Language of document : ECLI:EU:T:2022:314

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

1er juin 2022 (*) 

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Procédure de résolution applicable en cas de défaillance avérée ou prévisible d’une entité – Adoption par le CRU d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español – Délégation de pouvoir – Obligation de motivation – Principe de bonne administration – Article 20 du règlement (UE) no 806/2014 – Droit d’être entendu – Droit de propriété »

Dans l’affaire T‑570/17,

Algebris (UK) Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

Anchorage Capital Group LLC, établie à New York, New York (États-Unis),

représentées Mes T. Soames, N. Chesaites, avocats, et M. R. East, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. L. Flynn et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes J. King et M. Fernández Rupérez, en qualité d’agents, assistées de Mes B. Meyring, S. Schelo, F. Fernández de Trocóniz Robles, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

et par

Banco Santander, SA, établie à Santander (Espagne), représentée par Mes J. Rodríguez Cárcamo, A. Rodríguez Conde, D. Sarmiento Ramírez-Escudero, avocats, et Mme G. Cahill, barrister,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2017/1246 de la Commission, du 7 juin 2017, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA (JO 2017, L 178, p.15),

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, M. Jaeger, V. Kreuschitz, G. De Baere (rapporteur) et Mme G. Steinfatt, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 24 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        À la suite de la crise financière de 2008, il a été décidé de créer une union bancaire au sein de l’Union européenne, fondée sur un corpus réglementaire unique, complet et détaillé pour les services financiers, valable pour l’ensemble du marché intérieur et comprenant un mécanisme de surveillance unique et de nouveaux cadres pour la garantie des dépôts et la résolution des défaillances bancaires.

2        La première étape vers la création de l’union bancaire a consisté en l’établissement d’un mécanisme de surveillance unique (MSU) par le règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63). Selon le considérant 12 de ce règlement, un MSU devrait garantir que la politique de l’Union en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit est mise en œuvre de manière cohérente et efficace, que le corpus réglementaire unique pour les services financiers s’applique de la même manière aux établissements de crédit de tous les États membres concernés et que ces établissements de crédit sont soumis à une surveillance de la plus haute qualité, sans qu’interviennent des considérations autres que prudentielles. À cette fin, le règlement no 1024/2013 confie à la Banque centrale européenne (BCE) des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

3        Par la suite, la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), a été adoptée. Elle indique, dans son considérant 1, ce qui suit :

« La crise financière a révélé un manque criant, au niveau de l’Union, d’instruments permettant de faire face efficacement aux établissements de crédit et entreprises d’investissement […] peu solides ou défaillants. De tels instruments sont, en particulier, nécessaires pour éviter l’insolvabilité ou, en cas d’insolvabilité avérée, pour en minimiser les répercussions négatives en préservant les fonctions importantes, sur le plan systémique, de l’établissement concerné. Pendant la crise, ces défis ont pris une importance majeure, contraignant les États membres à utiliser l’argent des contribuables pour sauver des établissements. L’objectif d’un cadre crédible pour le redressement et la résolution est de rendre cette intervention aussi inutile que possible. »

4        L’objectif de la directive 2014/59 est de mettre en place des règles communes d’harmonisation minimale des dispositions nationales régissant la résolution des banques dans l’Union et prévoit une coopération entre autorités de résolution pour les défaillances de banques transfrontalières. À cet égard, la directive 2014/59 prévoit, notamment, dans son article 3, paragraphe 1, que chaque État membre désigne une ou, exceptionnellement, plusieurs autorités de résolution habilitées à appliquer les instruments de résolution et à exercer les pouvoirs de résolution.

5        Toutefois, considérant, d’une part, que la directive 2014/59 n’aboutissait pas à la centralisation du processus décisionnel en matière de résolution, qu’elle mettait essentiellement des instruments de résolution et des pouvoirs de résolution communs à la disposition des autorités nationales de chaque État membre et qu’elle laissait à celles-ci une marge d’appréciation pour le recours à ces instruments et l’utilisation des dispositifs nationaux de financement pour la résolution, et considérant, d’autre part, que cette directive n’empêchait pas complètement la prise de décisions distinctes et potentiellement divergentes sur la résolution des groupes transfrontaliers par les États membres, il a été décidé de mettre en place un mécanisme de résolution unique (MRU).

6        Ainsi, la seconde étape vers la création de l’union bancaire a consisté dans l’adoption du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un MRU et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

7        Le considérant 12 du règlement no 806/2014 indique :

« Il est essentiel, pour l’achèvement du marché intérieur des services financiers, que la résolution des banques défaillantes dans l’Union fasse l’objet de décisions effectives, notamment pour ce qui est de l’emploi des fonds perçus au niveau de l’Union. Au sein du marché intérieur, la défaillance des banques dans un seul État membre peut compromettre la stabilité des marchés financiers de l’Union dans son ensemble. La mise en place de règles efficaces et uniformes et de conditions de financement identiques en matière de résolution d’un État membre à l’autre est dans l’intérêt non seulement des États membres dans lesquels les banques opèrent mais aussi de tous les États membres en général, puisqu’elle permet d’assurer des conditions de concurrence équitables et d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur. Les systèmes bancaires étant étroitement interconnectés au sein du marché intérieur, les groupes de banques ont une dimension internationale, et les banques comptent un pourcentage élevé d’avoirs étrangers. En l’absence du MRU, une crise affectant des banques dans un État membre participant au MSU aurait des répercussions systémiques plus graves, y compris dans les États membres non participants. La création du MRU garantira une approche neutre pour le traitement des banques défaillantes et renforcera par conséquent la stabilité des banques des États membres participants et préviendra la propagation des crises aux États membres non participants, facilitant ainsi le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble. Les mécanismes de coopération concernant les établissements établis à la fois dans des États membres participants et non-participants devraient être clairs et aucun État membre ou groupe d’États membres ne devrait faire l’objet, directement ou indirectement, d’une discrimination en tant que lieu de fourniture de services financiers. »

8        Le règlement no 806/2014, selon son article 1er, premier alinéa, a pour objet d’établir des règles uniformes et une procédure uniforme pour la résolution des entités définies à l’article 2 qui sont établies dans les États membres participants, à savoir les banques dont l’autorité de surveillance du pays d’origine est la BCE ou l’autorité compétente nationale dans les États membres dont la monnaie est l’euro ou dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro qui ont instauré une coopération rapprochée conformément à l’article 7 du règlement no 1024/2013 (voir considérant 15 du règlement no 806/2014).

9        L’article 1er, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que ces règles uniformes et cette procédure uniforme sont appliquées par le Conseil de résolution unique (CRU), établi par l’article 42 de ce même règlement, en collaboration avec le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ainsi que les autorités de résolution nationales, dans le cadre du MRU créé par ce même règlement. Il est également prévu que le MRU s’appuie sur un Fonds de résolution unique (FRU).

10      En application de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU décide d’une mesure de résolution à l’égard d’un établissement financier établi dans un État membre participant lorsque les trois conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du même règlement sont remplies.

11      La première condition exige que la défaillance de l’entité soit avérée ou prévisible. L’évaluation de cette condition est réalisée par la BCE, après consultation du CRU, ou par le CRU, et elle est considérée comme remplie si l’entité se trouve dans l’une ou plusieurs des situations énumérées à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 806/2014.

12      La deuxième condition suppose qu’il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou prudentielles empêchent la défaillance de l’entité dans un délai raisonnable.

13      La troisième condition implique qu’une mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public, à savoir qu’elle est nécessaire pour atteindre un ou plusieurs des objectifs de la résolution, alors qu’une liquidation de l’entité selon une procédure normale d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure.

14      L’article 14 du règlement no 806/2014 définit les objectifs de la résolution comme étant les suivants : assurer la continuité des fonctions critiques ; éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion ; protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ; protéger les déposants ainsi que les investisseurs, et protéger les fonds et les actifs des clients.

15      L’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit que, avant de décider d’une mesure de résolution ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents, le CRU veille à ce qu’une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif de l’entité concernée soit effectuée par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée.

16      Selon l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014, la valorisation est partie intégrante de la décision d’appliquer un instrument de résolution ou d’exercer un pouvoir de résolution ou de la décision d’exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres.

17      Lorsque les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 sont remplies, le CRU adopte un dispositif de résolution.

18      Lorsqu’ils agissent dans le cadre de la procédure de résolution, le CRU, le Conseil et la Commission doivent veiller à ce que la mesure de résolution soit prise conformément à certains principes énumérés à l’article 15 du règlement no 806/2014, parmi lesquels figurent le principe selon lequel les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes ainsi que le principe selon lequel aucun créancier n’encourt des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si l’entité visée par la mesure de résolution avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité.

19      Dans le dispositif de résolution, le CRU détermine l’application des instruments de résolution. L’article 22, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 énumère les différents instruments de résolution disponibles, à savoir la cession des activités, le recours à un établissement-relais, la séparation des actifs et le renflouement interne.

20      Dans le dispositif de résolution, le CRU peut également exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres de l’entité concernée dans les conditions prévues à l’article 21 du règlement no 806/2014. Selon l’article 19 du règlement no 806/2014, une mesure de résolution peut également impliquer l’octroi d’une aide d’État ou de recourir au FRU.

21      Selon l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, immédiatement après son adoption, le CRU transmet le dispositif de résolution à la Commission. Dans les vingt-quatre heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires de celui-ci, autres que ceux prévus au troisième alinéa, à savoir le respect du critère de l’intérêt public ou une modification importante du montant du FRU. S’agissant de ces derniers aspects discrétionnaires, dans les douze heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission peut proposer au Conseil d’émettre des objections au dispositif de résolution adopté par le CRU au motif que celui-ci ne satisfait pas au critère de l’intérêt public ou d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du FRU prévue dans le dispositif de résolution adopté par le CRU. Le dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU.

22      L’article 18, paragraphe 9, du règlement no 806/2014 indique que le CRU veille à ce que les mesures de résolution nécessaires pour appliquer le dispositif de résolution soient prises par les autorités de résolution nationales concernées. Ces dernières sont destinataires du dispositif de résolution, qui leur donne instruction de prendre toutes les mesures nécessaires pour le mettre en œuvre, conformément à l’article 29 du même règlement, en exerçant tout pouvoir de résolution.

23      Postérieurement à l’adoption d’une mesure de résolution, en application de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, le CRU veille à ce qu’une valorisation soit réalisée par une personne indépendante, afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité. Cette valorisation peut conduire, en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014, à dédommager les actionnaires ou créanciers s’ils ont subi des pertes plus importantes dans le cadre de la résolution que celles qu’ils auraient subies lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

24      Les requérantes, Algebris (UK) Ltd et Anchorage Capital Group LLC, sont des gestionnaires de fonds d’investissements qui détenaient des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 et des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular Español, SA (ci-après « Banco Popular ») avant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de cette dernière.

 Sur la situation de Banco Popular avant ladoption du dispositif de résolution

25      Le groupe Banco Popular, dont Banco Popular était la société mère, était, à la date de la résolution, le sixième groupe bancaire espagnol.

26      En 2016, Banco Popular a procédé à une augmentation de capital de 2,5 milliards d’euros.

27      Le 5 décembre 2016, la session exécutive du CRU a adopté un plan de résolution du groupe Banco Popular. L’instrument de résolution privilégié dans ce plan de résolution était l’instrument de renflouement interne prévu à l’article 27 du règlement no 806/2014.

28      Le 3 février 2017, Banco Popular a publié son rapport annuel de 2016 dans lequel elle a annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros, ainsi que la nomination d’un nouveau président.

29      Le 10 février 2017, DBRS Ratings Limited (DBRS) (devenu DBRS Morningstar) a dégradé la note de Banco Popular, avec une perspective négative, au regard de la situation affaiblie du capital de Banco Popular à la suite d’une perte nette plus forte que celle prévue dans son rapport annuel, mentionnée au point 28 ci-dessus, ainsi que des efforts de Banco Popular pour réduire son stock encore élevé d’actifs non performants.

30      Le 3 avril 2017, Banco Popular a annoncé le résultat d’audits internes indiquant que des corrections au rapport annuel de 2016 pourraient être nécessaires. Ces ajustements ont été effectués dans le rapport financier de Banco Popular pour le premier trimestre 2017.

31      Le 10 avril 2017, lors de l’assemblée générale des actionnaires de Banco Popular, le président du conseil d’administration a annoncé que la banque envisageait soit une augmentation de capital, soit une transaction d’entreprise en raison de la situation du groupe en termes de fonds propres et de son niveau d’actifs non performants. Le président-directeur général de Banco Popular a été remplacé moins d’un an après sa prise de fonction.

32      À la suite de l’annonce du 3 avril 2017 sur le besoin d’ajustement des résultats financiers de 2016, DBRS a, le 6 avril, dégradé la note de Banco Popular en maintenant sa perspective négative. Standard & Poor’s, le 7 avril, et Moody’s Investors service (ci-après « Moody’s »), le 21 avril 2017, ont également dégradé la note de Banco Popular avec une perspective négative.

33      En avril 2017, Banco Popular a engagé une procédure de vente privée dans le but de réaliser sa vente à un concurrent fort, ce qui restaurerait sa situation financière. La date limite pour que les éventuels acquéreurs intéressés par l’acquisition de Banco Popular soumettent leur offre avait été fixée au 10 juin 2017, puis a été repoussée jusqu’à la fin du mois de juin 2017.

34      Le 5 mai 2017, Banco Popular a présenté son rapport financier pour le premier trimestre 2017, annonçant des pertes d’un montant de 137 millions d’euros.

35      Le 12 mai 2017, l’exigence de couverture des besoins de liquidité (Liquidity Coverage Requirement) de Banco Popular est passée au-dessous du seuil minimal de 80 % fixé par l’article 460, paragraphe 2, sous c), du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).

36      Par lettre du 16 mai 2017, Banco Santander, SA a informé Banco Popular qu’elle n’était pas en mesure de présenter une offre ferme dans le cadre de la procédure de vente privée.

37      Le 16 mai 2017, Banco Popular, dans une communication d’un fait pertinent à la Comisión nacional del mercado de valores (CNMV, Commission nationale du marché des valeurs, Espagne), a indiqué que des acquéreurs potentiels avaient manifesté leur intérêt dans la procédure de vente privée, mais qu’aucune offre ferme n’avait été reçue.

38      Le 19 mai 2017, l’agence FITCH a dégradé la note à long terme de Banco Popular.

39      Le 23 mai 2017, la présidente du CRU, Mme Elke König a accordé un entretien à la chaîne de télévision Bloomberg, lors duquel elle a été interrogée, notamment, sur la situation de Banco Popular.

40      Dans le courant du mois de mai 2017, de nombreux articles de presse ont rapporté les difficultés de Banco Popular. À titre d’exemple, il convient de mentionner un article du 11 mai 2017, publié sur le site Internet elconfidencial.com, intitulé « Saracho commande la vente urgente de Popular à JP Morgan et Lazard en raison d’un risque de faillite » (Saracho encarga la venta urgente del Popular a JP Morgan y Lazard por riesgo de quiebra). Dans cet article, il est indiqué que le président de la banque avait mandaté JP Morgan et Lazard pour organiser la vente urgente de la banque en raison d’un risque de faillite, dû à la fuite massive des dépôts des clients particuliers et institutionnels et qu’il considérait que la seule manière d’assurer la viabilité de la banque était la vente complète et imminente de l’ensemble du groupe. L’article relate que, « compte tenu de la persistance des sorties de dépôts et de la fermeture de sources de financement externes, la banque courrait un risque sérieux de faillite et que [son président] avait donc été contraint d’activer la mesure la plus drastique et de s’abstenir progressivement de vendre ses actifs afin d’améliorer les ratios de fonds propres et de satisfaire aux exigences de la BCE ».

41      Le 15 mai 2017, un article publié sur le site Internet elconfidencial.com, intitulé « La BCE inspecte Banco Popular pendant deux mois en plein processus de vente » (El BCE inspecciona a Banco Popular durante dos meses en pleno proceso de venta), rapporte que le plan de vente de Banco Popular, mis en œuvre par son président, a eu lieu après l’inspection de la BCE qui avait confirmé le déficit de provisions. Selon cet article, les inspecteurs de la BCE avaient conclu que les difficultés de Banco Popular seraient liées à son déficit de provisions pour couvrir son exposition immobilière et qu’il serait nécessaire d’éviter les sorties occasionnelles de dépôts. Ces inspecteurs auraient également exprimé leur mécontentement concernant la présentation des comptes de 2016.

42      Le 31 mai 2017, l’agence Reuters a publié un article intitulé « L’UE, mise en garde contre un risque de liquidation de Banco Popular » (EU warned of wind-down risk for Spain’s Banco Popular). Cet article mentionne notamment que, selon un fonctionnaire de l’Union resté anonyme, un des principaux surveillants des banques en Europe avait alerté les fonctionnaires de l’Union que Banco Popular pourrait être liquidée si elle ne réussissait pas à trouver un acquéreur. Selon cet article, ce fonctionnaire a également indiqué que la présidente du CRU avait récemment émis une « alerte précoce » et avait déclaré que le CRU suivait la procédure (de Banco Popular) avec une attention particulière en vue d’une possible intervention.

43      Le même jour, le CRU a publié un communiqué de presse visant à contester le contenu de cet article.

44      Les premiers jours de juin 2017, Banco Popular a dû faire face à des retraits de liquidités massifs.

45      Le 5 juin 2017, Banco Popular a présenté, le matin, une première demande d’apport urgent de liquidités à Banco de España (Banque d’Espagne), puis une seconde demande, dans l’après-midi, contenant une extension du montant sollicité, en raison d’importants mouvements de liquidités. Sur le fondement d’une demande de la Banque d’Espagne et à la suite de l’évaluation du même jour de la BCE relative à la demande d’apport urgent de liquidités de Banco Popular, le conseil des gouverneurs de la BCE n’a pas émis d’objections à un apport urgent de liquidités à Banco Popular pour la période allant jusqu’au 8 juin 2017. Banco Popular a reçu une partie de cet apport urgent de liquidités, puis la Banque d’Espagne a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de fournir un apport urgent de liquidités supplémentaire à Banco Popular.

46      Le 6 juin 2017, DBRS et Moody’s ont dégradé la note de Banco Popular.

 Sur d’autres faits antérieurs à ladoption du dispositif de résolution

47      Le 23 mai 2017, le CRU a chargé Deloitte, en qualité d’expert indépendant, de procéder à la valorisation de Banco Popular au titre de l’article 20 du règlement no 806/2014.

48      Le 24 mai 2017, le CRU a demandé à Banco Popular, sur le fondement de l’article 34 du règlement no 806/2014, les informations nécessaires en vue de la réalisation de sa valorisation. Le 2 juin 2017, il a également demandé à Banco Popular de fournir des informations sur la procédure de vente privée ainsi que de prévoir un accès à la salle de données virtuelle sécurisée que cette dernière avait établie dans le cadre de cette procédure.

49      Le 3 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/06, adressée au Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne), concernant la commercialisation de Banco Popular. Le CRU a approuvé l’engagement immédiat de la procédure de vente de Banco Popular par le FROB et a indiqué à ce dernier les exigences concernant la vente conformément à l’article 39 de la directive 2014/59. Le CRU indiquait notamment que le FROB devait contacter les cinq acquéreurs potentiels qui avaient été invités à présenter une offre dans le cadre de la procédure de vente privée.

50      Parmi les cinq acquéreurs potentiels, deux ont décidé de ne pas participer à la procédure de vente et un a été exclu par la BCE pour des raisons prudentielles.

51      Le 4 juin 2017, les deux acquéreurs potentiels qui avaient décidé de participer à la procédure de vente, Banco Santander et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, SA (BBVA), ont signé un accord de non-divulgation et, le 5 juin 2017, ils ont eu accès à la salle de données virtuelle.

52      Le 5 juin 2017, le CRU a adopté une première valorisation (ci-après la « valorisation 1 »), en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.

53      Le 6 juin 2017, la BCE a réalisé une évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, après consultation du CRU, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014.

54      Dans cette évaluation, la BCE a indiqué que, au cours des mois précédents, Banco Popular avait subi une détérioration importante de sa situation de trésorerie, due principalement à un épuisement significatif de sa base de dépôts. Banco Popular a été confrontée à des sorties de trésorerie importantes sur tous les segments de clientèle. La BCE a énuméré les événements qui avaient conduit aux problèmes de liquidité auxquels devait faire face Banco Popular.

