Language of document : ECLI:EU:T:2015:982

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 décembre 2015 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Viande bovine – Viandes ovine et caprine – Tabac – Article 69 du règlement (CE) no 1782/2003 – Article 31, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1290/2005 – Article 23, paragraphe 1, du règlement (CE) no 796/2004 »

Dans l’affaire T‑241/13,

République hellénique, représentée par M. I. Chalkias, Mmes S. Papaïoannou et A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Marcoulli et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2013/123/UE de la Commission, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 67, p. 20), en tant qu’elle exclut certaines dépenses effectuées par la République hellénique,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. M. Collins, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 novembre 2010, à la suite d’une enquête menée du 17 au 20 avril 2007 et portant la référence NAC/2007/004, la Commission européenne a notifié à la République hellénique son intention d’exclure du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par cet État membre dans le domaine de la politique agricole commune (PAC) pour les exercices financiers 2007, 2008 et 2009 (années de demande 2006 et 2007).

2        Les dépenses en cause avaient été effectuées par la République hellénique au titre de l’article 69 du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la PAC et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (JO L 270, p. 1).

3        Le 3 janvier 2011, la République hellénique a demandé l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives, conformément à l’article 31, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la PAC (JO L 209, p. 1).

4        Le 19 avril 2011, l’organe de conciliation a rendu son avis, sous la référence 11/GR/467.

5        Le 23 juillet 2012, la Commission a communiqué sa position finale à la République hellénique (ci-après la « position finale »).

6        Le 15 octobre 2012, un rapport de synthèse concernant les résultats des inspections de la Commission dans le contexte de la procédure d’apurement de conformité conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la PAC (JO L 160, p. 103), et à l’article 31 du règlement no 1290/2005 a été établi par la Commission et communiqué aux États membres (ci-après le « rapport de synthèse »).

7        Par décision d’exécution 2013/123/UE, du 26 février 2013, adoptée à la suite d’une procédure d’apurement de conformité appliquée au titre de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 et, en ce qui concerne les dépenses effectuées après le 16 octobre 2006, de l’article 31 du règlement no 1290/2005, la Commission a écarté du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 67, p. 20, ci-après la « décision attaquée »), en raison de leur non-conformité aux règles de l’Union.

8        Dans cette décision, la Commission a notamment exclu du financement de l’Union 3 686 189,20 euros de dépenses engagées par les organismes payeurs grecs pour les secteurs de la viande bovine, des viandes ovine et caprine et du tabac, pour les exercices financiers 2007, 2008 et 2009 (années de demande 2006 et 2007), et déclarées au titre du FEOGA, section « Garantie », ou du FEAGA (ci-après, pris ensemble, le « Fonds »), en raison de leur non-conformité avec les règles de l’Union.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 avril 2013, la République hellénique a introduit le présent recours.

10      Par décision du président du Tribunal du 1er juillet 2013, la présente affaire a été attribuée à la sixième chambre. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée le 27 septembre 2013.

11      Par décision du président du Tribunal du 3 février 2015, la présente affaire a été réattribuée à la sixième chambre et à un nouveau juge rapporteur.

12      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

13      Le 27 mai 2015, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, les parties ont été invitées à répondre à certaines questions. Elles ont déféré à cette demande dans les délais impartis.

14      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 juillet 2015.

15      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en tant qu’elle la concerne, conformément à ce qui a été exposé dans le recours ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

 En droit

17      La République hellénique invoque deux moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est tiré, en substance, d’une violation de l’article 69 du règlement no 1782/2003 et de l’article 31 du règlement no 1290/2005, s’agissant des dépenses écartées dans les secteurs de la viande bovine et des viandes ovine et caprine. Le second moyen est tiré, en substance, d’une violation de l’article 23 du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement no 1782/2003 (JO L 141, p. 18), d’une appréciation erronée des faits, d’une motivation insuffisante et contradictoire et d’une erreur de fait, s’agissant des dépenses écartées dans le secteur du tabac.

18      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte des écritures des parties, la République hellénique ne conteste la décision attaquée que dans la mesure où la Commission a exclu du financement de l’Union des dépenses engagées par les organismes payeurs grecs pour les secteurs de la viande bovine, des viandes ovine et caprine et du tabac, pour les exercices financiers 2007, 2008 et 2009 (années de demande 2006 et 2007), et ce pour un montant total de 3 686 189,20 euros.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 69 du règlement no 1782/2003 et de l’article 31 du règlement no 1290/2005, s’agissant des dépenses écartées dans les secteurs de la viande bovine et des viandes ovine et caprine

19      Le premier moyen repose, en substance, sur deux branches. Dans une première branche, la République hellénique met en avant une violation de l’article 69 du règlement no 1782/2003. Dans une seconde branche, la République hellénique invoque une violation de l’article 31 du règlement no 1290/2005.

