ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
20 avril 1999 (1)
«Concurrence Article 85 du traité CE Effets d'un arrêt d'annulation Droits
de la défense Amende»
Dans les affaires jointes T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94, T-315/94,
T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94,
Limburgse Vinyl Maatschappij NV, société de droit belge, établie à Bruxelles,
représentée par Me Inne G. F. Cath, avocat près le Hoge Raad der Nederlanden,
ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Lambert Dupong, 4-6, rue de
la Boucherie,
Elf Atochem SA, société de droit français, établie à Paris, représentée par
Mes Xavier de Roux, Charles-Henri Léger et Jacques-Philippe Gunther, avocats au
barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Jacques
Loesch, 11, rue Goethe,
BASF AG, société de droit allemand, établie à Ludwigshafen (Allemagne),
représentée par Me Ferdinand Hermanns, avocat à Düsseldorf, ayant élu domicile
à Luxembourg en l'étude de Mes Jacques Loesch et Marc Wolters, 11, rue Goethe,
Shell International Chemical Company Ltd, société de droit anglais, établie à
Londres, représentée par MM. Kenneth B. Parker, QC, du barreau d'Angleterre
et du pays de Galles, et John W. Osborne, solicitor, ayant élu domicile à
Luxembourg en l'étude de Me Jean Hoss, 2, place Winston Churchill,
DSM NV et DSM Kunststoffen BV, sociétés de droit néerlandais, établies à
Heerlen (Pays-Bas), représentées par Me Inne G. F. Cath, avocat près le Hoge
Raad der Nederlanden, ayant élu domicile à Luxembourg, en l'étude de
Me Lambert Dupong, 4-6, rue de la Boucherie,
Wacker-Chemie GmbH, société de droit allemand, établie à Munich (Allemagne),
Hoechst AG, société de droit allemand, établie à Francfort-sur-le Main
(Allemagne),
représentées par Mes Hans Hellmann et Hans-Joachim Hellmann, avocats à
Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Jacques Loesch et
Marc Wolters, 11, rue Goethe,
Société artésienne de vinyle, société de droit français, établie à Paris, représentée
par Me Bernard van de Walle de Ghelcke, avocat au barreau de Bruxelles, ayant
élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Alex Schmitt, 7, Val Sainte-Croix,
Montedison SpA, société de droit italien, établie à Milan (Italie), représentée par
Mes Giuseppe Celona, Giorgio Aghina, avocats au barreau de Milan, et Piero
Angelo Maria Ferrari, avocat au barreau de Rome ayant élu domicile à
Luxembourg en l'étude de Me Georges Margue, 20, rue Philippe II,
Imperial Chemical Industries plc, société de droit anglais, établie à Londres,
représentée par MM. David Vaughan, QC, David Anderson, barrister, du barreau
d'Angleterre et du pays de Galles, Victor White et Richard Coles, solicitors, ayant
élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Lambert Dupong, 4-6, rue de la
Boucherie,
Hüls AG, société de droit allemand, établie à Marl (Allemagne), représentée
initialement par Me Hansjürgen Herrmann, avocat à Cologne, puis par Me Frank
Montag, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de
Me Jacques Loesch, 11, rue Goethe,
Enichem SpA, société de droit italien, établie à Milan, représentée par Mes Mario
Siragusa, avocat au barreau de Rome, et Francesca Maria Moretti, avocat au
barreau de Bologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Elvinger,
Hoss et Prussen, 2, place Winston Churchill,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée initialement par
MM. Berend Jan Drijber, Julian Currall et Marc van der Woude, membres du
service juridique, en qualité d'agents, assistés de Mes Éric Morgan de Rivery, avocat
au barreau de Paris, Alexandre Böhlke, avocat à Francfort-sur-le-Main, David
Lloyd Jones, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, Renzo Maria
Morresi, avocat au barreau de Bologne, et Nicholas Forwood, QC, puis par
M. Currall, assisté également de Me Marc van der Woude, avocat au barreau de
Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la
Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/599/CE de la
Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CE (IV/31.865 PVC) (JO L 239, p. 14),
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),
composé de Mme V. Tiili, président, MM. K. Lenaerts et A. Potocki, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du 9
au 12 février 1998,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- A la suite de vérifications effectuées dans le secteur du polypropylène, les 13 et
14 octobre 1983, fondées sur l'article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février
1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13,
p. 204, ci-après «règlement n° 17»), la Commission des Communautés européennes
a ouvert un dossier concernant le polychlorure de vinyle (ci-après «PVC»). Elle a
alors opéré diverses vérifications dans les locaux des entreprises concernées et
adressé plusieurs demandes de renseignements à ces dernières.
- 2.
- Le 24 mars 1988, la Commission a ouvert, au titre de l'article 3, paragraphe 1, du
règlement n° 17, une procédure d'office à l'encontre de quatorze producteurs de
PVC. Le 5 avril 1988, elle a adressé à chacune de ces entreprises la communication
des griefs prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63/CEE de la
Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19,
paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après «règlement
n° 99/63»). Toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs ont
présenté des observations dans le courant du mois de juin 1988. A l'exception de
Shell International Chemical Company Ltd, qui n'en avait pas fait la demande, elles
ont été entendues dans le courant du mois de septembre 1988.
- 3.
- Le 1er décembre 1988, le comité consultatif en matière d'ententes et de positions
dominantes a émis son avis sur l'avant-projet de décision de la Commission.
- 4.
- Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision 89/190/CEE, du
21 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité
CEE (IV/31.865, PVC) (JO 1989, L 74, p. 1, ci-après «décision initiale» ou
«décision de 1988»). Par cette décision, la Commission a sanctionné, pour
infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, les producteurs de PVC suivants:
Atochem SA, BASF AG, DSM NV, Enichem SpA, Hoechst AG, Hüls AG,
Imperial Chemical Industries plc, Limburgse Vinyl Maatschappij NV, Montedison
SpA, Norsk Hydro AS, la Société artésienne de vinyle, Shell International Chemical
Company Ltd, Solvay et Cie et Wacker-Chemie GmbH.
- 5.
- Toutes ces entreprises, à l'exception de Solvay et Cie (ci-après «Solvay»), ont
déposé un recours contre cette décision devant le juge communautaire afin d'en
obtenir l'annulation.
- 6.
- Par ordonnance du 19 juin 1990, Norsk Hydro/Commission (T-106/89, non publiée
au Recueil), le Tribunal a déclaré irrecevable le recours de cette entreprise.
- 7.
- Les affaires, enregistrées sous les numéros T-79/89, T-84/89, T-85/89, T-86/89,
T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, ont été
jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.
- 8.
- Par arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79/89, T-84/89, T-85/89,
T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89,
Rec. p. II-315), le Tribunal a déclaré inexistante la décision de 1988.
- 9.
- Sur pourvoi de la Commission, la Cour a, par arrêt du 15 juin 1994,
Commission/BASF e.a. (C-137/92 P, Rec. p. I-2555, ci-après «arrêt du 15 juin
1994»), annulé l'arrêt du Tribunal et la décision de 1988.
- 10.
- A la suite de cet arrêt, la Commission a adopté, le 27 juillet 1994, une nouvelle
décision à l'encontre des producteurs mis en cause par la décision initiale, à
l'exception toutefois de Solvay et de Norsk Hydro AS (ci-après «Norsk Hydro»)
[décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CE (IV/31.865 PVC) (JO L 239, p. 14, ci-après «Décision»)].
- 11.
- La Décision comprend les dispositions suivantes:
«Article premier
BASF AG, DSM NV, Elf Atochem SA, Enichem SpA, Hoechst AG, Hüls AG,
Imperial Chemical Industries plc, Limburgse Vinyl Maatschappij NV, Montedison
SpA, Société artésienne de vinyle SA, Shell International Chemical [Company] Ltd
et Wacker-Chemie GmbH ont enfreint, pour les périodes indiquées dans la
présente décision, les dispositions de l'article 85 du traité en participant (ensemble
avec Norsk Hydro [...] et Solvay [...]) à un accord et/ou à une pratique concertée
remontant au mois d'août de l'année 1980 environ, en vertu desquels les
producteurs approvisionnant en PVC le territoire du marché commun ont assisté
à des réunions périodiques afin de fixer des prix 'cibles et des quotas 'cibles, de
planifier des initiatives concertées visant à relever le niveau des prix et de surveiller
la mise en oeuvre de ces arrangements collusoires.
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er, qui sont encore actives dans le secteur
du PVC, à l'exception de Norsk Hydro [...] et de Solvay [...], qui ont déjà reçu ordre
de faire cesser l'infraction, mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si
elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur
PVC, de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet
identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type
généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants
seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du
niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement
d'autres producteurs, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord
exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au
partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données
générales auquel les producteurs seraient abonnés pour le secteur du PVC est géré
de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de
producteurs déterminés; les entreprises s'abstiennent plus particulièrement
d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence
et non couverte par un tel système.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision,
en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:
i) BASF AG: une amende de 1 500 000 écus;
ii) DSM NV: une amende de 600 000 écus;
iii) Elf Atochem SA: une amende de 3 200 000 écus;
iv) Enichem SpA: une amende de 2 500 000 écus;
v) Hoechst AG: une amende de 1 500 000 écus;
vi) Hüls AG: une amende de 2 200 000 écus;
vii) Imperial Chemical Industries plc: une amende de 2 500 000 écus;
viii) Limburgse Vinyl Maatschappij NV: une amende de 750 000 écus;
ix) Montedison SpA: une amende de 1 750 000 écus;
x) Société artésienne de vinyle SA: une amende de 400 000 écus;
xi) Shell International Chemical Company Ltd: une amende de 850 000 écus;
xii) Wacker-Chemie GmbH: une amende de 1 500 000 écus.»
Procédure
- 12.
- Par différentes requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 5 et le 14 octobre
1994, les entreprises Limburgse Vinyl Maatschappij NV (ci-après «LVM»), Elf
Atochem, BASF AG (ci-après «BASF»), Shell International Chemical Company
Ltd (ci-après «Shell»), DSM NV et DSM Kunststoffen BV (ci-après «DSM»),
Wacker-Chemie GmbH (ci-après «Wacker»), Hoechst AG (ci-après «Hoechst»),
la Société artésienne de vinyle (ci-après «SAV»), Montedison SpA (ci-après
«Montedison»), Imperial Chemical Industries plc (ci-après «ICI»), Hüls AG
(ci-après «Hüls»), et Enichem SpA (ci-après «Enichem») ont introduit les présents
recours.
- 13.
- Sur le fondement de l'article 64 du règlement de procédure, une réunion entre les
membres de la troisième chambre élargie et les parties s'est tenue le 6 avril 1995.
Au cours de cette réunion, les parties ont accepté de suspendre la procédure écrite
et d'organiser une procédure orale limitée à l'examen des moyens de procédure et
se sont prononcées pour la jonction des affaires T-305/94, T-306/94, T-307/94,
T-313/94, T-314/94, T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et
T-335/94.
- 14.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé
d'ouvrir la procédure orale, limitée à l'examen des moyens de procédure, sans
mesure préalable d'instruction ou d'organisation de la procédure.
- 15.
- Par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du 25 avril 1995 (non
publiée au Recueil), les affaires T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94,
T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94 ont été
jointes aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément
à l'article 50 du règlement de procédure.
- 16.
- La procédure orale s'est déroulée les 13 et 14 juin 1995.
- 17.
- Par ordonnance du 14 juillet 1995 (non publiée au Recueil), le président de la
troisième chambre élargie a ordonné la reprise de la procédure écrite et la
disjonction des affaires.
- 18.
- La procédure écrite a été close le 20 février 1996.
- 19.
- Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal (troisième
chambre élargie), a informé les parties, par lettre du 7 mai 1997, de sa décision
d'accorder à chacune des parties requérantes l'accès au dossier de la Commission
dans l'affaire ayant donné lieu à la Décision, sous réserve des documents internes
de la Commission et des documents comportant des secrets d'affaires ou d'autres
informations confidentielles.
- 20.
- Après avoir consulté le dossier durant les mois de juin et de juillet 1997, toutes les
parties requérantes, à l'exception de celles dans les affaires T-315/94 et T-316/94,
ont déposé des observations au greffe du Tribunal, selon les cas, en juillet et en
septembre 1997. La Commission a présenté ses observations en réponse au cours
du mois de décembre 1997.
- 21.
- Par ordonnance du 22 janvier 1998, les parties entendues, le président de la
troisième chambre élargie du Tribunal a joint de nouveau les présentes affaires aux
fins de la procédure orale.
- 22.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé
d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en
demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire
certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.
- 23.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 9 au 12 février 1998.
- 24.
- A cette occasion, elles ont déclaré n'avoir aucune objection à ce que les affaires
soient jointes aux fins de l'arrêt.
- 25.
- Lors de l'audience, le Tribunal était composé de Mme V. Tiili, président,
MM. C. P. Briët, K. Lenaerts, A. Potocki et J. D. Cooke. A la suite de l'expiration
du mandat de M. le juge Briët, le 17 septembre 1998, le présent arrêt a été
délibéré par les trois juges dont il porte la signature, conformément à l'article 32,
paragraphe 1, du règlement de procédure.
Conclusions des parties
- 26.
- Chaque partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler, en tout ou en partie, la Décision,
à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le
montant,
condamner la Commission aux dépens.
- 27.
- Dans les affaires T-315/94, T-316/94 et T-329/94, Wacker, Hoechst et Hüls
concluent également à ce qu'il plaise au Tribunal:
faire verser au dossier le rapport du conseiller-auditeur et ordonner qu'il
soit communiqué à la requérante,
ordonner que le procès-verbal de l'audition, y compris les annexes, soit
communiqué à la requérante.
- 28.
- En outre, dans les affaires T-315/94 et T-329/94, Wacker et Hüls concluent à ce
qu'il plaise au Tribunal:
ordonner que la défenderesse soumette au Tribunal l'avis rendu par le
service juridique sur les questions de procédure liées à la décision litigieuse
et que cet avis leur soit communiqué.
- 29.
- Dans les affaires T-315/94 et T-316/94, Wacker et Hoechst concluent à ce qu'il
plaise au Tribunal:
prendre en considération le dossier de procédure produit dans l'affaire
T-92/89.
- 30.
- Dans l'affaire T-325/94, Montedison conclut également à ce qu'il plaise au
Tribunal:
condamner la Commission au versement de dommages et intérêts, à raison
des frais liés à la constitution de la garantie et pour tout autre frais résultant
de la Décision,
verser au dossier de la présente affaire les actes et documents produits dans
l'instance T-104/89,
entendre, en qualité de témoins, l'administrateur délégué et le dirigeant
responsable de Montedison au 1er novembre 1982.
- 31.
- La Commission conclut dans chacune des affaires à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter les recours,
condamner les requérantes aux dépens.
Sur la recevabilité des moyens au regard des articles 44, paragraphe 1, 46,
paragraphe 1, et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure
- 32.
- La Commission a soulevé, à l'égard de plusieurs moyens invoqués par les
requérantes, des exceptions d'irrecevabilité fondées, selon les cas, sur l'article 44,
paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure ou sur l'article 48, paragraphe 2,
de ce même règlement. Une requérante a également soulevé une exception
d'irrecevabilité fondée sur l'article 46, paragraphe 1, de ce règlement. Chacune de
ces catégories d'exceptions d'irrecevabilité fera l'objet d'un examen distinct.
I Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 44, paragraphe 1, sous c), du
règlement de procédure
Arguments des parties
- 33.
- La Commission relève que Montedison opère, au stade de la réplique, un renvoi
global à l'ensemble des moyens de procédure développés par les parties dans des
plaidoiries communes lors de l'audience des 13 et 14 juin 1995. Les textes de ces
plaidoiries ne seraient pas joints à son mémoire, compte tenu de la prétendue
connaissance qu'en aurait le Tribunal.
- 34.
- Elle souligne également qu'Enichem énumère, au stade de la réplique et en
introduction de la partie de son mémoire relative aux moyens de procédure,
l'ensemble des moyens de procédure développés par les requérantes dans leurs
plaidoiries communes, à l'occasion de l'audience des 13 et 14 juin 1995, qu'elle
déclare faire siens. A cette fin, Enichem a joint en annexe à son mémoire en
réplique le texte des notes de plaidoiries de l'ensemble des conseils des
requérantes.
- 35.
- Or, de tels renvois ne seraient pas conforme aux dispositions de l'article 44,
paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal (ordonnance du
Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T-56/92, Rec. p. II-1267,
points 21 à 23). En effet, le Tribunal ne saurait se substituer au requérant en
tentant de rechercher et d'identifier lui-même les éléments, contenus dans ces
documents auxquels il est fait renvoi, qu'il pourrait considérer comme étant
susceptibles de justifier les conclusions formulées dans la requête.
- 36.
- La Commission soutient également que les moyens énumérés par Shell dans le
corps de la réplique et développés dans les annexes à celle-ci devraient être
déclarés irrecevables et écartés des débats (arrêts de la Cour du 13 décembre 1990,
Commission/Grèce, C-347/88, Rec. p. I-4747, point 29, du 13 mars 1992,
Commission/Allemagne, C-43/90, Rec. p. I-1909, point 8; arrêt du Tribunal du
29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, Rec. p. II-1901, point 46, et ordonnance du
Tribunal du 28 avril 1993, de Hoe/Commission, T-85/92, Rec. p. II-523).
- 37.
- En effet, tout mémoire devrait indiquer clairement les éléments de fait et de droit
applicables à l'espèce et, à l'exception de la requête, répondre au mémoire
précédent. En se référant ainsi à des documents annexés, présentés par d'autres
avocats dans d'autres affaires, la requérante contraindrait le Tribunal à tenter
d'identifier lui-même les éléments que Shell avait l'intention d'invoquer à l'appui
de sa requête. En outre, les documents annexés ne seraient que des notes
préparées par certains avocats en vue de l'audience des 13 et 14 juin 1995, mais ne
correspondraient pas nécessairement à ce qui a été effectivement plaidé; or, le
compte rendu de l'audience ne serait pas accessible. Par ailleurs, la requérante ne
s'appuierait que sur certaines parties des notes de plaidoiries d'un des avocats; en
outre, certaines de ces notes renverraient elles-mêmes aux arguments présentés par
d'autres parties dans leurs conclusions et mémoires.
- 38.
- La Commission rappelle enfin que, à l'issue de la procédure orale, aux seules fins
de laquelle les affaires avaient été jointes, le président de la troisième chambre
élargie du Tribunal a ordonné la disjonction des affaires.
Appréciation du Tribunal
- 39.
- En vertu de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute
requête doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués.
Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie
défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas
échéant, sans autres informations à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique
et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable,
que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde
ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et
compréhensible, du texte de la requête même. Si ce texte peut être étayé etcomplété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de
pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d'autres écrits, même annexés à la
requête, ne saurait pallier l'absence des éléments essentiels dans la requête (voir,
notamment, ordonnance Koelman/Commission, précitée, point 21). En outre, il
n'appartient pas au Tribunal de rechercher et d'identifier, dans les annexes, les
moyens et arguments qu'il pourrait considérer comme constituant le fondement du
recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt
du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84/96, Rec. p. II-2081,
point 34).
- 40.
- Cette interprétation de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de
procédure vise également les conditions de recevabilité du mémoire en réplique qui
est destiné, selon l'article 47, paragraphe 1, du même règlement, à compléter la
requête.
- 41.
- En l'espèce, il y a lieu de relever que Shell, Montedison et Enichem opèrent, dans
leurs mémoires en réplique, un renvoi global aux moyens et arguments développés
en commun par certaines requérantes lors de la procédure orale devant le
Tribunal, tenue les 13 et 14 juin 1995. Ce renvoi global à des documents, même
annexés à la réplique, ne peut pas remplacer l'exposé des faits, moyens et
arguments dans le texte même du mémoire.
- 42.
- Le Tribunal relève également qu'Enichem complète le texte de sa réplique sur des
points spécifiques par des renvois aux documents annexés. Toutefois, ces renvois
ne visent la pièce annexée concernée que de manière générale et ne permettent
donc pas au Tribunal d'identifier précisément les arguments qu'il pourrait
considérer comme complétant les moyens développés dans la requête.
- 43.
- Dans ces conditions, pour autant qu'il y est procédé à un renvoi aux plaidoiries
communes, les mémoires en réplique de Shell, de Montedison et d'Enichem ne
satisfont pas aux exigences de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de
procédure et ne sauraient donc être pris en considération.
II Sur l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 46, paragraphe 1, du règlement
de procédure
Arguments des parties
- 44.
- Hüls conteste que la Commission soit recevable, au titre de l'article 46,
paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, à renvoyer au rapport
d'audience qui avait été préparé dans l'affaire T-86/89, Hüls/Commission, pour
répondre à certains moyens avancés dans sa requête (arrêts de la Cour du 8 juillet
1965, Prakash/Commission, 19/63 et 65/63, Rec. p. 677, 693, du 28 avril 1971,
Lütticke/Commission, 4/69, Rec. p. 325, point 2, et Commission/Allemagne, précité,
points 7 et 8; arrêts du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission,
T-82/89, Rec. p. II-735, point 22, et ICI/Commission, précité, point 47).
- 45.
- La Commission considère que la manière de citer qu'elle a utilisée dans son
mémoire en défense ne constitue pas un renvoi global, au sens de la jurisprudence
invoquée par la requérante. En réalité, celle-ci méconnaîtrait la fonction même
d'une annexe, qui permet un renvoi formel sans répétition superflue. En outre, la
Commission estime que le renvoi à un autre recours impliquant les mêmes parties
au sujet d'un même ensemble est recevable (arrêt ICI/Commission, précité,
point 47).
Appréciation du Tribunal
- 46.
- Aux termes de l'article 46, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, tout
mémoire en défense doit contenir les arguments de fait et de droit invoqués. Les
arguments invoqués par la partie défenderesse doivent être exposés d'une manière
suffisamment claire et précise, fût-elle sommaire, dans le texte même du mémoire
en défense pour permettre à la partie requérante de préparer sa réplique et au
Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à
l'appui.
- 47.
- En l'espèce, la Commission, sous l'intitulé «Les moyens de fond», se borne à
déclarer dans son mémoire en défense que, «afin d'assurer sa défense, [elle] se voit
obligée d'introduire dans la présente procédure l'argumentation déjà développée
[dans le cadre des recours formés contre la décision de 1988]. Au lieu de
reproduire textuellement le mémoire en défense, elle estime qu'au stade actuel de
la procédure, il est utile et judicieux de renvoyer à l'exposé qu'elle avait présenté
dans l'affaire T-86/89, tel qu'il est résumé dans le rapport d'audience». Elle énonce
ensuite les titres correspondants du rapport d'audience, renvoie à des pages dudit
rapport et formule des remarques destinées à compléter les moyens auxquels elle
se réfère.
- 48.
- Le Tribunal constate que les arguments de fait et de droit invoqués par la partie
défenderesse sous l'intitulé «Les moyens de fond» ne sont exposés que sous la
forme de titres, de sorte qu'ils ne peuvent pas être considérés comme satisfaisant
aux conditions de clarté et de précision requises aux fins de la recevabilité. Partant,
ces éléments de fait et de droit doivent être déclarés irrecevables.
III Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 48, paragraphe 2, du
règlement de procédure
Arguments des parties
- 49.
- La Commission fait valoir que tout moyen invoqué pour la première fois au stade
du mémoire en réplique, qui ne peut être regardé comme se fondant sur des
éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, est un moyen
nouveau devant être déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 48,
paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal (arrêts du Tribunal du
10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68/89, T-77/89 et T-78/89, Rec. p. II-1403,
point 82, du 18 novembre 1992, Rendo e.a./Commission, T-16/91, Rec. p. II-2417,
point 131, et du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II-289,
point 409).
- 50.
- En l'espèce, plusieurs moyens soulevés par LVM, BASF, DSM et ICI seraient, sur
le fondement de cette règle, irrecevables.
- 51.
- La Commission soutient que l'ordonnance du président de la troisième chambre
élargie du Tribunal du 14 juillet 1995, ordonnant la reprise de la procédure écrite
et la disjonction des affaires, ne pourrait être interprétée comme autorisant une
partie à soulever tous les moyens de procédure, y compris ceux qui n'avaient été
développés dans leur requête que par d'autres requérants.
- 52.
- De surcroît, la plupart des annexes jointes au mémoire en réplique de Hüls
devraient être écartées, au motif qu'elles ne sont pas rédigées dans la langue de
procédure en violation des dispositions de l'article 35, paragraphe 3, du règlement
de procédure.
Appréciation du Tribunal
- 53.
- Aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de
procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à
moins que ces moyens se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont
révélés pendant la procédure.
- 54.
- En l'espèce, il y a lieu de constater que BASF a soulevé, pour la première fois dans
sa réplique, les moyens tirés respectivement de la violation du principe non bis in
idem, de la violation de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après
«accord EEE»), de la violation du règlement intérieur de la Commission en
vigueur à l'époque, de la prescription, de la violation de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre
1950 (ci-après «CEDH»), et également celui tiré de la violation de l'obligation
d'entendre la requérante avant la décision de s'écarter de la procédure prévue par
les règlements n° 17 et n° 99/63.
- 55.
- Dans sa réplique, ICI invoque un moyen tiré de la violation du règlement intérieur
de la Commission, en ce que, avant l'adoption de la Décision, le service juridique
de la Commission n'aurait pas été consulté. ICI soutient que l'absence de
consultation du service juridique de la Commission avant l'adoption de la Décision,
qui aurait été révélée dans le rapport d'audience établi dans l'affaire T-307/94
avant l'audience du mois de juin 1995, constitue un fait nouveau révélé durant la
procédure. Cet argument ne peut pas être accueilli. A cet égard, il suffit de
constater que ce rapport d'audience ne mentionne pas que le service juridique n'a
pas été consulté du tout, mais qu'«il n'existe pas d'avis du service juridique, portant
sur le point de savoir si une nouvelle décision pouvait être adoptée à l'égard des
producteurs de PVC, sur la base de la procédure administrative antérieure à
l'adoption de la décision du 21 décembre 1988» («Die Kommission behauptet, es
gebe kein Gutachten des Juristischen Dienstes zu der Frage, ob eine neue
Entscheidung gegenüber den PVC-Herstellern auf der Grundlage des
Verwaltungsverfahrens erlassen werden könne, das vor dem Erlaß der
Entscheidung vom 21. Dezember 1988 durchgeführt worden sei.») Il ne peut donc
être conclu que cet extrait du rapport d'audience dans l'affaire T-307/94 constitue
un fait nouveau indiquant que l'adoption de la Décision n'a pas été précédée de
l'avis du service juridique.
- 56.
- De plus, pour autant que l'argumentation d'ICI doive être comprise en ce sens qu'il
est soutenu, dans le cadre du même moyen et par renvoi au texte d'une des
plaidoiries communes joint en annexe à sa réplique, que le règlement intérieur de
la Commission en vigueur à l'époque de l'adoption de la Décision est illégal, il y
a lieu de constater que cette exception d'illégalité est invoquée pour la première
fois dans la réplique sans toutefois que la requérante ait été empêchée de la
soulever dans sa requête introductive d'instance.
- 57.
- Hüls invoque dans sa réplique, et joint à celle-ci, les notes de plaidoiries
correspondant aux sujets exposés en commun lors de l'audience qui s'est déroulée
les 13 et 14 juin 1995. Il convient de relever que les sujets traités dans ces notes,
pour autant qu'ils sont exposés sous la forme d'une argumentation développée dans
le mémoire en réplique, concernent des moyens qui ont été soulevés par la
requérante dans son mémoire introductif d'instance, à l'exception du moyen tiré de
l'absence de participation de l'autorité de surveillance de l'Association européenne
de libre-échange (ci-après «AELE»), lequel a donc été soulevé pour la première
fois dans la réplique.
- 58.
- En outre, le Tribunal constate que les notes de plaidoiries communes jointes en
annexe au mémoire en réplique de Hüls ne sont pas rédigées dans la langue de
procédure choisie par la requérante et que celle-ci n'a pas présenté de traductions
en extrait de ces pièces volumineuses, contrairement aux dispositions de l'article 35,
paragraphe 3, du règlement de procédure. Cependant, dans les circonstances très
particulières de l'espèce et compte tenu de la possibilité accordée par le Tribunal
d'employer l'une quelconque des langues de procédure pour plaider certains sujets
communs lors de la procédure orale des 13 et 14 juin 1995, le Tribunal estime,
nonobstant le prononcé de la disjonction des affaires après cette procédure orale,
que ne pas accepter ces annexes rédigées dans une langue qui n'est pas la langue
de procédure choisie par la requérante relèverait d'un formalisme excessif. Par
conséquent, les annexes au mémoire en réplique de Hüls doivent être acceptées
telles qu'elles sont.
- 59.
- LVM et DSM font valoir, dans leurs répliques, au soutien d'un moyen tiré de la
violation du principe de proportionnalité déjà exposé dans leur requête, que laCommission a méconnu l'obligation de motivation qui lui incombe en vertu de
l'article 190 du traité CE. Le Tribunal considère que, vu la formulation de ce grief
dans le contexte du moyen en cause, une telle allégation ne revêt aucun caractère
autonome par rapport au moyen sous lequel elle est invoquée. Partant, elle ne peut
pas être considérée comme un moyen distinct invoqué pour la première fois dans
la réplique.
- 60.
- Enfin, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 113 du règlement de
procédure, le Tribunal peut soulever d'office toute fin de non-recevoir d'ordre
public.
- 61.
- A cet égard, le Tribunal relève que Elf Atochem a fait valoir pour la première fois
dans son mémoire en réplique que la Commission a méconnu l'obligation de
coopération avec l'autorité de surveillance AELE.
- 62.
- En ce qui concerne la SAV, il y a lieu de relever qu'elle invoque dans sa requête
introductive d'instance un moyen tiré de la «violation des principes de bonne
administration et des droits de la défense, pour ne pas avoir entamé la procédure
dans un délai raisonnable». Dans sa réplique, la requérante ajoute, sous le moyen
intitulé «Violation des principes de bonne administration de la justice et des droits
de la défense», que la Commission n'a pas tenu compte de l'audition qui s'est
déroulée en septembre 1988, faute d'avoir eu suffisamment de temps pour
examiner le procès-verbal de l'audition avant d'adopter la décision de 1988. Cette
dernière argumentation doit être considérée comme un moyen à part entière
puisque celle-ci ne vise aucunement l'engagement de la procédure dans un délai
raisonnable. Ce moyen, qui ne se rattache à aucun de ceux exposés dans la requête,
doit donc être considéré comme ayant été soulevé pour la première fois au stade
de la réplique.
- 63.
- Or, en l'espèce, aucun élément nouveau ne s'est révélé pendant la procédure
justifiant qu'Elf Atochem et la SAV présentent tardivement leurs moyens. Ces deux
requérantes ont donc eu la possibilité d'invoquer ces moyens respectifs dans leurs
requêtes introductives d'instance. Partant, elles ne peuvent, selon l'article 48,
paragraphe 2, les soulever au stade de la réplique.
- 64.
- Au vu de ce qui précède, les moyens invoqués par Elf Atochem, BASF, la SAV,
ICI et Hüls, exposés pour la première fois au stade de la réplique et qui ne sont
pas fondés sur des éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure,
doivent être déclarés irrecevables.
Sur les conclusions en annulation de la Décision
I Sur les moyens tirés de l'existence de vices de forme et de procédure
- 65.
- Les différents moyens tirés de l'existence de vices de forme et de procédure
invoqués par les parties requérantes peuvent s'ordonner autour de quatre axes
principaux. Tout d'abord, celles-ci contestent tant l'interprétation que la
Commission a faite de la portée de l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de
1988 que les conséquences qu'elle en a tirées (A). Ensuite, elles soutiennent que
des irrégularités ont été commises lors de l'adoption et de l'authentification de la
Décision (B). Elles font également valoir que la procédure ayant précédé l'adoption
de la décision de 1988 est entachée d'irrégularités (C). Enfin, la Décision serait
insuffisamment motivée relativement à certaines questions entrant dans les trois
catégories qui précèdent (D).
A Sur les effets de l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988
- 66.
- Les moyens et arguments des requérantes s'organisent autour de trois idées
distinctes. Premièrement, des requérantes soutiennent que, du fait de l'arrêt du
15 juin 1994, la Commission ne pouvait pas adopter une nouvelle décision.
Deuxièmement, certaines requérantes font valoir que l'arrêt du 15 juin 1994, en
annulant la décision de 1988, a fait rétroactivement disparaître les actes
préparatoires ayant conduit à l'adoption de cette décision à l'égard de toutes les
entreprises qui en ont été destinataires. Troisièmement, des requérantes estiment
que, si la Commission pouvait adopter une nouvelle décision afin de tirer les
conséquences de l'arrêt du 15 juin 1994, elle aurait cependant dû respecter
certaines exigences procédurales.
1. Sur le pouvoir de la Commission d'adopter une nouvelle décision après l'arrêt
du 15 juin 1994
- 67.
- L'argumentation des parties requérantes peut être regroupée en trois branches.
Dans une première branche, il est soutenu que la Commission, après l'arrêt du
15 juin 1994, ne pouvait pas adopter une nouvelle décision dans «l'affaire PVC».
La deuxième branche vise des moyens tirés de l'écoulement du temps, selon
lesquels la Commission ne pouvait plus exercer sa compétence pour adopter la
Décision. Enfin, la troisième branche concerne les moyens tirés de la prétendue
méconnaissance par la Commission de son pouvoir d'appréciation.
- 68.
- Chacune de ces catégories de l'argumentation des parties requérantes sera
examinée séparément.
a) Sur les moyens tirés de la prétendue impossibilité pour la Commission d'adopter
la Décision
- 69.
- Au soutien de leurs conclusions sur l'impossibilité pour la Commission d'adopter
la Décision, les requérantes invoquent deux moyens.
- 70.
- Le premier moyen est tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée. Le second
moyen est pris de la violation du principe non bis in idem.
Sur le moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée
Arguments des parties
- 71.
- LVM, DSM, ICI et Enichem font valoir que la Commission ne pouvait pas adopter
la Décision sans méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du
15 juin 1994.
- 72.
- LVM et DSM soulignent que la distinction entre vices formels et vices matériels
affectant la décision annulée ne reposerait sur aucun fondement juridique, textuel
ou jurisprudentiel. Ni l'article 174 du traité ni l'arrêt du Tribunal du 6 avril 1995,
BASF e.a./Commission (T-80/89, T-81/89, T-83/89, T-87/89, T-88/89, T-90/89,
T-93/89, T-95/89, T-97/89, T-99/89, T-100/89, T-101/89, T-103/89, T-105/89, T-107/89
et T-112/89, Rec. p. II-729, point 78), n'établiraient une telle distinction. Dans le
silence de l'arrêt du 15 juin 1994, celui-ci devrait être interprété comme signifiant
que l'affaire a été définitivement réglée (arrêts de la Cour du 29 octobre 1980,
Roquette Frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333, point 37, et du 30 septembre 1982,
Amylum/Conseil, 108/81, Rec. p. 3107, point 5; conclusions de l'avocat général
M. Reischl sous cet arrêt, Rec. p. 3139, 3151 et 3152). Le fait que, ayant annulé
l'arrêt du Tribunal, la Cour a évoqué l'affaire, en état d'être jugée, confirmerait
cette interprétation.
- 73.
- Enichem soutient, pour sa part, que la Cour, par son arrêt du 15 juin 1994, a
entendu clore définitivement la procédure engagée à l'égard des producteurs de
PVC en usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article 54, premier alinéa, deuxième
phrase, du statut (CE) de la Cour. Nonobstant le fait qu'elle n'a examiné que
certains moyens, la Cour aurait donc statué sur l'ensemble du litige. Tous les
aspects de celui-ci seraient ainsi couverts par l'autorité de la chose jugée.
- 74.
- En réalité, l'attitude de la Commission conduirait à accorder une primauté des
moyens de fond sur les moyens de procédure, qui ne seraient qu'accessoires. Toute
irrégularité de procédure pourrait ainsi être aisément corrigée. En conséquence,
l'invocation de vices de procédure devant le juge communautaire serait inutile et
les efforts déployés, en l'espèce, devant le Tribunal, puis la Cour, auraient été
vains.
- 75.
- Selon la Commission, l'autorité de la chose jugée ne porte que sur les éléments sur
lesquels la Cour s'est déjà prononcée. Or, en l'espèce, l'unique motif d'annulation
de la décision de 1988 retenu par la Cour dans son arrêt du 15 juin 1994
consisterait dans l'absence d'authentification selon les formes prescrites, de sorte
que seule l'appréciation des vices de forme faite par la Cour aurait acquis force de
chose jugée. Les autres moyens de procédure et les moyens de fond n'auraient
donc pas été examinés par la Cour.
- 76.
- Elle ajoute que, après l'annulation de la décision de 1988, aucune règle n'aurait pu
permettre à la Cour de renvoyer l'affaire au Tribunal.
Appréciation du Tribunal
- 77.
- L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ont
été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire (arrêt de
la Cour du 19 février 1991, Italie/Commission, C-281/89, Rec. p. I-347, point 14, et
ordonnance de la Cour du 28 novembre 1996, Lenz/Commission, C-277/95 P,
Rec. p. I-6109, point 50).
- 78.
- En l'espèce, il convient de constater que, dans l'arrêt du 15 juin 1994, la Cour a
conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en déclarant la décision
89/190 inexistante et a déclaré que l'arrêt attaqué devant elle devait être annulé
(points 53 et 54 des motifs). Dans ces circonstances, la Cour, conformément à
l'article 54, premier alinéa, deuxième phrase, du statut (CEE) de la Cour, a décidé
de statuer définitivement sur le litige, celui-ci étant en état d'être jugé (point 55 des
motifs).
- 79.
- La Cour a, en conséquence, résumé les moyens soulevés par les parties requérantes
dans leurs recours en annulation présentés devant le Tribunal contre la décision de
1988 en ces termes: «La procédure précontentieuse a été entachée de vices divers;
la décision attaquée n'est pas ou est insuffisamment motivée; les droits de la
défense n'ont pas été respectés; le système de preuve retenu par la Commission est
contestable; la décision attaquée est contraire à l'article 85 du traité et aux
principes généraux du droit communautaire; la décision viole les règles de
prescription; elle est entachée de détournement de pouvoir; les amendes infligées
sont irrégulières.» (Point 56 des motifs.)
- 80.
- Elle a ensuite relevé que, «[à] l'appui, notamment, du moyen tiré du défaut et de
l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse», des requérantes faisaient
valoir, «en substance, que les motifs de la décision qui leur avait été notifiée
devaient vraisemblablement différer sur plusieurs points, dont certains étaient
essentiels, de la décision adoptée par le collège des [membres de la Commission]
lors de sa réunion du 21 décembre 1988» (point 57 des motifs). La Cour a
également indiqué: «Certaines requérantes ont, en outre, déduit de la défense de
la Commission que la décision n'avait pas été adoptée dans deux des langues
faisant foi, à savoir les langues italienne et néerlandaise, puisque seuls avaient été
soumis au collège des projets rédigés en langues allemande, anglaise et française.»
(Point 58 des motifs.) La Cour a ensuite précisé: «Dans le dernier état de leur
argumentation, les sociétés requérantes ont soutenu que l'article 12 du règlement
intérieur de la Commission avait été méconnu.» (Point 59 des motifs.) Enfin, elle
a commencé l'examen «du bien-fondé du moyen» (point 61 des motifs).
- 81.
- Ayant constaté que la Commission avait violé les dispositions de l'article 12,
premier alinéa, de son règlement intérieur, en omettant de procéder à
l'authentification de la décision de 1988 dans les termes prévus par cet article, la
Cour a conclu: «Il convient dès lors d'annuler cette dernière pour violation des
formes substantielles, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyenssoulevés par les requérantes.» (Point 78 des motifs.)
- 82.
- Il s'ensuit que l'arrêt du 15 juin 1994 n'a tranché, effectivement ou nécessairement,
ni les autres moyens de procédure soulevés par les requérantes devant le Tribunal,
ni les moyens de fond, ni, enfin, les moyens subsidiaires sur les amendes infligées.
- 83.
- Par ailleurs, aux termes de l'article 54, premier alinéa, du statut de la Cour,
«[l]orsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut
alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état
d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue».
- 84.
- La seconde phrase de cette disposition n'emporte pas la conséquence que la Cour,
lorsqu'elle statue elle-même définitivement sur le litige en accueillant un ou
plusieurs moyen(s) soulevé(s) par les parties requérantes, tranche ipso jure tous les
points de fait et de droit invoqués par celles-ci dans le contexte de l'affaire. Suivre
la thèse d'Enichem reviendrait à nier que la chose jugée n'a force de vérité légale
que relativement aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou
nécessairement jugés.
- 85.
- Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem
Arguments des parties
- 86.
- LVM, DSM, Montedison et ICI soutiennent que la Commission a violé le principe
non bis in idem en adoptant une nouvelle décision après que la Cour eut annulé
la décision de 1988.
- 87.
- LVM, DSM et ICI rappellent qu'il appartient au juge communautaire d'assurer le
respect des principes généraux du droit, tels que le principe non bis in idem (arrêts
de la Cour du 5 mai 1966, Gutmann/Commission, 18/65 et 35/65, Rec. p. 149, et du
15 mars 1967, Gutmann/Commission, 18/65 et 35/65, Rec. p. 75), également énoncé
par le protocole n° 7 de la CEDH et l'article 14, paragraphe 7, du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, signé à New York le
16 mars 1966.
- 88.
- Selon LVM et DSM, ce principe a été méconnu par la Commission dans ses deux
acceptions: d'une part, elle aurait infligé à deux reprises une sanction en raison
d'une même infraction; d'autre part, elle aurait engagé à deux reprises une
procédure de poursuite même si, dans le second cas, les poursuites se sont
limitées à l'adoption et à la notification de la Décision en raison d'un même
ensemble de faits (arrêts du 5 mai 1966, Gutmann/Commission, précité, p. 174, du
15 mars 1967, Gutmann/Commission, précité, p. 81, et conclusions de l'avocat
général M. Mayras sous l'arrêt de la Cour du 14 décembre 1972,
Boehringer/Commission, 7/72, Rec. p. 1281, 1296).
- 89.
- Pour constater une violation du principe non bis in idem, seule serait déterminante
l'identité des faits reprochés (arrêt Boehringer/Commission, précité, point 6),
comme dans le cas d'espèce. Ni la circonstance que la décision initiale a été
annulée, ce qui anéantirait les effets juridiques et non le fait même qu'une
procédure de poursuites a été menée, une infraction constatée et une amende
infligée, ni l'autorité de la chose jugée, ne seraient pertinentes.
- 90.
- ICI souligne, quant à elle, que l'arrêt du 15 juin 1994 présente un caractère
obligatoire et définitif, impliquant qu'il a acquis force de chose jugée (article 65 du
règlement de procédure de la Cour), sans que la Cour renvoie l'affaire au Tribunal.
Toute la décision de 1988 ayant été annulée, et non pas uniquement un de ses
aspects, l'arrêt de la Cour constituerait un acquittement définitif. La Commission
aurait donc méconnu le principe non bis in idem en adoptant la même décision,
fondée sur les mêmes éléments de droit et de fait. Cette requérante observe enfin
que, dans son arrêt du 15 juin 1994, la Cour n'a pas enjoint à la Commission de
prendre une nouvelle décision (voir, a contrario, arrêt de la Cour du
23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063,
point 22).
- 91.
- La Commission souligne, tout d'abord, que l'argumentation développée par LVM,
DSM et ICI dans le cadre de ce moyen contredit leur affirmation selon laquelle la
décision de 1988 n'a, en raison de son annulation ex tunc, jamais existé.
- 92.
- Elle rappelle, ensuite, que la pertinence du principe non bis in idem a été admise
par la Cour en droit communautaire de la concurrence (arrêt
Boehringer/Commission, précité), de telle sorte que l'invocation, par les
requérantes, des dispositions de la CEDH ou du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques serait superflue.
- 93.
- En toute hypothèse, l'argumentation des requérantes ne serait pas fondée, dès lors
que, après l'annulation par la Cour de la décision de 1988, la Décision devrait être
regardée comme la première décision sanctionnant, pour infraction aux dispositions
de l'article 85 du traité, les entreprises intervenant sur le marché du PVC. Ni en
droit ni en fait, les entreprises ne se seraient vu infliger deux amendes.
- 94.
- La Commission ajoute que la règle non bis in idem ne concerne que la possibilité
de prononcer des sanctions; elle ne pourrait donc être confondue avec le principe
de l'autorité de la chose jugée.
Appréciation du Tribunal
- 95.
- Les requérantes font grief à la Commission d'avoir violé, en adoptant la Décision,
le principe général de droit non bis in idem, qui interdirait, d'une part, d'infliger
deux sanctions pour une même infraction et, d'autre part, d'engager à deux reprises
une procédure de poursuite en raison d'un même ensemble de faits.
- 96.
- A cet égard, le Tribunal estime, aux fins du présent moyen, qu'une entreprise ne
peut pas être poursuivie par la Commission sur le fondement des règlements n° 17
et n° 99/63 pour violation des règles communautaires de la concurrence ou
sanctionnée par celle-ci par l'imposition d'une amende, en raison d'un
comportement anticoncurrentiel dont le Tribunal, ou la Cour, a déjà constaté que
la preuve était, ou non, apportée dans son chef par la Commission.
- 97.
- En l'espèce, il convient de rappeler, en premier lieu, que la Cour a annulé la
décision de 1988 par l'arrêt du 15 juin 1994. La Commission, en adoptant la
Décision après cette annulation, n'a donc pas fait supporter aux requérantes deux
sanctions pour une même infraction.
- 98.
- En second lieu, la Cour, dans l'arrêt du 15 juin 1994, n'a tranché aucun des moyens
de fond invoqués par les requérantes lorsqu'elle a annulé la décision de 1988
(ci-dessus point 81). Dès lors, en adoptant la Décision, la Commission s'est limitée
à réparer le vice formel censuré par la Cour. Il s'ensuit que la Commission n'a pas
poursuivi les requérantes à deux reprises pour un même ensemble de faits.
- 99.
- Le moyen doit, par conséquent, être rejeté.
b) Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps
- 100.
- Certaines requérantes invoquent, au soutien de leurs conclusions en annulation de
la Décision, plusieurs moyens tirés de l'écoulement du temps. En premier lieu, la
Commission aurait violé le principe du délai raisonnable. En second lieu, elle aurait
commis un abus de droit. En dernier lieu, elle aurait méconnu les principes relatifs
à un procès équitable. L'argumentation de la Commission sur ces moyens sera,
compte tenu de la réponse commune qu'elle y apporte, présentée dans son
ensemble après celle des requérantes.
Arguments des parties
Sur le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable
- 101.
- LVM, DSM et ICI font valoir que les entreprises concernées par une procédure
d'application de l'article 85 du traité ont droit à ce que la Commission statue dans
un délai raisonnable. Cette garantie de délai raisonnable serait consacrée en droit
communautaire (voir, notamment, arrêt de la Cour du 24 novembre 1987,
RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617, point 14) et serait autonome par rapport
aux règles de prescription énoncées dans le règlement (CEE) n° 2988/74 du
Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et
d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la
Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1, ci-après «règlement
n° 2988/74»).
- 102.
- Il ressortirait, en outre, de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, qu'il doit être
décidé du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dans un délai
raisonnable, afin d'éviter aux justiciables une incertitude trop longue sur leur
situation juridique.
- 103.
- LVM et DSM soutiennent que le point de départ du délai raisonnable serait tout
acte d'instruction au sens de l'article 2 du règlement n° 2988/74 (Cour eur. D. H.,
arrêt Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51, point 73, arrêt Foti e.a. du
10 décembre 1982, série A n° 56, point 52, et arrêt Corigliano du
10 décembre 1982, série A n° 57, point 34). La fin du délai correspondrait à la date
d'adoption de la décision initiale.
- 104.
- En l'espèce, selon ces requérantes, le délai a commencé à courir en décembre
1983, date de la vérification opérée par la Commission, et s'est achevé en
décembre 1988, couvrant donc une période de cinq ans, durant laquelle,
d'avril 1984 à janvier 1987, la Commission serait restée inactive.
- 105.
- Or, dans le cadre de la CEDH, un délai raisonnable ne saurait excéder deux ans,
sauf circonstances particulières (Cour eur. D. H., arrêt König du 28 juin 1978, série
A n° 27, points 98 et 99). Le seul fait de relever du droit de la concurrence ne
constituerait pas une circonstance particulière.
- 106.
- La méconnaissance du délai raisonnable pour adopter la décision de 1988 et, a
fortiori, la Décision, aurait, de plus, fait naître dans le chef des entreprises une
confiance légitime dans le fait qu'il ne serait pas donné suite à l'enquête.
- 107.
- Quant à ICI, elle considère que, en l'espèce, le retard en cause comporte deux
stades. Quant à la période d'instruction, ICI souligne la passivité de la Commission
du 5 juin 1984, date à laquelle la requérante a répondu à une décision au titre de
l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, au mois de janvier 1987, période
d'ouverture des enquêtes dans les locaux d'autres producteurs de PVC. Ce délai
serait déraisonnable (arrêt RSV/Commission, précité, et arrêts du Tribunal du
2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, T-163/94 et T-165/94, Rec.
p. II-1381, et du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink's France/Commission,
T-95/94, Rec. p. II-2651).
- 108.
