Commission relève, d’une part, qu’il n’est pas conclu, dans la décision attaquée, à l’existence d’une concentration unique sur la base de cette simple constatation et, d’autre part, que, conformément à l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64), il s’agit d’un élément pertinent pour établir la finalité économique poursuivie par les parties (voir, au point 111 ci‑dessus, les considérations énoncées au point 106 dudit arrêt) et pour apprécier si l’opération provisoire et l’opération finale étaient interdépendantes, de sorte que l’une n’aurait pas été réalisée sans l’autre (voir, au point 112 ci‑dessus, les considérations énoncées au point 107 dudit arrêt).

119    En outre, l’argument de la requérante concernant l’absence de pertinence de cet élément n’est pas non plus étayé par l’affirmation selon laquelle cet élément ne démontre pas l’existence d’un accord en vertu duquel MS Holding acquerrait TMSC « pour le compte » de la requérante, comme le demanderait prétendument le point 35 de la CJC. En effet, comme la Commission l’a relevé au considérant 114 de la décision attaquée, le point 35 de la CJC énonce que « [l]’acquéreur provisoire acquiert généralement les actions “pour le compte de l’acquéreur final ». Par conséquent, la CJC n’exige pas qu’un acheteur provisoire agisse nécessairement pour le compte de l’acheteur final pour qu’une opération de portage puisse être considérée comme une concentration unique.

120    En ce qui concerne la question de savoir si le fait que l’opération provisoire n’a été entreprise que dans la perspective de l’opération finale a été établi à suffisance de droit par la Commission dans la décision attaquée, ce n’est que dans le cadre des autres sous‑branches ci-après que la requérante développe ses arguments, lesquels seront donc examinés dans le cadre desdites sous‑branches.

b)      Sur la deuxième sousbranche, selon laquelle le seul but de MS Holding nétait pas de « faciliter la prise du contrôle par la requérante de TMSC »

121    Selon la section 4.1.2 de la décision attaquée, MS Holding a été créée à la seule fin de faciliter l’acquisition par la requérante du contrôle de TMSC.

122    Selon le considérant 118 de la décision attaquée, les accords de transaction et divers documents internes de la requérante montrent que, dès le départ, MS Holding avait vocation à agir exclusivement en tant qu’acheteur intérimaire et que son seul objectif était de faciliter l’acquisition par la requérante du contrôle de TMSC. La Commission a précisé que cela était démontré, d’une part, par le fait que la requérante a proposé la création de MS Holding et y a effectivement participé, y compris la conception de sa structure d’entreprise et, d’autre part, par l’absence d’un véritable intérêt économique de MS Holding pour la société TMSC, au-delà de son rôle d’acheteur provisoire pour lequel elle a été rémunérée à un prix fixe.

123    Ces deux motifs sont contestés par la requérante, qui soulève à leur égard cinq griefs.

1)      Sur le fait que l’élaboration de l’opération aurait été dirigée par Toshiba et la nécessité d’enregistrer une plus-value significative d’ici à la fin du mois de mars 2016

124    La requérante soutient que, contrairement aux affirmations de la Commission développées aux considérants 107 et suivants de la décision attaquée, ce n’est pas elle, mais Toshiba, qui a développé et proposé la structure de portage de l’opération, afin de permettre la cession rapide de TMSC et l’enregistrement immédiat d’une plus-value par Toshiba, tout en respectant l’ensemble des régimes de contrôle des concentrations applicables. La requérante relève ainsi que Toshiba a initialement proposé la « structure 80/20 », mentionnée au considérant 10 de la décision attaquée, et que l’affirmation selon laquelle la requérante a suggéré de reconsidérer cette proposition est erronée, car Toshiba s’est rendu compte que cette structure ne répondait pas à ses besoins. Toshiba aurait été la « force motrice » à l’origine de la structure d’opération, une structure qui n’aurait pas bénéficié à la requérante et n’aurait pas servi ses intérêts. Partant, les différents facteurs mentionnés dans la décision attaquée seraient dénués de pertinence. Ainsi, le fait que MS Holding n’existait pas encore lorsque le processus d’appel d’offres a été lancé par Toshiba serait dénué de pertinence, car il ne serait pas rare que des entités juridiques soient constituées au cours d’un processus d’appel d’offres. Enfin, le fait que la requérante ait été retenue comme étant le meilleur soumissionnaire serait dû au simple fait qu’elle a présenté une offre d’acquisition de TMSC significativement plus élevée que celles de ses concurrents.

125    La Commission conteste les arguments de la requérante.

126    Il convient de relever que le fait que Toshiba ait pris l’initiative de la première proposition n’a rien de surprenant, puisque cette dernière devait trouver une solution visant à résoudre d’importantes difficultés financières (voir point 3 ci‑dessus).

127    En outre, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 110 de la décision attaquée, même si, selon un document interne de Toshiba du 9 mars 2016, la complexité et l’unicité d’une structure tripartite pouvaient attirer l’attention, cette structure présentait, selon un autre document interne de Toshiba du 14 mars 2016, un grand avantage pour elle : TMSC ne serait plus l’une de ses filiales et, du point de vue comptable, elle sortirait irrémédiablement des comptes de Toshiba dès le jour de la signature. Selon ledit document du 9 mars 2016, avec cette structure, Toshiba était assurée d’achever la vente de toutes les actions à la mi‑mars 2016, et elle a donc estimé que celle-ci contribuait le mieux à ses finances annuelles.

128    Toutefois, il était dans l’intérêt de la requérante de faire une proposition correspondant aux besoins de Toshiba, puisqu’elle était également intéressée à acquérir TMSC, acquisition qu’elle qualifie, dans sa lettre à Toshiba du 4 mars 2016, d’occasion qui ne se présente qu’« une fois dans la vie ».

129    Ainsi, même si la requérante soutient que ce n’est pas elle, mais Toshiba, qui a élaboré et proposé la structure de transaction, elle ne conteste pas avoir proposé à Toshiba, dans une lettre du 4 mars 2016, une nouvelle structure de transaction (considérant 119 de la décision attaquée) et reconnaît que, par lettre du 9 mars 2016, Toshiba a répondu que cette structure en deux étapes était la seule proposition qui n’était pas subordonnée à l’issue de questions relevant du droit de la concurrence avant la réalisation de l’opération, ce qui permettait d’achever la vente de toutes les actions à la mi-mars 2016 (considérant 123 de la décision attaquée).

130    Quant à l’argument de la requérante selon lequel la structure retenue avait été choisie dans l’unique intérêt de Toshiba, et non dans le sien, il est évident qu’il était dans l’intérêt de la requérante de proposer une structure qui pouvait correspondre à l’intérêt de Toshiba pour remporter l’appel d’offres. Ainsi, la requérante ne conteste pas le contenu du considérant 123 de la décision attaquée, selon lequel, même si le choix de la structure de transaction était dicté par les besoins de Toshiba, la requérante était toujours désireuse de contribuer à mettre en place une structure d’opération qui répondrait au mieux aux difficultés financières de Toshiba et qui lui permettrait donc de remporter la procédure d’appel d’offres, de sorte que la requérante puisse ainsi parvenir à acquérir TMSC.

131    Cela est confirmé par la correspondance entre la requérante et Toshiba mentionnée au point 129 ci‑dessus.

132    Enfin, quant à l’argument de la requérante selon lequel les différents facteurs auxquels la décision attaquée fait référence sont dénués de pertinence, étant donné que ces circonstances ne sont pas suffisantes pour établir une concentration unique, il convient de relever que la Commission ne prétend pas, dans la décision attaquée, que chaque facteur est suffisant en soi pour établir une concentration unique.

133    Il convient également de relever que la requérante ne démontre pas que ces facteurs ne sont pas pertinents.

134    Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, est pertinent le fait que, lorsque la procédure d’appel d’offres a été lancée par Toshiba, MS Holding n’existait pas. La requérante était le seul soumissionnaire à avoir proposé une structure de transaction en deux étapes avec la création d’une société holding transitoire, susceptible de répondre aux intérêts de Toshiba, à savoir obtenir le prix de vente total pour TMSC avant la fin du mois de mars 2016.

135    La proposition d’une structure tripartite apparaît ainsi être la raison pour laquelle la requérante a remporté l’appel d’offres, davantage que celle qu’elle avance, selon laquelle son offre d’acquisition de TMSC était significativement plus élevée que celle de ses concurrents. Cela est confirmé par le courriel de Toshiba du 9 mars 2016, mentionné au point 129 ci‑dessus.

136    En tout état de cause, le fait que l’idée d’une structure tripartite ait été proposée par la requérante ou par Toshiba n’est pas déterminant. La structure tripartite a été conclue dans l’intérêt des deux parties. Elle a permis, d’une part, à Toshiba de sortir TMSC de ses comptes consolidés et de reconnaître le prix de sa vente comme apport en capital avant fin mars 2016 sans attendre les autorisations de concentration, et, d’autre part, à la requérante de remporter l’appel d’offres, aucun autre soumissionnaire n’ayant proposé une telle structure.

137    Le grief de la requérante selon lequel l’opération aurait été dirigée par Toshiba et n’aurait été élaborée que dans le seul intérêt de celle‑ci doit donc être rejeté.

2)      Sur le grief selon lequel la requérante n’a pas participé activement à la constitution de MS Holding

138    La requérante soutient que c’est un cabinet d’avocats japonais, qui n’a été engagé ni par elle ni par Toshiba, qui est à l’origine de la constitution de MS Holding, y compris du choix de son nom, de son siège et de ses actionnaires, conformément à la pratique généralisée au Japon consistant à utiliser un « comité tiers » indépendant. Ainsi, l’affirmation, au considérant 119 de la décision attaquée, selon laquelle la requérante a proposé de constituer MS Holding en tant qu’acquéreur provisoire afin de permettre à Toshiba de recevoir le prix d’achat avant la fin de l’exercice fiscal 2015, serait erronée, car une telle conclusion ne pourrait être tirée du document mentionné à la note en bas de page no 156 de ladite décision, auquel ce considérant renvoie. De même, l’affirmation, au considérant 150 de la décision attaquée, selon laquelle la requérante a formulé des propositions et des observations relatives à l’identité des actionnaires, à la quantité de fonds propres et aux statuts de MS Holding, serait erronée, car le fait que, selon ledit considérant 150, la requérante ait également été invitée à formuler des observations sur le « Shares and Other Securities Transfer Agreement » ne montrerait pas une grande implication de sa part dans la vente des actions de catégorie A à MS Holding. Ledit cabinet d’avocats japonais aurait finalement sélectionné chacun des trois actionnaires de MS Holding sans recourir à l’approbation de la requérante ou de Toshiba.

139    La Commission conteste les arguments de la requérante.

140    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel c’est un cabinet d’avocats qui a décidé, de manière indépendante, du nom, du siège et des actionnaires de MS Holding, il est inexact, ainsi que le démontrent des échanges de courriels du 7 mars 2016 entre les avocats de Toshiba et ceux de la requérante.

141    Ainsi, concernant le nom de la structure, par un courriel des avocats de Toshiba adressé à ceux de la requérante, il leur est demandé s’ils s’accordent quant au nom « MS Holding ». Concernant le siège, dans un autre courriel des avocats de Toshiba, ceux-ci proposent une localisation et demandent aux avocats de la requérante de vérifier si ce choix est « plausible ». Concernant les actionnaires, il est demandé dans ce même courriel aux avocats de la requérante de confirmer s’ils sont d’accord concernant la nomination d’un actionnaire proposé par le cabinet d’avocats de Toshiba. Ce même courriel réitère la demande de confirmation susmentionnée du nom de la structure. Il peut encore être relevé que ce courriel démontre l’existence de discussions variées et directes entre les avocats de Toshiba et ceux de la requérante, les premiers demandant aux seconds de prendre leurs dispositions en vue d’une conférence téléphonique.

142    En ce qui concerne le considérant 119 de la décision attaquée remis en cause par la requérante, il est exact, comme celle-ci le soutient, que l’extrait de la note en bas de page no 156 à laquelle ce considérant renvoie ne permet pas de conclure qu’elle a proposé de constituer MS Holding.

143    Cependant, la requérante ne cite pas l’intégralité de ce considérant, qui mentionne sa lettre du 4 mars 2016 à Toshiba, dans laquelle la requérante indique qu’elle a étudié une nouvelle structure de transaction tenant compte de la période de dépôt des notifications selon les réglementations de chaque pays jusqu’à l’obtention des autorisations et que cette nouvelle structure devrait permettre d’accroître la certitude de terminer rapidement la transaction.

144    Il ressort ainsi clairement de cette lettre que c’est bien la requérante qui a proposé une nouvelle structure de transaction, tenant compte à la fois de la nécessité pour Toshiba d’obtenir le prix de la vente de TMSC et de la nécessité d’obtenir les autorisations de concentration.

145    En outre, ainsi qu’il résulte de la lettre de Toshiba à la Commission du 18 décembre 2017, cette structure, contrairement à la structure « 80/20 », permettait à Toshiba de sortir TMSC de sa comptabilité avant la fin de l’exercice 2015 pour pouvoir y faire figurer le prix de vente de TMSC.

146    En ce qui concerne le considérant 150 de la décision attaquée remis en cause par la requérante au motif qu’elle n’aurait pas montré une « grande implication » dans la vente des actions de catégorie A à MS Holding, il y a lieu de relever que ni ce considérant ni les autres considérants de la décision attaquée ne prétendent que la requérante aurait montré une « grande implication ». À cet égard, le considérant 125 de la décision attaquée énonce que le fait que la requérante a eu la possibilité de proposer des modifications suffit à démontrer qu’elle a participé à la vente d’actions de TMSC de catégorie A, de Toshiba à MS Holding. Or, la requérante ne remet pas en cause ledit considérant 125.

147    Quant à l’argument selon lequel le cabinet d’avocats prétendument indépendant aurait finalement sélectionné chacun des trois actionnaires de MS Holding sans recourir à l’approbation de la requérante ou de Toshiba, il est inexact, ainsi qu’il résulte du point 141 ci‑dessus.

148    Le grief de la requérante selon lequel elle n’aurait pas participé activement à la constitution de MS Holding doit donc être rejeté.

3)      Sur le grief selon lequel la description par la Commission du rôle de MS Holding est trompeuse

149    La requérante soutient que le considérant 150 de la décision attaquée, selon lequel MS Holding n’était pas intéressée, d’un point de vue économique, par la société TMSC, au-delà de son rôle d’acheteur provisoire pour lequel elle a été rémunérée à un prix fixe, est trompeur. MS Holding aurait joui pleinement de ses droits en tant qu’actionnaire et les actionnaires de MS Holding auraient bénéficié des dividendes versés par TMSC au cours de la période provisoire.

150    La Commission conteste les arguments de la requérante.

151    Il n’est pas contesté que MS Holding n’a payé que 800 euros pour acquérir toutes les actions de catégorie A, auxquelles était attaché 100 % des droits de vote de TMSC, dont la valeur était estimée à environ 5,28 milliards d’euros, et qu’il était convenu que les actionnaires de MS Holding vendraient leurs actions de catégorie A, lorsque la requérante exercerait ses « options sur actions » (actions de catégorie C), à un prix fixé ex ante donc sans prendre en considération les performances de TMSC.

152    Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission a considéré, au considérant 126 de la décision attaquée, que l’intérêt des actionnaires de MS Holding était limité au bénéfice préalablement convenu de la vente de ces actions, lequel était garanti dès le départ et ne dépendait nullement des résultats de TMSC.

153    Comme le relève la Commission, le simple fait que MS Holding ait perçu certains dividendes n’infirme pas l’observation faite dans ce considérant, à savoir que, contrairement à la situation d’un actionnaire habituel, MS Holding pouvait recevoir certains dividendes, mais ne pouvait pas bénéficier d’une éventuelle augmentation de la valeur de TMSC en cas de résultats économiques positifs.

154    Ainsi, le fait que les actionnaires de MS Holding aient pu obtenir des dividendes de TMSC apparaît comme secondaire. Ce qui importe, c’est que les actionnaires de MS Holding avaient déjà accepté de vendre leurs actions de catégorie A à un prix fixe lorsque la requérante a exercé ses options sur actions.

155    En outre, il convient de relever que, à la note en bas de page no 215 de la décision attaquée, la Commission indique que Toshiba elle-même, en réponse à la demande d’informations de la Commission, prise au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, a confirmé que l’opération provisoire était destinée spécifiquement à réaliser la vente de TMSC dans les circonstances particulières auxquelles Toshiba devait faire face, et qu’il était peu probable que cette structure trouve application en dehors de cette opération.

156    Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le considérant 150 de la décision attaquée, dont il résulte que MS Holding n’était pas intéressée, d’un point de vue économique, par la société TMSC, au‑delà de son rôle d’acheteur provisoire pour lequel elle a été rémunérée à un prix fixe, n’est pas trompeur.

4)      Sur le grief selon lequel MS Holding était parfaitement libre d’exercer ses droits de vote

157    La requérante soutient que l’affirmation de la Commission, au considérant 127 de la décision attaquée, selon lequel MS Holding n’était censée exercer aucun de ses droits de vote, est erronée. Au contraire, MS Holding aurait été parfaitement libre d’exercer ses droits de vote sur TMSC.

158    La Commission conteste les arguments de la requérante.

159    Certes, il n’est pas contesté entre les parties que le considérant 127 de la décision attaquée vise une version du contrat entre Toshiba et MS Holding qui n’a finalement pas été retenue.

160    Ce considérant mentionne un échange de courriels entre les avocats ayant participé à la création de MS Holding envisageant que, en règle générale, il n’y aurait pas d’exercice de droits par les actionnaires et qu’il pourrait être envisagé de rendre ce point juridiquement contraignant. Or, il y a lieu de constater que ce point n’a pas été repris dans la version finale du contrat entre Toshiba et MS Holding.

161    Cependant, il importe de relever que, malgré le fait que MS Holding disposait de 100 % des droits de vote pendant la période provisoire, il ressort de la décision attaquée qu’il était prévu dès la mise en place de la structure de portage que les droits de vote de MS Holding seraient limités et, de ce fait, porteurs de peu de pouvoirs.

162    Une première limite à la liberté de MS Holding d’exercer ses droits de vote résulte du fait que, pour les besoins de la transaction, de nouvelles catégories d’actions et actions supplémentaires ont été créées (considérant 19 de la décision attaquée, voir point 11 ci‑dessus), ce qui a permis que les intérêts de la requérante, en tant que seule détentrice des actions de catégorie B (en l’occurrence une seule action sans droit de vote), soient protégés par l’article 322, paragraphe 1, de la loi japonaise sur les sociétés (voir considérant 137 de la décision attaquée).

163    Une deuxième limite est celle apportée par le droit de véto de la requérante sur un nombre de décisions que MS Holding ne pouvait prendre sans avoir consulté la requérante ou sans avoir reçu son accord en vertu de l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC. En effet, pour protéger ses intérêts, selon les explications de la requérante dans sa réponse du 13 mars 2019 à la demande de la Commission du 25 février 2019, en tant que détentrice de l’action de catégorie B, elle aurait eu, en vertu de l’article 322, paragraphe 1, de la loi japonaise sur les sociétés, à démontrer que ses intérêts ont été lésés, alors que la protection qu’elle avait acquise en vertu de l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC était inconditionnelle (voir considérant 137 de la décision attaquée). En outre, le droit de véto découlant de l’article 16.3(3)2 privait MS Holding du droit qu’elle aurait détenu en vertu de l’article 179-3 de la loi japonaise relative aux sociétés, en vertu duquel MS Holding, en tant qu’actionnaire détenant plus de 90 % des droits de vote dans TMSC, aurait été dotée du droit d’acheter les autres actions, ainsi que les options sur action de TMSC (voir considérants 136 et 137 de la décision attaquée).