 Sur la première branche du premier moyen, relative à une violation de l’article 69 du règlement no 1782/2003

20      La République hellénique soutient que les États membres disposent de compétences étendues pour mettre en œuvre les mesures relatives au financement de la PAC prévues par le règlement no 1782/2003. L’article 69 dudit règlement s’inscrirait dans cette logique, en prévoyant que les États membres peuvent conserver jusqu’à 10 % du montant total des aides correspondant à chaque secteur de produits afin d’octroyer un paiement supplémentaire dans le même secteur, pour des types particuliers d’agriculture. Si l’État membre choisit d’utiliser cette possibilité, il serait seul compétent, sur la base de la marge d’appréciation très étendue dont il dispose, pour déterminer les producteurs de produits de secteurs spécifiques qui bénéficieront de l’aide en question ainsi que les conditions et les modalités particulières concernant l’octroi de ce paiement supplémentaire. Dès lors, une défaillance éventuelle d’un État membre due à des irrégularités de forme ou de procédure dans la mise en œuvre de l’article 69 du règlement no 1782/2003, telles qu’elles auraient été constatées par la Commission en l’espèce, ne serait pas de nature à entraîner une correction financière. La République hellénique conteste en particulier le fait que les manquements relevés par la Commission aient pu avoir des incidences sur les objectifs poursuivis par l’article 69 du règlement no 1782/2003.

21      La Commission conteste les arguments exposés par la République hellénique.

22      Il y a lieu de rappeler que la procédure d’apurement des comptes présentés par les États membres au titre des dépenses financées par le Fonds vise à constater notamment la réalité et la régularité des dépenses. De plus, dans la procédure d’apurement de conformité, la Commission a l’obligation de procéder à une correction financière si les dépenses dont le financement est demandé n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union, une telle correction financière tendant à éviter la mise à la charge du Fonds de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause [voir arrêt du 10 juillet 2014, Grèce/Commission, T‑376/12, Rec (Extraits), EU:T:2014:623, point 163 et jurisprudence citée].

23      Par ailleurs, il y a lieu de relever que le règlement no 1782/2003 vise à permettre la transition de l’aide à la production vers l’aide au producteur par la réduction progressive des paiements directs et l’introduction d’un régime d’aide au revenu découplée de la production, à savoir le paiement unique déterminé sur la base des droits antérieurs au cours d’une période de référence, afin de rendre les agriculteurs de l’Union plus concurrentiels. L’introduction du régime de paiement unique s’insère dans la nouvelle PAC dont l’un des principaux objectifs est la rationalisation et la simplification des règles pertinentes de l’Union, tout en réalisant une plus grande décentralisation de la mise en œuvre des politiques, en laissant une plus grande marge aux États membres et à leurs régions (arrêt du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, Rec, EU:C:2013:567, points 17 et 18).

24      Le titre III du règlement no 1782/2003 contient les règles de base du régime de paiement unique. Il est ainsi prévu que les agriculteurs ayant bénéficié, au cours d’une période de référence, d’un paiement au titre d’au moins un des régimes d’aide visés à l’annexe VI du règlement no 1782/2003 ont droit à une aide calculée sur la base d’un montant de référence obtenu, pour chaque agriculteur, à partir de la moyenne annuelle, sur cette période, du total des paiements accordés au titre de ces régimes. Le total des montants de référence ne peut être supérieur à un plafond national fixé pour chaque État membre à l’annexe VIII du même règlement.

25      Le chapitre 5 du titre III du règlement no 1782/2003 contient, quant à lui, des dispositions qui permettent aux États membres de décider, notamment, d’appliquer partiellement le régime de paiement unique. Les États membres peuvent ainsi maintenir certains paiements directs couplés à la production.

26      L’article 69 du règlement no 1782/2003 fait partie de ces dernières dispositions. Il prévoit que les États membres peuvent conserver jusqu’à 10 % de la composante des plafonds nationaux de chaque secteur visé à l’annexe VI du même règlement et effectuer, sur une base annuelle, un paiement supplémentaire aux agriculteurs dans le ou les secteurs visés par ladite mesure. Ce paiement supplémentaire est octroyé pour des types particuliers d’agriculture, qui sont importants pour la protection ou l’amélioration de l’environnement ou pour l’amélioration de la qualité et de la commercialisation des produits agricoles.

27      Les conditions d’octroi du paiement supplémentaire prévu par l’article 69 du règlement no 1782/2003 ont été définies par la Commission à l’article 48 de son règlement (CE) no 795/2004, du 21 avril 2004, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le règlement no 1782/2003 (JO L 141, p. 1).

28      En l’espèce, ainsi qu’il résulte du rapport de synthèse, la Commission a relevé, s’agissant des secteurs de la viande bovine et des viandes ovine et caprine, des lacunes à la fois dans les contrôles clés et dans les contrôles secondaires. Par ailleurs, la Commission a constaté que les critères d’admissibilité pour bénéficier de l’aide avaient été modifiés après la fin de l’année de demande 2006, s’agissant du secteur de la viande bovine, et fixés tardivement pour les années de demande 2006 et 2007, s’agissant du secteur des viandes ovine et caprine. Ces lacunes ont entraîné des corrections financières forfaitaires, pour les exercices financiers 2007, 2008 et 2009, s’agissant des secteurs de la viande bovine et des viandes ovine et caprine, ainsi qu’une correction financière ponctuelle, pour l’exercice financier 2007, s’agissant du secteur de la viande bovine.