- Quant au délai occasionné par les recours contentieux, soit près de cinq années, il
serait imputable à la Commission compte tenu des infractions procédurales qui ont
été constatées dans son chef.
- 109.
- LVM, DSM et ICI concluent que, ayant outrepassé le délai raisonnable, la
Commission n'avait plus compétence pour adopter la décision de 1988 et, a fortiori,
la Décision. Celle-ci devrait donc être annulée pour incompétence de la
Commission (arrêts de la Cour du 12 novembre 1987, Ferriere San
Carlo/Commission, 344/85, Rec. p. 4435, et RSV/Commission, précité).
Sur le moyen tiré de l'abus de droit
- 110.
- Wacker et Hoechst soutiennent que, abstraction faite de l'appréciation des règles
relatives à la prescription, le long délai qui s'est écoulé entre 1983 et 1987, périodependant laquelle la Commission serait restée inactive, et celui qui s'est écoulé entre
le début de l'infraction alléguée et la date d'adoption de la Décision, soit quatorze
années, sont constitutifs d'un abus de droit. Ce retard serait imputable à la seule
Commission.
Sur le moyen tiré de la violation des principes relatifs à un procès équitable
- 111.
- Hüls et Enichem soutiennent que la Commission a violé les principes relatifs à un
procès équitable.
- 112.
- Selon Enichem, le droit à un procès équitable a été méconnu, dès lors qu'un laps
de temps très long s'est écoulé entre la date des premières investigations et la date
d'adoption de la Décision. Les parties seraient ainsi placées dans une situation
d'extrême difficulté et de gêne en raison de l'impossibilité de reconstituer avec
exactitude les faits.
- 113.
- Hüls soutient pour sa part que la pratique suivie par la Commission n'est pas
compatible avec les règles relatives au caractère équitable du procès.
- 114.
- En premier lieu, alors qu'elle aurait eu connaissance de la prétendue infraction au
plus tard en 1983, la Commission n'aurait procédé à une vérification dans les
locaux de Hüls qu'en septembre 1987. Un tel retard dans l'ouverture de la
procédure aurait affecté les possibilités de défense de Hüls et, de facto, conduit à
un renversement de la charge de la preuve à son détriment. Cette constatation
serait encore plus vraie en 1994. Par ailleurs, le retard accumulé devrait avoir une
influence sur le niveau de l'amende infligée (arrêt de la Cour du 6 mars 1974,
Istituto Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec.
p. 223).
- 115.
- En second lieu, la requérante soutient que le principe de caducité est un élément
constitutif du droit communautaire applicable (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972,
ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 49, du 18 octobre 1989,
Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 30; voir également article 6 de la
CEDH et décision de la commission européenne des droits de l'homme du
9 février 1990, dans l'affaire Melchers & Co./République fédérale d'Allemagne,
n° 13258/87). Le règlement n° 2988/74 ne pourrait avoir épuisé la question; si
conflit il y avait, le principe de caducité, principe général du droit communautaire,
l'emporterait nécessairement sur le règlement. Cette caducité aurait interdit à la
Commission d'adopter en 1994 une décision portant sur des faits antérieurs de près
de quinze ans.
- 116.
- A titre liminaire, la Commission ne conteste pas l'existence, en droit
communautaire, d'un principe général, fondé sur les exigences de sécurité juridique
et de bonne administration, imposant à une autorité administrative d'exercer ses
pouvoirs dans certaines limites de temps (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970,
Boehringer/Commission, 45/69, Rec. p. 769, point 6).
- 117.
- Cependant, le règlement n° 2988/74 répondrait précisément à cet objectif de
sécurité juridique en permettant à la Commission et aux opérateurs économiques
de connaître à l'avance les contraintes de temps dans lesquelles la Commission peut
agir pour constater une infraction aux règles communautaires de concurrence.
- 118.
- Ce règlement exclurait toute référence aux critères juridiques distincts de «retard
excessif», de délai déraisonnable, d'abus de droit, de procès inéquitable ou de
caducité des poursuites. D'ailleurs, de tels critères n'ajouteraient que confusion et
insécurité juridique, dès lors qu'ils ne figureraient pas parmi les règles écrites
préétablies (arrêt du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, précité, point 47) et
qu'ils reposeraient sur une notion floue et subjective.
- 119.
- En réponse aux arguments de LVM et de DSM, la Commission précise que ce
règlement rend également sans incidence sur la position juridique des entreprises
l'application de l'article 6 de la CEDH. En admettant même que l'invocation de la
CEDH soit pertinente, la jurisprudence dont ces requérantes se prévalent ne le
serait pas, dès lors qu'elle concernerait la notion de délai raisonnable dans des
affaires pénales impliquant des personnes physiques, et non dans des affaires
relevant du droit économique appliqué à des personnes morales. Or, dans ce
dernier domaine, aux situations factuelles complexes, le délai de deux ans avancé
par LVM et DSM serait manifestement insuffisant, comme en témoignerait la
durée des procédures en la matière devant le Tribunal ou la Cour. Enfin, toujours
à supposer pertinente la référence à l'article 6 de la CEDH, le délai raisonnable
ne pourrait commencer à courir qu'à compter de la communication des griefs; les
mesures d'enquête, telles que les vérifications et les demandes de renseignements
tendraient simplement à éclaircir les faits, et ne constitueraient pas des accusations.
En l'espèce, la décision de 1988 aurait été adoptée quelques mois après la
communication des griefs. Il ne pourrait donc être reproché à la Commission,
contrairement à ce que soutiennent LVM et DSM, une passivité qui aurait suscité
une confiance légitime quant à l'issue de la procédure administrative.
Appréciation du Tribunal
- 120.
- Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante
des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (voir,
notamment, avis de la Cour du 28 mars 1996, avis 2/94, Rec. p. I-1759, point 33,
et arrêt de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, Rec. p. I-2629, point 14).
A cet effet, la Cour et le Tribunal s'inspirent des traditions constitutionnelles
communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments
internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États
membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification
particulière (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651,
point 18, et Kremzow, précité, point 14). Par ailleurs, aux termes de l'article F,
paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, «l'Union respecte les droits
fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent des
traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes
généraux du droit communautaire».
- 121.
- Dès lors, il convient d'examiner si, à la lumière de ces considérations, la
Commission a méconnu le principe général de droit communautaire de respect
d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures
administratives en matière de concurrence (arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997,
SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 56).
- 122.
- La violation de ce principe, à la supposer établie, ne justifierait cependant
l'annulation de la Décision qu'en tant qu'elle emporterait également une violation
des droits de la défense des entreprises concernées. En effet, lorsqu'il n'est pas
établi que l'écoulement excessif du temps a affecté la capacité des entreprises
concernées de se défendre effectivement, le non-respect du principe de délai
raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne
peut donc être analysé que comme une cause de préjudice susceptible d'être
invoquée devant le juge communautaire dans le cadre d'un recours fondé sur les
articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité.
- 123.
- En l'espèce, la durée totale de la procédure administrative devant la Commission
dans la présente affaire a été d'environ 62 mois. La période durant laquelle le juge
communautaire a examiné la légalité de la décision de 1988 ainsi que la validité de
l'arrêt du Tribunal ne peut pas être prise en compte lors de la détermination de
la durée de la procédure devant la Commission.
- 124.
- Afin d'apprécier le caractère raisonnable de la procédure administrative devant la
Commission, il y a lieu de distinguer l'étape procédurale ouverte par les
vérifications effectuées en novembre 1983 dans le secteur du PVC, fondées sur
l'article 14 du règlement n° 17, de celle ayant commencé à la date de réception de
la communication des griefs par les entreprises concernées. Le caractère
raisonnable de la durée de chacune de ces deux étapes sera apprécié séparément.
- 125.
- La première période de 52 mois s'est déroulée entre les premières vérifications
opérées dans le courant du mois de novembre 1983 et l'engagement de la
procédure par la Commission en mars 1988 sur le fondement de l'article 9,
paragraphe 3, du règlement n° 17, en application de l'article 3 de ce même
règlement.
- 126.
- Le caractère raisonnable d'une telle étape procédurale doit s'apprécier en fonction
des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci,
de la conduite des parties au cours de la procédure, de l'enjeu de l'affaire pour les
différentes entreprises intéressées et de son degré de complexité.
- 127.
- A la lumière de tous les éléments du dossier, le Tribunal estime que, dans les
affaires particulières soumises à son contrôle, la durée de cette procédure
d'instruction était raisonnable.
- 128.
- Il convient à cet égard de souligner la complexité des faits à élucider par la
Commission en raison du type de comportements en cause et de l'ampleur de ces
comportements sur le marché géographique concerné, s'étendant à toute la zone
d'activité dans le marché commun des principaux producteurs de PVC.
- 129.
- Participaient également de la complexité des faits à élucider le nombre et
l'enchevêtrement des pièces réunies par la Commission. Les documents recueillis
lors des vérifications qu'elle a opérées dans les locaux de plusieurs fabricants de
produits pétrochimiques au cours de la période visée et les réponses de ceux-ci aux
questions posées par la Commission au titre de l'article 11 du règlement n° 17 ont
constitué un dossier particulièrement volumineux. De plus, parmi les très
nombreuses pièces obtenues durant la procédure administrative, la Commission a
dû faire le départ entre celles relevant du dossier PVC et celles relevant du dossier
instruit parallèlement dans le secteur voisin du PEBD, lui-même objet, comme
d'autres produits thermoplastiques à la même époque, d'une enquête et d'une
procédure de constatation d'infractions reprochées à des entreprises dont plusieurs
sont également parties à la présente affaire. Il y a également lieu d'indiquer que
le dossier de l'affaire ayant conduit à la Décision contenait, sous une première
numérotation administrative, une série de documents comportant 1 072 pages, et,
sous une autre numérotation, plus de 5 000 pages, non compris les documents
internes de la Commission.
- 130.
- Enfin, la complexité des faits à élucider résultait de la difficulté à établir la preuve
de la participation d'entreprises à l'entente alléguée et du nombre d'entreprises
impliquées. A ce sujet, la Décision relate que «17 entreprises ont pris part à
l'infraction durant la période couverte [...]» (point 2, deuxième alinéa, des
considérants) et que 14 entreprises avaient été destinataires de la décision initiale.
- 131.
- La seconde période s'est écoulée entre la notification des griefs et l'adoption de la
Décision le 27 juillet 1994.
- 132.
- Le caractère raisonnable de cette étape procédurale doit être également apprécié
à la lumière des critères indiqués ci-dessus (point 126), et en particulier à la
lumière du critère de l'enjeu de l'affaire pour les entreprises intéressées. Ce critère
revêt, en effet, une importance spéciale pour apprécier le caractère raisonnable de
cette étape de la procédure de constatation d'infraction aux règles de concurrence.
D'une part, la notification de la communication des griefs dans une procédurevisant la constatation d'infraction suppose l'engagement de la procédure au titre de
l'article 3 du règlement n° 17. Par l'engagement de cette procédure, la Commission
manifeste sa volonté de procéder à une décision de constatation d'infraction (en
ce sens, arrêt de la Cour du 6 février 1973, Brasserie de Haecht, 48/72, Rec. p. 77,
point 16). D'autre part, ce n'est qu'à compter de la réception de la communication
des griefs qu'une entreprise peut prendre connaissance de l'objet de la procédure
qui est engagée contre elle et des comportements qui lui sont reprochés par la
Commission. Les entreprises ont donc un intérêt spécifique à ce que cette seconde
étape de la procédure soit conduite avec une diligence particulière par la
Commission, sans toutefois qu'il soit porté atteinte à leurs droits de la défense.
- 133.
- En l'espèce, cette seconde étape procédurale devant la Commission a duré dix
mois. Un tel délai ne peut pas fonder le reproche d'une durée excessive. En effet,
les griefs ont été notifiés aux entreprises concernées au début du mois d'avril 1988.
Les entreprises ont répondu à la communication des griefs dans le courant du mois
de juin 1988. A l'exception de Shell, qui n'en avait pas fait la demande, les
entreprises destinataires de la communication des griefs ont été entendues du 5 au
8 septembre 1988 et le 19 septembre 1988. Le 1er décembre 1988, le comité
consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes a émis son avis sur
l'avant-projet de décision de la Commission et 20 jours après, celle-ci adoptait la
décision initiale. Quant à la Décision, elle a été adoptée 42 jours après le prononcé
de l'arrêt du 15 juin 1994.
- 134.
- Le Tribunal considère, par conséquent, que la décision initiale, puis, après
l'annulation de celle-ci par la Cour, la Décision, ont été adoptées dans un délai
raisonnable après la notification des griefs.
- 135.
- Au vu des éléments qui précèdent, le Tribunal estime que la Commission a agi
conformément au principe de respect d'un délai raisonnable dans la procédure
administrative qui a précédé l'adoption de la Décision. Les droits de la défense des
entreprises concernées n'ont donc pas été méconnus en raison de l'écoulement du
temps.
- 136.
- Il s'ensuit que les moyens tirés de l'écoulement du temps doivent être rejetés.
c) Sur les moyens tirés de la prétendue méconnaissance, par la Commission, de son
pouvoir d'appréciation
Arguments des parties
- 137.
- Enichem soutient que, en s'estimant tenue d'adopter une nouvelle décision, après
l'annulation par la Cour de la décision initiale, la Commission a méconnu l'étendue
de sa propre compétence, laquelle serait, en la matière, purement discrétionnaire
(arrêt Transocean Marine Paint/Commission, précité, et arrêts de la Cour du 26
avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, et
du 4 février 1992, British Aerospace et Rover/Commission, C-294/90, Rec. p. I-493).
Ni l'article 176 du traité ni le règlement n° 2988/74 ne pourraient ainsi constituer
la base juridique d'une obligation de réadopter la décision annulée.
- 138.
- LVM et DSM estiment que, si la Commission dispose d'un pouvoir discrétionnaire
pour instruire et poursuivre les infractions aux règles de concurrence, l'exercice de
ce pouvoir doit s'effectuer dans les limites du droit communautaire et, notamment,
du principe de proportionnalité. Celui-ci devrait s'apprécier quant à l'objectif
poursuivi lors de l'adoption de l'acte et quant aux moyens mis en oeuvre pour
réaliser cet objectif.
- 139.
- Or, en premier lieu, le but poursuivi par l'adoption de la Décision ne serait pas de
sauvegarder la concurrence dans le secteur du PVC, mais, comme l'illustrerait
l'absence de procédure préalable, de mettre en échec les effets de l'arrêt du 15 juin
1994, qui avait sanctionné la pratique de la Commission. La nécessité et
l'opportunité de l'adoption de la Décision, que n'imposait pas cet arrêt, n'auraient
ainsi pas été démontrées. L'objectif réellement poursuivi ne justifierait pas
l'imposition d'une amende ou, en toute hypothèse, d'une amende aussi élevée.
- 140.
- En second lieu, à supposer que la Décision ait pour objectif la protection de la
concurrence, elle demeurerait illicite, au motif que, en l'absence d'une enquête
préalable, elle constitue un moyen disproportionné d'atteindre cet objectif.
- 141.
- Il appartiendrait donc à la Commission de prouver la nécessité et la
proportionnalité de son intervention. Or, en l'espèce, la Décision n'aborderait pas
cette question, en violation de l'article 190 du traité.
- 142.
- Quant à Montedison, elle soutient que la Décision est entachée d'un détournement
de pouvoir, dès lors que son adoption ne serait que le résultat d'un acharnement
punitif et de l'obstination de fonctionnaires de la Commission.
- 143.
- En réponse au grief d'Enichem, la Commission estime que, en vertu de son pouvoir
discrétionnaire, elle peut s'abstenir d'agir (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992,
Automec/Commission, T-24/90, Rec. p. II-2223). Une entreprise ne pourrait, en
revanche, lui reprocher d'avoir usé de ses pouvoirs (arrêt du Tribunal du 14 juillet
1994, Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. p. II-549, points 64 et 65).
- 144.
- En l'espèce, il n'eût pas été logique que la Commission, qui avait exercé son
pouvoir discrétionnaire lors de l'adoption de la décision de 1988, renonce à faire
usage de ses prérogatives, alors que les vices censurés par l'arrêt du 15 juin 1994
résultaient de la phase ultime d'adoption de la décision (arrêt Asteris
e.a./Commission, précité, point 28). De surcroît, l'imposition d'une amende serait
en soi un élément susceptible de justifier l'adoption d'une décision, même si les
parties ont déjà mis fin à l'infraction. Quant aux dispositions de l'article 176 du
traité, elles ne seraient pas en cause en l'espèce.
- 145.
- En réponse au moyen invoqué par LVM et DSM, la Commission estime que, en
adoptant la Décision, elle a montré son souci d'appliquer les règles de concurrence,
dans le respect de l'arrêt du 15 juin 1994 et du règlement n° 2988/74. Dès lors que
les amendes infligées seraient identiques à celles contenues dans la décision de
1988, la Commission ne saurait être accusée d'avoir violé le principe de
proportionnalité.
- 146.
- S'agissant plus particulièrement de la motivation de la Décision, elle estime que,
compte tenu de la mission qui lui incombe au titre de l'article 155 du traité, elle
n'est pas tenue de justifier l'opportunité de son intervention.
- 147.
- Enfin, la Commission relève que Montedison n'avance pas d'éléments objectifs,
précis et concordants de nature à établir l'existence d'un détournement de pouvoir
(arrêts du Tribunal Automec/Commission, précité, point 105, et du 19 mai 1994,
Consorzio gruppo di azione locale «Murgia Messapica»/Commission, T-465/93,
Rec. p. II-361, point 66).
Appréciation du Tribunal
- 148.
- L'étendue des obligations de la Commission dans le domaine du droit de la
concurrence doit être examinée à la lumière de l'article 89, paragraphe 1, du traité,
qui, dans ce domaine, constitue la manifestation spécifique de la mission générale
de surveillance confiée à la Commission par l'article 155 de ce même traité.
- 149.
- La mission de surveillance qui lui est confiée dans le domaine du droit de la
concurrence comprend la tâche d'instruire et de réprimer des infractions
individuelles, mais elle comporte également le devoir de poursuivre une politique
générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le
traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêt de la Cour
du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80
et 103/80, Rec. p. 1825, point 105).
- 150.
- De plus, l'article 85 du traité est une expression de l'objectif général assigné par
l'article 3, sous g), du traité à l'action de la Communauté, à savoir l'établissement
d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun
(dans le même sens, arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La
Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 38).
- 151.
- Au vu de cet objectif général et de la mission assignée à la Commission, le Tribunal
considère que, si, après l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988, la
Commission n'était pas tenue d'adopter la Décision afin de constater les
comportements anticoncurrentiels dénoncés, elle n'était pas non plus empêchée de
le faire dès lors que, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est dévolu,
d'une part, elle n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée (ci-dessus points 77
à 85) et, d'autre part, elle n'a pas poursuivi ou sanctionné les entreprises
concernées en raison de comportements anticoncurrentiels dont le Tribunal, ou la
Cour, aurait déjà constaté que la preuve était, ou non, apportée dans leur chef par
la Commission (ci-dessus points 95 à 99).
- 152.
- Il s'ensuit que c'est à la Commission qu'il revenait d'apprécier, en fonction de la
mission qui lui est conférée par le traité, s'il y avait lieu d'adopter la Décision.
- 153.
- En ce qui concerne les arguments invoqués par LVM et DSM (ci-dessus points 138
et 139) au soutien du moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité,
le Tribunal estime qu'ils doivent être compris en ce sens que la Commission aurait
commis un détournement de pouvoir en adoptant la Décision, ainsi que le soutient
expressément Montedison.
- 154.
- A cet égard, il convient de rappeler qu'une décision n'est entachée de
détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs,
pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou tout au moins
déterminant, d'atteindre des fins autres que celles excipées ou d'éluder une
procédure spécifiquement prévue par le traité pour parer aux circonstances de
l'espèce (arrêts de la Cour du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil, C-84/94,
Rec. p. 5755, point 69, du 25 juin 1997, Italie/Commission, C-285/94, Rec. p. I-3519,
point 52).
- 155.
- LVM, DSM et Montedison n'ayant fourni aucun des indices en cause, ce grief ne
saurait être accueilli.
- 156.
- Quant à l'argument de LVM et de DSM selon lequel la Décision constitue un
moyen disproportionné d'atteindre l'objectif de protection de la concurrence en
l'absence d'une enquête préalable, il s'agit d'une question qui sera examinée lors
de l'appréciation de la légalité des modalités d'adoption de la Décision (ci-après
point 269).
- 157.
- Enfin, s'agissant du prétendu défaut de motivation dont serait entachée la Décision
relativement à la nécessité et à la proportionnalité de l'intervention de la
Commission, il suffit de relever que le premier considérant de la Décision vise «le
traité instituant la Communauté européenne», ce qui, implicitement mais
nécessairement, constitue une référence formelle à la mission assignée à la
Commission.
- 158.
- Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les moyens tirés de la prétendue
méconnaissance du pouvoir d'appréciation de la Commission.
2. Sur la portée de l'arrêt du 15 juin 1994
a) Sur les griefs tirés de l'effet erga omnes de l'arrêt du 15 juin 1994
Arguments des parties
- 159.
- Elf Atochem, BASF et la SAV soutiennent que l'annulation de la décision de 1988,
prononcée par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994, a produit un effet erga omneset constitue dès lors une situation juridique nouvelle à l'égard de toutes les parties
(arrêt de la Cour du 11 février 1955, Assider/Haute Autorité, 3/54, Rec. p. 123), y
compris à l'égard de celles qui n'avaient pas formé de recours en temps utile.
- 160.
- La SAV observe à ce titre qu'elle se trouve discriminée par rapport à Solvay et
Norsk Hydro, qui ne sont pas destinataires de la Décision et à l'égard desquelles
la décision de 1988 ne produit plus aucun effet, en raison de l'arrêt du 15 juin 1994.
- 161.
- De même, LVM et DSM soutiennent que la Commission a méconnu le principe
de non-discrimination, puisque l'article 1er de la Décision constaterait une infraction
commise par tous les producteurs de PVC, les plaçant donc dans une situation
comparable alors que ses articles 2 à 4, qui fixent les sanctions, excluraient
expressément Norsk Hydro et Solvay.
- 162.
- La Commission ne pourrait tenter de se justifier en arguant de la validité de la
décision de 1988 à l'égard de ces deux entreprises car, selon l'article 174 du traité,
l'acte annulé doit être considéré comme «inexistant» et les parties replacées dans
la situation antérieure (arrêt de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil,
22/70, Rec. p. 263, point 60). L'annulation produirait également un effet erga
omnes; l'article 174 du traité ne limiterait ainsi nullement l'effet de l'annulation aux
entreprises ayant valablement formé un recours contre l'acte. D'ailleurs, si une
décision est obligatoire pour tous les destinataires selon l'article 189 du traité CE,
la nullité ne pourrait valoir qu'à l'égard de tous.
- 163.
- En outre, si l'on admettait les thèses de la Commission, la discrimination dénoncée
se constaterait également en matière d'exécution; alors que la Décision serait
susceptible d'exécution à l'égard de ses destinataires, la décision de 1988 ne le
serait plus à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro. Celles-ci, bien que dans une
situation comparable à celle des autres entreprises, échapperaient à toute sanction.
- 164.
- La Commission expose que la décision de 1988 était un faisceau de décisions
individuelles. Solvay n'ayant pas formé de recours contre cette décision et Norsk
Hydro n'ayant pas introduit son recours en temps utile, la décision de 1988 serait
devenue définitive à leur égard (notamment, arrêts de la Cour du
17 novembre 1965, Collotti/Cour de justice, 20/65, Rec. p. 1045, du
14 décembre 1965, Pfloeschner/Commission, 52/64, Rec. p. 1211, et du 14 juin 1988,
Muysers et Tülp/Cour des comptes, 161/87, Rec. p. 3037, points 9 et 10).
- 165.
- Elle précise que la question de l'effet erga omnes des arrêts d'annulation, qui
concerne l'annulation d'actes normatifs affectant l'ordre juridique en général, ne
se pose pas en l'espèce; l'effet d'un arrêt annulant une décision individuelle ne
pourrait être que relatif.
- 166.
- Enfin, le moyen soulevé par LVM et DSM, tiré d'une violation du principe de non-discrimination, serait irrecevable, dès lors que la position de Solvay et de Norsk
Hydro ne pourrait léser les intérêts de ces deux requérantes. La Commission
estime, en outre, que le moyen n'est pas fondé, dès lors que Solvay et Norsk Hydro
restent soumises à la décision de 1988.
Appréciation du Tribunal
- 167.
- La décision de 1988, bien que rédigée et publiée sous la forme d'une seule
décision, doit s'analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à
l'égard de chacune des entreprises destinataires l'infraction aux dispositions de
l'article 85 du traité retenue à sa charge et lui infligeant une amende. En effet, la
Commission aurait pu, si elle l'avait souhaité, adopter, de façon formelle, plusieurs
décisions individuelles distinctes, constatant les infractions à l'article 85 du traité
qu'elle avait retenues.
- 168.
- Selon l'article 189 du traité, chacune de ces décisions individuelles faisant partie de
la décision de 1988 est obligatoire dans tous ses éléments pour le destinataire
qu'elle désigne. Dans la mesure où un destinataire n'a pas introduit, au titre de
l'article 173 du traité, un recours en annulation à l'encontre de la décision de 1988,
cette décision reste donc valable et contraignante à son égard (voir, dans le même
sens, arrêt de la Cour du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188/92,
Rec. p. I-833, point 13).
- 169.
- Dès lors, si un destinataire décide d'introduire un recours en annulation, le juge
communautaire n'est saisi que des éléments de la décision le concernant. En
revanche, les éléments de la décision concernant d'autres destinataires, qui n'ont
pas été attaqués, n'entrent pas dans l'objet du litige que le juge communautaire est
appelé à trancher.
- 170.
- Celui-ci ne peut, dans le cadre d'un recours en annulation, statuer que sur l'objet
du litige qui lui a été déféré par les parties. Par conséquent, la décision de 1988 n'a
pu être annulée qu'en ce qui concerne les destinataires ayant obtenu gain de cause
dans leurs recours devant le juge communautaire.
- 171.
- Le point 2 du dispositif de l'arrêt du 15 juin 1994 n'emporte donc annulation de la
décision de 1988 que dans la mesure où elle concerne les parties ayant obtenu gain
de cause devant la Cour.
- 172.
- Quant à la jurisprudence invoquée par les requérantes à l'appui de la thèse de
l'effet erga omnes, elle est dépourvue de pertinence en l'espèce, étant donné que
l'arrêt Assider/Haute Autorité, précité, concerne l'effet d'un arrêt d'annulation
d'une décision générale prise dans le cadre du traité CECA et non, comme en
l'espèce, d'un faisceau de décisions individuelles.
- 173.
- Il découle de ce qui précède que la Commission n'a commis aucune discrimination
à l'égard des requérantes en ne mentionnant pas les entreprises Solvay et Norsk
Hydro dans les articles du dispositif de la Décision. En effet, pour qu'il puisse être
reproché à la Commission d'avoir commis une discrimination, il faut qu'elle ait
traité de façon différente des situations comparables, entraînant un désavantage
pour certains opérateurs par rapport à d'autres, sans que cette différence de
traitement soit justifiée par l'existence de différences objectives d'une certaine
importance (arrêt de la Cour du 15 janvier 1985, Finsider/Commission, 250/83, Rec.
p. 131, point 8). Or, en l'espèce, il suffit de constater que, contrairement à ce que
prétendent les requérantes, celles-ci, d'une part, et Norsk Hydro et Solvay, d'autre
part, ne sont pas placées dans des situations comparables, dès lors que la décision
de 1988 n'a pas été annulée à l'égard de ces deux dernières entreprises. De
surcroît, il convient de constater que la Commission, en réponse à une question du
Tribunal, a indiqué que Norsk Hydro et Solvay avaient payé les amendes qui leur
avaient été infligées, si bien que les requérantes ne peuvent prétendre se trouver
dans une situation défavorable par rapport à celle de ces deux entreprises.
- 174.
- Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l'annulation par la Cour de la
décision de 1988 n'a pas produit, contrairement à ce que font valoir les
requérantes, un effet erga omnes et que le moyen tiré d'une violation du principe
de non-discrimination doit être rejeté comme non fondé.
b) Sur les griefs tirés de l'invalidité des actes de procédure ayant précédé l'adoption
de la Décision
Arguments des parties
- 175.
- Elf Atochem et BASF soutiennent que l'annulation de la décision de 1988,
prononcée par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994, aurait produit un effet ex tunc.
Elles en déduisent que la Décision, distincte de la décision de 1988, ne pouvait
intervenir, en tout état de cause, qu'à l'issue d'une nouvelle procédure
administrative.
- 176.
- Wacker, Hoechst et Hüls estiment que l'annulation par la Cour de la décision de
1988, mettant un terme à la procédure administrative, aurait entraîné de plein droit
l'irrégularité de la procédure administrative contradictoire dans son ensemble, c'est-à-dire depuis la communication des griefs (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970,
ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 48 à 52, et du
25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 30; arrêts du
Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10/92,
T-11/92, T-12/92 et T-15/92, Rec. p. II-2667, point 47, et SIV e.a./Commission,
précité, point 83). La procédure contradictoire devant la Commission et la décision
finale formeraient, en effet, une procédure administrative unique. Dès lors, la
Décision serait illégale, faute pour la Commission d'avoir engagé, préalablement
à l'adoption de la Décision, une nouvelle procédure administrative. A l'appui de
cette thèse, Wacker et Hoechst relèvent que les actes d'une procédure
administrative menée au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 ne
sont que des actes préparatoires, dont la régularité ne peut être appréciée que dans
le cadre du contrôle de la décision finale (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981,
IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, points 9 et suivants, et ordonnance de la
Cour du 18 juin 1986, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec.
p. 1899, points 13 et suivants).
- 177.
- Wacker, Hoechst et Hüls concluent que, pour adopter une nouvelle décision après
l'annulation, la Commission aurait dû ouvrir une nouvelle procédure administrative
contradictoire (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité) et respecter
l'ensemble des formes substantielles prescrites.
- 178.
- Wacker et Hoechst soulignent, de plus, que rien dans le dispositif ou dans les
motifs de l'arrêt du 15 juin 1994 ne permet de penser que la Cour ait entendu aller
à l'encontre de ces principes et préserver, jusqu'au vice constaté, la procédure
administrative qui avait été conduite pour l'adoption de la décision de 1988 (arrêt
de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, points 106
à 109). Enfin, ces requérantes précisent que la Commission ne dispose pas du droit
de rectifier les violations de formes substantielles (arrêt de la Cour du 7 février
1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, points 7 à 11; conclusions
de l'avocat général Warner sous l'arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers
Company/Commission, 30/78, Rec. p. 2229, 2267, 2297 et suivantes).
- 179.
- Enichem soutient, quant à elle, que l'annulation de la décision de 1988 a réduit à
néant les actes procéduraux préalables à cette décision, à l'égard de laquelle ils
n'ont qu'un caractère accessoire. En effet, ces actes n'auraient aucune signification
autonome; ils ne seraient d'ailleurs pas, en eux-mêmes, susceptibles de faire l'objet
d'un recours en annulation (arrêts IBM/Commission et Cimenteries
CBR e.a./Commission, précités).
- 180.
- Enfin, Montedison affirme qu'une entreprise condamnée à une amende dispose
d'un droit à une procédure préalable. Il serait donc faux d'affirmer que les étapes
procédurales précédant celle qui est viciée demeurent valables pour l'adoption d'un
nouvel acte, surtout lorsque la procédure administrative vise à protéger le droit au
débat contradictoire et les droits de la défense de la partie concernée. Les diverses
phases de la procédure seraient en effet des étapes nécessaires que la Commission
doit franchir avant de pouvoir infliger une amende (arrêt IBM/Commission, précité,
point 17).
- 181.
- La Commission observe que, pour se conformer à un arrêt d'annulation,
l'institution concernée est tenue de respecter non seulement le dispositif de l'arrêt,
mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le support
nécessaire (arrêt Asteris e.a./Commission, précité, point 27). En l'espèce, le motif
unique d'annulation de la décision de 1988 aurait été la violation de l'article 12,
premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque,
relatif à l'authentification des actes (arrêt du 15 juin 1994, points 76 à 78). Enconséquence, la procédure administrative préalable n'aurait été ni affectée, ni
remise en cause, par l'arrêt de la Cour.
- 182.
- Or, conformément à l'article 176 du traité, l'exécution d'un arrêt comporte le
rétablissement de la situation telle qu'elle existait antérieurement à la survenance
des circonstances censurées par la Cour (arrêt du Tribunal du 15 juillet 1993,
Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841,
point 79). La Commission aurait donc été en droit d'arrêter une nouvelle décision
en respectant les formes qui avaient été violées (arrêt de la Cour du 13 novembre
1990, Fedesa e.a., C-331/88, Rec. p. I-4023, point 34; conclusions de l'avocat
général M. Mischo sous cet arrêt, Rec. p. 4042, point 57, et arrêt Cimenteries
CBR e.a./Commission, précité, point 47).
Appréciation du Tribunal
- 183.
- Le point 2 du dispositif de l'arrêt du 15 juin 1994 est libellé comme suit:
«La décision 89/190/CEE de la Commission, du 21 décembre 1988, relative à une
procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.865, PVC), est
annulée.»
- 184.
- Afin de déterminer la portée de l'arrêt d'annulation de la décision de 1988, il
convient de se référer aux motifs de cet arrêt. Ce sont, en effet, ces motifs qui,
d'une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d'autre
part, font apparaître les raisons exactes de l'illégalité constatée dans le dispositif
(arrêt Asteris e.a./Commission, précité, point 27; arrêts du Tribunal du 5 juin 1992,
Finsider/Commission, T-26/90, Rec. p. II-1789, point 53, et de la Cour du
12 novembre 1998, Espagne/Commission, C-415/96, non encore publié au Recueil,
point 31).
- 185.
- A cet égard, il ressort des motifs de l'arrêt du 15 juin 1994 que la décision de 1988
a été annulée pour défaut d'authentification au sens de l'article 12, premier alinéa,
du règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque.
- 186.
- En effet, après avoir déclaré que la Commission avait l'obligation, entre autres, de
prendre les mesures aptes à permettre d'identifier avec certitude le texte complet
des actes adoptés par le collège (point 73 des motifs), la Cour a rappelé que, selon
l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque, «[l]es
actes adoptés par la Commission, en séance ou par la procédure écrite, sont
authentifiés, dans la ou les langues où ils font foi, par les signatures du président
et du secrétaire exécutif» (point 74 des motifs).
- 187.
- Puis, la Cour a jugé: «Loin de n'être qu'une simple formalité destinée à assurer sa
mémoire, l'authentification des actes prévue audit article 12, premier alinéa, a pour
but d'assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texte
adopté par le collège. Elle permet ainsi de vérifier, en cas de contestation, la
correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec ce dernier et, par là
même, avec la volonté de leur auteur.» (Point 75 des motifs.) Dès lors,
«l'authentification des actes visée à l'article 12, premier alinéa, du règlement
intérieur de la Commission constitue une forme substantielle au sens de
l'article 173 du traité [...], dont la violation peut donner lieu à un recours en
annulation» (point 76 des motifs).
- 188.
- La Cour, ayant relevé que la Commission ne contestait pas avoir omis de procéder
à l'authentification de la décision litigieuse dans les termes prévus par les
dispositions de son règlement intérieur, a conclu que la décision de 1988 devait être
annulée «pour violation des formes substantielles, sans qu'il soit nécessaire
d'examiner les autres moyens soulevés par les requérantes» (point 78 des motifs).
- 189.
- Il se déduit de cet exposé que la Cour a annulé la décision de 1988 à cause d'un
vice de procédure qui concernait exclusivement les modalités de l'adoption
définitive de cette décision par la Commission. Dès lors que le vice procédural
constaté est intervenu au stade ultime de l'adoption de la décision de 1988,
l'annulation n'a pas affecté la validité des mesures préparatoires de cette décision,
antérieures au stade où ce vice a été constaté (dans le même sens, arrêts
Fedesa e.a., précité, point 34, et Espagne/Commission, précité, point 32).
- 190.
- Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argumentation présentée par certaines
requérantes, selon laquelle l'annulation de la décision de 1988 a nécessairement
réduit à néant les actes procéduraux antérieurs à cette décision, en raison de leur
caractère indissociable de la décision finale. En effet, le fait que des mesures de
nature purement préparatoire ne puissent en tant que telles faire l'objet d'un
recours en annulation (arrêt IBM/Commission, précité, point 12) s'explique par
l'absence, dans le chef de la Commission, de position définitivement fixée. Il
n'emporte donc pas la conséquence que la validité de ces mesures est mise en
cause lorsque la décision finale est annulée en raison d'un vice procédural
intervenu, comme en l'espèce, à un stade ultérieur à ces mesures.
- 191.
- Elle n'est pas davantage infirmée par l'argumentation tirée de l'arrêt Cimenteries
CBR e.a./Commission, précité. Dans les affaires ayant donné lieu à cet arrêt, le
Tribunal a déclaré irrecevables les recours introduits par les requérantes,
notamment, contre la décision de la Commission leur refusant de donner accès à
l'ensemble des documents faisant partie de son dossier, faute d'acte attaquable.
Dans le contexte de son appréciation, le Tribunal a indiqué que, si, par hypothèse,
il «devait reconnaître, dans le cadre d'un recours contre une décision mettant un
terme à la procédure, l'existence d'un droit d'accès complet au dossier qui aurait
été méconnu et, partant, annuler la décision finale de la Commission pour violation
des droits de la défense, ce serait l'ensemble de la procédure qui serait entachée
d'illégalité» (point 47 des motifs).
- 192.
- Cette référence à «l'ensemble de la procédure» ne peut pas être interprétée
séparément de la phrase suivante des motifs de l'arrêt, selon laquelle la
Commission pourrait reprendre la procédure en «donnant aux entreprises et
associations d'entreprises concernées la possibilité de faire à nouveau connaître leur
point de vue sur les griefs retenus contre elles à la lumière de l'ensemble des
nouveaux éléments auxquels elles auraient dû avoir accès» (point 47 des motifs).
Or, il découle du libellé même de cette appréciation que le Tribunal n'a pas estimé
que la validité de la communication des griefs pouvait être mise en cause.
- 193.
- A la lumière de ce qui précède, il convient de conclure que la validité des actes
préparatoires antérieurs à l'adoption de la décision de 1988 n'a pas été mise en
cause par l'annulation de cette décision par la Cour. Par conséquent, les griefs tirés
de l'invalidité de ces actes doivent être rejetés comme non fondés.
3. Sur les modalités d'adoption de la Décision, après l'annulation de la décision de
1988
Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes
- 194.
- Les requérantes soutiennent en substance que, même si le vice constaté est survenu
au stade ultime de l'adoption de la décision de 1988, la réparation de ce vice par
la Commission exigeait que certaines garanties procédurales soient respectées avant
d'adopter la Décision.
- 195.
- Les requérantes font valoir que la Décision est nouvelle par rapport à la décision
de 1988 puisque celle-ci a été annulée. Cette seule circonstance aurait impliqué
qu'une nouvelle procédure administrative fût ouverte afin d'adopter la Décision.
Certaines requérantes affirment qu'une telle procédure administrative aurait dû
être intégralement reprise tandis que d'autres estiment que certaines étapes de
cette procédure auraient dû être respectées. De manière plus générale, la
Commission aurait violé le droit des requérantes d'être entendues.
En ce qui concerne les étapes procédurales prévues par le droit dérivé
- 196.
- LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM, la SAV, Montedison, ICI et Hüls font
valoir qu'elles n'ont pas pu présenter leur point de vue conformément aux
dispositions des règlements n° 17 et n° 99/63, lesquelles sont l'expression du
principe fondamental du droit communautaire des droits de la défense, applicable
même en l'absence de législation spécifique (arrêts de la Cour Transocean Marine
Paint/Commission, British Aerospace et Rover/Commission, précités, Hoffmann-La
Roche/Commission, précité, point 9, du 29 octobre 1980, Van Landewyck
e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 81, Musique
Diffusion française e.a/Commission, précité, points 9 et 10, et du 9 novembre 1983,
Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 7; arrêts du Tribunal du 10 juillet
1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, point 46, et du 29 juin 1995,
ICI/Commission, T-36/91, Rec. p. II-1847, point 69). La SAV souligne que la
décision de 1988 est censée n'avoir jamais existé, si bien que la Commission aurait
dû reprendre l'ensemble de la procédure administrative, ainsi d'ailleurs qu'elle s'y
serait engagée dans le Quatrième Rapport sur la politique de concurrence (point 49).
De plus, selon la SAV et ICI, considérer avec la Commission que seules des
modifications substantielles du contenu de la décision annulée lors de sa réfection
auraient pu justifier une nouvelle procédure ne repose que sur la jurisprudence de
la Cour en matière d'équilibre institutionnel, qui ne serait pas en cause en l'espèce
(arrêt Fedesa e.a., précité).
- 197.
- ICI rejette l'argument de la Commission, selon lequel elle aurait été en droit de se
borner à rectifier l'erreur relevée par la Cour sans entendre les parties, car la
décision de 1988 et la Décision seraient intervenues dans des circonstances de fait
et de droit différentes relativement aux acteurs, à la situation économique du
marché ou aux évolutions jurisprudentielles intervenues dans les années précédant
la Décision.
- 198.
- Quant à la SAV et à Montedison, elles font valoir, dans ce contexte, que l'acte
annulé ayant été adopté en vertu d'une compétence discrétionnaire, l'institution ne
peut reprendre l'acte annulé pour vice de forme qu'à condition de respecter les
formes requises et les droits de la défense, même en l'absence de texte spécifique
(arrêt Transocean Marine Paint/Commission, précité, point 16).
- 199.
- LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, ICI, Hüls et
Enichem soutiennent, plus spécifiquement, que la Commission, en ne procédant pas
à une procédure administrative préalable, a méconnu les obligations qu'elle s'est
impartie à elle-même en ce qui concerne le rôle du conseiller-auditeur. Elf
Atochem, Shell, la SAV, ICI et Enichem invoquent la décision de la Commission,
du 23 novembre 1990, relative au déroulement des auditions dans le cadre des
procédures d'application des articles 85 et 86 du traité CEE et des articles 65 et
66 du traité CECA (Vingtième Rapport sur la politique de concurrence, p. 350).
BASF et Hüls font valoir que la Commission a méconnu les articles 5, 6 et 7 de la
décision de la Commission du 8 septembre 1982, relative au mandat du conseiller-auditeur (Treizième Rapport sur la politique de concurrence, p. 291).
- 200.
- ICI prétend que la Décision aurait été substantiellement différente si le conseiller-auditeur avait pu intervenir, dès lors qu'ICI aurait pu à cette occasion invoquer,
notamment, la prescription des faits, le retard dans l'adoption de la Décision, le
refus de la Commission de lui donner accès au dossier, la question de l'auto-incrimination, la portée de l'article 20 du règlement n° 17 et la notion de pratique
concertée.
- 201.
- Selon Hüls, l'intervention du conseiller-auditeur en 1988 ne peut pas être
considérée comme ayant permis à celui-ci d'exercer, en 1994, les fonctions qui lui
sont dévolues; en réalité, il devrait nécessairement exister une proximité dans le
temps entre l'intervention du conseiller-auditeur et l'adoption de la décision
correspondante. L'attitude de la Commission en l'espèce serait d'autant plus
surprenante que le rôle du conseiller-auditeur a été élargi (XXIIIe Rapport sur la
politique de concurrence, points 203 et suivants; décision 94/810/CECA, CE de la
Commission, du 12 décembre 1994, relative au mandat des conseillers-auditeurs
dans le cadre des procédures de concurrence devant la Commission, JO L 330,
p. 67).
- 202.
- Enichem ajoute que l'arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Hüls/Commission (T-9/89,
Rec. p. II-499), dont se prévaut la Commission, ne permet pas de conclure que
l'audition du conseiller-auditeur n'est pas une étape obligatoire dans toute
procédure. En l'espèce, s'il avait été entendu, le conseiller-auditeur aurait pu
présenter des observations sur l'opportunité de réadopter une décision, les
points 55 à 59 des motifs de la Décision, qui seraient nouveaux par rapport aux
motifs de la décision initiale (arrêt de la Cour du 29 juin 1994,
Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885, point 40) et qui relèvent de la
compétence exclusive du collège des membres de la Commission, le montant de
l'amende, discriminatoire et fixé de façon erronée sur le chiffre d'affaires de 1987,
plutôt que sur celui de 1993, l'appréciation de la prescription, qui constituerait,
contrairement aux affirmations de la Commission, un moyen de fond, les règles
relatives à l'accès au dossier, l'effet erga omnes de l'arrêt de la Cour, l'application
du principe de l'autorité de la chose jugée, en vertu duquel la Commission n'avait
pas le pouvoir d'adopter la Décision, qui porte sur les mêmes faits, en violation du
principe non bis in idem, l'évolution du marché du PVC, dont la requérante s'est
retirée en 1986, en cédant ses activités à une entreprise commune constituée à
50 % avec ICI, dont elle ne détiendrait plus qu'une part minoritaire. La Décision
aurait donc pu s'en trouver substantiellement affectée. En raison du choix opéré
par la Commission, la requérante se trouverait contrainte de former un recours
pour présenter de telles observations.
- 203.
- LVM, Elf Atochem, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, ICI, Hüls et Enichem
estiment que la Commission a méconnu l'obligation de consulter le comité
consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après «comité
consultatif») avant d'adopter la Décision, consultation prévue par l'article 10,
paragraphe 3, du règlement n° 17. Le comité consultatif devrait en effet intervenir
avant l'adoption de toute décision constatant une infraction aux règles de
concurrence visée à l'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 17 et de toute
décision infligeant une amende, conformément à l'article 15, paragraphe 3, de ce
même règlement. La Décision étant nouvelle par rapport à la décision initiale, la
consultation du comité consultatif qui a eu lieu en 1988 serait, selon les
requérantes, soit inopérante, soit insuffisante. La Décision devrait donc être
annulée pour violation des formes substantielles (conclusions de l'avocat général
M. Gand sous l'arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, Rec. p. 707, 709 à
711, de l'avocat général M. Warner sous l'arrêt Distillers Company/Commission,
précité, Rec. p. 2267, 2293, et de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt de
la Cour du 28 février 1984, Ford/Commission, 228/82 et 229/82, Rec. p. 1129, 1147,
1173; certaines des requérantes invoquent également la jurisprudence relative à la
violation d'une obligation de consultation: arrêts de la Cour du 21 décembre 1954,
Italie/Haute Autorité, 2/54, Rec. p. 73, Roquette Frères/Conseil, précité, du
16 juillet 1992, Parlement/Conseil, C-65/90, Rec. p. I-4593, du 5 octobre 1993,
Driessen e.a., C-13/92, C-14/92, C-15/92 et C-16/92, Rec. p. I-4751, et du
1er juin 1994, Parlement/Conseil, C-388/92, Rec. p. I-2067). L'arrêt de la Cour du
15 mai 1975, Frubo/Commission (71/74, Rec. p. 563), dont se prévaut la
Commission, ne serait en revanche pas pertinent, dès lors que l'on ne saurait
comparer la consultation générale des États dans le cadre du règlement n° 26/62
du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence
à la production et au commerce des produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993), en
l'absence de doute dans le chef de la Commission, et la consultation du comité
consultatif, organisée de façon précise dans le règlement n° 17.
- 204.
- La consultation du comité consultatif se serait d'autant plus imposée en l'espèce
pour deux raisons. En premier lieu, BASF, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et
Enichem font valoir que la Décision est la première à intervenir après annulation,
par le juge communautaire, d'une décision précédente à l'égard des mêmes
entreprises. Or, ainsi que le soutiennent la SAV et ICI, en raison du rôle qui lui est
conféré, le comité consultatif, qui doit être étroitement associé à une évolution
concertée de la politique de la concurrence (Treizième Rapport sur la politique de
concurrence, point 79), aurait dû être consulté sur l'opportunité de prendre une
nouvelle décision lorsque la précédente a été annulée, ce qui relèverait
manifestement, en l'absence de précédent jurisprudentiel, de la politique de la
concurrence. Le fait que l'adoption d'une nouvelle décision, après annulation d'une
décision précédente, relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission rendrait
d'autant plus nécessaire une consultation du comité consultatif sur l'opportunité
d'agir ainsi. Ce serait d'ailleurs en ce sens que la Commission aurait agi dans le
passé [décision 75/649/CEE de la Commission, du 23 octobre 1975, relative à une
procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/223 Transocean Marine
Paint Association) (JO L 286, p. 24)].
- 205.
- En second lieu, BASF, Wacker, Hoechst, ICI, Hüls et Enichem font valoir que le
comité consultatif aurait dû être consulté également en raison des modifications
apportées au texte de la Décision par rapport à celui de la décision initiale, mais
aussi selon certaines d'entre elles, en raison de la longueur de la procédure, des
circonstances particulières ayant abouti à l'annulation de la décision initiale, des
erreurs de la Commission révélées lors de l'instruction, devant le Tribunal, des
recours formés contre cette décision et de l'évolution du marché de ce produit
depuis 1988. ICI indique dans ce contexte que la modification de la composition
du comité consultatif justifiait également une nouvelle consultation de cet organe.