55      À cet égard, elle a relevé que, en février 2017, lors de la présentation de ses comptes annuels, Banco Popular avait divulgué un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à des pertes de 3,485 milliards d’euros en 2016, ainsi que le remplacement de son président de longue date, qui avait entrepris une révision de la stratégie de la banque. L’annonce de provisions additionnelles et de pertes de fin d’exercice avait entraîné une baisse de la note de Banco Popular par DBRS le 10 février 2017 et avait suscité de vives préoccupations de la part de la clientèle de Banco Popular, qui s’étaient traduites par des retraits importants et inattendus de dépôts et par une fréquence élevée de visites de clients dans les succursales de la banque.

56      La BCE a également indiqué que la publication par Banco Popular, le 3 avril 2017, d’une déclaration publique ad hoc informant du résultat de plusieurs audits internes pouvant avoir une incidence significative sur les états financiers de l’établissement ainsi que la confirmation que le président-directeur général de l’établissement serait remplacé moins d’un an après son entrée en fonction avaient déclenché une autre vague de retraits de dépôts. La BCE a relevé que cette vague de retraits de dépôts avait été également alimentée par :

–        une dégradation de la note de Banco Popular par Standard & Poor’s le 7 avril 2017 ;

–        l’annonce par Banco Popular, le 10 avril 2017, qu’elle ne verserait pas de dividendes et qu’une augmentation de capital ou une transaction d’entreprise pourrait être nécessaire en raison de la situation tendue des fonds propres et de l’alignement nécessaire sur ses pairs de la couverture des actifs non performants ;

–        une dégradation de la note de Banco Popular par Moody’s le 21 avril 2017 ;

–        la divulgation des résultats du premier trimestre 2017 qui étaient pires que prévus ;

–        la couverture médiatique négative et continue, comme les articles des 11 et 15 mai 2017, mentionnés aux points 40 et 41 ci-dessus, suggérant que le président de Banco Popular avait ordonné une vente urgente de la banque en raison d’un risque imminent de faillite ou de manque de liquidité et que la banque devait faire face à un besoin supplémentaire important de provisions résultant d’une inspection sur place par le superviseur.

57      La BCE a également constaté que les dépôts perdus depuis le 31 mai 2017 étaient particulièrement pertinents, après la divulgation dans les médias du fait que la banque pourrait être mise en liquidation si le processus de vente en cours n’était pas fructueux dans un très court délai.

58      En outre, la BCE a relevé que, bien que Banco Popular ait développé diverses mesures génératrices de liquidités supplémentaires au cours des semaines précédentes et ait commencé à les mettre en œuvre, l’ampleur des flux entrants réalisés et encore attendus était insuffisante pour remédier à l’épuisement de la position de liquidité de Banco Popular à la date de l’évaluation. Elle a également indiqué que, même avec le recours à l’apport urgent de liquidités pour lequel le conseil des gouverneurs de la BCE n’avait pas émis d’objections le 5 juin 2017, la situation de trésorerie à cette date ne suffisait pas pour garantir la capacité de Banco Popular à faire face à ses engagements au plus tard le 7 juin 2017.

59      La BCE a estimé que les mesures déjà adoptées par Banco Popular n’avaient pas été suffisamment efficaces pour inverser la détérioration de sa situation de trésorerie. Elle a relevé que, comme mesure alternative pour garantir sa capacité à faire face à ses engagements arrivant à échéance, Banco Popular tentait de mettre en œuvre une transaction d’entreprise, à savoir sa vente à un concurrent plus fort. Cependant, la BCE a considéré que, compte tenu de la détérioration de la situation de trésorerie de Banco Popular, de l’absence de preuve de la capacité de celle-ci de renverser sa situation de liquidité dans un proche avenir et du fait que les négociations n’avaient jusqu’alors pas abouti à un résultat positif, la confirmation d’une telle transaction privée n’était pas prévisible dans un délai qui permettait à Banco Popular de pouvoir s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance.

60      La BCE a constaté que, dans le même temps, il n’existait pas de mesures de surveillance ou d’intervention précoce disponibles permettant de rétablir la situation de trésorerie de Banco Popular de manière immédiate et lui assurant suffisamment de temps pour mettre en œuvre une transaction d’entreprise ou une autre solution. Les mesures à la disposition de la BCE en tant qu’autorité compétente, en vertu de la transposition nationale de l’article 104 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), et des articles 27 à 29 de la directive 2014/59 ou de l’article 16 du règlement no 1024/2013, ne pouvaient assurer que Banco Popular serait en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, étant donné l’ampleur et le rythme de la détérioration de la liquidité observée.

61      En conclusion, la BCE, prenant en compte, en particulier, les sorties excessives de dépôts, la rapidité à laquelle la trésorerie avait été perdue par la banque et l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, a considéré qu’il existait des éléments objectifs indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure, dans un proche avenir, de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance. La BCE a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

62      Le 6 juin 2017, le conseil d’administration de Banco Popular a informé la BCE qu’il était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.

63      Le même jour, le FROB a adopté une lettre contenant les informations sur la procédure de vente (ci-après la « lettre de procédure ») et fixant le délai de soumission des offres au 6 juin 2017 à minuit.

64      Toujours le même jour, BBVA, un des deux acquéreurs potentiels de Banco Popular, a informé le FROB qu’elle ne présenterait pas d’offre.

65      Également le 6 juin 2017, Deloitte a remis au CRU une deuxième valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), rédigée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités. Cette valorisation a notamment estimé la valeur économique de Banco Popular à 1,3 milliard d’euros dans le meilleur scénario, à moins 8,2 milliards d’euros dans le scénario le plus défavorable et à moins 2 milliards d’euros pour la meilleure estimation.

66      Le 7 juin 2017, Banco Santander a soumis une offre ferme.

67      Par lettre du 7 juin 2017, le FROB a informé le CRU que Banco Santander avait soumis une offre le 7 juin à 3 h 12 et que le prix offert par Banco Santander pour la vente des actions de Banco Popular était d’un euro. Le FROB a indiqué que son comité directeur avait retenu Banco Santander comme adjudicataire dans la procédure de vente concurrentielle de Banco Popular et avait décidé de proposer au CRU de désigner Banco Santander comme acquéreur dans la décision du CRU relative à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular.

 Sur le dispositif de résolution de Banco Popular du 7 juin 2017

68      Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après le « dispositif de résolution »), sur le fondement du règlement no 806/2014.

69      Selon l’article 1er du dispositif de résolution, le CRU, considérant que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution à compter de la date de la résolution.

70      Ainsi, le CRU a considéré, premièrement, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existait pas d’autres mesures qui pourraient empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire dans l’intérêt public. À cet égard, le CRU a indiqué que la résolution était nécessaire et proportionnée à la réalisation de deux objectifs visés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, à savoir assurer la continuité des fonctions critiques de la banque et éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière.

71      À l’article 5.1 du dispositif de résolution, le CRU a décidé ce qui suit :

« L’instrument de résolution appliqué à Banco Popular consistera en une cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement no 806/2014 par le transfert des actions à un acquéreur. La dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres seront effectuées immédiatement avant l’application de l’instrument de cession des activités. »

72      L’article 6 du dispositif de résolution concerne la dépréciation des instruments de fonds propres et l’instrument de cession des activités. À l’article 6.1, le CRU a indiqué les mesures qu’il avait adoptées en application de son pouvoir de dépréciation prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014.

73      Ainsi, à l’article 6.1 du dispositif de résolution, le CRU a décidé :

–        d’abord, de déprécier le montant nominal du capital social de Banco Popular d’un montant de 2 098 429 046 euros, ce qui conduisait à l’annulation de 100 % des actions de Banco Popular ;

–        ensuite, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision relative au dispositif de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions I » ;

–        ensuite, de déprécier à zéro la valeur nominale des « nouvelles actions I » ce qui conduisait à l’annulation de 100 % de ces « nouvelles actions I » ;

–        enfin, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions II ».

74      L’article 6.3 du dispositif de résolution prévoit que ces mesures de dépréciation et de conversion sont fondées sur la valorisation 2, corroborée par les résultats d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par l’autorité de résolution espagnole, le FROB.

75      À l’article 6.5 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué qu’il exerçait les pouvoirs qui lui étaient conférés par l’article 24, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, relatif à l’instrument de cession des activités et qu’il ordonnait que les « nouvelles actions II » soient transférées à Banco Santander, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Il était précisé que l’acquéreur avait déjà consenti au transfert.

76      Le CRU a également indiqué que le transfert des « nouvelles actions II » devrait être effectué sur la base de l’offre contraignante de l’acquéreur du 7 juin 2017 et devrait être mis en œuvre par le FROB en application de la Ley 11/2015 de recuperación y resolución de entidades de crédito y empresas de servicios de inversión (loi 11/2015 de redressement et de résolution des établissements de crédit et des entreprises de services d’investissement), du 18 juin 2015 (BOE no 146, du 19 juin 2015, p. 50797).

77      Le dispositif de résolution a été soumis à la Commission pour approbation le 7 juin 2017 à 5 h 13.

78      Le 7 juin 2017 à 6 h 30, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p. 15, ci-après la « décision attaquée »), et l’a notifiée au CRU. Par conséquent, le dispositif de résolution est entré en vigueur le même jour.

79      Il ressort du considérant 4 de la décision attaquée ce qui suit :

« La Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 5 du règlement (UE) no 806/2014. »

80      Le même jour, le FROB a adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif de résolution, conformément à l’article 29 du règlement no 806/2014. Dans ce cadre, le FROB a donné son accord au transfert des nouvelles actions de Banco Popular issues de la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2 (les « nouvelles actions II ») à Banco Santander.

 Sur les faits postérieurs à ladoption de la décision de résolution

81      Le 14 juin 2018, Deloitte a transmis au CRU la valorisation de la différence de traitement, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014, réalisée afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité (ci-après la « valorisation 3 »). Le 31 juillet 2018, Deloitte a envoyé au CRU un addendum à cette valorisation corrigeant certaines erreurs formelles.

82      Le 28 septembre 2018, à la suite d’une fusion par absorption, Banco Santander a succédé à titre universel à Banco Popular.

83      Le 17 mars 2020, le CRU a adopté la décision SRB/EES/2020/52 visant à déterminer si un dédommagement devait être accordé aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular. Un communiqué concernant cette décision a été publié le 20 mars 2020 au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 91, p. 2). Dans cette décision, le CRU a considéré que les actionnaires et créanciers qui avaient été affectés par la résolution de Banco Popular n’avaient pas droit à un dédommagement du FRU en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

 Procédure et conclusions des parties

84      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 août 2017, les requérantes ont introduit le présent recours.

85      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 20 novembre et le 18 décembre 2017, Banco Santander et le CRU ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnances du 12 avril 2019, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis les interventions du CRU et de Banco Santander. Les intervenants ont déposé leurs mémoires et les requérantes ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

86      Par lettre du 6 juillet 2018, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a posé aux parties principales des questions écrites. Les parties principales ont répondu à cette demande dans le délai imparti.

87      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 31 octobre 2019, les requérantes ont déposé une nouvelle offre de preuve au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. La Commission et le CRU ont déposé leurs observations dans le délai imparti.

88      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

89      Sur proposition de la troisième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

90      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 octobre 2020, les requérantes ont déposé une nouvelle offre de preuve au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. La Commission, le CRU et Banco Santander ont déposé leurs observations dans le délai imparti.

91      Le 15 mars 2021, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité la Commission à produire plusieurs documents. Par lettre du 30 mars 2021, la Commission a indiqué qu’elle ne pouvait pas donner suite à la demande du Tribunal, mais qu’elle serait en mesure de produire les documents demandés dans le cadre d’une mesure d’instruction.

92      Le 15 avril 2021, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité le CRU à produire certains documents. Par lettre du 20 avril 2021, le CRU a répondu que les documents demandés étaient en partie confidentiels et qu’ils pourraient être produits si le Tribunal adoptait une mesure d’instruction.

93      Par ordonnance du 21 mai 2021, le Tribunal a ordonné à la Commission, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, ainsi que de l’article 103 du règlement de procédure, de produire les versions intégrales du dispositif de résolution, de la valorisation 2 et de l’évaluation de la BCE du 6 juin 2017 sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular. Le Tribunal a également ordonné au CRU de produire, en versions non confidentielle et confidentielle, la lettre de Banco Popular à la BCE du 6 juin 2017, y compris son annexe, et la lettre de la BCE à Banco Popular du 18 mai 2017.

94      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2021, les requérantes ont déposé une nouvelle offre de preuve au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. Les autres parties ont été invitées à présenter leurs observations sur cette demande lors de l’audience.

95      Par ordonnance du 16 juin 2021, d’une part, le Tribunal a retiré du dossier les versions confidentielles des documents produits par la Commission et le CRU en exécution de l’ordonnance du 21 mai 2021 et, d’autre part, a transmis aux autres parties la lettre du 6 juin 2017 de Banco Popular à la BCE sans son annexe.

96      Deux membres de la troisième chambre élargie ayant été empêchés de siéger, le président du Tribunal a désigné deux autres juges pour compléter la chambre.

97      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 juin 2021.

98      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, son article 1er ;

–        condamner la Commission aux dépens.

99      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

100    Banco Santander et le CRU concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

101    À l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent six moyens. Le premier moyen est tiré de ce que la Commission n’a pas examiné le dispositif de résolution avant de l’approuver. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré de la violation des obligations de secret professionnel et de bonne administration. Le quatrième moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’application des articles 14, 18, 20 à 22 et 24 du règlement no 806/2014. Le cinquième moyen est tiré de la violation du droit de propriété. Le sixième moyen est tiré de la violation du droit d’être entendu.

102    À titre liminaire, il y a lieu de relever que s’agissant de l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal, les requérantes font valoir que le Tribunal doit réaliser un contrôle complet et approfondi du dispositif de résolution.

103    La Commission considère que, dans le cadre des recours en annulation, les juridictions de l’Union sont tenues, lorsqu’une question technique complexe se présente, d’examiner l’exactitude des constatations de fait et de droit sur lesquelles l’acte attaqué est fondé, de vérifier l’absence d’erreur manifeste ou l’absence de détournement de pouvoir et de vérifier si la partie défenderesse n’a pas clairement outrepassé les limites de son pouvoir discrétionnaire.

104    À cet égard, il y a lieu de relever que la jurisprudence a circonscrit l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal aussi bien dans des situations dans lesquelles l’acte attaqué est fondé sur une appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes que lorsqu’il s’agit d’appréciations économiques complexes.

105    D’une part, s’agissant des situations dans lesquelles les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60, et du 7 mars 2013, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T‑93/10, EU:T:2013:106, point 76 ; voir, également, arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 163 et jurisprudence citée).

106    D’autre part, s’agissant du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par les autorités de l’Union, celui-ci est un contrôle restreint qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Dans le cadre de ce contrôle, il n’appartient donc pas non plus au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de l’autorité de l’Union compétente (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, point 34 ; du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 100 et jurisprudence citée, et du 16 janvier 2020, Iberpotash/Commission, T‑257/18, EU:T:2020:1, point 96 et jurisprudence citée).

107    Les décisions que le CRU est amené à adopter dans le cadre d’une procédure de résolution étant fondées sur des appréciations économiques et techniques hautement complexes, il y a lieu de considérer que les principes ressortant de la jurisprudence mentionnée aux points 105 et 106 ci-dessus s’appliquent au contrôle que le juge est appelé à exercer.

108    Toutefois, s’il est reconnu au CRU une marge d’appréciation en matière économique et technique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, faite par le CRU, des données de nature économique qui fondent sa décision. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé, même dans le cas d’appréciations complexes, le juge de l’Union doit vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 57 et jurisprudence citée ; du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée, et du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 115 et jurisprudence citée).

109    À cet égard, afin d’établir que le CRU a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation du dispositif de résolution, les éléments de preuve apportés par les requérantes doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans ce dispositif (voir, par analogie, arrêts du 14 juin 2018, Lubrizol France/Conseil, C‑223/17 P, non publié, EU:C:2018:442, point 39 ; du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 59, et du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T‑167/13, EU:T:2018:940, point 108 et jurisprudence citée).

 Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission na pas examiné le dispositif de résolution avant de lapprouver

110    Les requérantes font valoir, en substance, que, eu égard au court délai dont la Commission a disposé pour approuver le dispositif de résolution, elle n’a pas été en mesure de procéder à une évaluation adéquate des aspects discrétionnaires de ce dispositif, en violation des principes en matière de délégation de pouvoir posés par l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7). Elles soutiennent que la Commission s’est contentée d’approuver le dispositif de résolution, déléguant illégalement l’exercice de son pouvoir discrétionnaire au CRU.

111    La Commission soutient que, à compter du 2 mai 2017, date à laquelle le CRU l’a informée que Banco Popular rencontrait des problèmes de liquidités et qu’une mesure de résolution pourrait s’avérer nécessaire, elle a été associée aux préparatifs de tous les scénarios possibles. Elle serait présente en qualité d’observateur permanent au sein des organes de décision du CRU. Elle aurait eu accès à tous les documents et ses experts auraient aidé le CRU à rédiger le dispositif de résolution. Elle fait valoir qu’elle pouvait donc réaliser l’évaluation requise de celui-ci dans le délai dont elle disposait.

112    Il convient de relever que, au point 41 de l’arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18), la Cour a indiqué que, dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), elle avait souligné, en substance, que les conséquences résultant d’une délégation de pouvoirs étaient très différentes selon que cette dernière visait, d’une part, des pouvoirs d’exécution nettement délimités et dont l’usage, de ce fait, était susceptible d’un contrôle rigoureux au regard de critères objectifs fixés par l’autorité délégante ou, d’autre part, un « pouvoir discrétionnaire, impliquant une large liberté d’appréciation, susceptible de traduire par l’usage qui en [était] fait une véritable politique économique ».

113    La Cour a ajouté avoir également indiqué, dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), qu’une délégation du premier type n’était pas susceptible de modifier sensiblement les conséquences qu’entraînait l’exercice des pouvoirs qu’elle affectait, alors qu’une délégation du second type, en substituant les choix de l’autorité délégataire à ceux de l’autorité délégante, opérait un « véritable déplacement de responsabilité » (arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 42).

114    Afin d’apprécier la portée du présent moyen, il convient de préciser quelle est la procédure d’adoption des dispositifs de résolution mise en place par le règlement no 806/2014 et notamment quel est le rôle conféré à la Commission.

115    À cet égard, il y a lieu de relever que la procédure d’adoption des mesures de résolution mise en place par le législateur dans le règlement no 806/2014 faisait suite aux observations formulées par le service juridique du Conseil dans un avis du 7 octobre 2013, relatif à la proposition de règlement de la Commission, qui visait à apprécier la compatibilité de la procédure prévue initialement dans la proposition de règlement avec les principes en matière de délégation de pouvoirs, tels qu’ils sont interprétés dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

116    À l’origine, dans la proposition de règlement examinée dans cet avis, la répartition des compétences entre la Commission et le CRU était différente de celle qui a été finalement retenue dans le règlement no 806/2014. Notamment, la Commission avait le pouvoir de soumettre une entité à une résolution, d’établir un cadre pour l’utilisation des instruments de résolution et de décider si et comment les pouvoirs de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres devaient être utilisés et le CRU, conformément au cadre fixé par la Commission, était compétent pour adopter les décisions adressées aux autorités de résolution nationales.

117    Dans son avis, le service juridique du Conseil a relevé que certaines mesures que le CRU pouvait inclure dans une décision de résolution n’étaient pas définies avec suffisamment de précision. Le service juridique du Conseil a considéré que l’économie générale et la structure de la proposition de règlement, dans laquelle la Commission adopte la décision de résolution de base et le CRU est tenu d’agir dans le cadre des critères établis par la Commission, étaient conformes au droit de l’Union tel qu’il est interprété dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7). Il a estimé que, cependant, les pouvoirs du CRU de mettre en œuvre les instruments de résolution et les décisions semblaient, dans une certaine mesure, de nature discrétionnaire et aller au-delà de l’exercice de pouvoirs purement techniques. Il a conclu que, dès lors, il pourrait être nécessaire soit d’inclure dans le règlement d’autres dispositions dans le but d’encadrer correctement l’application par le CRU des instruments de résolution, soit d’impliquer dans l’exercice de ces pouvoirs une institution de l’Union investie de compétences d’exécution.

118    Le législateur de l’Union, prenant en considération cet avis du service juridique du Conseil, a modifié le mécanisme d’adoption des mesures de résolution. Étant donné que l’adoption d’une mesure de résolution implique une marge d’appréciation discrétionnaire, le législateur a réservé cette compétence à une institution et non au CRU.