29      La République hellénique ne remet pas en cause les constatations factuelles de la Commission reprises dans le rapport de synthèse. Elle soutient en substance, premièrement, qu’elle disposait d’une marge de manœuvre dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 69 du règlement no 1782/2003 et, deuxièmement, que les lacunes constatées n’auraient pas eu d’incidence sur les objectifs poursuivis par ledit article 69.

30      En premier lieu, il convient de relever que le paiement supplémentaire prévu par l’article 69 du règlement no 1782/2003 vise, d’une part, à inciter les agriculteurs à respecter les exigences relatives à l’amélioration de la qualité de leurs produits et à la protection de l’environnement, en tant que récompense pour leur meilleure adaptation aux nouvelles exigences de la PAC, et, d’autre part, à atténuer les répercussions qu’entraîne de fait pour certains secteurs de produits la transition du régime de paiements directs au régime de paiement unique (arrêt Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, point 23 supra, EU:C:2013:567, point 47).

31      Dans ce contexte, l’article 69 du règlement no 1782/2003 accorde à tous les États membres une certaine marge d’appréciation pour effectuer des paiements supplémentaires dans le cadre de la réforme de la PAC. Toutefois, l’habilitation accordée aux États membres est strictement encadrée et subordonnée à une série de conditions de nature à la fois matérielle et procédurale (voir, en ce sens, arrêt Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, point 23 supra, EU:C:2013:567, points 23 et 29).

32      En particulier, l’article 48, paragraphe 6, du règlement no 795/2004, qui est spécifiquement visé dans le rapport de synthèse s’agissant des secteurs de la viande bovine et des viandes ovine et caprine (points 11.2.1.2 et 11.2.1.3 du rapport de synthèse), prévoit ce qui suit :

« Les États membres concernés communiquent, au plus tard le 1er août de l’année précédant la première année d’application du régime de paiement unique, les informations relatives au paiement qu’ils entendent octroyer et, en particulier, les conditions d’admissibilité et les secteurs concernés.

Toute modification de la communication visée au premier alinéa est effectuée au plus tard le 1er août d’une année donnée et s’applique à l’année suivante. Elle est notifiée immédiatement à la Commission, accompagnée de l’indication des critères objectifs justifiant cette modification. Un État membre ne peut cependant pas modifier les secteurs concernés ni le taux de retenue. »

33      Cette obligation permet à la Commission d’être informée des conditions d’admissibilité décidées par les États membres. Elle permet également de s’assurer que les opérateurs concernés connaissent, avant le début de l’année de demande, les conditions qui leur permettront d’accéder au paiement supplémentaire prévu par l’article 69 du règlement no 1782/2003. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que ledit paiement supplémentaire vise, notamment, à inciter les agriculteurs à respecter les exigences relatives à l’amélioration de la qualité de leurs produits et à la protection de l’environnement, en tant que récompense pour leur meilleure adaptation aux nouvelles exigences de la PAC. Cette fonction incitative du paiement supplémentaire ne peut être effective que si les conditions d’admissibilité pour une année de demande sont connues par les agriculteurs concernés, avant le début de ladite année, et ne sont pas modifiées a posteriori. Or, en l’espèce, aucun élément ne permet de considérer que les agriculteurs concernés du secteur des viandes ovine et caprine ont eu connaissance, à temps, des conditions d’admissibilité pour les années de demande 2006 et 2007, comme l’a relevé l’organe de conciliation au point 6.3 de son rapport. En outre, s’agissant du secteur de la viande bovine, les conditions d’admissibilité ont été modifiées après la fin de l’année de demande 2006.

34      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la Commission a constaté, outre ce manquement à l’article 48, paragraphe 6, du règlement no 795/2004, des lacunes concernant à la fois les contrôles clés et les contrôles secondaires sur le fondement, en particulier, de l’article 23, paragraphe 1, de l’article 25 et de l’article 28, paragraphe 1, sous d), du règlement no 796/2004 ainsi que du point 1 C et du point 4 A de l’annexe I du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 (JO L 171, p. 90), tels qu’ils étaient applicables au moment des faits.

35      À cet égard, il convient de rappeler que les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides sont correctement observées. Si l’organisation d’un tel ensemble de contrôles fait défaut ou si celle mise en place par un État membre est défaillante au point de laisser subsister des doutes quant à l’observation de ces conditions, la Commission est fondée à ne pas reconnaître certaines dépenses effectuées par l’État membre concerné (arrêts du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, C‑8/88, Rec, EU:C:1990:241, points 20 et 21 ; du 14 avril 2005, Espagne/Commission, C‑468/02, EU:C:2005:221, point 36, et du 30 septembre 2009, Portugal/Commission, T‑183/06, EU:T:2009:370, point 31).