Dans ce même contexte, BASF fait valoir que la consultation du comité consultatif
aurait également pour objet de garantir aux entreprises mises en cause le droit à
une procédure équitable et le droit d'être entendues, comme en témoignent les
articles 1er, 7, paragraphe 1, et 8, paragraphe 2, du règlement n° 99/63.
- 206.
- BASF, Wacker, Hoechst et ICI estiment que cette consultation aurait pu conduire
la Commission à adopter une décision différente, notamment quant au montant des
amendes, voire à renoncer à adopter la Décision. A cet égard, BASF relève que,
en supprimant deux phrases du point 37 des considérants de la décision initiale,
relatif aux effets néfastes de l'entente, la Commission a supprimé un aspect qui
avait donc nécessairement eu une incidence sur la décision d'infliger une amende,
et sur son montant.
- 207.
- BASF et ICI considèrent, en outre, que, si le comité consultatif doit être consulté
avant le renouvellement d'une exemption, il devrait alors en être de même lorsque
la Commission adopte une décision remplaçant une décision annulée.
- 208.
- Plus spécifiquement, LVM et DSM soulignent que, en ne consultant pas le comité
consultatif avant l'adoption de la Décision, la Commission n'a pas permis aux États
membres de participer à la définition de la politique communautaire de
concurrence et que sa consultation obligatoire contribuerait à la recherche de
l'équilibre institutionnel en cette matière. La violation d'une telle obligation devrait,
dès lors, entraîner l'annulation de la Décision, pour violation des formes
substantielles, voire pour incompétence, si cette obligation est comprise comme
requérant l'accord des autorités compétentes des États membres.
- 209.
- La SAV déclare que la jurisprudence en matière d'équilibre institutionnel, qui se
rapporte à l'obligation de consultation du Parlement sur une proposition de
directive ayant fait l'objet d'amendements successifs (en particulier, arrêt du
16 juillet 1992, Parlement/Conseil, précité), ne peut pas être transposée par
analogie à l'hypothèse d'absence de consultation du comité consultatif sur une
nouvelle décision faisant grief à son destinataire.
- 210.
- Enfin, la SAV et ICI estiment que la Commission a violé l'article 190 du traité, en
ce que les visas de la Décision se réfèrent uniquement à la consultation du comité
consultatif effectuée avant l'adoption de la décision de 1988.
- 211.
- De manière également plus spécifique, la SAV fait valoir que la Commission a
méconnu l'obligation de coopération avec l'Autorité de surveillance AELE. En
particulier, les dispositions des articles 53, 56 et 58 de l'accord sur l'Espace
économique européen, signé à Porto le 2 mai 1992 et entré en vigueur le
1er janvier 1994, ainsi que ses protocoles 21 et 23, feraient obligation à la
Commission de coopérer avec l'Autorité de surveillance AELE, en ce qui concerne
la détermination de la politique de concurrence et l'adoption des décisions
individuelles dans ce domaine. En s'abstenant de consulter le comité consultatif, la
Commission aurait privé l'Autorité de surveillance AELE de la possibilité
d'exprimer son point de vue. L'obligation de coopération avec cette Autorité
s'imposerait du fait même de l'adoption d'une décision, indépendamment de la
question de savoir si cette décision est identique à une décision antérieure annulée.
En outre, s'agissant d'une affaire mettant en cause la politique de la concurrence,
l'Autorité de surveillance aurait dû être appelée à coopérer avec la Commission.
En ce qui concerne le droit d'être entendu allégué par les requérantes
- 212.
- La Commission aurait violé à plusieurs titres le droit des entreprises de faire
connaître leur point de vue.
- 213.
- En premier lieu, LVM et DSM soutiennent que la seule intention d'adopter un
nouvel acte faisant grief suffirait à entraîner l'obligation d'entendre les parties sur
cette intention (arrêt de la Cour du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission,
C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, point 44). ICI estime qu'elle aurait dû en tout
état de cause être entendue sur le caractère souhaitable ou judicieux d'une nouvelle
décision dans les circonstances de l'espèce.
- 214.
- En second lieu, selon la SAV, Hüls et Enichem, la décision préalable de s'écarter
de la procédure normale d'adoption d'une décision aurait justifié une audition des
parties sur cette décision préalable.
- 215.
- La SAV estime que, en ne reprenant pas l'ensemble de la procédure administrative
afin d'adopter la Décision, la Commission a effectué un choix. Or, le droit, pour le
destinataire d'un acte, d'être informé des conditions dans lesquelles la Commission
envisage d'adopter une décision s'imposerait aux autorités publiques, même en
l'absence d'un texte spécifique (arrêts de la Cour du 27 juin 1991,
Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, C-49/88, Rec. p. I-3187,
point 16, et Pays-Bas e.a./Commission, précité). La Commission aurait donc dû
entendre les entreprises sur le choix procédural envisagé.
- 216.
- Hüls considère pour sa part qu'elle aurait dû être mise en mesure de présenter ses
observations sur la légalité de la procédure que la Commission entendait suivre
après l'arrêt du 15 juin 1994, notamment sur le point de savoir si une nouvelle
décision pouvait être adoptée sans nouvelle audition.
- 217.
- BASF, Wacker, Hoechst et Hüls soulignent que la Commission, dubitative sur la
démarche à suivre pour l'adoption de la Décision, aurait demandé à son servicejuridique une note sur ce point. BASF, Hüls et Wacker demandent au Tribunal
d'enjoindre à la Commission de produire cette note au dossier et, selon BASF, s'il
n'y a eu qu'un avis oral, d'entendre l'agent qui l'a délivré.
- 218.
- En troisième lieu, LVM, BASF, Shell, DSM, la SAV, ICI et Enichem soutiennent
que l'adoption d'une nouvelle décision impliquait l'obligation, pour la Commission,
d'entendre les entreprises concernées avant l'adoption d'un acte leur faisant grief
(arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263,
point 27, du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 40/85, Rec. p. 2321, point 28, du
11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, Rec. p. 4393, point 12, du
14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, point 29, et Pays-Bas
e.a./Commission, précité, point 44). Les entreprises auraient ainsi pu faire valoir
leurs observations notamment sur l'évolution de la jurisprudence relativement à la
notion de pratique concertée et les modalités de preuves de l'existence de celle-ci.
De même auraient-elles pu présenter leurs observations sur l'évolution de la
jurisprudence relativement aux conditions d'accès au dossier de la Commission,
l'interprétation des règles de prescription, le retard avec lequel la Commission s'est
prononcée, la discrimination par rapport à Norsk Hydro et Solvay et le principe
non bis in idem.
- 219.
- Wacker, Hoechst et ICI estiment, dans ce contexte, que la Commission ne peut pas
prétendre limiter le droit d'être entendu aux seuls griefs reprochés à une
entreprise. Une entreprise devrait pouvoir faire connaître ses observations chaque
fois que la Commission émet de nouveaux points de vue qui n'ont pas été
communiqués jusqu'alors, qu'ils se rapportent aux faits ou au droit.
- 220.
- LVM et DSM considèrent également que la faculté des entreprises de soumettre
le litige au Tribunal ne dispense pas la Commission de les entendre avant
l'adoption d'une décision (arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, précité,
point 108) et la violation du droit fondamental ne peut être ainsi régularisée, sauf
à porter atteinte à l'équilibre institutionnel.
- 221.
- Selon la SAV, la procédure ancienne n'aurait pu être reprise au stade où elle avait
été viciée que dans la mesure où elle aurait été réactualisée, ce qui imposait à la
Commission de tenir compte, au stade de la réfection de l'acte, des modifications
de fait et de droit qui étaient intervenues (arrêts de la Cour du 3 octobre 1991,
Italie/Commission, C-261/89, Rec. p. I-4437, British Aerospace et
Rover/Commission, précité, et conclusions de l'avocat général M. van Gerven sous
cet arrêt, Rec. p. I-504, points 10 et 12). La SAV souligne qu'elle aurait dû être
entendue afin de se prévaloir des évolutions jurisprudentielles (ci-dessus point 218),
ce qui ferait partie de l'objet spécifique de la procédure administrative. Par ailleurs,
le seul fait que la SAV puisse se prévaloir de cette jurisprudence à l'occasion du
présent recours n'affecterait pas l'obligation qu'avait la Commission de l'entendre
auparavant à ce sujet, ce qui aurait pu conduire à une décision différente.
- 222.
- En quatrième lieu, LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM, Wacker, Hoechst, la
SAV, ICI, Hüls et Enichem considèrent que les entreprises devaient être entendues
car la Décision contient des différences textuelles par rapport à la décision initiale,
sur des points décisifs (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Bayer/Commission,
51/69, Rec. p. 745, point 11, et Cassella/Commission, 55/69, Rec. p. 887, point 11),
telles que l'appréciation des règles relatives à la prescription, la suppression de
deux phrases relatives aux effets de l'entente (point 37 des considérants de la
Décision), l'ajout d'une partie relative à la procédure depuis 1988, l'omission de
Solvay et de Norsk Hydro. Shell estime, de plus, que le maintien de l'injonction de
ne plus faire (article 2 de la Décision) atteste que la Commission devait disposer
d'informations relatives à la période 1988-1994, sur lesquelles Shell n'a pas été
entendue.
- 223.
- En cinquième lieu, BASF soutient que la précédente procédure administrative
ayant été close par la décision de 1988, une nouvelle audition des entreprises
s'imposait.
- 224.
- En sixième lieu, BASF, Wacker, Hoechst, ICI et Hüls allèguent qu'elles auraient
dû être entendues car un délai de six années s'est écoulé entre l'audition et
l'adoption de la Décision. Dans le même sens, Shell fait valoir qu'un laps de temps
excessif s'est écoulé entre l'infraction prétendue et l'adoption de la Décision; se
poserait alors la question de savoir si la procédure n'est pas abusive et injustement
préjudiciable à la requérante. BASF, Wacker, Hoechst et Hüls soulignent que la
procédure de constatation d'infraction aboutissant à l'imposition d'amendes a une
fonction dissuasive (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité,
point 106) et présente un caractère quasi-pénal. Des garanties identiques à celles
prévues en procédure pénale devraient donc être reconnues. Parmi ces garanties
figureraient notamment l'obligation d'une proximité raisonnable dans le temps
entre la date de l'audition et celle de la décision (arrêt du Tribunal du 7 juillet
1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 167). En
l'espèce, le délai de six ans écoulé entre ces deux dates, qui ne pourrait pas être
imputé aux entreprises dès lors que la décision de 1988 était entachée de graves
vices, ne pourrait être qualifié de raisonnable. BASF ajoute que, compte tenu de
l'évolution du marché du PVC, de celle de la situation de BASF et des
modifications substantielles apportées au texte de la Décision, une nouvelle
audition des entreprises s'imposait afin d'adopter la Décision en tenant compte de
toutes les circonstances de droit et de fait existant à la date d'adoption.
- 225.
- ICI soutient enfin qu'elle ne peut être considérée comme ayant été en mesure de
défendre efficacement ses intérêts, dès lors que six années se sont écoulées entre
la présentation de ses observations, écrites et orales, et l'adoption de la Décision;
en effet, le droit de présenter effectivement des observations suppose d'être
entendu dans le contexte juridique et factuel prévalant au cours de la période
immédiatement antérieure à l'adoption d'une décision.
Arguments de la Commission
- 226.
- En réponse aux moyens et arguments des parties requérantes, la Commission
expose que, à l'égard des requérantes, la décision de 1988 a été annulée par l'arrêt
de la Cour du 15 juin 1994, pour défaut d'authentification de la décision de 1988,
en violation de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission
alors en vigueur (arrêt du 15 juin 1994, points 76 à 78).
- 227.
- Dès lors, la validité de la procédure accomplie jusqu'au stade où le vice est
intervenu ne se trouverait pas affectée. La Commission aurait donc été en droit,
pour tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour, de se limiter à adopter une
décision dûment authentifiée, en l'absence, d'une part, de toute nouvelle règle de
procédure d'application de l'article 85 du traité édictée après la date de la décision
annulée, d'autre part, de circonstances de fait nouvelles, dès lors que les faits
incriminés seraient depuis longtemps révolus. Ceci serait au demeurant conforme
à l'objet spécifique de la procédure administrative préalable (arrêt de la Cour du
17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 52).
Une solution contraire relèverait d'un formalisme excessif (arrêt
Frubo/Commission, précité, point 11).
- 228.
- La Commission ajoute que les différences textuelles existant entre la décision de
1988 et la Décision ne sont pas substantielles (arrêts de la Cour ACF
Chemiefarma/Commission, précité, point 178, du 4 février 1982,
Buyl e.a./Commission, 817/79, Rec. p. 245, point 23, Fedesa e.a., précité, du
16 juillet 1992, Parlement/Conseil, précité, et du 1er juin 1994, Parlement/Conseil,
précité), si bien que la jurisprudence invoquée par certaines requérantes
(notamment, arrêts Transocean Marine Paint/Commission et British Aerospace et
Rover/Commission, précités) ne serait pas pertinente.
- 229.
- En réalité, les modifications purement rédactionnelles apportées au texte ne
justifieraient pas l'ouverture d'une audition puisque ces ajouts ne constitueraient
pas des griefs. Si deux phrases du point 37 des considérants de la version allemande
de la décision de 1988 ne figurent plus dans le même point de la Décision, ce serait
uniquement pour des raisons d'harmonisation avec les autres versions linguistiques
faisant également foi. Toutefois, l'adaptation du texte ne constituant pas un grief,
il n'aurait pas été nécessaire d'entendre ces requérantes à ce sujet.
- 230.
- Dès lors que le vice ayant conduit à l'annulation de la décision de 1988 aurait été
clairement circonscrit à l'étape ultime de l'adoption de la décision et que la
Décision ne serait en rien substantiellement différente de la précédente, l'ensemble
des étapes précédant l'adoption de la décision de 1988 demeurerait valable.
- 231.
- Dans ces conditions, en l'absence de tout nouveau grief à l'encontre des
requérantes, la Commission estime qu'elle n'était tenue, ni d'adresser une nouvelle
communication des griefs, ni de donner aux entreprises l'occasion de présenter
leurs observations orales ou écrites, ni de saisir le conseiller-auditeur, ce qui serait
indissociable des deux précédentes étapes procédurales.
- 232.
- La Commission n'aurait pas non plus été tenue de consulter le comité consultatif.
En effet, compte tenu de l'annulation de la décision de 1988, la consultation du
comité consultatif, intervenue le 30 novembre 1988, devrait être considérée, en
l'absence de griefs nouveaux, comme la consultation préalable à l'adoption de la
Décision. Il aurait ainsi été satisfait au sens et à l'objectif de l'article 10,
paragraphe 3, du règlement n° 17. Elle souligne également que la référence au
droit d'intervention du comité consultatif dans le contexte du renouvellement d'une
décision d'exemption n'est pas pertinente en l'espèce. En effet, un tel
renouvellement concernerait un autre cadre de référence temporel, si bien que les
appréciations se fonderaient sur des paramètres différents.
- 233.
- Dans les affaires BASF et ICI, la Commission précise que sa position concernant
le comité consultatif n'exclut pas les adaptations non essentielles du texte, telles que
celles relatives à la prescription et à la suppression de deux phrases de la version
allemande de la Décision. Quant à l'affaire Transocean Marine Paint/Commission,
à laquelle se réfère la SAV, elle démontrerait qu'un nouvel avis est seulement
nécessaire lorsqu'un élément de fond n'a pas été initialement soumis au comité
consultatif. Tel ne serait cependant pas le cas en l'espèce.
- 234.
- La Commission relève, de plus, qu'elle n'est pas liée par l'avis du comité
consultatif, ainsi qu'il ressortirait de l'article 10, paragraphe 6, deuxième phrase, du
règlement n° 17.
- 235.
- Dans l'affaire concernant la SAV, la Commission rappelle, en tout état de cause,
que le comité consultatif a été informé de l'argumentation de la SAV en réponse
aux griefs (arrêts Michelin/Commission, précité, point 7, et Hüls/Commission,
précité, point 86), et que ceux-ci n'ont pas changé depuis 1988. Elle ajoute
qu'aucune consultation du comité consultatif ne s'imposait sur l'opportunité
d'adopter une nouvelle décision.
- 236.
- Enfin, l'article 1er du règlement n° 99/63 n'imposerait la consultation du comité
consultatif qu'après l'audition des parties. Or, une nouvelle audition des parties
n'ayant pas été nécessaire, une nouvelle consultation du comité consultatif ne se
serait pas non plus imposée, par identité de motifs (arrêt de la Cour du
21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 54).
- 237.
- Par ailleurs, la Commission fait observer qu'elle est seule juge de l'opportunité
d'adopter, ou d'adopter de nouveau, une décision (arrêt Parker Pen/Commission,précité, point 65), si bien qu'elle n'avait pas à entendre les parties sur un prétendu
choix procédural. Il n'existerait d'ailleurs aucune décision propre dans laquelle la
Commission aurait décidé de retenir une procédure autre que celle prévue par les
textes.
- 238.
- La Commission ajoute enfin que les prétendues évolutions jurisprudentielles, tant
en ce qui concerne la notion de pratique concertée que la question de l'accès au
dossier, ne sont pas pertinentes, dès lors qu'il n'y a aucun rapport avec la
matérialité des griefs se rapportant à la période de référence. Ces évolutions
jurisprudentielles alléguées n'auraient ainsi pas conduit à une modification des
griefs retenus à l'égard des requérantes. Si elles peuvent être invoquées par des
requérantes pour obtenir l'annulation de la procédure administrative préalable,
elles ne pourraient en revanche conduire à l'annulation de la Décision pour défaut
de réouverture de procédure.
- 239.
- Au demeurant, les questions de procédure, sur lesquelles la jurisprudence aurait
évolué, ne feraient pas normalement partie de la communication des griefs et
n'auraient pas à être examinées par la Commission dans sa décision (arrêts du
14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, et Michelin/Commission, précité). A cet
égard, les éléments relatifs à l'accès au dossier qui apparaissent dans la Décision
ne constitueraient pas une partie de la motivation essentielle venant à l'appui du
dispositif.
- 240.
- Dans l'affaire Elf Atochem, la Commission souligne que l'argument de la
requérante selon lequel elle aurait dû être entendue sur l'application des principes
non bis in idem et de proportionnalité n'a pas de sens, puisqu'aucun de ces
principes ne serait en cause en l'espèce. De plus, l'argument de cette requérante
tiré de l'évolution du marché du PVC entre 1988 et 1994 serait dénué de
pertinence, dès lors que cette évolution, à la supposer établie, serait sans incidence
sur l'appréciation des faits, qui se situent entre 1980 et 1984. Dans le même sens,
la Commission précise, dans l'affaire T-313/94, que rien dans la Décision n'indique
que des éléments relatifs à la période 1988-1994 auraient été utilisés à l'appui de
l'article 2 du dispositif.
- 241.
- Dans les affaires BASF, Wacker et Hoechst, la Commission fait observer, en
réponse au moyen relatif à la longueur de la période séparant l'audition de la
Décision, que la procédure administrative en matière de concurrence n'est pas de
nature pénale et ne connaît pas le principe de l'oralité. Pour cette raison, rien ne
s'opposerait à ce que les membres de la Commission soient informés des résultats
de l'audition par des personnes que la Commission a mandatées pour y procéder,
conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 99/63, sans avoir à
assister personnellement à cette audition (arrêt du 15 juillet 1970,
Boehringer/Commission, précité, point 23). Elle rappelle, en outre, que le
conseiller-auditeur veille à l'établissement d'un procès-verbal de l'audition, lu et
approuvé par l'entreprise en cause.
- 242.
- Enfin, le simple écoulement du temps entre l'infraction et la Décision, entre la
décision de 1988 et la Décision, et entre l'audition et la Décision, n'ouvrirait pas
un droit d'audition, le législateur communautaire ayant voulu qu'il y ait suspension
pendant la durée de la procédure judiciaire (article 3 du règlement n° 2988/74).
Shell, qui invoque l'écoulement du temps entre l'infraction et la Décision, n'aurait,
à cet égard, subi aucun préjudice.
- 243.
- De surcroît, la Décision n'aurait pas été prise de façon surprenante. En effet, par
un communiqué de presse publié le jour même du prononcé de l'arrêt de la Cour,
la Commission avait fait part de ses intentions.
- 244.
- La Commission nie enfin avoir méconnu les dispositions de l'accord EEE; en effet,
celui-ci serait inapplicable ratione temporis, au motif que les faits ayant conduit à
la Décision sont antérieurs à l'entrée en vigueur de cet accord le 1er janvier 1994.
- 245.
- Dans les affaires BASF, Wacker et Hüls, la Commission observe qu'il n'existe pas
d'avis de son service juridique portant sur le point de savoir si une nouvelle
décision pouvait être adoptée à l'égard des producteurs de PVC sur la base de la
procédure administrative antérieure à l'adoption de la décision de 1988. En toute
hypothèse, un tel avis présenterait un caractère purement interne et ne serait pas
accessible aux tiers (arrêt Hüls/Commission, précité, point 86).
Appréciation du Tribunal
- 246.
- Le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à
des sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principe
fondamental du droit communautaire, qui doit être observé même s'il s'agit d'une
procédure de caractère administratif (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission,
précité, point 9).
- 247.
- Faisant application de ce principe, l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17
et l'article 4 du règlement n° 99/63 prescrivent à la Commission de ne retenir dans
sa décision finale que les griefs au sujet desquels les entreprises et associations
d'entreprises intéressées ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.
- 248.
- Le droit des entreprises et associations d'entreprises intéressées de faire connaître
leur point de vue, lors de la phase écrite et de la phase orale de la procédure
administrative, au sujet des griefs retenus par la Commission constitue un élément
essentiel des droits de la défense (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 52).
Une telle audition est, en effet, nécessaire afin «d'assurer aux entreprises et
associations d'entreprises le droit de présenter des observations à l'issue des
instructions au sujet de l'ensemble des griefs que la Commission se propose de
retenir contre elles dans ses décisions» (troisième considérant du règlement
n° 99/63).
- 249.
- Le respect des droits de la défense requiert donc que soit donnée à chaque
entreprise ou association d'entreprises intéressée la possibilité d'être entendue sur
les griefs que la Commission entend retenir contre chacune d'elles dans la décision
finale constatant l'infraction aux règles de la concurrence.
- 250.
- En l'espèce, il a déjà été constaté que l'annulation de la décision de 1988 n'a pas
affecté la validité des mesures préparatoires de cette décision, antérieures au stade
où le vice est survenu (ci-dessus point 189). La validité de la communication des
griefs, envoyée à chacune des requérantes au début du mois d'avril 1988, n'a donc
pas été mise en cause par l'arrêt du 15 juin 1994. De même et pour des raisons
identiques, la validité de la phase orale de la procédure administrative, qui s'est
déroulée devant la Commission dans le courant du mois de septembre 1988, n'a
pas été affectée.
- 251.
- Dès lors, le Tribunal estime qu'une nouvelle audition des entreprises intéressées
n'était requise avant l'adoption de la Décision que dans la mesure où celle-ci
contenait des griefs nouveaux par rapport à ceux qui étaient énoncés dans la
décision initiale annulée par la Cour.
- 252.
- Or, les requérantes ne contestent pas que le texte de la Décision ne contient aucun
grief nouveau par rapport à celui de la décision de 1988. Dans ces conditions, c'est
à juste titre que la Commission a adopté la Décision sans procéder à une nouvelle
audition des entreprises intéressées. A cet égard, le fait que la Décision a été
adoptée dans des circonstances de fait et de droit différentes de celles ayant existé
à l'époque de l'adoption de la décision initiale ne signifie nullement que la Décision
contient de nouveaux griefs.
- 253.
- N'ayant pas été tenue de procéder à une nouvelle audition des entreprises
intéressées, la Commission n'a pas pu méconnaître les termes de sa décision, du
23 novembre 1990, relative au déroulement des auditions dans le cadre des
procédures d'application des articles 85 et 86 du traité CEE et des articles 65 et
66 du traité CECA. Cette décision n'était, en effet, pas applicable dans le temps
à la phase orale de la procédure administrative qui a précédé l'adoption de la
Décision.
- 254.
- S'agissant du comité consultatif, dont les dispositions de l'article 10, paragraphes 3
à 6, du règlement n° 17, règlent les compétences, la composition et la procédure
de consultation, le Tribunal relève qu'il a émis son avis sur l'avant-projet de
décision de la Commission le 1er décembre 1988.
- 255.
- L'allégation des requérantes, selon laquelle, dans les circonstances de l'espèce, la
Commission devait procéder à une nouvelle consultation du comité consultatif
avant d'adopter la Décision, ne peut pas être accueillie.
- 256.
- En effet, aux termes de l'article 1er du règlement n° 99/63, «avant de consulter le
comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission
procède à une audition en application de l'article 19, paragraphe 1, du règlement
n° 17». Cette disposition confirme que l'audition des entreprises intéressées et la
consultation du comité consultatif sont nécessaires dans les mêmes situations (arrêt
Hoechst/Commission, précité, point 54).
- 257.
- Or, ainsi que le Tribunal l'a jugé précédemment (ci-dessus point 252), une nouvelle
audition des entreprises intéressées n'était nullement nécessaire, dans les
circonstances de l'espèce, avant l'adoption de la Décision. Étant donné que, par
rapport à la décision de 1988, sur un avant-projet de laquelle le comité avait été
consulté conformément à l'article 10, paragraphe 5, du règlement n° 17, la Décision
ne comporte que des modifications rédactionnelles n'affectant pas les griefs, une
nouvelle consultation du comité consultatif n'était pas requise.
- 258.
- Enfin, il convient de relever, dans ce contexte, que la Décision fait expressément
mention, dans sa partie introductive, de la consultation du comité consultatif. Le
grief invoqué par la SAV et ICI, tiré d'une insuffisance de motivation de la
Décision à cet égard, doit donc être écarté.
- 259.
- En ce qui concerne le grief tiré de la prétendue méconnaissance de l'obligation de
coopération avec l'Autorité de surveillance AELE, il suffit de relever que, aucune
nouvelle audition des entreprises intéressées et aucune nouvelle consultation du
comité consultatif n'ayant été requises avant l'adoption de la Décision, les
dispositions pertinentes de l'accord EEE et celles des protocoles 21 et 23 n'étaient
pas applicables à la procédure administrative en cours. En effet, ces dispositions
sont entrées en vigueur le 1er janvier 1994, date à laquelle les étapes procédurales
requérant la coopération entre la Commission et l'Autorité de surveillance AELE,
à savoir l'audition des entreprises et la consultation du comité consultatif, avaient
déjà eu lieu.
- 260.
- Les requérantes se prévalent également de la jurisprudence selon laquelle le
respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une
personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un
principe fondamental de droit communautaire et doit être assuré, même en
l'absence d'une réglementation spécifique (notamment, arrêt Pays-Bas
e.a./Commission, précité, point 44).
- 261.
- Toutefois, il ne peut pas être déduit de cette jurisprudence que la Commission
devait de nouveau entendre les requérantes avant d'adopter l'acte qui leur fait
grief.
- 262.
- En effet, il y a lieu de rappeler que la procédure administrative de constatation
d'infraction aux dispositions de l'article 85 du traité est régie par les règlements
n° 17 et n° 99/63. Or, cette réglementation spécifique contient des dispositions
(ci-dessus point 247) qui garantissent expressément et effectivement le principe du
respect des droits de la défense.
- 263.
- En tout état de cause, selon cette jurisprudence, le principe du respect des droits
de la défense requiert que le destinataire de la décision se voie communiquer,
avant l'adoption de la décision finale lui faisant grief, un exposé précis et complet
des griefs que la Commission entend retenir à son encontre.
- 264.
- Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être
déduit de cette jurisprudence que le respect des droits de la défense impose à la
Commission, lorsqu'elle entame une procédure de constatation d'infraction aux
règles communautaires de la concurrence à l'encontre de plusieurs entreprises, une
obligation autre que celle de mettre chacune de ces entreprises en mesure, au
cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la
réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents
retenus par la Commission à l'appui de son allégation quant à l'existence d'une
violation du droit communautaire.
- 265.
- De même, il y a lieu de constater que l'arrêt Transocean Marine Paint/Commission,
précité, invoqué par les requérantes à l'appui de leur thèse de la nécessité d'une
nouvelle audition, est dénué de pertinence en l'espèce, étant donné qu'il concerne
une situation particulière, à savoir celle du respect des droits de la défense d'une
entreprise lorsque la Commission envisage de subordonner une exemption prévue
à l'article 85, paragraphe 3, du traité à certaines conditions.
- 266.
- Il s'ensuit que la Commission n'était pas tenue, avant d'adopter la Décision,
d'entendre les entreprises concernées sur son intention d'adopter un nouvel acte
faisant grief, sur le choix procédural opéré, sur leurs diverses observations relatives
à certains éléments de fait et de droit, ainsi que sur les différences existant entre
le texte de la Décision et celui de la décision initiale annulée. Il importe de
souligner qu'il n'est pas allégué que ces circonstances constituent des griefs
nouveaux.
- 267.
- Par ailleurs, l'absence d'obligation pour la Commission de procéder à une nouvelle
audition des entreprises intéressées n'est pas affectée par le délai de six années qui
s'est écoulé entre la phase orale de la procédure administrative et l'adoption de la
Décision. En effet, ces entreprises ont eu la possibilité de développer verbalement,
en septembre 1988, leurs points de vue sur les griefs, inchangés depuis cette date
et retenus contre elles dans la Décision.
- 268.
- Enfin, à supposer même que le service juridique de la Commission ait émis un avis
portant sur le point de savoir si une nouvelle décision pouvait être adoptée à
l'égard des producteurs de PVC sur la base de la procédure administrative
antérieure à l'adoption de la décision de 1988, le respect des droits de la défense
n'exige pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre de
l'article 85, paragraphe 1, du traité puissent commenter un tel avis qui constitue un
document purement interne à la Commission. A cet égard, il convient de souligner
que la Commission n'est pas tenue de se ranger à l'avis émis par son service
juridique et, dans ces conditions, il ne présente aucun aspect décisif dont le juge
communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (voir, dans le même
sens, arrêt Hüls/Commission, précité, point 86).
- 269.
- Il y a lieu d'écarter également l'argument invoqué par LVM et DSM (ci-dessus
point 140), selon lequel la Décision serait illicite au motif qu'elle constitue, en
l'absence d'une enquête préalable, un moyen disproportionné d'atteindre l'objectif
de protection de la concurrence. Il suffit de rappeler à cet égard que la
Commission n'était pas tenue de procéder à une nouvelle audition des entreprises
intéressées avant d'adopter la Décision. La disproportion alléguée par les
requérantes repose donc sur une prémisse erronée.
- 270.
- Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter l'ensemble des griefs invoqués
par les requérantes.
B Sur les irrégularités commises lors de l'adoption et de l'authentification de la
Décision
- 271.
- Des requérantes soutiennent que des irrégularités ont été commises par la
Commission lors de l'adoption et de l'authentification de la Décision.
- 272.
- Lors de l'audience, Wacker et Hoechst se sont désistées d'un moyen tiré du défaut
d'authentification de la Décision, ce dont il a été pris acte par le greffier. Le
Tribunal considère que ce désistement emporte également celui du moyen tiré du
défaut de conformité entre les copies de la Décision notifiées à Wacker et à
Hoechst et l'original, ce second moyen étant étroitement lié au premier.
- 273.
- Les allégations des requérantes se composent de plusieurs moyens.
1. Sur les moyens tirés de l'illégalité du règlement intérieur de la Commission du
17 février 1993
Arguments des parties
- 274.
- LVM et DSM rappellent que la Décision a été adoptée en vertu des dispositions
du règlement intérieur de la Commission du 17 février 1993 (JO L 230, p. 16,
ci-après «règlement intérieur»). L'article 16 de ce règlement prévoit que les actes
adoptés, annexés au procès-verbal de la réunion au cours de laquelle ils ont été
adoptés, sont authentifiés par les signatures du président et du secrétaire général
de la Commission apposées à la première page de ce procès-verbal.
- 275.
- Selon LVM et DSM, une partie peut invoquer la violation d'un tel règlement
intérieur en tant que forme substantielle (arrêt du 27 février 1992, BASF
e.a./Commission, précité, point 75). En l'espèce, les dispositions en matière
d'authentification ne seraient pas conformes aux principes dégagés dans les arrêts
du 27 février 1992, BASF e.a./Commission, précité (points 75 et 78), et du 15 juin
1994 (points 75, 76 et 78), selon lesquels l'obligation d'authentification par la
signature, sur l'acte lui-même, du président et du secrétaire général de la
Commission traduit une exigence fondamentale du droit communautaire, inspirée
de considérations de sécurité juridique. En conséquence, il n'existerait pas d'acte
faisant foi en langue néerlandaise dûment authentifié.
- 276.
- Enichem soutient que, en adoptant la Décision, la Commission a violé soit les
principes énoncés dans l'arrêt du 15 juin 1994, soit son règlement intérieur. En
effet, les articles 2 et 16 de ce règlement, relatifs, respectivement, à l'habilitation
en vue de l'adoption et à l'authentification des actes adoptés en vertu de cette
procédure, ne seraient pas compatibles avec le respect du principe de collégialité.
- 277.
- En outre, les modalités de l'authentification des actes, prévues par l'article 16 du
règlement intérieur, ne garantiraient pas la sécurité juridique requise par la Cour,
puisque serait authentifié le procès-verbal et non la mesure adoptée.
- 278.
- La Commission répond aux moyens de LVM et de DSM que l'exception d'illégalité
soulevée à l'encontre du règlement intérieur est irrecevable. En effet, le règlement
intérieur d'une institution ne constituerait pas un acte de portée générale,
obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État
membre, aux fins de l'application de l'article 184 du traité. Elle observe que, en
toute hypothèse, LVM et DSM confondent le principe de collégialité visé par
l'article 163 du traité et l'authentification des décisions. Il serait ainsi faux de
prétendre que l'article 12 du règlement intérieur, dans sa version en vigueur à la
date d'adoption de la décision de 1988, était le seul moyen de respecter le principe
de collégialité (arrêt du 15 juin 1994, points 72 à 77).
- 279.
- La Commission estime qu'Enichem n'établit ni en quoi le règlement intérieur ne
serait pas conforme à l'arrêt de la Cour, ni en quoi ce prétendu défaut de
conformité concernerait des éléments relatifs à l'adoption de la Décision (arrêt du
Tribunal du 27 octobre 1994, Deere/Commission, T-35/92, Rec. p. II-957).
Appréciation du Tribunal
- 280.
- Le Tribunal estime, à titre liminaire, que l'argumentation des requérantes doit être
comprise en ce sens qu'elles excipent de l'illégalité de certaines dispositions du
règlement intérieur de la Commission, en vigueur lors de l'adoption de la Décision.
En effet, les requérantes mettent en cause de façon incidente, conformément à
l'article 184 du traité, la validité de certaines dispositions du règlement intérieur en
invoquant un des moyens de contrôle de légalité mentionné à l'article 173 de ce
traité, à savoir la violation du traité ou de toute règle de droit relative à son
application.
- 281.
- L'exception d'illégalité des dispositions du règlement intérieur s'ordonne en deux
branches. Dans une première branche, LVM, DSM et Enichem soutiennent que
les dispositions de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur, relatif aux
modalités d'authentification des actes adoptés, contreviennent au principe de
sécurité juridique, tel que retenu par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994. Dans une
seconde branche, Enichem fait valoir que les dispositions des articles 2, sous c), et
16, deuxième alinéa, du règlement intérieur, relatives à la procédure d'habilitation
contreviennent au principe de collégialité.
Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité
- 282.
- Le Tribunal estime nécessaire d'examiner d'office la recevabilité de l'exception
d'illégalité dans son ensemble, sans se limiter à la seule objection soulevée par la
Commission.
- 283.
- Aux termes de l'article 184 du traité, «nonobstant l'expiration du délai prévu à
l'article 173, cinquième alinéa, toute partie peut, à l'occasion d'un litige mettant en
cause un règlement arrêté conjointement par le Parlement européen et le Conseil
ou un règlement du Conseil, de la Commission ou de la [Banque centrale
européenne], se prévaloir des moyens prévus à l'article 173, deuxième alinéa, pour
invoquer devant la Cour de justice l'inapplicabilité de ce règlement».
- 284.
- Il convient de relever, en premier lieu, que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt
Simmenthal/Commission, précité, points 39 à 41), l'article 184 du traité est
l'expression d'un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en
vue d'obtenir l'annulation d'une décision qui la concerne directement et
individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base
juridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas du droit
d'introduire, en vertu de l'article 173 du traité, un recours direct contre ces actes,
dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d'en demander
l'annulation.
- 285.
- L'article 184 du traité doit donc recevoir une interprétation large afin que soit
assuré un contrôle de légalité effectif des actes des institutions. En ce sens, la Cour
a déjà jugé dans l'arrêt Simmenthal/Commission, précité (point 40), que le champ
d'application de cet article doit s'étendre aux actes des institutions, qui, s'ils n'ont
pas la forme d'un règlement, produisent cependant des effets analogues.
- 286.
- Le Tribunal considère que le champ d'application de l'article 184 du traité doit
également s'étendre aux dispositions d'un règlement intérieur d'une institution qui,
bien qu'elles ne constituent pas la base juridique de la décision attaquée et ne
produisent pas des effets analogues à ceux d'un règlement au sens de cet article du
traité, déterminent les formes substantielles requises aux fins de l'adoption de cette
décision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des personnes qui en sont
destinataires. Il importe, en effet, que tout destinataire d'une décision puisse
contester de manière incidente la légalité de l'acte qui conditionne la validité
formelle de cette décision, nonobstant le fait que l'acte en cause ne constitue pas
le fondement juridique de celle-ci, dès lors qu'il n'a pas été en mesure de
demander l'annulation de cet acte avant d'avoir reçu notification de la décision
litigieuse.
- 287.
- Par conséquent, les dispositions du règlement intérieur de la Commission peuvent
faire l'objet d'une exception d'illégalité pour autant qu'elles assurent la protection
des particuliers.
- 288.
- En second lieu, il convient de rappeler que l'exception d'illégalité doit être limitée
à ce qui est indispensable à la solution du litige.
- 289.
- En effet, l'article 184 du traité n'a pas pour but de permettre à une partie de
contester l'applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur
d'un recours quelconque. L'acte général dont l'illégalité est soulevée doit être
applicable, directement ou indirectement, à l'espèce qui fait l'objet du recours et
il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l'acte
général en question (arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas e
Figli/ Haute Autorité, 21/64, Rec. p. 227, 245, du 13 juillet 1966, Italie/Conseil et
Commission, 32/65, Rec. p. 563, 594, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993,
Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, point 57).
- 290.
- En l'espèce, l'exception d'illégalité, prise en sa seconde branche, vise à faire
constater que les dispositions du règlement intérieur de la Commission relatives à
l'habilitation violent le principe de collégialité. Or, Enichem ne soutient même pas
que la Décision ait été adoptée en vertu d'une compétence déléguée, ni n'avance
aucun élément de nature à le laisser penser. Enichem n'ayant pas établi l'existence
d'un lien juridique direct entre la Décision et les dispositions du règlement intérieur
dont elle excipe de l'illégalité, la seconde branche de l'exception doit être rejetée
comme irrecevable.
- 291.
- Quant à l'exception d'illégalité prise en sa première branche, il convient de
rappeler que la Décision a été authentifiée en vertu des dispositions de l'article 16,
premier alinéa, du règlement intérieur. Il existe par conséquent un lien juridique
direct entre la Décision et cet article du règlement intérieur dont les requérantes
invoquent l'illégalité.
- 292.
- Cet article du règlement intérieur détermine les modalités de l'authentification de
l'acte faisant grief aux requérantes. Or, l'authentification des actes selon les
modalités prévues par le règlement intérieur de la Commission a pour but d'assurer
la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texte adopté par le
collège (arrêt du 15 juin 1994, point 75). Il s'ensuit que cette disposition vise à
assurer la protection des destinataires de l'acte et qu'elle peut, par conséquent,
faire l'objet d'une exception d'illégalité.
- 293.
- Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité prise en sa première
branche, soulevée par LVM, DSM et Enichem contre l'article 16, premier alinéa,
du règlement intérieur, est recevable. Par conséquent, il convient de procéder à
l'examen du bien-fondé de cette exception au regard du prétendu non-respect de
l'exigence de sécurité juridique.
Sur l'illégalité de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur du fait du
non-respect de l'exigence de sécurité juridique
- 294.
- Selon les requérantes, la Décision serait illégale car les modalités prévues à
l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur relatives à l'authentification des
actes seraient incompatibles avec l'exigence de sécurité juridique rappelée par la
Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994.
- 295.
- L'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur lorsque la Décision
a été adoptée, dispose:
«Les actes adoptés en réunion ou par la procédure écrite sont annexés, dans la ou
les langues dans lesquelles ils font foi, au procès-verbal de la réunion de la
Commission au cours de laquelle ils ont été adoptés ou au cours de laquelle il a été
pris acte de leur adoption. Ces actes sont authentifiés par les signatures du
président et du secrétaire général apposées à la première page de ce procès-verbal.»
- 296.
- Dans l'arrêt du 15 juin 1994, la Cour a rappelé qu'il résulte de l'article 162,
paragraphe 2, du traité que la Commission a l'obligation, entre autres, de prendre
les mesures aptes à permettre d'identifier avec certitude le texte complet des actes
adoptés par le collège (points 72 et 73 des motifs).
- 297.
- A cet égard, la Cour a considéré que l'authentification des actes prévue à
l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque de
l'adoption de la décision de 1988, qui disposait que «[l]es actes adoptés par la
Commission, en séance ou par la procédure écrite, sont authentifiés, dans la ou les
langues où ils font foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif», a
pour but d'assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le
texte adopté par le collège. Elle a ajouté que «l'authentification permet ainsi de
vérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite des textes notifiés ou
publiés avec [le texte adopté par le collège] et, par là même, avec la volonté de
leur auteur» (point 75 des motifs).
- 298.
- Au vu de ces motifs de l'arrêt du 15 juin 1994, il convient de vérifier si les
modalités prévues à l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur (ci-dessus
point 295) sont de nature à permettre d'identifier avec certitude le texte complet
des actes adoptés par le collège.
- 299.
- Tout d'abord, il y a lieu de préciser que, contrairement à ce que soutiennent les
requérantes, la Cour n'a pas pris position dans l'arrêt du 15 juin 1994 sur la
question de savoir si l'authentification prévue selon les dispositions de l'article 12,
premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque de l'adoption de la
décision de 1988 constituait l'unique mode d'authentification acceptable au regard
de l'exigence de sécurité juridique. En effet, si la Cour a indiqué l'objet de
l'authentification des actes (point 75 des motifs), elle n'a toutefois pas précisé que
les modalités requises aux fins de l'authentification par l'article 12, premier alinéa,
du règlement intérieur alors en vigueur étaient seules aptes à assurer cet objet.
- 300.
- En outre, il était constant entre les parties devant la Cour que la Commission avait
méconnu les dispositions relatives à l'authentification, telles que prévues par le
règlement intérieur de la Commission, de sorte que la Cour a pu constater
l'illégalité de la décision initiale sur le fondement d'une violation des formes
substantielles sans avoir à se prononcer sur la légalité de l'authentification dans les
termes prévus par l'article 12, premier alinéa, de l'ancien règlement intérieur.
- 301.
- Enfin, les requérantes estiment que la signature apposée sur le procès-verbal ne
répond pas à l'exigence de sécurité juridique puisque, à défaut d'acte portant la
signature du président et du secrétaire général, il ne serait pas possible de contrôler
la correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec le texte adopté par
le collège des membres de la Commission. Elles en déduisent que seule serait
authentifiée la première page du procès-verbal.
- 302.
- Cet argument ne peut pas être accueilli. Le Tribunal estime que les modalités
prévues par l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur constituent en
elles-mêmes une garantie suffisante pour contrôler, en cas de contestation, la
correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec le texte adopté par le
collège et, par là même, avec la volonté de leur auteur. En effet, dès lors que ce
texte est annexé au procès-verbal et que la première page de celui-ci est signée par
le président et le secrétaire général, il existe un lien entre ce procès-verbal et les
documents qu'il recouvre permettant d'être assuré du contenu et de la forme exacts
de la décision du collège.
- 303.
- A cet égard, une autorité doit être présumée avoir agi conformément à la
législation applicable tant que la non-conformité à la norme de ses agissements n'a
pas été constatée par le juge communautaire.
- 304.
- Dès lors, l'authentification prévue selon les modalités de l'article 16, premier alinéa,
du règlement intérieur doit être considérée comme légale. Partant, le moyen doit
être rejeté.
2. Sur les moyens tirés de la violation du principe de collégialité et du règlement
intérieur de la Commission
Arguments des parties
- 305.
- LVM et DSM soutiennent que la Commission a méconnu les dispositions de son
règlement intérieur lors de l'adoption de la Décision. Dans leurs mémoires en
réplique, elles indiquent que la copie de la Décision «certifiée conforme» qui leur
a été notifiée est signée du membre de la Commission en charge des questions de
concurrence, ce qui tendrait à indiquer que la Décision n'a pas été adoptée par le
collège des membres de la Commission, mais par le seul membre concerné, en
violation du principe de collégialité. Cet élément suffirait pour mettre en doute la
présomption de validité de la Décision (arrêts du 29 juin 1995, ICI/Commission,
T-37/91, précité, et Solvay/Commission, T-31/91, Rec. p. II-1821). LVM et DSM
demandent au Tribunal d'ordonner à la Commission de produire des informations
complémentaires à cet égard.
- 306.
- Elf Atochem relève que la Décision a été adoptée à peine un mois après l'arrêt de
la Cour; en outre, selon les déclarations d'un porte-parole de la Commission à la
presse, cette décision aurait été adoptée sans discussion au sein du collège. Ces
éléments seraient de nature à remettre en cause la validité de la Décision pour
violation du principe de collégialité.
- 307.
- La Commission estime qu'une violation des règles internes de prise de décision ne
peut être invoquée que lorsque la partie requérante peut démontrer, par des
indications concrètes, qu'il y a lieu de douter de la validité de la prise de décision.
A défaut de telles indications, l'acte de la Commission serait réputé valablement
adopté (arrêt Deere/Commission, précité, point 31). Or, en l'espèce, aucune
indication concrète n'aurait été avancée par les requérantes.
Appréciation du Tribunal
- 308.
- La circonstance que la copie de la Décision qui a été adressée à LVM et à DSM
porte le nom du membre de la Commission en charge des questions deconcurrence et la mention «ampliation certifiée conforme» («voor gelijkluidend
afschrift» en néerlandais) ne constitue pas un indice de ce que la Décision a été
adoptée en violation du principe de collégialité. A cet égard, le texte de la Décision
indique qu'il s'agit d'une «décision de la Commission». En outre, il ressort de ce
même texte que c'est «la Commission des Communautés européennes» qui,
considérant les faits et l'appréciation juridique, a arrêté la Décision.
- 309.
- Dès lors, ces requérantes n'invoquent aucun indice, ni aucune circonstance précise,
de nature à écarter la présomption de validité dont bénéficient les actes
communautaires (voir, notamment, arrêt Dunlop Slazenger/Commission, précité,
point 24).
- 310.
- En l'absence d'un tel indice, il n'appartient pas au Tribunal d'ordonner les mesures
d'instruction sollicitées.
- 311.
- En outre, le fait que la Décision a été arrêtée dans un court laps de temps après
l'arrêt du 15 juin 1994, et la circonstance, à la supposer établie, qu'elle ait été
adoptée sans discussion au sein du collège des membres de la Commission
n'impliquent en rien que le principe de collégialité ait été méconnu.
- 312.
- Il résulte de ce qui précède que les moyens doivent être rejetés.
3. Sur le moyen relatif à la composition du dossier soumis à la délibération du
collège des membres de la Commission
- 313.
- ICI soutient que, en raison des vices dont serait entachée la procédure
administrative, le collège des membres de la Commission n'a pas pu prendre
connaissance de toutes les pièces pertinentes de l'affaire avant d'adopter la
Décision, et notamment un nouveau rapport du conseiller-auditeur et un nouveau
compte-rendu des résultats de la consultation du comité consultatif. Le collège des
membres de la Commission, dont la composition aurait été largement modifiée par
rapport à 1988, n'aurait donc pas été informé des moyens de défense d'ICI.
- 314.
- La Commission estime que ce moyen est dénué de tout fondement en droit.
- 315.
- Il y a lieu de rappeler que la Commission, après l'annulation de la décision de 1988
prononcée par la Cour le 15 juin 1994, n'a commis aucune erreur de droit en ne
procédant pas à une nouvelle audition des entreprises intéressées ni à une nouvelle
consultation du comité consultatif avant l'adoption de la Décision (ci-dessus
points 246 à 258).
- 316.
- La prémisse du raisonnement de la requérante étant erronée, le moyen est dénué
de fondement et doit, par conséquent, être rejeté.
4. Sur les moyens tirés de la violation des principes d'identité entre l'organe ayant
délibéré et l'organe ayant statué, d'une part, et d'immédiateté, d'autre part
Arguments des parties
- 317.
- Hüls soutient que, en vertu du principe d'identité entre l'organe ayant délibéré et
l'organe ayant statué, une décision ne peut être adoptée que par des personnes qui
ont participé à la procédure ou qui ont eu la possibilité de se forger une opinion
directe sur l'affaire. Or, en l'espèce, la plupart des membres de la Commission à
la date d'adoption de la Décision, et en particulier celui en charge des questions
de concurrence, ainsi que le directeur général de la direction générale de la
concurrence de la Commission (DG IV), n'étaient plus ceux en poste lors de
l'instruction de l'affaire en 1988.