164    Une troisième limite tient au fait que MS Holding n’était pas libre de choisir la durée de la détention des actions de TMSC. En effet, malgré la détention de 100 % des droits de vote, MS Holding ne pouvait s’assurer du maintien de ses droits en tant qu’actionnaire possédant 100 % des droits de vote au‑delà de la date prévue dans les points 6 et 7 du « Share and Other Securities Tranfert Agreement », c’est-à-dire la date de l’exercice des options sur actions (considérants 126 et 152 de la décision attaquée). Après cet exercice, MS Holding, même si elle avait pu rester actionnaire de TMSC, serait devenue une actionnaire avec droit de vote minoritaire. Dès lors, la vente à TMSC des actions de catégorie A par MS Holding, telle que prévue par les statuts modifiés de TMSC, n’était pas laissée au libre choix de MS Holding, car, faute d’un droit de véto inconditionnel tel que celui de la requérante, MS Holding ne pouvait se protéger contre l’éviction de ses droits d’actionnaire minoritaire. Par ailleurs, il lui aurait vraisemblablement été difficile de démontrer que ses intérêts avaient été lésés, puisqu’elle avait acheté des actions de catégorie A pour environ 800 euros et les avait revendues peu de temps après pour environ 300 000 euros (considérant 34, sous c, de la décision attaquée).

165    D’ailleurs, la requérante a elle-même expliqué à la Commission, dans sa réponse du 13 mars 2019, que MS Holding ne jouissait pas réellement d’une liberté illimitée, car elle ne pouvait rien faire qui aurait potentiellement pu causer des dommages financiers à TMSC. Cette réponse de la requérante va donc également dans le sens de l’échange entre les avocats mentionné au considérant 127 de la décision attaquée (voir point 160 ci‑dessus).

166    Il en résulte que la détention de 100 % des droits de vote dans TMSC ne reflète pas, à elle seule, la réalité juridique de l’opération.

167    En outre, dans ladite réponse de la requérante à la Commission, ainsi que dans sa requête, la requérante a expliqué que le droit de vote de MS Holding en tant qu’actionnaire de TMSC, société par actions de droit japonais (« Kabushiki Kaisha »), ne portait que sur les questions telles que la déclaration de dividendes, la nomination ou la révocation, ainsi que sur la détermination de la rémunération des administrateurs et des auditeurs d’entreprise, et sur la modification des statuts et l’approbation de l’émission d’actions et d’options sur actions.

168    Ainsi qu’il a été relevé, les décisions relatives à l’émission d’actions et d’options sur actions ne pouvaient être prises de manière indépendante par MS Holding, et le champ des décisions relatives à la modification des statuts était réduit, en raison de l’introduction du droit de véto de la requérante par l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC.

169    Quant aux droits de vote, dont la portée est déjà très réduite, MS Holding ne les a que très peu exercés. En effet, concernant l’exercice du droit de vote de MS Holding quant à la nomination ou à la révocation des administrateurs de TMSC, la requérante souligne, dans la requête, que l’actionnaire exercerait son influence sur la société détenue précisément par la surveillance et la nomination des administrateurs. Par ailleurs, la requérante a souligné, dans sa réponse du 13 mars 2019 à la demande de la Commission du 25 février 2019, l’indépendance des administrateurs de TMSC et le fait que, après l’acquisition par MS Holding et tout au long de la période provisoire, le conseil d’administration n’a presque pas été modifié, avec la même personne restant à sa tête.

170    En outre, aucun élément ne confirme que MS Holding ait approché la direction ni qu’elle ait réuni des informations lui permettant de prendre une quelconque décision de continuité ou de changement.

171    En revanche, comme il résulte de la lettre de la requérante à Toshiba du 4 mars 2016, la requérante a rencontré la direction de TMSC et, après avoir, selon ses termes, analysé la probabilité de réalisation de stratégies d’expansion, a décidé de promouvoir l’indépendance de la direction de TMSC et la continuité de celle‑ci après son acquisition par la requérante.

172    Dans ce contexte, la détention par MS Holding de 100 % des droits de vote de TMSC pendant la période provisoire ne permet pas de constater la réalité de son contrôle exclusif.

173    C’est donc à tort que la requérante soutient que MS Holding aurait été parfaitement libre d’exercer ses droits de vote.

5)      Sur le grief selon lequel TMSC a agi indépendamment de la requérante

174    La requérante fait valoir que TMSC était parfaitement habilitée à adopter des mesures stratégiques importantes sans son approbation ou celle de MS Holding. Quant à l’indépendance de TMSC par rapport à la requérante, à deux reprises au moins au cours de la période déterminante allant du 17 mars au 19 décembre 2016, TMSC aurait pris des décisions d’affaires majeures, que la requérante n’aurait pas eu à approuver et n’aurait pu empêcher. De plus, les documents internes concernant l’« opération Wako » auxquels il est fait référence au considérant 152 de la décision attaquée démontreraient que la direction de TMSC agissait en toute indépendance pendant la période provisoire, sans consulter Toshiba ni la requérante. Ainsi, ce serait à tort que la Commission présente, audit considérant 152, l’« opération Wako » comme un indice de ce que « la direction de TMSC agissait en ayant à l’esprit le transfert ultérieur des actions de TMSC à [la requérante] ». Quant à l’indépendance de TMSC par rapport à MS Holding, l’affirmation énoncée au considérant 128 de la décision attaquée, selon laquelle « TMSC n’a participé à aucune réunion avec MS Holding », serait trompeuse. La requérante souligne que cet extrait, qui est une réponse de TMSC du 4 novembre 2016 à la demande d’informations de la Commission, prise par décision du 7 octobre 2016 au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 139/2004 (voir point 29 ci‑dessus), ne contient que la première phrase de ladite réponse, laquelle se poursuit en précisant expressément que, entre le 17 mars et le 19 décembre 2016, TMSC a convoqué six assemblées d’actionnaires.

175    La Commission conteste les arguments de la requérante.

176    Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante visant à étayer le présent grief selon lequel TMSC aurait agi indépendamment d’elle, il y a lieu de relever que, comme le souligne la Commission, cette dernière n’a pas fondé sa conclusion selon laquelle l’opération provisoire constituait la réalisation partielle d’une concentration unique sur le fait que la requérante avait acquis ou exercé une influence déterminante sur les décisions commerciales de TMSC, mais sur l’interprétation qu’elle tire de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), selon laquelle une réalisation partielle d’une concentration ne nécessite pas une acquisition du contrôle de l’entreprise cible (voir considérants 92 et suivants de la décision attaquée).

177    Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait fondé sa décision notamment sur le fait que TMSC aurait eu besoin de son approbation pour prendre des décisions est inopérant.

178    En tout état de cause, il peut être relevé que le considérant 152 de la décision attaquée indique simplement que le contrôle de MS Holding sur TMSC était temporaire par définition, en raison, premièrement, du prix minimal que MS Holding avait payé pour les actions de vote de TMSC (environ 800 euros), deuxièmement, du fait que les actionnaires de MS Holding étaient d’accord ex ante pour vendre leurs actions dans TMSC à un prix fixe lorsque la requérante exercerait ses options sur actions et, troisièmement, du fait que, selon la compréhension commune de la requérante et de Toshiba, MS Holding n’exercerait aucun de ses droits de vote sur TMSC. Ledit considérant ajoute qu’une confirmation supplémentaire du fait que le contrôle exercé par MS Holding sur TMSC était simplement temporaire figure dans les documents internes de TMSC concernant l’acquisition potentielle de Wako Pure Chemical Industries Ltd, une filiale de Takeda Pharmaceutical Company Ltd, démontrant que la direction de TMSC agissait en gardant à l’esprit le transfert ultérieur des actions de TMSC à la requérante.

179    C’est sur cette partie finale du considérant 152 de la décision attaquée que porte l’argumentation de la requérante.

180    Or, le considérant 152 de la décision attaquée, comme le souligne la Commission, ne laisse pas entendre que la requérante serait intervenue indûment dans les décisions commerciales de TMSC ou aurait exercé une certaine influence sur la gestion de TMSC, mais relève simplement que la direction de TMSC avait bien compris que le contrôle de MS Holding sur TMSC n’était que temporaire, étant donné que l’entreprise devait bientôt être rachetée par la requérante, qui avait déjà payé l’intégralité du prix d’achat.

181    En outre, comme le souligne également la Commission, la requérante ne prétend pas que la Commission a commis une quelconque erreur en considérant que le contrôle de MS Holding sur TMSC était simplement temporaire.

182    Deuxièmement, la requérante soutient que TMSC aurait agi indépendamment de MS Holding, de sorte que l’affirmation énoncée au considérant 128 de la décision attaquée, aux termes de laquelle « TMSC n’a participé à aucune réunion avec MS Holding », serait trompeuse, alors même que, « entre le 17 mars et le 19 décembre 2016, TMSC a convoqué six assemblées d’actionnaires ». À cet égard, il convient de rappeler le considérant 129 de ladite décision, non contesté par la requérante, selon lequel « [c]ontrairement à ce que prétend [la requérante], la Commission n’a pas fait valoir que MS Holding n’avait pas d’intérêt économique pour la société TMSC du fait que MS Holding n’était pas impliquée dans la gestion quotidienne de TMSC. Au contraire, la Commission a plutôt mentionné, au cours de l’enquête, le fait que MS Holding n’avait pas rencontré les administrateurs de TMSC (qui avaient été nommés par l’actionnaire précédent Toshiba) au cours de la période comprise entre le 17 mars 2016 et le 19 décembre 2016, ce qui indique une absence inhabituelle d’intérêt pour MS Holding, en tant que nouvel actionnaire. Puisque MS Holding était un nouvel actionnaire de TMSC, elle devrait, dans des circonstances commerciales normales, présenter un fort intérêt pour la gestion de TMSC, étant donné qu’un nouvel actionnaire décide normalement au cours des premiers mois suivant l’acquisition du contrôle soit de confirmer, soit de modifier les administrateurs de la société nouvellement acquise ».

183    Ainsi, l’argument de la requérante selon lequel MS Holding a assisté aux réunions officielles des actionnaires de TMSC ne saurait remettre en cause le fait qu’il n’existe pas de preuve que MS Holding ait exercé la fonction habituelle d’un actionnaire de contrôle qui consiste, selon les explications fournies par la requérante dans la requête, à contrôler et à désigner les administrateurs en charge des activités quotidiennes de la société.

184    Le fait que MS Holding a assisté aux réunions officielles des actionnaires de TMSC ne saurait donc remettre en cause l’affirmation formulée par la Commission au considérant 128 de la décision attaquée, selon laquelle il existe peu d’éléments de preuve, voire aucun, de l’implication de MS Holding dans les activités de TMSC.

185    Enfin, il peut être relevé que, dans le « Shares and Other Securities Transfert Agreement » conclu entre Toshiba et la requérante, sont prévues des « garanties » pour l’« acheteur » et le « vendeur » (« Exhibit 4.1 Seller’s Representations and Warranties » et « Exhibit 4.2. Buyer’s Representations and Warranties »). Alors même qu’il n’est fait mention d’aucune garantie dans le « Excluded Share Transfert Agreement » conclu entre Toshiba et MS Holding qui compte moins de deux pages, ces garanties démontrent que c’est l’accord entre Toshiba et la requérante qui portait la réalité économique de la transaction au sens du point 106 de l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64).

186    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la deuxième sous‑branche.

c)      Sur la troisième sousbranche, selon laquelle le prétendu pouvoir de déterminer lidentité de lacquéreur final et les risques économiques sont dénués de pertinence

187    La requérante remet en cause le considérant 151 de la décision attaquée.

188    Selon ce considérant, dès l’opération provisoire, la requérante a payé l’intégralité du prix d’acquisition de TMSC (5,28 milliards d’euros, correspondant à la valeur estimée de cette société), alors que MS Holding n’a payé qu’environ 800 EUR pour l’acquisition du contrôle de TMSC par l’acquisition des actions de catégorie A. La Commission a ajouté audit considérant que, en payant irréversiblement la totalité du prix de l’acquisition de TMSC dès l’opération provisoire, la requérante était devenue la seule à pouvoir déterminer, in fine, l’identité de l’acquéreur final de TMSC et supportait le risque économique de l’opération globale dès le début.

1)      Sur l’argument selon lequel le « droit de déterminer le propriétaire final ou futur » ne constitue pas une « influence »

189    La requérante soutient que le prétendu pouvoir de déterminer l’identité de l’acquéreur final ne prouve pas qu’elle ait acquis une « influence sur TMSC » (considérant 135 de la décision attaquée) du fait de l’opération provisoire. En particulier, les options sur actions qu’elle détenait pendant cette période ne lui auraient pas conféré le droit de contrôler ou d’influencer le cours normal des activités de TMSC, laquelle aurait été dirigée par un conseil d’administration indépendant. Elle ajoute que, si la possibilité de déterminer le propriétaire final suffisait à conclure à l’existence d’une réalisation partielle, la Commission serait tenue de considérer toute acquisition d’options sur actions permettant à l’acquéreur d’acquérir ultérieurement une participation de contrôle dans la société cible comme une violation de l’obligation de suspension. À titre d’exemple, une convention d’achat d’actions « standard » conclue entre deux parties, soumise à l’obtention d’une autorisation de la Commission dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations, conférerait à l’acquéreur, une fois l’autorisation de la concentration obtenue, le pouvoir de « déterminer le propriétaire final ». Cette situation serait en tout point identique à celle du cas d’espèce, dans lequel la requérante était habilitée, après avoir exercé les options sur actions et avoir reçu l’autorisation, à prendre le contrôle de TMSC ou à le céder à un tiers. Enfin, ce serait à tort que la Commission renverrait, à la note en bas de page no 190 de la décision attaquée, au point 61 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), pour en déduire que toute influence, même minime, serait susceptible de constituer la réalisation anticipée d’une concentration.

190    La Commission conteste les arguments de la requérante.

191    Premièrement, en ce qui concerne l’argument de la requérante relatif au considérant 135 de la décision attaquée, il suffit de constater que, audit considérant, la Commission n’a pas retenu que la requérante avait acquis le contrôle de TMSC à la suite de l’opération provisoire parce qu’elle était en mesure de déterminer le propriétaire final de TMSC. La Commission a plutôt constaté que l’opération provisoire lui conférait une influence sur l’avenir de TMSC, relevant qu’elle n’aurait pas eu une telle influence avant l’acquisition du contrôle exclusif si l’acquisition n’avait pas été structurée en opération de portage en deux étapes.

192    L’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait affirmé, dans ce considérant, qu’elle avait acquis une « influence sur TMSC » du fait qu’elle pourrait déterminer l’identité de l’acquéreur final est donc inexact.

193    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le cas d’espèce ne différerait pas d’une convention d’achat d’actions « standard », il y a lieu de relever que, comme le souligne la Commission, dans une telle convention, en principe, si la concentration n’est pas autorisée, la condition préalable n’est pas remplie et, partant, le contrat d’acquisition d’actions ne produit pas d’effets. Le vendeur conserve alors la société cible et l’acheteur ne paie pas le prix d’achat.

194    En l’espèce, au contraire, même dans l’hypothèse où les autorités compétentes n’auraient pas donné les autorisations nécessaires, la requérante aurait conservé la compétence exclusive de déterminer l’identité du futur acquéreur de TMSC, dont elle avait déjà payé le prix.

195    À cet égard, la Commission a expliqué, aux considérants 139 et 140 de la décision attaquée, en quoi la présente espèce, reposant sur une structure d’opérations en deux étapes, différait d’une convention d’achat d’actions « standard ». Elle a ainsi indiqué que, lorsqu’un investisseur a pour option d’acheter une participation dans une société, il ne payait normalement pas le montant total de la future acquisition potentielle de la participation, correspondant à la valeur de cette participation, mais seulement une prime correspondant à la valeur de l’option. Elle a précisé que, à la date d’expiration de l’option, le titulaire pouvait décider d’exercer l’option en tenant compte de la valeur actuelle de la société et que, jusqu’à cette date, le titulaire de l’option d’achat ne supportait que le risque économique lié à la prime versée. En l’espèce, la requérante « n’a pas obtenu d’options “véritables” qui lui donneraient le droit […] d’acheter TMSC à un stade ultérieur » (considérant 140 de la décision attaquée), mais a payé l’intégralité du prix pour l’acquisition de TMSC en échange d’un mécanisme spécial, de facto automatique, pour l’acquérir ou pour avoir le droit de la vendre à un tiers de son choix.

196    Troisièmement, en ce qui concerne la note en bas de page no 190 de la décision attaquée, dans laquelle la Commission indique que la configuration factuelle de l’affaire en l’espèce se distingue de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), dans lequel la Cour a constaté, au point 61, que la mesure en cause dans cette affaire ne relevait pas du champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, parce que, parmi d’autres motifs, elle n’avait pas donné à l’entreprise concernée une « influence quelconque » sur les sociétés cibles, cette note en bas de page ne signifie pas que la Commission a voulu laisser entendre, dans la décision attaquée, que, a contrario, une « influence quelconque » suffirait pour entraîner la réalisation anticipée d’une concentration.

197    Il résulte de la lecture de cette note en bas de page que son seul but était d’indiquer que la configuration factuelle de la présente affaire différait de cette précédente affaire.

2)      Sur l’argument selon lequel les droits de véto destinés à lutter contre la dispersion ne conféraient pas une « influence » pertinente

198    Selon la requérante, le fait que les droits de véto attachés à l’action de catégorie B lui permettaient de devancer l’un des droits légaux de l’actionnaire majoritaire, dans la mesure où ils garantissaient, selon le considérant 136 de la décision attaquée, « l’impossibilité pour MS Holding d’acquérir les options sur actions en se fondant sur l’article 179-3 de la loi japonaise relative aux sociétés », ne prouverait pas que l’opération provisoire lui ait conféré une influence quelconque sur TMSC. Ce droit se contenterait de la protéger, en sa qualité de titulaire de l’action de catégorie B et d’options sur actions, d’une « éviction » par MS Holding. Ses droits de véto ne s’écarteraient pas significativement du droit prévu à l’article 322, paragraphe 1, de la loi japonaise sur les sociétés. L’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC aurait pour seul objectif de protéger sa participation, en sa qualité d’actionnaire minoritaire sans contrôle, qui pouvait être privée de sa valeur si l’actionnaire majoritaire était en mesure de procéder à une « éviction » en vertu de l’article 179-3 de la loi japonaise relative aux sociétés. Ces droits à valeur protectrice seraient courants dans presque tous les grands accords de fusion et d’acquisition. En outre, l’affirmation de la Commission figurant au considérant 137 de la décision attaquée, selon laquelle le droit de véto prévu par l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC, serait trompeuse. En effet, ce droit ne lui aurait conféré aucun droit supplémentaire par rapport à l’article 322, paragraphe 1, de la loi japonaise relative aux sociétés.