36      S’agissant des règles concernant la charge de la preuve dans le domaine de l’apurement des comptes, la Commission est obligée de justifier sa décision constatant l’absence de contrôles ou les défaillances dans leur mise en œuvre par l’État membre concerné. Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles-ci, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes des fonds agricoles européens et qu’il lui incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêts du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, Rec, EU:C:2001:4, points 7 à 9 ; du 6 mars 2001, Pays-Bas/Commission, C‑278/98, Rec, EU:C:2001:124, points 39 à 41, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec, EU:C:2005:103, points 33 à 36).

37      En l’espèce, il y a lieu de relever que les lacunes constatées par la Commission quant aux contrôles clés et aux contrôles secondaires s’agissant des secteurs de la viande bovine et des viandes ovine et caprine constituent des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable que la Commission éprouvait quant à l’ensemble des contrôles administratifs et des contrôles sur place que la République hellénique devait mettre en place afin de s’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides étaient correctement observées. Par ailleurs, il convient de constater que la République hellénique ne conteste pas, devant le Tribunal, les lacunes constatées par la Commission s’agissant des secteurs de la viande bovine et des viandes ovine et caprine. Dès lors, aucun élément ne permet de remettre en cause la décision de la Commission de ne pas reconnaître certaines dépenses effectuées par la République hellénique. En outre, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient la République hellénique, en substance, la marge de manœuvre dont elle dispose dans le cadre de l’article 69 du règlement no 1782/2003 ne saurait la soustraire aux obligations qui pèsent sur elle, notamment celle de s’assurer du respect des conditions d’octroi du paiement supplémentaire en cause qui est mis à la charge du Fonds.

38      En second lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la République hellénique, en substance, les manquements constatés par la Commission en l’espèce ont nécessairement eu une incidence sur les objectifs poursuivis par l’article 69 du règlement no 1782/2003. Cela découle, en particulier, du fait que les agriculteurs concernés n’étaient pas informés, en temps utile, des conditions d’octroi du paiement supplémentaire, enlevant de ce fait la fonction incitative recherchée par l’article 69 du règlement no 1782/2003. Par ailleurs, les lacunes constatées par la Commission quant aux contrôles clés et aux contrôles secondaires ne permettaient pas de s’assurer que les paiements supplémentaires mis à la charge du Fonds répondaient effectivement aux objectifs poursuivis par l’article 69 du règlement no 1782/2003. Enfin, et en tout état de cause, il convient de souligner que les lacunes relevées par la Commission consistaient notamment en la communication tardive du taux maximal de microflore pour le lait ovin et caprin et en la modification a posteriori du nombre minimal de vêlages par producteur pour la viande bovine. Or, comme le souligne à juste titre la Commission, ces lacunes concernaient des conditions d’admissibilité qui étaient étroitement liées aux objectifs poursuivis par l’article 69 du règlement no 1782/2003.

39      Dans ces conditions, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, c’est à bon droit que la Commission a pu décider, en l’espèce, qu’une correction financière devait être appliquée pour les paiements effectués par les organismes payeurs grecs, au titre de l’article 69 du règlement no 1782/2003, s’agissant des secteurs de la viande bovine et des viandes ovine et caprine.

40      Compte tenu de ces éléments, il convient de rejeter, comme non fondée, la première branche du premier moyen.

 Sur la seconde branche du premier moyen, relative à une violation de l’article 31 du règlement no 1290/2005

41      La République hellénique relève que l’une des conditions prévues par l’article 31 du règlement no 1290/2005 pour pouvoir imposer une correction financière est qu’un préjudice ait été causé au Fonds. Or, en l’espèce, les paiements supplémentaires prévus par l’article 69 du règlement no 1782/2003 ne seraient pas octroyés en plus du plafond national des paiements directs, mais résulteraient d’une retenue dont feraient l’objet les producteurs du même secteur. Ces paiements ne créeraient donc pas un préjudice au Fonds, de sorte que l’une des conditions prévues par l’article 31 du règlement no 1290/2005 ne serait pas réunie. En fait, la correction financière imposée en l’espèce créerait un enrichissement sans cause du Fonds, dès lors que les 10 % visés par l’article 69 du règlement no 1782/2003 seraient retenus auprès des agriculteurs bénéficiant des aides directes du secteur concerné.

42      La Commission conteste les arguments exposés par la République hellénique.

43      Il y a lieu de relever que, selon l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005 qui est visé, en substance, par la République hellénique dans ses écritures :

« La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté. »

44      En l’espèce, il suffit de constater que, contrairement à ce que fait valoir, en substance, la République hellénique, l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005 n’instaure pas une condition subordonnant chaque correction à la démonstration d’un préjudice réel subi par le Fonds (voir, en ce sens, ordonnance du 15 juillet 2014, Grèce/Commission, C‑71/13 P, EU:C:2014:2119, point 21). L’invocation de cette disposition par la République hellénique n’est donc pas susceptible de remettre en cause les conclusions de la Commission, qui reposent sur l’absence de conformité des dépenses effectuées avec les règles de l’Union.