- 318.
- En matière de concurrence, il ne faudrait pas considérer la Commission comme
une administration en tant que telle, c'est-à-dire comme une institution
indépendante de ses membres. Il conviendrait de se rapporter, à cet égard, aux
articles 1er et 12 du règlement intérieur, qui stipulent que la Commission agit en
collège, et à l'article 6 du statut du conseiller-auditeur.
- 319.
- BASF, Wacker et Hoechst soutiennent, quant à elles, que la Commission a violé
le principe de l'immédiateté. BASF observe que, à la date d'adoption de la
Décision, la plupart des membres de la Commission et le directeur général de la
DG IV n'étaient plus les mêmes que ceux en poste en 1988. En conséquence, la
Décision aurait été adoptée par des personnes qui n'étaient pas pleinement
informées de l'affaire et qui n'ont pas eu le temps de l'être depuis le prononcé de
l'arrêt du 15 juin 1994. Le présent moyen ne tendrait pas à exiger que les membres
de la Commission soient personnellement présents lors des auditions, mais qu'ils
soient exactement informés de ce qui s'y est dit, grâce à la mise en oeuvre des
règles de procédure, et notamment la consultation du conseiller-auditeur.
- 320.
- Enfin, Wacker et Hoechst soutiennent que les personnes qui élaborent la décision
doivent avoir participé aux auditions ou, à tout le moins, doivent pouvoir recueillir
à bref délai l'impression que les auditions ont produite sur d'autres participants. Tel
n'aurait pas été le cas en l'espèce, la plupart des membres de la Commission à la
date de l'audition n'étant plus en fonction à la date de l'adoption de la Décision.
- 321.
- La Commission estime que les principes d'identité et d'immédiateté n'existent pas.
Selon elle, le droit procédural communautaire en matière de concurrence repose
sur des autorités revêtues d'une fonction et non sur les personnes qui exercent les
fonctions en cause (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, points 71 et 72).
Aucune disposition n'imposerait que les différentes étapes d'une procédure en
matière de concurrence se déroulent au cours d'un seul et même mandat des
membres de la Commission.
Appréciation du Tribunal
- 322.
- Les requérantes font état de la violation d'un principe général imposant la
continuité dans la composition de l'organe administratif saisi d'une procédure
pouvant aboutir à une amende.
- 323.
- Or, il n'existe aucun principe général de cette nature (arrêt
ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 72).
- 324.
- Partant, le moyen n'est pas fondé et doit être rejeté.
C Sur les vices dont serait affectée la procédure administrative
- 325.
- Les requérantes invoquent, à titre subsidiaire, plusieurs moyens tirés d'irrégularités
qui auraient été commises durant la procédure administrative ayant précédé
l'adoption de la Décision. Le Tribunal relève, dans ce contexte, que, lors de
l'audience, Wacker et Hoechst se sont désistées de leur moyen tiré de la violation
de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du
régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17,
p. 385), ce dont il a été pris acte par le greffier.
- 326.
- Une distinction entre les moyens peut être établie selon qu'ils concernent
l'existence de vices affectant la communication des griefs ou celle de vices affectant
l'audition. Quant au moyen tiré de la violation du droit d'accès au dossier de la
Commission, il sera examiné après la partie de l'arrêt consacrée au fond.
1. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant la communication des griefs
a) Sur le moyen tiré de l'existence de vices formels affectant la communication des
griefs
Arguments des parties
- 327.
- Wacker et Hoechst soutiennent que la Décision est fondée sur une communication
des griefs irrégulière. En effet, en premier lieu, ceux-ci n'auraient été communiqués
que par un agent de la Commission, en violation de l'article 2 du règlement
n° 99/63. En second lieu, la communication des griefs, consistant en un volumineux
document dont il n'était pas possible de savoir s'il était complet, méconnaîtrait les
dispositions du même article 2, aux termes duquel la Commission communique par
écrit les griefs. Les griefs auraient dû, par conséquent, être communiqués dans un
unique document écrit. En troisième lieu, la communication des griefs aurait dû
être signée par son auteur.
- 328.
- La Commission estime que le moyen est manifestement dépourvu de fondement.
Appréciation du Tribunal
- 329.
- En ce qui concerne l'argument tiré de la prétendue habilitation d'un agent de la
Commission pour communiquer les griefs, il ressort des pièces du dossier que la
communication des griefs adressée aux requérantes était accompagnée d'une lettre
signée par le directeur général adjoint de la DG IV de la Commission, pour le
directeur général de cette direction générale.
- 330.
- Or, en signant cette lettre, le directeur général adjoint a agi dans le cadre, non pas
d'une délégation de pouvoirs, mais d'une simple délégation de signature que le
directeur général avait reçue du membre compétent (arrêt de la Cour du 14 juillet
1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, point 5). Une telle délégation constitue
le moyen normal par lequel la Commission exerce sa compétence (arrêt VBVB et
VBBB/Commission, précité, point 14).
- 331.
- Dans la mesure où les requérantes n'ont apporté aucune indication qui permette
de croire que, en l'occurrence, l'administration communautaire se serait départie
de l'observation des règles applicables en la matière (arrêt VBVB et
VBBB/Commission, précité, point 14), le grief doit être rejeté.
- 332.
- Quant aux griefs fondés sur une prétendue méconnaissance des règles de forme de
la communication des griefs, ils ne sauraient davantage être accueillis.
- 333.
- Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63, «[l]a Commission
communique par écrit aux entreprises et associations d'entreprises les griefs retenus
contre elles». Cette disposition n'exige pas que la communication des griefs porte
une signature manuscrite apposée sur le document lui-même, ni que la
communication des griefs soit constituée par un acte formellement unique.
- 334.
- Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.
b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil
Arguments des parties
- 335.
- BASF, Hüls et Enichem soutiennent que la Commission a violé l'article 3 du
règlement n° 1. La communication des griefs aurait en effet comporté des annexes,
indispensables à la bonne compréhension des griefs, non rédigées dans la langue
de l'État membre dont la juridiction s'exerce sur elles. Cet argument vaudrait
également à l'égard des documents transmis par la Commission le 3 mai 1988.
Enichem ajoute que la Commission a ainsi également violé l'article 4 du règlement
n° 99/63.
- 336.
- La Commission considère que l'argumentation des requérantes est contraire au
texte et à l'esprit de l'article 3 du règlement n° 1. L'abondance des réactions de ces
requérantes montrerait d'ailleurs bien que, en fait, elles n'ont eu aucune difficulté
particulière à comprendre l'ensemble du contenu des éléments de preuve.
Appréciation du Tribunal
- 337.
- Les annexes à la communication des griefs qui n'émanent pas de la Commission
ne doivent pas être considérées comme des «textes» au sens de l'article 3 du
règlement n° 1 du Conseil. En effet, ces annexes doivent être considérées comme
des pièces à conviction sur lesquelles la Commission s'appuie. Partant, elles doivent
être portées à la connaissance du destinataire telles qu'elles sont (voir, notamment,
arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148/89, Rec.
p. II-1063, point 21). La Commission n'a donc commis aucune violation des
dispositions de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil.
- 338.
- En ce qui concerne la prétendue violation de l'article 4 du règlement n° 99/63
alléguée par Enichem, il y a lieu de relever que le corps de la communication des
griefs qui a été adressé à cette requérante en langue italienne contient des extraits
pertinents des annexes. Cette présentation lui a donc permis de savoir avec
précision sur quels faits et quel raisonnement juridique la Commission s'était
fondée (arrêt Tréfilunion/Commission, précité, point 21). La requérante a par
conséquent été en mesure de défendre utilement ses droits.
- 339.
- Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.
c) Sur le moyen tiré d'une absence de délai suffisant pour préparer la réponse à
la communication des griefs
Arguments des parties
- 340.
- Wacker et Hoechst soutiennent que la Commission ne les a pas mises à même de
prendre connaissance du dossier et de faire ensuite utilement connaître leur point
de vue (arrêt de la Cour du 27 octobre 1977, Moli/Commission, 121/76, Rec.
p. 1971, point 20). En refusant, en dépit des circonstances de l'espèce, de proroger
le délai qui avait été imparti à l'entreprise pour présenter ses observations en
réponse à la communication des griefs, la Commission aurait méconnu tant les
droits de la défense que les dispositions de l'article 11 du règlement n° 99/63.
- 341.
- BASF soutient qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour procéder à l'examen
des pièces qui lui ont été notifiées par lettre du 3 mai 1988.
- 342.
- La Commission rétorque à Wacker et à Hoechst que les dispositions de l'article 11
du règlement n° 99/63 ont été respectées. La requérante aurait ainsi bénéficié d'un
délai de deux mois pour répondre par écrit à la communication des griefs et cinq
mois pour préparer l'audition de septembre 1988. Ces délais seraient parfaitement
suffisants, en particulier si on les compare aux délais prévus à l'article 173,
cinquième alinéa, du traité (arrêt de la Cour du 14 février 1978, United
Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 270 à 273). Le fait que certaines
annexes à la communication des griefs n'étaient pas rédigées dans la langue de la
requérante ne pourrait modifier cette conclusion, dès lors que la requérante et son
avocat n'ont pu éprouver de difficultés de compréhension.
- 343.
- En réponse à l'argument de BASF, elle estime que, en ce qui concerne les
documents joints en annexe à la lettre de la Commission du 3 mai 1988, la
requérante ne pourrait prétendre, compte tenu du libellé de cette lettre, n'avoir
compris qu'après l'adoption de la décision qu'ils étaient utiles à sa défense; c'est
à elle qu'il appartenait de le déterminer. La lettre ayant été adressée le 3 mai 1988,
et les réponses apportées le 10 juin 1988, le délai laissé à la requérante aurait été
suffisant; celle-ci, sans demander de prorogation au-delà de cette date, aurait
d'ailleurs soumis d'abondants commentaires. Les dispositions de l'article 11,
paragraphe 1, du règlement n° 99/63, auraient ainsi été respectées.
Appréciation du Tribunal
- 344.
- L'article 2, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, dispose: «En communiquant les
griefs la Commission fixe le délai dans lequel les entreprises et associations
d'entreprises ont la faculté de lui faire connaître son point de vue.» A cette fin,
l'article 11, paragraphe 1, du même règlement précise: «La Commission prend en
considération le temps nécessaire à l'établissement des observations ainsi que
l'urgence de l'affaire. Le délai ne peut être inférieur à deux semaines; il peut être
prorogé.»
- 345.
- En l'espèce, la communication des griefs a été envoyée aux entreprises concernées
le 5 avril 1988. Celles-ci devaient faire connaître leur point de vue sur les griefs
retenus contre elles pour le 16 mai 1988.
- 346.
- Par lettre du 3 mai 1988, la Commission a adressé aux entreprises destinataires de
la communication des griefs une série de documents complémentaires en indiquant
que, bien que n'étant pas cités dans les griefs, «[ils] pourraient être pertinents pour
l'appréciation de l'affaire dans son ensemble».
- 347.
- Wacker et Hoechst ont demandé une prorogation du délai jusqu'au 15 juillet 1988.
Par lettre du 18 mai 1988, la Commission a décidé de leur accorder une
prorogation jusqu'au 10 juin 1988, compte tenu notamment de l'envoi des
documents complémentaires le 3 mai 1988.
- 348.
- En réponse à la demande de prorogation formulée par BASF le 5 mai 1988,
parvenue à la Commission le 17 mai suivant, la Commission a, par lettre du
24 mai 1988, fixé l'échéance pour la réponse à la communication des griefs au
10 juin 1988.
- 349.
- Le Tribunal estime que, dans les circonstances de la présente affaire, le délai
d'environ deux mois ainsi accordé aux requérantes a été suffisant pour leur
permettre de préparer leur réponse à la communication des griefs (en ce sens,
arrêt United Brands/Commission, précité, points 272 et 273).
- 350.
- Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.
2. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant l'audition
a) Sur le moyen tiré du délai insuffisant pour préparer l'audition
- 351.
- Wacker et Hoechst soutiennent que le conseiller-auditeur n'a pas disposé d'un délai
suffisant pour préparer l'audition.
- 352.
- La Commission estime que cette affirmation ne repose sur aucun indice.
- 353.
- A supposer qu'elles aient qualité pour soulever un tel moyen, les requérantes n'ont
pas indiqué en quoi le délai laissé au conseiller-auditeur pour préparer l'audition
ne lui aurait pas suffi, ni même allégué en quoi, à supposer leur allégation fondée,
cette circonstance aurait pu vicier la procédure administrative.
- 354.
- Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté comme non fondé.
b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1
Arguments des parties
- 355.
- BASF, Wacker, Hoechst et Enichem soutiennent que la Commission a violé
l'article 3 du règlement n° 1. En effet, le procès-verbal de l'audition ne reproduirait
les déclarations des différentes parties que dans la langue dans laquelle elles se
sont exprimées, et non uniquement dans la langue de l'État membre dont la
juridiction s'exerce sur ces requérantes. Or, selon BASF, ces déclarations seraient
également essentielles, puisque, par hypothèse, le grief formulé à l'encontre de
toutes les entreprises est d'avoir mis en oeuvre une entente entre elles.
- 356.
- La Commission estime ce moyen non fondé.
Appréciation du Tribunal
- 357.
- Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 9, paragraphe 4, du règlement
n° 99/63, «[l]es déclarations essentielles de chaque personne entendue sont
consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture».
- 358.
- En l'espèce, il est constant que les requérantes ont été en état de prendre
utilement connaissance de l'essentiel de leurs propres déclarations consignées dans
le procès-verbal.
- 359.
- En outre, les requérantes, qui ne contestent pas avoir eu la possibilité de suivre ce
qui a été dit au cours de l'audition grâce à l'interprétation simultanée, n'allèguent
pas que, du fait de l'absence de traduction des parties rédigées dans une langue
autre que celle de l'État membre dont la juridiction s'exerce sur elles, le procès-verbal comporterait à leur égard des inexactitudes ou omissions substantielles,
susceptibles d'avoir des conséquences préjudiciables pouvant vicier la procédure
administrative (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 52, et
Parker Pen/Commission, précité, point 74).
- 360.
- Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.
c) Sur le moyen tiré du caractère incomplet du procès-verbal de l'audition
Arguments des parties
- 361.
- BASF soutient que le procès-verbal de l'audition est incomplet. En effet, il ne
comporterait pas des parties décisives des déclarations d'autres entreprises. Ainsi,
n'auraient pas été jointes au procès-verbal, contrairement à ce qu'il y est indiqué,
les plaidoiries faites au nom de l'ensemble des entreprises concernées, la plaidoirie
de la requérante et celle des autres entreprises. Or, s'agissant d'accusations de
collusion, la prise de connaissance et l'examen des défenses présentées par les
autres parties seraient essentielles. BASF ajoute que la Commission ne peut pas
se prévaloir de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, dès lors que celui-ci
concerne le seul contrôle de l'exactitude du contenu du procès-verbal par la partie
entendue, mais non le droit de prendre connaissance des déclarations des autres
parties.
- 362.
- Wacker et Hoechst invoquent un moyen identique fondé sur l'absence de mention,
dans le procès-verbal, des exposés communs aux différentes entreprises.
- 363.
- La Commission estime que le procès-verbal de l'audition, tel que notifié à BASF,
est conforme à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, en ce qu'il permet
à celle-ci d'approuver ses propres déclarations. Transmettre à la requérante, pour
approbation, le texte des déclarations formulées par les autres entreprises
concernées et leurs conseils lors de l'audition n'aurait donc aucun sens.
- 364.
- Au demeurant, BASF, Wacker et Hoechst auraient eu connaissance de ces
déclarations, dès lors qu'elles ont assisté à l'audition.
Appréciation du Tribunal
- 365.
- Lors de la phase orale de la procédure administrative devant la Commission qui
s'est déroulée du 5 au 8 septembre 1988 et le 19 septembre 1988, les personnes
concernées ont eu la possibilité de faire valoir en commun leurs points de vue
relativement à certains sujets.
- 366.
- Il ressort du procès-verbal de l'audition, communiqué à chacune des personnes y
ayant participé, que les interventions communes ont été exposées sous une forme
résumée.
- 367.
- Il en ressort également que le texte complet des différentes interventions faites au
nom des personnes concernées devait être contenu dans les annexes qui font partie
du procès-verbal. Or, force est de constater que ces annexes n'ont pas été jointes
à ce document.
- 368.
- Cette circonstance ne constitue cependant pas un vice de la procédure
administrative de nature à entacher d'illégalité la Décision, qui en constitue
l'aboutissement. En effet, l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63 (cité
ci-dessus point 357) vise à garantir aux personnes entendues la conformité du
procès-verbal à leurs déclarations essentielles (arrêt du 14 juillet 1972,
ICI/Commission, précité, point 29). Or, pour autant que les plaidoiries communesont concerné les requérantes, celles-ci ont pu prendre connaissance de l'essentiel
de ces déclarations puisque ces dernières ont été consignées dans le procès-verbal
de l'audition. En outre, elles ne soutiennent pas que la reproduction de ces
déclarations sous une forme résumée contient des inexactitudes. Enfin, dès lors que
ces plaidoiries étaient présentées au nom des requérantes, celles-ci ne peuvent
utilement prétendre qu'elles n'en ont pas eu une connaissance suffisante.
- 369.
- Quant à l'absence de communication en annexe au procès-verbal du texte de
l'exposé de BASF ainsi que de celui des autres personnes ayant présenté des
observations, elle ne constitue pas non plus un vice de la procédure administrative
de nature à entacher d'illégalité la Décision, dès lors que le procès-verbal même
rapporte les déclarations essentielles.
- 370.
- En tout état de cause, il y a lieu de souligner que BASF, Wacker et Hoechst ont
participé à l'audition et ont pu, à cette occasion, prendre connaissance des sujets
effectivement exposés en commun et des observations présentées à titre individuel
par d'autres personnes.
- 371.
- Le moyen doit, par conséquent, être rejeté.
d) Sur le moyen tiré du défaut de production de l'avis du conseiller-auditeur
Arguments des parties
- 372.
- Wacker et Hoechst font valoir qu'elles auraient dû avoir la possibilité de prendre
connaissance de l'avis du conseiller-auditeur et de le commenter. La Commission
se serait donc abstenue illégalement de produire l'avis du conseiller-auditeur.
- 373.
- BASF et Hüls soutiennent que la Décision est illégale au motif qu'il n'a pas été
tenu compte du rapport établi par le conseiller-auditeur. En effet, le rapport établi
par le conseiller-auditeur à l'époque de la décision de 1988 pourrait contenir des
appréciations, en fait et en droit, allant dans le sens des critiques qui avaient été
formulées par les entreprises. Elles demandent, en conséquence, au Tribunal
d'inviter la Commission à produire le rapport du conseiller-auditeur.
- 374.
- La Commission rejette la demande de communication du rapport du conseiller-auditeur, au motif qu'il s'agit d'un document interne auquel les tiers n'ont pas
accès.
Appréciation du Tribunal
- 375.
- Le Tribunal relève que les droits de la défense n'exigent pas que les entreprises
impliquées dans une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité,
puissent commenter le rapport du conseiller-auditeur, qui constitue un document
purement interne à la Commission. Ainsi qu'il a été jugé, ce rapport ayant valeur
d'avis pour la Commission, elle n'est en aucune manière tenue de s'y ranger et,
dans ces conditions, ce rapport ne présente aucun aspect décisif dont le juge
communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (ordonnance de la
Cour du 11 décembre 1986, ICI/Commission, 212/86 R, non publiée au Recueil,
points 5 à 8). En effet, le respect des droits de la défense est assuré à suffisance
de droit dès lors que les différentes instances concourant à l'élaboration de la
décision finale ont été informées correctement de l'argumentation formulée par les
entreprises, en réponse aux griefs que leur a communiqués la Commission, ainsi
qu'aux éléments de preuve présentés par la Commission pour étayer ces griefs
(arrêt Michelin/Commission, précité, point 7).
- 376.
- A cet égard, il importe de relever que le rapport du conseiller-auditeur n'a pas
pour objet de compléter ou de corriger l'argumentation des entreprises, ni de
formuler des griefs nouveaux ou de fournir des éléments de preuve nouveaux à
l'encontre de celles-ci (notamment, arrêts du Tribunal du 24 octobre 1991,
Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 54, et Hüls/Commission,
précité, point 87).
- 377.
- Il s'ensuit que les entreprises n'ont pas le droit, au titre du respect des droits de la
défense, d'exiger la communication du rapport du conseiller-auditeur pour pouvoir
le commenter (arrêts Petrofina/Commission, précité, point 55, et Hüls/Commission,
précité, point 88).
- 378.
- Par conséquent, le moyen doit être rejeté.
D Sur la violation de l'article 190 du traité
Arguments des parties
- 379.
- Des requérantes soutiennent que l'exigence de motivation requise par l'article 190
du traité a été méconnue à plusieurs titres.
- 380.
- Ainsi, Wacker et Hoechst soutiennent que la Décision n'est pas suffisamment
motivée sur les trois points essentiels suivants: réunion des élements constitutifs de
l'infraction, qualification d'accord ou de pratique concertée et participation de ces
requérantes.
- 381.
- Montedison souligne que la Décision ne permet pas de comprendre les
considérations qui ont amené la Commission à décider de confirmer les amendes
déjà infligées pour des faits qui se sont prétendument produits dix à quinze ans
auparavant (arrêt de la Cour du 2 mai 1990, Scarpe, C-27/89, Rec. p. I-1701,
point 27, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T-3/89,
Rec. p. II-1177, point 222). En l'espèce, aucun intérêt légitime (a contrario, arrêt
de la Cour du 2 mars 1983, GVL/Commission, 7/82, Rec. p. 483, et arrêt du
18 septembre 1992, Automec/Commission, précité, point 85) ne justifierait les
poursuites engagées à l'encontre d'une entreprise qui se serait retirée du marché
depuis plus de dix ans.
- 382.
- Selon ICI, la Décision ne fournit aucune explication relativement au retard avec
lequel la Commission s'est prononcée, au choix procédural de ne pas de nouveau
communiquer les griefs et entendre les parties, à l'utilisation de pièces découvertes
dans le cadre d'une instruction distincte ou de preuves obtenues en violation du
droit de ne pas s'accuser soi-même, au refus d'autoriser l'accès au dossier dans des
conditions conformes à la jurisprudence, à l'imposition d'une amende reposant
pourtant sur une erreur de fait et à la conclusion selon laquelle la décision de 1988
resterait valable à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro.
- 383.
- Hüls prétend que le texte même de la Décision n'est pas compréhensible
indépendamment des documents auxquels il se réfère; or, aucun d'entre eux ne
serait joint à la Décision. De plus, dans son appréciation juridique, la Commission
ne se référerait ni à des éléments de preuve concrets et déterminés, ni aux faits
exposés au début de la Décision. Enfin, elle fait valoir que la Décision n'est pas
correctement motivée, surtout si l'on tient compte de la durée de la procédure
(arrêt Sytraval et Brink's France/Commission, précité, point 77 en combinaison avec
le point 56).
- 384.
- Quant à Enichem, elle soutient que la Commission a manqué d'expliquer les
raisons pour lesquelles elle sanctionne de nouveau les entreprises destinataires,
après un laps de temps aussi long. Ni le règlement n° 2988/74, qui pourrait tout au
plus justifier les pouvoirs de la Commission, mais non motiver son choix, ni le fait
que la Commission avait déjà décidé d'imposer des amendes en 1988, ce qui
n'implique pas qu'elle était tenue de le faire de nouveau après l'arrêt du
15 juin 1994, ne pourraient suffire.
- 385.
- La Commission estime non fondé ce moyen. Elle soutient que la Décision est
conforme aux exigences de l'article 190 du traité.
Appréciation du Tribunal
- 386.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision
individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle
sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante
pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée
d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette
obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a
été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen
Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).
- 387.
- En l'espèce, il convient d'abord de souligner que le premier considérant de la
Décision vise «le traité instituant la Communauté européenne», ce qui,
implicitement mais nécessairement, constitue une référence formelle à la mission
assignée à la Commission (ci-dessus points 148 et 149). Cette seule référence
constitue une motivation suffisante de l'intérêt de la Commission à constater une
infraction et à sanctionner les entreprises à ce titre. En effet, disposant d'une
compétence discrétionnaire dans la mise en oeuvre des prérogatives qui lui sont
dévolues par le traité dans le domaine du droit de la concurrence, la Commission
n'est pas tenue d'expliquer davantage les motifs qui l'ont conduite à choisir cette
voie. Partant, les allégations de Montedison et d'Enichem doivent être rejetées.
- 388.
- S'agissant de l'insuffisance de motivation invoquée par Wacker, Hoechst et Hüls,
il convient de rappeler que, si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est
tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification
légale de la décision et les considérations qui l'ont amenée à prendre celle-ci, il
n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés
au cours de la procédure administrative (voir, notamment, arrêt Van Landewyck
e.a./Commission, précité, point 66). A cet égard, le Tribunal estime que les points 7
à 27 des considérants constituent un exposé clair des principales pièces considérées
par la Commission comme les preuves de l'infraction. De même, les points 28 à 39
des considérants constituent une motivation suffisante des conséquences juridiques
qu'elle a tirées des éléments de fait.
- 389.
- Le fait que la Commission ne fournisse aucune explication en ce qui concerne le
retard avec lequel elle se serait prononcée, le choix procédural de ne pas de
nouveau communiquer les griefs, ni d'entendre les parties, l'utilisation de pièces
découvertes dans le cadre d'une instruction distincte ou de preuves obtenues en
violation du droit de ne pas s'accuser soi-même, le refus d'autoriser l'accès au
dossier dans des conditions conformes à la jurisprudence et l'imposition d'une
amende reposant pourtant sur une erreur de fait, ne saurait constituer un défaut
de motivation de la décision. En effet, ces arguments invoqués par ICI ne visent,
en substance, qu'à contester le bien-fondé de l'appréciation de la Commission
relative à ces différentes questions. Or, de tels arguments, relevant de l'examen du
bien-fondé de la décision sont, dans le présent contexte, dénués de pertinence.
- 390.
- Enfin, s'agissant de l'argument d'ICI selon lequel la décision ne serait pas motivée
relativement à la validité de la décision de 1988 à l'égard de Norsk Hydro et de
Solvay, il suffit de relever que la Décision contient une motivation expresse sur ce
point. Il ressort en effet du point 59 des considérants de la Décision, que «Solvay
n'ayant pas introduit de recours en annulation de la décision devant la Cour de
justice et le recours de Norsk Hydro ayant été déclaré irrecevable, la décision
89/190 reste valable à leur encontre».
- 391.
- Au vu de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.
II Sur les moyens de fond
- 392.
- Les requérantes développent, en substance, trois axes d'argumentation. En premier
lieu, elles présentent une série de moyens relatifs aux preuves (A). En second lieu,
elles contestent l'existence, tant en fait qu'en droit, d'une infraction à l'article 85,
paragraphe 1, du traité (B). En troisième lieu, chacune présente des arguments
tendant à démontrer que, en toute hypothèse, elle n'a pas participé à la prétendue
infraction qui lui est reprochée (C).
A Sur les preuves
- 393.
- Les moyens présentés par les requérantes comportent deux aspects. Tout d'abord,
elles contestent la recevabilité de certaines des preuves qui leur sont opposées.
Ensuite, elles contestent le caractère probant des éléments retenus à leur charge.
1. Sur la recevabilité des preuves
- 394.
- Les requérantes font valoir l'irrecevabilité de preuves retenues à leur encontre.
Elles invoquent, à cette fin, six moyens: en premier lieu, la violation du principe de
l'inviolabilité du domicile; en second lieu, celle des principes du droit au silence et
du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination; en troisième lieu, celle de
l'article 20 du règlement n° 17; en quatrième lieu, elles contestent que le refus de
répondre à des demandes de renseignements ou de produire des documents puisse
être retenu à titre de preuve à leur encontre; en cinquième lieu, elles font valoir
que certaines pièces ne leur ont jamais été communiquées, ou, en sixième lieu, ne
leur ont été communiquées que tardivement.
- 395.
- Ainsi que le relèvent les requérantes, ces moyens ont en commun que, à les
supposer fondés, les pièces litigieuses devraient être écartées des débats et la
légalité de la décision appréciée sans elles (arrêt AEG/Commission, précité, points
24 à 30, et ordonnance du président de la Cour du 26 mars 1987,
Hoechst/Commission, 46/87 R, Rec. p. 1549, point 34).
a) Sur le moyen tiré d'une violation du principe de l'inviolabilité du domicile
Arguments des parties
- 396.
- LVM et DSM soutiennent, à titre liminaire, que le Tribunal peut contrôler la
conformité d'une vérification, opérée dans le cadre de l'article 14 du règlement
n° 17, avec l'article 8 de la CEDH. En effet, d'une part, cette dernière disposition
s'appliquerait directement en droit communautaire. D'autre part, une vérification
dans les locaux professionnels d'une personne physique ou morale, au titre de
l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, constituerait une «perquisition»
relevant du champ de l'article 8 de la CEDH.
- 397.
- Toujours à titre liminaire, les requérantes estiment que, même si elles n'ont pas
formé de recours contre les décisions de vérification, elles conservent un intérêt à
en faire contrôler la légalité, dans la mesure où la Décision est fondée sur des
éléments de preuve irrégulièrement obtenus. De surcroît, la vérification opérée
dans les locaux de DSM, le 6 décembre 1983, était fondée sur un mandat, au titre
de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui ne pouvait faire l'objet d'un
recours en annulation sur le fondement de l'article 173 du traité.
- 398.
- Dans la première branche de ce moyen, les requérantes estiment que les actes de
vérification pris par la Commission méconnaissent le principe de l'inviolabilité du
domicile, au sens de l'article 8 de la CEDH, tel qu'interprété par la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme (Cour eur. D. H., arrêt Niemietz c.
Allemagne du 16 décembre 1992, série A n° 251-B), dont le contrôle irait au-delà
de celui effectué en droit communautaire (arrêt Hoechst/Commission, précité, et
arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec.
p. 3137).
- 399.
- Ainsi, en premier lieu, les actes de vérification auraient été adoptés sans
autorisations judiciaires préalables. En second lieu, les décisions ou mandats de
vérification auraient été formulés en termes généraux, sans aucune limitation, et
n'auraient donc pas permis d'identifier l'objet de la vérification, comme en
attesteraient la décision de vérification du 4 novembre 1987 adressée à LVM et le
mandat du 29 novembre 1983, sur le fondement duquel a été effectuée la
vérification dans les locaux de DSM, le 6 décembre 1983. En troisième lieu, les
requérantes estiment que seule une vérification nécessaire peut être effectuée
(article 14, paragraphe 1, du règlement n° 17 et article 8 de la CEDH). Or, ce lien
de nécessité devrait s'apprécier à la lumière de la description des présomptions que
la Commission entendait vérifier, description qui faisait précisément défaut en
l'espèce.
- 400.
- Les requérantes concluent que tous les actes de vérification adoptés par la
Commission dans la présente affaire sont entachés d'illégalité.
- 401.
- Enichem, pour sa part, soutient que «la décision suivante de vérification est illégale
parce que son objet était formulé en termes [...] généraux», et méconnaissait ainsi
l'article 14 du règlement n° 17.
- 402.
- Dans la deuxième branche du moyen, LVM et DSM contestent la validité de
l'exécution des vérifications opérées par la Commission. Celles-ci auraient, en effet,
empiété sur le secret d'entreprise, compte tenu de la nature et du volume des
documents effectivement examinés à cette occasion.
- 403.
- La Commission souligne, à titre liminaire, que la CEDH n'est pas applicable aux
procédures communautaires de concurrence. En outre, le moyen ne serait pas
recevable, faute pour les requérantes d'avoir formé un recours contre la décision
de la Commission ordonnant la vérification litigieuse.
- 404.
- Sur le bien-fondé du moyen, la Commission considère que la pertinence de la
jurisprudence de la Cour (arrêts Hoechst/Commission et Dow Benelux/Commission,
précités) n'est pas affectée par l'article 8 de la CEDH, tel qu'interprété par la Cour
européenne des droits de l'homme.
Appréciation du Tribunal
- 405.
- En l'espèce, la Commission a procédé à des vérifications, au titre de l'article 14,
paragraphe 2, du règlement n° 17, dans les locaux des entreprises suivantes: Shell
et ICI, sur le fondement d'un mandat du 16 novembre 1983, DSM, sur le
fondement d'un mandat du 29 novembre 1983, EVC, société commune à ICI et
Enichem, sur le fondement d'un mandat du 17 juillet 1987, et Hüls, sur le
fondement d'un mandat du 17 septembre 1987.
- 406.
- En outre, la Commission a adopté des décisions de vérification, au titre de l'article
14, paragraphe 3, du règlement n° 17, le 15 janvier 1987, dont ont été destinataires
les entreprises Alcudia, Atochem, BASF, Hoechst et Solvay, et le 4 novembre 1987,
dont ont été destinataires Wacker et LVM.
- 407.
- Il convient d'examiner la recevabilité du moyen, qui est contestée par la
Commission, puis son bien-fondé.
i) Sur la recevabilité du moyen
- 408.
- Les décisions de vérification sont, en elles-mêmes, des actes susceptibles de faire
l'objet d'un recours en annulation sur le fondement de l'article 173 du traité. Ainsi,
l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, prévoit expressément que la décision
de vérification indique «le recours ouvert devant la Cour de justice contre la
décision».
- 409.
- Or, selon une jurisprudence bien établie, une décision adoptée par les institutions
communautaires qui n'a pas été attaquée par son destinataire dans le délai prévu
par l'article 173 du traité devient définitive à son égard. Une telle jurisprudence est
fondée notamment sur la considération que les délais de recours visent à
sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes
communautaires entraînant des effets de droit (notamment arrêt de la Cour du
30 janvier 1997, Wiljo, C-178/95, Rec. p. I-585, point 19).
- 410.
- LVM est donc forclose à se prévaloir de l'illégalité de la décision de vérification
dont elle était destinataire et qu'elle n'a pas attaquée dans les délais, et le moyen
est, à ce titre, irrecevable.
- 411.
- En revanche, LVM et DSM sont recevables à contester, pour autant que des pièces
obtenues par la Commission soient utilisées à leur encontre, la légalité des
décisions de vérification adressées à d'autres entreprises, dont il n'est pas acquis
qu'elles auraient été sans aucun doute recevables à en contester la légalité dans le
cadre d'un recours direct formé à leur encontre.
- 412.
- De même, les requérantes sont recevables à contester, dans le cadre d'un recours
en annulation formé contre la décision finale, la légalité des mandats de
vérification, qui ne constituent pas des actes susceptibles de recours au sens de
l'article 173 du traité.
- 413.
- Enfin, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu'une entreprise n'est pas
recevable à contester la légalité du déroulement des procédures de vérification dans
le cadre d'un recours en annulation formé contre l'acte sur le fondement duquel
la Commission procède à cette vérification. En effet, le contrôle juridictionnel sur
les conditions dans lesquelles une vérification a été conduite relève d'un recours en
annulation formé, le cas échéant, contre la décision finale adoptée par la
Commission en application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt Dow
Benelux/Commission, précité, point 49, et conclusions de l'avocat général
M. Mischo sous cet arrêt, Rec. p. 3149, point 127, in fine; ordonnance du Tribunal
du 9 juin 1997, Elf Atochem/Commission, T-9/97, Rec. p. II-909, point 25).
- 414.
- Les requérantes sont donc également recevables à contester le déroulement des
procédures de vérification effectuées par la Commission.
- 415.
- Dans ces conditions, l'irrecevabilité invoquée par la Commission doit être limitée
au moyen soulevé par LVM, en tant qu'il est dirigé contre la décision de
vérification dont elle a été destinataire.
- 416.
- Toutefois, en ce qui concerne le moyen tel qu'il est exposé par Enichem, il y a lieu
de relever que, ni les écritures de la requérante, ni la procédure orale, ne mettent
le Tribunal en mesure d'identifier la décision de vérification dont la requérante
conteste la légalité. Dès lors, le moyen, pour autant qu'il est soulevé par Enichem,
doit être déclaré irrecevable, faute pour le Tribunal de pouvoir en comprendre le
sens et la portée.
ii) Sur le bien-fondé du moyen
- 417.
- Pour les raisons précédemment exposées (voir ci-dessus, point 120), il convient de
comprendre le moyen comme tiré d'une violation du principe général du droit
communautaire garantissant une protection contre les interventions de la puissance
publique dans la sphère d'activités privées de toute personne, qu'elle soit physique
ou morale, qui seraient disproportionnées ou arbitraires (arrêts
Hoechst/Commission, précité, point 19, Dow Benelux/Commission, précité, point
30, et arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Ibérica e.a./Commission,
97/87, 98/87 et 99/87, Rec. p. 3165, point 16).
- 418.
- Le présent moyen se subdivise en deux branches, l'une relative à la validité des
actes de vérification, l'autre à celle de l'exécution de ces actes.
Sur la première branche du moyen, relative à la validité des actes de vérification
- 419.
- En premier lieu, il convient de relever qu'il n'est pas contesté que les décisions de
vérification adressées par la Commission à certaines entreprises, dans le courant
de l'année 1987, sont identiques, ou analogues, à celle qui avait été adressée à
Hoechst le 15 janvier 1987. Or, cette dernière entreprise a formé un recours en
annulation contre cette décision, qui a été rejeté par la Cour (arrêtHoechst/Commission, précité). Dans la mesure où les moyens et arguments avancés
aujourd'hui par LVM et DSM sont identiques ou similaires à ceux invoqués alors
par Hoechst, le Tribunal ne perçoit pas de raisons de s'écarter de la jurisprudence
de la Cour.
- 420.
- En outre, il convient de relever que cette jurisprudence est fondée sur l'existence
d'un principe général de droit communautaire, tel que rappelé ci-dessus, applicable
aux personnes morales. La circonstance que la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme relative à l'applicabilité de l'article 8 de la
CEDH aux personnes morales aurait évolué depuis le prononcé des arrêts
Hoechst/Commission, Dow Benelux/Commission et Dow Chemical Ibérica
e.a./Commission, précités, n'a, dès lors, pas d'incidence directe sur le bien-fondé des
solutions retenues dans ces arrêts.
- 421.
- En second lieu, il ressort de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, que les
vérifications opérées sur simple mandat reposent sur la collaboration volontaire des
entreprises (arrêts Hoechst/Commission, précité, point 31, Dow
Benelux/Commission, précité, point 42, et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission,
précité, point 28). Cette constatation ne saurait être modifiée par le fait qu'une
sanction est prévue à l'article 15, paragraphe 1, sous c), première partie de la
phrase, du règlement n° 17. En effet, une telle sanction ne s'applique que dans
l'hypothèse où, ayant accepté de coopérer à la vérification, l'entreprise présente de
façon incomplète les livres ou autres documents professionnels requis.
- 422.
- Dès lors que l'entreprise a effectivement collaboré à une vérification opérée sur
mandat, le moyen tiré d'une ingérence excessive de l'autorité publique est dénué
de fondement, en l'absence d'un quelconque élément invoqué pour soutenir que
la Commission serait allée au-delà de la coopération offerte par l'entreprise.
- 423.
- Il en résulte que cette branche du moyen doit être rejetée.
Sur la seconde branche du moyen, relative à l'exécution des actes de vérification
- 424.
- A ce titre, les requérantes font valoir un seul argument, tiré de l'abondance des
documents copiés et emportés par la Commission, qui aurait ainsi empiété sur le
secret des entreprises.
- 425.
- Or, le prétendu caractère excessif du volume des documents dont la Commission
a pris copie, qui n'est d'ailleurs pas autrement précisé par les requérantes, ne
saurait constituer, en lui-même, un vice entachant le déroulement d'une procédure
de vérification, alors que, de surcroît, la Commission procède à une enquête sur
une entente alléguée entre l'ensemble des producteurs européens d'un secteur
donné. En outre, en vertu de l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17, les
fonctionnaires et autres agents de la Commission sont tenus de ne pas divulguer
les informations qu'ils ont recueillies en application de ce règlement et qui, par leur
nature, sont couvertes par le secret professionnel.
- 426.
- Dès lors, l'irrégularité des vérifications opérées par la Commission n'est pas établie.
- 427.
- Au vu de ces éléments, le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.
b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance du «droit au silence» et du droit de ne
pas contribuer à sa propre incrimination
Arguments des parties
- 428.
- Le moyen peut être divisé en deux branches.
- 429.
- Dans la première branche de ce moyen, LVM, DSM et ICI rappellent que, en
vertu de l'article 14, paragraphe 3, du Pacte relatif aux droits civils et politiques et
de l'article 6 de la CEDH, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de
l'homme, tout accusé, y compris une entreprise, a le droit, ab initio, de garder le
silence (Cour eur. D. H., arrêt Funke c. France, précité, point 44, et avis de la
commission européenne des droits de l'homme du 10 mai 1994, Saunders c.
Royaume-Uni, points 69, 71 et 76; contra, l'arrêt antérieur de la Cour,
Orkem/Commission, précité, points 30 à 35 et 37 à 41, dont l'appréciation,
sensiblement en retrait par rapport à l'arrêt Funke c. France, n'aurait désormais
plus de sens). Or, la Commission ne pourrait méconnaître la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'homme (arrêts de la Cour du 18 juin 1991, ERT,
C-260/89, Rec. p. I-2925, point 41, et Orkem/Commission, précité, point 30).
- 430.
- Les requérantes en déduisent que toute information obtenue par la Commission
sur le fondement de l'article 11 du règlement n° 17 devrait être écartée des débats.
Cette conclusion s'appliquerait tant aux décisions de demande de renseignements,
au sens de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, qu'aux demandes de
renseignements, au titre de l'article 11, paragraphe 1, de ce règlement; en effet,
puisque les sanctions prévues à l'article 15, paragraphe 1, sous b), de ce même
règlement sont applicables dans un cas comme dans l'autre, il s'agirait de
renseignements obtenus sous la contrainte, au sens de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme.
- 431.
- Les droits des entreprises lésées ne sauraient être ignorés au motif qu'une telle
conclusion est de nature à remettre en cause la légalité de l'article 11 du règlement
n° 17 dans son ensemble; la Commission devrait ainsi établir la preuve de
l'infraction par tout autre moyen compatible avec les articles 6 et 8 de la CEDH.
- 432.
- Dès lors, aucune des réponses apportées par les entreprises aux demandes de
renseignements qui leur ont été adressées par la Commission ne pourraient
contribuer à l'administration de la preuve.
- 433.
- Dans la seconde branche de ce moyen, LVM, Elf Atochem, DSM, ICI et Enichem
invoquent le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
- 434.
- Dans ces conditions, selon LVM, Elf Atochem, DSM et ICI, les réponses apportées
aux questions qui, dans les arrêts de la Cour du 18 octobre 1989,
Orkem/Commission, précité, et Solvay/Commission (27/88, Rec. p. 3355), ont été
déclarées illégales devraient être écartées des débats.
- 435.
- Elf Atochem met ainsi en cause la décision, au titre de l'article 11, paragraphe 5,
du règlement n° 17, dont elle a été destinataire. LVM, DSM et ICI contestent, en
revanche, la légalité de toutes les demandes de renseignements, quels qu'en étaient
l'entreprise destinataire et le fondement juridique.
- 436.
- Enichem soutient que, en obligeant les entreprises à se soumettre à des opérations
de vérification, alors qu'elle ne disposait pas du moindre indice relatif aux pratiques
recherchées, la Commission aurait conduit les entreprises à s'incriminer elles-mêmes.
- 437.
- La Commission rappelle, à titre liminaire, que la CEDH n'est pas applicable aux
procédures communautaires de concurrence. En outre, le moyen ne serait pas
recevable, faute pour les requérantes d'avoir formé un recours contre les décisions
de demande de renseignements.
- 438.
- En toute hypothèse, la Commission observe que les entreprises n'ont, en l'espèce,
fourni aucune réponse à l'une quelconque des questions jugées contraires au droit
communautaire par la Cour (arrêts Orkem/Commission et du 18 octobre 1989,
Solvay/Commission, précités).
Appréciation du Tribunal
- 439.
- Dans le cadre de son enquête dans la présente affaire, la Commission a adressé à
la plupart des requérantes des demandes de renseignements, au titre de l'article 11
du règlement n° 17. Certaines étaient des demandes de renseignements au titre du
paragraphe 1 de cet article, les autres des décisions fondées sur le paragraphe 5 de
ce même article.
- 440.
- Il convient d'examiner la recevabilité du moyen, qui est contestée par la
Commission, puis son bien-fondé.
Sur la recevabilité du moyen
- 441.
- Pour les raisons qui ont été exposées ci-dessus à propos des décisions de
vérification et qui sont transposables aux décisions de demande de renseignements,
les requérantes sont forcloses à invoquer l'illégalité des décisions de demande de
renseignements dont elles étaient destinataires et qu'elles n'ont pas contestées dans
le délai de deux mois à compter de leur notification.
- 442.
- Le moyen est, dès lors, irrecevable, pour autant qu'il tend à déclarer illégales les
décisions de demande de renseignements dont les requérantes ont, respectivement,
été destinataires.
Sur le bien-fondé du moyen
- 443.
- Les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n° 17 ont pour but de
permettre à celle-ci d'accomplir la mission, qui lui est confiée par le traité, de
veiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun.
- 444.
- Au cours de la procédure d'enquête préalable, le règlement n° 17 ne reconnaît à
l'entreprise qui fait l'objet d'une mesure d'investigation aucun droit de se soustraire
à l'exécution de cette mesure au motif que ses résultats pourraient fournir la
preuve d'une infraction aux règles de la concurrence qu'elle a commise. Il lui
impose, au contraire, une obligation de collaboration active, qui implique qu'elle
tienne à la disposition de la Commission tous les éléments d'information relatifs à
l'objet de l'enquête (arrêt Orkem/Commission, précité, point 27, et arrêt du
Tribunal du 8 mars 1995, Société générale/Commission, T-34/93, Rec. p. II-545,
point 72).
- 445.
- En l'absence d'un droit au silence expressément consacré par le règlement n° 17,
il convient d'examiner si certaines limitations au pouvoir d'investigation de la
Commission au cours de l'enquête préalable ne résultent cependant pas de la
nécessité d'assurer le respect des droits de la défense, que la Cour a considéré
comme un principe fondamental de l'ordre juridique communautaire (arrêt
Orkem/Commission, précité, point 32).
- 446.
- A cet égard, s'il est vrai que les droits de la défense doivent être respectés dans les
procédures susceptibles d'aboutir à des sanctions, il importe d'éviter que ces droits
ne puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de procédures
d'enquête préalable, qui peuvent avoir un caractère déterminant pour
l'établissement du caractère illégal de comportements d'entreprises (arrêts
Orkem/Commission, précité, point 33, et Société générale/Commission, précité,
point 73).
- 447.
- Toutefois, pour préserver l'effet utile de l'article 11, paragraphes 2 et 5, du
règlement n° 17, la Commission est en droit d'obliger l'entreprise à fournir tous les
renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance
et à lui communiquer, au besoin, les documents y afférents qui sont en sa
possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son encontre ou à l'encontre
d'une autre entreprise, l'existence d'un comportement anticoncurrentiel (arrêts
Orkem/Commission, précité, point 34, du 18 octobre 1989, Solvay/Commission,
précité, et Société générale/Commission, précité, point 74).
- 448.
- La reconnaissance d'un droit au silence absolu, invoqué par les requérantes, irait
en effet au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits de la défense des
entreprises et constituerait une entrave injustifiée à l'accomplissement, par la
Commission, de la mission de veiller au respect des règles de concurrence dans lemarché commun, qui lui est dévolue par l'article 89 du traité. Il convient de relever,
en particulier, que, tant dans leurs réponses aux demandes de renseignements que
dans la suite de la procédure administrative, lorsque, le cas échéant, la Commission
décide d'ouvrir celle-ci, les entreprises ont toute faculté pour faire valoir leur point
de vue, notamment sur les documents qu'elles auraient été amenées à produire ou
les réponses qu'elles auraient apportées à des demandes de la Commission.
- 449.
- Toutefois, la Commission ne saurait, par une décision de demande de
renseignements, porter atteinte aux droits de la défense reconnus à l'entreprise.
Ainsi, elle ne saurait imposer à l'entreprise l'obligation de fournir des réponses par
lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il
appartient à la Commission d'établir la preuve (arrêts Orkem/Commission, précité,
points 34, in fine, et 35, du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, précité, et Société
générale/Commission, précité, point 74).
- 450.
- C'est dans les limites ainsi rappelées qu'il convient d'apprécier les arguments des
requérantes.
- 451.
- En l'espèce, en premier lieu, il est constant que les questions contenues dans les
décisions de demande de renseignements et mises en cause par les requérantes
sous cette branche du moyen sont identiques à celles annulées par la Cour dans ses
arrêts Orkem/Commission et du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, précités. Ces
questions sont donc frappées de la même illégalité.
- 452.
- Toutefois, ainsi que la Commission l'a souligné, il ressort du dossier que les
entreprises ont ou bien refusé de répondre à ces questions, ou bien nié les faits sur
lesquels elles étaient ainsi interrogées.
- 453.
- Dans ces conditions, l'illégalité des questions en cause n'emporte aucune
conséquence sur la légalité de la Décision.
- 454.