199    La Commission conteste les arguments de la requérante.

200    Cette argumentation de la requérante rejoint, en substance, celle qu’elle a déjà développée, selon laquelle MS Holding aurait été parfaitement libre d’exercer ses droits de vote, argumentation qui a déjà été rejetée ci‑dessus (voir points 159 à 173 ci‑dessus).

201    En outre, à travers la structure de portage en place, seule la requérante pouvait soit devenir elle-même l’actionnaire contrôlant TMSC, soit vendre ses options et déterminer ainsi l’actionnaire de contrôle.

202    La Commission a ainsi relevé, notamment dans les considérants 136 et 137 de la décision attaquée, que le droit de véto prévu à l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC permettrait à la requérante de déterminer l’acquéreur final de TMSC.

203    Partant, c’est à juste titre que la Commission soutient que les droits de véto destinés à lutter contre la dispersion des droits de la requérante confèrent une « influence » pertinente à celle-ci.

3)      Sur l’argument selon lequel le « risque économique de la concentration » prétendument assumé par la requérante ne constitue pas un critère pertinent

204    Selon la requérante, le fait qu’elle assumait, selon les considérants 138 et 140 de la décision attaquée, « le risque économique de la concentration dès le départ » ne conduit pas à constater la « réalisation partielle » de la concentration. Suivant la logique de l’argument de la Commission, toute acquisition d’options sur actions qui « relie » l’intérêt de l’acquéreur à la cible conduirait à une situation de réalisation anticipée d’une concentration. Or, une telle approche serait contraire à la pratique constante de la Commission.

205    La Commission conteste les arguments de la requérante.

206    Il convient de constater que, bien que, dans l’intitulé du présent argument, la requérante indique que le risque économique de la concentration qu’elle assumerait prétendument ne constitue pas un critère pertinent, elle ne remet, en réalité, pas en cause le fait qu’elle a supporté le risque économique de l’ensemble de l’opération dès l’opération provisoire, en payant de manière irrévocable l’intégralité du prix d’achat de TMSC, soit 5,28 milliards d’euros, alors que MS Holding n’a payé qu’environ 800 euros pour ses actions.

207    Ce que la requérante conteste, c’est que cette circonstance soit un critère pertinent, étant donné que tout acquéreur assume toujours un risque économique.

208    Cependant, ainsi que la Commission l’a exposé aux considérants 139 et 140 de la décision attaquée (voir point 195 ci‑dessus), la requérante n’a pas obtenu une option pour éventuellement acquérir TMSC à un stade ultérieur, étant donné qu’elle avait payé d’avance le prix total pour cette société et acquis le droit d’en devenir propriétaire ou de la vendre à l’acquéreur de son choix.

209    La requérante précise que le risque était faible, puisque la probabilité d’obtenir les autorisations de concentration était élevée.

210    Toutefois, quand bien même les autorisations n’auraient pas été accordées, le but de l’opération était que Toshiba reçoive l’entièreté du prix de TMSC et qu’elle puisse en faire figurer la somme dans ses comptes. En cas de refus, la requérante aurait pu choisir à qui vendre ses options sur actions et avait ainsi la possibilité, par exemple, de décider de ne pas les vendre à un concurrent important, afin d’éviter de le renforcer.

211    Le fait que la requérante ait supporté l’intégralité du risque économique de l’ensemble de l’opération constitue nécessairement un critère pertinent pour constater une concentration unique dans le souci de rechercher la réalité économique qui sous-tend les opérations et de déterminer leur caractère unitaire en établissant si ces transactions sont interdépendantes, de sorte que l’une n’aurait pas été réalisée sans l’autre, conformément à l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64, points 106 et 107) (voir points 109 et suivants ci‑dessus).

212    En tout état de cause, l’argument de la requérante selon lequel la simple acquisition d’une option d’achat ne suffit pas, en soi, à conférer un contrôle quelconque sur la cible n’est pas pertinent, puisque, en l’espèce, la Commission n’a pas considéré, dans la décision attaquée, que la requérante avait acquis le contrôle de TMSC dès le stade de l’opération provisoire.

213    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la troisième sous‑branche.

d)      Sur la quatrième sousbranche, selon laquelle les conditions de la « réalisation partielle » au sens de larrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C633/16), ne sont pas remplies

214    La requérante avance que si, au point 47 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), la Cour a reconnu que, dans certaines circonstances, une « réalisation partielle » pouvait constituer une réalisation anticipée d’une concentration, une telle « réalisation partielle » ne peut exister que dans l’hypothèse d’une acquisition d’un « contrôle partiel ». Cela signifierait que l’acquéreur s’est vu conférer une certaine influence sur la prise de décisions stratégiques par la cible. Or, la requérante n’aurait disposé d’aucun droit particulier susceptible de lui avoir conféré une telle influence sur la cible avant l’obtention des autorisations. En outre, la Cour ayant précisé, au point 46 dudit arrêt, qu’il n’y a violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 que lorsque les parties mettent en œuvre des opérations contribuant à changer durablement le contrôle sur l’entreprise cible, le « contrôle » constituerait l’élément essentiel, y compris en cas de réalisation partielle. Enfin, il résulterait du point 61 de l’arrêt susmentionné, dans lequel la Cour a considéré que la mesure préparatoire en cause n’avait pas contribué à l’acquisition du contrôle, parce que les acquéreurs n’avaient pas eu la possibilité d’exercer une « influence quelconque » sur la cible, que, si un acquéreur n’a acquis « aucune influence », il n’y a pas de réalisation partielle.

215    La Commission conteste les arguments de la requérante.

216    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel il résulte du point 47 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), qu’une « réalisation partielle » d’une concentration ne peut exister que dans l’hypothèse d’une acquisition d’un « contrôle partiel », il est inexact.

217    Aux termes du point 47 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), toute réalisation partielle d’une concentration relève du champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

218    Ainsi qu’il a été rappelé au point 73 ci‑dessus, il résulte de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que le critère, pour déterminer si l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 ont été violés, n’est pas celui de savoir s’il y a eu acquisition du contrôle, y compris donc d’un « contrôle partiel », de l’entreprise cible, mais, comme le soutient la Commission, celui de savoir si l’opération en cause a contribué à un changement de contrôle de ladite entreprise.

219    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel il résulte du point 46 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que le « contrôle » constitue l’élément « essentiel », il est également inexact.

220    Aux termes du point 46 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), la réalisation d’une concentration a lieu dès que les parties à une concentration mettent en œuvre des opérations contribuant à changer durablement le contrôle sur l’entreprise cible.

221    En outre, il résulte du point 59 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371) (voir point 65 ci‑dessus), qu’une concentration peut être réalisée par une opération qui, en tout ou en partie, en fait ou en droit, contribue au changement de contrôle de l’entreprise cible.

222    Ainsi, comme le fait valoir la Commission, si des opérations « contribuent » à un changement de contrôle au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), y compris des opérations qui ne permettent pas de transférer, à elles seules, le contrôle, elles constituent une réalisation partielle d’une concentration.

223    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel il résulte du point 61 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que, si un acquéreur n’a acquis « aucune influence », il n’y a pas de réalisation partielle, il convient de relever que si la Cour a considéré que la mesure en cause dans cette affaire ne relevait pas du champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, parce que, parmi d’autres motifs, elle n’avait pas donné à l’entreprise concernée une « influence quelconque » sur les sociétés cibles, la requérante a eu, en l’espèce, une certaine influence, puisque, comme le souligne la Commission au considérant 157 de la décision attaquée et ainsi qu’il a déjà été relevé (voir points 195 et 208 ci‑dessus), à partir de la date de l’opération provisoire, et indépendamment des résultats de l’autorisation de concentration, la requérante détenait la compétence exclusive de déterminer l’identité de l’acquéreur final de TMSC. Si elle avait été empêchée de l’acquérir elle-même, la requérante aurait encore pu décider de l’identité de l’acquéreur final. C’est donc à juste titre que la Commission a indiqué, au considérant 155 de la décision attaquée, que la requérante avait acquis la possibilité d’exercer un certain degré d’influence sur TMSC à la suite de l’opération provisoire.

224    Il y a donc lieu de rejeter la quatrième sous‑branche.

e)      Sur la cinquième sousbranche, selon laquelle lopération provisoire na pas « contribué à changer durablement le contrôle » sur TMSC au sens de larrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C633/16)

225    La requérante considère que le raisonnement de la Commission énoncé au considérant 143 de la décision attaquée, selon lequel l’opération provisoire était nécessaire pour obtenir un changement dans le contrôle de TMSC, en ce sens que cette opération présentait un lien fonctionnel direct avec la réalisation de la concentration, et selon lequel cela signifie que l’opération provisoire a contribué – au moins en partie – à changer le contrôle de l’entreprise cible au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), est erroné pour plusieurs raisons.

1)      Sur le critère du lien fonctionnel direct au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C633/16)

226    La requérante soutient que le « lien fonctionnel direct » requis par la Cour dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), pour retenir l’existence d’une réalisation anticipée d’une concentration n’existe que si l’acte entraîne en lui‑même le changement de contrôle. Or, la requérante rappelle que, selon le considérant 134 de la décision attaquée, elle n’a pas exercé de contrôle sur TMSC. Dans cet arrêt, la Cour aurait exclu l’existence d’une violation de l’obligation de suspension lorsque l’acquéreur n’a pas acquis la possibilité d’exercer une « influence quelconque » sur la cible. En outre, il ressortirait clairement des points 48 et 49 dudit arrêt que même des opérations consécutives faisant partie d’une concentration unique ne constituent pas une réalisation anticipée d’une concentration dès lors que la première opération n’est pas « nécessaire » pour parvenir à un changement de contrôle, mais n’est qu’« accessoire » ou « préparatoire ». En l’espèce, le transfert des actions à MS Holding n’était pas nécessaire pour que la requérante acquière le contrôle de TMSC.

227    La Commission conteste les arguments de la requérante.

228    Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 73 ci‑dessus, le critère retenu par l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), pour déterminer si l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 ont été violés n’est pas celui de savoir s’il y a eu acquisition du contrôle de l’entreprise cible, mais celui de savoir si l’opération en cause a contribué, en tout ou en partie, en fait ou en droit, au changement de contrôle de ladite entreprise.

229    Ainsi, le fait, souligné au considérant 134 de la décision attaquée et auquel renvoie la requérante, que celle‑ci n’a pas exercé de contrôle sur TMSC au cours de la période provisoire ne signifie pas que cette opération provisoire n’a pas contribué, en tout ou en partie, au changement de contrôle de l’entreprise cible (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 46).

230    Il convient donc de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le « lien fonctionnel direct » prétendument requis par la Cour dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), pour retenir l’existence d’une réalisation anticipée d’une concentration n’existe que si l’acte entraîne en lui-même le changement de contrôle.

231    Selon le point 49 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), les opérations qui ne sont pas nécessaires pour obtenir un changement de contrôle, en ce qu’elles ne présentent pas de lien fonctionnel direct avec la réalisation d’une concentration, ne satisfont pas au critère de la contribution à un changement de contrôle et, par conséquent, ne violent pas l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 lorsqu’elles sont réalisées avant la notification et l’autorisation de la concentration.

232    En l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, et ainsi qu’il est indiqué au considérant 149 de la décision attaquée, l’opération provisoire était nécessaire, car, premièrement, sans la structure de transaction en deux étapes proposée par la requérante, Toshiba aurait été dans l’impossibilité de renoncer au contrôle de TMSC et de percevoir de manière irréversible le paiement de TMSC avant la fin du mois de mars 2016, car Toshiba aurait dû attendre les autorisations des autorités de concurrence pour la vente de TMSC. Deuxièmement, dans le cadre de cette structure en deux étapes, l’opération provisoire constituait une étape nécessaire pour parvenir à une modification du contrôle de TMSC. L’objectif de cette structure en deux étapes était que l’opération provisoire permette, d’une part, à un acheteur intermédiaire d’acheter tous les titres de vote de TMSC, mais sans qu’il soit nécessaire de satisfaire aux exigences en matière de notification et, d’autre part, à la requérante de verser le prix de TMSC à Toshiba de manière irréversible tout en obtenant le plus de certitudes quant au fait qu’elle acquerra finalement le contrôle de TMSC. Troisièmement, aucune des structures d’opérations alternatives hypothétiques ne pouvait répondre à la nécessité pour Toshiba de recevoir un montant important d’apport en capital avant le 31 mars 2016.

233    En outre, comme le relève la Commission au considérant 154 de la décision attaquée, la Cour, dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), n’a pas qualifié le « lien fonctionnel direct » comme étant une exigence distincte de celle de la contribution à un changement de contrôle devant être remplie pour qu’une opération relève du champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. Le critère retenu par ledit arrêt est celui de savoir si l’opération en cause a contribué, en tout ou en partie, en fait ou en droit, au changement de contrôle de l’entreprise cible (voir point 73 ci‑dessus).

234    Enfin, au considérant 154 de la décision attaquée, la Commission cite les observations de la requérante faisant suite à la communication des griefs, dans lesquelles la requérante indique elle-même que « l’établissement de MS Holding était [...] nécessaire à la cession de TMSC par Toshiba, compte tenu de la situation financière de Toshiba ».

235    Par cette réponse, il y a lieu de considérer que la requérante a elle‑même admis que l’opération provisoire présentait un « lien fonctionnel direct » avec le changement de contrôle de TMSC.

2)      Sur l’argument selon lequel la Commission a fait une interprétation erronée de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C633/16)

236    La requérante soutient que, contrairement aux affirmations figurant au considérant 149 de la décision attaquée, l’opération provisoire ne constitue pas une « étape nécessaire » à l’acquisition du contrôle sur TMSC. Pour acquérir cette dernière, la requérante aurait pu acquérir les actions de TMSC directement auprès de Toshiba. En outre, ce serait de manière erronée que la Commission soutient, dans la décision attaquée, que la question de savoir si l’opération provisoire est nécessaire doit être appréciée en tenant compte de la structure effective choisie par les parties à l’opération (considérant 147 de la décision attaquée). Enfin, la requérante ajoute que, selon l’approche de la Commission, chaque étape d’une structure d’opération donnée serait théoriquement « nécessaire » et pourrait conduire à une situation de réalisation anticipée d’une concentration, parce que chaque étape permet au final de mettre en œuvre le projet tel qu’il a été élaboré par les parties, c’est-à-dire la « structure effective choisie par les parties ». Or, cet élément ne ressortirait pas de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), dans lequel la résiliation de l’accord de coopération conclu avec KPMG International Cooperative était expressément prévue, en tant que condition préalable, dans l’accord de concentration conclu avec Ernst & Young.

237    La Commission conteste les arguments de la requérante.

238    Comme il a été souligné au point 232 ci‑dessus, l’opération provisoire était nécessaire pour permettre à Toshiba de percevoir de manière irréversible le paiement de TMSC avant la fin du mois de mars 2016.

239    Or, ainsi qu’il ressort des points 3 et 6 ci‑dessus, Toshiba voulait vendre cette entité afin de percevoir le prix de TMSC avant la fin du mois de mars 2016 et de pouvoir le faire figurer dans sa comptabilité.

240    Cela est également confirmé par la réponse de la requérante à la demande de renseignements de la Commission du 11 mai 2016, mentionnée à la note en bas de page no 156 de la décision attaquée et indiquant que « les parties déclarent que “cette structure d’acquisition a pour objet et pour contexte la réalisation de l’objectif de Toshiba consistant à céder sa participation dans TMSC d’ici à la fin de l’exercice fiscal de Toshiba (le 31 mars), en raison de ses difficultés financières, autrement dit afin d’enregistrer une plus-value suffisante à la suite de la vente des actions de TMSC au cours de cet exercice fiscal et d’éviter de présenter des fonds propres déficitaires” ».

241    L’argument de la requérante selon lequel l’opération provisoire était « préférable » pour Toshiba compte tenu de sa situation financière, mais ne constituait pas une « étape nécessaire » au transfert du contrôle à la requérante, est donc inexact.

242    Par ailleurs, de toute évidence, la Commission ne pouvait tenir compte que de la « structure effective choisie par les parties », et non de structures hypothétiques finalement non retenues.

243    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), la résiliation de l’accord de coopération conclu avec KPMG International était expressément prévue, en tant que condition préalable, dans l’accord de concentration conclu avec Ernst & Young, il y a lieu de relever que cette résiliation ne contribuait pas à un changement de contrôle de l’entreprise cible.

3)      Sur l’argument selon lequel le caractère « temporaire » du contrôle exercé par MS Holding sur TMSC est dénué de pertinence

244    Selon le considérant 152 de la décision attaquée, le contrôle de MS Holding sur TMSC était par définition temporaire, compte tenu, premièrement, du prix minimal que MS Holding avait payé pour les actions avec droit de vote de TMSC (environ 800 euros), deuxièmement, du fait que les actionnaires de MS Holding avaient convenu ex ante de vendre la totalité de leurs actions dans TMSC à un prix fixe lors de l’exercice par la requérante de ses options sur actions et, troisièmement, du fait que la requérante et Toshiba étaient convenues que MS Holding n’exercerait aucun de ses droits de vote sur TMSC. Audit considérant 152, il est précisé qu’une confirmation supplémentaire du fait que le contrôle de MS Holding sur TMSC était temporaire pouvait être trouvée dans les documents internes de TMSC concernant l’acquisition potentielle de Wako.

245    La requérante soutient que la circonstance, figurant au considérant 152 de la décision attaquée, que « le contrôle exercé par MS Holding sur TMSC était par définition temporaire », est dénuée de pertinence aux fins de l’appréciation de la question de savoir si l’opération provisoire a contribué à un changement de contrôle au bénéfice de la requérante. Premièrement, s’agissant du prix minimal payé par MS Holding pour les actions avec droit de vote, le prix d’achat serait dénué de toute pertinence dans le cadre d’une acquisition de contrôle. Deuxièmement, il en irait de même de l’affirmation de la Commission selon laquelle les actionnaires de MS Holding étaient convenus ex ante de vendre leurs actions dans TMSC lors de l’exercice par la requérante de ses options sur actions. Cela serait dénué de pertinence au regard du critère de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), car il n’aurait fait aucun doute que les associés des sociétés KPMG Danemark « avaient à l’esprit » leur association avec Ernst & Young après la signature de l’accord de concentration avec Ernst & Young et, a fortiori, après la résiliation de l’accord de coopération conclu avec KPMG International. Troisièmement, l’allégation de la Commission selon laquelle il avait été convenu que MS Holding n’exercerait pas ses droits de vote serait erronée. Au contraire, aux termes de l’article 1er, paragraphe 3, de l’« accord de cession d’actions exclues », MS Holding « exerce, à son entière discrétion, en sa qualité de titulaire des actions, tous les droits associés aux actions aussi longtemps qu’elle détient lesdites actions ». Quatrièmement, les documents concernant l’acquisition potentielle de Wako démontreraient que TMSC avait participé pour son propre compte au processus d’appel d’offres concernant Wako, avec le soutien de MS Holding, sans consulter ni Toshiba ni la requérante.

246    La Commission conteste les arguments de la requérante.

247    La requérante remet en cause tant l’exactitude de chacun des éléments énoncés au considérant 152 de la décision attaquée que la conclusion de la Commission selon laquelle le caractère temporaire du contrôle exercé par MS Holding sur TMSC était un élément pertinent pour démontrer que l’opération provisoire avait contribué au changement de contrôle de TMSC.