45      En outre, il y a lieu de rejeter l’argument de la République hellénique visant à considérer que, en l’espèce, il existerait un enrichissement sans cause du Fonds. En effet, ainsi que l’expose à juste titre la Commission dans ses écritures, le paiement supplémentaire accordé au titre de l’article 69 du règlement no 1782/2003 est financé par le Fonds. Le fait que la réserve de 10 % visée à l’article 69 du règlement no 1782/2003 soit constituée, en fait, par une réduction du montant des paiements uniques octroyés aux agriculteurs des secteurs concernés ne saurait modifier cette conclusion. Dès lors, l’argument de la République hellénique est manifestement non fondé.

46      Compte tenu de ces éléments, il convient de rejeter, comme non fondée, la seconde branche du premier moyen.

47      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 23 du règlement no 796/2004, d’une appréciation erronée des faits, d’une motivation insuffisante et contradictoire et d’une erreur de fait, s’agissant des dépenses écartées dans le secteur du tabac

48      Le second moyen repose, en substance, sur deux branches. Dans une première branche, la République hellénique met en avant une violation de l’article 23 du règlement no 796/2004, une appréciation erronée des faits et une motivation insuffisante et contradictoire. Dans une seconde branche, la République hellénique invoque une erreur de fait.

 Sur la première branche du second moyen, relative à une violation de l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 796/2004, à une appréciation erronée des faits et à une motivation insuffisante et contradictoire

49      La République hellénique relève que la correction financière forfaitaire opérée par la Commission dans le secteur du tabac reposait notamment sur l’absence de contrôles pendant une période d’environ deux mois pendant la campagne de 2006. Or, l’article 23 du règlement no 796/2004 ne fixerait pas de délai précis pour effectuer les contrôles sur place, mais exigerait seulement que les contrôles soient efficaces. Dans le secteur du tabac, les contrôles sur place pourraient avoir lieu après le mois de septembre, une fois que les feuilles de tabac ont été récoltées, sans que leur efficacité soit compromise, ce que la Commission aurait reconnu durant la procédure. La motivation de la Commission ne trouverait aucun fondement dans la réglementation. Elle serait par ailleurs insuffisante et imprécise, car elle ne permettrait pas de déterminer en quoi les contrôles en cause auraient été inefficaces. Cette motivation serait également en contradiction avec le fait que la Commission aurait reconnu, durant la procédure, que les contrôles auraient été efficaces. Dans le cadre de sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, la République hellénique souligne qu’il existe une contradiction manifeste entre la motivation reprise dans la position finale et celle reprise dans le rapport de synthèse.

50      La Commission indique qu’elle a accepté les explications fournies par la République hellénique concernant le retard dans la date de la réalisation des contrôles sur place. Ce retard ne constituerait pas un motif de correction financière dans le secteur du tabac, comme il résulterait de la position finale de la Commission. La correction financière opérée reposerait sur les carences constatées dans les contrôles clés des industries de transformation en 2006 et en 2007, qui font l’objet du second grief. Dans le cadre de sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, la Commission indique que la « discordance » qui pourrait apparaître entre la position finale et le rapport de synthèse serait « manifestement due à une erreur ou à l’hésitation de l’auteur du rapport de synthèse quant à ‘l’importance’ de la carence constituée par l’absence de contrôles ». La Commission relève toutefois que cette « divergence » n’aurait pas d’incidence sur la correction financière appliquée en l’espèce. Invoquant le document no VI/5330/97 intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document no VI/5330/97 »), la Commission soutient que, en l’espèce, la carence relative à une « absence de contrôles clés dans les entreprises de transformation en 2006 et en 2007 », également constatée dans le rapport de synthèse, justifierait à elle seule une correction financière « de l’ordre de 5 % ». Par conséquent, la prise en compte ou non d’une autre carence ne modifierait pas le niveau de la correction financière finalement appliquée.

51      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi que les parties l’ont confirmé dans leurs réponses à la mesure d’organisation de la procédure, le rapport de synthèse a été transmis aux États membres dans le cadre du comité du Fonds, devenu comité des Fonds agricoles. Le considérant 6 de la décision attaquée précise à cet égard que, « [p]our les cas visés à la[dite] décision, l’évaluation des montants à écarter en raison de leur non-conformité aux règles de l’Union […] a été communiquée par la Commission aux États membres dans le cadre d’un rapport de synthèse ». La Commission indique par ailleurs, en introduction du rapport de synthèse, que « [c]haque décision est accompagnée d’un rapport de synthèse des enquêtes effectuées, qui permet d’évaluer si les États membres ont fait l’objet d’un traitement équitable en ce qui concerne les conclusions tirées ». Le rapport de synthèse constitue donc un document essentiel à la compréhension de la motivation de la décision attaquée, celle-ci ayant été adoptée sur cette base (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2011, Luxembourg/Commission, T‑232/08, EU:T:2011:751, point 12).