- De fait, les requérantes n'ont identifié aucune réponse qui aurait été apportée
précisément à ces questions, ni indiqué l'utilisation que la Commission aurait faite
de ces réponses dans la Décision.
- 455.
- En second lieu, une entreprise n'a pas l'obligation de répondre à une demande de
renseignements, au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, par
opposition aux décisions de demande de renseignements.
- 456.
- Dans ces conditions, les entreprises sont libres de répondre ou de ne pas répondre
à des questions qui leur sont posées au titre de cette disposition. Cette conclusion
ne saurait être modifiée par le fait qu'une sanction est prévue à l'article 15,
paragraphe 1, sous b), première partie de la phrase, du règlement n° 17. En effet,
une telle sanction ne s'applique que dans l'hypothèse où, ayant accepté de
répondre, l'entreprise fournirait un renseignement inexact.
- 457.
- Dès lors, par des demandes de renseignements au titre de l'article 11,
paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission ne saurait être regardée comme
imposant à une entreprise l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci
serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la
Commission d'établir la preuve.
- 458.
- En troisième lieu, en ce qui concerne l'argument spécifique d'Enichem, il y a lieu
de relever que le respect, par la Commission, de l'interdiction qui lui est faite
d'imposer aux entreprises l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celles-ci seraient amenées à admettre l'existence d'une infraction ne peut s'apprécier
qu'au regard de la nature et du contenu des questions qui sont posées, et non des
indices dont la Commission disposerait au préalable. Au demeurant, il y a lieu de
relever que, dans l'arrêt Hoechst/Commission, précité, relatif à une décision de
vérification semblable à celles adressées aux autres producteurs de PVC, la Cour
a conclu que cette décision contenait les éléments essentiels exigés par l'article 14,
paragraphe 3, du règlement n° 17. En particulier, elle a souligné que la décision en
cause faisait état notamment d'informations indiquant l'existence et l'application
d'accords ou de pratiques concertées entre certains producteurs de PVC,
susceptibles de constituer une infraction à l'article 85 du traité (arrêt
Hoechst/Commission, précité, point 42). Dans ces conditions, l'argument d'Enichem
ne saurait être accueilli.
- 459.
- En conséquence, le moyen doit être rejeté dans son ensemble.
c) Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 1, du règlement
n° 17
Arguments des parties
- 460.
- LVM, DSM, ICI, Hüls et Enichem rappellent que, en vertu de l'article 20,
paragraphe 1, du règlement n° 17, des informations légalement recueillies ne
peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées (arrêt
Dow Benelux/Commission, précité, points 17 et 18, et, sur des questions voisines,
arrêts de la Cour du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a.,
C-67/91, Rec. p. I-4785, points 35 à 39 et 42 à 54, et du 10 novembre 1993, Otto,
C-60/92, Rec. p. I-5683, point 20).
- 461.
- En conséquence, si la Commission peut utiliser des informations recueillies dans
le cadre d'une enquête comme indices pour apprécier l'opportunité d'ouvrir une
autre enquête (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 19), elle ne pourrait
pas utiliser ces éléments à titre de preuve de cette nouvelle infraction (arrêt
Asociación Española de Banca Privada e.a., précité, point 42), pour laquelle
d'autres moyens de preuve devraient être trouvés.
- 462.
- En l'espèce, lors de l'instruction de l'affaire ayant conduit à l'adoption de la
décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité (IV/31.149 Polypropylène) (JO L 230, p. 1),
la Commission aurait obtenu des documents, dont certains ont été, ensuite,
illégalement utilisés comme preuves dans la présente affaire. Il s'agit plus
précisément des documents dits «de planification», du document dit «partage du
fardeau», joints respectivement en annexe 3 et 6 à la communication des griefs, et
d'une note d'ICI du 15 avril 1981, annexée à la lettre de la Commission du
27 juillet 1988. LVM et DSM soulignent que des documents de celle-ci sont
également en cause.
- 463.
- Les requérantes en déduisent que, en utilisant ces documents comme preuves dans
la présente affaire, la Commission a méconnu l'article 20, paragraphe 1, du
règlement n° 17.
- 464.
- Enichem relève que la Commission a, ce faisant, méconnu également l'article 14,
paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17, puisqu'elle a recueilli au cours de l'enquête
sur le marché du polypropylène des documents qui sortaient de l'objet de son
mandat.
- 465.
- La Commission fait valoir, en substance, que les documents litigieux ont été
intégrés dans le dossier de la présente affaire sur le fondement de mandats relatifs
au PVC. Dès lors, rien ne s'opposerait à leur utilisation en l'espèce.
Appréciation du Tribunal
- 466.
- Avant d'examiner le bien-fondé du moyen, il convient de préciser les faits.
Sur les faits
- 467.
- En l'espèce, il est constant, d'une part, que les documents litigieux ont été obtenus
par la Commission, pour la première fois, dans le cadre de l'enquête dans le
secteur du polypropylène, et, d'autre part, qu'ils ont été utilisés comme preuves par
la Commission dans la décision attaquée.
- 468.
- En outre, il ressort du dossier que la Commission a demandé une nouvelle copie
des pièces litigieuses dans le cadre de mandats portant, notamment, sur le PVC.
- 469.
- Ainsi, en ce qui concerne les documents de planification, la Commission en a pris
de nouveau une copie lors d'une vérification ultérieure, sur la base d'un mandat qui
concernait, notamment, le PVC.
- 470.
- En ce qui concerne l'annexe 6 à la communication des griefs et la note d'ICI du
15 avril 1981, la Commission les a identifiées et demandées une seconde fois lors
de la vérification du 23 novembre 1983, sur le fondement d'un mandat portant,
notamment, sur le PVC, ce que confirme une lettre d'ICI à la Commission du
16 mars 1984. ICI ne peut valablement prétendre s'être néanmoins opposée, dans
cette lettre, à ce que ces pièces soient incorporées au dossier PVC; bien au
contraire, il ressort explicitement de cette lettre que son auteur en a versé
volontairement une nouvelle copie à cette fin.
- 471.
- En ce qui concerne les documents de DSM, seule cette entreprise et LVM en ont
fait état. Toutefois, ni les écritures ni les questions posées lors de l'audience n'ont
permis d'identifier les documents dont il s'agissait. En toute hypothèse, il ressort
du mémoire en réplique de ces deux requérantes que, d'une part, les documents
en cause ont été obtenus par la Commission, pour la première fois, dans le cadre
de l'affaire «polypropylène» et, d'autre part, que la Commission les a demandés
et obtenus de nouveau en décembre 1983, lors d'une vérification dans les locaux
de DSM, sur la base d'un mandat visant, notamment, le PVC.
Sur le bien-fondé du moyen
- 472.
- Il est constant que, au vu des articles 14 et 20, paragraphe 1, du règlement n° 17,
les informations recueillies au cours des vérifications ne doivent pas être utilisées
dans des buts autres que ceux indiqués dans le mandat de vérification ou la
décision de vérification. Cette exigence vise, en effet, à préserver, outre le secret
professionnel, les droits de la défense des entreprises. Ces droits seraient gravement
compromis si la Commission pouvait invoquer à l'égard des entreprises des preuves
qui, obtenues au cours d'une vérification, seraient étrangères à l'objet et au but de
celle-ci (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 18).
- 473.
- Toutefois, on ne saurait en conclure qu'il serait interdit à la Commission d'ouvrir
une procédure d'enquête, afin de vérifier l'exactitude ou de compléter des
informations dont elle aurait eu incidemment connaissance au cours d'une
vérification antérieure, au cas où ces informations indiqueraient l'existence de
comportements contraires aux règles de concurrence du traité (arrêt Dow
Benelux/Commission, précité, point 19).
- 474.
- Par ailleurs, il est établi (voir ci-dessus points 467 à 471) que la Commission ne
s'est pas bornée à introduire d'office, dans la présente affaire, des pièces qu'elle
avait obtenues dans une autre, mais qu'elle a demandé ces pièces de nouveau dans
le cadre de mandats de vérification portant, notamment, sur le PVC.
- 475.
- Compte tenu des éléments qui précèdent, il apparaît que le moyen se limite au
point de savoir si la Commission, ayant obtenu des documents dans une première
affaire et les ayant utilisés comme indice pour ouvrir une autre procédure, est en
droit de demander, sur le fondement de mandats ou décisions relatifs à cette
seconde procédure, une nouvelle copie de ces documents et de les utiliser alors
comme moyens de preuve dans cette seconde affaire.
- 476.
- Or, dès lors que la Commission a précisément obtenu de nouveau ces documents
sur le fondement de mandats ou de décisions portant, notamment, sur le PVC,
conformément à l'article 14 du règlement n° 17, et les a utilisés dans le but qui était
indiqué dans ces mandats ou décisions, elle a respecté les droits de la défense des
entreprises, tels qu'ils découlent de cette disposition.
- 477.
- Le fait que la Commission ait obtenu, pour la première fois, des documents dansune affaire donnée, ne confère pas une protection à ce point absolu que ces
documents ne pourraient pas être légalement demandés dans une autre affaire et
utilisés comme preuve. A défaut, ainsi que l'a souligné la Commission, les
entreprises seraient incitées, lors d'une vérification dans une première affaire, à
donner tous les documents permettant d'établir une autre infraction et se prémunir
ainsi de toute poursuite à cet égard. Une telle solution irait au-delà de ce qui est
nécessaire pour préserver le secret professionnel et les droits de la défense, et
constituerait donc une entrave injustifiée à l'accomplissement, par la Commission,
de la mission de veiller au respect des règles de concurrence dans le marché
commun.
- 478.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, le moyen doit être rejeté.
d) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité, à titre de preuve, du refus de répondre à
des demandes de renseignements ou de produire des documents
Arguments des parties
- 479.
- Elf Atochem et BASF contestent que la Commission puisse utiliser à titre de
preuve de l'infraction ou de leur participation à celle-ci le fait de ne pas avoir
répondu à des demandes de renseignements ou de ne pas avoir produit des
documents. Ceci serait d'autant plus vrai que ces refus s'expliquaient par des
raisons objectives.
- 480.
- La Commission soutient que rien dans la décision ne permet de soutenir une telle
allégation.
Appréciation du Tribunal
- 481.
- Pour l'examen du présent moyen, il convient de distinguer entre la preuve de
l'infraction et la preuve de la participation d'entreprises à celle-ci.
Preuve de l'infraction
- 482.
- S'il est vrai que la Commission a, directement ou indirectement, fait état du refus
des entreprises de répondre à certaines questions (Décision, points 6, in fine, 8, in
fine, 9, troisième alinéa, 14, premier alinéa, 16, premier alinéa, 18, premier alinéa,
20, troisième et quatrième alinéas, 26, troisième et cinquième alinéas, 37, deuxième
alinéa), elle n'a, en revanche, à aucun moment, dans la Décision, utilisé ce fait
comme élément de preuve de l'infraction.
- 483.
- En réalité, dans ces différents points, elle s'est limitée à indiquer que, n'ayant pu
obtenir les renseignements demandés aux entreprises, elle devait se fonder sur
d'autres éléments pour apporter la preuve de l'infraction et, en particulier, faire un
usage plus marqué des déductions au vu des informations dont elle disposait.
- 484.
- Dès lors, cette branche du moyen est non fondée.
Preuve de la participation à l'infraction
- 485.
- Dès lors qu'est seule en cause la question de la participation des entreprises à
l'entente alléguée, une requérante n'est pas recevable à contester les preuves
retenues pour établir la participation à l'infraction d'autres entreprises. L'examen
du moyen se limite donc à déterminer si, à l'encontre de chacune des requérantes
ICI et Elf Atochem, la Commission a retenu, comme preuve de leur participation,
leur refus ou leur impossibilité de répondre à des demandes de renseignements.
- 486.
- Si les requérantes n'ont pas été en mesure d'identifier les extraits de la Décision
d'où il ressortirait que leur refus de répondre à des demandes de renseignements
de la Commission a été retenu comme preuve de leur participation à l'infraction
alléguée, il ressort du point 26, premier alinéa, in fine, de la Décision, que «la
Commission a également tenu compte du rôle joué par chaque producteur et des
preuves de la participation de chacun à cette entente. Chaque producteur a reçu
toutes les informations nécessaires au cours de la procédure administrative».
- 487.
- Ces informations incluent les documents intitulés «particularités individuelles», qui
étaient annexés à la communication des griefs.
- 488.
- Dans le cas d'Elf Atochem, sous la rubrique «principales preuves de la
participation à l'infraction», ce document indique: «[L'entreprise] refuse de fournir
toute information en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 au sujet de sa
participation [aux] réunions.»
- 489.
- Or, le refus ou l'impossibilité de répondre à des demandes de renseignements ne
peut, en lui-même, constituer une preuve de la participation d'une entreprise à une
entente.
- 490.
- Pour l'appréciation de la participation d'Elf Atochem à l'entente, il convient donc
de ne pas tenir compte de cette circonstance retenue par la Commission.
- 491.
- Aucune mention similaire n'apparaît dans les «particularités individuelles» relatives
à ICI. Dès lors, en l'absence de toute indication que la Commission aurait retenu
comme preuve de la participation à l'entente le refus ou l'impossibilité de cette
entreprise de répondre à des demandes de renseignements, le moyen, pour autant
qu'il est soulevé par ICI, doit être rejeté comme non fondé.
e) Sur le moyen tiré du défaut de communication de pièces
Arguments des parties
- 492.
- Wacker et Hoechst soutiennent, en premier lieu, que les extraits de la presse
professionnelle, bien que visés dans la liste des annexes à la communication des
griefs, n'y étaient pas joints et ne pourraient donc leur être opposés. Elles font
valoir, en second lieu, que la note d'ICI du 15 avril 1981, dont se prévaut la
Commission, n'était ni mentionnée ni jointe à la communication des griefs. Au
stade de la réplique, elles soutiennent que cette note ne leur a jamais été adressée.
- 493.
- Hüls soutient que la note d'ICI du 15 avril 1981 ne peut être regardée comme une
preuve recevable, dès lors qu'elle n'était pas jointe à la communication des griefs.
- 494.
- Elle allègue, en outre, que l'annexe 15 à la communication des griefs, relative aux
ventes des quatre producteurs allemands durant le premier trimestre de l'année
1984, d'une part, et durant l'année 1984, d'autre part, devrait être écartée des
débats, parce qu'elle a été établie sur le fondement d'éléments non divulgués (arrêt
AEG/Commission, précité, point 30).
- 495.
- La Commission observe que les extraits de la presse professionnelle étaient annexés
à la communication des griefs. Par ailleurs, si la note d'ICI du 15 avril 1981 n'était
pas jointe à cette communication, elle a été adressée aux parties le 28 juillet 1988.
Il ne saurait donc en découler une quelconque conséquence sur la légalité de la
Décision. Enfin, pour autant que le moyen soulevé par Wacker et Hoechst est
fondé sur le défaut de communication de cette pièce, il serait irrecevable, au titre
de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.
Appréciation du Tribunal
- 496.
- En premier lieu, il apparaît que les extraits de la presse professionnelle faisaient
partie de la communication des griefs (annexe spéciale intitulée «initiatives connues
en matière de prix»). En outre, à supposer que Wacker et Hoechst ne les aient
néanmoins pas reçus, il s'agit de documents qui, par nature, étaient publics. Dans
ces conditions, le défaut de communication de ces pièces, à le supposer établi, ne
saurait affecter la légalité de la Décision.
- 497.
- En second lieu, il convient de relever qu'aucune disposition n'interdit à la
Commission de communiquer aux parties, après l'envoi de la communication des
griefs, de nouvelles pièces dont elle estime qu'elles soutiennent sa thèse, sous
réserve de donner aux entreprises le temps nécessaire pour présenter leur point de
vue à ce sujet (arrêt AEG/Commission, précité, point 29). Dès lors, le fait qu'une
pièce n'était ni mentionnée ni jointe à la communication des griefs ne saurait
affecter, en lui-même, la légalité de la Décision. En outre, les requérantes ne
soutiennent pas que, après que la Commission leur eut envoyé copie de cette pièce
par lettre du 27 juillet 1988, en indiquant sa pertinence au regard du mécanisme
de quotas allégué, elles n'auraient pas été en mesure de faire valoir utilement leur
point de vue à cet égard. De fait, elles ont eu la possibilité de s'exprimer, tant par
écrit qu'oralement.
- 498.
- En troisième lieu, le moyen, pour autant qu'il est fondé sur le fait que cette pièce
n'aurait jamais été communiquée à Wacker et Hoechst, est un moyen nouveau,
soulevé au stade de la réplique. En l'absence d'indications qu'il serait fondé sur des
éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, il doit être
déclaré irrecevable, au titre de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de
procédure.
- 499.
- En quatrième lieu, il convient de relever que l'annexe 15 de la communication des
griefs ne constitue pas une preuve autonome mais présente, certes de façon
sommaire, les éléments du calcul que la Commission a effectué pour conforter ses
conclusions tirées de l'annexe 10. Ces conclusions étaient pleinement exposées dans
la communication des griefs et la requérante a pu formuler ses observations à leur
égard en temps utile. Dès lors, même à supposer que cette annexe 15 soit
irrecevable, faute de contenir des éléments d'information suffisants, il
appartiendrait en toute hypothèse au Tribunal de vérifier le bien-fondé des
conclusions tirées par la Commission, au point 14 de la Décision, de l'annexe 10
à la communication des griefs.
- 500.
- Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.
f) Sur le moyen tiré de la communication tardive de pièces
Arguments des parties
- 501.
- BASF soutient que l'annexe 3 à la communication des griefs, qui constitue une
pièce à charge déterminante, ne lui a été communiquée, dans son intégralité, que
lors de l'audition, le 6 septembre 1988. En dépit de la demande formulée lors de
cette audition, la requérante n'aurait donc pas eu la possibilité de s'exprimer à son
sujet, en violation des articles 3, 4 et 7 du règlement n° 99/63.
- 502.
- La Commission observe que le présent moyen ne porte pas sur l'annexe 3
elle-même, mais sur les annotations manuscrites illisibles qui y étaient portées. Or,
la requérante aurait eu une connaissance suffisante de ces annotations.
Appréciation du Tribunal
- 503.
- Il est constant que les documents constituant l'annexe 3 à la communication des
griefs étaient joints à cette communication, telle qu'elle a été adressée à la
requérante le 5 avril 1988. Le moyen est donc limité à la communication
prétendument tardive de la transcription des mentions manuscrites qui sont
portées, de façon illisible, sur les quatre pages que comporte cette annexe.
- 504.
- Il est également constant que la requérante n'a reçu une transcription intégrale des
notes manuscrites que le 6 septembre 1988, à l'occasion de l'audition.
- 505.
- Toutefois, la seule annotation manuscrite dont la Commission a entendu se
prévaloir dans la Décision avait été explicitement mentionnée dans l'annexe à la
communication des griefs relative aux initiatives de prix connues. Il en ressort que
la requérante a eu toute possibilité de faire valoir ses observations à cet égard.
- 506.
- Dès lors, le moyen doit être rejeté.
- 507.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter les moyens relatifs à
l'irrecevabilité de preuves retenues par la Commission à l'encontre des requérantes,
sous réserve du point 490 ci-dessus.
2. Sur l'administration de la preuve
- 508.
- L'argumentation des requérantes à cet égard comporte, en substance, deux moyens
ou séries de moyens. Tout d'abord, elles contestent la valeur probante de certains
types de pièces retenues à leur encontre par la Commission. Ensuite, elles font
grief à celle-ci d'avoir méconnu les principes relatifs à l'administration de la preuve.
a) Sur le moyen tiré du défaut de valeur probante de catégories de preuves
retenues par la Commission
Arguments des parties
- 509.
- LVM et DSM exposent que, selon les principes de la procédure pénale
néerlandaise et selon le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la
CEDH (Cour eur. D. H. arrêt Kostovski du 20 novembre 1989, série A n° 166,
points 39 et 44, et, indirectement, arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991,
BASF/Commission, T-4/89, Rec. p. II-1523, points 64 à 72, et Enichem
Anic/Commission, T-6/89, Rec. p. II-1623, points 69 à 73), la preuve de faits à
charge ne peut être fondée exclusivement ni sur les déclarations de l'accusé ni sur
les déclarations d'autres entreprises incriminées, qui doivent, par principe, être
tenues pour suspectes, de telle façon qu'elles ne doivent être opposées qu'à leur
auteur, ni, enfin, sur des écrits «officieux», dont, par nature, la fiabilité et
l'authenticité sont incertaines.
- 510.
- Dès lors, en l'espèce, la Décision devrait être annulée, pour autant qu'elle est
fondée exclusivement sur de telles pièces, sans le soutien d'éléments de preuve
licites.
- 511.
- La Commission objecte que les dispositions de droit pénal néerlandais et
l'interprétation abusivement large de l'arrêt Kostovski, précité, ne sont pas
pertinentes pour l'application des règles communautaires de concurrence. Elles
priveraient de tout intérêt pratique les articles 11 et 14 du règlement n° 17.
Appréciation du Tribunal
- 512.
- En premier lieu, aucune disposition ni principe général du droit communautaire
n'interdit à la Commission de se prévaloir de renseignements et documents tels que
ceux évoqués par les requérantes. En second lieu, si la thèse des requérantes était
retenue, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 85 et 86
du traité, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec
la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est
attribuée par le traité.
- 513.
- En particulier, il convient de relever que c'est à tort que les requérantes invoquent,
au soutien de leur thèse, les arrêts BASF/Commission et Enichem
Anic/Commission, précités. Il ressort, en effet, des motifs de ces arrêts cités par les
requérantes que le Tribunal, loin de considérer que les déclarations des entreprises
seraient, par principe, dénuées de valeur probante, a conclu que, en l'espèce, les
pièces invoquées n'avaient pas le sens et la portée que leur accordait la
Commission.
- 514.
- Dans ces conditions, les moyens invoqués par les requérantes se confondent avec
la question de savoir si les constatations de fait opérées par la Commission sont
étayées par les éléments de preuve qu'elle a produits.
b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance des règles relatives à l'administration
de la preuve
Arguments des parties
- 515.
- LVM, Elf Atochem, BASF, DSM, Wacker, Hoechst et ICI soutiennent, dans le
cadre de moyens spécifiques, que la Commission a méconnu le principe de la
présomption d'innocence et la charge de la preuve qui lui incombe.
- 516.
- Elles rappellent que la présomption d'innocence, qui est garantie par l'article 6 de
la CEDH, constitue un principe général du droit communautaire et s'applique
pleinement lors de la mise en oeuvre des articles 85 et 86 du traité (arrêts de la
Cour ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 153, du 21 février 1973,
Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, du
16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73,
56/73, 111/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 301, et du 28 mars 1984, CRAM et
Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679; arrêts BASF/Commission,
précité, points 70 et 71, et Enichem Anic/Commission, précité, point 70).
- 517.
- Dès lors, quelles que soient les difficultés pratiques que la Commission rencontre
dans l'administration de la preuve, la charge de la preuve d'une prétendue
infraction lui incombe, en contrepartie des larges pouvoirs d'enquête qui lui sont
reconnus (arrêts Hoechst/Commission et Dow Benelux/Commission, précités).
- 518.
- A cette fin, la Commission ne pourrait se limiter à des affirmations, suppositions
ou inductions. Elle devrait se référer à des indices graves, précis et concordants
(par exemple, arrêts Europemballage et Continental Can/Commission, précité,
points 31 à 37, United Brands/Commission, précité, points 264 à 267, et Suiker
Unie e.a./Commission, précité, point 166; conclusions de l'avocat général Sir
Gordon Slynn sous l'arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité,
Rec. p. 1914 et arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö
e.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à
C-129/85, Rec. p. I-1307); en outre, il devrait exister un lien direct et causal entre
les faits et les conclusions qui en sont tirées, qui doivent être raisonnablement et
objectivement exemptes de doutes (arrêt de la Cour du 30 juin 1966, LTM, 56/65,
Rec. p. 337, 361 et 362).
- 519.
- A l'inverse, les entreprises auxquelles est reprochée une infraction à l'article 85 du
traité doivent se voir reconnaître le bénéfice du doute. En outre, elles ne devraient
pas nécessairement infirmer les affirmations de la Commission, mais uniquement
établir qu'elles sont incertaines ou insuffisamment étayées (conclusions de l'avocat
général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Musique diffusion française e.a./Commission,
précitées, Rec. p. 1931). A défaut, les entreprises seraient confrontées à un
renversement illégal de la charge de la preuve; elles seraient ainsi tenues de
rapporter la preuve négative de leur non-participation à l'entente et contraintes
ainsi à la «probatio diabolica».
- 520.
- Or, en l'espèce, la Commission aurait méconnu ces principes et ces règles.
- 521.
- En effet, selon LVM et DSM, loin de retenir des faits établis, la Commission se
serait en effet contentée de ce qu'elle qualifie de preuves indirectes mais qui se
limite en réalité à des affirmations, des suppositions et des inductions (par exemple,
Décision points 9, 16, 20 et 23).
- 522.
- En l'espèce, selon Elf Atochem, la Commission, qui reconnaîtrait la faiblesse des
preuves dont elle dispose (points 31 et 38 des motifs de la Décision), n'aurait
justifié ni l'exactitude des données sur lesquelles repose son analyse ni le bien-fondé
de ses appréciations. En réalité, elle aurait postulé l'existence et, au vu de réunions
entre certains producteurs, sur l'objet desquelles elle admet ne disposer d'aucune
donnée, la mise en oeuvre d'un plan d'ensemble fondé sur des propositions de
1980, découvertes chez ICI. Pourtant, elle ne pourrait prouver ni la participation
de chaque producteur à ce qu'elle qualifie «d'initiatives communes», ni l'unicité de
volonté des entreprises auxquelles elle reproche de mettre en oeuvre ensemble une
infraction.
- 523.
- En l'espèce, selon BASF, la méthode d'administration de la preuve retenue par la
Commission relèverait du «cercle vicieux». Ainsi, dans un premier temps, la
Commission présume que les éléments de preuve produits ont une certaine teneur
et, dans un second temps, utilise ces mêmes éléments pour prouver qu'ils ont la
teneur préconçue qu'elle leur a attribuée. Cela conduirait à un renversement de la
charge de la preuve inacceptable. Il serait tout aussi inacceptable d'affirmer que
l'absence de documents à charge, par exemple sur les réunions entre producteurs,
peut servir à créer une présomption de culpabilité. L'absence de documents serait
d'ailleurs inéluctable compte tenu des années écoulées entre la première
investigation et la communication des griefs.
- 524.
- Wacker et Hoechst soutiennent que, par un usage abusif de la preuve par indice,
la Commission a méconnu les règles d'administration de la preuve. Le
raisonnement qu'elle a construit consisterait en effet à déduire l'existence de
l'accord de base de celle des actes d'exécution et réciproquement, mais sans jamais
démontrer l'existence de l'un et de l'autre.
- 525.
- En l'espèce, selon la SAV, alors que la Commission reconnaîtrait ne pas disposer
des éléments essentiels de preuve de la participation à l'entente de certaines
entreprises, dont la requérante, cette preuve serait tirée, pour chaque participant
présumé, de son adhésion «à l'entente considérée globalement». En réalité, la
Commission se serait bornée à déduire la participation de toutes les entreprises du
seul fait que certaines y auraient participé (point 25 de la Décision). De fait, les
trois preuves censées établir la participation individuelle de la SAV ne présentent
aucun caractère probant.
- 526.
- ICI fait valoir que, en l'espèce, les éléments de preuve ne suffisent pas à justifier
de façon convaincante les allégations de fait de la Commission. Ainsi en serait-il à
propos de l'objet des réunions et des engagements qu'auraient pris les producteurs
à ces occasions (points 9, troisième et quatrième alinéas, de la Décision), de la mise
en oeuvre de tout système relatif au «volume» et aux prix, de la conclusion que les
prix résulteraient d'une concertation ou encore du lien de causalité entre les
documents de planification et les constatations ultérieures de la Commission sur les
faits (points 24, deuxième alinéa, et 30, deuxième alinéa, de la Décision).
- 527.
- En toute hypothèse, ces allégations de fait ne suffiraient pas à justifier les
conclusions juridiques que la Commission en tire, tant en ce qui concerne
l'existence d'un accord ou d'une pratique concertée qu'en ce qui concerne
l'affectation du commerce entre États membres (arrêt United Brands/Commission,
précité, points 248 à 267, et conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous
l'arrêt Musique diffusion française/Commission, précitées, Rec. p. 1930 et 1931).
- 528.
- Hüls soutient que, sans aucune explication, la Commission a, dans la Décision,
qualifié de certitude ce qui, dans la lettre de la Commission du 24 novembre 1987
demandant des renseignements à la requérante, n'était encore que des probabilités.
En réalité, depuis la demande de renseignements, la Commission aurait eu l'idée
préétablie que la requérante avait enfreint l'article 85 du traité.
- 529.
- La Commission objecte, en substance, qu'elle n'a pas méconnu la charge de la
preuve qui lui incombe. Elle estime avoir disposé de suffisamment de preuves pour
constater une infraction (point 23 de la Décision). L'inexactitude éventuelle de
cette affirmation relèverait de l'appréciation au fond. Elle rappelle en particulier
que le recours aux preuves indirectes est admis (notamment arrêts du 14 juillet
1972, ICI/Commission, précité, points 64 à 68, CRAM et Rheinzink/Commission,
précité, points 16 à 20, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 71).
Ceci serait d'ailleurs indispensable, compte tenu de la prise de conscience
croissante des milieux d'affaires européens de la portée du droit de la concurrence.
En outre, les preuves ne devraient pas être considérées isolément, mais dans leur
ensemble (arrêts du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 68, CRAM et
Rheinzink/Commission, précité, point 20, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission,précité, point 163) et les preuves individuelles ne pourraient être dissociées de leur
contexte (arrêt SIV e.a./Commission, précité, points 91 à 94).
Appréciation du Tribunal
- 530.
- L'examen du présent moyen se confond avec celui, soulevé notamment par les
mêmes parties requérantes, tiré des erreurs manifestes d'appréciation des faits
qu'aurait commises la Commission, dans l'établissement tant de l'existence de
l'infraction que de la participation des entreprises à cette infraction.
- 531.
- Il convient en conséquence de reporter l'analyse du présent moyen, afin de
procéder simultanément à son examen et à celui des autres moyens de fond.
B Sur la contestation de l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du
traité
- 532.
- Toutes les requérantes mettent en cause l'appréciation des faits portée par la
Commission. Seule la SAV ne prétend contester que sa participation à l'entente
alléguée, arguant du fait qu'elle n'a pas connaissance de celle-ci. Toutefois, pour
démontrer qu'elle n'a pas participé à cette entente, elle conteste également, au
moins pour partie, les faits constatés par la Commission. Ces dernières objections
sont donc examinées sous le présent titre.
- 533.
- En outre, les requérantes critiquent la qualification juridique des faits opérée par
la Commission.
- 534.
- Il convient d'examiner successivement les objections en fait et celles en droit.
1. En fait
Rappel sommaire de la Décision
- 535.
- Dans la première partie de la Décision, intitulée «Les faits», la Commission a, dans
une première sous-partie introductive, identifié les entreprises visées par la
Décision et fourni certaines informations, notamment, sur le produit en cause, le
marché du PVC et la situation de surcapacité de ce secteur.
- 536.
- Dans une deuxième sous-partie, elle a procédé à la description de l'infraction, en
examinant successivement les cinq aspects suivants: l'origine de l'entente (point 7
de la Décision), les réunions entre producteurs (points 8 et 9), le système de quotas
(points 10 à 14), la surveillance des ventes sur les marchés nationaux (points 15 et
16) et les prix cibles et les initiatives en matière de prix (points 17 à 22).
- 537.
- Sur l'origine de l'entente, la Commission s'est essentiellement fondée sur deux
documents trouvés dans les locaux d'ICI, joints en annexe 3 à la communication des
griefs (ci-après dénommés conjointement «documents de planification»). Le
premier de ces documents, intitulé «liste de contrôle», et le second, «réponse aux
propositions», constituent, selon la Commission, un projet de création d'entente.
- 538.
- Sur les réunions entre producteurs, la Commission s'est, en particulier, référée aux
réponses de certains producteurs aux demandes de renseignements adressées par
la Commission pendant la procédure administrative préalable.
- 539.
- Sur les mécanismes de quotas, la Commission a décrit les faits allégués sur le
fondement de plusieurs pièces. Elle s'est ainsi référée à trois documents, joints en
annexes 6, 7 et 9 à la communication des griefs, d'où il ressort, selon elle, que les
producteurs de PVC ont instauré entre eux un mécanisme de compensation,
destiné à renforcer un système de quotas. La première pièce, intitulée «partage du
fardeau», est un document manuscrit trouvé dans les locaux d'ICI, la deuxième un
document émanant d'ICI mais découvert chez un producteur tiers (ci-après
«document Alcudia»), la dernière, un document interne de DSM, trouvé dans les
locaux de cette entreprise (ci-après «document DSM»). Elle s'est également fondée
sur deux autres pièces, à savoir, une note du 15 avril 1981 trouvée dans les locaux
d'ICI et transcrivant le message du directeur général de la division pétrochimique
de Montedison (ci-après «note du 15 avril 1981») (communiquée par la
Commission aux requérantes par lettre du 27 juillet 1988) et un tableau découvert
dans les locaux d'Atochem (ci-après «tableau Atochem») (annexe 10 à la
communication des griefs).
- 540.
- Sur les mécanismes de surveillance des ventes, aux termes desquels les producteurs
«domestiques» de certains grands marchés nationaux se seraient informés
mutuellement des tonnages qu'ils vendaient sur chacun de ces marchés, la
Commission s'est appuyée, à titre principal, sur une série de tableaux découverts
dans les locaux de Solvay (ci-après «tableaux Solvay»), joints en annexe 20 à 40 à
la communication des griefs. Elle s'est également référée aux réponses de Solvay,
du 25 février 1988, et de Shell, du 3 décembre 1987, à des demandes de
renseignements. Ces réponses étaient jointes à la communication des griefs,
respectivement en annexes 41 et 42.
- 541.
- Sur les initiatives de prix, la Commission s'est fondée, pour l'essentiel, sur des
documents internes de plusieurs producteurs de PVC, joints en annexe P1 à P70
à la communication des griefs, ainsi que sur des extraits de la presse professionnelle
relatifs à la période de 1980 à 1984, joints en annexe, non numérotée, à la
communication des griefs.
- 542.
- Enfin, dans une troisième sous-partie, la Commission a formulé quelques
observations notamment sur la preuve de l'existence de l'entente (points 23 et 24
de la Décision). Elle observe ainsi: «De par la nature de l'infraction en cause dans
la présente affaire, toute décision devra se fonder dans une large mesure sur les
preuves indirectes: il se peut que les faits qui constituent l'infraction à l'article 85
doivent, du moins en partie, être établis par déduction logique d'autres faits
avérés.» (Point 23 de la Décision.) Après avoir énuméré les principaux éléments
de preuve dont elle estime disposer, la Commission a souligné que «les différents
éléments de preuve directe et indirecte doivent en l'espèce être considérés
ensemble. [...] Dans cette optique, chaque élément de preuve renforce les autres
à l'égard des faits en cause et aboutit à la conclusion qu'une entente consistant à
partager les marchés et à fixer les prix a été mise en oeuvre pour le PVC» (point
24 de la Décision).
Arguments des requérantes
- 543.
- Les requérantes soutiennent que la Commission n'est pas parvenue à établir les
faits dont elle allègue l'existence.
Sur l'origine de l'entente
- 544.
- Selon les requérantes, les documents de planification seraient dénués de valeur
probante.
- 545.
- En premier lieu, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, Hüls et Enichem soutiennent qu'il
n'est pas établi que ces documents concernaient le PVC; les pièces jointes en
annexes 1 et 2 à la communication des griefs auraient ainsi pour seul objet de faire
croire que les documents de planification, qui constituent l'annexe suivante à la
communication des griefs, sont relatifs à ce secteur d'activité.
- 546.
- En second lieu, selon BASF et Enichem, il n'est pas établi que ces documents
concernent des marchés autres que le marché britannique.
- 547.
- En troisième lieu, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichem font
valoir que la réponse aux propositions ne constitue pas une réponse à la liste de
contrôle. En effet, le premier document serait postérieur au second et les thèmes
abordés dans la réponse aux propositions ne correspondent pas à ceux énoncés
dans la liste de contrôle. Aucun des documents de planification ne comporterait
d'ailleurs de référence à l'autre. Enfin, le fait que ces documents aient été
découverts attachés l'un à l'autre ne saurait pallier l'absence de concordance entre
eux sur le fond.
- 548.
- En quatrième lieu, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichem
soulignent que les documents de planification sont rédigés par un inconnu et
destinés à des inconnus; il n'est donc pas établi qu'ils ne sont pas simplement
l'expression des avis de différentes personnes au sein d'ICI, ni qu'ils ont été
adressés ou portés à la connaissance d'autres entreprises.
- 549.
- En cinquième lieu, les requérantes soutiennent qu'il n'existe pas de preuves du lien
entre ces documents et les arrangements restrictifs postérieurs que la Commission
croit avoir établis.
- 550.
- En dernier lieu, selon BASF et DSM, si la liste de contrôle se réfère à une réunion
du 18 septembre 1980, sans autre précision, la Commission n'a établi ni que cette
réunion a eu lieu, ni qu'il ne s'agissait pas d'une simple réunion interne d'ICI, ni
qu'elle était consacrée à l'examen de la liste de contrôle, ni encore qu'elle a eu des
résultats.
Sur les réunions entre producteurs
- 551.
- BASF observe que ni la date ni le lieu des réunions n'ont été précisés.
- 552.
- Selon les requérantes, à l'exception de Shell, la Commission n'a pas établi que ces
réunions poursuivaient un objet anticoncurrentiel. En déduisant des réponses
d'entreprises aux demandes de renseignements que l'objet des réunions entre
producteurs était illégal, la Commission aurait indûment méconnu le sens de ces
réponses; il ressortirait en effet de celles-ci que les discussions entre producteurs
portaient sur l'évolution du marché du PVC en général. Cette explication serait
parfaitement plausible, compte tenu de la crise que traversait le secteur et de
l'importante documentation confirmant le caractère concurrentiel du marché. BASF
ajoute que la Commission ne peut déduire de l'absence de procès-verbaux de ces
réunions leur caractère illicite.
- 553.
- LVM, BASF, DSM et Enichem soutiennent qu'aucun lien ne permet de rattacher
ces réunions entre producteurs au prétendu plan d'ensemble. En toute hypothèse,
Hüls souligne que l'objet anticoncurrentiel allégué des réunions ne peut être établi
au vu des documents de planification, puisque ceux-ci sont dénués de valeur
probante.
Sur les mécanismes de quotas et de compensation
- 554.
- Les requérantes contestent la valeur probante des pièces auxquelles la Commission
se réfère.
- 555.
- En premier lieu, elles rappellent que les documents de planification ne peuvent
être utilement invoqués par la Commission (voir ci-dessus, point 544 et suivants).
- 556.
- En second lieu, BASF, Wacker, Hoechst et Hüls soutiennent que les documents
partage du fardeau et Alcudia ne concernent pas le PVC et ont été élaborés par
des personnes étrangères à ce secteur; les opinions de celles-ci, fondées sur des
informations parcellaires et des rumeurs, ne pourraient en conséquence constituer
une preuve d'infraction.
- 557.
- Ni l'un ni l'autre de ces documents n'établiraient qu'un mécanisme de
compensation a effectivement existé et a été mis en oeuvre. D'ailleurs, le document
Alcudia porterait la mention «projet». En outre, ICI avait déclaré, dans sa réponse
du 9 octobre 1987 à une demande de renseignements, qu'un tel système n'avait
jamais été mis en oeuvre.
- 558.
- En troisième lieu, le document DSM ne serait pas plus probant.
- 559.
- Ainsi, DSM, BASF et Hüls observent qu'il ne constituerait en réalité qu'une étude
de marché interne, comparant des statistiques globales de la Fides avec les propres
ventes de DSM. Selon DSM, le terme de compensation qui apparaît sur ce
document ne viserait que la compensation d'indications antérieures inexactes de laFides. Un mécanisme de compensation, au sens où l'entend la Commission, n'aurait
d'ailleurs aucun sens, alors que la demande de PVC avait augmenté de 12 % au
premier semestre de 1982 par rapport au même semestre de l'année précédente.
- 560.
- Wacker et Hoechst font valoir que le document DSM est extrait d'un document
plus volumineux, si bien qu'il ne pourrait être compris isolément.
- 561.
- BASF souligne enfin que la Commission n'a pas établi un seul cas de compensation
entre les producteurs; la mise en oeuvre d'un tel mécanisme, dont les modalités de
fonctionnement ne sont pas établies, ne serait donc pas prouvée. Les livraisons de
quantités minimes de producteur à producteur, afin de faire face à des goulots
d'étranglement, ne peuvent être qualifiées de compensations.
- 562.
- En quatrième lieu, le tableau Atochem n'aurait aucune valeur probante.
- 563.
- Elf Atochem relève que ce document, bien que découvert dans les locaux
d'Atochem, est en réalité extérieur à cette entreprise et a été trouvé dans le bureau
d'une personne sans responsabilité opérationnelle, parmi des dossiers d'études
générales sans rapport avec le PVC.
- 564.
- En outre, selon BASF, présumé daté de 1984, ce document aurait été établi a
posteriori, ce qui n'aurait aucun sens dans un système de quotas. Wacker et
Hoechst soulignent que l'origine des chiffres qui y sont indiqués est inconnue; ces
données pourraient en tout cas résulter d'informations publiques.
- 565.
- Selon BASF, Wacker, Hoechst et Hüls, la Commission se bornerait à spéculer que
l'abréviation «%T», apparaissant sur le tableau Atochem, est une référence à une
cible; or, les indications relatives aux producteurs allemands correspondraient
exactement à la part que représente leur capacité de production, si bien que «%T»
pourrait signifier pourcentage de la capacité totale.
- 566.
- D'ailleurs, LVM, BASF, DSM et Enichem observent que les tonnages de ventes
réels ne correspondent pas aux tonnages exprimés dans le tableau Atochem, ce qui
conforterait l'idée selon laquelle les chiffres indiqués ne constituent que des
estimations individuelles. En réalité, la Commission ne disposerait des chiffres de
ventes réels que pour trois des treize entreprises et seuls six des onze chiffres
relatifs à ces trois entreprises correspondraient aux chiffres de ventes effectifs.
- 567.
- Selon BASF, Wacker, Hoechst et Hüls, en ce qui concerne plus particulièrement
les producteurs allemands, leurs ventes seraient agrégées, rendant impossible
l'identification de ceux-ci et de leurs ventes; cette constatation serait incompatible
avec l'existence d'un mécanisme de quotas. En outre, la comparaison de ces
prétendues cibles avec les chiffres de ventes effectifs de Hoechst, tels qu'établis et
certifiés par une société agréée d'expertise comptable en octobre 1988, ferait
apparaître des différences sensibles, de l'ordre de 5 %.
- 568.
- En cinquième lieu, BASF conteste la pertinence des pièces sur lesquelles s'appuie
la Commission pour étayer son analyse du tableau Atochem.
- 569.
- Ainsi, les annexes 13 à 16, relatives aux statistiques sur les volumes de ventes
effectifs, montreraient simplement que les déclarations faites par les producteurs
au système Fides sont exactes. Les annexes 17 et 19 ne seraient que des documents
internes, faisant état des objectifs de vente que se fixent elles-mêmes les
entreprises; l'annexe 18 irait à l'encontre d'un système de quotas, puisqu'ICI y
prévoit un recul de sa part de marché pour les mois à venir.
- 570.
- En sixième lieu, Wacker, Hoechst et Hüls font valoir que la note d'ICI du 15 avril
1981 est également dénuée de valeur probante. Non seulement elle ne concernerait
pas le PVC, mais en outre sa signification demeurerait obscure.
Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux
- 571.
- En premier lieu, Hüls soutient que la nature des tableaux Solvay leur retire toute
valeur probante. Ils n'auraient été établis qu'a posteriori, sur le fondement
d'informations dont la source est inconnue, en vue de l'établissement d'études de
marché. Il ne s'agirait tout au plus que d'hypothèses concernant l'évolution future
du chiffre d'affaires, qui ne se sont jamais réalisées l'année suivante, et
d'estimations, comme l'illustrent les chiffres arrondis. Rédigés en français, et non
en anglais, ces documents ne pourraient être que des documents internes de Solvay.
- 572.
- En second lieu, LVM observe que les tableaux Solvay n'auraient de valeur
probante que s'ils étaient exacts; or, ils présenteraient des différences sensibles par
rapport aux ventes réelles. En effet, la Commission aurait tenu compte des données
provisoires fournies à la Fides, et non des chiffres définitifs de la Fides, qui seuls
traduisent les ventes réelles. Or, compte tenu des dates de chargement et de
livraison, des différences pourraient exister. En outre, Wacker et Hoechst relèvent
que, pour les producteurs allemands, les tableaux Solvay ne comportent aucune
donnée individualisée, mais uniquement des chiffres globaux.
- 573.
- En troisième lieu, Hüls souligne que le chiffre global des ventes de PVC sur le
marché allemand (annexe 20 à la communication des griefs), s'il concorde avec les
déclarations de la Fides, ne devrait pas, selon les règles du système Fides, inclure
les livraisons faites à l'entreprise Dynamite Nobel AG; une telle erreur montre
donc que les chiffres figurant à l'annexe 20 ne correspondent pas au système Fides.
- 574.
- En quatrième lieu, LVM, BASF, DSM, Montedison et Enichem reprochent à la
Commission d'affirmer, sans démonstration, que des chiffres précis de ventes
n'auraient pu être obtenus sans un échange volontaire entre les producteurs. Au
contraire, Solvay aurait expliqué avoir élaboré seule, à des fins internes, les
documents statistiques sur lesquels la Commission fonde son accusation. DSM
conteste, exemples à l'appui, la conclusion de la Commission selon laquelle une
évaluation précise des parts de marché de chaque producteur ne pourrait être
obtenue sans un échange d'informations entre eux. En réalité, sur la seule base
d'informations aisément accessibles, chaque entreprise aurait pu réaliser des
estimations précises des ventes des concurrents, sans aucun échange illicite
d'informations. BASF souligne que la notion même d'échange implique une
réciprocité entre entreprises, ce qui n'est précisément pas allégué. Selon Enichem,
si une note se rapportant au tableau de l'annexe 34, et d'ailleurs uniquement à
celui-ci, fait état de données échangées avec les confrères, il ne serait pas précisé
qui sont ces confrères; compte tenu de la politique agressive de la requérante, il
ne pourrait s'agir que des collègues de travail au sein de Solvay, et non de la
requérante. Il ne s'agirait en toute hypothèse que d'échanges de données passées,
et non de prévisions.
- 575.
- En dernier lieu, BASF et Shell soutiennent que la Commission a déformé le sens
de la réponse de Shell à une demande de renseignements. En effet, d'une part,
Shell aurait indiqué qu'aucune information précise n'avait été communiquée à
Solvay; toute communication de ce type aurait concerné les ventes en Europe
occidentale et n'aurait donc pu constituer la source des données figurant dans les
documents Solvay, qui comportaient une ventilation pays par pays. D'autre part,
Shell aurait ajouté que toute information de cette nature n'avait été communiquée
qu'occasionnellement entre janvier 1982 et octobre 1983, alors que les documents
Solvay comportent les chiffres pour la période 1980 à 1984. Ces éléments factuels
confirmeraient que les documents Solvay n'ont été élaborés qu'à partir des
statistiques officielles publiées et des contacts avec la clientèle.
Sur les initiatives de prix
- 576.
- BASF, Wacker, Hoechst et Montedison rappellent que, selon elles, les documents
de planification n'ont pas de valeur probante (voir ci-dessus point 544 et suivants).
- 577.
- Selon LVM et DSM, l'existence de prix cibles n'était pas concevable sur le marché
du PVC; les prix seraient en effet négociés dans chaque cas particulier.
- 578.
- LVM, DSM, Wacker et Hoechst font valoir que les annexes P1 à P70 à la
communication des griefs n'ont pas de valeur probante, dès lors qu'il s'agit de
rapports internes d'entreprises établis a posteriori.
- 579.
- En toute hypothèse, selon LVM, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, Montedison, Hüls
et Enichem, ces annexes ne permettent pas de conclure que les initiatives
reprochées étaient concertées; en réalité, les initiatives en cause ne seraient que le
résultat de décisions autonomes des entreprises, sans concertation préalable; les
entreprises n'auraient fait que s'adapter intelligemment aux conditions du marché.
- 580.
- Les requérantes soulignent enfin que les annexes P1 à P70 et les pièces qui leur
avaient été adressées par la Commission le 3 mai 1988 révéleraient, au contraire,
un marché concurrentiel, dans lequel, notamment, les prix évoluaient rapidement
et fréquemment et certains producteurs se montraient agressifs.
- 581.
- Les extraits de la presse professionnelle ne pourraient constituer ni une preuve, ni
même un indice d'infraction. Ils ne pourraient donc suffire à soutenir la thèse de
la Commission.
Appréciation du Tribunal
- 582.
- Il convient de relever que, afin de déterminer l'origine de l'entente, la Commission
s'est fondée sur le libellé des documents de planification, sur les renseignements
donnés par ICI à leur propos, en réponse à une demande de renseignements qui
lui avait été adressée, et sur la corrélation étroite existant entre les pratiques
envisagées décrites dans ces documents, d'une part, et les pratiques constatées sur
le marché, d'autre part.