248    Premièrement, concernant l’argument de la requérante selon lequel le prix minimal payé par MS Holding pour les actions avec droit de vote serait dénué de toute pertinence dans le cadre d’une acquisition de contrôle, il convient de souligner que le fait que MS Holding n’a payé que 800 euros pour acquérir toutes les actions avec droit de vote (actions de catégorie A) de TMSC, d’une valeur d’environ 5,28 milliards d’euros, ne saurait être dénué de toute pertinence.

249    Deuxièmement, concernant l’argument de la requérante selon lequel le fait que les actionnaires de MS Holding étaient convenus ex ante de vendre leurs actions dans TMSC lors de l’exercice par la requérante de ses options sur actions serait dénué de pertinence au regard de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), étant donné que les associés des sociétés KPMG Danemark « avaient à l’esprit » leur association avec Ernst & Young après la signature de l’accord de concentration avec Ernst & Young et, a fortiori, après la résiliation de l’accord de coopération conclu avec KPMG International, il suffit de constater que, en tout état de cause, et selon les termes de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371, point 62), cette résiliation n’entraînait pas la réalisation de la concentration, contrairement au cas d’espèce, dans lequel l’opération provisoire avait un lien fonctionnel direct avec la réalisation de la concentration et constituait une réalisation partielle de la concentration.

250    Troisièmement, concernant l’argument de la requérante selon lequel MS Holding était libre d’exercer ses droits de vote, il a déjà été relevé aux points 161 et suivants ci-dessus que les questions quant auxquelles MS Holding avait une liberté de vote étaient grandement réduites.

251    Quatrièmement, concernant l’argument de la requérante selon lequel les documents concernant l’acquisition potentielle de Wako démontreraient l’indépendance de MS Holding, il a déjà été relevé au point 180 ci‑dessus que le propos de la Commission n’était pas de laisser entendre que la requérante serait intervenue indûment dans les décisions commerciales de TMSC.

252    Il résulte de ces éléments que le contrôle exercé par Toshiba sur TMSC n’était que temporaire, ce qui participe à démontrer que l’opération provisoire était une étape nécessaire pour la réalisation de la concentration unique.

253    Il convient donc de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le caractère temporaire du contrôle exercé par MS Holding serait dénué de pertinence.

4)      Sur l’argument selon lequel la décision attaquée est fondée à tort sur la notion de « renonciation » au contrôle

254    La requérante soutient que la renonciation au contrôle est dénuée de pertinence au regard des règles applicables au contrôle des concentrations. Les exigences de notification existant en matière de contrôle des concentrations ne deviendraient pas applicables du fait de l’« abandon du contrôle », mais uniquement en raison de l’« acquisition du contrôle ». À cet égard, le point 61 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), confirmerait que seuls les changements conférant un élément de contrôle à l’acquéreur sont pertinents. La requérante ajoute que, si, en l’espèce, le transfert d’actions à MS Holding a impliqué une perte de contrôle pour Toshiba, il n’a en aucune façon conféré à la requérante un contrôle quelconque sur MS Holding.

255    La Commission conteste les arguments de la requérante.

256    Il convient d’abord de rappeler que l’acquisition effective du contrôle, selon l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), n’est pas nécessaire pour qu’une concentration soit partiellement réalisée.

257    Ensuite, il convient de constater que les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), diffèrent de celles de la présente affaire.

258    Les points 12 et 13 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), indiquent que les sociétés KPMG Danemark n’étaient pas structurellement intégrées au réseau KPMG International et que les entreprises étaient autonomes et indépendantes du point de vue du droit de la concurrence. Comme il ressort du point 14 de cet arrêt, les entreprises étaient liées par un accord de coopération qui pouvait être résilié unilatéralement par l’une des parties, moyennant un préavis. Ainsi, lors de l’opération en cause, les sociétés KPMG Danemark ont dénoncé publiquement l’accord. La dénonciation unilatérale de l’accord était suffisante pour rompre le lien avec KPMG International, et aucune interdépendance avec Ernst & Young n’a donc été créée. Aux points 61 et 62 dudit arrêt, la Cour a notamment considéré que, par la dénonciation par les sociétés KPMG Danemark de leur accord de coopération avec KPMG International, les sociétés Ernst & Young n’avaient pas acquis la possibilité d’exercer une influence quelconque sur les sociétés KPMG Danemark, lesquelles, étaient, du point de vue du droit de la concurrence, indépendantes tant avant qu’après ladite résiliation, et que la dénonciation d’un accord de coopération, dans les circonstances telles que celles au principal, ne pouvait pas être considérée comme entraînant la réalisation d’une concentration.

259    Au contraire, dans la présente affaire, ainsi qu’il a été exposé aux considérants 16, 34, 126 et 138 de la décision attaquée et ainsi qu’il résulte des considérants 155 à 159 de celle‑ci, TMSC, avant l’opération provisoire, était une filiale détenue à 100 % par Toshiba, d’une valeur de 5,28 milliards d’euros. Ainsi, en « renonçant » à son contrôle sur TMSC, Toshiba n’a pas effectué une opération unilatérale sans contrepartie. Elle a renoncé à son contrôle en échange d’un paiement irrévocable de 5,28 milliards reçu de la part de la requérante le 18 mars 2016 et d’un paiement de 800 euros reçu de la part de MS Holding. L’opération provisoire n’était donc pas un véritable abandon de contrôle, mais un transfert de contrôle.

260    Étant donné la différence entre les faits de la présente affaire et ceux de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), la requérante ne peut se prévaloir de la considération faite par la Cour dans cet arrêt quant à la dénonciation de l’accord de coopération.

261    C’est donc à tort que la requérante soutient, en citant le point 61 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que celui-ci confirme que seuls les changements qui confèrent un élément de contrôle à l’acquéreur sont pertinents.

262    En outre, l’interprétation de la requérante irait à l’encontre d’autres dispositions de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), car, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 70 ci‑dessus), la Cour a établi, dans cet arrêt, que la notion de « réalisation d’une concentration » telle que prévue à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, ne se limite pas à la situation dans laquelle l’acheteur final acquiert le contrôle de l’entreprise cible, mais recouvre également toute opération qui « contribue » à un tel changement de contrôle.

263    Il apparaît donc que la conclusion de la Commission, au considérant 143 de la décision attaquée, selon laquelle l’opération provisoire est nécessaire au changement de contrôle sur TMSC, n’a pas pour « fondement » la « notion de renonciation », mais se fonde sur les circonstances de l’opération provisoire, laquelle réalise l’abandon par Toshiba de son contrôle sur TMSC et, par là même, contribue au transfert de ce contrôle.

264    Le fait que Toshiba ne détenait plus le contrôle de TMSC est donc un critère pertinent.

5)      Sur l’argument selon lequel la comparaison entre l’affaire Ernst & Young et le cas d’espèce est erronée

265    La requérante conteste l’existence des éléments de différentiation retenus aux considérants 155 à 159 de la décision attaquée entre l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), et la présente affaire.

266    Au point 61 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), la Cour a constaté que la résiliation de l’accord ne concernait qu’une seule des parties à la concentration et un tiers, que, par la résiliation, Ernst & Young n’avait pas acquis la possibilité d’exercer une influence quelconque sur les sociétés KPMG Danemark et que celles-ci étaient indépendantes, tant avant (selon le point 12 de cet arrêt, elles n’étaient pas structurellement intégrées au réseau KPMG International, mais liées par un accord de coopération) qu’après cette résiliation.

267    Dans la présente affaire, la Commission a conclu, au considérant 143 de la décision attaquée, que l’opération provisoire avait contribué, au moins en partie, au changement de contrôle de l’entreprise cible, au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371). Elle a notamment constaté, au considérant 155 de ladite décision, que, contrairement à ce qui a été relevé au point 61 de cet arrêt, l’opération provisoire, dans la présente affaire, ne concernait pas une seule des parties à la concentration et un tiers, que la requérante avait acquis la possibilité d’exercer un certain degré d’influence sur TMSC à la suite de l’opération provisoire, et que TMSC n’était pas une société indépendante avant l’opération provisoire, étant donné qu’elle était contrôlée par Toshiba, et que, à la suite de l’opération provisoire, le contrôle de Toshiba sur TMSC avait été abandonné.

268    Ces trois éléments sont contestés par la requérante.

i)      Sur l’argument selon lequel l’opération provisoire n’a pas été une « opération tripartite »

269    Selon la requérante, les arguments, au considérant 156 de la décision attaquée, selon lesquels l’opération provisoire n’était « pas une opération concernant une seule des parties à la concentration et une tierce partie » et, aux considérants 150, 151 et 155 et suivants de ladite décision, selon lesquels l’opération provisoire était une « opération tripartite » dans laquelle la requérante aurait été fortement impliquée et la requérante avait déjà payé l’intégralité du prix à ce stade, sont indéfendables. L’allégation, au considérant 150 de ladite décision, selon laquelle la requérante aurait été impliquée dans l’opération MS Holding serait erronée. Ainsi qu’il ressortirait clairement du libellé de l’accord conclu entre Toshiba et MS Holding et comme l’aurait confirmé Toshiba dans une lettre à la Commission du 18 décembre 2017, la requérante n’était pas partie à cet accord. Il ne ferait aucun doute que l’accord conclu avec MS Holding n’était pas un accord « tripartite ». De plus, il serait trompeur d’affirmer que, dans l’affaire Ernst & Young, l’acquéreur futur n’était pas impliqué dans l’étape concernée, à savoir la résiliation de l’accord de coopération conclu entre les sociétés KPMG Danemark et KPMG International. L’affaire Ernst & Young aurait au contraire présenté de sérieux éléments « tripartites », dans la mesure où trois parties auraient été impliquées dans l’opération : Ernst & Young a signé l’accord de concentration avec les sociétés KPMG Danemark avant que les sociétés KPMG Danemark ne résilient leur accord avec KPMG International.

270    La Commission conteste les arguments de la requérante.

271    À titre liminaire, il convient de relever que, dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), la Cour a eu, essentiellement, à répondre à deux questions dans le cadre d’un renvoi préjudiciel : l’une portait sur les critères permettant de déterminer si une opération tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, et l’autre portait sur la question de savoir si la dénonciation d’un accord de coopération, dans les circonstances telles que celles de l’espèce, entraîne la réalisation d’une concentration. C’est donc indépendamment des faits de cette espèce que la Cour a répondu à la première de ces questions.

272    En l’espèce, ainsi que l’explique la Commission, elle a considéré, dans la décision attaquée, que l’opération provisoire était une structure tripartite, aux motifs que, comme il est explicité au considérant 33, sous c), et au considérant 36 de la décision attaquée, les accords entre, d’une part, Toshiba et MS Holding et, d’autre part, Toshiba et la requérante étaient interdépendants.

273    Or, si la requérante conteste que la réalisation du contrat qu’elle a conclu avec Toshiba dépendait de la réalisation du contrat qu’elle a conclu avec MS Holding, il importe de relever qu’elle ne conteste pas que le contrat entre MS Holding et Toshiba dépendait de la réalisation du contrat qu’elle a conclu avec Toshiba.

274    D’autres éléments viennent confirmer cette dimension « tripartite ». Comme il a été relevé au point 129 ci‑dessus, c’est la requérante qui a proposé à Toshiba la nouvelle structure de transaction (considérant 119 de la décision attaquée). Par ailleurs, il résulte du considérant 125 de la décision attaquée (voir point 146 ci‑dessus) que la requérante avait reçu une copie du « Excluded share Transfert Agreement », qu’elle a été invitée à fournir des commentaires sur ce contrat et qu’elle l’a fait (ainsi que le démontrent les courriels entre les avocats de la requérante et de Toshiba et ceux de MS Holding, échangés entre les 7 et 15 mars 2016 ; voir la note en bas de page no 170, à laquelle renvoie ledit considérant 125). De même, il résulte de ce considérant 125 que la requérante a eu la possibilité de proposer des changements à l’accord entre Toshiba et MS Holding (ainsi que le démontrent lesdits courriels ; voir la note en bas de page no 173, à laquelle renvoie ledit considérant 125).

275    En ce qui concerne la dénonciation de l’accord de coopération entre les sociétés KPMG Danemark et KPMG International, il importe de constater que la Cour a relevé que cette dénonciation était une opération concernant une seule des parties à la concentration et un tiers, à savoir KPMG International (arrêt 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 61), et donc pas Ernst & Young.

276    En outre, la requérante soutient qu’elle n’était pas partie à l’accord entre MS Holding et Toshiba, en isolant cet accord des autres éléments de la transaction. Partant, selon ses termes, elle considère son implication dans l’opération provisoire comme étant très limitée et l’opération provisoire comme n’étant pas une opération tripartite.

277    Or, le contrat entre Toshiba et MS Holding ne peut être isolé, puisque, de toute évidence, Toshiba n’aurait pas abandonné son contrôle sur TMSC, d’une valeur de 5,28 milliards d’euros, contre le paiement de 800 euros effectué par MS Holding. L’implication de la requérante était donc nécessaire. De même, le contrat entre Toshiba et la requérante n’était pas viable isolément, car, eu égard aux délais imposés par les autorités de concurrence, le transfert du contrôle avant la fin mars 2016 ne pouvait être fait au profit de la requérante. Pourtant, c’est pour obtenir ce contrôle que la requérante a versé la totalité de la valeur de TMSC à Toshiba avant cette date.

278    C’est pourquoi la Commission a pu considérer à juste titre, dans la décision attaquée, que les deux accords constituaient une seule opération provisoire tripartite.

279    Par ailleurs, la requérante considère, selon ses termes, que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), présentait de sérieux éléments « tripartites » dans la mesure où trois parties étaient impliquées dans l’opération. Elle fonde son raisonnement sur le fait que KPMG Danemark, dans son accord de concentration avec Ernst & Young, prévoyait que, le jour de la signature, KPMG Danemark devrait annoncer son retrait ultérieur de son accord de coopération avec KPMG International en vue d’une concentration avec Ernst & Young. Dans son raisonnement, la requérante prend en compte « l’implication » d’Ernst & Young dans la transaction dans son ensemble, d’où l’élément « tripartite », sans isoler l’opération de dénonciation, alors que, en l’espèce, comme il vient d’être relevé, elle isole l’accord entre MS Holding et Toshiba pour développer son argumentation à l’encontre du caractère tripartite de cet accord.

280    À titre subsidiaire, l’analogie quant au caractère tripartite des deux affaires est inexacte, car la requérante ne prend pas en compte TMSC comme partie dans le cas d’espèce, alors que, dans l’affaire Ernst & Young, la requérante prend en compte tous les intervenants, société cible incluse, pour considérer qu’il s’agit d’une affaire « tripartite ». Dans la logique de la requérante, TMSC, en tant que société cible, serait alors un quatrième intervenant.

281    L’affirmation de la requérante selon laquelle sa participation à l’opération entre Toshiba et MS Holding serait semblable à celle de Ernst & Young lors de la dénonciation de l’accord de coopération par KPMG Danemark est donc inexacte.

ii)    Sur l’argument selon lequel, dans l’affaire Ernst & Young, l’accord de concentration a déjà déterminé le propriétaire futur

282    La requérante soutient que l’argument selon lequel elle était en mesure de déterminer le propriétaire futur de TMSC est dénué de pertinence. La requérante ajoute que, dans l’affaire Ernst & Young, alors que l’acquéreur avait déjà conclu un accord de concentration et qu’il était par conséquent certain, au moment de la résiliation de l’accord de coopération, qu’Ernst & Young deviendrait le futur propriétaire, la Cour n’a pas considéré cet élément comme un facteur susceptible de conduire à une réalisation anticipée d’une concentration. Enfin, soutenir, au considérant 134 de la décision attaquée, qu’elle « ne contrôlait pas TMSC entre l’opération provisoire et l’opération finale » et, au considérant 155 de ladite décision, qu’elle « a acquis la possibilité d’exercer un certain degré d’influence » serait intrinsèquement contradictoire.

283    La Commission conteste les arguments de la requérante.

284    La question de savoir si le fait que la requérante était en mesure de déterminer le propriétaire futur de TMSC est pertinent a fait l’objet de la troisième sous‑branche examinée ci‑dessus.

285    S’agissant de la comparaison avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), ainsi que le relève la Commission, l’accord de concentration, dans cette affaire, ne déterminait le futur propriétaire de la société cible que dans l’hypothèse d’une autorisation de la concentration. Si l’autorité de la concurrence danoise avait interdit l’opération, Ernst & Young n’aurait pas eu le pouvoir de déterminer le futur propriétaire des sociétés KPMG Danemark. Cette comparaison n’est donc pas pertinente.

286    S’agissant de la prétendue contradiction entre les affirmations de la Commission, dans la décision attaquée, selon lesquelles la requérante « ne contrôlait pas TMSC », mais elle avait « acquis la possibilité d’exercer un certain degré d’influence », d’une part, il n’y a pas de contradiction entre ces deux notions.

287    En effet, le contrôle suppose la « possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise » (article 3, paragraphe 2, du règlement no 139/2004). Dans la décision attaquée, les expressions « influence » (par exemple, considérants 135 et 157 de ladite décision), ou « un certain degré d’influence » (considérant 155 de ladite décision) ne présupposent pas un caractère « déterminant » de cette influence.

288    Partant, les affirmations selon lesquelles la requérante « ne contrôlait pas TMSC » et elle avait « acquis la possibilité d’exercer un certain degré d’influence » ne sont pas contradictoires.

289    D’autre part, il convient de rappeler que la réalisation d’une concentration suppose un changement durable de contrôle (voir article 3, paragraphe 1 du règlement no 139/2004), et qu’il est possible de parvenir à la réalisation de la concentration par « des opérations partielles successives » (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 47). Dès lors, dans la décision attaquée, la Commission, qui se fonde sur la notion de concentration unique, n’a pas recherché si l’opération provisoire, en tant que telle, avait transféré le contrôle à la requérante, mais si l’opération provisoire était nécessaire à ce transfert (considérant 154 de la décision attaquée).

290    La Commission a ainsi pu constater, au considérant 157 de la décision attaquée, que, même si la requérante n’avait pas contrôlé TMSC entre l’opération provisoire et l’opération finale, elle était la seule à pouvoir disposer, au final, des actions de contrôle sur TMSC, soit en exerçant ses options sur actions, soit, dans le cas peu probable de refus des autorités de concurrence d’autoriser la concentration, en vendant ses options sur actions à l’acquéreur de son choix. La Commission a précisé que, en conséquence, la requérante avait incontestablement acquis la possibilité d’exercer une influence sur l’avenir de TMSC, celle-ci étant, dès le moment de l’opération provisoire, la seule à pouvoir déterminer l’identité de l’acquéreur final de TMSC.

291    Ainsi, la comparaison effectuée par la requérante avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), concernant la question de la capacité à déterminer le propriétaire futur de TMSC est inexacte.

iii) Sur l’argument selon lequel le fait que TMSC n’ait pas été indépendante avant l’opération provisoire est dénué de pertinence

292    Selon la requérante, le fait, énoncé au considérant 159 de la décision attaquée, selon lequel, avant l’opération provisoire, TMSC n’était pas une entreprise indépendante est dénué de pertinence, car la question essentielle serait celle de savoir si l’acquéreur potentiel avait acquis la possibilité d’exercer une influence sur la cible. En outre, TMSC aurait toujours été une entreprise autonome et aurait poursuivi ses activités de la même façon après sa séparation de Toshiba. Enfin, l’allégation de la Commission, selon laquelle la question de l’indépendance serait différente dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), serait erronée. Il serait trompeur de présenter les sociétés KPMG Danemark comme totalement indépendantes pendant la durée de validité de l’accord de coopération conclu avec KPMG International, lequel aurait contenu des restrictions importantes concernant les décisions commerciales. Bien que la Cour ait souligné que les entreprises membres du réseau KPMG étaient autonomes et indépendantes du point de vue du droit de la concurrence, cet élément ne devrait pas être confondu avec la notion de contrôle.