119    Cela ressort, en particulier, des considérants 24 et 26 du règlement no 806/2014 qui prévoient :

« (24)      Étant donné que seules les institutions de l’Union peuvent définir la politique de l’Union en matière de résolution et qu’il existe une marge d’appréciation dans l’adoption de chaque dispositif de résolution spécifique, il est nécessaire de prévoir la participation appropriée du Conseil et de la Commission, en tant qu’institutions qui peuvent exercer des pouvoirs d’exécution conformément à l’article 291 [TFUE] La Commission devrait procéder à l’évaluation des aspects discrétionnaires des décisions de résolution prises par le CRU. Compte tenu des répercussions considérables des décisions de résolution sur la stabilité financière des États membres et sur l’Union proprement dite, ainsi que sur la souveraineté budgétaire des États membres, il est important que le pouvoir d’exécution permettant de prendre certaines décisions en matière de résolution soit conféré au Conseil. Il appartiendrait alors au Conseil, sur proposition de la Commission, d’assurer le contrôle effectif de l’appréciation, par le CRU, de l’existence d’un intérêt public et d’évaluer toute modification importante du montant du Fonds à utiliser pour une mesure de résolution donnée. […]

(26)      […] Le CRU, s’il estime réunis tous les critères relatifs au déclenchement de la résolution, devrait adopter le dispositif de résolution. La procédure relative à l’adoption du dispositif de résolution, qui suppose la participation de la Commission et du Conseil, renforce la nécessaire indépendance opérationnelle du CRU tout en respectant le principe de délégation des pouvoirs aux agences, selon l’interprétation qu’en donne la Cour de justice de l’Union européenne […] Par conséquent, le présent règlement prévoit que le dispositif de résolution adopté par le CRU entre en vigueur uniquement si le Conseil ou la Commission, dans un délai de vingt-quatre heures après l’adoption du dispositif de résolution par le CRU, n’émet aucune objection, ou le dispositif de résolution est approuvé par la Commission. Les raisons pour lesquelles le Conseil pourrait, sur proposition de la Commission, contester le dispositif de résolution du CRU devraient se limiter strictement à l’existence d’un intérêt public ou de modifications importantes apportées par la Commission au montant utilisé dans le cadre du Fonds, tel que proposé par le CRU. […] En sa qualité d’observateur aux réunions du CRU, la Commission devrait, de manière régulière, vérifier que le dispositif de résolution adopté par le CRU respecte en tous points le présent règlement, qu’il assure un équilibre approprié entre les différents objectifs et intérêts en jeu, qu’il respecte l’intérêt public et que l’intégrité du marché intérieur est préservée. Étant donné que la mesure de résolution exige une prise de décision très rapide, le Conseil et la Commission devraient coopérer étroitement et le Conseil ne devrait pas reproduire le travail de préparation déjà entrepris par la Commission […] »

120    Ainsi, s’agissant de la procédure de résolution, l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 prévoit que la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires de celui-ci et qu’un dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU.

121    Dès lors, en application de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, il est nécessaire qu’une institution de l’Union, à savoir la Commission ou le Conseil, approuve le dispositif de résolution sur ses aspects discrétionnaires pour que celui-ci produise des effets juridiques. Le législateur de l’Union a ainsi confié à une institution la responsabilité juridique et politique de déterminer la politique de l’Union en matière de résolution, évitant de ce fait un « véritable déplacement de responsabilité » au sens de l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

122    Partant, la Commission doit avoir effectivement évalué des aspects discrétionnaires du dispositif de résolution avant son entrée en vigueur. À défaut, comme le font valoir les requérantes, la Commission aurait illégalement délégué son pouvoir discrétionnaire au CRU en violation des principes en matière de délégation de pouvoir découlant de l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

123    Si, comme le soutiennent les requérantes, le dispositif de résolution est entré en vigueur à la suite d’une approbation de la Commission qui n’était pas fondée sur une appréciation, mais sur une simple validation, cela aurait pour conséquence que le CRU aurait apprécié seul les aspects discrétionnaires impliquant un choix de politique économique et donc de la nécessité de mettre en œuvre la résolution, ce qui ne serait pas conforme aux principes posés dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

124    À cet égard, au considérant 4 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle était d’accord avec le dispositif de résolution, notamment avec les raisons que le CRU a avancées pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public.

125    Ainsi, la Commission a approuvé la décision du CRU de soumettre Banco Popular à une mesure de résolution en considérant, notamment, que le choix de l’instrument de cession des activités était nécessaire et proportionné pour atteindre les objectifs visant à garantir la continuité des fonctions critiques et à éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière.

126    Par leurs arguments, les requérantes soutiennent que, eu égard au déroulement de la procédure, la Commission s’est contentée d’approuver le dispositif de résolution, sans l’examiner, déléguant illégalement l’exercice de son pouvoir discrétionnaire au CRU.

127    En premier lieu, les requérantes font valoir que le dispositif de résolution a été transmis à la Commission le 7 juin 2017 à 5 h 13 et est entré en vigueur le même jour à 6 h 30. Elles estiment qu’il est impossible que, dans ce court délai, la Commission se soit acquittée de son obligation de procéder à une évaluation adéquate des aspects discrétionnaires du dispositif de résolution.

128    En deuxième lieu, les requérantes relèvent que le procès-verbal de la réunion de la Commission du 7 juin 2017 indique que le dispositif de résolution a été approuvé au terme d’une procédure écrite d’urgence. Selon les requérantes, la direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux devait examiner si le CRU avait abouti à des conclusions appropriées à propos des aspects discrétionnaires du dispositif de résolution et devait alors recommander à la Commission d’approuver le dispositif de résolution. Cette recommandation aurait dû être communiquée aux cabinets des Commissaires, aux directions générales et au service juridique, en précisant un délai dans lequel des objections devaient être formulées et, en l’absence d’objections, la décision aurait dû être réputée adoptée conformément à l’article 12 du règlement intérieur de la Commission. Elles estiment qu’il est impossible pour la Commission, en suivant cette procédure en 77 minutes, de procéder à un examen approprié des aspects discrétionnaires du dispositif de résolution. L’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 lui accorderait un délai de 24 heures.

129    Il y a lieu de constater que les requérantes ne contestent pas que le dispositif de résolution devait être adopté en urgence.

130    Il ressort de l’article 30 du règlement no 806/2014, d’une part, que le CRU informe la Commission de toute mesure qu’il prend en vue de préparer une résolution et, d’autre part, que, dans l’exercice de leurs responsabilités respectives en vertu du présent règlement, le CRU et notamment la Commission coopèrent étroitement, notamment durant les phases de planification de la résolution, d’intervention précoce et de résolution, et qu’ils s’échangent toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches.

131    De plus, l’article 43, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 prévoit que la Commission désigne un représentant habilité à participer aux réunions du CRU, en session exécutive et en session plénière, en qualité d’observateur permanent et que son représentant a le droit de participer aux débats et a accès à tous les documents.

132    Comme l’indiquent le CRU et la Commission, cette dernière a été associée aux différentes phases précédant l’adoption du dispositif de résolution dès le mois de mai 2017, conformément à ses obligations en application du règlement no 806/2014.

133    À cet égard, la Commission détaille, dans le mémoire en défense, les différentes étapes de sa participation aux phases préparatoires à l’adoption du dispositif de résolution. Elle mentionne notamment plusieurs réunions avec le CRU à compter du 22 mai 2017 et des réunions quotidiennes à compter du 30 mai 2017, la réception les 6 et 7 juin 2017 d’avant-projets de dispositif de résolution transmis par le CRU et l’activité de ses différents services depuis le 6 juin 2017 à 17 h 30 jusqu’au 7 juin à 5 h 13.

134    La Commission indique également que, en qualité d’observateur permanent, elle a eu accès à tous les documents utiles à la préparation du dispositif de résolution, notamment à ceux concernant la situation financière de Banco Popular, et que ses experts ont participé à la préparation du dispositif de résolution avec le CRU, en élaborant en particulier un modèle de dispositif de résolution. Elle ajoute que, dès le 6 juin 2017, ses experts étaient présents dans les locaux du CRU afin d’aider ce dernier à rédiger le dispositif de résolution.

135    À cet égard, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, premièrement, la Commission a produit une liste de procès-verbaux de réunions du CRU, en session exécutive, auxquelles elle a participé depuis le 22 mai 2017. Cette liste atteste de la participation de la Commission à trois réunions le 24 mai, le 2 juin et les 6 et 7 juin 2017. Deuxièmement, la Commission a produit une liste de rapports internes informels de ses services liés à la préparation du dispositif de résolution, des 22, 24 et 29 mai et des 2 et 6 juin 2017. Troisièmement, la Commission a produit plusieurs courriels échangés entre ses services et le CRU, datés des 1er, 3, 6 et 7 juin 2017, relatifs à la transmission de modèles de résolution selon le scénario de cession des activités et d’avant-projets du dispositif de résolution. Ces courriels attestent notamment de la réception par la Commission d’avant-projets du dispositif de résolution le 6 juin 2017 à 18h 59 et le 7 juin 2017 à 0 h 33.

136    Il en ressort que les services de la Commission ont participé à plusieurs réunions avec le CRU et qu’elle avait pris connaissance et participé à la rédaction des avant-projets de dispositif de résolution avant le 7 juin 2017 à 5 h 13.

137    Lors de l’audience, les requérantes ont admis que la Commission avait participé aux phases préparatoires à l’adoption du dispositif de résolution. Cependant, elles ont soutenu que la Commission n’avait apporté aucune preuve que les discussions avaient porté sur la version définitive du dispositif de résolution.

138    Or, compte tenu de sa participation aux phases préparatoires à l’adoption du dispositif de résolution, la Commission avait déjà connaissance des difficultés rencontrées par Banco Popular, des mesures envisagées par le CRU pour y remédier et du contenu essentiel du dispositif de résolution. Les requérantes ne sauraient donc soutenir qu’elle n’avait pas déjà eu le temps de procéder à l’évaluation du dispositif de résolution. Le fait que les discussions lors des phases préparatoires n’aient pas porté sur la rédaction définitive du dispositif de résolution est à cet égard indifférent.

139    Il en ressort que ce moyen repose sur une hypothèse erronée faite par les requérantes selon laquelle l’intervention de la Commission dans les phases préparatoires à l’adoption du dispositif de résolution se serait limitée à l’intervalle qui s’est écoulé entre la transmission par le CRU du dispositif de résolution le 7 juin 2017 à 5 h 13 et son approbation par la Commission.

140    Partant, dans la mesure où il s’appuie sur une hypothèse erronée, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission se serait contentée d’approuver le dispositif de résolution sans procéder à une évaluation adéquate des aspects discrétionnaires de ce dispositif, en violation des principes en matière de délégation de pouvoir.

141    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes.

142    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les détails du dispositif de résolution étaient différents de ceux prévus dans le plan de résolution adopté en application de l’article 8 du règlement no 806/2014 et approuvé en décembre 2016, il suffit de constater qu’il est inopérant. En effet, le dispositif de résolution adopté par le CRU et approuvé par la Commission ne s’appuie pas sur ce plan, comme cela est indiqué aux considérants 44 à 46 du dispositif de résolution.

143    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 accorde un délai de 24 heures à la Commission pour adopter le dispositif de résolution, il suffit de relever qu’il s’agit d’un délai maximum. Comme le souligne la Commission, un délai de 24 heures correspond au délai le plus long dont elle pourrait disposer lorsqu’une résolution intervient au cours d’un week-end. Or, lorsque, comme en l’espèce, la défaillance d’un établissement de crédit intervient un jour de semaine, une mesure de résolution doit être adoptée pendant la nuit, afin de garantir la continuité des fonctions critiques de cet établissement. Ainsi, le dispositif de résolution devait être adopté en urgence avant le 7 juin 2017 à 7 heures, heure de l’ouverture des marchés.

144    Partant, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de lobligation de motivation

145    Les requérantes font valoir que la motivation de la décision attaquée figurant au considérant 4 est insuffisante. Premièrement, elles soutiennent que le considérant 4 de la décision attaquée renvoie de manière générale aux raisons avancées par le CRU, sans indiquer de motif particulier ou des dispositions spécifiques du dispositif de résolution. Deuxièmement, les « raisons » relatives au critère de l’intérêt public ne révéleraient rien sur l’évaluation effectuée par la Commission, mais approuveraient simplement le dispositif de résolution. Troisièmement, la décision attaquée ne contiendrait aucune motivation concernant les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution que la Commission était tenue d’évaluer. La Commission se serait contentée de déclarer qu’elle approuvait le dispositif de résolution, sans fournir d’explication ou de motivation supplémentaires.

146    Selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, points 85 et 87 et jurisprudence citée, et du 21 octobre 2020, BCE/Estate of Espírito Santo Financial Group, C‑396/19 P, non publié, EU:C:2020:845, point 41 et jurisprudence citée).

147    En outre, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêts du 6 novembre 2012, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑551/10 P, EU:C:2012:681, point 48 et jurisprudence citée, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 139 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, point 162).

148    Il convient de rappeler qu’il ressort du considérant 4 de la décision attaquée que :

« La Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 5 du règlement no 806/2014. »

149    De plus, d’une part, au considérant 2 de la décision attaquée, la Commission a fait référence au fait que le CRU avait indiqué, dans le dispositif de résolution, que toutes les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution énoncées à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 806/2014 étaient remplies en ce qui concernait Banco Popular et qu’il avait évalué les raisons pour lesquelles une mesure de résolution était nécessaire dans l’intérêt public. D’autre part, au considérant 3 de la décision attaquée, la Commission a relevé que le dispositif de résolution, conformément à l’article 18, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, soumettait Banco Popular à une procédure de résolution et déterminait l’application de l’instrument de cession des activités et qu’il énonçait également les raisons pour lesquelles tous ces éléments étaient suffisants.

150    Il en ressort que la Commission, dans la décision attaquée, a explicitement fait référence aux motifs pour lesquels le CRU avait estimé que les conditions pour l’adoption du dispositif de résolution étaient remplies et qu’il convenait d’appliquer l’instrument de cession des activités. Ainsi, l’approbation du dispositif de résolution figurant au considérant 4 de la décision attaquée doit être lue à la lumière de ces autres considérants et concerne l’ensemble de ces motifs. Dans ce considérant, la Commission a explicitement indiqué qu’elle était d’accord avec les motifs figurant dans le dispositif de résolution justifiant l’adoption d’une mesure de résolution à l’égard de Banco Popular, en particulier s’agissant du critère de l’intérêt public. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission a fait explicitement référence, dans la décision attaquée, aux aspects discrétionnaires du dispositif de résolution, notamment au respect du critère de l’intérêt public.

151    Ainsi, il y a lieu de considérer que le dispositif de résolution et sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée.

152    Or, comme le souligne la Commission, les requérantes ne soutiennent pas que le dispositif de résolution ne serait pas suffisamment motivé.

153    En outre, il convient de rappeler que, en application de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, la Commission soit « approuve » le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires de celui-ci.

154    Il en ressort que, lorsque la Commission, comme en l’espèce, approuve le dispositif de résolution, la motivation de sa décision peut se limiter à indiquer qu’elle est d’accord avec les motifs contenus dans celui-ci. Toute autre justification supplémentaire de son approbation ne pourrait consister qu’en une reprise des éléments déjà contenus dans le dispositif de résolution. Or, selon l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, la Commission ne doit pas refaire l’analyse du CRU dans sa décision, mais uniquement l’approuver.

155    Par ailleurs, conformément à la jurisprudence citée au point 147 ci-dessus, il convient de tenir compte du délai très court dont disposait la Commission, en application de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, pour adopter sa décision à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU.

156    Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer comme suffisante pour justifier une approbation, une motivation par laquelle la Commission indique qu’elle est d’accord avec le contenu du dispositif de résolution et avec les motifs avancés par le CRU pour justifier son adoption.

157    Partant, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des obligations de secret professionnel et de bonne administration

158    Les requérantes font valoir une violation du principe de confidentialité et de secret professionnel prévu à l’article 339 TFUE, ainsi que du droit à une bonne administration consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

159    Selon les requérantes, l’entretien accordé le 23 mai 2017 par la présidente du CRU à la chaîne de télévision Bloomberg et l’article de Reuters du 31 mai 2017, mentionné au point 42 ci-dessus, constitueraient une violation de l’obligation de confidentialité et de secret professionnel imputable au CRU ou à la Commission. Elles soutiennent que les divulgations des 23 et 31 mai 2017 ont provoqué la grave crise de liquidité de Banco Popular et, partant, ont conduit à sa résolution. Les requérantes font valoir un scénario contrefactuel selon lequel, en l’absence de ces divulgations et donc de crise de liquidité, le dispositif de résolution n’aurait pas été adopté ou aurait eu un contenu différent.

160    La Commission soutient que, pour qu’un dispositif de résolution soit adopté et approuvé, il suffit que les conditions de la résolution soient remplies et que les raisons qui ont conduit à cette situation n’affectent pas la validité de la décision attaquée. Le CRU fait également valoir que les événements invoqués par les requérantes ne peuvent affecter la légalité de la décision attaquée, dans la mesure où la question de savoir ce qui est à l’origine de la défaillance de Banco Popular n’est pas pertinent.

161    Il y a lieu de relever que, à supposer même que les requérantes aient établi que le CRU ou la Commission avaient divulgué des informations confidentielles à la presse, selon une jurisprudence constante, une irrégularité de ce genre peut entraîner l’annulation de la décision en cause s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait eu un contenu différent (voir arrêts du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 283 et jurisprudence citée ; du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, EU:T:2006:103, point 416 et jurisprudence citée, et du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, point 402 et jurisprudence citée).

162    À cet égard, comme le soutiennent la Commission et le CRU, un dispositif de résolution est valablement adopté lorsque les conditions prévues par le règlement no 806/2014 sont remplies, quels que soient les motifs ayant conduit l’entité en cause à une situation de défaillance avérée ou prévisible.

163    Or, les requérantes ne contestent pas que les conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 étaient remplies au moment de l’adoption du dispositif de résolution.

164    Ainsi, le CRU, ayant estimé que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a adopté le dispositif de résolution et la Commission, ayant considéré que le dispositif de résolution était conforme aux dispositions du règlement no 806/2014, a approuvé celui-ci. Les circonstances ayant conduit à ce que Banco Popular remplisse les conditions justifiant l’adoption du dispositif de résolution, notamment la condition selon laquelle elle était en situation de défaillance avérée ou prévisible, ne sont pas pertinentes.

165    En conséquence, un prétendu lien de causalité, invoqué par les requérantes, entre les divulgations des 23 et 31 mai 2017 et la crise de liquidité de Banco Popular est indifférent et ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée.

166    Il en ressort qu’est également inopérant l’argument soulevé par les requérantes lors de l’audience, selon lequel la Commission aurait violé le principe de bonne administration en approuvant le dispositif de résolution alors que la résolution de Banco Popular résultait de la violation par le CRU de ses obligations de confidentialité et de secret professionnel.

167    Au demeurant, les requérantes ne sauraient valablement soutenir que les divulgations des 23 et 31 mai 2017 ont provoqué la grave crise de liquidité de Banco Popular et que, dans le cas où il n’y aurait pas eu de divulgation illégale et donc pas de crise de liquidité au début de juin 2017, la résolution de Banco Popular n’aurait pas été requise ou aurait été différente.

168    Ces arguments reposent sur une présentation partielle et erronée des faits à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular et des causes ayant conduit à la situation de défaillance avérée ou prévisible de celle-ci.

169    Ainsi, il y a lieu de rappeler que, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, citée aux points 53 à 61 ci-dessus, la BCE a mentionné les différents événements à l’origine de la détérioration de la situation de liquidité de Banco Popular.

170    Au considérant 24 du dispositif de résolution, le CRU a cité d’autres circonstances ayant conduit à la détérioration rapide de la situation de liquidité de Banco Popular, à savoir :

–        en février 2017, le Banco Popular a annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros et a nommé un nouveau président ;

–        le 10 février 2017, DBRS a dégradé la note de Banco Popular ;

–        le 3 avril 2017, Banco Popular a publié une déclaration publique ad hoc informant sur le résultat d’audits internes ayant potentiellement un impact significatif sur ses états financiers et confirmé le remplacement de son directeur général moins d’un an après son entrée en fonction ;

–        le 7 avril 2017, Standard & Poor’s et, le 21 avril, Moody’s ont dégradé la note de Banco Popular ;

–        le 12 mai 2017, Banco Popular a enfreint l’exigence de couverture des besoins de liquidité de 80 % et n’a pas été en mesure de rétablir la conformité avec la limite réglementaire par la suite ;

–        la couverture médiatique négative et continue sur les résultats financiers de Banco Popular et sur le supposé risque imminent de faillite ou d’illiquidité a causé une augmentation des retraits de dépôts ;

–        le 6 juin 2017, DBRS et Moody’s ont dégradé la note de Banco Popular.