52      En l’espèce, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte de la page 74 du rapport de synthèse, la Commission a décidé d’imposer à la République hellénique une correction financière forfaitaire dans le secteur du tabac en retenant deux lacunes dans les contrôles clés, à savoir une « période sans contrôle (près de deux mois) en 2006 » et une « absence de contrôles clés dans les entreprises de transformation en 2006 et en 2007 ».

53      Toutefois, ainsi qu’il résulte du point 4.3 de la position finale, la lacune portant sur une « période sans contrôle (près de deux mois) en 2006 » ne faisait plus partie des lacunes retenues par la Commission.

54      Par ailleurs, le point 2.4 de la position finale, intitulé « Période sans contrôle », contient un quatrième paragraphe qui précise que la Commission accepte, s’agissant du secteur du tabac, que la période sans contrôle en cause relève d’un défaut de gestion qui n’a pas eu d’effet négatif significatif sur l’efficacité des contrôles sur place. Ce quatrième paragraphe a disparu du point équivalent du rapport de synthèse, à savoir le point 11.2.5.4.

55      Il existe donc une contradiction apparente entre la motivation de la position finale et celle du rapport de synthèse, ce que la Commission a reconnu, en substance, dans le cadre de sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure. Le rapport de synthèse est également en contradiction avec le fait que la Commission aurait accepté, comme elle l’indique dans ses écritures, les explications de la République hellénique durant la procédure administrative concernant la lacune en cause.

56      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une contradiction dans la motivation d’une décision constitue une violation de l’obligation qui découle de l’article 296 TFUE de nature à affecter la validité de l’acte en cause s’il est établi que, en raison de cette contradiction, le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l’acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique (voir arrêt du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, EU:T:2009:49, point 67 et jurisprudence citée).

57      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, la Cour et le Tribunal sont compétents pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir. L’article 264 TFUE prévoit que, si le recours est fondé, l’acte contesté est déclaré nul et non avenu. La Cour et le Tribunal ne peuvent donc, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (voir arrêt du 28 février 2013, Portugal/Commission, C‑246/11 P, EU:C:2013:118, point 85 et jurisprudence citée).

58      Premièrement, il convient de constater que, à la lecture du rapport de synthèse, il n’est pas possible de déterminer si la mention dans celui-ci de la lacune relative à la « période sans contrôle (près de deux mois) en 2006 » résulte d’une simple erreur matérielle ou de la volonté de la Commission de tenir compte, finalement, de cette lacune, alors même qu’elle semblait avoir accepté les explications de la République hellénique durant la procédure administrative. En effet, d’une part, l’ajout de la mention de cette lacune est concomitant avec le retrait de la position exprimée par la Commission, dans la position finale, selon laquelle la lacune en cause n’aurait pas eu d’effet négatif significatif sur l’efficacité des contrôles sur place. D’autre part, la Commission a elle-même reconnu dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure que la contradiction en cause était « manifestement due à une erreur ou à l’hésitation de l’auteur du rapport de synthèse quant à ‘l’importance’ de la carence constituée par l’absence de contrôles ». La Commission envisage donc deux hypothèses distinctes pour expliquer la mention, dans le rapport de synthèse, de la lacune relative à la « période sans contrôle (près de deux mois) en 2006 ». La République hellénique se trouve dès lors dans une situation où elle doit procéder par voie de conjectures pour tenter de comprendre pourquoi la lacune en cause est mentionnée dans le rapport de synthèse, alors qu’elle ne l’était plus dans la position finale, et de déterminer si cette lacune a été prise en compte aux fins de fixer la correction financière et, le cas échéant, quelle a été son incidence sur la fixation du niveau de ladite correction. Il convient d’ailleurs de relever que, dans le cadre de son recours devant le Tribunal, la République hellénique a développé des arguments, au fond, pour démontrer que la Commission avait commis une erreur en retenant la lacune en cause.

59      Deuxièmement, selon le document no VI/5330/97, invoqué par la Commission, « [l]orsqu’un même système recèle plusieurs carences, les taux forfaitaires de correction ne sont pas cumulatifs, la carence la plus grave étant considérée comme indicative des risques présentés par le système de contrôle dans son ensemble » (document no VI/5330/97, p. 13). Cette partie du document no VI/5330/97 est mentionnée dans le rapport de synthèse. La Commission ajoute, s’agissant du secteur du tabac : « [p]ar conséquent, pour l’année de demande 2007, lorsqu’une ou plusieurs lacunes de contrôles clés sont mises au jour, ainsi que des lacunes de contrôles auxiliaires, le risque que ces dernières présentent pour le Fonds est compensé par une correction financière correspondant à (une ou plusieurs) lacunes de contrôles clés ».

60      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de souligner que la partie pertinente du document no VI/5330/97 n’a été invoquée dans le rapport de synthèse que pour relativiser l’incidence des lacunes dans les contrôles secondaires sur le niveau de la correction forfaitaire imposée, comme le démontre l’utilisation de l’expression « par conséquent ».