293    La Commission conteste les arguments de la requérante.

294    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le fait, énoncé au considérant 159 de la décision attaquée, que, avant l’opération provisoire, TMSC n’ait pas été une entreprise indépendante est dénué de pertinence, il y a lieu de le rejeter. En effet, cette constatation est importante pour marquer la différence entre l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371) et la présente affaire.

295    À cet égard, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), la Cour n’a pas considéré la dénonciation de l’accord de coopération entre les sociétés KPMG Danemark et KPMG International comme une opération contribuant au changement de contrôle notamment parce que les sociétés KPMG Danemark étaient, du point de vue du droit de la concurrence, indépendantes tant avant qu’après ladite dénonciation (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 61). En l’espèce, au contraire, ainsi que le relève la Commission au considérant 155 de la décision attaquée, TMSC n’était pas indépendante avant l’opération provisoire, car elle était contrôlée par Toshiba et, à la suite de l’opération provisoire, elle n’était plus sous le contrôle de Toshiba. En outre, le fait que TMSC n’était pas indépendante avant l’opération provisoire est un élément important dans l’appréciation des faits, indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371). En effet, le fait que TMSC ait été dépendante des intérêts de Toshiba, avant l’opération provisoire, était un élément important de la recherche de la réalité économique qui sous‑tendait l’opération provisoire et l’opération finale au sens du point 106 de l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64) (voir point 111 ci‑dessus).

296    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel TMSC aurait toujours été une entreprise autonome par rapport à Toshiba, comme le relève la Commission, il est contradictoire avec les indications de la requérante selon lesquelles TMSC a poursuivi ses activités de la même façon après sa « séparation » de Toshiba et selon lesquelles les actions, donc le contrôle, de TMSC détenues par Toshiba ont été transférées à MS Holding. La requérante a également indiqué elle-même que « le transfert d’actions à MS Holding a impliqué une perte de contrôle pour Toshiba » (voir point 254 ci‑dessus).

297    En outre, cet argument de la requérante est clairement en contradiction avec les explications de Toshiba, dans sa lettre à la Commission du 18 décembre 2017, quant aux raisons pour lesquelles la structure « 80/20 » n’était pas une solution satisfaisante. Selon les explications de Toshiba, il était nécessaire qu’elle « renonce au contrôle de TMSC » avant la fin de l’exercice 2015, c’est‑à‑dire avant le 31 mars 2016.

298    En tout état de cause, la requérante ne conteste pas que, avant l’opération provisoire, TMSC était une filiale de Toshiba (voir point 2 ci‑dessus). Que TMSC jouissait d’une large indépendance dans son activité quotidienne ne signifie pas qu’elle n’était pas sous le contrôle de sa société mère.

299    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel il serait trompeur de présenter les sociétés KPMG Danemark comme totalement indépendantes pendant la durée de validité de l’accord de coopération conclu avec KPMG International, la Cour a clairement indiqué que chacune de ces sociétés était une entreprise autonome et indépendante du point de vue du droit de la concurrence, tant avant qu’après la résiliation de l’accord de coopération (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, points 13 et 61).

300    Même si, comme le souligne la requérante, la Cour a relevé que l’accord de coopération contenait des clauses relatives à la répartition des clients, à l’obligation de fournir des prestations de services aux clients d’autres États et à une compensation annuelle pour pouvoir faire partie du réseau (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 13), en tout état de cause, la requérante ne saurait soutenir que la question de l’indépendance ne serait pas différente dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), étant donné que, comme il a été rappelé, Toshiba détenait l’entière propriété de TMSC avant l’opération provisoire.

301    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la cinquième sous‑branche et, partant, la deuxième branche dans son ensemble.

3.      Sur la troisième branche, tirée de lexistence derreurs manifestes commises dans lapplication de la notion de « réalisation partielle dune “concentration unique” »

302    À titre liminaire, la requérante entend souligner le contexte dans lequel a été prise la décision attaquée. Selon la requérante, la Commission ne saurait se fonder sur la notion de « concentration unique » pour établir l’existence d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. La Commission confondrait deux notions distinctes, à savoir, d’une part, la notion de concentration unique qui concernerait la question de la compétence et permettrait de déterminer si deux opérations différentes doivent être notifiées conjointement à la Commission, c’est-à-dire en particulier vérifier si le chiffre d’affaires des deux opérations doit être combiné dans le cadre du calcul des seuils de notification, et, d’autre part, la notion de concentration dans un contexte de prétendue réalisation anticipée d’une concentration en violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. La requérante ajoute que c’est parce que la Commission n’a trouvé aucun élément prouvant que la requérante aurait contrôlé TMSC dès l’opération provisoire qu’elle a fondé une théorie novatrice et inédite de « réalisation partielle d’une concentration unique ». La Commission entendrait ainsi, de manière abusive, établir une nouvelle règle interdisant les structures dites de portage, même lorsqu’elles ne conduisent pas à une acquisition de contrôle antérieure aux autorisations.

303    La Commission conteste les arguments de la requérante.

304    Quant à l’argument de la requérante selon lequel la notion de concentration unique ne concernerait que la question de la compétence de la Commission, selon que certains seuils sont atteints ou non, mais pas la question de l’éventuelle violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, il suffit de constater que la Cour a eu l’occasion de relever que des arguments qui conduiraient à inclure des opérations dans la notion de concentration unique conduiraient de facto à les inclure dans le champ d’application de l’article 7 du règlement no 139/2004 (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 53). Ainsi, ce qui relève de la notion de « concentration unique » relève du champ d’application de l’article 7 du règlement no 139/2004 et donc, logiquement, de celui de l’article 4 dudit règlement.

305    Quant à l’argument de la requérante selon lequel la Commission a entendu établir une nouvelle règle interdisant les structures dites de portage, même lorsqu’elles ne conduisent pas à une acquisition de contrôle antérieure aux autorisations, il convient de nuancer cette affirmation.

306    En effet, comme il a déjà été relevé au point 73 ci‑dessus, il résulte de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que, pour déterminer si l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 ont été violés, il n’est pas indispensable qu’il y ait eu une acquisition du contrôle de l’entreprise cible. Il peut suffire que l’opération en cause ait contribué, en tout ou en partie, en fait ou en droit, au changement de contrôle de ladite entreprise.

307    Il est toutefois exact que c’est la première fois que la Commission relève l’existence d’une violation des obligations de notification et de suspension dans le cadre d’une opération de concentration unique impliquant une structure de portage.

308    À l’appui de sa troisième branche, la requérante développe son argumentation autour de trois points.

a)      Sur l’argument selon lequel la notion de « concentration unique » ne peut se fonder sur le considérant 20 du règlement no 139/2004

309    Selon le considérant 20, in fine, du règlement no 139/2004, il convient « de traiter comme une concentration unique des opérations qui sont étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel ou prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref ».

310    La requérante soutient que la Commission n’a pas apporté, dans la décision attaquée, la preuve de l’existence d’un lien conditionnel entre les opérations provisoire et finale. Si les autorisations nécessaires dans le cadre de la procédure de contrôle n’avaient pas été obtenues, la requérante aurait pu trouver un acquéreur tiers pour les options sur actions. En outre, selon la requérante, la conclusion de la Commission, dans la décision attaquée, relative à l’existence d’une concentration unique ne saurait se fonder sur le considérant 20 du règlement no 139/2004, comme l’ont constaté tant le Tribunal dans l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), que la Cour dans l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149). La requérante souligne par ailleurs que, au point 126 de son arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), le Tribunal a précisé qu’il ne saurait être déduit de l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64), que, à chaque fois que plusieurs transactions sont interdépendantes, elles constituent nécessairement une concentration unique. Enfin, la requérante souligne que, selon le considérant 20 du règlement no 139/2004, la notion de concentration unique n’est pertinente que dans deux situations : lorsque deux opérations font l’objet d’un lien conditionnel et lorsqu’elles sont effectuées dans un délai raisonnablement bref. Or, le cas d’espèce ne correspondrait à aucune de ces deux situations. Ces deux acquisitions n’auraient pas été effectuées dans un délai raisonnablement bref, puisque ce n’est que neuf mois après l’opération provisoire que la requérante a été en mesure d’exercer ses options sur actions.

311    La Commission conteste les arguments de la requérante.

312    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas apporté, dans la décision attaquée, la preuve de l’existence d’un lien conditionnel entre les opérations provisoire et finale, il suffit de constater qu’il est inexact, ainsi qu’il a été constaté aux points 228 à 235 ci‑dessus.

313    À cet égard, le fait qu’il n’était pas absolument certain que les autorités de concurrence donnent les autorisations nécessaires ne saurait remettre en cause ce constat.

314    En effet, outre le fait que, comme la requérante l’indique elle-même, la probabilité d’obtenir les autorisations était élevée, un refus des autorités de concurrence n’aurait pas entraîné la résolution de la transaction. Le prix de TMSC a été versé de manière irréversible par la requérante à Toshiba, qui a pu l’inscrire en temps utile dans ses comptes. Il importe peu, dès lors, que la requérante soit bien l’acquéreur final de TMSC, ou qu’elle aurait dû le vendre à un acquéreur tiers de son choix.

315    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission ne pouvait fonder sa conclusion, dans la décision attaquée, de l’existence d’une concentration unique sur le considérant 20 du règlement no 139/2004, certes, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 91 de l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), la notion de « concentration unique » figure uniquement au considérant 20 du règlement no 139/2004 et non dans les articles de ce règlement (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 42).

316    Au point 150 de l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), le Tribunal a estimé que ce considérant ne contenait pas de définition exhaustive des conditions dans lesquelles deux opérations constituent une concentration unique. Il s’est fondé, à ce titre, sur la nature spécifique dudit considérant, qui, bien que pouvant permettre d’éclairer l’interprétation qu’il convient de donner à une règle de droit, ne saurait, à défaut d’avoir une valeur juridique contraignante propre, constituer une telle règle (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 43).

317    Or, si le considérant 20 du règlement no 139/2004 est susceptible de servir d’élément d’interprétation des dispositions de ce règlement, il ne saurait être valablement déduit du seul libellé de ce considérant une interprétation de la notion de « concentration unique » qui ne serait pas conforme à ces dispositions. En ce sens, la Cour a d’ailleurs eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’indiquer que les considérants d’un acte de l’Union n’ont pas de valeur juridique contraignante et ne sauraient être utilement invoqués pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 44).

318    En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas fondé la décision attaquée sur le seul considérant 20 du règlement no 139/2004, mais sur l’article 3 du règlement no 139/2004, interprété à la lumière dudit considérant.

319    En ce qui concerne l’argument de la requérante tiré du point 126 de l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), il est exact que le Tribunal y a indiqué, en réponse à un argument de la requérante dans cette affaire, fondé sur la notion du lien conditionnel tel que mentionné au considérant 20 du règlement no 139/2004, qu’il ne saurait être déduit du point 107 de l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64), selon lequel, afin de déterminer le caractère unitaire des transactions en cause, il s’agit, dans chaque cas d’espèce, d’apprécier si ces transactions sont interdépendantes de sorte que l’une n’aurait pas été réalisée sans l’autre, que, à chaque fois que plusieurs transactions sont interdépendantes, elles constituent nécessairement une concentration unique.

320    Cependant, il convient de relever que les circonstances de cette affaire diffèrent de la présente espèce.

321    Cette affaire concernait l’acquisition du producteur et transformateur norvégien de saumon Morpol. Dans un premier temps, l’acquéreur a conclu un contrat d’acquisition d’actions par lequel il a acquis, sans notification préalable, 48,5 % du capital social de Morpol. Dans un second temps, il a acquis les actions restantes en lançant une offre publique obligatoire d’achat sur celles-ci.

322    Le Tribunal a constaté que, dans cette affaire, il y avait déjà eu acquisition du contrôle dès la conclusion du contrat d’acquisition d’actions (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 132).

323    Dès lors, le Tribunal a conclu qu’il ne saurait être déduit de l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64), que, dans une situation dans laquelle l’acquisition du contrôle d’une seule entreprise cible a eu lieu par le biais d’une seule opération, il est nécessaire de considérer cette opération comme faisant partie d’une concentration unique, lorsque le rachat d’actions ayant abouti à la prise du contrôle et une offre publique d’achat obligatoire ultérieure sont interdépendants (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 133).

324    Ainsi, comme le souligne la Commission, la limitation prévue au point 126 de l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753), visait simplement à exclure la situation spécifique décrite au point 133 dudit arrêt et non à rejeter la notion de concentration unique.

325    D’ailleurs, le Tribunal a relevé que la Commission s’est, dans plusieurs décisions, appuyée sur le concept d’une « concentration unique » (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 90), et il a entériné ce concept, notamment dans l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64).

326    Enfin, il y a lieu de souligner que la Cour a, dans l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149), rejeté le pourvoi contre l’arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, EU:T:2017:753).

b)      Sur l’argument selon lequel le point 35 de la CJC constitue un fondement insuffisant pour les notions de « concentration unique » et de « réalisation partielle » de la Commission

1)      Sur l’argument selon lequel la CJC ne constitue pas une base juridique suffisante et n’est pas juridiquement contraignante

327    D’une part, la requérante avance que la CJC ne constitue pas la base juridique appropriée en matière de réalisation anticipée d’une concentration, étant donné qu’elle n’aborde pas la question du moment auquel une concentration est réalisée au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. À supposer même qu’il soit possible de qualifier les « opérations de portage » au sens du point 35 de la CJC de « concentration unique », ledit point de la CJC ne sous-entendrait pas qu’une « réalisation partielle » d’une « structure de portage » constitue une violation de l’article 4, paragraphe 1, [ou] de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. D’autre part, la requérante soutient que, lorsque la CJC s’écarte du règlement no 139/2004 et de la jurisprudence applicable, elle n’est pas contraignante pour les parties.

328    La Commission conteste les arguments de la requérante.

329    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la CJC ne constituerait pas une base juridique suffisante, il convient de relever que, au considérant 75 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, pour déterminer si plusieurs opérations font partie d’une concentration unique, il convenait de s’attacher à « l’objectif économique poursuivi par les parties », conformément à l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64, point 106) (voir point 111 ci‑dessus).

330    Par ailleurs, au considérant 99, sous b), de la décision attaquée, la Commission a considéré que « l’opération provisoire a[vait] contribué (du moins en partie) au changement de contrôle de TMSC au sens de l’arrêt [du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371)] [ ; e]n procédant à l’opération provisoire, [la requérante] a partiellement réalisé la concentration unique consistant en l’acquisition du contrôle de TMSC par [la requérante] ».

331    Enfin, au considérant 101 de la décision attaquée, la Commission a expliqué qu’elle considérait que l’opération provisoire et l’opération finale constituaient une concentration unique au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004 et de la jurisprudence des juridictions de l’Union, étant donné que, bien qu’étant juridiquement distinctes, elles s’inscrivaient dans le cadre d’un projet économique unique par lequel la requérante avait acquis le contrôle de TMSC auprès de Toshiba. Dans ce considérant, la Commission a ajouté que les transactions successives conclues entre Toshiba, MS Holding et la requérante correspondaient étroitement au type de structure de transaction de concentration unique décrit au point 35 de la CJC.

332    Ainsi, la Commission a appliqué, dans la décision attaquée, la notion de concentration unique telle qu’elle est interprétée par le Tribunal dans l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64), et a considéré que l’opération provisoire avait donné lieu à une réalisation partielle d’une concentration unique sur la base de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, tels qu’ils sont interprétés par la Cour dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371). Ce n’est que de manière subsidiaire que la Commission a fait mention du point 35 de la CJC.

333    C’est donc à tort que la requérante soutient que la CJC constitue la base juridique de la décision attaquée.

334    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la CJC ne serait pas juridiquement contraignante à son détriment, ainsi qu’il a été relevé, la décision attaquée n’est pas fondée sur la CJC. Par ailleurs, elle n’est pas non plus fondée sur les autres points de la CJC.

335    Il y a donc lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la CJC ne constitue pas une base juridique suffisante et n’est pas juridiquement contraignante.

2)      Sur l’argument selon lequel les conditions prévues au point 35 de la CJC ne sont pas remplies

336    La requérante avance que, à supposer que le point 35 de la CJC soit applicable au cas d’espèce, les conditions d’un « accord de portage » ne sont pas remplies, étant donné que, d’une part, selon ce point, l’« acquéreur provisoire acquiert généralement les actions “pour le compte” de l’acquéreur final », alors que MS Holding n’a pas acquis TMSC « pour le compte » de la requérante, et que, d’autre part, il n’existait pas de « lien direct » ou d’« accord prévoyant la revente future » entre le « premier acquéreur » et l’« acquéreur final ». À cet égard, la requérante avance que MS Holding pouvait exercer tous les droits de vote dans TMSC et que les administrateurs de MS Holding disposaient du droit de céder leurs actions, étant donné qu’ils pouvaient céder des actions de catégorie A sans l’approbation de la requérante. Une cession hypothétique d’actions de catégorie A par les administrateurs de MS Holding n’aurait requis que l’approbation des administrateurs de TMSC et MS Holding aurait pu aisément obtenir cette approbation en raison de son pouvoir de supprimer ou de remplacer l’intégralité du conseil d’administration de TMSC.

337    La Commission conteste les arguments de la requérante.

338    Il y a lieu de rappeler que le point 35 de la CJC mentionné, comme il a été relevé (voir points 332 et 334 ci‑dessus), de manière subsidiaire dans la décision attaquée ne constitue pas la base juridique de la décision attaquée.

339    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les conditions prévues au point 35 de la CJC ne sont pas remplies.

3)      Sur l’exception d’illégalité soulevée à titre subsidiaire s’agissant du point 35 de la CJC

340    La requérante demande au Tribunal, sur le fondement de l’article 277 TFUE, de déclarer inapplicable le point 35 de la CJC dans la mesure où il a été invoqué, en l’espèce, comme fondement d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. À cet effet, la requérante indique vouloir éviter les répétitions et renvoie aux arguments exposés au point 327 ci‑dessus, selon lesquels la CJC ne serait pas juridiquement contraignante à son détriment.

341    La Commission conteste les arguments de la requérante.

342    Il suffit de constater que la requérante se contente de renvoyer aux arguments qu’elle a développés au point 327 ci-dessus, qui ont déjà été rejetés, et qu’elle n’apporte aucun élément visant à démontrer que le point 35 de la CJC serait illégal.

343    L’exception d’illégalité en ce qui concerne le point 35 de la CJC ne peut donc qu’être rejetée.

c)      Sur l’argument selon lequel larrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T282/02), ne concerne pas une réalisation anticipée dune concentration et est, par conséquent, dénué de pertinence

344    Selon la requérante, la notion de « concentration unique », retenue dans la décision attaquée, ne saurait être fondée sur les points 104 à 109 de l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64). La notion de « concentration unique », au sens de cet arrêt, permettrait, dans un souci d’efficacité administrative, la notification et le contrôle combinés de plusieurs concentrations, mais elle ne permettrait pas d’étendre la portée de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 à des mesures qui ne constitueraient pas en tant que telles des concentrations.