171    Le CRU a relevé que l’ensemble de ces circonstances avait causé des retraits de dépôts importants.

172    Il ressort de ces faits, non contestés par les requérantes, que la situation de Banco Popular s’était déjà dégradée bien avant le 23 mai 2017 et que la crise de liquidité de Banco Popular était causée par de multiples facteurs, qui avaient pour origine les mauvais résultats de la banque annoncés en février et en avril 2017. En particulier, l’exigence de couverture des besoins de liquidité de Banco Popular ne respectait pas les exigences légales depuis le 12 mai 2017.

173    Il convient de relever que les requérantes ne sauraient ignorer l’ensemble des circonstances objectives ayant causé les problèmes de liquidité de Banco Popular, particulièrement depuis le mois d’avril 2017. Elles ne sauraient valablement soutenir que la déclaration du 23 mai 2017 et l’article du 31 mai 2017, à supposer même qu’ils aient pour origine une violation du principe de confidentialité de la part du CRU ou de la Commission, étaient à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular et que, sans ces déclarations, la résolution n’aurait pas été nécessaire.

174    Il en ressort que le scénario contrefactuel invoqué par les requérantes et contenu dans leur rapport d’expertise annexé à la requête, visant à établir que, dans l’hypothèse où il n’y aurait pas eu de divulgation illégale et de fuite et donc pas de crise de liquidité au début de juin 2017, la résolution de Banco Popular n’aurait pas été requise ou aurait été différente, s’appuie sur une prémisse erronée.

175    Dans la mesure où les solutions envisagées dans le rapport d’expertise annexé à la requête s’appuient sur l’hypothèse purement théorique selon laquelle Banco Popular n’aurait pas eu à faire face à une crise de liquidité et envisagent l’hypothèse où Banco Popular aurait dû faire face à un manque de capitaux, il y a lieu de considérer que ce scénario contrefactuel n’est pas pertinent.

176    Il en ressort également que la nouvelle offre de preuve déposée par les requérantes au greffe du Tribunal le 31 octobre 2019, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, consistant dans une lettre de Pacific Investment Management Company LLC (PIMCO), du 30 mai 2017, adressée à la Deutsche Bank, et relative à l’existence d’une solution alternative à la résolution dans le cadre de ce scénario contrefactuel n’est pas pertinente pour la solution du litige.

177    En toute hypothèse, les requérantes n’ont pas établi l’existence d’une violation de l’obligation de confidentialité ou de secret professionnel imputable à la Commission.

178    Par un premier grief, les requérantes font valoir que le législateur de l’Union a doté le CRU d’importants pouvoirs de résolution des banques et que le simple fait de laisser entendre que celui-ci serait en train d’examiner s’il doit appliquer ses pouvoirs à l’égard d’une entité particulière constitue un événement important pour le marché, qui amènerait les investisseurs, les créanciers et les déposants à prendre des mesures de protection pour éviter les pertes. Dès lors, le respect strict par le CRU du principe du secret professionnel serait essentiel et l’article 88, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 imposerait une obligation de secret professionnel au CRU et à ses fonctionnaires.

179    À cet égard, elles soutiennent que l’entretien accordé le 23 mai 2017 par la présidente du CRU à la chaîne de télévision Bloomberg, selon laquelle le CRU « surveillait » Banco Popular, constituait une information selon laquelle le CRU examinait la banque, au sens du considérant 116 du règlement no 806/2014, et est imputable au CRU. Par conséquent, cette déclaration constituerait une violation par le CRU des obligations de secret professionnel et de bonne administration.

180    Il y a lieu de relever que, par ce grief, les requérantes invoquent une violation des obligations de secret professionnel et de confidentialité qui aurait été commise par le CRU et non par la Commission. Or, le CRU n’étant pas partie au présent litige, ce grief doit être rejeté comme inopérant.

181    À cet égard, par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2021, les requérantes ont présenté une offre de preuve concernant, d’une part, une ordonnance du Juzgado Central de Instruccion no 4 de l’Audiencia Nacional (juge d’instruction no 4 de la Cour centrale, Espagne), du 19 mai 2021, prévoyant l’audition de la présidente du CRU au sujet de ses déclarations lors de l’interview accordée à Bloomberg et, d’autre part, un article de elconfidencial, du 27 mai 2021, dans lequel il est indiqué que le président du FROB, dans le cadre de la même procédure devant l’Audiencia Nacional (Cour centrale), s’est plaint de ces mêmes déclarations de la présidente du CRU.

182    Il suffit de relever que ces documents concernant le CRU, et non la Commission, ne sont pas pertinents pour la solution du présent litige.

183    Par un second grief, les requérantes font valoir qu’un article publié par Reuters le 31 mai 2017 citant un « fonctionnaire de l’Union », selon lequel le CRU suivait Banco Popular « en vue d’une éventuelle intervention », constitue une violation de l’obligation de secret professionnel imputable au CRU ou à des fonctionnaires d’autres institutions de l’Union, telles que la Commission, et une violation du droit à une bonne administration.

184    À cet égard, pour le même motif que celui figurant au point 180 ci-dessus, les arguments des requérantes visant à imputer au CRU les propos attribués à un fonctionnaire de l’Union anonyme, rapportés dans cet article, et à établir que celui-ci aurait agi en violation de l’article 88 du règlement no 806/2014 doivent être rejetés comme inopérants.

185    L’article 339 TFUE prévoit :

« Les membres des institutions de l’Union, les membres des comités ainsi que les fonctionnaires et agents de l’Union sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient. »

186    Selon la jurisprudence, si cette disposition vise surtout les renseignements recueillis auprès d’entreprises, l’adverbe « notamment » montre qu’il s’agit d’un principe général qui s’applique aussi bien à d’autres informations confidentielles (voir, par analogie, arrêt du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, point 400 et jurisprudence citée).

187    Par ailleurs, il ressort du considérant 116 du règlement no 806/2014 que :

« Les mesures de résolution devraient être notifiées en bonne et due forme et rendues publiques, sous réserve des exceptions limitées prévues par le présent règlement. Toutefois, dans la mesure où les informations obtenues par le CRU, les autorités de résolution nationales et leurs conseillers professionnels durant la procédure de résolution peuvent être sensibles tant que la décision de résolution n’a pas été rendue publique, elles devraient faire l’objet des exigences de secret professionnel. Il convient de tenir compte du fait que les informations relatives au contenu et aux détails des plans de résolution et les résultats de l’examen de ces plans peuvent avoir de lourdes conséquences, en particulier pour les entreprises concernées. Il faut partir du principe que la communication de toute information à propos d’une décision avant que celle-ci ne soit adoptée, qu’elle porte sur le fait que les conditions de la résolution sont remplies, sur le recours à un instrument spécifique ou sur une mesure adoptée au cours de la procédure, est susceptible d’avoir des conséquences pour les intérêts publics et privés concernés par l’action. Or, le simple fait d’indiquer que le CRU et les autorités de résolution nationales examinent une entité particulière pourrait avoir une incidence négative sur cette entité. Il est donc indispensable de veiller à l’existence de mécanismes appropriés permettant de préserver la confidentialité de ces informations, comme le contenu et les détails des plans de résolution ou les résultats de tout examen réalisé dans ce cadre. »

188    Il convient de rappeler le contenu de l’article publié par Reuters le 31 mai 2017, intitulé « L’UE, mise en garde sur un risque de liquidation de Banco Popular » (EU warned of wind-down risk for Spain’s Banco Popular). Cet article indique que, selon un fonctionnaire de l’Union resté anonyme, un des principaux surveillants des banques en Europe avait alerté les fonctionnaires de l’Union que Banco Popular pourrait être liquidée si elle ne réussissait pas à trouver un acquéreur et que la présidente du CRU avait récemment émis une « alerte précoce ». Selon cet article, ce fonctionnaire a également indiqué que la présidente du CRU avait déclaré que le CRU suivait la procédure (Banco Popular) avec une attention particulière en vue d’une possible intervention et il a ajouté que l’offre de fusion de la banque pourrait être infructueuse.

189    Cet article de Reuters indique également que, selon une autre source, également anonyme, des préparatifs généraux étaient en cours bien qu’aucune mesure concrète n’ait encore été adoptée. Selon cet article, un porte-parole de Banco Popular avait déclaré que la banque travaillait sur plusieurs plans incluant une fusion, une augmentation de capital et des ventes d’actifs.

190    Il convient également de relever que cet article mentionne le communiqué de presse du CRU, daté du même jour, dans lequel le CRU a indiqué qu’il ne commentait pas les difficultés spécifiques à une banque, qu’il ne pouvait pas confirmer les interprétations relatives aux prétendues citations faites par sa présidente et qu’il n’émettait jamais d’alerte à propos des banques.

191    Il y a lieu de considérer que les requérantes ne soulèvent aucun argument de nature à établir que cet article a pour origine une violation du secret professionnel imputable à la Commission.

192    En premier lieu, les propos de ce fonctionnaire de l’Union, rapportés dans cet article, ne portaient pas sur des informations confidentielles qui ne pouvaient être connues que de membres de la Commission.

193    Ainsi, premièrement, s’agissant de l’affirmation de ce fonctionnaire selon laquelle il avait été informé que Banco Popular pourrait être liquidée si elle ne réussissait pas à trouver un acquéreur, il suffit de constater que cette information était déjà publique.

194    En effet, comme cela est indiqué aux points 40 à 42 ci-dessus, plusieurs articles de presse mentionnaient déjà, dans le courant du mois de mai, le fait que Banco Popular était en difficulté et qu’elle avait engagé une procédure de vente privée.

195    Il ressort notamment d’un article du 11 mai 2017, publié sur le site Internet elconfidencial.com, que le président de Banco Popular avait ordonné la vente urgente de la banque en raison d’un risque de faillite. La référence, dans l’article du 31 mai 2017, au fait que les fonctionnaires de l’Union auraient été informé par « un des principaux surveillants des banques en Europe », semble correspondre à l’information donnée dans cet article, selon laquelle, en raison d’un risque sérieux de faillite dû, notamment, à la fuite continue des dépôts, le président de Banco Popular avait été contraint de mettre en œuvre la procédure de vente afin de répondre aux exigences de la BCE. En outre, un article du 15 mai 2017, publié sur le site Internet elconfidencial.com, indiquait que le plan de vente de Banco Popular avait été mis en œuvre par son président après l’inspection de la BCE.

196    Deuxièmement, le fonctionnaire aurait mentionné une « alerte précoce » qui aurait été émise par la présidente du CRU. Or, il suffit de relever que cette affirmation ne correspond pas à une compétence du CRU, ce que ce dernier a d’ailleurs rappelé dans son communiqué de presse du 31 mai 2017.

197    Troisièmement, s’agissant de l’affirmation de ce fonctionnaire selon laquelle « la présidente du CRU avait déclaré que le CRU suivait la procédure (Banco Popular) avec une attention particulière en vue d’une possible intervention », il suffit de constater que ces propos reprennent ce que la présidente du CRU avait affirmé publiquement lors de son interview accordée à la chaîne de télévision Bloomberg le 23 mai 2017, à savoir que Banco Popular était « surveillée ». De plus, l’interprétation donnée à ces propos a été démentie par le CRU dans son communiqué de presse.

198    En outre, le fait que cet article rapporte des prétendues paroles de la présidente du CRU ne saurait suffire à établir leur authenticité, d’autant plus que la personne censée rapporter ces paroles n’est elle-même pas identifiée.

199    Quatrièmement, s’agissant de l’affirmation de ce fonctionnaire selon laquelle l’offre de fusion de la banque pourrait être infructueuse, il ressort de ce même article que Banco Popular elle-même avait indiqué qu’elle devrait repousser la date limite initialement fixée au 10 juin 2017 pour présenter des offres dans le cadre de la procédure de vente privée.

200    Ainsi, l’éventualité que la procédure de vente privée lancée en avril 2017 pourrait être infructueuse ne saurait être regardée comme une information confidentielle, mais comme une simple déduction découlant des circonstances à savoir que, le 31 mai 2017, Banco Popular n’avait toujours pas trouvé acquéreur dans le cadre de cette procédure et que la date de clôture de cette procédure avait été retardée.

201    Il en ressort que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les propos du fonctionnaire de l’Union resté anonyme rapportés dans cet article ne contiennent pas d’informations confidentielles relatives à la mise en œuvre d’une procédure de résolution visant Banco Popular, telles que celles visées au considérant 116 du règlement no 806/2014, qui ne pourraient être connues que de fonctionnaires de la Commission.

202    En second lieu, les requérantes n’ont pas établi que le fonctionnaire de l’Union cité dans cet article serait un fonctionnaire de la Commission.

203    En effet, il y a lieu de considérer que de nombreuses autres personnes que des membres du CRU ou des fonctionnaires la Commission étaient susceptibles de tenir de tels propos, eu égard notamment aux possibilités d’échanges d’informations prévues notamment à l’article 88, paragraphe 6, du règlement no 806/2014.

204    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes admettent que la fuite du 31 mai 2017 doit être imputable au CRU ou à des fonctionnaires d’autres institutions, telles que la Commission, qui avaient connaissance des informations reçues du CRU. En outre, les requérantes se contentent d’affirmer que l’imputation des propos tenus dans cet article à un fonctionnaire de l’Union est « plausible ». Les requérantes ne sauraient donc s’appuyer sur la jurisprudence selon laquelle le Tribunal imputerait une fuite à une institution ou à une agence de l’Union s’il était évident qu’elle ne pouvait provenir que de celle-ci.

205    Il convient également de rejeter l’argument des requérantes selon lequel le fait que Banco Popular allait faire l’objet d’une résolution n’étant connu que d’un nombre restreint de personnes au sein du CRU et de la Commission, la seule conclusion logique serait que ces informations proviendraient de ces institutions. Ces dernières n’auraient d’ailleurs fourni aucune preuve pour démontrer le contraire.

206    En effet, à supposer que les propos rapportés dans cet article aient pour origine une fuite de la part d’un fonctionnaire de l’Union et qu’il pourrait être déduit de cet article qu’une résolution de Banco Popular était envisagée, dans la mesure où il n’est pas établi que les services de la Commission sont responsables de la fuite d’informations dont témoignent l’article de presse auquel les requérantes se réfèrent, il ressort de la jurisprudence qu’une telle origine de la fuite ne saurait être présumée (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, EU:T:2006:74, point 605).

207    En outre, même dans le cas où il serait vraisemblable que la Commission puisse être à l’origine de cette fuite, cette seule éventualité ne suffit pas, comme le prétendent les requérantes, à faire peser sur la Commission la charge de prouver le contraire (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, EU:T:2006:103, point 412).

208    En l’espèce, il n’existe pas de présomption que la Commission aurait été à l’origine de la prétendue fuite d’informations et il ne lui appartient pas de démontrer qu’elle ne l’était pas.

209    Dès lors, il y a lieu de rejeter comme inopérants les arguments des requérantes relatifs au fait que la Commission n’a pas enquêté sur l’origine de la fuite du 31 mai 2017, ni apporté de preuve pour démontrer que la fuite ne lui était pas imputable.

210    En effet, d’une part, il ne saurait en aucun cas être déduit de l’absence d’enquête interne la preuve de la violation par la Commission de ses obligations de confidentialité. D’autre part, le fait que la Commission n’a pas procédé à une enquête interne pour déterminer l’origine de fuites potentielles d’informations, postérieurement à l’adoption de la décision de résolution, n’est pas pertinent pour apprécier la légalité de la décision attaquée.

211    À cet égard, par lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 octobre 2020, les requérantes ont présenté une nouvelle offre de preuve au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. Cette offre de preuve portait sur deux courriels internes du CRU des 10 et 18 août 2017 concernant une potentielle fuite d’informations à l’origine de l’article de Reuters du 31 mai 2017. Les requérantes font valoir que ces nouvelles preuves confirment que le CRU n’a pas cherché à enquêter correctement sur la fuite du 31 mai, mais s’est contenté, en substance, de résumer les mesures de confidentialité en vigueur au sein du CRU.

212    Dans la mesure où ces nouvelles preuves se rapportent uniquement au CRU et ne sont pas de nature à établir que la prétendue fuite d’informations à l’origine de l’article de Reuters du 31 mai 2017 serait imputable à la Commission, elles doivent être considérées comme n’étant pas pertinentes pour la solution du litige.

213    Il ressort de ce qui précède que les requérantes n’ont pas établi une violation par la Commission du principe de confidentialité et de secret professionnel.

214    Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré derreurs manifestes dappréciation dans lapplication des articles 14, 18, 20 à 22 et 24 du règlement no 806/2014

215    Les requérantes font valoir que la valorisation 2 effectuée par Deloitte n’était pas « juste, prudente et réaliste » au sens de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014. Par conséquent, elles estiment que la valorisation 2 ne pouvait étayer la décision attaquée et que le CRU et la Commission ont commis une erreur manifeste en estimant que le dispositif de résolution satisfaisait aux exigences des articles 14, 18, 20 à 22 et 24 du règlement no 806/2014.

216    Dans la réplique, les requérantes expliquent que, par ce moyen, elles font valoir que la valorisation 2 étant manifestement erronée au regard de l’article 20 du règlement no 806/2014, le dispositif de résolution adopté sur la base de cette valorisation est illégal.

217    Comme le relève la Commission, les requérantes ne soulèvent aucun argument spécifique concernant des erreurs manifestes qu’elle aurait commises dans l’application des articles 14, 18, 21, 22 et 24 du règlement no 806/2014.

218    Il y a donc lieu de considérer que, par ce moyen, les requérantes se contentent de soutenir que la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste » au sens de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et que, partant, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en approuvant le dispositif de résolution en ce qu’il est fondé sur la valorisation 2.

219    En l’espèce, il convient de rappeler que la valorisation de Banco Popular réalisée avant l’adoption du dispositif de résolution comprend deux rapports qui sont annexés au dispositif de résolution.

220    La valorisation 1, datée du 5 juin 2017, a été rédigée par le CRU en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 et avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles qu’elles sont définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.

221    La valorisation 2, datée du 6 juin 2017, a été rédigée par Deloitte en qualité d’expert indépendant en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014.

222    Le dispositif de résolution indique que, compte tenu de l’urgence, la valorisation 2, réalisée conformément à l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer ce qui constitue des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.

223    Dans la valorisation 2, Deloitte a indiqué s’être fondé sur les exigences de l’article 36 de la directive 2014/59 (correspondant à l’article 20 du règlement no 806/2014) et sur le chapitre 3 du projet définitif de normes techniques de réglementation de l’Autorité bancaire européenne (ABE) nos 2017/05 et 2017/06, du 23 mai 2017, sur la valorisation aux fins de la résolution et sur la valorisation en vue de déterminer la différence de traitement à la suite de la résolution prévue par la directive 2014/59.

224    L’article 36, paragraphe 15, de la directive 2014/59 autorise l’ABE à élaborer des projets de normes techniques de réglementation visant à préciser les critères sur la base desquels les valorisations réalisées lors d’une procédure de résolution doivent être effectuées.

225    Le chapitre 3 du projet définitif de normes techniques de réglementation de l’ABE, cité au point 223 ci-dessus, est relatif au projet de normes techniques de réglementation no 2017/05 sur la valorisation aux fins de la résolution (ci-après les « normes techniques de réglementation ») et contient, notamment, conformément à l’article 36, paragraphe 15, de la directive 2014/59, un projet de règlement délégué de la Commission complétant la directive 2014/59 par des normes techniques de réglementation précisant les critères de la méthode à utiliser pour évaluer la valeur de l’actif et du passif des établissements ou des entités.

226    En outre, il y a lieu de relever que, à la date de la résolution, ces normes techniques de réglementation n’étaient pas contraignantes, dans la mesure où l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU, le Conseil et la Commission sont soumis aux normes techniques de réglementation et d’exécution contraignantes élaborées par l’ABE lorsqu’elles ont été adoptées par la Commission. Ces normes techniques de réglementation ont été intégrées dans le règlement délégué (UE) 2018/345 de la Commission, du 14 novembre 2017, complétant la directive 2014/59 par des normes techniques de réglementation précisant les critères de la méthode à utiliser pour évaluer la valeur de l’actif et du passif des établissements ou entités (JO 2018, L 67, p. 8).