61      Ensuite, il convient de relever que le passage pertinent du rapport de synthèse contient, une nouvelle fois, une contradiction de motivation par rapport à la position finale, ce que la Commission a reconnu lors de l’audience. En effet, alors que le rapport de synthèse évoque « l’année de demande 2007 », la position finale évoque les « années de demande 2006 et 2007 ». Il y a lieu de souligner ici que la contradiction de motivation soulevée par la République hellénique concerne l’année de demande 2006. Il y a également lieu de relever que le titre du rapport de synthèse concernant le secteur du tabac contient la phrase suivante : « Modification de la correction financière proposée pour l’année de demande 2006 ». Toutefois, l’année de demande 2006 n’est pas visée par les motifs du rapport de synthèse qui fondent la correction financière. Ces différents éléments ajoutent une confusion certaine à une motivation qui est déjà contradictoire.

62      Enfin, et à supposer que la lacune relative à l’« absence de contrôles clés dans les entreprises de transformation en 2006 et en 2007 » puisse justifier une correction financière « de l’ordre de 5 % », comme le soutient la Commission, il n’est pas possible de déterminer, à la lecture du rapport de synthèse, si cette lacune aurait été retenue par la Commission, en l’espèce, pour déterminer le niveau de la correction financière concernant l’année de demande 2006 ou si la Commission aurait plutôt tenu compte de la lacune relative à la « période sans contrôle (près de deux mois) en 2006 », voire des deux lacunes. En effet, en premier lieu, le rapport de synthèse indique, de façon ambiguë, que la correction financière correspond à « une ou plusieurs » lacunes de contrôles clés (rapport de synthèse, p. 74). En second lieu, il convient de relever que le rapport de synthèse, dans sa partie relative aux « principales constatations » (point 11.2.1 du rapport de synthèse) et aux « remarques générales » (point 11.2.1.1 du rapport de synthèse), contient un titre relatif aux lacunes constatées dans la « planification des contrôles sur place » dans les secteurs des bovins, des ovins « et du tabac ». La Commission y indique que « le lancement tardif des contrôles sur place en 2006 (près de deux mois après le délai de dépôt des demandes) a donné lieu à une période sans contrôle et a nui par conséquent à l’efficacité de l’ensemble du système de contrôle ». Cette constatation est reprise dans la partie du rapport de synthèse intitulée « Position finale de la Commission » (point 11.2.5 du rapport de synthèse), où il est indiqué que la Commission « maintient que le lancement tardif des contrôles sur place (près de deux mois après le délai de dépôt des demandes) a donné lieu à une période sans contrôle et qu’il a sapé l’efficacité de l’ensemble du système de contrôle et entraîné un risque pour le Fonds ». Il résulte de ces éléments que, contrairement à ce qu’a soutenu la Commission, notamment lors de l’audience, il ne peut pas être considéré que la lacune relative à la « période sans contrôle (près de deux mois) en 2006 » aurait été appréhendée comme étant secondaire, voire négligeable, et que seule la lacune relative à l’« absence de contrôles clés dans les entreprises de transformation en 2006 et en 2007 » aurait fondé le niveau de la correction financière concernant l’année de demande 2006.

63      Il résulte de ces considérations que la contradiction de motivation qui existe entre le rapport de synthèse et les autres documents pertinents de la procédure administrative, à laquelle s’ajoutent d’autres imprécisions ou contradictions de motivation dans ledit rapport, ne permet pas à la République hellénique de connaître la motivation réelle de la décision attaquée quant à la correction financière imposée pour les paiements relatifs à l’année de demande 2006 dans le secteur du tabac.

64      Il convient dès lors d’accueillir la première branche du second moyen et d’annuler, sur cette base, la décision attaquée, en tant qu’elle exclut certaines dépenses effectuées par la République hellénique, dans le secteur du tabac, au titre de l’année de demande 2006.

 Sur la seconde branche du second moyen, relative à une erreur de fait

65      La République hellénique relève que la correction financière forfaitaire opérée par la Commission dans le secteur du tabac reposait également sur l’absence de contrôles clés dans les entreprises de transformation de tabac. En particulier, la Commission aurait estimé que le système de contrôle mis en place en Grèce ne serait pas pleinement conforme à l’article 38 du règlement no 796/2004 et aux dispositions de contrôle de l’article 33, paragraphe 3, du même règlement. Or, la procédure de contrôle du paiement supplémentaire dans le secteur du tabac serait réglementée de manière exhaustive par plusieurs dispositions nationales, que la République hellénique présente dans ses écritures. Ces dispositions, qui seraient scrupuleusement respectées, démontreraient que le système mis en place en Grèce respecte la réglementation de l’Union. L’appréciation de la Commission reposerait donc sur une erreur de fait. La République hellénique ajoute que l’article 33 quater, paragraphe 2, du règlement no 796/2004 invoqué par la Commission ne concernerait pas les paiements visés par l’article 69 du règlement no 1782/2003. Par ailleurs, renvoyant à deux autres décisions de la Commission écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par les États membres, la République hellénique soutient, dans sa réplique, que la décision attaquée violerait le principe non bis in idem. Enfin, la République hellénique réfute les arguments de la Commission visant à considérer que les mesures nationales de contrôle n’étaient pas en vigueur pour la période concernée.