345    La Commission conteste les arguments de la requérante.

346    Il suffit de constater que cet argument a déjà été rejeté au point 304 ci‑dessus et qu’il convient donc de le rejeter également dans le cadre de cette troisième branche.

4.      Sur la quatrième branche, selon laquelle la procédure de contrôle ex ante des concentrations na jamais été contournée

a)      Sur l’argument selon lequel les parties nont jamais envisagé de contourner le système de contrôle des concentrations

347    La requérante soutient qu’il découle de l’objectif de l’obligation de suspension que, tant que la structure de l’opération garantit l’impossibilité qu’un changement de contrôle ait lieu avant que la Commission ne la déclare compatible avec le marché intérieur, l’efficacité du système de contrôle des concentrations est préservée.

348    La Commission conteste les arguments de la requérante.

349    Il convient d’abord de constater que la Commission n’a pas conclu, dans la décision attaquée, que la requérante aurait tenté de « contourner le système de contrôle des concentrations », mais a fondé ladite décision sur la constatation, énoncée au considérant 99, sous b), de la décision attaquée, selon laquelle l’opération provisoire avait contribué partiellement au changement de contrôle de TMSC au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371) (voir point 330 ci‑dessus).

350    Il convient ensuite de rappeler que, selon le point 47 de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371) (voir points 62 et 66 ci‑dessus), la circonstance que toute réalisation partielle d’une concentration relève du champ d’application de l’article 7 du règlement no 139/2004 (et donc également de celui de l’article 4 dudit règlement) répond à l’exigence d’assurer un contrôle efficace des concentrations, afin de ne pas mettre en danger le caractère préalable du contrôle prévu par ce règlement ainsi que la poursuite des objectifs de celui‑ci.

351    En outre, ainsi qu’il a déjà été expliqué au point 80 ci‑dessus, il importe que le contrôle de la Commission, pour qu’il soit effectif, soit réalisé non seulement avant l’acquisition du contrôle, mais également avant la réalisation, même partielle, de la concentration.

352    Il y a donc lieu de rejeter l’argument de la requérante relatif à la préservation de l’efficacité du contrôle des concentrations.

b)      Sur la nécessaire application uniforme du droit de lUnion

353    La requérante soutient que l’interprétation faite par la Commission de l’« obligation de suspension » prévue par les règles en matière de contrôle des concentrations doit tenir compte également de l’interprétation de l’obligation de suspension, très similaire, prévue par le droit de l’Union en matière d’aides d’État à l’article 3 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9). En outre, l’arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt (C‑248/16, EU:C:2017:643, points 31 à 34), confirmerait que l’interaction du règlement no 139/2004 et du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1) prévient toute carence dans l’application du droit de l’Union.

354    La Commission conteste les arguments de la requérante.

355    Force est de constater que la Commission ne pouvait, dans la décision attaquée, que s’en tenir à l’interprétation du règlement no 139/2004 donnée par la Cour dans l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371) (voir points 61 et suivants ci‑dessus). Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause ce constat.

356    Premièrement, en ce qui concerne la comparaison que la requérante entend effectuer entre le règlement no 139/2004 et le règlement 2015/1589, la requérante souligne que, dans le cadre de l’obligation de suspension prévue par le droit de l’Union en matière d’aides d’État, seule la réalisation totale d’une mesure est susceptible de constituer une violation, et qu’une « réalisation partielle » ne suffit pas. La requérante explique que la Commission et les juridictions de l’Union (arrêt du 15 février 2001, Autriche/Commission, C‑99/98, EU:C:2001:94, point 39) ont affirmé à de nombreuses reprises qu’il n’y avait pas lieu de conclure à l’existence d’une réalisation anticipée lorsque l’intégralité des étapes préparant l’octroi d’une aide ont été réalisées et que le versement de l’aide était encore subordonné à l’autorisation totale ou partielle de la Commission.

357    Or, force est de constater que cet argument de la requérante est en totale contradiction avec le principe de contrôle ex ante des concentrations qui a été rappelé aux points 355 et 356 ci‑dessus.

358    Deuxièmement, en ce qui concerne la comparaison que la requérante entend effectuer entre le règlement no 139/2004 et le règlement no 1/2003, et le renvoi qu’elle fait aux points 31 à 34 de l’arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt (C‑248/16, EU:C:2017:643), il convient de relever que, dans ces points, la Cour a énoncé que seul le règlement no 139/2004 était applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3 de ce règlement, pour lesquelles le règlement no 1/2003 ne trouve, en principe, pas à s’appliquer.

359    Or, en l’espèce, la requérante ne prétend pas que l’achat de TMSC ne constitue pas une « concentration » au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004, puisqu’elle avait notifié à la Commission son projet d’acquérir le contrôle exclusif de TMSC au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), dudit règlement (voir points 19 à 22 ci‑dessus).

360    Il y a donc lieu de rejeter la quatrième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

B.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 14 du règlement no 139/2004

361    La requérante demande au Tribunal d’« annuler la décision attaquée concernant les amendes infligées et/ou exercer sa compétence de pleine juridiction aux fins d’annuler intégralement ladite décision quant aux amendes ou de les réduire significativement » en vertu de l’article 16 du règlement no 139/2004 et de l’article 261 TFUE.

362    Le deuxième moyen s’articule autour de cinq branches. La première branche est tirée d’une absence d’intention ou de négligence de la part de la requérante. À titre subsidiaire, la deuxième branche est tirée d’une violation des principes nulla poena sine lege et de protection de la confiance légitime. La troisième branche est tirée d’une violation du principe de proportionnalité et du principe régissant les concours d’infraction. La quatrième branche est tirée d’une durée erronée de la prétendue violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. La cinquième branche est tirée de l’excessivité et de la disproportion des amendes. Enfin, dans le cadre de la troisième branche, la requérante soulève également, à titre encore plus subsidiaire, une exception d’illégalité s’agissant de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004.

1.      Sur la première branche, tirée dune absence dintention ou de négligence de la part de la requérante

363    La requérante soutient que « son intention ou sa négligence ont été supposées à tort » par la Commission. D’une part, alors que l’intention requerrait que les décideurs compétents aient eu connaissance du caractère illégal de leur comportement, la structure aurait eu pour objectif de respecter le règlement no 139/2004. D’autre part, premièrement, la décision attaquée ne mentionnerait aucune pratique ni aucune jurisprudence antérieure pertinente établissant clairement l’illégalité de la structure en cause. Deuxièmement, la décision attaquée tenterait, au contraire, de minimiser l’importance du précédent pertinent : dans l’arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384), le Tribunal aurait clairement accepté une structure de portage au motif qu’aucun contrôle n’avait été transféré. Troisièmement, la Commission ne saurait invoquer le point 35 de la CJC pour établir que la requérante a agi par négligence, car les conditions prévues par ce point ne s’appliqueraient pas. Ainsi, la requérante, n’ayant aucun doute quant à la légalité de la structure, n’aurait eu aucune raison de consulter la Commission.

364    La Commission conteste les arguments de la requérante.

365    Il convient de rappeler que, selon l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, la Commission peut imposer des amendes pour des violations commises « de propos délibéré ou par négligence ».

366    S’agissant de la question de savoir si une infraction a été commise de propos délibéré ou par négligence, il résulte de la jurisprudence que cette condition est remplie dès lors que l’entreprise en cause ne peut ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement, qu’elle ait eu ou non conscience d’enfreindre les règles de concurrence (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 237).

367    Le fait que l’entreprise concernée aurait qualifié de manière juridiquement erronée son comportement sur lequel la constatation de l’infraction se fonde ne peut pas avoir pour effet de l’exonérer de l’infliction d’une amende pour autant que celle-ci ne pouvait ignorer le caractère anticoncurrentiel dudit comportement. Une entreprise ne peut pas échapper à l’infliction d’une amende lorsque l’infraction aux règles de concurrence a pour origine une erreur de cette entreprise sur la licéité de son comportement en raison de la teneur d’un avis juridique d’un avocat (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 238).

368    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la Commission a conclu, dans la décision attaquée, que la requérante avait agi par négligence en mettant en œuvre la transaction en violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

369    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait commis une erreur en estimant qu’elle avait agi de propos délibéré, il y a lieu, étant donné que c’est au seul regard du critère de négligence que la Commission a conclu que la requérante avait violé ces dispositions, de le rejeter comme inopérant.

370    En ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs à l’absence de négligence, s’agissant du fait que la décision attaquée ne mentionnerait aucune pratique ni aucune jurisprudence antérieure pertinente établissant clairement l’illégalité de la structure en cause, il convient de rappeler que le seul fait que, au moment où une infraction est commise, les juridictions de l’Union n’ont pas encore eu l’occasion de se prononcer spécifiquement sur un comportement précis n’exclut pas, en tant que tel, qu’une entreprise doit, le cas échéant, s’attendre à ce que son comportement puisse être déclaré incompatible avec les règles de concurrence du droit de l’Union (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 389).

371    Par ailleurs, le fait qu’un comportement présentant les mêmes caractéristiques n’ait pas encore été examiné dans des décisions antérieures n’exonère pas l’entreprise de sa responsabilité (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 901).

372    En outre, la requérante ne conteste pas les constatations faites au considérant 174 de la décision attaquée selon lesquelles, d’une part, elle est une grande société multinationale disposant de moyens juridiques importants et, d’autre part, elle a déjà été impliquée dans des procédures de contrôle des concentrations devant la Commission.

373    Il peut donc être considéré que la requérante avait connaissance des règles de l’Union en matière de contrôle des concentrations et des obligations que ces règles comportent.

374    En tout état de cause, si la requérante avait le moindre doute quant à la compatibilité de ces clauses avec l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, il lui appartenait de consulter la Commission. En effet, en cas de doute concernant ses obligations en vertu du règlement no 139/2004, le comportement approprié d’une entreprise est d’approcher la Commission (voir arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 256 et jurisprudence citée).

375    Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

376    S’agissant de l’arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384), ainsi qu’il résulte des points 88 à 96 ci‑dessus, le Tribunal n’y a pas conclu que la réalisation partielle d’une concentration unique structurée par une opération de portage, avant notification et autorisation, était conforme à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

377    S’agissant du point 35 de la CJC, il convient de rappeler que le point 35 de la CJC ne constitue pas la base juridique de la décision attaquée.

378    C’est donc à juste titre que la Commission a conclu, au considérant 201 de la décision attaquée, que la requérante avait agi à tout le moins par négligence lorsqu’elle a violé l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

379    Il y a donc lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen.

2.      Sur la deuxième branche, tirée dune violation des principes nulla poena sine lege et de protection de la confiance légitime

380    La requérante soutient que la décision attaquée viole le principe nulla poena sine lege, étant donné que, alors que l’article 49 de la Charte et l’article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exigent qu’une infraction soit clairement définie par la loi, ni le règlement no 139/2004 ni la jurisprudence ne contiendraient des indices « clairs et précis » permettant d’établir qu’une « réalisation partielle » telle que celle qui est décrite dans la décision attaquée serait susceptible, en l’absence de toute acquisition de contrôle, de relever du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), dudit règlement. L’acceptation de la notion de réalisation partielle violerait également le principe de protection de la confiance légitime, car la requérante se serait fondée sur la décision 2004/422/CE de la Commission, du 7 janvier 2004, déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen (affaire COMP/M.2978 – Lagardère/Natexis/VUP) (JO 2004, L 125, p. 54) et sur l’arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384).

381    La Commission conteste les arguments de la requérante.

382    Il convient de rappeler que le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles par l’interprétation judiciaire (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 217). En effet, le Tribunal a déjà indiqué que, d’après la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, aussi clair que soit rédigée une disposition légale, il existait inévitablement une part d’interprétation judiciaire et il serait toujours nécessaire d’élucider les points obscurs et d’adapter le libellé en fonction de l’évolution des circonstances (arrêt du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, EU:T:2008:256, point 141).

383    Néanmoins, si le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) permet, en principe, la clarification graduelle des règles de la responsabilité par l’interprétation judiciaire, il peut s’opposer à l’application rétroactive d’une nouvelle interprétation d’une norme établissant une infraction. Il en est particulièrement ainsi si le résultat de cette interprétation n’était pas raisonnablement prévisible au moment de la commission de l’infraction, au vu notamment de l’interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause. En outre, la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires et elle ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-il être attendu d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte (arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 217 à 219, et du 8 juillet 2008, AC Treuhand/Commission, T‑99/04, EU:T:2008:256, point 142).

384    Il ressort de ces considérations que l’interprétation de la portée de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004 doit avoir été suffisamment prévisible, au stade de la perpétration des faits incriminés, au regard du texte de ces dispositions, telles qu’elles sont interprétées par la jurisprudence (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2008, AC Treuhand/Commission, T‑99/04, EU:T:2008:256, point 143).

385    Enfin, il résulte de la jurisprudence que le principe de légalité s’impose tant aux normes de caractère pénal qu’aux instruments administratifs spécifiques imposant ou permettant d’imposer des sanctions administratives et qu’il s’applique non seulement aux normes qui établissent les éléments constitutifs d’une infraction, mais également à celles qui définissent les conséquences qui découlent d’une infraction aux premières (voir arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 378 et jurisprudence citée).

386    En l’espèce, il y a lieu de relever que les arrêts du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), et du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149), ont été prononcés à une date postérieure à celle de l’opération provisoire.

387    Pour autant, il convient de rappeler qu’il ressort clairement du libellé de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 qu’une concentration de dimension communautaire doit être notifiée avant sa réalisation et qu’elle ne doit pas être réalisée sans notification et autorisation préalables (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 246) et du libellé de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), dudit règlement que la Commission pourra, en cas de violation de ces dispositions, infliger des amendes. Aucune de ces dispositions ne contient de larges notions ni de vagues critères (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 379).

388    En outre, d’une part, la Commission avait déjà eu, dans sa pratique décisionnelle antérieure à la décision attaquée, l’occasion de sanctionner une entreprise pour avoir réalisé une concentration avant qu’elle n’ait été notifiée et déclarée compatible [voir la décision C(2009) 4416 final, du 10 juin 2009, infligeant une amende pour la réalisation d’une opération de concentration, en violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 4064/89 (Affaire COMP/M.4994 – Electrabel/Compagnie nationale du Rhône) et la décision C(2014) 5089 final de la Commission, du 23 juillet 2014, infligeant des amendes pour la réalisation d’une concentration en violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 (affaire COMP/M.7184 – Marine Harvest/Morpol)].

389    D’autre part, le Tribunal avait déjà eu, antérieurement à l’opération provisoire, l’occasion de relever qu’une concentration ne devait pas être mise en œuvre avant d’avoir été autorisée par la Commission. En effet, le Tribunal avait déjà indiqué, certes à première vue, qu’il était légitime pour la Commission, compte tenu du délai dans lequel elle devait examiner une concentration notifiée et de la combinaison de facteurs susceptibles d’aboutir à un contrôle dans un cas donné, de demander aux parties de ne prendre aucune mesure susceptible d’amener un changement du contrôle (ordonnance du 18 mars 2008, Aer Lingus Group/Commission, T‑411/07 R, EU:T:2008:80, point 94).

390    Par conséquent, la requérante ne pouvait pas ignorer les obligations qui lui incombaient en vertu dudit règlement, ni les éventuelles sanctions auxquelles elle s’exposait en cas de non-respect de ces obligations.

391    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, si la requérante avait le moindre doute quant à la compatibilité de l’opération en cause avec l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, il lui appartenait de consulter la Commission (voir point 378 ci‑dessus).

392    Quant à la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que ce principe, qui constitue un principe fondamental du droit de l’Union, constitue le corollaire du principe de la sécurité juridique, qui exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 90).

393    Conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 91 et jurisprudence citée).

394    En l’espèce, la Commission n’a pas fourni à la requérante la moindre indication susceptible d’être interprétée comme une possibilité de réaliser partiellement la concentration.

395    En outre, la pratique décisionnelle de la Commission est susceptible d’être modifiée, en fonction du changement des circonstances ou de l’évolution de son analyse (voir arrêt du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 80 et jurisprudence citée).

396    Ainsi, le Tribunal a déjà indiqué que le fait que, dans des décisions antérieures, la Commission n’ait pas tenu des entreprises responsables d’un comportement équivalent n’était pas susceptible de créer une confiance légitime dans le fait que la Commission s’abstiendrait à l’avenir de poursuivre et de sanctionner un tel comportement lorsque cette réorientation de la pratique décisionnelle opérée par la Commission est fondée sur une interprétation correcte de la portée des dispositions juridiques pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T‑29/05, EU:T:2010:355, point 428).

397    Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir points 88 à 96 ci‑dessus), contrairement à ce que soutient la requérante, l’arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384), n’était pas susceptible de faire naître une confiance légitime à son égard.

398    Il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen.

3.      Sur la troisième branche, en ce qui concerne une prétendue violation du principe de proportionnalité et du principe régissant les concours dinfraction

399    La requérante avance que, si, selon la jurisprudence, la Commission n’est pas tenue de sanctionner les violations du droit de la concurrence de l’Union qu’elle a constatées, dès lors qu’elle exerce « sa compétence de pleine juridiction », elle est liée par les principes généraux du droit de l’Union, qui comprennent le principe de proportionnalité et le principe régissant les concours d’infractions. Il s’ensuivrait que, si le Tribunal devait considérer que la requérante a effectivement commis une violation de l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, la Commission ne pourrait infliger une amende que pour une seule infraction, conformément à ces deux principes. L’objectif sous‑jacent visant à assurer un « contrôle efficace » tant de l’obligation de notification que de l’obligation de suspension serait suffisamment et effectivement protégé par l’imposition d’une seule amende. L’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149), ne permettrait pas d’aboutir à une conclusion différente, étant donné que les éléments de fait dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt différeraient sensiblement de ceux du cas d’espèce. Enfin, la Commission n’aurait pas expliqué, dans la décision attaquée, la raison pour laquelle elle n’a pas tenu compte de la première amende pour établir le montant de la seconde.

400    La Commission conteste les arguments de la requérante.

401    Il y a lieu de rappeler que, selon la Cour, si une violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 entraîne automatiquement une violation de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, l’inverse n’est toutefois pas exact (arrêts du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 101, et du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, points 294 et 295).

402    Ainsi, dans la situation où une entreprise notifie une concentration avant sa réalisation, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, il demeure possible que cette entreprise méconnaisse l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, dans l’hypothèse où elle réaliserait cette concentration avant que la Commission ne la déclare compatible avec le marché intérieur (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 102).

403    Il en découle que l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 poursuivent des objectifs autonomes dans le cadre du système de « guichet unique », visé au considérant 8 de ce règlement (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 103).

404    La circonstance que l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 poursuivent des objectifs autonomes constitue ainsi un élément de différenciation permettant de justifier l’imposition de deux amendes distinctes.

405    À cet égard, la Cour a conclu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:1), que le Tribunal était fondé à considérer que la Commission pouvait infliger deux amendes distinctes au titre, respectivement, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 111).

406    En outre, d’une part, quant au principe de proportionnalité, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà souligné que l’imposition de deux sanctions pour un même comportement, par une même autorité dans une seule et même décision, ne saurait être considérée, en tant que telle, comme étant contraire au principe de proportionnalité (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 343).