227    À cet égard, il y a lieu de relever que, à l’article 6.3 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué que, pour décider de la dépréciation et de la conversion des instruments de fonds propres de Banco Popular, il s’était appuyé sur la valorisation 2, telle que complétée et corroborée par les résultats de la procédure de vente menée par le FROB.

228    Dans la mesure où la valorisation 2 contient des appréciations techniques et économiques complexes, il convient de reconnaître au CRU un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il a considéré que la valorisation 2 constituait une base valable pour décider des mesures de résolution, ainsi qu’à la Commission lorsqu’elle a approuvé le dispositif de résolution.

229    Partant, en application de la jurisprudence citée aux points 104 à 109 ci-dessus, le contrôle effectué par le Tribunal est un contrôle restreint qui se limite à vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de la Commission lorsqu’elle a approuvé le dispositif de résolution en ce qu’il était fondé sur la valorisation 2. Il appartient aux requérantes d’apporter des éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité la valorisation 2.

230    À l’appui de leur argumentation visant à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, les requérantes soulèvent, en substance, trois griefs visant à établir que la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste » au sens de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014. Par le premier grief, elles contestent la fiabilité de la valorisation 2 et son caractère provisoire. Par les deuxième et troisième griefs, elles contestent l’évaluation effectuée par Deloitte, d’une part, au motif que les ajustements du bilan de Banco Popular effectués par Deloitte étaient erronés et, d’autre part, au motif que la fourchette retenue dans la valorisation 2 n’était pas fiable.

 Sur le premier grief, relatif à la fiabilité de la valorisation 2 et à son caractère provisoire

231    En premier lieu, les requérantes soutiennent que Deloitte a indiqué que la valorisation 2 n’était pas fiable en raison du délai limité pour la préparer et du manque d’informations disponibles.

232    À cet égard, il convient de relever que, dans la lettre accompagnant la communication de la valorisation 2 au CRU, Deloitte a indiqué que, étant donné la position de liquidité difficile de Banco Popular, il avait été invité à réaliser sa valorisation dans un délai extrêmement court. Le travail principal a été limité à douze jours à compter du jour où il a eu accès à la documentation, alors qu’un tel projet devrait normalement prendre six semaines. Deloitte a relevé qu’il existait un certain nombre de lacunes et d’incohérences parmi les informations disponibles. Deloitte a mentionné que la valorisation devait être regardée comme hautement incertaine et provisoire en vertu de l’article 36 de la directive 2014/59 et qu’un coussin pour pertes supplémentaires avait été inclus dans la valorisation conformément à l’article 36, paragraphe 9, de la directive 2014/59, lequel correspond à l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014.

233    L’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 prévoit expressément l’hypothèse où, compte tenu de l’urgence de la situation, il n’est pas possible de respecter les exigences fixées aux paragraphes 7 et 9 de cet article, à savoir notamment le cas où il n’est pas possible de compléter la valorisation par certaines informations figurant dans les livres et registres comptables. En outre, cette disposition reconnaît l’existence d’incertitudes inhérentes à toute valorisation provisoire en prévoyant, dans son deuxième alinéa, que celle-ci intègre un coussin pour pertes supplémentaires.

234    Ainsi, conformément à cette disposition, Deloitte s’est contenté d’indiquer que, étant donné le peu de temps disponible pour effectuer la valorisation, il devait s’appuyer sur des informations incomplètes et il a précisé que la valorisation qu’il avait effectuée devait être considérée comme une valorisation provisoire au titre de l’article 36, paragraphe 9, de la directive 2014/59.

235    En outre, il ressort de l’article 20, paragraphe 13, du règlement no 806/2014 que, compte tenu de l’urgence de la situation, le CRU pouvait se fonder sur la valorisation 2, effectuée au titre de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, pour adopter le dispositif de résolution.

236    Le fait que Deloitte ait constaté que, compte tenu du délai disponible, certaines informations étaient lacunaires, ne suffit pas à remettre en cause la possibilité de s’appuyer sur la valorisation 2 pour adopter le dispositif de résolution.

237    En outre, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, la valorisation 2 réalisée dans une situation d’urgence ne devait respecter les exigences fixées aux paragraphes 1, 7 et 9 que « dans la mesure où cela [était] raisonnablement possible compte tenu des circonstances ». Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, par cet argument, la Commission n’a pas affirmé que le CRU et elle-même pouvaient s’appuyer sur une valorisation qui ne serait pas « juste, prudente et réaliste ».

238    Par ailleurs, les incertitudes inhérentes à la valorisation 2 sont soulignées dans les normes techniques de réglementation, dont il ressort que, lorsqu’il procède à l’estimation et à l’actualisation des flux de trésorerie que l’entité peut attendre des actifs et passifs existants, l’évaluateur doit s’appuyer sur des hypothèses justes, prudentes et réalistes et tenir compte de différents facteurs et circonstances.

239    En particulier, s’agissant des estimations concernant la valeur de cession, l’article 12, paragraphe 5, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphe 5, du règlement délégué 2018/345, prévoit :

« La valeur de cession est déterminée par l’évaluateur sur la base des flux de trésorerie, nets des coûts de cession et nets de la valeur attendue des éventuelles garanties données, que l’entité peut raisonnablement attendre dans les conditions de marché à la suite d’une cession ou d’un transfert ordonnés des actifs ou passifs. S’il y a lieu, au regard des mesures à prendre dans le cadre du dispositif de résolution, l’évaluateur peut déterminer la valeur de cession en appliquant une réduction correspondant à une actualisation pour cession anticipée potentielle au prix du marché pour cette cession ou ce transfert. Pour déterminer la valeur de cession des actifs qui n’ont pas de marché liquide, l’évaluateur examine les prix observables sur des marchés où des actifs similaires sont négociés ou recourt à des calculs à l’aide de modèles utilisant les paramètres observables du marché, tenant dûment compte des actualisations pour illiquidité. »

240    L’article 12, paragraphe 6, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphe 6, du règlement délégué 2018/345, indique différents facteurs, dont l’évaluateur tient compte, qui peuvent influer sur les valeurs de cession et les délais de cession.

241    Il en ressort que la valorisation 2 reposait sur des hypothèses et dépendait de multiples facteurs. Ainsi, conformément aux normes techniques de réglementation, pour déterminer la valeur de cession de Banco Popular à la date de la résolution, Deloitte, dans la valorisation 2, s’est appuyé sur des estimations et des évaluations prospectives.

242    Partant, il y a lieu de considérer que, étant donné les contraintes de temps et les informations disponibles, certaines incertitudes et approximations sont inhérentes à toute valorisation provisoire effectuée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 et que les réserves formulées par Deloitte ne sauraient signifier que la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste » au sens de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.

243    Il s’ensuit que, compte tenu de l’urgence de la situation, la Commission a estimé à juste titre que le CRU pouvait se fonder sur la valorisation 2 effectuée au titre de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, pour adopter le dispositif de résolution.

244    En second lieu, les requérantes contestent le fait que la valorisation 2 était provisoire. Ce fait serait en contradiction avec la confirmation par le CRU qu’il n’y aurait pas de valorisation définitive ex post en vertu de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014. En outre, Deloitte aurait inclus un coussin pour pertes supplémentaires faisant partie intégrante de la valorisation. Or, la valorisation 2 devant être considérée comme définitive ne pourrait pas inclure un tel coussin.

245    Il y a lieu de rappeler, d’une part, que l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 prévoit expressément que la valorisation provisoire inclut un coussin pour pertes supplémentaires et, d’autre part, que, en application de l’article 20, paragraphe 13, du même règlement, une valorisation provisoire telle que la valorisation 2 constitue une base valable pour adopter le dispositif de résolution.

246    Le fait que, postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, le CRU ait indiqué qu’il n’y aurait pas de valorisation définitive ex post ne saurait avoir pour effet de modifier rétroactivement les exigences relatives à la réalisation de la valorisation effectuée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014.

247    Enfin, dans leurs observations sur le mémoire en intervention du CRU, les requérantes font valoir que le CRU a fixé les paramètres de la procédure de vente dans la lettre de procédure sur la base de la valorisation 2, en incitant les soumissionnaires à présumer que la valeur de l’actif était de moins 2 milliards d’euros. L’offre de 1 euro serait en réalité une offre négative de moins 2 milliards d’euros.

248    À cet égard, il suffit de constater que cet argument est purement spéculatif et repose sur une erreur factuelle dans la mesure où la lettre de procédure à laquelle les requérantes renvoient a été rédigée par le FROB.

249    Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief.

 Sur le deuxième grief, relatifs aux ajustements effectués par Deloitte

250    Les requérantes font valoir que les ajustements à la baisse effectués par Deloitte dans le bilan de Banco Popular étaient erronés, réduisant la valeur de son actif net de manière injustifiée. Deloitte aurait effectué des ajustements qui dépassaient largement la provision effectuée par Banco Santander après son acquisition de Banco Popular et l’évaluation contenue dans la valorisation 2 ne pourrait être aussi différente de la valeur retenue par Banco Santander. Selon elles, retenir l’approche de Banco Santander dans tous les domaines à l’exception des actifs non productifs et remplacer son évaluation des actifs non productifs par le scénario de base de Deloitte aboutit à une valorisation positive de Banco Popular de 1 milliard d’euros. Elles considèrent que l’estimation de la valeur économique de Banco Popular réalisée dans leur rapport d’expertise complémentaire, comprise entre 4,5 et 7,3 milliards d’euros, constitue une indication exacte de l’ordre de grandeur de la valorisation. Les différences entre les valeurs indiquées par leur expert et celles indiquées par Banco Santander seraient limitées et refléteraient le fait qu’elles ont été réalisées à des fins différentes, les experts des requérantes visant à déterminer la valeur économique de Banco Popular alors que la valorisation de Banco Santander aurait été préparée à des fins comptables.

251    Elles contestent, sur le fondement de leur rapport d’expertise complémentaire, l’analyse des ajustements des actifs de Banco Popular réalisés par Deloitte en ce qui concerne les prêts productifs, les provisions pour risques juridiques, les actifs d’impôts différés de Banco Popular et les actifs non essentiels de Banco Popular sous la forme d’entreprises communes, de filiales et d’entreprises associées. Elles ne contestent pas l’ajustement des actifs non productifs de Banco Popular effectué dans la valorisation 2, mais le niveau des ajustements opérés par Banco Santander. Elles estiment que Deloitte n’a pas attribué de valeur correcte aux actifs incorporels de Banco Popular.

252    S’agissant de la méthodologie utilisée, Deloitte a indiqué, dans la valorisation 2, que le scénario utilisé pour déterminer la valeur économique était la vente de la banque selon l’instrument de cession des activités. Conformément à l’article 20, paragraphe 5, sous f), du règlement no 806/2014, la valorisation visait à fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actifs, les droits, les engagements ou les titres de propriété à transférer, et à fournir les éléments permettant au CRU de déterminer ce qui constituait des conditions commerciales aux fins de l'article 24, paragraphe 2, sous b), du même règlement.

253    Deloitte a expliqué que « [sa] valorisation économique vis[ait] à fournir une estimation de la valeur pouvant être proposée par un acquéreur potentiel pour la banque dans son ensemble, à la suite d’une procédure d’enchères ouverte, juste et compétitive (une “valeur de cession” conformément à l’article 11 des normes techniques de réglementation […]) ».

254    Il ressort du considérant 6 des normes techniques de réglementation que le choix de la base d’évaluation la plus appropriée (valeur de détention ou valeur de cession) devrait être effectué en fonction des mesures de résolution spécifiques envisagées par l’autorité de résolution.

255    Concernant le choix de la base d’évaluation, l’article 11, paragraphe 4, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 11, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/345, indique :

« Lorsque les mesures de résolution visées à l’article 10, paragraphe 1, imposent que les actifs et passifs soient conservés par une entité qui reste un établissement en continuité d’exploitation, l’évaluateur utilise la valeur de détention comme base d’évaluation appropriée. La valeur de détention peut, si cela est considéré comme juste, prudent et réaliste, anticiper une normalisation des conditions de marché.

La valeur de détention n’est pas utilisée comme base d’évaluation lorsque les actifs sont transférés à une structure de gestion des actifs en vertu de l’article 42 de la directive 2014/59/UE ou à un établissement-relais en vertu de l’article 40 de ladite directive, ou lorsqu’un instrument de cession des activités en vertu de l’article 38 de la directive 2014/59/UE est utilisé. »

256    Conformément à l’article 12, paragraphe 4, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/345, « lorsque la situation d’une entité l’empêche de détenir un actif ou de poursuivre une activité, ou lorsque la cession est considérée comme nécessaire pour toute autre raison par l’autorité de résolution pour atteindre les objectifs de résolution, les flux de trésorerie attendus sont indiqués par rapport aux valeurs de cession attendues au cours d’un délai de cession donné ».

257    Les facteurs à prendre en compte pour déterminer la valeur de cession aux fins de l’instrument de cession des activités sont définis à l’article 12, paragraphes 5 à 7, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphes 5 à 7, du règlement délégué 2018/345.

258    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas la décision du CRU d’appliquer l’instrument de cession des activités à Banco Popular. Ainsi, la valorisation 2 ayant été effectuée en tenant compte du fait que l’instrument de cession des activités serait appliqué, la valeur de cession utilisée par Deloitte était la méthodologie correcte pour apprécier la valeur de Banco Popular dans le cadre de la valorisation 2.

259    Il y a lieu de relever que, pour contester l’estimation des actifs de Banco Popular effectuée dans la valorisation 2, les requérantes s’appuient, d’une part, sur leur rapport d’expertise complémentaire annexé à la réplique et, d’autre part, sur la valeur retenue par Banco Santander.

260    Premièrement, s’agissant du rapport d’expertise complémentaire annexé à la réplique, Banco Santander fait valoir qu’il s’appuie sur une méthodologie erronée.

261    À cet égard, le rapport d’expertise annexé à la requête, indique que « [d]ans les cas où la totalité de l’entreprise est vendue et où ces actifs ne feront pas l’objet d’une cession séparée, nous considérons que la base de la valeur de détention est appropriée ». De plus, comme le relève Banco Santander, le rapport d’expertise complémentaire annexé à la réplique, mentionne :

« Comme indiqué ci-dessus, pour déterminer la valeur économique de chaque actif, il est nécessaire d’examiner si la base appropriée est la “valeur de détention” […] ou la “valeur de cession” […]. Nous considérons que l’exercice de la juste valeur décrit par Banco Popular est similaire à celui qui est requis pour répondre à une évaluation préparée sur une “valeur de détention” telle que définie à l’article 1er des normes techniques de réglementation. »

262    Les requérantes font valoir que leurs rapports d’expertise ont fourni une estimation des actifs de Banco Popular conforme aux orientations définies dans les normes techniques de réglementation. Elles font valoir que leurs rapports d’expertise ont estimé la valeur de la banque selon le principe de la continuité de l’exploitation, en estimant les flux de trésorerie que la banque générerait en conservant ou en cédant certains actifs. Elles soutiennent que, selon les attentes de l’acquéreur, différentes catégories d’actifs devraient être évaluées selon qu’elles sont détenues ou cédées. L’approche utilisée dans le rapport d’expertise complémentaire des requérantes serait conforme à l’article 11, paragraphe 4, des normes techniques de réglementation, selon lequel, pour la vente d’un établissement en continuité d’exploitation, comme en l’espèce, l’évaluateur doit utiliser la valeur de détention.

263    Ainsi, comme l’admettent les requérantes, leurs rapports d’expertise étaient fondés sur la valeur de détention et non sur la valeur de cession pour estimer la valeur des différentes catégories d’actifs de Banco Popular.

264    Or, il suffit de constater que l’article 11, paragraphe 4, des normes techniques de réglementation, cité au point 255 ci-dessus, prévoit expressément que la valeur de détention n’est pas utilisée comme base d’évaluation lorsque l’instrument de cession des activités est appliqué.

265    En outre, il semble ressortir des arguments des requérantes que, pour justifier la méthode utilisée dans leur rapport d’expertise, elles tiennent compte de la valeur à laquelle l’acquéreur lui-même serait prêt à céder tout ou partie de Banco Popular, une fois celle-ci acquise.

266    Ainsi, dans leurs observations sur le mémoire en intervention de Banco Santander, elles justifient que leurs rapports d’expertise ont permis d’estimer la valeur économique de Banco Popular en continuité d’exploitation. Elles indiquent que, selon les attentes de l’acquéreur quand à ce qu’il ferait, différentes catégories d’actifs devraient être évaluées selon qu’elles sont détenues ou cédées. Elles ajoutent que, par exemple, il serait possible de s’attendre à ce qu’un acquéreur cède les actifs non productifs dans un délai donné, mais qu’il souhaite détenir des prêts performants qui généreraient des revenus. Selon le cas, les actifs devraient être évalués selon la valeur de cession ou la valeur de détention.

267    Ces arguments procèdent d’une confusion. La valorisation 2 avait pour objet de déterminer la valeur de Banco Popular dans le cadre de l’utilisation de l’instrument de cession des activités, c’est-à-dire de déterminer la valeur à laquelle un acquéreur potentiel serait prêt à acquérir Banco Popular à la date de la résolution. Deloitte indique, dans le rapport sur la valorisation 2, que son évaluation économique vise à fournir une estimation de la valeur qui pourrait être offerte pour toute la banque par un acquéreur potentiel. Il ne s’agissait pas, comme semblent le considérer les requérantes, d’estimer la valeur de Banco Popular, une fois vendue à l’acquéreur, en fonction des actifs que ce dernier souhaiterait céder ou conserver.

268    Il en ressort que la méthodologie utilisée dans les rapports d’expertise fournis par les requérantes ne correspond pas à celle qui devait être utilisée par Deloitte dans la valorisation. En outre, comme le souligne la Commission, le rapport d’expertise complémentaire s’appuie sur des données postérieures à l’acquisition de Banco Popular par Banco Santander, lesquelles ne sont donc pas pertinentes pour apprécier l’estimation effectuée dans la valorisation 2 qui visait à déterminer la valeur de cession pour un acquéreur potentiel antérieurement à la résolution.

269    Dès lors, il y a lieu de considérer que ces rapports d’expertise ne sont pas pertinents pour déterminer si la valorisation 2 a correctement estimé la valeur des actifs de Banco Popular. En particulier, l’estimation de la valeur économique de Banco Popular réalisée dans leur rapport d’expertise complémentaire, comprise entre 4,5 et 7,3 milliards d’euros, s’appuie sur une méthodologie erronée et n’est donc pas pertinente. La comparaison, effectuée par les requérantes, des résultats des estimations des différentes catégories d’actifs contenus, d’une part, dans leur rapport d’expertise complémentaire et, d’autre part, dans la valorisation 2, doit être considérée comme inopérante.

270    Deuxièmement, les requérantes font référence aux ajustements effectués par Banco Santander postérieurement à l’acquisition de Banco Popular, lorsqu’elle a présenté le bilan de Banco Popular. Elles soutiennent qu’une estimation de la valeur économique de Banco Popular dans la valorisation 2 ne saurait être considérée comme étant « juste, prudente et réaliste » alors qu’elle diffère de celle retenue par l’acquéreur.

271    Il y a lieu de constater, à l’instar du CRU, que la comptabilité des acquisitions de Banco Santander ne saurait être comparée aux résultats de la valorisation 2, dans la mesure où elle ne répond pas à la même finalité et n’utilise pas la même méthodologie.

272    À cet égard, les requérantes admettent, dans la réplique, que la valorisation effectuée par Banco Santander répondait à un objectif différent de celle de leurs experts et qu’elle ne visait pas à estimer la valeur économique de Banco Popular, mais sa valeur comptable.

273    En outre, la valorisation 2 avait pour but de déterminer la valeur de cession de Banco Popular pour tout acquéreur potentiel. Or, comme le souligne le CRU, la comptabilité de Banco Santander attribue une valeur particulière aux actifs et aux passifs de Banco Popular à la suite de l’intégration de Banco Popular dans ses opérations selon les règles comptables.

274    En toute hypothèse, il y a lieu de considérer que la valeur économique attribuée à Banco Popular par Banco Santander à la date de l’adoption du dispositif de résolution est la valeur figurant dans son offre d’acquisition, soit un euro.

275    En outre, il y a lieu de rejeter comme inopérants les arguments des requérantes visant à contester les ajustements concernant les actifs non productifs effectués par Banco Santander, postérieurement à la résolution.