- 583.
- Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner tout d'abord les différentes pratiques
dont la Commission estime avoir établi l'existence sur le marché, en les mettant en
parallèle avec les pratiques prévues dans les documents de planification.
Sur les systèmes de quotas
- 584.
- La liste de contrôle, qui constitue le premier des documents de planification,
énonçait, en son point 3, des «propositions pour un nouveau cadre de réunions».
Cette rubrique, après avoir énuméré sous forme d'initiales ou de sigles le nom de
certains producteurs pressentis pour participer à ces réunions, comporte une
subdivision relative aux «propositions relatives aux modalités de fonctionnement
de ces réunions», contenant elle-même les éléments suivants: «parts de marché en
pourcentage des producteurs et écarts autorisés par rapport à ces parts de marché»
et «arrangement pour l'utilisation de nouvelles capacités».
- 585.
- La réponse aux propositions, qui constitue le second des documents de
planification, énonce, en son point 2, la proposition selon laquelle «à l'avenir, les
quotas en tonnage devraient être exprimés par société et non sur une base
nationale», assortie du commentaire suivant: «[F]ermement soutenue, mais, pour
être réaliste et applicable, un futur système de quotas doit inclure une formule
convenue pour l'utilisation de nouvelles capacités et d'usines remises en service
après une fermeture temporaire.» Sous le point 3, ce même document comporte
la proposition suivante: «la part de marché des producteurs devrait être calculée
sur la base de celle réalisée en 1979, moyennant correction des anomalies
flagrantes durant cette année», assortie du commentaire suivant: «pleinement
soutenue». Enfin, le point 4 énonce la proposition suivante: «une flexibilité de plus
ou moins 5 % devrait être appliquée aux parts de marché établies selon le point
3 ci-dessus, de telle sorte que les positions réelles sur le marché des producteurs
puisse évoluer pour refléter le vrai potentiel de chacun», assortie du commentairesuivant: «beaucoup de doutes à ce sujet, principalement en raison du fait que, si
des parts de marché doivent être définies, il serait dangereux d'intégrer une
autorisation d'excéder la part convenue».
- 586.
- Pour établir l'existence d'un mécanisme de quotas, la Commission s'est, dans sa
Décision, référée à plusieurs documents dont elle avait pu obtenir copie au cours
des procédures de vérification qu'elle a opérées.
- 587.
- Elle s'est ainsi fondée, notamment, sur trois documents qui établissent, selon elle,
l'existence d'un mécanisme de compensation mis en oeuvre en 1981 entre les
producteurs de PVC et qui attestent l'existence de mécanismes de quotas dont il
ne serait que le corollaire.
- 588.
- Le document partage du fardeau, découvert dans les locaux d'ICI, concerne, à titre
principal, un système de répartition du poids des réductions de ventes d'un produit
thermoplastique autre que le PVC. Toutefois, il comporte les observations
suivantes: «L'expérience acquise avec des systèmes semblables pour le PVC et le
PEBD n'augure rien de bon, mais certaines leçons peuvent en être tirées.» Après
l'indication «quantité cible», l'auteur du document poursuit: «Vis-à-vis de quoi les
performances seront-elles appréciées? Les producteurs de PVC ont pu se fonder
sur des parts de marché convenues pour 1981.» Enfin, il est indiqué que «le
système pour le PVC ne permettait des ajustements que lorsque les ventes d'une
société ou d'un groupe de sociétés étaient inférieures à 95 % de sa 'cible. Cela
permettait aux sociétés de déborder de leur part de marché sans être pénalisées».
- 589.
- Le document Alcudia, émanant d'ICI mais découvert chez un producteur espagnol,
est relatif à un projet de mécanisme de compensation entre les producteurs de
PEBD qui auraient vendu des quantités inférieures à une part prédéterminée et
ceux qui auraient vendu plus que cette part. Il y est indiqué: «Le système est très
similaire à celui instauré récemment par les producteurs de PVC et appliqué pour
la moitié des ventes du mois de mai et pour celles du mois de juin.» Ce document
décrit ensuite les principaux éléments de ce système analogue à celui appliqué dans
le cas du PVC. Ainsi, les producteurs s'accordent sur leurs ventes cibles
correspondant à un pourcentage donné des ventes totales. Dès que les données
Fides provisoires sont connues, les cibles en tonnage sont calculées pour chaque
participant et comparées avec les ventes réelles, afin d'établir les variations; des
compensations s'opèrent alors entre ceux qui ont dépassé leur quota, et ceux qui
ne l'ont pas atteint. Pour faciliter le fonctionnement, il était également proposé que
«les producteurs soient 'groupés dans l'espoir que des arrangements au sein d'un
groupe puissent être trouvés pour annuler les variations». Il était également
mentionné qu'un système alternatif pourrait consister à ne tenir compte que des
variations supérieures à 5 %. Au terme de ce document, l'auteur compare la
proposition de système pour le PEBD avec «l'arrangement PVC» et indique
notamment à ce propos: «Le système peut-il fonctionner alors que deux ou trois
des producteurs n'y participent pas? Dans le cas du PVC, un seul producteur ne
participe pas au système.»
- 590.
- Le Tribunal estime que le libellé de ces documents appuie de façon probante les
conclusions que la Commission en a tirées.
- 591.
- S'il est exact que l'un et l'autre document concernent un autre produit
thermoplastique, il n'en reste pas moins que les extraits cités par la Commission
dans sa Décision concerne explicitement le PVC.
- 592.
- En outre, du libellé de ces documents, il ressort que le mécanisme de compensation
en question a été effectivement mis en oeuvre par les producteurs de PVC, à
l'exception de l'un d'entre eux. Le document Alcudia, en particulier, ne constitue
un projet que dans la mesure où il concerne l'autre produit thermoplastique en
cause, à savoir le PEBD.
- 593.
- Enfin, l'objection des requérantes selon laquelle ces documents ne seraient pas
fiables, puisque leur auteur était étranger au secteur du PVC, ne saurait être
accueillie. En effet, l'un et l'autre des documents comportent des indications
précises, notamment en matière de date, de pourcentage et de nombre de
participants au système PVC, qui conduisent à la conclusion que les auteurs avaient
une connaissance exacte du mécanisme auquel ils se référaient et dont ils
entendaient tirer les leçons au vu de «l'expérience acquise».
- 594.
- La Commission se réfère également au document DSM, daté du 12 août 1982.
- 595.
- Ainsi qu'elle l'observe aux pénultième et dernier alinéas du point 11 de la Décision,
l'auteur du document constate une différence importante, de l'ordre de 12 %, entre
les statistiques de ventes de PVC au premier semestre de 1982 en Europe de
l'Ouest et celles du premier semestre de 1981, alors que la croissance de la
demande dans cette zone géographique avait été sensiblement moindre; il observe
en outre des évolutions sensiblement différentes d'un marché géographique à
l'autre. Il indique ensuite que des explications tirées de l'évolution normale du
marché (baisse des importations de pays tiers en Europe de l'Ouest, stockage et
augmentation du niveau d'activité), qui avaient été initialement envisagées (voir
également, à cet égard, l'annexe P22 à la communication des griefs, qui est un
document de DSM du 12 juillet 1982), ne peuvent être retenues. L'auteur poursuit:
«Cela pourrait peut-être s'expliquer par une fausse déclaration concernant les
ventes du premier semestre [de] 1981 (compensation !). Des vérifications seront
effectuées à ce sujet.»
- 596.
- Il ressort ainsi de ce document que l'évolution du marché au premier semestre de
1982 par rapport au premier semestre de 1981 ne pouvait pas s'expliquer par des
facteurs normaux propres au marché, mais plutôt par de fausses déclarations de
ventes pour le premier semestre de 1981. Ces fausses déclarations trouvaient elles-mêmes leur raison d'être dans les mécanismes de compensation entre producteurs.
Ainsi que l'a constaté la Commission, ce document, qu'il convient de lire
notamment au vu des deux précédemment examinés, qui démontrent l'existence
d'un mécanisme de compensation au cours du premier semestre de l'année 1981,
établit que certains producteurs avaient sans doute déclaré, pour ce semestre, des
chiffres de ventes inférieurs à la réalité, afin de ne pas être soumis à ce mécanisme.
- 597.
- Ce document permet également de conclure que, en raison du comportement de
certains producteurs, ce mécanisme n'a pas fonctionné de manière optimale. Ceci
doit d'ailleurs être rapproché du document partage du fardeau, dans lequel il était
indiqué que «l'expérience acquise avec des systèmes semblables pour le PVC et le
PEBD n'augure rien de bon».
- 598.
- Dans ce contexte, l'interprétation alternative du terme compensation proposée par
DSM, au demeurant peu claire, ne présente aucune crédibilité. On ne saurait
admettre en effet que, afin de corriger des erreurs dans leurs déclarations au
système Fides pour une année, les producteurs déclarent l'année suivante des
ventes en intégrant celles omises l'année passée.
- 599.
- Pour établir l'existence d'un mécanisme de quotas, la Commission se réfère
également à une note découverte chez ICI datée du 15 avril 1981. Cette note est
le texte d'un message adressé par le directeur général de la division pétrochimique
de Montedison à ICI. Il comporte l'extrait suivant: «ICI, pour le PVC par exemple,
pourrait disposer pour la fin de 1981 de nouvelles capacités en Allemagne et a
demandé une majoration de son quota de 30 kilotonnes depuis janvier 1981.» Ainsi
que l'a rappelé la Commission, à cette date, ICI envisageait d'ouvrir une nouvelle
usine en Allemagne, tout en procédant à la fermeture d'une ancienne usine ailleurs.
- 600.
- Il convient de relever que cette note, si elle concerne en premier lieu un autre
produit thermoplastique, porte spécifiquement, dans l'extrait rappelé ci-dessus, sur
le PVC.
- 601.
- En outre, les requérantes n'ont pas été en mesure d'apporter une quelconque
interprétation du terme «quota» contenue dans cette note autre que celle retenue
par la Commission. A cet égard, il convient de rappeler que cette note est la
transcription d'un message émanant d'un dirigeant d'une société concurrente, si
bien que l'on ne saurait considérer que le terme de «quota» se référait à de
simples objectifs internes d'ICI.
- 602.
- La Commission a enfin considéré que le système de régulation des volumes ainsi
établi avait perduré au moins jusqu'au mois d'avril 1984. Elle s'est fondée pour cela
sur le tableau Atochem, intitulé «PVC premier trimestre».
- 603.
- Ce tableau comporte neuf colonnes:
la première énumère l'ensemble des producteurs européens de PVC actifs
sur le marché à cette époque;
les deuxième, troisième et quatrième colonnes comportent, pour chacun des
producteurs européens, à l'exception des quatre producteurs allemands,
dont les ventes apparaissent groupées, l'indication des ventes réalisées pour,
respectivement, les mois de janvier, de février et de mars. Pour les deux
premiers mois, le tableau comporte la mention «FIN» et pour le dernier
mois, la mention «Q». Il n'est pas contesté que ces indications
correspondent aux statistiques définitives (en anglais: «final») et rapides (en
anglais: «quick») communiquées au système d'échange d'informations Fides;
c'est d'ailleurs ce qui ressort de la réponse d'Atochem du 5 mai 1987, jointe
en annexe 11 à la communication des griefs, à une demande de
renseignements de la Commission. Le système Fides est, ainsi qu'il est
rappelé dans la Décision (point 12, troisième alinéa), un service statistique
à l'échelle du secteur, géré par une société comptable de Zurich, dans le
cadre duquel les producteurs abonnés communiquent leurs propres chiffres
de ventes, d'abord sous une forme rapide, puis sous une forme définitive,
à un bureau central qui collecte ces informations et établit des statistiques
globales et anonymes pour l'ensemble du marché d'Europe occidentale;
la cinquième indique les ventes totales pour le premier trimestre;
la sixième correspond au pourcentage des ventes des producteurs européens
par rapport au total des ventes de ceux-ci durant le premier trimestre;
la septième est intitulée «%T»;
la huitième indique les ventes du mois d'avril, avec la mention «Q»;
la dernière indique la part des producteurs par rapport aux ventes totales
des producteurs européens pendant le premier quadrimestre.
- 604.
- La Commission a conclu que le sigle «%T» était manifestement la référence à un
pourcentage «cible» (en anglais «target»). Elle tire également de ce document la
conclusion que les producteurs cités échangeaient leurs chiffres de ventes en dehors
du système Fides officiel pour surveiller le fonctionnement d'un système de quotas.
Enfin, la Commission a examiné dans quelle mesure les producteurs avaient atteint
la cible qui leur aurait été attribuée.
- 605.
- A titre liminaire, le Tribunal estime que l'identité exacte de l'auteur du document
n'est pas déterminante. Seul importe de savoir si les conclusions tirées par la
Commission du tableau Atochem sont fondées.
- 606.
- En outre, il n'est pas contesté que ce tableau porte sur les premiers mois de
l'année 1984, ainsi qu'il ressort d'ailleurs de la réponse d'Atochem du 5 mai 1987
à une demande de renseignements. Compte tenu du fait que, pour les mois de
mars et d'avril 1984, le tableau ne comporte que les statistiques «rapides», et non
définitives, ce tableau peut être daté du mois de mai 1984.
- 607.
- En premier lieu, l'interprétation donnée au sigle «%T» par la Commission doitêtre confirmée. A cet égard, il y a lieu de relever que l'on ne saurait admettre que
ce sigle ne concerne que des cibles purement internes aux entreprises; cela
n'expliquerait en effet nullement la raison pour laquelle l'auteur du document
disposait de l'ensemble des cibles internes des différents producteurs. En outre,
l'interprétation de ce sigle ne peut être dissociée du contexte de la présente affaire,
et notamment des autres documents qui établissent de façon probante l'existence
d'un mécanisme de quotas entre les producteurs de PVC. Par ailleurs, il ressort du
tableau que le document ne comporte pas l'indication des parts de marché par
rapport au total des ventes en Europe occidentale, puisque les importations ne sont
pas prises en compte, mais bien la part de marché respective des producteurs
rapportée au marché représenté par l'ensemble de ceux-ci, ce qui confirme que
l'objectif était de vérifier la part de marché dans le cadre du mécanisme collusoire.
Enfin, il y a lieu de relever que les requérantes n'ont apporté aucune autre
explication plausible de la signification du sigle «%T» dans le contexte de la
présente affaire.
- 608.
- En second lieu, la Commission s'est efforcée de vérifier si les tonnages de ventes
indiqués dans le tableau pour les différents producteurs correspondaient aux
tonnages effectivement déclarés par les entreprises à la Fides. A cet égard, la
Commission a souligné qu'elle n'avait pas pu obtenir de tous les producteurs copie
de ces déclarations et n'était donc pas en mesure de procéder à un contrôle
systématique des données chiffrées de ventes apparaissant dans le tableau.
Toutefois, la Commission a obtenu les chiffres de ventes de certaines entreprises.
Or, il résulte de ces données que dix des chiffres de ventes qu'elle a pu vérifier sont
identiques aux déclarations des producteurs à la Fides. En outre cinq autres chiffres
de ventes, relatifs à Solvay et à LVM, font apparaître un montant proche de celui
indiqué dans le tableau.
- 609.
- Enfin, la Commission s'est efforcée de calculer les ventes des quatre producteurs
allemands pour le premier trimestre de l'année 1984. A cette fin, elle a utilisé les
données déclarées à la Fides par trois d'entre eux (BASF, Wacker et Hüls), dont
elle avait pu obtenir copie, et les chiffres de ventes déclarés par Hoechst elle-même
dans sa réponse du 27 novembre 1987 à une demande de renseignements de la
Commission. Elle est ainsi parvenue à un total de 198 353 tonnes, qu'elle a
comparé au total de 198 226 tonnes, tel qu'il résulte du tableau Atochem. Il y a lieu
de relever que la différence entre ces deux totaux est effectivement négligeable et
conforte la thèse de la Commission selon laquelle un tel résultat ne pouvait être
obtenu sans un échange de données entre les producteurs.
- 610.
- La Commission a fait référence au résultat de ce calcul et aux conclusions qu'elle
en tirait dans la communication des griefs. Lors de l'audition devant la Commission,
Hoechst a toutefois démenti les chiffres qu'elle avait elle-même initialement
produits et en a fourni de nouveaux. La Commission a néanmoins pu établir que
ceux-ci ne présentaient aucune crédibilité. Ainsi indique-t-elle dans la Décision
(point 14, note de bas de page n° 1) que les «nouveaux chiffres fournis par Hoechst
lors de l'audition (mais sans aucun document à l'appui) [...] ne sont manifestement
pas fiables: ils impliqueraient que Hoechst aurait utilisé ses installations à plus de
105 %, alors que les autres producteurs auraient atteint un taux d'utilisation de
70 % seulement». De fait, Hoechst a reconnu que ces nouveaux chiffres étaient
erronés et a fourni à la Commission une troisième série de chiffres, par lettre du
21 octobre 1988.
- 611.
- Cette nouvelle série de chiffres comporte, par rapport à ceux initialement fournis,
une rectification négligeable des chiffres de ventes de Hoechst en Europe, qui, au
demeurant, ne ferait que confirmer la précision des chiffres apparaissant dans le
tableau Atochem, mais ajoute, en tant que «ventes aux consommateurs» au sens
des déclarations Fides, la consommation propre de Hoechst pour son usine de
Kalle. Le Tribunal considère toutefois que, compte tenu des circonstances dans
lesquels ces chiffres ont été produits, ils ne peuvent être considérés comme
présentant une fiabilité suffisante de nature à remettre en cause ceux fournis par
la requérante elle-même en réponse à une demande de renseignements.
- 612.
- Les producteurs allemands font toutefois observer que leurs ventes sont agrégées,
et non individualisées; dès lors, il suffirait que trois des quatre producteurs
allemands aient participé à cet échange d'informations pour que la part du
quatrième soit déduite, par simple soustraction, des données officielles globales
émanant de la Fides. Dès lors, le tableau Atochem ne serait probant à l'égard
d'aucun des quatre producteurs en cause. Cet argument ne saurait être retenu. En
effet, les tableaux émanant de la Fides présentent de façon agrégée les ventes
originaires d'Allemagne, et non simplement celles des quatre producteurs
allemands; or, ces statistiques, pour le premier trimestre de 1984, font apparaître
un total de ventes sensiblement supérieur au seul total des ventes de BASF, de
Wacker, de Hoechst et de Hüls. Dans ces conditions, le Tribunal estime que la
connaissance des chiffres de ventes de trois d'entre eux ne permettait pas d'obtenir,
par simple soustraction, un total des ventes des quatre producteurs allemands aussi
exact que celui apparaissant dans le tableau Atochem.
- 613.
- Il y a lieu de relever, par ailleurs, que les chiffres de ventes mentionnés dans le
tableau Atochem sont précis, à l'exception de ceux indiqués pour les entreprises
ICI et Shell, qui font apparaître des données manifestement arrondies; or, dans le
cas d'ICI, le tableau comporte en note de bas de page la mention suivante:
«calculé sur la base des données Fides». Ces constatations confortent la conclusion
de la Commission que, pour les autres producteurs, les chiffres ne sont pas de
simples estimations calculées au vu de données officielles, mais bien des
informations fournies par les producteurs eux-mêmes. Il y a lieu de rappeler à ce
titre que, si les producteurs adressent individuellement à la Fides leurs propres
déclarations de chiffres de ventes, ceci se fait sur une base confidentielle; les
producteurs ne reçoivent en retour que des données agrégées, et non les données
individuelles déclarées par les autres producteurs.
- 614.
- En troisième lieu, la Commission s'est efforcée de vérifier si la part relative des
producteurs entre eux pour 1984 correspondait à la part cible, telle qu'elle apparaît
dans le tableau Atochem. Elle a ainsi pu constater, au vu des informations qu'elle
a pu obtenir, que la part de marché de Solvay en 1984 était identique à la part
cible mentionnée dans le tableau Atochem. Par ailleurs, elle a pu déterminer que
la part de marché des quatre producteurs allemands pour 1984, soit 24 %, était
voisine de la part cible indiquée dans ce tableau, soit 23,9 %. Enfin, la part de
marché d'ICI pour 1984 s'est élevée à 11,1 %, alors que la part cible de cette
entreprise dans le tableau Atochem était de 11 %. A cet égard, il est d'ailleurs
significatif de relever, avec la Commission, que deux documents internes d'ICI du
18 septembre 1984 et du 16 octobre 1984, produits en annexe 17 et 18 à la
communication des griefs, se réfèrent précisément à une «cible» de 11 % pour
l'entreprise.
- 615.
- Enichem soutient que sa part de ventes s'est élevée à 12,3 % en 1984, ce qui serait
nettement inférieur à celle indiquée dans le tableau Atochem. Cette objection ne
saurait être retenue. Cette requérante a été invitée à préciser les bases sur
lesquelles elle avait établi sa part de marché pour 1984, mais n'a pas été en mesure
d'apporter une quelconque explication sur les éléments qu'elle avait retenus. En
outre, le Tribunal relève que, dans ses annexes à la requête (volume III, annexe 2),
la requérante a produit un tableau récapitulant les ventes d'Enichem, année par
année, pour la période de 1979 à 1986, dont on peut comprendre que les parts de
marché ont, pour chacune de ces années, été calculées de façon identique. Or, pour
les années 1979 à 1982, la requérante a, à la demande du Tribunal dans le cadre
des mesures d'organisation de la procédure, tenté d'expliquer comment elle avait
calculé sa part de marché. Il en ressort que la requérante s'est bornée, d'une part,
à énoncer ses chiffres de ventes pour chacune de ces années, sans aucun élément
de nature à soutenir cette affirmation. D'autre part, ces chiffres de ventes ont été
rapportés, non à celui des ventes de producteurs européens en Europe occidentale,
mais aux chiffres de la consommation européenne, nécessairement plus élevée
puisqu'elle inclut les importations. Ce faisant, la part de marché alléguée par la
requérante s'en trouve substantiellement réduite.
- 616.
- Dès lors, le Tribunal conclut que les données avancées par Enichem ne peuvent
être regardées comme présentant une quelconque fiabilité.
- 617.
- Il s'ensuit que les appréciations factuelles portées par la Commission dans sa
Décision doivent être confirmées.
Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux
- 618.
- La liste de contrôle contient, au titre des propositions relatives aux modalités de
fonctionnement du nouveau cadre de réunions, l'extrait suivant: «Informations
mensuelles sur les ventes de chaque producteur, par pays».
- 619.
- Afin d'établir l'existence d'un mécanisme par lequel les producteurs domestiques
de certains grands marchés nationaux se sont informés mutuellement des tonnages
qu'ils vendaient sur chacun de ces marchés, la Commission s'est principalement
référée aux tableaux Solvay.
- 620.
- Ces tableaux se présentent de façon uniforme.
- 621.
- Les tableaux relatifs au marché allemand (annexes 20 à 23 à la communication des
griefs) comportent plusieurs colonnes. La première contient les mentions suivantes:
«consommation M. N.» (c'est-à-dire «consommation sur le marché national»),
«importations des tiers», «ventes des producteurs nationaux»; cette dernière
rubrique est suivie du nom des principaux producteurs nationaux. Les colonnes
suivantes correspondent successivement à des «hypothèses» pour une année
donnée, suivie d'une colonne «réalisations» pour cette même année. Chacune de
ces colonnes se divise en deux, l'une exprimée en tonnage, l'autre en pourcentage;
en face de chacune des rubriques de la première colonne apparaissent des données
chiffrées. Il y a lieu de relever que les ventes de chacun des producteurs allemands
sont indiquées; dès lors, l'argument de Wacker et de Hoechst, tiré de ce que les
chiffres de ventes des producteurs allemands sont agrégés, et non individualisés,
manque en fait.
- 622.
- Les autres tableaux, relatifs aux marchés français (annexes 24 à 28 à la
communication des griefs), du Benelux (annexes 29 à 32) et italien (annexes 33 à
40) comportent également plusieurs colonnes. La première contient le nom de
producteurs nationaux, une rubrique intitulée «total des producteurs nationaux»,
une rubrique «importations», distinguant parfois les importations «d'autres pays
Fides» et celles de «pays tiers (non Fides)», et une rubrique «marché total». Les
deux colonnes suivantes comportent la mention de deux années successives;
chacune de ces colonnes se subdivise en deux, l'une exprimée en tonnages, l'autre
en pourcentages; en face de chacune des rubriques de la première colonne
apparaissent des données chiffrées. Dans certains cas, une colonne supplémentaire
apparaît, qui indique, en pourcentage, l'évolution d'une année sur l'autre. En outre,
dans certains cas, une colonne «prévisions», portant sur l'année en cours, est
ajoutée.
- 623.
- Ainsi qu'il ressort de la Décision, ce que la Commission a confirmé en réponse à
une question du Tribunal, le présent grief ne concerne que les marchés allemand,
italien et français.
- 624.
- Il convient de relever, tout d'abord, que les tableaux Solvay ne mentionnent pas
uniquement des «hypothèses» mais également des «réalisations». Dès lors que
l'échange d'informations repose sur des «réalisations», il ne peut s'agir que
d'informations passées; l'argument selon lequel il ne s'agirait que d'estimations
futures manque donc en fait. De surcroît, les tableaux Solvay pouvant être datésdu début du mois de mars suivant l'année pour laquelle des données de ventes par
producteur et par pays sont échangées, celles-ci ne peuvent être regardées comme
suffisamment anciennes pour perdre tout caractère confidentiel.
- 625.
- En outre, s'il est exact que les tableaux comportent des chiffres en kilotonnes, le
cas échéant assorti d'une décimale, on ne saurait en déduire pour autant que, de
ce fait, il ne s'agirait que d'estimations effectuées par Solvay seule. De fait, les
chiffres de ventes de Solvay, entreprise dont sont issus ces tableaux, ne sont eux-mêmes indiqués qu'en kilotonnes.
- 626.
- La Commission s'est efforcée de vérifier que les ventes indiquées dans les tableaux
correspondaient aux ventes effectuées par les producteurs qui y sont mentionnés.
Elle n'a toutefois pas été en mesure de vérifier tous les chiffres qui y étaient
contenus, compte tenu du fait que la plupart des producteurs ont dit être dans
l'incapacité de fournir leurs statistiques de ventes.
- 627.
- Cette vérification a conduit à la constatation que, sur le marché allemand, les
chiffres de ventes des producteurs Hüls, BASF et ICI que la Commission avait pu
obtenir étaient, pour différentes années, identiques ou voisins de ceux mentionnés
dans les tableaux Solvay (point 16, deuxième alinéa, de la Décision). Il y a lieu de
relever à cet égard que, dans sa requête, BASF a souligné que ces documents
«donnent une image très fidèle de l'état des ventes des principaux concurrents».
Hüls a néanmoins fait observer que les tableaux Solvay pour l'Allemagne relatifs
à l'exercice 1980 indiquent des ventes globales de 736,7 kilotonnes; or, pour ce qui
concerne Wacker et Hoechst, ce montant inclurait, ainsi qu'il ressort d'une note de
bas de page portée sur l'annexe 20 à la communication des griefs, «le travail à
façon pour [l'entreprise Dynamite Nobel AG]», qui n'est pas inclus dans les
statistiques Fides. Toutefois, cette objection n'explique précisément pas comment
Solvay a eu connaissance des chiffres de ventes correspondant à ce «travail à
façon» et confirme au contraire la conclusion de la Commission selon laquelle les
producteurs se sont communiqués leurs chiffres de ventes en dehors du système
Fides.
- 628.
- En ce qui concerne le marché français, la Commission a constaté que les chiffres
de ventes de Shell, de LVM et d'Atochem figurant dans les tableaux Solvay pour
certaines années étaient très proches des chiffres de ventes réels qu'elle avait pu
obtenir (point 16, troisième alinéa, de la Décision).
- 629.
- En ce qui concerne le marché italien, la Commission n'a pu obtenir aucune donnée
de ventes réelles. Les requérantes dont les noms apparaissent dans ces tableaux
n'ont pas contesté l'exactitude des chiffres qui y sont mentionnés. En outre, ainsi
que la Commission l'a relevé, le premier tableau relatif au marché italien porte le
commentaire suivant: «La répartition du marché national entre les différents
producteurs pour 80 a été indiquée sur la base de l'échange de données avec nos
confrères.» Par ailleurs, les tableaux joints en annexe 37 et 39 à la communication
des griefs, qui sont relatifs aux ventes en 1983, comportent, en marge du nom du
plus petit producteur sur le marché italien, la mention «estimations». Enfin, Solvay,
dans sa réponse du 25 février 1988 à une demande de renseignements, a indiqué:
«En raison des particularités de la situation italienne, nous ne pouvons exclure que
certains chiffres de ventes aient été communiqués entre concurrents.» Dans ce
contexte, l'explication du terme «confrères» proposée par Enichem ne saurait être
retenue.
- 630.
- Néanmoins, les requérantes soutiennent que ces chiffres ne sont pas nécessairement
le résultat d'un échange entre producteurs. A ce titre, elles ne prétendent pas que
les données mentionnées dans les tableaux Solvay étaient elles-mêmes publiques,
mais plutôt qu'elles pouvaient être calculées au vu d'informations obtenues sur le
marché ou d'informations déjà publiques. Elles se fondent en cela sur les
explications qu'avait données Solvay sur l'élaboration de ces tableaux, qui, selon
cette entreprise, pouvaient être réalisés sans contacts avec les concurrents.
- 631.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans sa réponse du 3 décembre 1987 à une
demande de renseignements, Shell a indiqué que, «à plusieurs reprises, au cours
de la période allant de janvier 1982 à octobre 1983, Solvay téléphonait pour obtenir
confirmation de ses estimations des tonnages vendus par les sociétés du groupe
Shell»; néanmoins, elle a précisé qu'aucune information précise n'avait été
communiquée.
- 632.
- Sur le marché français, Solvay a indiqué que le volume du marché global pouvait
être déterminé avec précision au vu, notamment, des statistiques de la Fides. En
retranchant le volume de ses propres ventes, Solvay obtenait le volume total des
ventes de ses concurrents sur le marché français. Pour déterminer les ventes de
chaque producteur, Solvay a indiqué ce qui suit: «Si le client appartient à un
groupe produisant du PVC mais effectue néanmoins une partie de son
approvisionnement auprès d'autres producteurs, l'on estime forfaitairement que la
société mère effectue 80 % des approvisionnements de sa filiale, le restant étant
réparti entre les autres concurrents; si nous savons que l'un des consommateurs de
PVC s'approvisionne principalement auprès d'un producteur, les responsables
français [de Solvay] estiment forfaitairement que ce producteur approvisionne pour
50 % des besoins de ce client; enfin, si l'approvisionnement du client est effectué
par plusieurs producteurs en dehors des cas prévus ci-dessus, la répartition se fait
entre les différents fournisseurs de manière linéaire en fonction de leur nombre
(par exemple: s'il y a quatre fournisseurs pour un client déterminé, les responsables
français attribuent à chacun d'eux 25 % des approvisionnements de ce client).»
Ainsi, Solvay détermine la part de chaque producteur auprès de ses propres clients.
Enfin, «pour déterminer les quantités totales effectivement vendues par les
concurrents sur l'ensemble du marché, les responsables français [de Solvay]
appliquent les parts de marché ainsi calculées au chiffre total de la consommation
de PVC [...] et ils obtiennent ainsi le total approximatif des ventes [des] concurrents
[de Solvay]».
- 633.
- Force est de constater que cette méthode de calcul alléguée par Solvay, et dont se
prévalent les autres requérantes, repose sur des estimations forfaitaires et laisse
une place importante aux approximations et aléas. Le Tribunal considère que cette
prétendue modalité de calcul ne saurait permettre la détermination précise et
exacte des ventes de chacun des producteurs telles qu'elles apparaissent dans les
tableaux Solvay.
- 634.
- De même, en ce qui concerne le marché allemand, Solvay a indiqué que la part des
ventes de chacun des concurrents était déterminée grâce à des «entretiens avec la
clientèle», à des informations publiques (statistiques officielles et presse spécialisée)
et à la «connaissance approfondie du marché de [ses] responsables allemands». Le
Tribunal ne peut pas plus admettre que cette méthode permette à Solvay, en
dehors de tout échange avec les concurrents, de parvenir à des résultats aussi précis
que ceux mentionnés dans les tableaux Solvay. A ce titre, il y a lieu de souligner
qu'il ressort des réponses des requérantes à une question du Tribunal que le
nombre de clients de chaque producteur s'élevait parfois à plusieurs centaines.
- 635.
- Enfin, les exemples donnés par DSM pour démontrer que les chiffres de ventes
peuvent être aisément définis au vu d'informations publiques sont dénués de
pertinence. Ces exemples sont en effet relatifs à l'évaluation du marché global et
à celle de la part de marché de la requérante elle-même, ce qui n'est nullement en
cause dans la Décision.
- 636.
- Les objections factuelles des requérantes doivent, dans ces conditions, être rejetées.
Sur les prix cibles et les initiatives de prix
- 637.
- Ainsi qu'il a déjà été relevé (ci-dessus point 584), la liste de contrôle énonce, en
son point 3, des propositions relatives aux modalités de fonctionnement du nouveau
cadre de réunions envisagé. Après l'énumération, sous forme d'initiales ou de sigles,
du nom de dix producteurs de PVC, le document contient les extraits suivants:
«comment parvenir à une meilleure transparence en matière de prix», «rabais en
faveur des importateurs (2 % au maximum?)», «prix plus élevés au Royaume-Uni
et en Italie (nivellement par le haut?)» et «lutte contre le tourisme». Il comporte
également une rubrique intitulée «propositions de prix», dans laquelle on peut
notamment lire: «période de stabilité (nous sommes prêts à accepter la situation
du deuxième trimestre 1980, mais seulement pour une période limitée)» et
«niveaux de prix d'octobre à décembre 1980 et dates de mise en oeuvre». Enfin,
sous la rubrique relative à une réunion fixée au 18 septembre 1980, il est
notamment indiqué: «engagement à trouver sur les mouvements de prix
octobre/décembre».
- 638.
- La réponse aux propositions comporte deux points relatifs aux prix. La première
proposition, au terme de laquelle «il devrait y avoir un niveau commun de prix en
Europe de l'Ouest», est suivie de la réponse: «Proposition soutenue, mais des
doutes sont émis sur la possibilité d'abandonner le rabais traditionnel aux
importateurs.» La sixième proposition énonce qu'une «augmentation de prix ne
devrait pas être tentée pendant [une] période de stabilisation de trois mois»
pendant laquelle les fournisseurs ne devraient établir de contact qu'avec les clients
qu'ils ont livrés pendant les trois mois précédents (point 5 de la réponse aux
propositions); elle est assortie de la réponse suivante: «[...] en raison des pertes
actuellement subies, la possibilité d'une augmentation de prix le 1er octobre ne
devrait pas être écartée, bien que des difficultés à cet égard existent, à savoir
difficultés d'obtenir un soutien unanime et d'avoir à appliquer une telle hausse à
un moment de baisse probable de la demande en Europe de l'Ouest.»
- 639.
- Dans sa Décision, la Commission a identifié une quinzaine d'initiatives de prix (voir
le tableau 1 joint en annexe à la Décision), dont la première serait intervenue le
1er novembre 1980.
- 640.
- Dans le cadre des présents recours, LVM et DSM sont les seules requérantes à
contester l'existence même des initiatives de prix relevées par la Commission, au
motif que de telles initiatives de prix seraient inconcevables dans le secteur du
PVC. A cet égard, il suffit de relever que les annexes P1 à P70 à la communication
des griefs se réfèrent de manière systématique à des prix cibles et à des initiatives
de prix. Indépendamment de la question de savoir s'il s'agissait d'actions
individuelles ou concertées, cette constatation suffit à rejeter l'argument de ces
requérantes.
- 641.
- L'existence même des initiatives de prix doit donc être considérée comme établie.
Il convient dès lors d'examiner si, comme le soutient la Commission, ces initiatives
étaient le résultat d'une collusion entre les producteurs de PVC.
- 642.
- A titre liminaire, il y a lieu de relever que, si les annexes P1 à P70 constituent, pour
certaines, des documents internes d'entreprises établis après les dates d'initiatives
de prix identifiées par la Commission, on ne saurait en déduire qu'elles ne peuvent,
de ce seul fait, constituer une preuve de ce que les initiatives étaient le résultat
d'une collusion. Il convient en effet de vérifier le contenu des pièces en cause.
- 643.
- Les requérantes ne contestent pas que les documents produits par la Commission
font apparaître que, à des dates identiques, des augmentations ont été planifiées
pour porter le prix du PVC à un même niveau, qui était, en règle générale,
largement supérieur à celui prévalant sur le marché dans les jours précédant ces
augmentations. De fait, pour chacune des initiatives identifiées par la Commission,cette constatation ressort du libellé même des annexes P1 à P70. Les extraits de la
presse professionnelle, produits par la Commission en annexe à la communication
des griefs, confirment d'ailleurs ces augmentations aux dates relevées par la
Commission.
- 644.
- En outre, le Tribunal estime, après un examen attentif des annexes P1 à P70, que
ces initiatives ne peuvent être considérées comme purement individuelles. En effet,
tant au vu du libellé de ces annexes que de leur examen croisé, le Tribunal a acquis
la conviction que ces pièces constituent la preuve matérielle d'une collusion entre
producteurs en matière de prix au niveau européen.
- 645.
- Ainsi peut-on lire, à l'annexe P1, qui est un document émanant d'ICI, après qu'a
été souligné le fait que «la demande de PVC sur le marché d'Europe de l'Ouest
en octobre a considérablement augmenté, par anticipation de l'augmentation de
prix du 1er novembre», l'indication suivante: «[L]a majoration de prix annoncée
pour le 1er novembre vise à amener tous les prix ouest-européens [de PVC
'suspension] à un niveau minimum de 1,50 DM.» Ce document doit être
rapproché des annexes P2 et P3, issues de Wacker et indiquant une augmentation
identique à la même date, et de l'annexe P4, émanant de Solvay, qui, en ce qui
concerne le mois de novembre 1980, comporte la phrase suivante: «[C]ertains
importateurs offrent des rabais au détriment de producteurs britanniques,
contrairement à ce qui était planifié.» En outre, l'annexe P5, issue de DSM, se
réfère également à l'initiative de prix du 1er novembre.
- 646.
- De même, en ce qui concerne la deuxième initiative de prix prévue pour le
1er janvier 1981 tendant à porter le prix du PVC à 1,75 DM, il y est fait référence
dans les annexes P2 et P8, émanant de Wacker, P4, émise par Solvay, P6 et P7,
provenant d'ICI, et P9, émanant de DSM. En particulier, l'annexe P4, après la
phrase citée au point précédent, indique: «[L]a perspective pour décembre n'est
pas bonne, en dépit d'une autre augmentation de prix annoncée pour le 1er janvier
1981.» L'annexe P6 contient le passage suivant: «[U]ne nouvelle augmentation des
prix a été annoncée [...] à 1,75 DM[...] pour tous les marchés d'Europe de l'Ouest
à partir du 1er janvier 1981.»
- 647.
- L'initiative prévue pour le 1er janvier 1982, destinée à porter les prix du PVC à
1,60 DM, est établie au vu de deux documents émanant d'ICI, joints en annexe P19
et P22 à la communication des griefs, et de deux documents provenant de DSM,
joints en annexe P20 et P21. L'annexe P22 porte le commentaire suivant:
«'[L']initiative du secteur est d'augmenter les prix à 1,60 DM/380 UKL/tonne,
mais elle ne paraît pas prometteuse BP et Shell refusent de coopérer.»
L'annexe P21 indique: «[L]es perspectives pour janvier [1982] ne sont pas
favorables. En dépit d'une augmentation de prix annoncée, nous constatons
maintenant une baisse des prix par rapport au niveau de décembre. Surtout, les
fournisseurs britanniques n'ont même pas informé les clients britanniques de
l'augmentation des prix.» A ce titre, il y a lieu de relever que, si l'on peut admettre
qu'une entreprise soit informée, par exemple par l'intermédiaire des clients, qu'un
concurrent a annoncé une augmentation de prix ou, au contraire, qu'il n'a pas
annoncé une telle augmentation, on ne saurait admettre qu'elle soit informée de
ce qu'un producteur n'a pas annoncé une augmentation de prix qu'il aurait dû
annoncer. Ceci ne peut s'expliquer que par le fait que cette majoration attendue
avait été préalablement convenue entre producteurs.
- 648.
- L'initiative annoncée pour le 1er mai 1982, destinée à porter les prix à 1,35 DM, se
trouve confirmée par les annexes P23 et P26, émanant d'ICI, P24, provenant de
DSM, et P25, émise par Wacker. En particulier, l'auteur de l'annexe P23,
examinant le niveau des prix en avril 1982 sur le marché européen, et plus
particulièrement sur les marchés allemand et français, ajoute le commentaire
suivant: «[L]e glissement des prix a été arrêté à la fin du mois, en raison de
l'annonce d'une augmentation générale des prix européens à 1,35 DM/kg pour le
1er mai.» A l'annexe P24, relative au mois de mai 1982, il est relevé que, «en raison
de la majoration des prix annoncée», les prix de DSM ont augmenté, mais il est
précisé: «[C]eci est bien en-deçà de l'augmentation planifiée à des niveaux de
1,35 DM/1,40 DM. Les raisons principales en sont les échecs sur les marchés
allemands et du Benelux et l'absence de coopération des producteurs britanniques
et scandinaves à l'augmentation des prix. En France et en Italie, la majoration a
été plus réussie.»
- 649.
- L'initiative du 1er septembre 1982, destinée à amener les prix à un niveau de
1,50 DM/kg, se trouve établie au vu notamment des annexes P29, P39 et P41,
émanant de DSM, P30 et P34, issues d'ICI, et P31 à P33, émise par Wacker. A
l'annexe P29, datée du 12 août 1982, on peut lire, en ce qui concerne les prix du
mois d'août: «[U]ne certaine pression est ressentie sur les marchés allemands, belge
et luxembourgeois, ce qui est plutôt surprenant puisqu'une augmentation de prix
majeure est planifiée pour le 1er septembre.» Sous le titre «prix du mois de
septembre», le document poursuit: «[U]ne augmentation de prix majeure jusqu'à
un niveau d'approximativement 1,50 DM/kg est planifiée. Jusqu'à présent, nous
avons noté que tous les principaux producteurs annoncent cette augmentation de
prix et seules très peu de déviations ont été relevées.» L'annexe P32 contient le
commentaire suivant: «[S]ur le marché d'Europe de l'Ouest, des efforts très
intensifs sont effectués pour consolider les prix au 1er septembre.» L'annexe P33
contient l'observation suivante: «[L]'augmentation de prix introduite au
1er septembre pour le PVC portant à un prix minimum de 1,50 DM/kg a été
couronnée de succès sur le plan de la tendance générale, mais nous trouvons
encore en octobre des cas dans lesquels nos concurrents fournissent à 1,35 DM et
1,40 DM/kg.» A l'annexe P34, l'auteur du document, examinant la situation du
marché ouest-européen en général, relève une augmentation de la demande en
octobre 1982 par rapport au mois précédent, et ajoute: «[T]outefois, ceci était en
grande partie due aux efforts en vue d'augmenter les prix au 1er septembre qui
avaient en conséquence conduit à des approvisionnements avant cette date.»
L'annexe P41 comporte le commentaire suivant, relatif à l'initiative du
1er septembre: «Le succès de l'augmentation de prix dépend désormais très
largement de la discipline des producteurs allemands.»
- 650.
- On peut encore se référer à l'augmentation de prix intervenue, en deux temps, les
1er avril 1983 et 1er mai 1983, dont l'objectif était de porter les prix du PVC,
respectivement, à 1,60 DM, avec un minimum de 1,50 DM, et à 1,75 DM, avec un
minimum de 1,65 DM. Il y a lieu de rappeler tout d'abord que Shell, dans sa
réponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements (annexe 42 à la
communication des griefs), a indiqué que, lors d'une réunion à Paris le 2 ou le
3 mars 1983 entre les producteurs d'Europe de l'Ouest de PVC, «des propositions
ont été faites par d'autres producteurs en ce qui concerne des augmentations de
prix et un contrôle des volumes», même si elle a ajouté qu'aucun engagement n'y
avait été pris. ICI a confirmé la tenue de cette réunion (annexe 4 à la
communication des griefs). L'annexe P43, émanant d'ICI, comporte le passage
suivant: «[I]nformez tous les clients à partir du lundi 7 mars [1983] que les prix
seront augmentés à 1.60 DM, assortis de rabais pour les clients de catégorie 1 et
de catégorie 2 de respectivement 10 et 5 pfennig.» Cette augmentation devait
intervenir le 1er avril 1983, ainsi qu'il ressort du reste du texte du télex. L'auteur de
l'annexe P49, issue de Shell et datée du 13 mars 1983, après avoir souligné la baisse
des prix en mars jusqu'à un niveau de 1,20 DM/kg, indique: «[U]ne initiative
importante est prévue pour enrayer cette érosion; des cibles minimales ont été
fixées à 1,50 et 1,65 DM/kg, respectivement pour mars et avril.» Un télex d'ICI du
6 avril 1983, joint en annexe P45 à la communication des griefs, comporte le
commentaire suivant: «[L]es informations provenant du marché semblent
clairement indiquer que le secteur dans son ensemble applique désormais l'initiative
de prix du 1er avril 1983.» Un document de Wacker du 25 avril 1983 (annexe P46)
fait état des «efforts en vue d'augmenter les prix du PVC en avril à 1,50 DM/kg
et en mai à 1,65 DM/kg». Un rapport interne de DSM du 24 juin 1983 (annexe
P48), après avoir indiqué une baisse des prix en Europe de l'Ouest durant le
premier trimestre de l'année 1983, indique: «[D]epuis le 1er avril, une tentative a
été conduite pour augmenter les prix en Europe de l'Ouest. L'augmentation
planifiée jusqu'à un niveau de 1,50 DM au 1er avril et de 1,65 DM au 1er mai a
échoué.»
- 651.
- Il y a lieu de relever en outre que, dans un mémorandum d'ICI du 31 janvier 1983,
joint en annexe 44 à la communication des griefs, il était indiqué que, «en Europe,
les 'prix cibles sont très bien connus des industriels et constituaient en tant que
tels des 'prix affichés». L'auteur ajoutait: «[I]l est communément admis que ces
prix affichés ne pourront être atteints sur un marché déprimé [...] mais l'annonce
a un effet psychologique sur l'acheteur. C'est comme dans le secteur automobile,
où le 'prix de barème est fixé à un niveau tel que l'acheteur est satisfait lorsqu'il
obtient une réduction de 10 à 15 %, il estime faire une 'bonne affaire, mais le
constructeur ou le garage conserve une marge suffisante.» Dans ces conditions,
l'auteur recommandait «que le secteur du PVC annonce à grand renfort de
publicité des prix cibles bien supérieurs aux prix qui pourront vraisemblablement
être atteints, par exemple 1,65 DM par kilogramme en mars» (soulignements
supprimés).
- 652.
- On peut noter de surcroît que la presse professionnelle a elle-même fait référence,
en certaines occasions, à une collusion entre les producteurs de PVC. Ainsi, dans
la revue European Chemical News du 1er juin 1981 peut-on lire: «les plus
importants producteurs européens de produits plastiques font un effort concerté
pour imposer des augmentations de prix significatives pour le [PVC], en vue
d'atteindre les niveaux de prix du début de l'année 1981». Le 4 avril 1983, cette
même revue indique: «les producteurs européens [de PVC] entreprennent une
tentative déterminée en vue d'augmenter les prix à compter du début du mois
d'avril. Ils se seraient rencontrés à Paris au milieu du mois de mars pour discuter
d'augmentations de prix».
- 653.
- Au vu de l'examen minutieux des nombreuses pièces produites par la Commission
en annexes à la communication des griefs et relatives aux prix du PVC, dont les
points 645 à 650 ci-dessus ne constituent que des exemples, le Tribunal considère
qu'il est établi, au vu des éléments de preuve matériels rapportés par la
Commission, que les «augmentations de prix», «initiatives de prix» ou «prix cibles»
auxquels se réfèrent ces documents ne constituaient pas de simples décisions
individuelles autonomes prises par chacun des producteurs, mais qu'elles étaient le
résultat d'une collusion entre eux.
- 654.
- Il y a lieu de relever toutefois dès à présent que plusieurs des annexes P1 à P70
font état de l'échec ou du succès mitigé de certaines initiatives de prix, ce que la
Commission a relevé au point 22 de la Décision.
- 655.
- Ces échecs ou succès mitigés trouvent leur explication dans divers facteurs soulignés
par la Commission au point 22 et qui sont explicitement mentionnés dans certaines
des annexes P1 à P70. Ainsi, afin de s'approvisionner à des prix plus intéressants,
certains clients ont parfois réalisé des achats importants dans les jours précédant
l'entrée en vigueur d'une augmentation de prix annoncée. C'est notamment ce qui
ressort des annexes P8, P12, P21, P23, P30 et P39.
- 656.
- En outre, à la lecture des annexes P1 à P70, il apparaît que les producteurs ont,
au moins en certaines occasions, cherché à trouver un équilibre entre le maintien
d'un volume de ventes et de relations avec des clients particuliers, d'une part, et
l'augmentation des prix, d'autre part.
- 657.