407    D’autre part, quant au principe régissant les concours d’infractions, il y a lieu de constater que la Cour a déjà rejeté un argument similaire. En effet, dans l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149), elle a considéré que c’était à juste titre que le Tribunal avait jugé que, en l’absence, concernant l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, d’une disposition qui serait « principalement applicable », l’argument de la requérante dans cette espèce selon lequel le Tribunal aurait méconnu le principe du concours d’infractions, tel qu’il résulterait du droit international et de l’ordre juridique des États membres, ne saurait être accueilli (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, points 117 et 118).

408    Par ailleurs, si, comme le souligne la requérante, les circonstances de cette affaire étaient différentes, la requérante ne démontre cependant pas en quoi cette différence pourrait conduire à une autre conclusion.

409    D’ailleurs, la Cour n’a pas fait référence aux circonstances de ladite affaire lorsqu’elle a examiné l’imposition de deux amendes distinctes aux points 97 à 119 de l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149).

410    Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante, présenté dans la réplique, selon lequel la Commission n’aurait pas expliqué, dans la décision attaquée, la raison pour laquelle elle n’a pas tenu compte de la première amende pour établir le montant de la seconde, comme le souligne la Commission, il y a lieu de relever que, si l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure permet la production de moyens nouveaux à la condition que ceux-ci se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, cet argument n’est pas fondé sur des éléments qui se sont révélés au cours de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2021, Alba Aguilera e.a./SEAE, T‑119/17 RENV, EU:T:2021:254, point 121).

411    En outre, même à supposer que cet argument constitue une ampliation de ceux avancés dans la requête et présente un lien étroit avec ceux‑ci, il y a lieu de constater qu’il est erroné, puisque, au considérant 183 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, « pour assurer la proportionnalité des amendes », l’appréciation qu’elle en a faite se rapportait simultanément aux deux infractions. Il résulte de l’indication de cet objectif que la Commission a pris en compte chaque amende pour fixer l’autre.

412    C’est donc à tort que la requérante soutient que la prétendue absence de prise en compte du montant de l’une des amendes dans la détermination du montant de l’autre amende violerait le principe de proportionnalité.

413    Il y a donc lieu de rejeter la troisième branche du deuxième moyen en ce qui concerne une prétendue violation du principe de proportionnalité et du principe régissant les concours d’infraction.

4.      Sur la quatrième branche, tirée dune durée erronée de la prétendue violation de larticle 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004

414    Selon la requérante, la Commission a commis une erreur de droit en estimant, aux considérants 204 et suivants de la décision attaquée, que la prétendue absence de suspension en violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 constituait une infraction continue qui s’étendait jusqu’à l’autorisation de la Commission. Il ressortirait de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), que l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement doit être interprété à la lumière de l’article 3, paragraphe 1, du même texte. Le facteur pertinent serait donc l’acquisition de la possibilité d’exercer une influence déterminante. L’acte d’acquérir étant instantané, la violation devrait l’être également. De plus, la Commission n’aurait pas motivé sa décision d’infliger des amendes d’un montant identique pour les deux infractions, bien que leurs durées soient réputées distinctes. Enfin, la durée de l’infraction à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 aurait été due, en partie, à la durée de l’enquête de la Commission.

415    La Commission conteste les arguments de la requérante.

416    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’infraction à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 serait instantanée, il y a lieu de rappeler que l’infraction à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 est une infraction instantanée, tandis qu’une infraction à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement est une infraction continue, qui trouve son point de départ au moment même où l’infraction à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement est commise (arrêts du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, points 113 et 115, et du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 352).

417    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas motivé sa décision d’infliger des amendes d’un montant identique pour deux infractions qui seraient de durées distinctes, il y a lieu de relever que, en toute logique, il ne peut être fait une comparaison entre la durée d’une infraction continue et une infraction instantanée, puisque cette dernière n’a pas de durée. La Commission n’avait donc pas à motiver cet aspect de ladite décision.

418    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la durée de l’infraction à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 aurait été due, en partie, à la durée de l’enquête de la Commission, car celle‑ci n’a exigé un formulaire CO détaillé que le 22 juillet 2016, soit près de trois mois après le premier projet de formulaire CO simplifié, il suffit de souligner qu’il appartient à la partie notifiante de présenter un formulaire de dépôt correct et complet. Dès lors, la requérante ne saurait reprocher à la Commission un allongement de la durée de l’enquête en raison d’une telle circonstance.

419    Il y a donc lieu de rejeter la quatrième branche du deuxième moyen.

5.      Sur la cinquième branche, tirée de lexcessivité et de la disproportion des amendes

a)      Sur la première sousbranche, selon laquelle seule labsence damende, ou une amende symbolique, aurait été justifiée

420    Selon la requérante, l’amende totale de 28 millions d’euros est disproportionnée et excessive. Seule l’absence d’amende, ou une amende symbolique, aurait été justifiée dans le cas d’espèce, dans lequel la Commission adopte une théorie novatrice de la notion de « réalisation partielle » en l’absence de toute acquisition de contrôle. La requérante fait également valoir que la Commission, dans sa pratique antérieure, renonçait à toute amende ou n’imposait que des montants symboliques lorsque, comme en l’espèce, la loi n’était pas claire ou qu’une nouvelle application en était faite, et qu’elle a déjà accepté des opérations de portage par le passé. Enfin, les autorités de concurrence du Japon, de Chine et des États-Unis d’Amérique se seraient abstenues d’infliger une amende à la requérante ou lui auraient infligé une amende très faible.

421    La Commission conteste les arguments de la requérante.

422    Il y a d’abord lieu de relever que, même si l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371), selon lequel la réalisation partielle d’une concentration peut entraîner la violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 sans acquisition du contrôle, a été prononcé à une date postérieure à l’opération provisoire, à cette date, soit le 17 mars 2016, le Tribunal avait déjà indiqué, comme il a été relevé au point 114 ci‑dessus, qu’une opération de concentration, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, peut se réaliser même en présence d’une pluralité de transactions juridiques formellement distinctes dès lors que ces transactions sont interdépendantes de sorte qu’elles ne seraient pas réalisées les unes sans les autres et dont le résultat consiste à conférer à une ou à plusieurs entreprises le contrôle économique, direct ou indirect, sur l’activité d’une ou de plusieurs autres entreprises (arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 109).

423    Il y a ensuite lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ne revêtent qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une violation du principe d’égalité de traitement, étant donné qu’il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (arrêts du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, EU:C:2006:594, points 201 et 205 ; du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326, point 60, et du 16 juin 2011, Caffaro/Commission, T‑192/06, EU:T:2011:278, point 46).

424    Néanmoins, le respect du principe d’égalité de traitement, qui s’oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière semblable, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, s’impose à la Commission lorsqu’elle inflige une amende à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence comme à toute institution dans toutes ses activités. Il n’en demeure pas moins que les décisions antérieures de la Commission en matière d’amende ne peuvent être pertinentes au regard du respect du principe d’égalité de traitement que s’il est démontré que les données circonstancielles des affaires relatives à ces autres décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, sont comparables à celles de l’espèce (voir arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, points 261 et 262 et jurisprudence citée).

425    En l’espèce, force est de constater que la requérante n’apporte aucun élément visant à démontrer que les circonstances d’affaires précédemment traitées par la Commission et celles de la présente affaire seraient comparables, ni même soutient une telle hypothèse.

426    En outre, et en tout état de cause, il n’existe aucune obligation pour la Commission de prendre en considération le fait qu’un comportement ayant exactement les mêmes caractéristiques que celui en cause n’a pas encore donné lieu à l’imposition d’une amende (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 640).

427    Enfin, concernant l’argument de la requérante selon lequel les autorités de concurrence du Japon, de Chine et des États-Unis d’Amérique se seraient abstenues de lui infliger une amende ou lui auraient infligé une amende très faible, il suffit de rappeler qu’un tel argument méconnaît la nature sui generis de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, EU:C:1964:66, et du 13 novembre 1964, Commission/Luxembourg et Belgique, 90/63 et 91/63, EU:C:1964:80). Ainsi, le système de contrôle des concentrations de l’Union ne coïncide pas nécessairement avec les règles et pratiques des pays tiers.

428    Il y a donc lieu de rejeter la première sous-branche de la cinquième branche du deuxième moyen.

b)      Sur la seconde sous-branche, selon laquelle les circonstances atténuantes nauraient pas été correctement prises en compte

429    La requérante soutient que la Commission a méconnu, dans la décision attaquée, les circonstances atténuantes qu’elle a invoquées au cours de la procédure administrative. Premièrement, les options qu’elle détenaient, lui permettant d’acquérir TMSC, n’auraient pu être exercées qu’après autorisation de la concentration par toutes les autorités compétentes. Deuxièmement, alors que la Commission relève, au considérant 202 de la décision attaquée, que l’opération n’a pas soulevé de problèmes de concurrence, elle n’aurait pas indiqué en quoi ce constat aurait eu une incidence sur le montant des amendes. La requérante relève, à titre de comparaison, que l’amende totale infligée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149), était inférieure de 8 millions d’euros malgré le fait que Marine Harvest aurait été une entreprise récidiviste, que la concentration aurait soulevé des doutes sérieux et que l’autorisation aurait supposé des mesures correctives. Troisièmement, la requérante aurait informé sans délai la Commission. La requérante explique que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149), la Commission a pris en compte, au titre de circonstance atténuante, le fait qu’il ait été demandé que soit désignée une équipe chargée de traiter le dossier quelques jours après la réalisation de la concentration et qu’elle a elle‑même formulé une telle demande avant l’opération provisoire. Quatrièmement, la requérante aurait toujours coopéré pleinement avec la Commission. Enfin, la requérante n’aurait pas « de passif » en matière de non‑respect du règlement no 139/2004 ou de toute autre réglementation relative aux ententes, ce qui serait généralement pris en compte.

430    La Commission conteste les arguments de la requérante.

431    Premièrement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les options qu’elle détenait ne pouvaient être exercées qu’après autorisation de la concentration par toutes les autorités compétentes, cette circonstance ne saurait remettre en cause la constatation selon laquelle, ainsi qu’il résulte de ce qui précède, en procédant à l’opération provisoire, la requérante a partiellement réalisé la concentration unique consistant en l’acquisition du contrôle de TMSC, en violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. Le moment auquel les options sur actions de la requérante ont été effectivement exercées n’a aucune incidence sur la réalisation partielle de la concentration.

432    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel, alors que la Commission a reconnu dans la décision attaquée que l’opération n’avait pas soulevé de problèmes de concurrence, celle‑ci n’aurait pas indiqué en quoi ce constat aurait eu une incidence sur le montant des amendes, ainsi que le relève la requérante elle-même, la Commission a indiqué, au considérant 202 de la décision attaquée, que, aux fins du calcul des amendes, elle avait pris en considération le fait que l’opération ne soulevait pas de problèmes concurrentiels et a été déclarée compatible avec le marché intérieur et avec l’accord EEE par une décision qu’elle a adoptée sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 et de l’article 57 de l’accord EEE.

433    Ce considérant s’inscrit dans le cadre du point 5.2 de la décision attaquée, relatif à la gravité des infractions.

434    Or, la requérante ne démontre pas que la Commission, qui avait déjà tenu compte de cette circonstance au titre de la gravité de l’infraction, aurait également dû en tenir compte au titre des circonstances atténuantes.

435    Par ailleurs, dans l’hypothèse où l’argument de la requérante devrait être compris comme reprochant à la Commission un défaut de motivation, en ce sens que la Commission n’aurait pas explicité, dans la décision attaquée, comment elle a pris en compte cet élément, il convient de relever que la Commission n’a pas adopté de lignes directrices énonçant la méthode de calcul qui s’imposerait à elle dans le cadre de la fixation du montant des amendes en vertu de l’article 14 du règlement no 139/2004 (voir arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 449 et jurisprudence citée). En l’absence de telles lignes directrices, celle-ci n’est pas tenue de chiffrer, en valeur absolue ou en pourcentage, le montant de base de l’amende et les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes (voir arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 455 et jurisprudence citée).

436    Troisièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel elle aurait dû bénéficier d’une circonstance atténuante au même titre que celle reconnue par la Commission dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149), parce qu’elle aurait informé sans délai la Commission, il résulte de la chronologie des événements que tel n’est pas le cas.

437    Il est indifférent, comme le souligne la Commission, que la requérante ait présenté sa demande de désignation d’une équipe quelques jours seulement avant la date de l’opération provisoire.

438    En effet, il est constant entre les parties que, si la requérante a envoyé à la Commission une demande de désignation d’une équipe au regard de son projet d’acquérir le contrôle exclusif de TMSC dès le 11 mars 2016 (voir point 19 ci‑dessus), c’est-à-dire cinq jours avant la date de l’opération provisoire du 16 mars 2016, cette demande ne faisait pas mention de l’opération provisoire, mais indiquait seulement le fait que « [l]’opération envisagée consist[ait] en l’acquisition par [la requérante] du contrôle exclusif de [TMSC] par une cession de 100 % d’actions ».

439    Ce n’est en fait que par une plainte déposée le 18 mars 2016 que la Commission a eu connaissance de la structure de l’opération en deux étapes (voir point 24 ci‑dessus), et ce n’est que dans son courriel du 5 avril 2016 que la requérante a adressé à la Commission le formulaire CO relatif à la structure de l’opération envisagée ainsi qu’une brève présentation décrivant ses différentes étapes (voir point 20 ci‑dessus).

440    Quatrièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel elle aurait toujours coopéré pleinement avec la Commission, même si, selon ses explications, elle a eu des contacts réguliers avec l’équipe chargée de traiter le dossier, a répondu à des demandes de renseignements détaillées et fourni des milliers de documents internes, un tel comportement ne saurait, en soi, constituer une circonstance atténuante. Il est normal, ne serait-ce que pour assurer ses droits de la défense, que la requérante ait répondu aux demandes de renseignements adressées par la Commission et présenté des documents et des réponses à la communication des griefs et à la communication des griefs supplémentaire.

441    Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel elle n’aurait pas « de passif » en matière de non‑respect du règlement no 139/2004 ou de toute autre réglementation relative aux ententes, ce qui serait généralement pris en compte, il convient de relever que la requérante ne produit aucun exemple dans lequel la Commission aurait retenu, au titre de circonstance atténuante, une telle circonstance.

442    Il y a donc lieu de rejeter la seconde sous-branche de la cinquième branche du deuxième moyen.

6.      Sur lexception dillégalité, soulevée à titre subsidiaire, sagissant de larticle 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004 

443    Dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen, la requérante, à titre encore plus subsidiaire, demande au Tribunal, sur le fondement de l’article 277 TFUE, de déclarer inapplicable l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004. À cet égard, la requérante souligne que la Cour, dans l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 110), a reconnu expressément ne pas avoir examiné ni déterminé si l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 139/2004 était conforme au droit de l’Union étant donné que l’exception d’illégalité soulevée devant elle ne l’avait pas été devant le Tribunal. À cet égard, la requérante renvoie aux « mêmes arguments que ci‑dessus ».

444    La Commission et le Conseil contestent les arguments de la requérante.

445    À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne précise pas à quels arguments développés dans le cadre de son recours elle renvoie.

446    En tout état de cause, à supposer que la requérante fasse référence aux trois branches du deuxième moyen qu’elle a soulevées avant d’invoquer l’exception d’illégalité en cause, il y aurait lieu de considérer que, selon la requérante, cette disposition viole, premièrement, le principe nullum crimen, nulla poena sine lege, deuxièmement, le principe de protection de la confiance légitime et, troisièmement, le principe de proportionnalité et celui régissant les concours d’infractions.

447    Ainsi, premièrement, le renvoi opéré par la requérante viserait à soutenir que l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004 viole le principe nullum crimen, nulla poena sine lege du fait que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 n’est pas suffisamment clair, ainsi que le reconnaîtrait la Commission elle‑même dans la décision attaquée, puisqu’elle indiquerait au considérant 82 de ladite décision que « [l]a notion de “réalisation” n’est pas expressément définie aux articles 4, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, du règlement [no 139/2004 ; c]omme l’a déclaré la Cour dans l’arrêt [du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371)], l’article 7, paragraphe 1 [du règlement no 139/2004] “ne fournit aucune indication à l’égard des conditions en présence desquelles une concentration est réputée être réalisée” et le libellé de cette disposition “ne permet pas, à lui seul, de préciser la portée de l’interdiction qu’il édicte”[ ; i]l en est de même de l’article 4, paragraphe 1 [dudit règlement] ».

448    À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé aux points 390 et suivants ci‑dessus, le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) permet, en principe, la clarification graduelle des règles de la responsabilité par l’interprétation judiciaire.

449    Or, la requérante n’avance aucun argument susceptible de démontrer qu’une telle clarification graduelle ne saurait être permise en ce qui concerne l’article 4, paragraphe 1, l’article 7, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004.

450    Deuxièmement, le renvoi opéré par la requérante viserait à soutenir que l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), dudit règlement viole le principe de protection de la confiance légitime, car il ne ressortirait pas de ce règlement qu’une réalisation partielle serait susceptible, en l’absence de toute acquisition de contrôle, de relever du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement.

451    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, avant que la Cour n’indique explicitement que toute réalisation partielle d’une concentration relève du champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 47), comme il a déjà été relevé au point 74 ci‑dessus, le Tribunal avait également déjà eu, antérieurement à l’opération en cause, l’occasion d’indiquer que, dans le contexte de la dérogation à l’obligation de suspension prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, l’acquisition d’une participation qui ne confère pas, en tant que telle, le contrôle au sens de l’article 3 de ce règlement peut relever du champ d’application de l’article 7 du même règlement (arrêt du 6 juillet 2010, Aer Lingus Group/Commission, T‑411/07, EU:T:2010:281, point 83).

452    Troisièmement, le renvoi opéré par la requérante viserait à soutenir que l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004, en imposant, respectivement une amende en cas d’absence de notification conformément à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement et en cas de réalisation d’une concentration en violation de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, viole le principe de proportionnalité et celui régissant les concours d’infractions. Il serait constant que les affaires impliquant la réalisation d’une opération non notifiée violent toujours et automatiquement l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, étant donné qu’il serait impossible de violer la première de ces dispositions sans violer la seconde. Dans ces circonstances, l’article 14 du règlement no 139/2004 devrait permettre à la Commission de faire un choix entre ces dispositions, et non de les appliquer simultanément, car il ne serait pas nécessaire de protéger deux fois les mêmes objectifs. Par définition, une double amende serait donc excessive. De plus, permettre à la Commission d’infliger deux amendes distinctes pour le même comportement pourrait conduire à des résultats absurdes et disproportionnés. Selon la requérante, en infligeant deux amendes distinctes pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires total pour le même comportement, l’article 14, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004 doublent le plafond prévu par le règlement no 1/2003. Ainsi, une opération non problématique qui ne porte pas gravement atteinte à une concurrence efficace au sein de l’Union encourrait une amende d’un plafond deux fois plus élevé que le plafond de 10 % prévu pour une entente caractérisée ou un abus de position dominante flagrant.

453    À cet égard, quant au principe de proportionnalité, ainsi qu’il a été rappelé au point 410 ci-dessus, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 poursuivent des objectifs autonomes dans le cadre du système de « guichet unique », visé au considérant 8 de ce règlement.