276    À titre subsidiaire, les requérantes estiment, dans leurs observations sur les mémoires en intervention, que, même si les actifs de Banco Popular auraient dû être évalués selon la valeur de cession concernant des actifs individuels que Banco Popular devait continuer à détenir en continuité d’exploitation, la valeur de Banco Popular serait comprise entre 1,5 et 4,3 milliards d’euros.

277    À cet égard, les requérantes se contentent de fournir un tableau de chiffres contenant une comparaison des valeurs de Banco Popular estimées par Deloitte dans la valorisation 2, par Banco Santander et dans leur rapport d’expertise avec et sans ajustement. Cependant, la fourniture des résultats des calculs de leurs experts après ajustement, sans autre explication sur la méthode utilisée et la nature des ajustements opérés, ne permet pas au Tribunal de comprendre la portée de cet argument.

278    Par exemple, il ressort de ce tableau que la ligne correspondant à l’« ajustement de la valeur des actifs » dans le rapport d’expertise complémentaire conduisait à une fourchette de 5,2 à 7,9 milliards d’euros et que cette même valeur « après ajustement » est de 8,2 à 11 milliards d’euros. Les requérantes ne fournissent aucune explication sur de telles différences.

279    Troisièmement, les requérantes soulèvent, dans la réplique, des arguments spécifiques visant à contester la méthode utilisée par Deloitte pour la valorisation de certaines catégories d’actifs.

280    S’agissant des prêts productifs, les requérantes font valoir que Deloitte a reconnu, dans la valorisation 2, qu’il n’a pas utilisé la méthode des flux de trésorerie actualisée (Discounting Cash Flows) et qu’il a adopté une méthode qui n’était pas adaptée, à savoir la norme IFRS 9 [International Financial Reporting Standard (norme internationale d’information financière)], qui traite de la comptabilisation des instruments financiers.

281    Dans la valorisation 2, s’agissant des prêts et des créances, Deloitte a indiqué :

« […] il n’a pas été possible d’appliquer pour ce portefeuille une approche de modélisation des flux de trésorerie actualisés complets qui soit suffisamment solide. Au lieu de cela, compte tenu des données et du temps disponibles, nous avons envisagé deux approches en matière de valorisation :

une approche “ascendante”, ajustée en fonction des pertes attendues, qui prend en compte les données relatives à l’exposition sous-jacente de la banque en cas de défaut, à la probabilité de défaut sur la durée de vie (estimée à partir de la probabilité de défaut fournie à un moment donné) et aux pertes en cas de défaut, et qui ajuste les paramètres sur la base des indices de référence du marché, des indices de référence de la Banque d’Espagne pour les pertes en cas de défaut et de l’analyse de Deloitte, le tout sur la base d’hypothèses prudentes. Cette approche reflète pour l’essentiel la manière dont un acquéreur bancaire gérerait les portefeuilles à l’avenir [...] »

282    Deloitte a relevé que sa méthode pour calculer la valeur économique des prêts et des créances consistait à estimer la perte de crédit attendue et il a expliqué les paramètres choisis pour déterminer l’exposition au risque de défaut et les probabilités de défaut.

283    Il y a lieu de considérer que cette méthode est conforme aux normes techniques de réglementation.

284    À cet égard, il y a lieu de relever que la valorisation des prêts et des créances fait l’objet d’incertitudes qui sont expliquées à l’article 8, sous a), des normes techniques de réglementation, repris à l’article 8, sous a), du règlement délégué 2018/345, selon lequel :

« L’évaluateur porte une attention particulière aux éléments pour lesquels existe une incertitude importante en ce qui concerne la valorisation et qui ont une incidence importante sur la valorisation globale. Pour ces éléments, l’évaluateur fournit les résultats de la valorisation sous la forme de meilleures estimations ponctuelles et, lorsque cela est approprié, de fourchettes de valeur, comme prévu à l’article 2, paragraphe 3. Ces éléments sont les suivants :

a)      les prêts ou portefeuilles de prêts dont les flux de trésorerie attendus dépendent de la capacité de la contrepartie à exécuter ses obligations, de sa volonté à le faire ou de mesures l’y incitant, lorsque ces prévisions reposent sur des hypothèses relatives aux taux de défaillance, aux probabilités de défaut, aux pertes en cas de défaut ou aux caractéristiques des instruments, en particulier lorsque l’historique des pertes d’un portefeuille de prêts en atteste ».

285    De plus, aux pages 4 à 11 de l’annexe de la valorisation 2, Deloitte a expliqué les ajustements qu’il avait effectués concernant la valorisation des prêts et des créances, en particulier au regard des risques de défaut de paiement. Les requérantes ne soulèvent aucun argument visant à contester ces ajustements.

286    En outre, les requérantes admettent que, compte tenu du délai limité dont disposait Deloitte, celui-ci ne pouvait pas réaliser une analyse complète et solide des flux de trésorerie actualisés.

287    S’agissant des arguments selon lesquels la norme IFRS 9, qui est une norme comptable, n’était pas adaptée, il suffit de relever que Deloitte a indiqué dans la valorisation 2 que, « bien que nous comprenions que la nouvelle norme IFRS 9 impliquera une augmentation des provisions, cela ne modifiera pas les calculs effectués en l’espèce ». Il en ressort que Deloitte n’a pas utilisé cette méthode et que les arguments des requérantes sont inopérants.

288    S’agissant de la valorisation des ajustements des provisions pour risques juridiques, il y a lieu de constater que la comparaison effectuée par les requérantes entre la valorisation 2 et la valorisation 3, effectuée postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, n’est pas pertinente. Il suffit de relever que la valorisation 3 a été réalisée suivant une méthode et dans un objectif qui étaient différents de ceux de la valorisation 2. De même, la comparaison effectuée avec l’évaluation effectuée par Bankia s’appuyant sur un article de presse n’est pas pertinente, d’autant plus qu’il n’est pas précisé si cette évaluation portait sur l’ensemble des risques juridiques analysés dans la valorisation 2, ni si les résultats étaient véritablement comparables.

289    S’agissant de la valorisation des actifs d’impôts différés, les requérantes admettent qu’elle est incertaine et dépend fortement de l’acquéreur. Elles considèrent que la fourchette retenue par Deloitte est trop étroite, ce qui aurait dû indiquer au CRU et à la Commission que l’approche de Deloitte n’était pas appropriée, et que cette fourchette ne correspond pas à l’ajustement effectué par Banco Santander.

290    Deloitte a notamment indiqué à la page 32 de l’annexe de la valorisation 2 que la valorisation des actifs d’impôts différés non protégés dépendait de l’acquéreur, notamment du fait qu’il s’agisse d’une entité espagnole ou étrangère et que, dans l’hypothèse où l’acquéreur serait une banque espagnole, leur caractère recouvrable et leur comptabilisation au bilan dépendraient du plan d’affaire de Banco Popular et de celui de l’acquéreur. L’annexe de la valorisation 2 mentionne que l’évaluation faite par Deloitte tient compte de ces différentes hypothèses.

291    Les requérantes n’expliquent pas de quelle manière les incertitudes soulignées par Deloitte auraient justifié de procéder à des ajustements différents dans les meilleur et pire scénarios. À cet égard, dans le rapport d’expertise complémentaire annexé à la réplique, l’expert se contente de relever le caractère « surprenant » de cette fourchette. En outre, il y a lieu de rappeler que la comparaison avec les ajustements effectués par Banco Santander n’est pas pertinente.

292    S’agissant de la valorisation des actifs incorporels, les requérantes soutiennent que Deloitte n’a attribué aucune valeur économique, d’une part, aux actifs incorporels liés aux dépôts de base (Core Deposit Intangibles), alors que les retraits concernaient probablement les dépôts les moins stables, ni, d’autre part, à la marque Banco Popular alors qu’il aurait reconnu une valeur minime à la marque Banco Pastor. Selon les requérantes, cette approche suffisait pour conclure que la valorisation 2 n’était pas fiable.

293    D’une part, dans la valorisation 2, Deloitte a estimé, s’agissant des actifs incorporels liés aux dépôts de base, qu’un acquéreur potentiel ne leur attribuerait aucune valeur en raison des importants retraits de dépôts à la date de l’évaluation.

294    Il y a lieu de relever que, eu égard à l’ampleur des sorties de liquidités à la date à laquelle la valorisation 2 a été effectuée, aucun élément ne permet d’affirmer, comme le font les requérantes, que la majorité des dépôts stables étaient demeurés dans la banque.

295    D’autre part, Deloitte a expliqué, concernant le fonds de commerce de Banco Popular, qu’un acquéreur potentiel n’attribuerait aucune valeur à un fonds de commerce préexistant dans la mesure où il ne s’agissait pas d’un actif identifiable dans le contexte d’un regroupement d’entreprises. Il a indiqué que, étant donné la présence forte de la marque Banco Pastor en Galice, cette marque aurait une valeur pour un tiers et qu’il avait estimé la fourchette de valeur en appliquant la méthode des redevances, qui est la méthode la plus utilisée pour évaluer les marques.

296    Les requérantes ne soulèvent aucun argument spécifique de nature à remettre en cause ces explications.

297    S’agissant de la valorisation des entreprises communes, des filiales et des entreprises associées, les requérantes se contentent d’affirmer que, sur la base de rapports d’analyse contemporains et de transactions réelles ou alléguées, le montant retenu par Deloitte constitue une sous-évaluation et qu’une estimation raisonnable serait de 1,5 milliard d’euros.

298    Il suffit de constater, d’une part, que les requérantes n’établissent pas la base sur laquelle repose cette estimation et, d’autre part, que ces arguments ne permettent pas d’identifier les erreurs commises par Deloitte dans la valorisation 2.

299    Par ailleurs, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête [voir arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée, et du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T‑380/17, EU:T:2020:471, point 92 (non publié) et jurisprudence citée]. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée, et du 24 septembre 2019, Pays-Bas e.a./Commission, T‑760/15 et T‑636/16, EU:T:2019:669, point 114 et jurisprudence citée ; voir, également, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 41 et jurisprudence citée).

300    En l’absence d’argument figurant dans la réplique, les renvois généraux au rapport d’expertise complémentaire, figurant en annexe de celle-ci, effectués par les requérantes, ne sauraient être examinés.

301    Il convient de relever que, dans la valorisation 2, Deloitte a expliqué pour chacune des catégories d’actifs la méthode utilisée pour leur valorisation et les incertitudes justifiant les ajustements opérés. Il ressort de ce qui précède que les arguments des requérantes ne remettent pas en cause les ajustements effectués par Deloitte dans la valorisation 2 concernant les différentes catégories d’actifs de Banco Popular et ne permettent pas de conclure que la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste » conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.

302    À titre subsidiaire, les requérantes font également valoir que l’évaluation réalisée par Deloitte, dans la valorisation 2, à l’égard de quatre éléments clés, qui ne seraient pas affectés par la méthode de valorisation applicable, a entraîné une sous-évaluation de 4,8 à 5 milliards d’euros de la valeur de Banco Popular. Les requérantes font référence à l’ajustement de l’actif d’impôt différé, à l’absence de prise en compte des actifs incorporels, notamment ceux liés aux dépôts de base, à la surestimation des éventualités d’ordre juridique et à la sous-estimation de la valeur des entreprises communes, des filiales et des entreprises associées figurant dans la valorisation 2.

303    À cet égard, il suffit de constater que, d’une part, les requérantes se contentent de procéder à une comparaison entre les estimations figurant dans la valorisation 2 et celles figurant dans leur rapport d’expertise complémentaire. D’autre part, elles n’expliquent pas pour quel motif, pour l’évaluation de ces quatre catégories d’actifs, la méthode de valorisation serait indifférente.

304    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième grief.

 Sur le troisième grief, relatif à la fourchette retenue dans la valorisation 2

305    Les requérantes font valoir que l’ampleur de la fourchette retenue dans la valorisation 2 et le fait qu’elle s’écartait des valorisations récentes de l’actif net de Banco Popular auraient dû alerter le CRU et la Commission sur le fait que cette valorisation n’était pas « juste, prudente et réaliste » et ne fournissait pas une base fiable pour adopter le dispositif de résolution.

306    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans la valorisation 2, Deloitte a relevé que le résultat de son évaluation se situait dans une fourchette comprise entre 1,3 milliard et moins 8,2 milliards d’euros, avec la meilleure estimation se situant à l’intérieur de cette fourchette à moins 2 milliards d’euros.

307    En premier lieu, les requérantes font valoir que l’ampleur de la fourchette indiquée dans la valorisation 2 révélerait que celle-ci n’était pas fiable.

308    Il convient de relever que l’ampleur de la fourchette se justifie par la méthode utilisée dans la valorisation 2.

309    À cet égard, s’agissant de la méthodologie utilisée dans la valorisation 2, Deloitte a indiqué qu’il avait adopté une approche catégorie par catégorie, en ajustant les valeurs comptables de chaque classe d’actifs et de passifs pour estimer les pertes et profits et d’autres ajustements que tout acquéreur appliquerait à la valeur. Il a produit une fourchette d’évaluation pour chaque classe d’actifs et de passifs.

310    Cette méthode est conforme à l’article 2, paragraphe 3, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 2, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/345, selon lequel :

« L’évaluateur fournit la meilleure estimation ponctuelle de la valeur d’un actif donné, d’un passif donné ou d’une combinaison de ces deux éléments. Les résultats de la valorisation sont aussi fournis sous la forme de fourchettes de valeurs lorsque cela est approprié. »

311    Ainsi, l’addition des valeurs les plus basses pour chaque classe d’actifs et de passifs a fourni l’estimation basse de la fourchette et l’addition des valeurs les plus hautes a fourni l’estimation haute de la fourchette. Cette méthode explique donc l’ampleur de la fourchette retenue dans la valorisation 2. En outre, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’analyse du premier grief que la détermination de la valeur de cession s’appuie sur des estimations qui impliquent certaines incertitudes justifiant le choix de la présentation des résultats sous forme de fourchette.

312    De plus, comme le souligne la Commission, compte tenu de l’ampleur du bilan total de Banco Popular, avec un chiffre excédant 130 milliards d’euros, la différence entre les deux valeurs de la fourchette ne représentait qu’environ 7 % du bilan.

313    Dans la réplique, les requérantes font valoir que cette comparaison n’est pas pertinente et que l’ampleur de la fourchette, soit 9,5 milliards d’euros, devrait être comparée à la valeur des actifs nets de Banco Popular, soit 10,78 milliards d’euros.

314    À cet égard, il convient de constater, d’une part, que la référence faite par la Commission à la taille du bilan de Banco Popular ne vise pas à apprécier l’exactitude de la fourchette, mais seulement à relativiser son ampleur. D’autre part, l’écart entre le meilleur et le pire scénario de valorisation retenu par Deloitte ne constitue pas une donnée comparable à la valeur comptable des actifs nets de Banco Popular.

315    En second lieu, les requérantes relèvent que Banco Popular avait passé le test de résistance de 2016 et que, bien que Banco Popular ait été confrontée à des problèmes de liquidité, au 31 mars 2017, ses actifs nets s’élevaient à 10,78 milliards d’euros et son activité principale relative aux petites et moyennes entreprises (PME) en franchise demeurait rentable.

316    À cet égard, d’une part, il suffit de constater que le test de résistance de 2016 de Banco Popular, publié en juillet 2016, concerne donc la situation de Banco Popular à une date antérieure de plusieurs mois à la date de l’adoption du dispositif de résolution et ne saurait être considéré comme donnant des indications sur l’évolution financière de Banco Popular. D’autre part, la référence aux actifs nets n’est pas pertinente, dans la mesure où ils ne reflètent que la valeur comptable de Banco Popular et non la valeur de cession à la date de la résolution.

317    Partant, il y a lieu de rejeter le troisième grief.

318    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les requérantes n’ont pas démontré que la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste » au sens de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.

319    Il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en approuvant le dispositif de résolution en ce qu’il était fondé sur la valorisation 2.

320    Dès lors, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation du droit dêtre entendu

321    Les requérantes font valoir que la Commission a violé leur droit d’être entendu en adoptant la décision attaquée sans leur donner la possibilité de présenter des observations. Elles soutiennent qu’elles n’ont pas été entendues au cours de la procédure de résolution alors que leurs intérêts ont été directement et individuellement affectés par la décision attaquée. La Commission serait tenue de veiller à ce que les requérantes soient entendues, conformément à l’article 41 de la Charte, même si le règlement no 806/2014 ne le prévoit pas.

322    Elles estiment que, si le CRU et la Commission avaient respecté leur droit d’être entendu, elles auraient pu présenter des observations de manière utile même dans un court délai. Les requérantes auraient pu aborder la question de la valorisation correcte de Banco Popular et, compte tenu des preuves avancées dans le quatrième moyen, il est probable que le CRU ou la Commission auraient eu une opinion différente sur la valorisation de Banco Popular, ce qui aurait conduit à l’adoption d’un dispositif de résolution différent de celui approuvé par la décision attaquée.

323    La Commission fait valoir que la procédure prévue à l’article 18 du règlement no 806/2014 conduit à l’adoption d’une mesure de portée générale en ce qui concerne les actionnaires et les créanciers de l’établissement soumis à une mesure de résolution et que l’article 41 de la Charte n’est pas applicable. Elle estime, à titre subsidiaire, que l’absence de possibilité pour les requérantes d’être entendues serait justifiée au titre de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

324    Il convient de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte prévoit que le droit à une bonne administration comporte le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre.

325    Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. En outre, il convient de préciser que le droit d’être entendu poursuit un double objectif. D’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé. Le droit d’être entendu vise en particulier à garantir que toute décision faisant grief soit adoptée en pleine connaissance de cause et a notamment pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur ou à la personne concernée de faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir arrêt du 4 juin 2020, SEAE/De Loecker, C‑187/19 P, EU:C:2020:444, points 68 et 69 et jurisprudence citée).

326    Il convient de relever que la Cour a affirmé l’importance du droit d’être entendu et sa portée très large dans l’ordre juridique de l’Union, en considérant que ce droit doit s’appliquer à toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief. Conformément à la jurisprudence de la Cour, le respect du droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (voir arrêts du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, points 85 et 86 et jurisprudence citée ; du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 67 et jurisprudence citée, et du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 89 et jurisprudence citée).

327    Dès lors, eu égard à son caractère de principe fondamental et général de droit de l’Union, l’application du principe des droits de la défense, qui incluent le droit d’être entendu, ne peut être ni exclue ni restreinte par une disposition réglementaire et son respect doit dès lors être assuré tant en l’absence totale d’une réglementation spécifique qu’en présence d’une réglementation qui ne tiendrait pas elle-même compte dudit principe (voir arrêt du 18 juin 2014, Espagne/Commission, T‑260/11, EU:T:2014:555, point 62 et jurisprudence citée).

328    Tout d’abord, il convient de relever que le dispositif de résolution adopté par le CRU a pour objet la résolution de Banco Popular, qui doit dès lors être considérée comme la personne à l’égard de laquelle une mesure individuelle est adoptée et à laquelle le droit d’être entendu est garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

329    Ainsi, il convient de tenir compte du fait que les requérantes ne sont pas destinataires du dispositif de résolution, qui n’est pas une décision individuelle prise à leur encontre, ni de la décision attaquée approuvant ce dispositif de résolution.

330    Toutefois, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a exercé le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres de Banco Popular.

331    Dès lors, la procédure suivie par le CRU pour adopter le dispositif de résolution, même si elle ne constitue pas une procédure individuelle ouverte à l’encontre des requérantes, peut conduire à l’adoption d’une mesure susceptible d’affecter de manière défavorable leurs intérêts en leur qualité de détenteurs d’instruments de fonds propres de Banco Popular.

332    Or, la jurisprudence de la Cour, citée au point 326 ci-dessus, a retenu une interprétation large du droit d’être entendu comme étant garanti à toute personne au cours de la procédure susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief.

333    En outre, d’une part, selon son considérant 121, le règlement no 806/2014 respecte les droits fondamentaux et les droits, libertés et principes reconnus, en particulier, par la Charte, parmi lesquels les droits de la défense, et devrait être mis en œuvre conformément à ces droits et à ces principes. D’autre part, aucune disposition du règlement no 806/2014 n’exclut ni ne restreint explicitement le droit d’être entendu des actionnaires ou des détenteurs d’instruments de fonds propres de l’entité concernée pendant la procédure de résolution.