- Ainsi, les clients importants se voyaient parfois accorder des ristournes ou rabais
spéciaux (par exemple annexe P17), ou des accords temporaires étaient conclusavec des clients pour leur assurer des livraisons aux prix antérieurs à l'augmentation
programmée (notamment annexe P21). Plusieurs documents obtenus par la
Commission révèlent que, en certaines occasions, les producteurs marquaient leur
intention de soutenir une initiative de prix prévue, tout en s'assurant que cela ne
soit pas au détriment des volumes de ventes. Ainsi peut-on lire dans un télex d'ICI,
adressé le 18 décembre 1981 aux différentes filiales en Europe et relatif à
l'initiative de prix de janvier 1982: «[I]l demeure des doutes sur le point de savoir
si ces niveaux de prix seront atteints; restez donc vigilants sur la situation des
clients individuels à travers l'Europe [...] il est très important que nous trouvions
un bon équilibre entre l'augmentation des prix et le maintien des parts de ventes
dans cette période difficile.» Une note de Wacker du 9 août 1982 (annexe P31)
comporte l'observation suivante: «[L]a stratégie de Wacker pour les mois à venir
est la suivante: nous nous situerons dans le sillage des efforts d'augmentation de
prix qui se dessinent chez nos concurrents, mais nous ne tolérerons en aucun cas
de nouvelles diminutions sur les quantités. En d'autres termes, si le marché
n'accepte pas cette augmentation, nous exercerons la flexibilité nécessaire en
matière de prix au moment voulu.» De même, une note de DSM non datée
(annexe P41) comporte le commentaire suivant à propos de l'initiative du
1er janvier 1983 à venir: «DSM soutiendra la tentative d'augmenter les prix, mais
pas en tant que chef de file. L'augmentation de prix sera soutenue dans la limite
de la défense de nos parts de marché.»
- 658.
- A l'inverse, plusieurs documents démontrent l'intention de producteurs de soutenir
fermement une initiative de prix, ou le soutien effectif d'une telle initiative, en dépit
des risques induits sur les volumes de ventes. Ainsi peut-on citer, par exemple, dans
le cas de DSM, l'annexe P13, dans laquelle on peut lire que DSM a «fermement
soutenu l'initiative de prix» et l'annexe P41, qui contient l'extrait suivant:
«[L]'augmentation de prix en septembre et la décision de DSM de soutenir très
fermement cette augmentation ont conduit à une perte de volumes, mais à de bien
meilleurs prix.» En ce qui concerne ICI, on peut relever, notamment, les annexes
P16, datée du 14 juillet 1981 et relative à l'initiative de prix du 1er juin, qui se réfère
à la position ferme d'ICI sur les prix, P30, du 20 octobre 1982, dans laquelle il est
fait état de ce qu'ICI a «maintenu une ligne particulièrement dure» sur les prix en
septembre, et P34, relative à l'initiative de septembre 1982, où il est indiqué: «[D]e
nouveau, nous avons totalement soutenu l'augmentation de prix». On peut encore
citer, dans le cas de Wacker, l'annexe P15, relative à l'initiative de prix du
1er septembre 1981 destinée à porter le prix cible à 1,80 DM: «Wacker Chemie a
décidé, à titre de politique d'ensemble et dans l'intérêt de la consolidation urgente
des prix, de ne faire aucune affaire en-dessous de 1,80 DM en septembre.»
- 659.
- Ainsi que la Commission l'a relevé au point 22 de la Décision, certains producteurs
se sont vu, en certaines occasions, reprocher leur comportement agressif sur le
marché, qui perturbait ou faisait échouer des initiatives de prix que d'autres
producteurs entendaient soutenir. Ainsi, dans une note de DSM du 25 février 1981
(annexe P9), l'auteur indique-t-il que «l'initiative de prix annoncée pour le
1er janvier [1981] à un niveau de 1,75 DM n'a, de façon certaine, pas été couronnée
de succès» et poursuit: «[L]'attitude agressive de certains fournisseurs français et
italiens durant les trois derniers mois a conduit à une concurrence féroce sur les
grands clients, ce qui a abouti à une baisse des prix.» De même, l'annexe P23, issue
d'ICI et datée du 17 mai 1982, fait état de préoccupations d'ICI sur sa part de
marché au Royaume-Uni et précise: «Shell, BP et DSM ont été particulièrement
agressifs sur ce marché.» Un document de DSM du 1er juin 1981, adressé par la
Commission aux entreprises par lettre du 3 mai 1988, souligne, à propos des
marchés belge et luxembourgeois au mois d'avril 1981: «[U]ne tentative
d'augmentation des prix a échoué après une semaine. L'agressivité de BASF,
Solvay, ICI et la SAV a conduit à un niveau de prix qui n'était ni meilleur, ni pire,
que celui du mois précédent.» Un autre document de DSM d'octobre 1981 indique,
pour ces mêmes marchés géographiques: «[E]n août, des pressions se sont exercées
sur les prix. Un comportement plus agressif de plusieurs producteurs (BASF, la
SAV, Solvay, Anic et ME) a été relevé.» Un document d'ICI du 19 avril 1982
relève: «[I]l est difficile d'obtenir confirmation sur l'identité des producteurs qui
tirent les prix vers le bas, mais tant Shell que Solvay ont été signalés comme
probables coupables.»
- 660.
- En réalité, le succès d'une initiative de prix ne pouvait intervenir que dans un
environnement favorable, dont les producteurs n'avaient pas la maîtrise. Ainsi, il
ressort de l'annexe P52 qu'ICI estimait que plusieurs facteurs contribuaient au
succès prévisible de l'initiative prévue le 1er mai 1983, parmi lesquels des stocks
réduits, une reprise de la demande, des rumeurs de pénurie, en particulier pour
l'exportation, l'augmentation des prix sur les marchés extérieurs et les effets de la
rationalisation du secteur. D'autres documents mettent en avant l'évolution de la
demande (par exemple, annexes P27, P31, P45, P47) ou celle des importations en
provenance de pays tiers (par exemple, annexes P16 et P31). A l'inverse, des
facteurs tels que la surcapacité, l'augmentation des importations, la baisse des prix
sur les marchés des pays tiers, le grand nombre de producteurs de PVC en Europe
de l'Ouest ou l'ouverture de nouvelles installations par Shell et ICI, apparaissaient
comme des facteurs fragilisant le niveau des prix (annexe P21, issue de DSM et
relative à l'année 1981).
- 661.
- Il convient de conclure de cet examen que la Commission a exactement apprécié
les faits de l'espèce en ce qui concerne les initiatives de prix.
Sur l'origine de l'entente
- 662.
- Au vu de l'examen précédemment effectué, il apparaît qu'il existe une corrélation
étroite entre les projets décrits dans les documents de planification et les pratiques
effectivement constatées sur le marché du PVC, dès les premiers mois qui ont suivi
l'élaboration de ces documents, tant en termes de prix que de régulation des
volumes, qui constituent les deux principaux aspects de l'infraction reprochée. En
outre, mais dans une moindre mesure, il existe une corrélation entre les projets
décrits dans les documents de planification et les pratiques reprochées en matière
d'échanges d'informations entre producteurs.
- 663.
- Il convient d'examiner les arguments des requérants relatifs à l'origine de l'entente
au vu du libellé des documents de planification, des informations données par ICI
à leur propos dans sa réponse à une demande de renseignements de la Commission
du 30 avril 1984, jointe en annexe 4 à la communication des griefs, et de cette
corrélation entre les documents de planification et les pratiques effectivement
constatées sur le marché dans les semaines qui ont suivi leur élaboration.
- 664.
- Il y a lieu tout d'abord de relever que, dans sa réponse à la demande de
renseignements, ICI a indiqué que, compte tenu de l'endroit où les documents
avaient été trouvés par la Commission, il était raisonnable de penser qu'ils
concernaient le PVC. La corrélation entre les documents de planification et les
pratiques effectivement constatées sur le marché du PVC confirme cette
conclusion.
- 665.
- Ensuite, l'identité exacte de l'auteur des documents de planification n'apparaît pas
déterminante. Seule importe la question de savoir si ces documents peuvent être
regardés comme un projet de création d'entente, ainsi que le soutient la
Commission. Au demeurant, le document «réponse aux propositions» comporte le
nom de son auteur; celui-ci, M. Sheaff, était le directeur de la division «plastiques»
d'ICI au début des années 1980. Dans sa réponse à une demande de
renseignements, ICI a indiqué qu'il était raisonnable de penser que M. Sheaff était
également l'auteur du document «liste de contrôle».
- 666.
- Le Tribunal ne saurait admettre l'objection selon laquelle les documents de
planification ne concerneraient que le marché britannique ou les marchés
britanniques et italiens. A cet égard, il y a lieu de rappeler que le point 1 de la
réponse aux propositions porte sur un «niveau de prix commun pour l'Europe de
l'Ouest». Le point 2 de cette réponse concerne la possibilité d'un système de
quotas «par entreprise, plutôt que sur une base nationale», ce qui exclut à tout le
moins l'hypothèse qu'un seul marché géographique serait concerné. En outre, au
point 6 de la réponse aux propositions, dans lequel est examinée la possibilité d'une
augmentation de prix lors du dernier trimestre de 1980, il est fait état des difficultés
qui résulteront, notamment, d'une baisse de «la demande en Europe de l'Ouest»
dans son ensemble. En outre, la liste de contrôle, si elle se réfère plus spécialement
en deux points aux marchés britannique et italien, comporte un point 3 intitulé
«proposition pour un nouveau cadre de réunions»; or, ce point contient des
propositions formulées en termes généraux, dont rien ne laisse penser qu'elles aient
été limitées à un ou deux marchés géographiques; bien au contraire, le fait que ces
propositions soient présentées directement après la liste des principaux producteurs
européens de PVC conforte la conclusion que les marchés britanniques et/ou
italiens n'étaient pas les seuls visés. Il y a lieu de rappeler enfin que les documents
de planification évoquaient notamment deux pratiques, relatives l'une à des
initiatives de prix, dont la première était envisagée pour le dernier trimestre de
1980, l'autre à un système de quotas assorti d'un mécanisme de compensation; or,
il ressort de l'analyse précédemment effectuée qu'une initiative est intervenue le
1er novembre 1980, en vue de «porter tous les prix du PVC qualité suspension
d'Europe de l'Ouest à un minimum de 1,50 DM», et qu'un mécanisme de
compensation a été mis en oeuvre dès les premiers mois de 1981, auquel
participaient l'ensemble des producteurs européens, à l'exception de Shell. Cette
corrélation conforte la conclusion que les documents de planification ne se
référaient pas simplement à un ou deux marchés nationaux.
- 667.
- L'allégation des requérantes selon laquelle les documents de planification eux-mêmes n'auraient jamais été diffusés en dehors des locaux d'ICI n'est pas
déterminante. Seul importe le point de savoir si le contenu de ces documents
traduit l'existence d'un projet visant à organiser le marché du PVC en dehors du
libre jeu de la concurrence.
- 668.
- L'argument selon lequel les deux documents de planification n'auraient pas de lien
entre eux ne saurait être retenu. A cet égard, il y a lieu de rappeler tout d'abord
que ces documents ont été découverts dans les locaux d'ICI et qu'ils étaient
matériellement attachés l'un à l'autre. En outre, il convient de relever que la liste
de contrôle comportait l'énumération de certains thèmes, qui, d'une façon générale,
portaient sur des mécanismes de contrôle des volumes de ventes et de régulation
des prix. Ces thèmes sont eux-mêmes abordés, de façon plus précise, dans la
réponse aux propositions. De surcroît, certains points plus détaillés se retrouvent
dans l'un et l'autre des documents. Ainsi en est-il de la référence à une période de
stabilité de trois mois, de la possibilité d'une augmentation de prix durant le dernier
trimestre de l'année 1980, de la nécessité de trouver un arrangement pour tenir
compte de nouvelles capacités de production ou encore de la possibilité de
variations par rapport aux parts de marché préfixées, avec la même référence à un
seuil de 5 % et aux réserves émises à ce propos. On ne saurait dès lors admettre
que ces deux documents sont sans relation l'un avec l'autre.
- 669.
- Les requérantes soutiennent toutefois que, au vu des documents de planification,
la Commission a, à tort, conclu que le second document de planification constitue
le résumé de la réponse des producteurs de PVC aux propositions formulées par
ICI (point 7, dernier alinéa, de la Décision). A cet égard, elles relèvent que les
documents de planification pourraient bien n'être que l'expression des opinions ou
observations d'agents d'ICI ou celles d'agents d'ICI et de Solvay, entreprise visée
plus spécialement aux points 5 et 6 de la liste de contrôle. En outre, la réponse aux
propositions serait un document antérieur à la liste de contrôle, ce qui réduirait ànéant la thèse de la Commission.
- 670.
- Le Tribunal considère que le libellé même des documents de planification ne
permet pas de considérer, comme l'a fait la Commission aux points 7, dernier
alinéa, et 10, premier alinéa, de la Décision, que le second document de
planification constituait la réponse des autres producteurs de PVC aux propositions
faites par ICI, pas plus qu'il ne permet de conclure que ces documents ne seraient
que la seule expression d'avis d'agents d'ICI.
- 671.
- Même à supposer exacte la thèse des requérantes, il y a lieu de relever que cette
circonstance n'affecterait pas le système probatoire de la Commission. En effet,
ainsi qu'il résulte de l'examen auquel il a été procédé préalablement, la
Commission a produit de nombreuses pièces établissant l'existence des pratiques
décrites dans la Décision. En outre, il demeure que les documents de planification,
et plus particulièrement la liste de contrôle, qui émanent d'un important
responsable d'ICI, énoncent de façon claire l'existence d'un projet de création
d'entente dans le chef de cette entreprise, qui était, à la date d'élaboration de ces
documents, l'un des principaux producteurs européens de PVC; en outre, les
pratiques qui étaient prévues dans ces documents ont été constatées, dans les
semaines qui ont suivi, sur le marché du PVC en Europe de l'Ouest. A tout le
moins, il apparaît ainsi que ces documents de planification constituent la base sur
laquelle des consultations et discussions entre producteurs ont été menées et ont
conduit à la mise en oeuvre effective des mesures illicites envisagées.
- 672.
- A cet égard, s'il est exact que les documents produits par la Commission à l'appui
de ses constatations factuelles relatives aux pratiques sur le marché du PVC ne font
aucune référence aux documents de planification, le Tribunal considère que la
corrélation étroite entre ces pratiques et celles décrites dans ces documents
démontre à suffisance l'existence d'un lien entre elles.
- 673.
- La Commission a, dès lors, conclu, à juste titre, que les documents de planification
pouvaient être regardés comme étant à l'origine de l'entente qui s'est matérialisée
dans les semaines qui ont suivi leur élaboration.
Sur les réunions entre producteurs
- 674.
- Il convient de relever tout d'abord que l'existence même de réunions informelles
entre producteurs, intervenues en dehors du cadre des associations professionnelles,
n'est pas contestée par les requérantes.
- 675.
- En outre, aux fins de l'appréciation des faits au regard de l'article 85 du traité, il
n'est pas indispensable que la date et, a fortiori, le lieu, des réunions entre
producteurs soient établis par la Commission. Au demeurant, il ressort de la
réponse d'ICI du 5 juin 1984 à une demande de renseignements de la Commission
(annexe 4 à la communication des griefs) que ces réunions ont eu lieu «assez
régulièrement, approximativement une fois par mois, et à différents niveaux de
responsabilité». ICI a précisé que, compte tenu, notamment, du fait qu'aucun
document relatif à ces réunions n'avait pu être retrouvé, elle n'était pas en mesure
d'indiquer les dates et lieux des réunions tenues depuis août 1980. En revanche,
elle a pu identifier les lieux et dates de neuf réunions informelles entre producteurs
au cours des dix premiers mois de l'année la plus récente, à savoir 1983. Six
réunions se seraient ainsi tenues à Zurich, les 15 février, 11 mars, 18 avril, 10 mai,
18 juillet et 11 août 1983, deux à Paris, les 2 mars et 12 septembre 1983, et une à
Amsterdam, le 10 juin 1983. ICI a en outre énuméré les entreprises qui auraient
participé à au moins certaines de ces réunions informelles, à savoir, par ordre
alphabétique: Anic, Atochem, BASF, DSM, Enichem, Hoechst, Hüls, ICI,
Kemanord, LVM, Montedison, Norsk Hydro, PCUK, la SAV, Shell, Solvay et
Wacker.
- 676.
- Shell, dans sa réponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements
(annexe 42 à la communication des griefs), a confirmé avoir participé aux réunions
de Paris du 2 mars 1983 et de Zurich du 11 août 1983, pour lesquelles la
Commission avait recueilli la preuve de sa participation sous la forme d'indications
portées dans un agenda.
- 677.
- BASF, dans sa réponse du 8 décembre 1987 à une demande de renseignements de
la Commission (annexe 5 à la communication des griefs), a également indiqué que,
de 1980 à octobre 1983, des réunions se sont tenues entre producteurs de PVC,
«parfois jusqu'à une par mois». Elle a également énuméré les entreprises
représentées, régulièrement ou irrégulièrement, à ces réunions, à savoir, par ordre
alphabétique: Anic, Atochem, Enichem, Hoechst, Hüls, ICI, LVM, Montedison,
Norsk Hydro, Shell, Solvay et Wacker.
- 678.
- On peut enfin relever que, dans le cadre des présents recours, Montedison
reconnaît l'existence de réunions informelles entre producteurs, dont la presse
spécialisée faisait état.
- 679.
- Si elles ne contestent pas l'existence de ces réunions informelles entre producteurs,
les requérantes portent en revanche leurs critiques sur l'objet de ces réunions, qui,
selon elles, ne serait pas établi.
- 680.
- Il convient de rappeler tout d'abord que, en dépit du nombre de réunions qui se
sont tenues pendant la période concernée et des mesures d'enquête effectuées au
titre des articles 11 et 14 du règlement n° 17, la Commission n'a pu obtenir aucun
procès-verbal ou compte-rendu de ces réunions. Contrairement à ce que
soutiennent les requérantes, il ne ressort pas du point 9 de la Décision que la
Commission aurait, de ce seul fait, conclu que les réunions poursuivaient un objet
anticoncurrentiel.
- 681.
- Dans sa réponse aux demandes de renseignements, ICI a indiqué que ces réunions
portaient sur un grand nombre de questions, «y compris des discussions sur les prix
et les volumes». Plus précisément, elle a indiqué que, «pendant la période
concernée, des discussions ont certainement eu lieu durant ces réunions entre
producteurs en ce qui concerne les niveaux de prix et la marge nécessaires pour
permettre aux producteurs de réduire l'étendue des pertes qu'ils subissaient. Selon
ICI, chaque producteur a exprimé ses propres points de vue à cet égard, qui ont
été débattus. Souvent, les producteurs avaient des vues divergentes sur les niveaux
de prix appropriés [...] Toutefois, un consensus apparent s'est dégagé sur ce qui
aurait pu représenter des niveaux de prix auxquels les producteurs pourraient
aspirer; cependant, aucun engagement de prix ferme n'est ressorti de ces
discussions. Selon les appréciations d'ICI à l'époque, et encore aujourd'hui, un tel
consensus était plus apparent que réel. Il est certain, pour autant qu'ICI le sache,
que chaque partie à ces discussions s'est sentie libre de prendre toute action
autonome qu'elle considérait appropriée aux circonstances individuelles qui lui
étaient propres».
- 682.
- Dans sa réponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements, Shell a
reconnu avoir participé à deux réunions énumérées par ICI. S'agissant de la
première, qui s'est tenue à Paris le 2 mars 1983, elle a indiqué: «[A]u cours de la
réunion, ont été discutées les difficultés que rencontrait le secteur et des
propositions ont été faites par d'autres producteurs en ce qui concerne une
augmentation des prix et un contrôle des volumes. [Le représentant de Shell] n'a
pas soutenu ces propositions. [Il] ne peut se souvenir si un accord ou un consensus
sur une initiative de prix ou sur les volumes a été trouvé.» S'agissant de la seconde
réunion, qui s'est tenue à Zurich le 11 août 1983, Shell a indiqué que «certains
producteurs ont exprimé leur opinion sur une initiative de prix. [Le représentant
de Shell] n'a pas soutenu ces points de vue. [Il] ne peut se souvenir si un accord
ou un consensus a été trouvé».
- 683.
- A ce titre, il convient de relever que, contrairement à ce que prétendent les
requérantes, la Commission n'a pas détourné le sens des réponses de certaines
entreprises aux demandes de renseignements. Elle a ainsi rappelé que chacun de
ces producteurs avaient, en dépit de l'objet des réunions, soutenu qu'aucun
«engagement» n'y aurait été pris (voir les points 8, deuxième alinéa, de la
Décision, en ce qui concerne ICI, et 9, premier alinéa, en ce qui concerne
notamment Shell et Hoechst).
- 684.
- Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les documents de planification comportaient
l'intention expresse de mettre en place un «nouveau cadre de réunions» entre
producteurs, au cours desquelles seraient discutés des arrangements en matière de
prix, de contrôle de volume et d'échange d'informations. En outre, la Commission
a établi l'existence de réunions entre producteurs pendant la période concernée.
Enfin, ainsi qu'il ressort de l'analyse précédemment effectuée, la Commission a
établi l'existence, pendant la période concernée, de mécanismes de quotas, de
régulation des prix et d'échanges d'informations entre producteurs.
- 685.
- De la coïncidence étroite entre ce qui était prévu dans les documents de
planification, d'une part, et les pratiques effectivement mises en oeuvre sur le
marché du PVC, la Commission a exactement conclu que les réunions informelles
entre producteurs avaient effectivement eu pour objet les thèmes énoncés dans les
documents de planification.
- 686.
- Au vu de ces éléments, il y a lieu de conclure que la Commission a correctement
déterminé l'objet des réunions entre producteurs qui se sont tenues de 1980 à 1984.
- 687.
- Dans ces conditions, les objections des requérantes sur la partie «en fait» de la
Décision doivent être rejetées.
2. En droit
- 688.
- Les requérantes reprochent à la Commission plusieurs erreurs de droit dans
l'application de l'article 85 du traité. En premier lieu, la Commission aurait commis
une erreur de droit en qualifiant d'accord «et/ou» de pratique concertée les
comportements qu'elle reproche aux entreprises (a). En second lieu, en l'espèce,
la Commission n'aurait correctement qualifié ni l'existence d'un accord ni celle
d'une pratique concertée (b). En troisième lieu, elle aurait également méconnu
l'article 85 du traité dans la détermination de l'objet ou de l'effet de la collusion
allégué (c). En dernier lieu, elle aurait également commis une erreur de droit dans
la qualification de l'affectation du commerce entre États membres (d).
a) Sur la qualification d'accord «et/ou» de pratique concertée
Arguments des requérantes
- 689.
- LVM, Elf Atochem, DSM, Hüls et Enichem soutiennent que la Commission a violé
l'article 85, paragraphe 1, du traité en se bornant à indiquer, dans le dispositif de
sa Décision, que les entreprises avaient participé à un accord «et/ou» à une
pratique concertée.
- 690.
- Certes, les requérantes prennent acte de ce que le Tribunal a admis la possibilité
d'une qualification conjointe (notamment arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991,
DSM/Commission, T-8/89, Rec. p. II-1833, points 234 et 235).
- 691.
- Toutefois, en l'espèce, selon Enichem, la Commission, en retenant une qualification
juridique alternative, et non cumulative, serait allée au-delà de cette jurisprudence.
- 692.
- LVM, Elf Atochem, DSM et Hüls soutiennent, pour leur part, que la jurisprudence
précitée ne peut trouver à s'appliquer que dans des circonstances particulières.
Ainsi, ce n'est que dans l'hypothèse où la preuve de l'une et de l'autre des
qualifications a été établie qu'une telle solution est applicable. Or, en l'espèce, la
Commission n'aurait précisément qualifié ni l'existence d'un accord ni celle d'une
pratique concertée.
- 693.
- LVM, DSM et Enichem rappellent que la distinction entre ces deux qualifications
juridiques emporte des différences sur l'administration de la preuve.
Appréciation du Tribunal
- 694.
- Il convient de relever, à titre liminaire, que l'argumentation de LVM, Elf Atochem,
DSM et Hüls ne tend pas à contester le principe même de la qualification d'accord
«et/ou» de pratique concertée retenue à l'article 1er de la Décision, mais plutôt le
fait qu'une telle qualification puisse être retenue en l'espèce, puisque ni l'existence
d'un accord ni celle d'une pratique concertée n'auraient été établies. La réponse
à ce moyen dépend donc de celle apportée au moyen suivant.
- 695.
- Seule Enichem conteste ainsi le principe même de la qualification d'accord «et/ou»
de pratique concertée.
- 696.
- Il y a lieu de relever que, dans le cadre d'une infraction complexe, qui a impliqué
plusieurs producteurs pendant plusieurs années poursuivant un objectif de
régulation en commun du marché, on ne saurait exiger de la Commission qu'elle
qualifie précisément l'infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné,
d'accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l'une et l'autre
de ces formes d'infraction sont visées à l'article 85 du traité.
- 697.
- La Commission est ainsi en droit de qualifier une telle infraction complexe d'accord
«et/ou» de pratique concertée, dans la mesure où cette infraction comporte des
éléments devant être qualifiés d'«accord» et des éléments devant être qualifiés de
«pratique concertée».
- 698.
- Dans une telle situation, la double qualification doit être comprise non comme une
qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de
ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique
concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments
de fait dont certains ont été qualifiés d'accord et d'autres de pratique concertée au
sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, lequel ne prévoit pas de qualification
spécifique pour ce type d'infraction complexe.
- 699.
- Le présent moyen, tel que soulevé par Enichem, doit, dès lors, être rejeté.
b) Sur la qualification, en l'espèce, d'«accord» et/ou de «pratique concertée»
Arguments des requérantes
- 700.
- Les requérantes soutiennent que la Commission n'a établi ni l'existence d'un accord
ni celle d'une pratique concertée.
- 701.
- BASF et ICI estiment que, pour qualifier un accord, au sens de l'article 85,
paragraphe 1, du traité, il doit exister des éléments révélateurs d'un engagement
en faveur d'objectifs communs et de l'existence d'une obligation réciproque (arrêts
de la Cour du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, 44/69, Rec. p. 733, point 25, et
Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 86). Aux termes de l'article 85,
paragraphe 1, du traité, un accord doit être conclu entre deux parties au moins qui,
même si ce n'est pas de manière contraignante, ont manifesté une volonté de
réaliser un comportement déterminé de nature à fausser le jeu de la concurrence
(arrêt de la Cour du 20 juin 1978, Tepea/Commission, 28/77, Rec. p. 1391). Il ne
suffirait donc pas d'établir l'existence d'une unité de vues entre les producteurs.
- 702.
- Or, en l'espèce, les requérantes rappellent que, ainsi qu'il ressortirait de l'examen
des faits, il n'est pas établi que la «liste de contrôle», dont on ne sait si elle a été
adressée à d'autres entreprises ou, au moins, portée à leur connaissance, constitue
une proposition de collusion. Rien ne démontre que la «liste de contrôle», qui
constituerait une proposition, ait été discutée, établie d'un commun accord et
acceptée par d'autres producteurs. Ensuite, la «réponse aux propositions» ne
pourrait être l'acceptation de la prétendue entente, comme il ressort de son
contenu même. Il ne serait de toute façon pas établi que les avis exprimés dans la
«réponse aux propositions» émanent de l'un quelconque des autres producteurs de
PVC.
- 703.
- En outre, les requérantes soutiennent que l'existence même des réunions ne permet
pas d'établir leur objet. Aucun lien ne permettrait d'ailleurs de les rattacher au
prétendu plan d'ensemble. De fait, les documents utilisés par la Commission en ce
qui concerne les initiatives de prix montreraient que les entreprises ont poursuivi
des politiques de prix autonomes, au vu de l'évolution du marché; aucun en
revanche ne prouverait une concertation préalable entre producteurs.
- 704.
- Selon Elf Atochem, la Commission n'aurait pas établi avec certitude l'existence
d'un accord. La seule existence de réunions ne suffirait pas à mettre en évidence
l'objet de telles réunions, ni l'adhésion de chacune des parties prenantes. La
Commission ne pourrait conclure qu'est en cause un «large accord permanent» au
vu de circonstances qui révèlent au plus des comportements qui ne sont ni
généraux, ni uniformes, ni permanents. Au mieux y aurait-il alors une pluralité
d'accords distincts et successifs.
- 705.
- Les requérantes ne contestent pas la définition de la pratique concertée retenue
au point 32, troisième alinéa, de la Décision (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972,
ICI/Commission, précité, point 112, Suiker Unie/Commission, précité, point 174, du
14 juillet 1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, points 12 à 14, et CRAM et
Rheinzink/Commission, précité, point 20). Toutefois, Elf Atochem, BASF, ICI et
Hüls soulignent que la notion de pratique concertée impliquerait deux éléments,
l'un subjectif (la concertation), l'autre objectif (un comportement sur le marché,
c'est-à-dire une pratique). Or, en l'espèce, la Commission n'aurait établi ni l'un ni
l'autre de ces éléments. En particulier, en ne procédant pas à un examen du
comportement des entreprises sur le marché, la Commission se serait abstenue de
démontrer l'existence même d'une pratique concertée.
- 706.
- LVM et DSM soutiennent que la Commission a, en violation de l'article 85 du
traité, cherché à sanctionner une tentative d'infraction. En effet, dès lors qu'il est
question d'objet ou d'effet, il doit nécessairement exister des actes d'exécution.
Échapperaient ainsi à l'article 85 du traité la tentative ou l'intention de conclure
un accord interdit et, par nature, toute forme de concertation qui n'a pas conduit
à l'accomplissement d'actes d'exécution sous la forme de «pratiques». LVM et
DSM contestent ainsi que la seule participation à des réunions qui avaient un objet
interdit puisse être qualifiée de fait punissable.
- 707.
- Elf Atochem fait valoir que le parallélisme de comportement ne peut constituer
qu'une preuve imparfaite d'une pratique concertée (arrêt Ahlström Osakeyhtiö
e.a./Commission, précité); en outre, la charge de la preuve ne saurait être inversée
par la seule constatation d'un tel parallélisme (conclusions de l'avocat général
M. Darmon sous l'arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, Rec.
p. I-1445). De surcroît, la requérante soutient que même ce parallélisme de
comportement, en matière de prix ou de quotas et de compensations, n'a pas été
établi par la Commission.
- 708.
- BASF soutient que le seul fait que des entreprises concurrentes procèdent à une
hausse de prix ne signifie pas que celles-ci se sont concertées (arrêt du 14 juillet
1972, ICI/Commission, précité). Elle souligne, à cet égard, l'importance
déterminante du prix pour la commercialisation du PVC, compte tenu du fait qu'il
s'agit d'un produit pondéreux interchangeable. Le prix s'établirait ainsi à un niveau
d'équilibre de l'offre et de la demande. La baisse de prix par un producteur, unique
moyen pour lui d'accroître ses parts de marché, conduirait nécessairement à un
effondrement général des prix, compte tenu du faible nombre d'offrants. A
l'inverse, une augmentation de prix ne serait couronnée de succès que si les
conditions du marché le permettaient; à défaut, les autres producteurs ne suivraient
pas cette augmentation et l'initiateur de la hausse soit perdrait des parts de
marché, soit se verrait contraint de baisser ses prix de nouveau.
- 709.
- Wacker et Hoechst font observer que la Commission s'est, à tort, abstenue
d'examiner le comportement effectif des entreprises sur le marché.
- 710.
- Selon la SAV, la Commission a méconnu son obligation de procéder à un examen
approfondi et objectif du contexte économique de l'entente alléguée (arrêts LTM,
Suiker Unie e.a./Commission, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, et SIV
e.a./Commission, précités). En l'espèce, la Commission n'a formulé que quelques
généralités sur le marché (points 5 et 6 des motifs de la Décision), mais n'a
nullement examiné le fonctionnement réel de celui-ci.
- 711.
- Selon Montedison, la Commission n'a pas tenu compte des conditions de fixation
de prix dans le cas de produits destinés à des utilisateurs industriels; en réalité, les
barèmes de prix seraient publiés régulièrement, le prix appliqué par la principale
entreprise du secteur permettant aux autres de se positionner, sans que cela
n'emporte un renoncement à l'autonomie de leur comportement (arrêt Suiker Unie
e.a./Commission, précité). La Commission se bornerait à opposer à ces évidences
l'objet des réunions tel qu'il était énoncé dans les documents de planification, la
participation à ces réunions de la quasi-totalité des producteurs de PVC et les
rapports commerciaux internes des producteurs (Décision, point 21). Or, rien ne
démontrerait que la proposition de 1980, rédigée au sein d'une entreprise, ait été
acceptée et exécutée, la requérante n'y étant d'ailleurs pas mentionnée; en outre,
le seul fait que la quasi-totalité des producteurs ont participé à des réunions ne
révèle rien sur le contenu de celles-ci; enfin, les rapports commerciaux internes ne
concerneraient pas la requérante. Celle-ci ajoute que, à le supposer établi, le fait
qu'elles succédaient aux réunions ne signifierait pas que les augmentations de
barèmes étaient le fruit d'une concertation.
- 712.
- Enichem observe que le fait qu'aucune initiative de prix n'ait jamais réussi laisse
penser qu'il s'agit d'efforts individuels. En outre, les documents recueillis par la
Commission (annexes P à la communication des griefs) illustreraient le caractère
hautement concurrentiel du marché, qui ne pourrait être simplement imputé à une
entente indisciplinée; en effet, en l'absence de preuves directes, l'allégation
d'entente devrait précisément être étayée par le comportement collusoire effectif
des participants présumés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
- 713.
- LVM, Elf Atochem, DSM, la SAV, ICI, Hüls et Enichem soutiennent que, à
supposer établies les constatations de fait de la Commission, il suffirait aux
entreprises incriminées d'invoquer des circonstances qui donnent un éclairage
différent à ces faits et qui permettent ainsi de substituer une autre explication à
celle retenue par la Commission (arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, précité,
point 16, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, notamment points 70
et 72).
- 714.
- Or, en l'espèce, en ce qui concerne les initiatives de prix, la Commission aurait
rejeté sans démonstration l'explication avancée par les requérantes et fondée sur
la théorie économique de la «fixation barométrique des prix». Pourtant, de cette
théorie résulterait la conclusion que les initiatives de prix ne sont que le résultat du
fonctionnement normal du marché, sans concertation entre les entreprises.
Appréciation du Tribunal
- 715.
- Selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85,
paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur
volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée
(notamment arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 112, et
Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 86).
- 716.
- Il convient de souligner, tout d'abord, que l'argumentation des requérantes tend,
au moins pour partie, à démontrer que les documents de planification ne peuvent
être qualifiés d'accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Cette
argumentation est toutefois dénuée de pertinence.
- 717.
- En effet, il ressort des motifs de la Décision, et plus particulièrement de ses
points 29 à 31, relatifs au caractère et à la structure de l'accord, que la Commission
n'a pas qualifié les documents de planification d'accord au sens de cette disposition.
D'ailleurs, ainsi qu'il a été souligné, dans la partie «faits» de la Décision, la
Commission énonce qu'elle considère ces documents comme un «projet de création
d'entente».
- 718.
- En outre, l'argumentation des requérantes consiste à reprendre les objections
factuelles qui ont été précédemment exposées et rejetées par le Tribunal.
- 719.
- Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient utilement soutenir que
l'élaboration, au cours de réunions entre producteurs, et la mise en oeuvre en
commun de mécanismes de quotas et de compensation, d'initiatives de prix et
d'échanges d'informations sur leurs ventes effectives, pendant plusieurs années, ne
constituent pas l'expression d'une volonté commune de se comporter sur le marché
d'une manière déterminée.
- 720.
- En outre, si l'article 85 du traité distingue la notion de «pratique concertée» de
celle d'«accords entre entreprises» ou de «décisions d'association d'entreprises»,
c'est dans le dessein d'appréhender sous les interdictions de cet article une forme
de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation
d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique
entre elles aux risques de la concurrence (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission,
précité, point 64). Les critères de coordination et de coopération retenus par la
jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable «plan», doivent
être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité
relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit
déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché
commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des
opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou
à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute
prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs ayant pour objet ou
pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel
ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est
décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt Suiker Unie
e.a./Commission, précité, points 173 et 174).
- 721.
- Les requérantes ne mettent pas en cause cette jurisprudence, que la Commission
a rappelé au point 33 de la Décision, mais son application en l'espèce.
- 722.
- Toutefois, en organisant, pendant plus de trois années, et en participant à des
réunions dont l'objet a été correctement établi par la Commission, les producteurs
ont pris part à une concertation par laquelle ils ont substitué sciemment une
coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence.
- 723.
- Ainsi, chaque producteur a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance
l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais il a
nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les
informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'il
entendait suivre sur le marché.
- 724.
- Les requérantes se fondent toutefois sur les arrêts CRAM et
Rheinzink/Commission et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précités, pour
contester les conclusions de la Commission.
- 725.
- Il ressort de cette jurisprudence que, lorsque le raisonnement de la Commission est
fondé sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués
autrement qu'en fonction d'une concertation entre les entreprises, il suffit aux
requérantes d'établir des circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits
établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre
explication des faits à celle retenue par la Commission (arrêts CRAM et
Rheinzink/Commission, précité, point 16, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission,
précité, notamment points 70, 126 et 127).
- 726.
- Cette jurisprudence ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce.
- 727.
- En effet, ainsi que la Commission l'a relevé au point 21 de la Décision, la preuve
de la concertation entre les entreprises ne résulte pas de la simple constatation
d'un parallélisme de comportements sur le marché, mais de pièces d'où il ressort
que les pratiques étaient le résultat d'une concertation (voir ci-dessus points 582
et suivants).
- 728.
- Dans ces conditions, il incombe aux requérantes, non pas simplement de présenter
une prétendue explication alternative des faits constatés par la Commission, mais
bien de contester l'existence de ces faits établis au vu des pièces produites par la
Commission. Or, ainsi qu'il résulte de l'examen des faits, tel n'a pas été le cas en
l'espèce.
- 729.
- Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a retenu, à titre subsidiaire, la
qualification de pratique concertée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 730.
- Enfin, il y a lieu de relever, ainsi qu'il ressort du point 31 de la Décision, que les
pratiques mises en oeuvre sont le résultat d'une collusion qui s'est poursuivie
pendant plusieurs années, reposant sur les mêmes mécanismes et poursuivant le
même objet commun. Dès lors, c'est à juste titre que la Commission a conclu que
ces pratiques devaient être regardées comme une seule collusion permanente,
plutôt que comme la succession d'accords distincts.
- 731.
- Le moyen doit, en conséquence, être rejeté dans son ensemble.
c) Sur la qualification d'objet ou d'effet anticoncurrentiel
Arguments des requérantes
- 732.
- LVM et DSM font valoir que la notion de restriction de concurrence exige, comme
éléments essentiels aux fins de la constatation d'une infraction, un comportement
manifeste et son effet sur le marché. En l'espèce, en l'absence de comportements
prouvés, la Commission aurait dû s'attacher à démontrer un effet sur le marché du
PVC. Tel ne serait pas le cas, la Commission s'étant contentée d'affirmations, de
nature d'ailleurs spéculative.
- 733.
- LVM, DSM, Wacker et Hoechst soutiennent que la Commission s'est illégalement
abstenue de procéder, ou de faire procéder, à une analyse économique des effets
de l'entente alléguée, alors qu'elle est tenue d'apprécier les effets sur un marché
et de tenir compte du contexte économique (notamment arrêts LTM, précité, et
Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 70). De surcroît, elle aurait
rejeté sans démonstration l'ensemble des conclusions économiques auxquelles était
parvenu un expert mandaté par les entreprises incriminées, d'où il ressortait que
le marché du PVC était caractérisé par une vive concurrence. Wacker et Hoechst
demandent que, pour pallier l'examen insuffisant des effets de l'entente auquel la
Commission a procédé, soit ordonnée une expertise en vue d'apprécier ceux-ci, ou
que leur soit octroyé un délai pour demander et obtenir une telle expertise. La
SAV, pour sa part, souligne que la Commission s'est limitée à formuler quelques
généralités sur le marché (points 5 et 6 de la Décision), mais n'a nullement
examiné le fonctionnement réel de celui-ci.
- 734.
- Selon ICI, dans l'appréciation de l'effet de l'entente alléguée sur les prix, la
Commission a omis de tenir compte des éléments de preuve de nature économique
qui avaient été avancés. Or, ceux-ci auraient prouvé que le marché du PVC se
caractérisait par une vive concurrence, confirmant ainsi que les prix du PVC
n'étaient sujets à aucune influence autre que le libre jeu de la concurrence. De son
côté, la Commission n'aurait apporté aucun élément au soutien de sa thèse, qui ne
reposerait que sur de simples affirmations. En réalité, quoi qu'il ait pu se passer
au cours des réunions, il n'y aurait eu aucun effet sur les prix.
- 735.
- BASF reproche à la Commission un examen insuffisant des effets de la prétendue
entente, ce que confirmerait la suppression d'un passage au point 37 de la version
allemande de la Décision par rapport à celle de la décision de 1988.
- 736.
- Montedison rappelle, pour sa part, que, à la suite de l'augmentation substantielle
des prix du pétrole en 1979, le secteur du PVC a été frappé par une grave crise.
Toutes les entreprises, de 1980 à 1986, auraient ainsi produit à perte, conduisant
certaines d'entre elles à se retirer du marché. Face à cette situation, elles auraient
fait usage de leur droit de réunion et de libre expression de leurs opinions
respectives. Ainsi, les pratiques incriminées ne seraient pas le résultat de
concertations illicites; elles ne constitueraient que des tentatives de récupération
partielle des pertes, seul comportement rationnel dans un marché en crise. De
surcroît, les pratiques incriminées n'auraient pas eu d'effet sur la concurrence; la
Commission a ainsi elle-même constaté que les initiatives de prix n'ont connu qu'un
échec total ou un succès mitigé.
- 737.
- Hüls prétend que les initiatives de prix alléguées n'ont pas produit d'effets, les prix
du marché demeurant inférieurs aux prix cibles allégués.
- 738.
- Enichem soutient que la Commission n'a pas apporté la preuve de l'existence
d'effets sur le marché. Le prétendu effet psychologique dont se prévaut la
Commission ne correspondrait ainsi à aucun concept juridique précis. De surcroît,
l'évolution des prix de janvier 1981 à octobre 1984 n'aurait été que minime.
Appréciation du Tribunal
- 739.
- Il ressort de l'examen des faits que l'infraction reprochée consistait notamment à
fixer en commun des prix et des volumes de ventes sur le marché du PVC. Une
telle infraction, explicitement mentionnée, à titre d'exemples, à l'article 85,
paragraphe 1, du traité, poursuivait un objet anticoncurrentiel.
- 740.
- La circonstance que le secteur du PVC traversait, à l'époque des faits reprochés,
une grave crise, ne saurait conduire à la conclusion que les conditions d'application
de l'article 85, paragraphe 1, du traité, n'étaient pas remplies. Si cette situation du
marché peut être, le cas échéant, prise en compte en vue d'obtenir, à titre
exceptionnel, une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, force
est de constater que les producteurs de PVC n'ont, à aucun moment, présenté une
telle demande d'exemption, sur le fondement de l'article 4, paragraphe 1, du
règlement n° 17. Il convient de relever, enfin, que la Commission n'a pas ignoré,
dans son appréciation, la crise que traversait le secteur, ainsi qu'il ressort en
particulier du point 5 de la Décision; en outre, elle en a tenu compte dans la
détermination du montant de l'amende.
- 741.
- Selon une jurisprudence constante, aux fins de l'application de l'article 85,
paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord
est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun
(notamment, arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission,
56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496). Dès lors, pour autant que le moyen exposé par
les requérantes doive être compris comme exigeant la démonstration d'effets
anticoncurrentiels réels, alors même que l'objet anticoncurrentiel des
comportements reprochés est établi, il ne saurait être accueilli.
- 742.
- En outre, il apparaît que deux phrases du point 37 de la version allemande de la
décision de 1988, relatif aux effets de l'entente, ont été supprimées dans la version
allemande de la Décision. Dès lors que cette suppression avait pour seul objet
d'harmoniser les différentes versions linguistiques de la Décision, les requérantes
ne peuvent conclure de cette circonstance qu'elle traduirait la preuve d'un examen
insuffisant des effets de l'infraction.
- 743.
- Il y a lieu de relever enfin que, contrairement à ce que soutiennent certaines
requérantes, la Commission ne s'est pas limitée à une analyse spéculative des effets
de l'infraction reprochée. Elle s'est en effet bornée, au point 37 de la Décision, à
souligner que savoir si à long terme les niveaux de prix auraient été bien plus bas
en l'absence de collusion relève d'une pure spéculation.
- 744.
- Pour autant, la Commission a exactement conclu que l'infraction reprochée n'était
pas restée sans effets.
- 745.
- Ainsi, la fixation de prix cibles européens a nécessairement altéré le jeu de la
concurrence sur le marché du PVC. Les acheteurs ont ainsi vu leur marge de
négociations des prix limitée. D'ailleurs, ainsi qu'il a déjà été relevé (ci-dessus
point 655), plusieurs des annexes P1 à P70 montrent que les acheteurs ont souvent
procédé à des achats avant la date de mise en application d'une initiative de prix.
Ceci confirme la conclusion de la Commission selon laquelle les acheteurs étaient
conscients de ce que les initiatives de prix des producteurs limiteraient leur
possibilité de négociations et ne seraient donc pas dépourvues d'effets.
- 746.
- S'il est exact que certaines initiatives ont été considérées comme des échecs par les
producteurs (voir ci-dessus point 654), ce que la Commission n'a nullement ignoré
dans la Décision, il demeure que plusieurs des annexes P1 à P70 font état de la
réussite, totale ou partielle, d'initiatives de prix. De fait, les producteurs eux-mêmes
ont constaté à diverses reprises qu'une initiative de prix avait soit mis un terme à
une période de baisse des prix, soit abouti à l'accroissement des prix pratiqués sur
le marché. Peuvent être ainsi relevées, à titre d'exemples, les annexes P3
(«l'augmentation pour le 1er novembre [1980] s'est imposée, de sorte qu'une
deuxième action a été entreprise»), P5 («l'augmentation de prix au 1er novembre
[1980] n'a pas été totalement couronnée de succès, mais les prix ont augmenté
substantiellement»), P17 («les augmentations de prix de juin [1981] sont
progressivement acceptées à travers toute l'Europe»), P23 («le glissement des prix
a été arrêté à la fin du mois [d'avril 1982], en raison de l'annonce d'une
augmentation générale des prix européens à un niveau de 1,35 DM pour le
1er mai») ou P33 («l'augmentation de prix introduite au 1er septembre [1982] pour
le PVC homopolymère, portant le prix à un minimum de 1,50 DM/kg, a été
couronnée de succès sur le plan de la tendance générale»).
- 747.
- Il ressort ainsi des constatations objectives effectuées par les producteurs
eux-mêmes à l'époque des faits que les initiatives de prix ont produit un effet sur
le niveau des prix du marché.
- 748.
- D'ailleurs, ainsi que la Commission l'a souligné (point 38 de la Décision), les
pratiques reprochées ont été décidées pendant plus de trois ans. Il est dès lors peu
probable que les producteurs aient, à l'époque, considéré qu'elles étaient
totalement dépourvues d'efficacité et d'utilité.
- 749.
- Il s'ensuit que la Commission a correctement apprécié les effets de l'infraction
reprochée. Dès lors, et compte tenu en particulier des constatations objectives des
producteurs eux-mêmes à l'époque des faits, la Commission n'était pas tenue de
procéder à une analyse économique approfondie des effets de l'entente sur le
marché. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de
Wacker et Hoechst, tendant à ce que soit ordonnée l'élaboration d'une telle
analyse.
- 750.
- Dès lors, le présent moyen doit être rejeté.
d) Sur la qualification d'affectation du commerce entre États membres
Arguments des parties
- 751.
- LVM et DSM soutiennent que la Commission n'a pas démontré que les pratiques
qu'elle reproche aient affecté le commerce entre États membres. Ainsi, ce n'est pas
le fait que l'accord était «susceptible» de produire un effet sur le commerce qui
est déterminant pour l'affectation du commerce entre États membres, mais son
effet économique; or, cet effet, ou la possibilité de cet effet, doivent être démontrés
(arrêts de la Cour LTM, précité, Rec. p. 360, et du 11 juillet 1985, Remia
e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 22).
- 752.
- Selon ICI, dans l'examen du caractère sensible de l'affectation, la Commission se
serait contentée d'affirmations non étayées. Elle aurait ainsi omis de tenir compte
des éléments de preuve de nature économique qu'avait avancés la requérante dans
sa réponse à la communication des griefs. En réalité, quoi qu'il ait pu se passer au
cours des réunions de producteurs, cela n'aurait eu aucune incidence sur les
échanges entre États membres.
Appréciation du Tribunal
- 753.
- L'article 85, paragraphe 1, du traité requiert que les accords et pratiques concertées
soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Dès lors, la
Commission n'a pas l'obligation de démontrer l'existence réelle d'une telle
affectation (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission,
C-219/95 P, Rec. p. I-4411, points 19 et 20).
- 754.
- En outre, il résulte de la jurisprudence qu'un accord, une pratique concertée ou
une décision d'association d'entreprises échappent à la prohibition de l'article 85
lorsqu'ils n'affectent le marché que d'une manière insignifiante, compte tenu de la
faible position qu'occupent les intéressés sur le marché des produits en cause (arrêt
de la Cour du 9 juillet 1969, Völk, 5/69, Rec. p. 295, point 7).