454    En outre, d’une part, l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement prévoit une obligation de faire, consistant dans l’obligation de notifier la concentration avant sa réalisation, et, d’autre part, l’article 7, paragraphe 1, du même règlement prévoit une obligation de ne pas faire, à savoir ne pas réaliser cette concentration avant sa notification et son autorisation (arrêts du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 104, et du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 302).

455    De plus, priver la Commission de la possibilité d’établir une distinction, au travers des amendes qu’elle inflige, entre les situations où l’entreprise respecterait l’obligation de notification, mais violerait l’obligation de suspension, et celle où cette entreprise violerait ces deux obligations, ne permettrait pas d’atteindre l’objectif du règlement no 139/2004 qui est d’assurer un contrôle efficace des concentrations qui ont une dimension communautaire, dans la mesure où la violation de l’obligation de notification ne pourrait jamais faire l’objet d’une sanction spécifique (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, points 108 et 109).

456    Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été rappelé (voir point 423 ci-dessus), l’infraction à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 est une infraction instantanée, tandis qu’une infraction à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement est une infraction continue, qui trouve son point de départ au moment même où l’infraction à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement est commise (arrêts du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, points 113 et 115, et du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 352).

457    Enfin, il a également déjà été rappelé (voir point 413 ci‑dessus) que l’imposition de deux sanctions pour un même comportement, par une même autorité dans une seule et même décision, ne saurait être considérée, en tant que telle, comme étant contraire au principe de proportionnalité (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 343).

458    La requérante n’avance aucune argumentation susceptible de remettre en cause cette jurisprudence.

459    Quant à l’argument de la requérante selon lequel l’article 14, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004 doublent le plafond prévu par le règlement no 1/2003 en infligeant deux amendes distinctes pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires total pour le même comportement, il est inopérant.

460    En effet, de toute évidence, même s’il devait être conclu que le fait que la Commission peut infliger des amendes de 10 % du montant du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée de manière cumulative au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a) du règlement no 139/2004 et de l’article 14, paragraphe 2, sous b), dudit règlement est contraire au principe de proportionnalité, cette conclusion n’aurait aucune conséquence en l’espèce, étant donné que la requérante ne prétend pas qu’elle a été condamnée à deux amendes, qui, cumulativement, dépasseraient 10 % du montant de son chiffre d’affaires.

461    Quant au principe régissant le concours d’infraction, auquel la requérante ne fait qu’allusion, il y a lieu de rappeler que les règles relatives au concours d’infractions n’interdisent pas de manière générale qu’une entreprise soit sanctionnée pour une violation de plusieurs dispositions juridiques distinctes, même si ces dispositions ont été violées par le même comportement (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 371).

462    Il résulte de ce qui précède que, même s’il est exact, comme le souligne la requérante, que la Cour, dans l’arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149, points 110 et 127), n’a ni examiné ni déterminé si l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 139/2004 est conforme au droit de l’Union étant donné que l’exception d’illégalité soulevée devant elle ne l’avait pas été devant le Tribunal, la requérante n’a apporté aucun élément susceptible de démontrer l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), dudit règlement.

463    Il y a dès lors lieu de rejeter l’exception d’illégalité soulevée à l’égard de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004 et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

464    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la demande de la requérante adressée au Tribunal « d’annuler la décision attaquée concernant les amendes infligées et/ou exercer sa compétence de pleine juridiction aux fins d’annuler intégralement ladite décision quant aux amendes ou de les réduire significativement ».

C.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 18 du règlement no 139/2004 et de l’article 48, paragraphe 2, de la Charte

465    La requérante soutient que la Commission a violé, dans la décision attaquée, ses droits procéduraux en introduisant de nouveaux arguments et de nouveaux éléments de fait et de preuve après la présentation de la communication des griefs supplémentaire du 30 novembre 2018 et la deuxième audience du 14 février 2019. Premièrement, pour la première fois, aux considérants 133 à 137 de la décision attaquée, la Commission aurait soutenu que le droit de véto dont elle bénéficiait excédait le niveau de protection habituel prévu à l’article 322, paragraphe 1, de la loi japonaise sur les sociétés et que l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC contenait des droits de véto en sus des éléments exposés en vertu de cet article. Ces considérations, renvoyant directement au droit japonais des sociétés, constitueraient de nouveaux éléments de fait, dont elle aurait au moins dû l’informer. Deuxièmement, dans sa communication des griefs supplémentaire, la Commission aurait examiné le droit de véto en cause sous l’angle de la question de savoir si, en tant qu’élément de l’opération provisoire, il a « contribué à changer durablement le contrôle sur TMSC » alors que, dans la décision attaquée, la Commission aurait invoqué le droit de véto de la requérante à l’appui d’un argument totalement différent, à savoir celui de l’existence d’une concentration unique. La Commission aurait donc dû clarifier sa nouvelle argumentation relative à la concentration unique dans une communication des griefs supplémentaire présentant le droit japonais des sociétés sur lequel elle s’appuie et lui reconnaître le droit à une audience supplémentaire.

466    La Commission conteste les arguments de la requérante.

467    En application d’une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 83 et jurisprudence citée).

468    La communication des griefs doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que celle-ci n’adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 84 et jurisprudence citée).

469    Toutefois, cette indication peut être donnée de manière sommaire et la décision finale ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire. Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière de la réponse des parties dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer leurs droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 85 et jurisprudence citée).

470    Ainsi, la communication aux intéressés d’un complément de griefs n’est nécessaire que dans le cas où le résultat des vérifications amène la Commission à mettre à la charge des entreprises des actes nouveaux ou à modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 86 et jurisprudence citée).

471    Enfin, il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, il y a violation des droits de la défense lorsqu’il existe une possibilité que, en raison d’une irrégularité commise par la Commission, la procédure administrative menée par elle ait pu aboutir à un résultat différent. Une entreprise requérante établit qu’une telle violation a eu lieu lorsqu’elle démontre à suffisance non pas que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité, par exemple en raison du fait qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense des documents dont l’accès lui a été refusé lors de la procédure administrative (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 87 et jurisprudence citée).

472    En l’espèce, quant à l’argument de la requérante selon lequel ce serait pour la première fois, dans la décision attaquée, que la Commission aurait soutenu que le droit de véto dont elle bénéficiait excédait le niveau de protection habituel prévu à l’article 322, paragraphe 1, de la loi japonaise sur les sociétés et que l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC contenait des droits de véto supplémentaires, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une partie qui a elle-même produit les éléments de fait en cause a, par hypothèse même, été pleinement en mesure d’exposer, à l’occasion de ladite production, la pertinence éventuelle que revêtent ceux-ci pour la solution de l’affaire (voir arrêt du 12 décembre 2012, 1. garantovaná/Commission, T‑392/09, non publié, EU:T:2012:674, point 79 et jurisprudence citée).

473    Or, à la suite de l’invitation de la Commission, par demande de renseignements du 7 octobre 2016, de fournir des informations concernant l’article 322, paragraphe 1, de la loi japonaise sur les sociétés et sur l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC, la requérante a répondu par sa lettre du 4 novembre 2016, dans laquelle elle a fourni des extraits traduits en anglais de la loi japonaise sur les sociétés et des statuts de TMSC et des références à cette loi et à ces statuts.

474    Puis, à la suite d’une nouvelle invitation de la Commission, par demande de renseignements du 25 février 2019, de fournir des informations supplémentaires sur ces deux points, la requérante a répondu à cette demande dans sa lettre du 13 mars 2019. Dans cette lettre, elle a expliqué elle‑même que le droit de véto dont elle bénéficiait excédait le niveau de protection habituel prévu à l’article 322, paragraphe 1, de la loi japonaise sur les sociétés (voir point 163 ci‑dessus) et que le droit de véto instauré par l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC lui permettait d’empêcher MS Holding de réaliser l’acquisition forcée des options sur actions de TMSC. Le fait que cette dernière explication figurait déjà dans la réponse de la requérante du 4 novembre 2016 est d’ailleurs relevé à la note en bas de page no 30 de la communication des griefs.

475    Quant à l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait, dans la communication des griefs supplémentaire, examiné le droit de véto sous l’angle de la question de savoir si, en tant qu’élément de l’opération provisoire, il a « contribué à changer durablement le contrôle sur TMSC » alors que, dans la décision attaquée, la Commission aurait invoqué son droit de véto à l’appui d’un argument totalement différent, à savoir celui de l’existence d’une concentration unique, il convient de relever que, dès le point 48 de ladite communication des griefs supplémentaire, la Commission avait fait la même constatation qu’au considérant 136 de la décision attaquée selon lequel le droit de véto a permis à la requérante de préempter l’un des droits légaux de l’actionnaire majoritaire et a ainsi garanti qu’elle seule déterminerait le futur propriétaire de TMSC.

476    En outre, la Commission a pris en compte, dans la communication des griefs supplémentaire, l’ensemble de la structure de l’opération, y compris le droit de véto, à l’appui de la conclusion selon laquelle il existait une concentration unique.

477    En effet, au point 43 de la communication des griefs supplémentaire, la Commission a indiqué que, « [c]ompte tenu de l’ensemble de la structure de l’opération dont ont convenu [la requérante] et Toshiba, [elle] consid[érait], à titre préliminaire, que l’opération provisoire et l’opération finale faisaient partie d’une concentration unique, au sens du considérant 20 du règlement [no 139/2004] et conformément à l’arrêt Ernst & Young ».

478    Puis, au point 44 de la communication des griefs supplémentaire, la Commission a indiqué que, « [p]our ces raisons, [elle] consid[érait], à titre préliminaire, que l’opération provisoire était une étape nécessaire pour obtenir un changement de contrôle de TMSC présentant un lien fonctionnel direct avec la réalisation de l’opération finale[ ; a]insi, [elle] consid[érait] à titre préliminaire, que l’opération provisoire a contribué (du moins en partie) au changement de contrôle de TMSC ».

479    Enfin, aux points 45 et suivants de la communication des griefs supplémentaire, la Commission a exposé, en particulier, comment la requérante avait acquis la possibilité d’exercer un certain degré d’influence sur TMSC à la suite de l’opération provisoire, en particulier au moyen du droit de véto (point 48 de ladite communication).

480    La requérante ne conteste par ailleurs pas l’affirmation de la Commission, faite dans son mémoire en défense, selon laquelle le droit de véto a été discuté lors de l’audition du 14 février 2019. En outre, ainsi qu’il a été souligné (voir point 476 ci‑dessus), la requérante a elle-même expliqué l’importance de ce droit de véto.

481    Par ailleurs, comme le souligne la Commission, les griefs invoqués dans la décision attaquée étaient clairement énoncés dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaire.

482    En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a introduit aucun argument, fait ou élément de preuve aux considérants 133 à 137 de la décision attaquée qui n’auraient pas déjà été présentés à la requérante au cours de la procédure administrative.

483    Au considérant 133 de la décision attaquée, la Commission a fait le constat, comme elle l’avait déjà fait au point 111 de la communication des griefs, que, à compter de l’opération provisoire, la requérante supportait l’intégralité du risque économique de l’opération et, comme elle l’avait déjà indiqué au point 47 de la communication des griefs supplémentaire, que la requérante s’était vu accorder le droit de déterminer l’identité de l’acquéreur final de TMSC.

484    Au considérant 134 de la décision attaquée, la Commission a expliqué pourquoi, comme elle l’avait déjà fait au point 47 de la communication des griefs supplémentaire, à la suite de l’opération provisoire, la requérante avait seule le pouvoir de déterminer l’identité de l’acquéreur final de TMSC.

485    Au considérant 135 de la décision attaquée, la Commission a réfuté l’argument de la requérante selon lequel la capacité de déterminer l’acquéreur final de TMSC n’était pas un facteur pertinent aux fins de l’établissement d’un contrôle ou d’une influence sur TMSC.

486    Au considérant 136 de la décision attaquée, la Commission a expliqué, comme elle l’avait déjà fait au point 48 de la communication des griefs supplémentaire, que le droit de véto permettait à la requérante d’empêcher MS Holding de recourir à l’article 179-3 de la loi japonaise sur les sociétés et garantissait ainsi que seule la requérante pourrait déterminer le futur propriétaire de TMSC.

487    Enfin, au considérant 137 de la décision attaquée, la Commission a réfuté l’argument de la requérante selon lequel le droit de véto n’était qu’un moyen de protéger sa position en tant que détenteur de l’action de catégorie B, en constatant que le droit de véto ne l’avait pas seulement protégée en tant que détentrice de l’action de catégorie B, dans la mesure où elle pourrait utiliser ce droit de véto pour protéger ses options sur actions, ce qui lui permettrait de déterminer l’acquéreur final de TMSC. À l’appui de cette conclusion, ledit considérant renvoie à la réponse de la requérante du 13 mars 2019, à la demande de la Commission du 25 février 2019, selon laquelle le droit de véto la protégeait également d’« une “cession” en sa qualité de détenteur d’une option sur action ». Au même considérant, la Commission a également réfuté l’argument de la requérante selon lequel le droit de véto ne lui conférait aucun droit spécial ou unique et ne dépassait pas le niveau de protection prévu par la loi japonaise sur les sociétés, en relevant que l’article 16.3(3)2 des statuts modifiés de TMSC contenait des droits de véto allant au-delà du niveau de protection prévu par la loi japonaise sur les sociétés.

488    Contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a donc fait, aux considérants 133 à 137 de la décision attaquée, que répondre aux arguments avancés par la requérante, mais sans introduire d’éléments de fait ou de preuve susceptibles de justifier une nouvelle communication des griefs supplémentaire ou une nouvelle audition de la requérante.

489    À cet égard, le droit d’être entendu ne saurait s’étendre au raisonnement par lequel la Commission réfute les arguments avancés en réponse à la communication des griefs et à la communication des griefs supplémentaire avant d’adopter la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 2010, IMI e.a./Commission, T‑18/05, EU:T:2010:202, point 111, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 108).

490    Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen.

491    Il ressort de ce qui précède que l’ensemble du recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

492    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

493    En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, il convient de décider que le Conseil supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Canon Inc. est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Acquisition par la requérante de TMSC

B. Phase de prénotification

C. Notification et décision autorisant la concentration

D. Procédure administrative et décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le premier moyen, tiré de l’absence de violation par la requérante de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004

1. Sur la première branche, tirée de ce que l’opération provisoire ne constituerait pas une acquisition de contrôle

a) Sur la première sous-branche, selon laquelle la réalisation anticipée d’une concentration suppose l’acquisition de contrôle

b) Sur la seconde sous-branche, selon laquelle la jurisprudence antérieure confirmerait que le changement de contrôle est le seul critère pertinent

2. Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de réalisation partielle violant l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004

a) Sur la première sousbranche, selon laquelle le fait que « l’opération provisoire n’a été entreprise que dans la perspective de l’opération finale » est dénué de pertinence et n’est pas établi à suffisance de droit par la Commission

b) Sur la deuxième sousbranche, selon laquelle le seul but de MS Holding n’était pas de « faciliter la prise du contrôle par la requérante de TMSC »

1) Sur le fait que l’élaboration de l’opération aurait été dirigée par Toshiba et la nécessité d’enregistrer une plus-value significative d’ici à la fin du mois de mars 2016

2) Sur le grief selon lequel la requérante n’a pas participé activement à la constitution de MS Holding

3) Sur le grief selon lequel la description par la Commission du rôle de MS Holding est trompeuse

4) Sur le grief selon lequel MS Holding était parfaitement libre d’exercer ses droits de vote

5) Sur le grief selon lequel TMSC a agi indépendamment de la requérante

c) Sur la troisième sousbranche, selon laquelle le prétendu pouvoir de déterminer l’identité de l’acquéreur final et les risques économiques sont dénués de pertinence

1) Sur l’argument selon lequel le « droit de déterminer le propriétaire final ou futur » ne constitue pas une « influence »

2) Sur l’argument selon lequel les droits de véto destinés à lutter contre la dispersion ne conféraient pas une « influence » pertinente

3) Sur l’argument selon lequel le « risque économique de la concentration » prétendument assumé par la requérante ne constitue pas un critère pertinent

d) Sur la quatrième sousbranche, selon laquelle les conditions de la « réalisation partielle » au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C633/16), ne sont pas remplies

e) Sur la cinquième sousbranche, selon laquelle l’opération provisoire n’a pas « contribué à changer durablement le contrôle » sur TMSC au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C633/16)

1) Sur le critère du lien fonctionnel direct au sens de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C633/16)

2) Sur l’argument selon lequel la Commission a fait une interprétation erronée de l’arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young (C633/16)

3) Sur l’argument selon lequel le caractère « temporaire » du contrôle exercé par MS Holding sur TMSC est dénué de pertinence

4) Sur l’argument selon lequel la décision attaquée est fondée à tort sur la notion de « renonciation » au contrôle

5) Sur l’argument selon lequel la comparaison entre l’affaire Ernst & Young et le cas d’espèce est erronée

i) Sur l’argument selon lequel l’opération provisoire n’a pas été une « opération tripartite »

ii) Sur l’argument selon lequel, dans l’affaire Ernst & Young, l’accord de concentration a déjà déterminé le propriétaire futur

iii) Sur l’argument selon lequel le fait que TMSC n’ait pas été indépendante avant l’opération provisoire est dénué de pertinence

3. Sur la troisième branche, tirée de l’existence d’erreurs manifestes commises dans l’application de la notion de « réalisation partielle d’une “concentration unique” »

a) Sur l’argument selon lequel la notion de « concentration unique » ne peut se fonder sur le considérant 20 du règlement no 139/2004

b) Sur l’argument selon lequel le point 35 de la CJC constitue un fondement insuffisant pour les notions de « concentration unique » et de « réalisation partielle » de la Commission

1) Sur l’argument selon lequel la CJC ne constitue pas une base juridique suffisante et n’est pas juridiquement contraignante

2) Sur l’argument selon lequel les conditions prévues au point 35 de la CJC ne sont pas remplies

3) Sur l’exception d’illégalité soulevée à titre subsidiaire s’agissant du point 35 de la CJC

c) Sur l’argument selon lequel l’arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T282/02), ne concerne pas une réalisation anticipée d’une concentration et est, par conséquent, dénué de pertinence

4. Sur la quatrième branche, selon laquelle la procédure de contrôle ex ante des concentrations n’a jamais été contournée

a) Sur l’argument selon lequel les parties n’ont jamais envisagé de contourner le système de contrôle des concentrations

b) Sur la nécessaire application uniforme du droit de l’Union

B. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 14 du règlement no 139/2004

1. Sur la première branche, tirée d’une absence d’intention ou de négligence de la part de la requérante

2. Sur la deuxième branche, tirée d’une violation des principes nulla poena sine lege et de protection de la confiance légitime

3. Sur la troisième branche, en ce qui concerne une prétendue violation du principe de proportionnalité et du principe régissant les concours d’infraction

4. Sur la quatrième branche, tirée d’une durée erronée de la prétendue violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004

5. Sur la cinquième branche, tirée de l’excessivité et de la disproportion des amendes

a) Sur la première sousbranche, selon laquelle seule l’absence d’amende, ou une amende symbolique, aurait été justifiée

b) Sur la seconde sous-branche, selon laquelle les circonstances atténuantes n’auraient pas été correctement prises en compte

6. Sur l’exception d’illégalité, soulevée à titre subsidiaire, s’agissant de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004

C. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 18 du règlement no 139/2004 et de l’article 48, paragraphe 2, de la Charte

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.