334    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes ne soulèvent pas d’exception d’illégalité à l’encontre du règlement no 806/2014 en ce qu’il ne prévoit pas d’audition préalable des détenteurs d’instruments de fonds propres avant l’adoption d’un dispositif de résolution. Elles soutiennent que le droit d’être entendu devait leur être reconnu dans le cadre de la procédure de résolution de Banco Popular en application de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

335    Cependant, dans l’hypothèse où les actionnaires et créanciers de l’entité visée par la mesure de résolution pourraient se prévaloir du droit d’être entendu, dans le cadre de la procédure de résolution, l’exercice de ce droit peut être soumis à des limitations, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

336    L’article 52, paragraphe 1, de la Charte indique :

« Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. »

337    La Cour a considéré que les droits fondamentaux, tels que le respect des droits de la défense, n’apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à condition que celles‑ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêts du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 33 et jurisprudence citée, et du 20 décembre 2017, Prequ’Italia, C‑276/16, EU:C:2017:1010, point 50 et jurisprudence citée).

338    Il en ressort que l’absence d’audition des requérantes, en leur qualité de détenteurs d’instruments de fonds propres de Banco Popular, dans le cadre de la procédure de résolution, que ce soit par le CRU ou par la Commission, pouvait être justifiée.

339    Il convient de rappeler que, à l’article 4.2 du dispositif de résolution, le CRU a estimé que la résolution de Banco Popular était conforme à l’intérêt public dans la mesure où elle était nécessaire et proportionnée à la réalisation de deux objectifs visés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, à savoir éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière et assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular. Il a indiqué que la liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité n’aurait pas permis d’atteindre ces objectifs dans la même mesure. Dans la décision attaquée, la Commission a expressément approuvé les raisons que le CRU a avancées pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public.

340    En l’espèce, la limitation du droit d’être entendu des requérantes peut être justifiée, d’une part, par l’objectif de stabilité des marchés financiers et, d’autre part, par la nécessité d’assurer l’efficacité de la résolution de Banco Popular, laquelle devait être effectuée avec célérité.

341    En premier lieu, il convient de relever que plusieurs considérants du règlement no 806/2014, notamment ses considérants 12, 58 et 61, indiquent que la stabilité des marchés financiers est un des objectifs poursuivis par les mécanismes de résolution mis en place par ce règlement.

342    De plus, selon l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14 de ce même règlement, alors qu’une liquidation de l’entité selon une procédure normale d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure. Parmi les objectifs de la résolution visés à l’article 14 du règlement no 806/2014 figurent, notamment, celui d’« éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché », ainsi que celui de « protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ».

343    À cet égard, la Cour a relevé que les services financiers jouent un rôle central dans l’économie de l’Union. Les banques et les établissements de crédit sont une source essentielle de financement pour des entreprises actives sur les différents marchés. De plus, les banques sont souvent interconnectées et nombre d’entre elles exercent leurs activités au niveau international. C’est la raison pour laquelle la défaillance d’une ou de plusieurs banques risque de se propager rapidement aux autres banques soit dans l’État membre concerné, soit dans d’autres États membres. Cela risque à son tour de produire des effets d’entraînement négatifs dans d’autres secteurs de l’économie (arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 50 ; du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 72, et du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C‑501/18, EU:C:2021:249, point 108).

344    La Cour a jugé que l’objectif consistant à garantir la stabilité du système financier tout en évitant des dépenses publiques excessives et en minimisant les distorsions de la concurrence constitue un intérêt public supérieur (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 69).

345    En outre, la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») a considéré, dans sa décision du 1er avril 2004, Camberrow MM5 AD c. Bulgarie (CE:ECHR:2004:0401DEC005035799, point 6), que, dans les domaines économiquement sensibles tels que la stabilité du système bancaire, les États disposaient d’une vaste marge d’appréciation et que, partant, l’impossibilité pour un actionnaire de participer à la procédure conduisant à la vente de la banque n’était pas disproportionnée au regard des objectifs légitimes de protéger les droits des créanciers et de préserver la bonne administration de l’état d’insolvabilité de la banque.

346    Il convient également de mentionner l’arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a. (C‑41/15, EU:C:2016:836), rendu à l’occasion d’une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation des articles 8, 25 et 29 de la deuxième directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article [54, deuxième alinéa, TFUE], en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO 1977, L 26, p. 1). Cette affaire concernait une mesure exceptionnelle des autorités nationales visant à éviter, au moyen d’une augmentation de capital, la défaillance d’une société qui, selon la juridiction de renvoi, menaçait la stabilité financière de l’Union. La Cour a estimé que la protection que la deuxième directive 77/91 conférait aux actionnaires et aux créanciers d’une société anonyme, en ce qui concerne le capital social de celle-ci, ne s’étendait pas à une telle mesure nationale adoptée dans une situation de perturbation grave de l’économie et du système financier d’un État membre qui visait à remédier à une menace systémique pour la stabilité financière de l’Union, résultant de l’insuffisance des fonds propres de la société concernée (arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a., C‑41/15, EU:C:2016:836, point 50). La Cour a ajouté que les dispositions de la deuxième directive 77/91 ne s’opposaient donc pas à une mesure exceptionnelle relative au capital social d’une société anonyme, que les autorités nationales avaient prise, dans une situation de perturbation grave de l’économie et du système financier d’un État membre, sans l’approbation de l’assemblée générale de cette société et dans le but d’éviter un risque systémique et d’assurer la stabilité financière de l’Union (voir arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a., C‑41/15, EU:C:2016:836, point 51 et jurisprudence citée).

347    Ces considérations s’appliquent, par analogie, à la situation d’anciens titulaires d’instruments de fonds propres d’une banque ayant été soumise à une procédure de résolution en application du règlement no 806/2014, tels que les requérantes.

348    Il ressort de ce qui précède que la procédure de résolution, mise en place par le règlement no 806/2014 et décrite dans son article 18, poursuit un objectif d’intérêt général au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir l’objectif visant à garantir la stabilité des marchés financiers, susceptible de justifier une limitation au droit d’être entendu.

349    En l’espèce, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas que la procédure de résolution de Banco Popular était conforme à l’objectif visant à garantir la stabilité financière visé à l’article 14 du règlement no 806/2014.

350    À cet égard, à l’article 4.4.2 du dispositif de résolution, le CRU a expliqué qu’il avait conclu que la situation de Banco Popular entraînait un risque croissant d’effets négatifs significatifs sur la stabilité financière en Espagne, en se fondant sur différents éléments. Parmi ces éléments figuraient, premièrement, la taille et l’importance de Banco Popular, qui constituait la société mère du sixième groupe bancaire d’Espagne, avec un montant total des actifs de 147 milliards d’euros, et qui avait été désignée en 2017 par la Banque d’Espagne comme un établissement d’importance systémique. Le CRU a relevé notamment que Banco Popular était l’un des principaux acteurs du marché en Espagne, avec une part de marché significative dans le segment des PME et qu’elle détenait une part de marché relativement élevée des dépôts (près de 6 %) et un grand nombre de clients de détail (environ 1,4 million) à travers toute l’Espagne. Deuxièmement, le CRU a pris en compte la nature de l’activité de Banco Popular qui s’articulait autour des activités de banque commerciale et se concentrait principalement sur l’offre de financement, la gestion de l’épargne et les services aux particuliers, aux familles et aux entreprises (notamment les PME). Selon le CRU, la similitude du modèle d’entreprise de Banco Popular avec celui d’autres banques commerciales espagnoles pouvait contribuer au potentiel de contagion indirecte à ces banques, lesquelles pourraient être perçues comme devant faire face aux mêmes difficultés.

351    En outre, il convient de relever que le second objectif poursuivi par le dispositif de résolution, à savoir celui d’assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular, participe également de l’objectif d’intérêt général de protection de la stabilité des marchés financiers.

352    Selon l’article 2, paragraphe 1, point 35, de la directive 2014/59, les fonctions critiques d’un établissement sont définies comme « les activités, services ou opérations dont l’interruption est susceptible, dans un ou plusieurs États membres, d’entraîner des perturbations des services indispensables à l’économie réelle ou de perturber la stabilité financière en raison de la taille ou de la part de marché de l’établissement ou du groupe, de son interdépendance interne et externe, de sa complexité ou des activités transfrontières qu’il exerce, une attention particulière étant accordée à la substituabilité de ces activités, services ou opérations ».

353    À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2016/778 de la Commission, du 2 février 2016, complétant la directive 2014/59 en ce qui concerne les circonstances et les conditions dans lesquelles le paiement de contributions ex post extraordinaires peut être partiellement ou totalement reporté, et en ce qui concerne les critères de détermination des activités, services et opérations constitutifs de fonctions critiques et les critères de détermination des activités et services associés constitutifs d’activités fondamentales (JO 2016, L 131, p. 41), prévoit les critères de détermination des fonctions critiques. Il s’agit d’une fonction qui est exercée par un établissement pour des tiers qui ne sont pas affiliés à l’établissement ou au groupe et dont il est probable que sa perturbation soudaine aurait une incidence négative importante sur ces tiers, qu’elle serait contagieuse ou qu’elle porterait atteinte à la confiance générale des acteurs du marché, en raison de l’importance systémique de la fonction pour les tiers et de l’importance systémique de l’établissement ou du groupe dans l’exercice de cette fonction.

354    Ainsi, l’objectif consistant à assurer la continuité des fonctions critiques de l’entité concernée par une mesure de résolution, prévu à l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 806/2014, vise à éviter une interruption de ces fonctions qui serait susceptible d’entraîner des perturbations, non seulement sur le marché concerné, mais également pour l’ensemble de la stabilité financière de l’Union.

355    Dès lors, une mesure de résolution, étant donné qu’elle vise à préserver ou à rétablir la situation financière d’un établissement de crédit, notamment en ce qu’elle constitue une alternative à sa liquidation, doit être regardée comme répondant effectivement à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union (voir, par analogie, arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C‑501/18, EU:C:2021:249, point 108).

356    À cet égard, à l’article 4.2 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué que la résolution de Banco Popular était nécessaire et proportionnée à la réalisation notamment de l’objectif visant à assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular. À l’article 4.4 du dispositif de résolution, le CRU a identifié trois fonctions critiques de Banco Popular, au sens de l’article 6 du règlement délégué 2016/778, à savoir la collecte de dépôts auprès des ménages et des sociétés non financières, les prêts aux PME et les services de paiement en espèces.

357    Les requérantes ne soulèvent aucun argument visant à contester ces appréciations.

358    Il ressort de ce qui précède que la procédure de résolution de Banco Popular poursuivait un objectif d’intérêt général, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir l’objectif visant à garantir la stabilité des marchés financiers, susceptible de justifier une limitation au droit d’être entendu.

359    En second lieu, l’intérêt général de l’Union, notamment la poursuite des objectifs visant à préserver la stabilité des marchés financiers et à assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular, exige qu’une fois les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 remplies, une mesure de résolution soit adoptée dans les meilleurs délais.

360    À cet égard, plusieurs considérants du règlement no 806/2014 impliquent que, lorsqu’une mesure de résolution devient nécessaire, elle doit être adoptée rapidement. Il s’agit notamment des considérants 26, 31 et 53 et, en particulier, du considérant 56 de ce règlement qui prévoit que, afin de limiter les perturbations subies par les marchés financiers et l’économie, la procédure de résolution devrait être conduite en un court laps de temps.

361    La Cour a considéré que le règlement no 806/2014 a pour objectif d’instaurer, conformément à son considérant 8, des mécanismes de résolution plus efficaces, lesquels doivent constituer un instrument essentiel pour éviter les conséquences dommageables des défaillances des banques survenues par le passé et qu’un tel objectif suppose une prise de décision rapide, comme l’illustrent les brefs délais prévus à l’article 18 dudit règlement, afin que la stabilité financière ne soit pas mise en péril (arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE, C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 55).

362    Ainsi, l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 indique notamment que, lorsque la BCE estime qu’une entité est dans une situation de défaillance avérée ou prévisible, elle communique sans retard son évaluation à la Commission et au CRU. Selon le paragraphe 2 de ce même article, lorsque le CRU réalise lui-même une évaluation, elle est communiquée sans retard à la BCE. Si les conditions fixées dans son paragraphe 1 sont remplies, le CRU adopte un dispositif de résolution, lequel, en vertu de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, est transmis à la Commission immédiatement après son adoption. La Commission dispose alors d’un délai de vingt-quatre heures pour approuver un dispositif de résolution ou émettre des objections.

363    Il en ressort que, une fois que l’entité remplit les conditions pour l’adoption d’une mesure de résolution, à savoir, premièrement, qu’elle est dans une situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existe pas d’autre perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou des mesures prudentielles empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable et, troisièmement, que sa résolution est nécessaire pour atteindre un ou plusieurs des objectifs visés à l’article 14 du règlement no 806/2014, l’article 18 du même règlement prévoit qu’une décision doit être adoptée dans un délai très bref.

364    Ainsi, en l’espèce, à compter du moment où la BCE a constaté que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible et où le CRU a estimé que les conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 étaient remplies, le dispositif de résolution devait être adopté le plus rapidement possible.

365    Cette prise de décision rapide était justifiée par la nécessité d’assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular et celle d’éviter les effets négatifs significatifs de la situation de cette dernière sur les marchés financiers, en prévenant notamment les risques de contagion. En l’espèce, la défaillance de Banco Popular étant intervenue un jour de semaine, il était nécessaire d’achever la procédure et d’adopter la décision avant l’ouverture des marchés le 7 juin 2017 au matin.

366    Comme l’a mis en exergue l’avocat général Campos Sánchez-Bordona, au point 80 de ses conclusions dans les affaires jointes ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:16), la célérité avec laquelle ces institutions et ces agences de l’Union doivent prendre leurs décisions est nécessaire afin d’éviter l’impact négatif de la résolution de l’établissement bancaire sur les marchés financiers et cette célérité les oblige de facto à avoir « préparé » la décision avant de lancer la procédure pour profiter de la fermeture des marchés de valeurs mobilières.

367    La rapidité de la prise de décision constituait donc une condition de son efficacité.

368    Ainsi, la Cour a déjà jugé que l’urgence commandant une action immédiate de l’autorité compétente justifiait une limitation du droit d’être entendu des personnes concernées par des mesures adoptées dans le domaine de la responsabilité environnementale (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2010, ERG e.a., C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 67) et dans le domaine de l’agriculture (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2006, Dokter e.a., C‑28/05, EU:C:2006:408, point 76).

369    De plus, dans le domaine des mesures de gels de fonds, la Cour a jugé que la communication des motifs sur lesquels est fondée l’inclusion initiale du nom d’une personne ou d’une entité dans la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, préalablement à cette inclusion, serait de nature à compromettre l’efficacité des mesures de gel de fonds et de ressources économiques qu’impose le droit de l’Union. Afin d’atteindre l’objectif poursuivi par le règlement applicable, de telles mesures doivent, par leur nature même, bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer avec effet immédiat (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 338 à 340 ; du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 51).

370    Pour des raisons tenant également à l’objectif poursuivi par le droit de l’Union et à l’efficacité des mesures prévues par celui-ci, les autorités de l’Union ne sont pas non plus tenues de procéder à une audition des parties requérantes préalablement à l’inclusion initiale de leurs noms dans la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 341, et du 25 avril 2013, Gbagbo/Conseil, T‑119/11, non publié, EU:T:2013:216, point 103).

371    Il en va d’autant plus ainsi dans les cas, comme en l’espèce, où la limitation au droit d’être entendu concerne, non pas l’entité visée par la procédure de résolution, à savoir Banco Popular, mais les requérantes en leur qualité de détenteurs d’instruments de fonds propres de celle-ci.

372    Il convient également de relever que, dans sa décision du 1er avril 2004, Camberrow MM5 AD c. Bulgarie (CE:ECHR:2004:0401DEC005035799), la Cour EDH a constaté que la vente de la banque en faillite en tant qu’entreprise en activité avait été réalisée afin d’obtenir la satisfaction rapide et plus certaine de ses créanciers, qui attendaient depuis des années de recevoir leur dû, et l’achèvement rapide de la procédure de faillite. Par conséquent, la nécessité de simplicité et de rapidité dans la procédure menant à la vente de la banque était d’une importance capitale. Si la loi avait prévu que le tribunal des faillites était tenu de consulter tous les actionnaires et créanciers de la banque, cela aurait entraîné un ralentissement important de la procédure et, par conséquent, un retard supplémentaire dans le paiement des sommes dues aux créanciers et dans l’achèvement de la procédure de faillite.

373    Dans l’arrêt du 24 novembre 2005, Capital Bank AD c. Bulgarie (CE:ECHR:2005:1124JUD004942999, point 136), la Cour EDH a jugé que, dans un domaine économiquement sensible tel que la stabilité du système bancaire et dans certaines situations, il pouvait exister une nécessité impérieuse d’agir avec la plus grande diligence et sans préavis, dans le but d’éviter des dommages irréparables pour la banque, ses déposants et autres créanciers, ou pour le système bancaire et financier dans son ensemble.

374    En outre, le fait que le dispositif de résolution soit susceptible de conduire à une ingérence dans le droit de propriété des requérantes ne saurait justifier une obligation de leur accorder un droit d’être entendu avant l’adoption de celui-ci.

375    À cet égard, le Tribunal a déjà souligné, au point 282 de l’arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a. (T‑680/13, EU:T:2018:486), que les procédures applicables doivent offrir à la personne concernée une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes. Pour s’assurer du respect de cette exigence, qui constitue une exigence inhérente à l’article 1er du protocole no 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, il y a lieu de considérer les procédures applicables d’un point de vue général (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 368 et jurisprudence citée ; du 25 avril 2013, Gbagbo/Conseil, T‑119/11, non publié, EU:T:2013:216, point 119, et Cour EDH, 20 juillet 2004, Bäck c. Finlande, CE:ECHR:2004:0720JUD003759897, point 56). Ainsi, ladite exigence ne saurait être interprétée en ce sens que la personne intéressée doit, en toutes circonstances, pouvoir faire valoir son point de vue auprès des autorités compétentes préalablement à l’adoption des mesures portant atteinte à son droit de propriété (voir, en ce sens, Cour EDH, 19 septembre 2006, Maupas et autres c. France, CE:ECHR:2006:0919JUD001384402, points 20 et 21).

376    Le Tribunal a considéré que tel était, notamment, le cas lorsque, comme en l’espèce, les mesures en cause ne constituaient pas une sanction et s’inscrivaient dans un contexte d’urgence particulière. À ce dernier égard, le Tribunal a relevé qu’il s’agissait de prévenir un risque imminent d’effondrement des banques visées pour préserver la stabilité du système financier d’un État membre et, ainsi, d’éviter une contagion à d’autres États membres de la zone euro. Or, la mise en œuvre d’une procédure de consultation préalable, dans le cadre de laquelle les milliers de déposants et d’actionnaires des banques visées auraient pu utilement faire valoir leur point de vue avant l’adoption des dispositions dommageables, aurait inévitablement retardé l’application des mesures visant à prévenir un tel effondrement. La réalisation de l’objectif consistant à préserver la stabilité du système financier de cet État membre et, ainsi, à éviter une contagion à d’autres États membres de la zone euro en aurait été exposée à d’importants risques (voir arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a., T‑680/13, EU:T:2018:486, point 282 et jurisprudence citée).

377    Cette appréciation a été confirmée par la Cour qui a estimé que le Tribunal avait, à juste titre, appuyé son raisonnement sur l’arrêt de la Cour EDH du 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce (CE:ECHR:2016:0721JUD006306614), dont il ressort que l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi ne saurait être interprétée en ce sens que les personnes concernées auraient dû être consultées préalablement à l’adoption de cette loi, notamment lorsqu’une telle consultation préalable aurait inévitablement retardé l’application des mesures visant à prévenir l’effondrement des banques concernées (arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 159).

378    Par ailleurs, il y a lieu de considérer que la nécessité d’agir rapidement sans informer les actionnaires et les créanciers d’une entité de l’imminence d’une procédure de résolution la concernant vise à éviter l’aggravation de la situation de cette entité qui nuirait à l’efficacité de la mesure de résolution. En effet, informer les actionnaires ou les détenteurs d’obligations de la banque que celle-ci pourrait être soumise à une procédure de résolution, et donc qu’elle a été considérée comme étant en situation de défaillance avérée ou prévisible, pourrait les inciter à vendre leurs titres sur les marchés et également conduire à un retrait massif des dépôts, ce qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation financière de la banque et de rendre plus difficile, voire impossible, l’adoption d’une solution susceptible d’empêcher sa liquidation.