66      La Commission conteste les arguments exposés par la République hellénique.

67      À titre liminaire, il convient de relever que la lacune relative à l’« absence de contrôles clés dans les entreprises de transformation » concerne les paiements effectués dans le secteur du tabac au titre des années de demande 2006 et 2007. Il y a lieu de rappeler également que la première branche du second moyen a été accueillie et qu’il convient d’annuler la décision attaquée, en tant qu’elle exclut certaines dépenses effectuées par la République hellénique, dans le secteur du tabac, au titre de l’année de demande 2006. Toutefois, dans la mesure où cette annulation ne concerne que l’année de demande 2006, la République hellénique conserve un intérêt à voir examiner ces arguments par le Tribunal s’agissant des paiements réalisés au titre de l’année de demande 2007, dont la correction financière repose exclusivement sur la lacune relative à l’« absence de contrôles clés dans les entreprises de transformation ».

68      Selon l’article 33 quater, paragraphe 2, du règlement no 796/2004, applicable aux paiements supplémentaires en vertu de l’article 38 du même règlement, les contrôles « au stade de la première transformation et du conditionnement du tabac » comprennent notamment « une vérification des stocks de l’entreprise de transformation ». Le paragraphe 3 de cette même disposition précise que « [l]es contrôles prévus par le[dit] article s’effectuent sur le lieu même où le tabac brut est transformé ».

69      En l’espèce, il ressort du rapport de synthèse que, selon la Commission, des vérifications supplémentaires auraient dû compléter celles déjà effectuées lors des contrôles des livraisons de tabac, comme le « contrôle des stocks des entreprises » (point 11.2.1.4 3 du rapport de synthèse).

70      La République hellénique a confirmé à la Commission qu’elle ne réalisait « aucun des contrôles » en cause, notamment car ils ne seraient pas économiquement rentables (point 11.2.2.4 2 du rapport de synthèse).

71      Il suffit à cet égard de constater que, comme l’a reconnu la République hellénique durant la procédure administrative, les contrôles sur place portant sur les stocks des entreprises de transformation du tabac n’étaient pas effectués, en contrariété donc avec les dispositions pertinentes du règlement no 796/2004. Dès lors, sur ce fondement, la Commission était habilitée à imposer une correction financière.

72      Les autres arguments de la République hellénique ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

73      S’agissant du fait, avancé par la République hellénique, que la procédure de contrôle du paiement supplémentaire dans le secteur du tabac serait réglementée de manière exhaustive par plusieurs dispositions nationales, il n’est pas de nature à démontrer que les contrôles sur place portant sur les stocks des entreprises de transformation du tabac auraient effectivement été effectués.

74      Pour ce qui est des documents fournis en annexe 7 à la requête, et à supposer qu’ils aient été produits durant la procédure administrative, ils ne sont pas susceptibles de démontrer que des contrôles sur place portant sur les stocks des entreprises de transformation du tabac auraient effectivement été effectués comme le relève, à juste titre, la Commission dans ses écritures. En effet, comme le précise d’ailleurs la République hellénique, ces documents sont constitués : de trois demandes de certification des tabacs réceptionnés, accompagnées des états détaillés correspondants des tabacs réceptionnés et des attestations de contrôle des transformations émanant de la direction de l’agriculture de la préfecture de Kavala (Grèce) ; d’une demande faite par une entreprise de transformation auprès de l’Organismos pliromon kai elenchou koinotikon enischyseon prosanatolismou kai engyiseon (agence hellénique de paiement et de contrôle des aides communautaires d’orientation et de garantie) s’agissant de la réception de tabacs achetés, accompagnée de l’attestation correspondante de cette agence relative au contrôle de l’entrée des quantités concernées, de l’état détaillé des tabacs réceptionnés et de l’attestation de contrôle de la transformation de la préfecture de Kavala ; de déclarations solennelles d’une entreprise de transformation concernant l’importation de tabac de la Bulgarie, accompagnées des relevés de vente de tabac emballé correspondants. Ces documents ne concernent donc pas les contrôles sur place des stocks des entreprises de transformation.

75      Enfin, s’agissant de l’invocation du principe non bis in idem, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cet argument invoqué au stade de la réplique, il suffit de constater que les deux autres décisions de la Commission écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par les États membres, invoquées par la République hellénique, lues à la lumière de leurs rapports de synthèse respectifs, concernent des années de demande, des régimes d’aide ou des lacunes différents de ceux de la présente affaire. Dès lors, l’argument avancé par la République hellénique est manifestement non fondé.

76      Compte tenu de ces éléments, il convient de rejeter, comme non fondée, la seconde branche du second moyen.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

78      Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution 2013/123/UE de la Commission, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en tant qu’elle exclut certaines dépenses effectuées par la République hellénique, dans le secteur du tabac, au titre de l’année de demande 2006.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne et la République hellénique supporteront leurs propres dépens.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le grec.