379    À cet égard, comme cela ressort du considérant 116 du règlement no 806/2014, cité au point 187 ci-dessus, la communication de toute information à propos d’une décision avant que celle-ci ne soit adoptée, qu’elle porte sur le fait que les conditions de la résolution sont remplies, sur le recours à un instrument spécifique ou sur une mesure adoptée au cours de la procédure, est susceptible d’avoir des conséquences pour les intérêts publics et privés concernés par l’action.

380    Il convient de relever que, dans la requête, les requérantes admettent que le simple fait de laisser entendre que le CRU serait en train d’examiner s’il doit appliquer ses pouvoirs à l’égard d’une entité particulière constituerait un événement important pour le marché, qui amènerait les investisseurs, les créanciers et les déposants à prendre des mesures de protection pour éviter les pertes.

381    Il y a donc lieu de considérer que l’audition des requérantes, avant l’adoption du dispositif de résolution ou avant l’adoption de la décision attaquée aurait entraîné un ralentissement substantiel de la procédure et, partant, aurait compromis tant la réalisation des objectifs de la mesure que son efficacité.

382    À cet égard, les requérantes soutiennent que la Commission et le CRU ont examiné la nécessité potentielle d’une mesure de résolution pendant plusieurs semaines avant l’adoption de la décision attaquée, ce qui aurait accordé suffisamment de temps à la Commission pour auditionner les requérantes.

383    Il suffit de constater que, avant le 6 juin 2017, date à laquelle la BCE a constaté que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, et avant la décision du CRU de mettre en œuvre la procédure de résolution, la résolution de Banco Popular ne constituait qu’une potentialité. En outre, les requérantes n’expliquent pas à partir de quel moment la Commission aurait dû consulter les détenteurs d’instruments de fonds propres de Banco Popular et il convient de tenir compte du fait que leur identité pouvait changer, étant donné que les instruments de fonds propres sont négociables sur les marchés.

384    Il s’ensuit, d’une part, qu’une audition préalable des requérantes, les informant de l’existence d’une potentielle mesure de résolution, aurait conduit à un risque qu’elles adoptent des comportements sur le marché aggravant la situation financière de Banco Popular. Une telle audition aurait ainsi pu nuire à l’efficacité de la mesure de résolution envisagée.

385    D’autre part, compte tenu de l’urgence de l’adoption du dispositif de résolution, il n’aurait pas été possible de consulter au préalable les requérantes, au même titre que les autres actionnaires ou détenteurs d’instruments de fonds propres de Banco Popular, non seulement en raison des difficultés liées à leur identification, mais également en raison de l’impossibilité d’analyser efficacement leurs observations avant l’adoption du dispositif de résolution ou de la décision attaquée.

386    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’une audition des requérantes, préalablement à l’adoption du dispositif de résolution ou de la décision attaquée, aurait compromis les objectifs de protection de la stabilité des marchés financiers et de continuité des fonctions critiques de l’entité ainsi que les exigences de rapidité et d’efficacité de la procédure de résolution.

387    Dès lors, l’absence d’audition des requérantes dans le cadre de la procédure de résolution de Banco Popular constitue une limitation au droit d’être entendu qui est justifiée et nécessaire pour répondre à un objectif d’intérêt général et respecte le principe de proportionnalité, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

388    Partant, le sixième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du droit de propriété

389    Les requérantes soutiennent que le dispositif de résolution approuvé par la décision attaquée viole leur droit de propriété consacré par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Elles font valoir que le dispositif de résolution approuvé par la décision attaquée les a expropriées de leurs instruments de fonds propres. La dépréciation des instruments de fonds propres décidée dans le dispositif de résolution constituerait une expropriation illégale, qui ne respecterait pas les exigences de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, dans la mesure où elle ne respecterait pas les conditions « prévues par le droit » et ne prévoirait pas une juste indemnité.

390    L’article 17, paragraphe 1, de la Charte prévoit :

« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. »

391    Selon une jurisprudence constante, le droit de propriété garanti par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte n’est pas une prérogative absolue et son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Par conséquent, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à la condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 69 et 70 et jurisprudence citée ; arrêts du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 85, et du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, point 100).

392    Il en ressort que le droit de propriété n’est pas un droit absolu, mais que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, cité au point 336 ci-dessus, il peut faire l’objet de limitations si celles-ci sont prévues par les textes applicables, nécessaires à la poursuite d’un objectif général et proportionnées à cet objectif.

393    Il convient de rappeler que, à l’article 6 du dispositif de résolution, le CRU a décidé, en application de l’article 21 du règlement no 806/2014, de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular selon les modalités précisées au point 73 ci-dessus.

394    En outre, il ressort, d’une part, du considérant 61 du règlement no 806/2014 que les restrictions aux droits des actionnaires et des créanciers devraient être conformes aux principes énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et, d’autre part, du considérant 62 du même règlement que les atteintes aux droits de propriété ne devraient pas être disproportionnées.

395    Selon l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, relatif aux principes généraux régissant la résolution, les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes.

396    À cet égard, la Cour a jugé, s’agissant des actionnaires des banques, que, selon le régime général applicable au statut des actionnaires des sociétés anonymes, ceux-ci assument pleinement le risque de leurs investissements (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 73).

397    La Cour a estimé, dans le domaine des aides d’État, que les actionnaires étant responsables des dettes de la banque à concurrence du capital social de celle-ci, le fait que les points 40 à 46 de la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (« communication concernant le secteur bancaire ») (JO 2013, C 216, p. 1) exigent que, pour remédier au déficit de fonds propres d’une banque, préalablement à l’octroi d’une aide d’État, ces actionnaires contribuent à absorber les pertes subies par celle-ci dans la même mesure qu’en l’absence d’une telle aide d’État ne saurait être considéré comme affectant leur droit de propriété (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 74).

398    Il y a lieu de considérer, par analogie, que la décision, dans le dispositif de résolution, de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular dont étaient titulaires les requérantes est la conséquence du fait que les actionnaires d’une entité doivent supporter les risques inhérents à leurs investissements et du fait que, cette entité faisant l’objet d’une mesure de résolution en raison de sa défaillance, ils doivent en supporter les conséquences économiques.

399    À cet égard, le Tribunal a déjà jugé qu’une mesure consistant dans la réduction de la valeur nominale des actions d’une banque chypriote était proportionnée à l’objectif poursuivi par cette mesure. Il a, tout d’abord, relevé que cette mesure visait à contribuer à la recapitalisation de la banque et que cette mesure était apte à l’objectif consistant à assurer la stabilité du système financier chypriote et de la zone euro dans son ensemble. Ensuite, il a constaté que cette mesure n’excédait pas les limites de ce qui était approprié et nécessaire à la réalisation de cet objectif, étant donné que des alternatives moins restrictives n’étaient pas réalisables ou n’auraient pas permis d’atteindre les résultats escomptés. Enfin, il a considéré que, compte tenu de l’importance de l’objectif poursuivi, la mesure ne générait pas des inconvénients démesurés. Il a rappelé, à cet égard, que les actionnaires des banques assument pleinement le risque de leurs investissements (arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a., T‑680/13, EU:T:2018:486, point 330).

400    Dans ces circonstances, le Tribunal a conclu qu’il ne saurait être considéré que la réduction de la valeur nominale des actions de cette banque constituait une intervention démesurée et intolérable qui porte atteinte à la substance même du droit de propriété des actionnaires (arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a., T‑680/13, EU:T:2018:486, point 331).

401    En outre, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 343 ci-dessus que les services financiers jouent un rôle central dans l’économie de l’Union et que la défaillance d’une ou de plusieurs banques risque de se propager rapidement aux autres banques soit dans l’État membre concerné, soit dans d’autres États membres.

402    La Cour a déjà jugé que, compte tenu de l’objectif consistant à assurer la stabilité du système bancaire dans la zone euro, et eu égard au risque imminent de pertes financières auquel les déposants auprès des banques concernées auraient été exposés en cas de faillite de ces dernières, certaines restrictions au droit de propriété pouvaient être justifiées (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 74).

403    La Cour a également jugé que, bien qu’il y ait un intérêt général clair à garantir à travers l’Union une protection forte et cohérente des investisseurs, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système financier (arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 91, et du 8 novembre 2016, Dowling e.a., C‑41/15, EU:C:2016:836, point 54).

404    Or, il y a lieu de rappeler que, à l’article 4.2 du dispositif de résolution, le CRU a estimé que la résolution était nécessaire et proportionnée aux objectifs prévus à l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 806/2014, visant à assurer la continuité des fonctions critiques et à éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière notamment en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché. Il a indiqué que la liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité n’aurait pas permis d’atteindre ces objectifs dans la même mesure. Dans la décision attaquée, la Commission a explicitement approuvé les raisons avancées par le CRU pour justifier la mesure de résolution dans l’intérêt public.

405    Ainsi, le dispositif de résolution en ce qu’il visait à préserver ou à rétablir la situation financière de Banco Popular et notamment en ce qu’il constituait une alternative à sa liquidation répondait à un objectif d’intérêt général au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir garantir la stabilité des marchés financiers.

406    Les requérantes indiquent qu’elles ne remettent pas en cause la compatibilité du mécanisme de résolution unique tel que prévu par le règlement no 806/2014 avec la Charte et qu’elles admettent que la résolution d’une banque défaillante, conformément aux dispositions de ce règlement, visant à protéger la stabilité du système bancaire, poursuit légalement un intérêt public.

407    En premier lieu, les requérantes soutiennent que la décision de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular qu’elles détenaient est contraire aux exigences de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte dans la mesure où elle ne respectait pas les conditions prévues par la loi. Le dispositif de résolution et la décision attaquée ne respecteraient pas les principes généraux du droit de l’Union, ni les dispositions du règlement no 806/2014 pour les motifs exposés dans leurs autres moyens.

408    À cet égard, il suffit de constater qu’il ressort de l’analyse des autres moyens que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans l’application des dispositions du règlement no 806/2014, ni une violation des principes généraux du droit.

409    En outre, d’une part, il y a lieu de constater que, dans leurs autres moyens, les requérantes ne contestent pas que les conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 justifiant l’adoption du dispositif de résolution étaient remplies. D’autre part, les requérantes ne soulèvent pas d’arguments spécifiques visant à établir que la dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres décidées par le CRU, qui est la mesure susceptible de porter atteinte à leur droit de propriété, ne serait pas conforme aux dispositions de l’article 21 du règlement no 806/2014 et que la Commission n’aurait donc pas dû l’approuver.

410    Il en ressort que les requérantes n’ont soulevé aucun argument de nature à remettre en cause, d’une part, le fait que la décision du CRU de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular était conforme aux conditions prévues par le règlement no 806/2014 et, d’autre part, le fait que cette décision était nécessaire à la poursuite d’un objectif général susceptible de justifier une restriction au droit de propriété.

411    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que le dispositif de résolution et la décision attaquée enfreignent l’article 17, paragraphe 1, de la Charte en ce qu’ils n’envisagent pas de leur octroyer une indemnisation.

412    Il y a lieu de relever que l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014 établit qu’aucun créancier n’encourt des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si l’entité soumise à une procédure de résolution avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité.

413    Afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’entité concernée avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014 prévoit qu’une valorisation est réalisée postérieurement à la résolution. Selon l’article 20, paragraphe 17, du règlement no 806/2014, cette valorisation établit s’il existe une différence entre le traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et les créanciers si l’établissement avait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision sur la mesure de résolution a été prise et le traitement réel dont ils ont fait l’objet dans le cadre de la résolution.

414    Si, à la suite de cette valorisation, il est établi que les actionnaires ou créanciers ont subi des pertes plus importantes dans le cadre de la résolution que celles qu’ils auraient subies lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité, l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU peut recourir au FRU pour les dédommager.

415    Il s’ensuit que le règlement no 806/2014 met en place un mécanisme visant à garantir aux actionnaires ou aux créanciers de l’entité soumise à une résolution une juste indemnité conformément aux exigences de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.

416    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le fait qu’elles n’aient pas obtenu d’indemnisation à la date du dispositif de résolution ne suffit pas pour établir une violation de leur droit de propriété dans la mesure où l’article 17, paragraphe 1, de la Charte ne prévoit pas un versement d’une indemnité concomitant à la restriction du droit de propriété, mais un versement en temps utile.

417    Par ailleurs, s’agissant des arguments des requérantes visant à contester la valorisation 3, soulevés dans la réplique, relatifs au manque d’indépendance de Deloitte et à la violation de leur droit d’accès au dossier, il suffit de constater qu’ils sont inopérants. En effet, ces arguments concernent la valorisation 3 effectuée postérieurement à l’adoption de la décision attaquée et une procédure distincte, ils ne sont donc pas susceptibles de remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

418    En troisième lieu, dans la réplique, les requérantes font valoir qu’une indemnité déterminée sur le fondement de la différence de traitement des créanciers dans le cadre d’une mesure de résolution et dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité ne constitue pas une juste indemnité au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Elles soutiennent que, si la Commission avait respecté le droit de l’Union, la décision attaquée n’aurait pas été adoptée ou le dispositif de résolution aurait été différent et, dès lors, le paiement d’un dédommagement sur le fondement de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 ne constituerait pas une juste indemnité. Le dédommagement réel des requérantes devrait être déterminé sur la base du scénario contrefactuel correct qui serait l’absence de résolution suivie d’une solution privée ou, subsidiairement, une résolution fondée sur une valorisation correcte de Banco Popular.

419    Il convient de rappeler que le principe, visé à l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014, selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal traité, a pour objectif de garantir que, si l’atteinte au droit de propriété des requérantes résultant du dispositif de résolution est plus importante que celle qu’elles auraient subie si Banco Popular avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité, elles pourraient bénéficier d’une indemnisation.

420    Or, en l’espèce, dans le dispositif de résolution, le CRU a constaté que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, à savoir que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, qu’aucune autre mesure prudentielle ou de secteur privé était susceptible d’empêcher sa défaillance compte tenu des délais requis et que la mesure de résolution était nécessaire dans l’intérêt public. Il convient de rappeler que les requérantes ne contestent pas que ces conditions étaient remplies en l’espèce.

421    Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où le dispositif de résolution n’aurait pas été adopté, l’alternative consistait en la liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité, ce que les requérantes ont admis lors de l’audience.

422    De plus, il ressort de l’analyse du troisième moyen que le scénario contrefactuel invoqué par les requérantes et figurant dans leur rapport d’expertise complémentaire, consistant dans l’absence de résolution de Banco Popular suivie d’une solution privée, n’est pas pertinent.

423    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la valeur de leur investissement ne doit pas être calculée au regard de la situation précédant l’adoption du dispositif de résolution, mais correspond à l’hypothèse où le dispositif de résolution n’aurait pas été adopté, ce qui correspond à une situation de liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité.

424    À cet égard, dans le domaine des aides d’État, la Cour a jugé que les pertes des actionnaires des banques en difficultés auront, en tout état de cause, la même ampleur, indépendamment de la question de savoir si leur cause repose sur un jugement de déclaration de faillite en raison de l’absence d’octroi d’une aide d’État ou sur une procédure d’octroi d’une telle aide soumise à la condition préalable de répartition des charges (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 75).

425    La Cour a relevé que le point 46 de la communication concernant le secteur bancaire prévoit qu’« il convient de respecter le principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus désavantagé » et que « [l]es créanciers subordonnés ne devraient donc pas recevoir moins, en termes économiques, que ce que leur instrument aurait valu en l’absence d’aide d’État » (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 77).

426    Selon la Cour, il résulte de ce point que les mesures de répartition des charges auxquelles serait subordonné l’octroi d’une aide d’État en faveur d’une banque déficitaire ne peuvent porter au droit de propriété des créanciers subordonnés une atteinte que ceux-ci n’auraient pas subie dans le cadre d’une procédure de faillite consécutive à l’absence d’octroi d’une telle aide. Dans ces conditions, il ne saurait être valablement soutenu que les mesures de répartition des charges, telles que celles prévues par la communication concernant le secteur bancaire, constituent une ingérence dans le droit de propriété des actionnaires et des créanciers subordonnés (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 78 et 79).

427    De plus, s’agissant d’un titre, le montant de l’indemnité due s’apprécie par rapport à la véritable valeur marchande de ce titre au moment de l’adoption de la réglementation litigieuse, et non par rapport à sa valeur nominale ou au montant que son détenteur espérait percevoir au moment de son acquisition (voir arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a., T‑680/13, EU:T:2018:486, point 314 et jurisprudence citée).

428    Il y a donc lieu de considérer, par analogie, que l’application en l’espèce du principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal traité, prévu à l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014, garantit aux requérantes une juste indemnité conforme aux exigences de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.

429    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que, premièrement, Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible et qu’il n’existait pas de mesures alternatives susceptibles d’empêcher cette situation, deuxièmement, à défaut de résolution, Banco Popular aurait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité et, troisièmement, les actionnaires de Banco Popular devaient assumer le risque de leurs investissements et le règlement no 806/2014 prévoit le versement éventuel d’une indemnité en application du principe selon lequel aucun créancier n’est plus mal traité. Partant, il y a lieu de conclure que la décision de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular dans le dispositif de résolution ne constitue pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit de propriété des requérantes, mais doit être considérée comme une restriction à leur droit de propriété justifiée et proportionnée, conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

430    Par ailleurs, il convient de relever que les requérantes soutiennent que le traitement dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité est le bon critère pour déterminer l’indemnisation lorsque la résolution d’une banque a été effectuée légalement. Elles font valoir que, en l’espèce, le dispositif de résolution n’ayant pas été conforme aux dispositions du règlement no 806/2014, l’indemnisation qui leur est due devrait se baser sur la situation dans laquelle elles se seraient trouvées sans les actes illégaux.

431    Il y a lieu de constater qu’une telle argumentation ne vise pas à établir une violation du droit de propriété, mais constitue, en réalité, la revendication d’une indemnisation pour un préjudice subi du fait d’une illégalité commise par une institution de l’Union, susceptible d’être octroyée dans le cadre d’un recours indemnitaire.

432    Partant, le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur les demandes de mesures dorganisation de la procédure

433    Dans la requête, les requérantes présentent des demandes de mesures d’organisation de la procédure visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission, au CRU et à la BCE de produire certains documents.

434    Il y a lieu de relever que, par son ordonnance de mesures d’instruction, du 21 mai 2021, au titre de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, et de l’article 103 du règlement de procédure, le Tribunal a ordonné à la Commission et au CRU la production de certains documents cités au point 93 ci-dessus. Par ordonnance du 16 juin 2021, le Tribunal a considéré que les documents produits par la Commission et par le CRU dans leur version confidentielle n’étaient pas pertinents pour la solution du litige. En revanche, la lettre de Banco Popular à la BCE du 6 juin 2017, sans son annexe, a été communiquée aux autres parties.

435    S’agissant de demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 117 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 novembre 2020, Fleig/SEAE, C‑446/19 P, non publié, EU:C:2020:918, point 53).

436    En l’espèce, il y a lieu de relever que les éléments contenus dans le dossier ainsi que les explications données lors de l’audience sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

437    Il s’ensuit que les demandes de mesures d’organisation de la procédure des requérantes doivent être rejetées.

438    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du chef de conclusions des requérantes, soulevé à titre subsidiaire, visant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée.

 Sur les dépens

439    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et Banco Santander, conformément aux conclusions de ces dernières.

440    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement de procédure, le terme « institutions » désigne les institutions de l’Union visées à l’article 13, paragraphe 1, TUE ainsi que les organes ou organismes créés par les traités ou par un acte pris pour leur exécution et qui peuvent être parties devant le Tribunal. Selon l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU est une agence de l’Union. Le CRU supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Algebris (UK) Ltd et Anchorage Capital Group LLC supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et Banco Santander, SA.

3)      Le Conseil de résolution unique (CRU) supportera ses propres dépens.

Van der Woude

Jaeger

Kreuschitz

De Baere

 

      Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er juin 2022.

Signatures


Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

Sur la situation de Banco Popular avant l’adoption du dispositif de résolution

Sur d’autres faits antérieurs à l’adoption du dispositif de résolution

Sur le dispositif de résolution de Banco Popular du 7 juin 2017

Sur les faits postérieurs à l’adoption de la décision de résolution

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission n’a pas examiné le dispositif de résolution avant de l’approuver

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des obligations de secret professionnel et de bonne administration

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’application des articles 14, 18, 20 à 22 et 24 du règlement n o 806/2014

Sur le premier grief, relatif à la fiabilité de la valorisation 2 et à son caractère provisoire

Sur le deuxième grief, relatifs aux ajustements effectués par Deloitte

Sur le troisième grief, relatif à la fourchette retenue dans la valorisation 2

Sur le sixième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du droit de propriété

Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.