- 755.
- En l'espèce, ainsi que la Commission l'a relevé au point 39 de sa Décision, les
comportements reprochés s'étendaient à l'ensemble des États membres et
couvraient pratiquement l'ensemble des ventes de ce produit industriel dans la
Communauté. En outre, la plupart des producteurs vendaient leurs produits dans
plus d'un État membre. Il n'est enfin pas contesté que les échanges
intracommunautaires étaient considérables, compte tenu des déséquilibres existant
entre l'offre et la demande sur les divers marchés nationaux.
- 756.
- Dès lors, la Commission a correctement conclu au point 39 de la Décision que les
comportements reprochés étaient susceptibles d'affecter de manière sensible les
échanges entre États membres.
e) Sur les autres moyens de droit
Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir
- 757.
- BASF estime que la Commission a commis un détournement de pouvoir en
refusant de procéder aux vérifications nécessaires pour étayer ses affirmations, tant
en ce qui concerne les effets de l'entente sur le marché, le contexte économique,
la durée de l'infraction et l'existence d'entraves au libre jeu du marché. Elle aurait
ainsi abusé du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu à l'article 15,
paragraphe 2, du règlement n° 17.
- 758.
- La Commission souligne que ce moyen n'est que la répétition de moyens
précédents et doit donc être rejeté pour les mêmes raisons. En toute hypothèse,
elle conteste avoir usé de ses pouvoirs à des fins autres que celles excipées.
- 759.
- En l'absence d'indices objectifs, pertinents et concordants, d'où il apparaîtrait que
la Décision a été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant,
d'atteindre des fins autres que celles excipées, ce moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré d'un défaut de concordance entre le dispositif et les motifs de la
Décision
- 760.
- Shell fait valoir un défaut de concordance entre l'article 1er du dispositif de la
Décision et les motifs de celle-ci. Elle observe, dans les motifs de la Décision, que,
en premier lieu, elle n'est mise en cause qu'au titre d'une pratique concertée, et
non d'un accord entre entreprises (Décision, point 34), en second lieu, toute
participation de sa part dans l'élaboration des documents de planification est exclue
(point 48), en troisième lieu, sa prétendue participation s'étendrait de janvier 1982
à octobre 1983 (points 48 et 54) et, en dernier lieu, sa participation était limitée
(points 48 et 53). Or, sur chacun de ces points, le dispositif serait différent.
- 761.
- Il convient de rappeler que le dispositif d'une décision doit se comprendre au vu
des motifs qui le sous-tendent.
- 762.
- En l'espèce, l'article 1er du dispositif, en ce qu'il se réfère non seulement à un
accord, mais également à une pratique concertée exclut toute contradiction avec
le point 34 de la Décision. En outre, dès lors que cet article se réfère à des
infractions «pour les périodes indiquées dans la présente décision», la requérante
ne peut utilement se prévaloir d'une contradiction avec les motifs de la Décision,
tant en ce qui concerne son défaut de participation au projet de création d'entente
en 1980 que la durée de sa participation. Enfin, rien dans le dispositif ne permet
de conclure que la Commission n'ait pas tenu compte du rôle limité de la
requérante, tel qu'il est exposé aux points 48 et 53 des motifs de la Décision.
- 763.
- Dès lors, le moyen doit être rejeté.
C Sur la participation des requérantes à l'infraction constatée
- 764.
- Les requérantes reprochent à la Commission, en premier lieu, d'avoir retenu le
principe d'une responsabilité collective (1). Elle soutiennent, en second lieu, que
leur participation à l'infraction n'est en toute hypothèse pas établie (2).
1. Sur la prétendue imputation d'une responsabilité collective
Arguments des parties
- 765.
- Elf Atochem, BASF, la SAV, ICI et Enichem soulignent que la responsabilité d'une
entreprise ne peut être que personnelle, en vertu d'un principe universellement
reconnu.
- 766.
- En l'espèce, la Commission aurait méconnu ce principe. En effet, elle affirme, au
point 25 de la Décision, qu'il n'est pas nécessaire de prouver que chaque
participant a pris part à chaque manifestation de l'entente, mais qu'il suffit
d'apprécier leur participation à l'entente «considérée globalement».
- 767.
- La Commission observe que, ainsi qu'il ressortirait notamment des points 25,
deuxième alinéa, 26, premier alinéa, et 31, in fine, de la Décision, elle était
parfaitement consciente de la nécessité de prouver l'adhésion individuelle des
requérantes à l'entente reprochée.
Appréciation du Tribunal
- 768.
- Au point 25, deuxième alinéa, de la Décision, la Commission a indiqué ce qui suit:
«En ce qui concerne l'administration pratique de la preuve, la Commission
considère qu'il est nécessaire non seulement de démontrer l'existence d'une entente
par des éléments convaincants, mais également de prouver que chaque participant
présumé a adhéré au système commun. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il
faille nécessairement des documents attestant que chaque participant a pris part
à chaque manifestation de l'infraction. [...] En l'espèce, il n'a pas été possible, vul'absence de documents sur les prix, de prouver la participation effective de chaque
producteur aux initiatives de prix concertées. C'est pourquoi la Commission a
examiné, pour chaque participant présumé, s'il existait des preuves suffisantes et
certaines de son adhésion à l'entente considérée globalement, plutôt que des
preuves de sa participation à chaque manifestation de celle-ci.»
- 769.
- Au point 31, in fine, de la Décision, il est indiqué: «L'essence même de la présente
affaire réside dans une association de producteurs pendant un laps de temps
considérable afin d'atteindre un objectif illicite commun, où chaque participant doit
non seulement assumer la responsabilité découlant de son rôle direct, mais aussi
partager la responsabilité du fonctionnement de l'entente dans son ensemble.»
- 770.
- Il ressort ainsi, notamment, de la première phrase du point 25, deuxième alinéa,
de la Décision, que la Commission n'a pas ignoré la nécessité de prouver la
participation de chaque entreprise à l'entente reprochée.
- 771.
- A cette fin, elle s'est référée à la notion d'entente considérée «globalement» ou
«dans son ensemble». On ne saurait toutefois en déduire que la Commission aurait
retenu le principe d'une responsabilité collective, en ce sens qu'elle aurait imputé
à certaines entreprises la participation à des faits auxquels elles seraient étrangères
au seul motif que la participation d'autres entreprises à ces faits est, en revanche,
établie.
- 772.
- En effet, la notion d'entente considérée «globalement» ou «dans son ensemble»
est indissociable de la nature de l'infraction en cause. Celle-ci consiste, ainsi qu'il
ressort de l'examen des faits, en l'organisation régulière, pendant une durée de
plusieurs années, de réunions entre producteurs concurrents dont l'objet était
l'établissement de pratiques illicites, destinées à organiser artificiellement le
fonctionnement du marché du PVC.
- 773.
- Or, une entreprise peut être tenue pour responsable d'une entente globale même
s'il est établi qu'elle n'a participé directement qu'à un ou plusieurs des éléments
constitutifs de celle-ci, dès lors, d'une part, qu'elle savait, ou devait nécessairement
savoir, que la collusion à laquelle elle participait, en particulier au travers de
réunions régulières organisées pendant plusieurs années, s'inscrivait dans un
dispositif d'ensemble destiné à fausser le jeu normal de la concurrence, et, d'autre
part, que ce dispositif recouvrait l'ensemble des éléments constitutifs de l'entente.
- 774.
- En l'espèce, si, en l'absence de documents, la Commission n'a pas été en mesure
de prouver la participation de chaque entreprise à la mise en oeuvre des initiatives
de prix, mise en oeuvre qui constitue l'une des manifestations de l'entente, elle a
néanmoins considéré être en mesure de démontrer que chaque entreprise avait en
tout cas participé aux réunions entre producteurs ayant pour objet, notamment, la
fixation de prix en commun.
- 775.
- Ainsi qu'il ressort du point 20, quatrième et cinquième alinéas: «La Commission
n'ayant pas obtenu de documents sur les prix de tous les producteurs, elle n'est pas
en mesure de démontrer qu'ils ont tous instauré simultanément des barèmes
identiques, voire appliqué les prix 'cibles 'européens en marks allemands. Ce
qu'elle peut en revanche démontrer, c'est que l'un des objets principaux des
réunions auxquelles ils ont tous participé était de fixer des objectifs de prix et de
coordonner des initiatives en matière de prix.»
- 776.
- Cette même idée est exprimée au point 26, cinquième alinéa: «Le degré de
responsabilité de chaque participant dépend non pas des documents qui, par hasard
ou non, sont disponibles dans son entreprise, mais de sa participation à l'entente
considérée globalement. Ainsi, le fait que la Commission n'ait pas obtenu de
preuves concernant le comportement de certaines entreprises en matière de prix
n'atténue en rien leur implication, étant donné qu'il est prouvé qu'elles ont
pleinement participé à une entente dans le cadre de laquelle des initiatives en
matière de prix étaient planifiées.»
- 777.
- Il apparaît ainsi que, dans la Décision, la Commission soutient avoir été en mesure
de démontrer que chaque entreprise avait participé, d'une part, à certaines
manifestations de l'entente et, d'autre part, au vu d'un faisceau d'indices
concordants, aux réunions entre producteurs au cours desquelles ceux-ci
s'entendaient, notamment, sur les prix à pratiquer dans les jours qui suivaient. A
ce titre, la Commission s'est valablement référée au fait que l'entreprise était citée
dans les documents de planification, dont les projets ont été mis en oeuvre et
constatés sur le marché du PVC dans les semaines qui ont suivi leur élaboration,
que sa participation aux autres manifestations de l'entente était prouvée ou encore
que l'entreprise avait été citée par BASF et ICI comme participant aux réunions
entre producteurs.
- 778.
- Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la Commission n'a pas imputé à
chaque entreprise une responsabilité collective, ou encore une responsabilité du
chef d'une manifestation de l'entente à laquelle elle serait restée étrangère, mais
bien la responsabilité des faits auxquels chacune avait participé.
2. Sur la participation individuelle des requérantes à l'infraction
- 779.
- Toutes les requérantes dans les présentes affaires, à l'exception d'ICI, contestent
qu'ait été établie leur participation à l'infraction reprochée, soit dans le cadre d'un
moyen spécifique, soit dans le cadre d'autres moyens relatifs, par exemple, à
l'établissement des faits ou aux règles en matière de charge de la preuve.
- 780.
- Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner successivement la situation de chacune
des requérantes, à l'exception d'ICI. L'examen de cette question est indissociable
de celui de la valeur probante des pièces auxquelles se réfère la Commission, et
des conséquences juridiques qu'elle en a tirées, qui ont été précédemment
examinées.
a) DSM
Arguments des requérantes
- 781.
- En premier lieu, les requérantes nient avoir participé à des réunions entre
producteurs au cours desquelles les prix et les parts de marché auraient été
discutés. Les éléments de preuve de la Commission à cet égard seraient en effet
manifestement insuffisants. Ainsi, tout d'abord, la mention du nom de DSM sur la
liste de contrôle, dont la valeur probante a déjà été contestée, ne démontrerait ni
que la réunion qui y est prévue a eu lieu, ni que DSM y a participé. Ensuite, les
déclarations d'ICI, émises d'ailleurs sous toutes réserves, concerneraient des faits
intervenus en 1983, année au cours de laquelle DSM avait quitté le marché du
PVC. Enfin, DSM n'aurait pas été identifiée par BASF comme ayant participé aux
réunions.
- 782.
- En second lieu, sur le prétendu système de quotas, les requérantes considèrent
comme dépourvu de valeur probatoire le document DSM, seul utilisé à leur
encontre par la Commission, dans lequel apparaît le terme «compensation». Même
à supposer que le terme ait le sens que la Commission lui prête, cela ne signifierait
pas que les requérantes ont participé à un tel mécanisme.
- 783.
- En troisième lieu, sur la surveillance des ventes, les requérantes contestent que la
Commission ait établi l'existence d'un tel mécanisme.
- 784.
- En dernier lieu, sur les prix cibles et les initiatives de prix, les requérantes
rappellent que l'existence même d'initiatives de prix concertées n'est pas établie.
Appréciation du Tribunal
- 785.
- DSM a été identifiée par ICI comme participant aux réunions entre producteurs
(voir ci-dessus point 675) dont la Commission a démontré le caractère illicite (voir
ci-dessus points 679 à 686). Contrairement à ce qu'indiquent les requérantes, les
déclarations d'ICI ne concernent pas uniquement la période postérieure à janvier
1983, mais bien les réunions informelles qui ont eu lieu au rythme approximatif
d'une par mois «à compter d'août 1980», ce que BASF a confirmé (voir ci-dessus
points 675 et 677).
- 786.
- En outre, DSM apparaissait explicitement dans les documents de planification
comme membre pressenti du «nouveau cadre de réunions» envisagé par ICI.
Compte tenu de la corrélation étroite existant entre les pratiques envisagées dans
ces documents et celles constatées sur le marché du PVC dans les semaines qui ont
suivi (voir ci-dessus points 662 et suivants), la mention du nom de DSM peut être
considérée comme un indice de sa participation à l'infraction reprochée.
- 787.
- Plusieurs documents utilisés par la Commission pour établir l'existence d'initiatives
de prix communes (voir ci-dessus points 637 à 661) sont issus de DSM. Plusieurs
de ces documents, et en particulier les annexes P5, P13, P28 et P41, font en outre
état de ce que DSM a «fermement soutenu» ces initiatives de prix.
- 788.
- Le document Alcudia, confirmant, avec d'autres pièces, l'existence d'un mécanisme
de contrôle des volumes de ventes entre producteurs de PVC, désigne
indirectement DSM, dès lors que l'on peut y lire que, «dans le cas du PVC, un seul
producteur ne participe pas [au système de compensation]» (voir ci-dessus
point 589); or, en réponse à une demande de renseignements, ICI a indiqué que
Shell était le producteur en question. En outre, le document DSM, dont la
Commission a conclu, à juste titre, qu'il confirmait l'existence d'un mécanisme de
compensation entre les producteurs (voir ci-dessus points 594 à 598), est un rapport
mensuel sur l'état du marché établi par les services de DSM.
- 789.
- En ce qui concerne la surveillance des ventes, les requérantes ne mettent en cause
que l'existence d'un tel mécanisme. Or, ce grief a déjà été examiné et rejeté par le
Tribunal (voir ci-dessus points 618 à 636).
- 790.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, la Commission a, à juste titre, conclu que
DSM avait participé à l'infraction reprochée.
b) Atochem
Arguments de la requérante
- 791.
- Selon la requérante, la Commission n'a apporté aucun élément de preuve du
consentement ou de la participation d'Elf Atochem à l'entente reprochée.
- 792.
- S'agissant des initiatives de prix, la requérante souligne qu'aucun document ne
mentionne sa dénomination, ou celle de ses sociétés constituantes. Rien dans le
dossier n'établirait qu'Elf Atochem ait adopté un comportement parallèle à celui
des autres producteurs de PVC. Bien au contraire, plusieurs documents établiraient
de sa part un comportement concurrentiel et non coordonné.
- 793.
- S'agissant du système allégué de quotas, de compensations et de surveillance du
marché, la requérante fait valoir que les deux documents sur le fondement desquels
elle est incriminée (tableau Atochem et tableaux Solvay) sont sans valeur probante.
La Commission reconnaîtrait elle-même, au point 11 de la Décision, qu'une
discipline n'a guère existé. Selon la requérante, les variations constantes des parts
de marché d'Elf Atochem sont à l'évidence incompatibles avec l'existence d'un tel
système auquel l'entreprise aurait participé.
- 794.
- La Commission n'aurait apporté la preuve ni de sa présence aux réunions entre
producteurs, ni de sa participation, active ou passive, aux décisions qui auraient pu
y être prises.
Appréciation du Tribunal
- 795.
- Atochem a été citée par ICI comme participant aux réunions entre producteurs
(voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi le caractère illicite (voir
ci-dessus points 679 à 686).
- 796.
- La présence de la requérante à ces réunions a été confirmée par BASF (voir
ci-dessus point 677).
- 797.
- En outre, les documents de planification mentionnent, parmi les membres
pressentis par ICI pour participer au «nouveau cadre de réunions», la «nouvelle
société française», dont il n'est contesté ni qu'il s'agissait de la société Chloé, ni
que cette dernière est devenue par la suite Atochem.
- 798.
- Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia
désigne indirectement Atochem.
- 799.
- Le tableau Atochem, récapitulant les ventes des différents producteurs encore actifs
au premier semestre 1984 et les cibles correspondantes (voir ci-dessus points 602
et suivants), a été découvert au siège de cette entreprise. A supposer, comme la
requérante le soutient, que ce tableau n'ait pas été élaboré par ses services, il
demeure qu'il comporte l'indication tant d'une cible de vente que des chiffres de
ventes la concernant.
- 800.
- Quant à l'argument d'Atochem selon lequel «l'évolution des productions ne traduit
pas l'existence des quotas allégués» (requête, p. 12), il est fondé sur un tableau qui
constituait l'annexe 1 à la réponse de la requérante à la communication des griefs.
Or, il suffit de constater que ce tableau est relatif aux années 1986 et 1987, qui ne
sont pas en cause dans la présente affaire.
- 801.
- Enfin, parmi les chiffres de ventes qui apparaissent dans les tableaux Solvay et que
la Commission a été en mesure de vérifier, l'un concerne Atochem et est exact
(voir ci-dessus point 628).
- 802.
- Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix d'Atochem qui
lui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives
de prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs français ne
sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des
documents, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48,
dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à
augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du
secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché français et
permettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées.
C'est notamment ce qui ressort des annexes P21, P23, P24, P30, P31 et P38.
- 803.
- S'il est exact que deux documents font référence à l'attitude agressive de
producteurs français en termes de prix, il y a lieu de relever que ceci n'est pas de
nature à infirmer les conclusions de la Commission. En effet, en premier lieu, celle-ci en a tenu compte dans son examen des faits, notamment au point 22, troisième
alinéa, de la Décision, où il est précisé: «Il est également vrai qu'un certain nombre
de producteurs qui ont participé aux réunions se sont vu reprocher leur
comportement 'agressif ou 'pertubateur sur certains marchés par les autres
producteurs qui se considéraient comme d'ardents défenseurs des initiatives de prix
et étaient disposés à accepter une perte sur le plan des tonnages pour imposer une
augmentation de prix.» La Commission s'est également référée à cette circonstance
dans son appréciation juridique, notamment au point 31, premier alinéa, de la
Décision, où il est précisé: «Sur tel ou tel aspect des arrangements, un producteur
ou un groupe de producteurs déterminé peut avoir, de temps en temps, émis des
réserves ou exprimé son désaccord sur un point spécifique.» Par ailleurs, le
comportement agressif occasionnel de certains producteurs contribuait à l'échec de
certaines initiatives, ce qui ressort des points 22, 37 et 38 de la Décision. En second
lieu, la circonstance que la requérante n'aurait occasionnellement pas mis en
oeuvre une initiative de prix prévue n'affecte pas la conclusion de la Commission;
en effet, en ce qui concerne plus spécialement les entreprises pour lesquelles celle-ci n'avait pu obtenir aucun barème de prix, la Commission s'est limitée à affirmer
que ces entreprises avaient de toute façon participé aux réunions entre producteurs
dont l'objet était, notamment, la fixation d'objectifs de prix (voir ci-dessus points
774 et suivants), et non la mise en oeuvre effective de ces initiatives (arrêt
Atochem/Commission, précité, point 100).
- 804.
- Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a
conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
c) BASF
Arguments de la requérante
- 805.
- La requérante conteste qu'il existe des preuves suffisantes de son adhésion à
l'entente considérée globalement. En l'espèce, ces preuves se limiteraient aux
documents de planification, à la participation à des réunions régulières, au tableau
Atochem et aux tableaux Solvay.
- 806.
- Or, en premier lieu, la valeur probante des documents de planification aurait déjà
été contestée. En l'absence de toute preuve qu'elle avait connaissance de ces
documents et qu'elle y a souscrit, ils ne pourraient prouver la participation de la
requérante à l'entente.
- 807.
- En second lieu, aucune preuve ne permettrait de conclure que la requérante a
adhéré à des accords violant le droit de la concurrence qui auraient été adoptés
lors des réunions entre producteurs, ce qui ne pourrait, d'ailleurs, se déduire de la
seule existence de réunions. En toute hypothèse, la requérante rappelle avoir
déclaré, dans sa réponse du 8 décembre 1987 à une demande de renseignements,
qu'elle n'avait participé à aucune réunion après octobre 1983, à supposer qu'il y en
ait encore eu.
- 808.
- En troisième lieu, le seul fait que le nom de la requérante est mentionné dans le
tableau Atochem, à son insu, ne suffirait pas à établir sa participation à une
entente illicite. Ce document ne démontrerait ni que BASF s'est vu attribuer un
quota propre, ni qu'elle a adhéré à un système de quotas. Les tableaux Solvay,
pour leur part, ne permettraient pas d'établir que la requérante a participé à des
échanges d'informations avec ses concurrents.
Appréciation du Tribunal
- 809.
- La requérante a reconnu avoir participé aux réunions informelles entre
producteurs, dont la Commission a établi l'illégalité au regard de l'article 85,
paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686).
- 810.
- Cette présence aux réunions a été confirmée par ICI (voir ci-dessus point 675).
- 811.
- La requérante était identifiée dans les documents de planification, comme membre
pressenti du «nouveau cadre de réunions». Si, comme il a déjà été indiqué, ces
documents constituent, au mieux, un «projet de création d'entente» (voir ci-dessus
points 670 à 673) et ne peuvent dès lors être regardés comme la preuve de la
participation de la requérante à l'infraction reprochée, le fait que la requérante y
a été citée peut être considéré comme un indice de cette participation.
- 812.
- Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia
désigne indirectement BASF.
- 813.
- La dénomination de BASF apparaît dans le tableau Atochem et celui-ci comporte,
fût-ce sous une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage des ventes
cibles des quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).
- 814.
- BASF est également citée dans les tableaux Solvay. Parmi les chiffres de ventes
mentionnés que la Commission a été en mesure de vérifier, deux concernent la
requérante et sont exacts (voir ci-dessus point 627).
- 815.
- Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de BASF qui
lui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives
de prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs allemands
ne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des
documents, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48,
dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à
augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du
secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché allemand et
permettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées.
C'est notamment ce qui ressort des annexes P23, P24, P26, P29, P30, P41 et P58.
- 816.
- Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a
conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
d) Shell
Arguments de la requérante
- 817.
- Dans la première branche de ce moyen, la requérante reproche à la Commission
d'avoir ignoré la structure particulière du groupe Shell. En effet, bien que
destinataire de la Décision, elle ne serait ni producteur, ni fournisseur de PVC. Elle
ne serait qu'une société de services dont le rôle de conseil n'emporterait pas la
possibilité d'imposer aux sociétés d'exploitation Shell la mise en oeuvre d'une
entente, tant en matière de prix que de quotas de production. En outre, la
Commission n'aurait pas été en droit de supposer que, dans la mesure où la
requérante aurait pu conseiller aux sociétés d'exploitation du groupe d'atteindre un
prix particulier dans un cas précis, ces sociétés auraient effectivement procédé en
ce sens.
- 818.
- Dans la deuxième branche du moyen, la requérante soutient que la preuve de sa
participation aux réunions entre producteurs est fondée, dans une large mesure, sur
l'aveu de la participation de ses représentants à deux d'entre elles.
- 819.
- Or, la première réunion, qui s'est tenue à Paris le 2 mars 1983, aurait uniquement
tendu à examiner la crise frappant l'industrie pétrochimique européenne et la
nécessité de restructurer ce secteur, notamment au vu du premier projet de rapport
du groupe de travail Gatti/Grenier, mis en place à la suite de réunions avec la
Commission. En outre, une initiative commune ne pourrait y avoir été décidée,
puisque la presse professionnelle avait fait état de l'augmentation de prix deux
semaines auparavant; ainsi serait-il indiqué dans le numéro de la revue European
Chemical News du 21 février 1983: «Il semble que les producteurs envisagent des
augmentations de prix à un niveau de 1,50-1,65 DM/kg mais leur calendrier est
incertain». Enfin, en toute hypothèse, le représentant de Shell n'aurait soutenu
aucune prétendue initiative, comme le prouve le fait que, moins de quatre semaines
après la réunion, les sociétés du groupe Shell ont fixé un prix cible de 1,35 DM/kg,
nettement inférieur au prix cible prétendu de 1,60 DM/kg ou au prix minimal
sectoriel prétendu de 1,50 DM/kg.
- 820.
- La seconde réunion, qui a eu lieu à Zurich en août 1983, aurait eu pour objet
l'examen des conditions de commercialisation du PVC, des prix dominants sur le
marché et de la nécessité pour le secteur de relever les prix. Le représentant de
Shell n'aurait soutenu aucune de ces thèses. Aucun document interne de la
requérante ne serait d'ailleurs révélateur d'un quelconque prix cible pour cette
période, et tout prix sectoriel visé dans la documentation de la requérante à cette
époque aurait manifestement pour origine des sources professionnelles
indépendantes.
- 821.
- Dans la troisième branche de ce moyen, la requérante soutient que les seuls
éléments de preuve concernant le système de quotas sont les documents de
planification de 1980 et le tableau Atochem, se rapportant sans doute à 1984. Or,
au vu de la Décision, Shell n'aurait pas participé à l'élaboration du plan de 1980
et sa participation alléguée aurait cessé en octobre 1983. Quant au mécanisme de
compensation, la Décision (point 26, deuxième alinéa, in fine) reconnaîtrait
explicitement que Shell n'y a pas participé.
- 822.
- Dans la quatrième branche du moyen, relative aux mécanismes de surveillance des
ventes sur les marchés domestiques, la requérante observe que la preuve de ces
mécanismes est fondée, d'une part, sur les tableaux Solvay, d'autre part, sur des
entretiens téléphoniques entre Solvay et Shell, dont celle-ci a reconnu l'existence
dans sa réponse à une demande de renseignements.
- 823.
- Or, les tableaux Solvay viseraient les grands marchés nationaux suivants:
l'Allemagne, l'Italie, le Benelux et la France. En l'espèce, seuls ces deux derniers
marchés pourraient être pertinents, puisque Shell n'est un producteur domestique
ni en Allemagne ni en Italie. Toutefois, en ce qui concerne le Benelux, la
Commission reconnaîtrait elle-même que les chiffres indiqués ne correspondent pas
aux déclarations Fides individuelles. En ce qui concerne la France, contrairement
aux affirmations de la Commission, les chiffres attribués à Shell dans les tableaux
Solvay seraient nettement distincts de ceux contenus dans les déclarations de Shell
à Fides.
- 824.
- Par ailleurs, la Commission aurait déformé la réponse de Shell à la demande de
renseignements. En effet, d'une part, aucune information précise n'aurait été
communiquée à Solvay; ces communications n'auraient concerné que les ventes en
Europe occidentale et n'auraient donc pu constituer la source des tableaux Solvay,
qui comportent une ventilation pays par pays. D'autre part, ces informations
n'auraient été communiquées qu'occasionnellement entre janvier 1982 et octobre
1983, alors que les tableaux Solvay comportent les chiffres pour la période 1980 à
1984. Ceci confirmerait que ces tableaux n'ont été élaborés qu'à partir des
statistiques officielles publiées et des contacts avec la clientèle.
- 825.
- Dans la cinquième branche du moyen, relative aux initiatives de prix, la requérante
soutient, tout d'abord, que la Décision fait apparaître des contradictions quant au
degré de participation de Shell. En effet, la Décision affirmerait tout à la fois que
Shell a participé à ces initiatives de prix (point 20), qu'elle en était informée
(point 26) et qu'elle en avait simplement connaissance (point 48).
- 826.
- En outre, hormis deux cas isolés, la requérante n'aurait pas participé aux réunions
entre producteurs.
- 827.
- Les sociétés du groupe Shell auraient établi leurs prix de façon indépendante.
Ainsi, sur les quatre initiatives pour lesquelles la Commission dispose de documents
issus de Shell, la requérante fait observer que les initiatives sectorielles avaient
toujours été signalées dans la presse spécialisée au préalable. En outre, les prix
cibles fixés par Shell ne correspondraient pas aux prétendus prix cibles du secteur.
Le seul cas de concordance quantitative remonterait au 1er septembre 1982;
toutefois, dans ce cas, Shell n'aurait fixé son prix cible que le 9 septembre 1982 et
ce prix cible n'aurait dû intervenir que le 1er octobre 1982; en outre, dès le mois de
novembre 1982, Shell aurait ramené son prix cible à un niveau inférieur
(1,40 DM/kg au lieu de 1,50 DM/kg).
- 828.
- Dans la sixième branche de ce moyen, la requérante fait valoir qu'une pratique
concertée était incompatible avec la stratégie de Shell, qui avait mis en service en
1981 une nouvelle usine de PVC, dont la capacité immédiate de 100 kt par an
devait être exploitée à plein régime. Les deux usines de PVC de Shell auraient eu
une charge de travail supérieure à la moyenne sectorielle et les parts de marché
de Shell se seraient, de ce fait, largement accrues. Dans ces conditions, accepter un
quota fondé sur la position obtenue en 1979 n'aurait eu aucun sens. En réalité,
aucune année ne pourrait servir de référence acceptable, dès lors que Shell mettait
en service une nouvelle usine.
Appréciation du Tribunal
- 829.
- Dans la première branche du moyen, la requérante soutient que, compte tenu des
spécificités du groupe Royal Dutch-Shell, il lui est impossible de dicter un
comportement, fût-il anticoncurrentiel, aux sociétés d'exploitation du groupe.
- 830.
- Au point 46 de la Décision, examinant les particularités du groupe Royal Dutch-Shell, la Commission n'a pas ignoré que «les différentes sociétés 'd'exploitation
du secteur de la chimie disposent d'une grande autonomie de gestion» et que la
requérante est «une société de services».
- 831.
- Toutefois, elle a souligné, ce qui n'est pas contesté, que la requérante assume la
responsabilité «de la coordination et de la planification stratégique des activités du
groupe dans le secteur des thermoplastiques». Ainsi, elle détient une mission de
conseil à l'égard des sociétés d'exploitation du groupe.
- 832.
- En outre, au même point 46 de la Décision, la Commission a souligné que la
requérante «était en contact avec l'entente» et «assistait aux réunions en 1983».
Ainsi, plusieurs annexes à la communication des griefs relatives aux initiatives de
prix sont issues de la requérante (annexes P35, P36, P49, P50, P51, P53, P54, P55
et P59). Or, ces annexes, notamment, constituent la preuve de l'existence
d'initiatives concertées entre producteurs (voir ci-dessus points 637 et suivants) et
montrent que la requérante était, à tout le moins, informée de manière précise des
prix cibles fixés et des dates prévues à cette fin. En outre, le représentant de Shell
aux deux réunions auxquelles la requérante reconnaît avoir participé en 1983 était
M. Lane, alors vice-président de la requérante.
- 833.
- Enfin, la Commission a considéré que «la définition donnée par la Cour de la
'pratique concertée est tout particulièrement de nature à couvrir le cas de Shell
qui a collaboré avec l'entente sans en être membre à part entière et qui a pu
adapter son propre comportement sur le marché à la lumière de ses contacts avec
l'entente» (Décision, point 34). Dans ces conditions, même si la requérante n'était
pas en mesure d'imposer des prix aux filiales de ventes, il reste que, en étant en
contact avec l'entente et en renvoyant vers les filiales les informations ainsi
obtenues, elle était l'élément moteur de la participation du groupe Shell à la
pratique concertée. A ce titre, il y a lieu de relever que les annexes précitées à la
communication des griefs issues de la requérante, indiquant tant les prix cibles que
leur date de mise en oeuvre, étaient adressées, ainsi qu'il ressort de leur libellé, à
l'ensemble des filiales du groupe en Europe.
- 834.
- Dans ces conditions, la prétendue structure particulière du groupe Royal Dutch-Shell ne peut être en soi un obstacle à la constatation que la requérante était en
mesure de participer à une pratique contraire aux dispositions de l'article 85,
paragraphe 1, du traité et, a fortiori, d'être destinataire de la Décision.
- 835.
- Quant à la preuve de la participation de la requérante à l'entente, il convient de
rappeler que la Commission a, notamment aux points 48 et 53 de la Décision,
reconnu le rôle moindre de la requérante dans l'infraction reprochée. Dès lors, il
y a lieu d'examiner si la Commission a apporté suffisamment d'éléments pour
établir que la requérante a «agi en marge de l'entente» (point 53 de la Décision).
- 836.
- A ce titre, tant ICI que BASF ont identifié la requérante comme participant aux
réunions informelles entre producteurs (voir ci-dessus points 675 et 677). Shell
admet avoir participé à deux réunions, pour lesquelles la Commission avait recueilli
la preuve de sa participation sous la forme d'indications portées dans un agenda
(voir ci-dessus point 676). Toutefois, elle nie que ces réunions aient eu un objet
anticoncurrentiel ou qu'elle ait pris part à une quelconque collusion à cette
occasion.
- 837.
- Sur la première réunion, à Paris, le 2 mars 1983, le Tribunal a jugé que la
Commission avait établi l'objet anticoncurrentiel qu'elle poursuivait (voir ci-dessus
points 650 et 652).
- 838.
- L'article de presse dont se prévaut la requérante, tiré de la revue European
Chemical News du 21 février 1983, n'affecte pas cette conclusion. En effet, les
termes mêmes de cet article cités par la requérante sont ambigus, en ce qu'ils ne
permettent pas de conclure à des initiatives individuelles. En outre, l'article était
imprécis sur la date des initiatives; en revanche, les documents postérieurs de
quelques jours à la réunion du 2 mars 1983 et trouvés par la Commission dans les
locaux des entreprises, notamment ceux de Shell, font apparaître la date exacte des
initiatives.
- 839.
- Shell soutient enfin que, en toute hypothèse, elle n'a pas soutenu d'initiative de
prix. A cette fin, elle fait valoir que, le 31 mars 1983, elle a fixé son prix cible à
1,35 DM/kg, soit à un niveau inférieur à celui prétendument fixé de concert par les
producteurs. Il demeure que Shell était informée du niveau de prix décidé par les
producteurs le 2 mars 1983 et de la date de mise en oeuvre de cette initiative, ainsi
qu'il ressort de l'annexe P49, datée du 13 mars 1983. De ce fait, par sa
participation à la réunion du 2 mars 1983, la requérante, loin de déterminer sa
politique de prix de manière autonome, dans l'incertitude du comportement de ses
concurrents, a nécessairement dû prendre en compte, directement ou
indirectement, les informations obtenues de ceux-ci au cours de cette réunion.
- 840.
- Quant à la seconde réunion, qui s'est tenue à Zurich, en août 1983, la requérante
a reconnu, en réponse à une demande de renseignements de la Commission, que,
au cours de cette réunion, «certains producteurs ont exprimé leur opinion sur une
initiative de prix». En outre, plusieurs annexes à la communication des griefs, telles
que les annexes P53, P54, P55, P56, P57, P58 et P60, démontrent qu'une initiative
a effectivement été prévue et mise en oeuvre pour le mois de septembre 1983.
Enfin, les annexes P53, P54 et P55, émanant de la requérante, permettent de
conclure que celle-ci a pris part à cette initiative, contrairement à ce qu'elle
affirme. Elle en avait de surcroît connaissance avant la diffusion dans le public.
Ainsi, la presse professionnelle dont la requérante s'est prévalue dans sa réponse
à la communication des griefs, n'en a fait état qu'à la fin du mois de septembre.
- 841.
- Le document Alcudia, relatif au mécanisme de compensation, est sans valeur
probante à l'égard de la requérante, dès lors que, au vu des réponses d'ICI à une
demande de renseignements, Shell était le seul producteur à ne pas y participer
(voir ci-dessus point 788). Ainsi qu'il ressort notamment du point 48 de la Décision,
cette constatation contribue à la conclusion de la Commission selon laquelle la
requérante a agi en marge de l'entente.
- 842.
- Le tableau Atochem concerne le premier trimestre de 1984 et peut être daté de
mai 1984 (voir ci-dessus point 606), alors que, aux termes du point 54, troisième
alinéa, de la Décision, Shell avait pris ses distances avec l'entente depuis
octobre 1983. De fait, le tableau Atochem ne comporte les chiffres de ventes de
Shell que sous une forme arrondie. Toutefois, dans la mesure où ce tableau fait
apparaître un pourcentage cible pour la requérante, cible qui ne pouvait avoir été
décidée qu'avant le premier trimestre de 1984, ce document indique que Shell n'est
pas restée étrangère au mécanisme de quotas à la fin de 1983.
- 843.
- En ce qui concerne le mécanisme de surveillance des ventes (voir ci-dessus points
618 à 636), seuls deux des marchés géographiques visés par les tableaux Solvay sontpertinents à l'égard de Shell, à savoir le Benelux et la France.
- 844.
- La Commission, en réponse à une question du Tribunal, a confirmé que le grief
relatif à la surveillance des ventes ne portait pas sur le marché du Benelux, ainsi
qu'il résultait déjà de la communication des griefs.
- 845.
- En revanche, il y a lieu de rappeler la précision des chiffres attribués à Shell, pour
le marché français, tant pour les ventes de 1982 que pour celles de 1983 (voir ci-dessus point 628). Cette précision confirme que Shell a, au moins sur le marché
français, participé à l'échange d'informations. Dans sa réponse à une demande de
renseignements du 3 décembre 1987, la requérante avait déclaré que, «à plusieurs
reprises, au cours de la période allant de janvier 1982 à octobre 1983, Solvay
téléphonait pour obtenir confirmation de ses estimations des tonnages vendus par
les sociétés du groupe Shell». La requérante rappelle avoir également déclaré
qu'«aucune information précise n'a été donnée»; toutefois, la précision des chiffres
de ventes sur le marché français contredit cette affirmation.
- 846.
- En ce qui concerne la prétendue contradiction dont la Décision serait entachée sur
le degré de participation de Shell aux initiatives de prix, il convient de relever que
le point 20 de la Décision ne concerne que la démonstration du caractère collectif
des initiatives de prix. Au point 26 de la Décision, il est indiqué que la requérante
était informée de ces initiatives, et, au point 48, qu'elle en était informée et qu'elle
les soutenait. A cet égard, il suffit de relever que, si le point 48 complète le
point 26, il ne comporte pas de contradiction avec celui-ci.
- 847.
- Ainsi qu'il a déjà été dit, les documents produits par la Commission établissent que
la requérante a participé aux initiatives de prix décidées lors des réunions entre
producteurs des 2 mars 1983 et 11 août 1983 (voir ci-dessus points 836 à 840). De
même, l'annexe P59, qui est un document de la requérante daté du 28 octobre 1983
montre que celle-ci était parfaitement informée de l'initiative décidée pour le
1er novembre 1983, destinée à porter les prix du PVC à un niveau de 1,90 DM/kg.
Quant à l'initiative prévue pour septembre 1982, il est vrai que, dès le mois de
juillet 1982, la revue European Chemical News avait annoncé tant l'initiative de
prix que son montant et sa date. Toutefois, le libellé même de cet article ne peut
soutenir la conclusion d'initiatives individuelles. Ainsi indique-t-il notamment: «Les
producteurs [de PVC] discutent d'une augmentation des prix en septembre et
octobre (la colonne 'prix fabricant dans le tableau ci-après reflète ces prix cibles
prévus).» De fait, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir ci-dessus point 649), les
documents produits par la Commission permettent de conclure que l'initiative en
cause était le résultat d'une concertation entre producteurs du secteur. La
circonstance que Shell n'a adopté le prix cible convenu qu'au début du mois de
septembre pour une mise en oeuvre au mois d'octobre 1982 n'appparaît pas, dans
ces conditions, déterminante. Au demeurant, les annexes P34 et P39, issues d'ICI
et de DSM respectivement, montrent que «l'initiative de prix s'est poursuivie en
octobre».
- 848.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que, contrairement à
ce qu'elle prétend, la requérante n'est pas restée étrangère aux mécanismes
collusoires décidés par les producteurs de PVC. La Commission a exactement établi
la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
- 849.
- Dans ces conditions, l'argument tiré par la requérante de la stratégie commerciale
qui était la sienne au début de la décennie 1980-1990 ne saurait prospérer. De fait,
par sa participation à l'infraction reprochée, la requérante a été en mesure
d'adapter son comportement commercial en fonction de sa connaissance de
l'attitude des autres producteurs.
e) LVM
Arguments de la requérante
- 850.
- En premier lieu, la requérante nie avoir participé à des réunions entre producteurs
au cours desquelles les prix et les parts de marché auraient été discutés. Les
éléments de preuve de la Commission seraient en effet manifestement insuffisants.
Ainsi, tout d'abord, les documents de planification seraient antérieurs de près de
30 mois à la date de constitution de LVM; la mention du nom de DSM et de la
SAV, les sociétés mères de la requérante, ne pourrait avoir le moindre caractère
probant à l'égard de celle-ci. Ensuite, les déclarations d'ICI et de BASF, identifiant
LVM comme participant aux réunions entre producteurs, auraient été émises sous
toutes réserves. Enfin, il serait inexact d'affirmer que la requérante a refusé de
répondre, dans sa lettre du 28 janvier 1988, à la demande d'informations du 23
décembre 1987, fondée sur l'article 11 du règlement n° 17; en toute hypothèse, cela
ne prouverait pas sa participation aux réunions.
- 851.
- En second lieu, sur le prétendu système de quotas, la requérante soutient que le
seul document utilisé à son encontre par la Commission, à savoir le tableau
Atochem, n'est pas probant. Il comporterait en effet des chiffres de ventes
sensiblement différents de ceux des ventes réelles.
- 852.
- En troisième lieu, sur la surveillance des ventes, la requérante estime que les
tableaux Solvay n'auraient de valeur probante que s'ils étaient exacts, ce qui ne
serait pas le cas.
- 853.
- En dernier lieu, sur les prix cibles et les initiatives de prix, la requérante rappelle
que l'existence même d'initiatives de prix concertées n'est pas établie. En réalité,
elle n'aurait fait que s'adapter intelligemment aux conditions du marché (voir
annexes P13, P21 et P29 à la communication des griefs).
Appréciation du Tribunal
- 854.
- Il y a lieu de relever que LVM n'a été créée qu'au début de 1983. Dès lors, la
circonstance que des documents antérieurs, produits par la Commission au soutien
de ses conclusions, tels que les documents de planification, ne mentionnent pas le
nom de la requérante est sans pertinence pour l'appréciation de la participation de
cette entreprise à l'infraction. De son côté, la requérante ne peut utilement se
prévaloir, à l'appui de ses prétentions, des annexes P13, P21 et P29 à la
communication des griefs, qui portent sur des faits antérieurs à sa création et
concernent DSM.
- 855.
- LVM a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre
producteurs (voir ci-dessus point 675) dont la Commission a démontré qu'elles
poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du
traité (voir ci-dessus points 679 à 686).
- 856.
- La présence de la requérante à ces réunions a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).
- 857.
- Certains documents utilisés par la Commission pour établir, à juste titre, l'existence
d'initiatives de prix communes, tels que les annexes P57, P58 et P64, proviennent
de cette entreprise.
- 858.
- Le tableau Atochem comporte le nom de la requérante et l'indication d'un
pourcentage de ventes cibles qui lui est attribué; en outre, les chiffres de ventes de
cette société qui y sont indiqués sont proches des chiffres de ventes réels (voir
ci-dessus point 608).
- 859.
- Les tableaux Solvay comportent une référence explicite à LVM. Parmi les chiffres
mentionnés que la Commission a été en mesure de vérifier, deux concernent cette
entreprise et correspondent, sous une forme arrondie en kilotonnes, à ses chiffres
de ventes réelles (voir ci-dessus points 625 et 628).
- 860.
- Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a
conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
f) Wacker
Arguments de la requérante
- 861.
- Selon la requérante, il ne ressort pas des documents de planification qu'elle aurait
participé à des discussions, négociations ou réunions telles que celles qui lui sont
reprochées. Les informations fournies par ICI et BASF, qui l'ont identifiée comme
ayant participé à des réunions entre producteurs, ne seraient ni précises, ni fiables.
- 862.
- La requérante nie ensuite avoir participé à un système de quotas et à un
mécanisme de compensation, d'une part, et à une entente sur les prix, d'autre part.
Aucun document ne viendrait conforter les allégations de la Commission à ce titre.
Appréciation du Tribunal
- 863.
- Wacker a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre
producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi qu'elles
poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du
traité (voir ci-dessus points 679 à 686).
- 864.
- La présence de la requérante à ces réunions informelles a été confirmée par BASF
(voir ci-dessus point 677).
- 865.
- Le nom de Wacker apparaissait dans les documents de planification comme
membre pressenti du «nouveau cadre de réunions», sous l'initiale «W»; à l'époque
des faits, seule Wacker avait une dénomination sociale commençant par cette
initiale.
- 866.
- Plusieurs documents utilisés par la Commission pour établir l'existence d'initiatives
de prix communes (voir ci-dessus points 637 à 661), tels que les annexes P2, P3, P8,
P15, P25, P31, P32, P33, P47, P62 et P65, émanent de cette entreprise. Ils font
largement référence à des initiatives de prix, à des actions d'augmentation de prix
décidées et à des efforts intensifs du secteur pour consolider les prix.
- 867.
- Pour les mêmes raisons que celles déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le
document Alcudia désigne indirectement Wacker.
- 868.
- La requérante est citée dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-ce sous
une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage de ventes cibles des
quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).
- 869.
- Les tableaux Solvay comportent l'indication des chiffres de ventes de la requérante,
chiffres qui n'ont pas été contestés.
- 870.
- Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a
conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
g) Hoechst
Arguments de la requérante
- 871.
- Selon la requérante, il ne ressort pas des documents de planification qu'elle aurait
participé à des discussions, négociations ou réunions telles que celles qui lui sont
reprochées. Les informations fournies par ICI et BASF, qui l'ont identifiée comme
ayant participé à des réunions entre producteurs, ne seraient ni précises, ni fiables.
- 872.
- La requérante nie ensuite avoir participé à un système de quotas et à un
mécanisme de compensation, d'une part, et à une entente sur les prix, d'autre part.
Aucun document ne viendrait conforter les allégations de la Commission à ce titre.
Appréciation du Tribunal
- 873.
- Hoechst a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre
producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi qu'elles
poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, dutraité (voir ci-dessus points 679 à 686).
- 874.
- La présence de la requérante à ces réunions informelles a été confirmée par BASF
(voir ci-dessus point 677).
- 875.
- Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia
désigne indirectement Hoechst.
- 876.
- La requérante est citée dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-ce sous
une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage de ventes cibles des
quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).
- 877.
- Les tableaux Solvay comportent l'indication des chiffres de ventes de la requérante,
chiffres qui n'ont pas été contestés.
- 878.
- Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de Hoechst qui
lui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives
de prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs allemands
ne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des
documents, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48,
dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à
augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du
secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché allemand et
permettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées.
C'est notamment ce qui ressort des annexes P23, P24, P26, P29, P30, P41 et P58.
- 879.
- Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a
conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
h) SAV
Arguments de la requérante
- 880.
- La requérante soutient qu'il n'existe aucune preuve de sa participation à l'entente
alléguée. Elle rappelle que trois documents ont été retenus par la Commission à
son encontre, dont aucun n'est probant.
- 881.
- Ainsi, la liste de contrôle, qui est un des documents de planification, ne serait qu'un
document interne d'ICI. Il ne s'agirait que d'une proposition unilatérale de celle-ci.
La requérante n'y serait mentionnée qu'en tant que producteur de PVC ou
qu'entreprise pressentie par ICI pour participer au groupe d'entreprises indiqué
dans ce document, et non comme participant à une entente. Mais rien n'établirait
qu'une telle proposition ait été adressée à d'autres producteurs ou que ceux-ci
l'aient acceptée. Quant à la réponse aux propositions, elle ne pourrait être une
réponse à la liste de contrôle, puisqu'elle serait au contraire antérieure. En tout
état de cause, la réponse aux propositions ne prouverait pas que la SAV y a pris
part, puisqu'aucun nom n'est mentionné sur ce document.
- 882.
- La réponse d'ICI, du 5 juin 1984, à la demande de renseignements de la
Commission du 30 avril 1984 ne mentionnerait avec précision les dates et lieux de
réunions que pour l'année 1983; or, précisément, la SAV aurait cessé toute activité
directe de production ou de commercialisation sur le marché du PVC avec effet au
1er janvier 1983. En outre, cette réponse serait formulée en termes vagues et sous
réserve; à l'inverse, la requérante aurait toujours nié avoir participé à de
quelconques réunions et BASF n'aurait pas identifié la requérante comme
participant à des réunions (Décision, point 26, note 10). Enfin, à supposer que la
SAV ait participé à certaines réunions, il ne serait pas démontré qu'il y ait été
discuté de prix ou de volumes. La Commission aurait d'ailleurs déformé les propos
d'ICI, qui a toujours affirmé que les réunions ne poursuivaient pas d'objet
anti concurrentiel.
- 883.
- En ce qui concerne les tableaux Solvay, la requérante soutient que les chiffres de
ventes qui lui sont attribués sur le marché français, loin d'être exacts, comme le
prétend la Commission, présentent des différences de l'ordre de 8 à 25 % par
rapport à ses ventes réelles. Ainsi, il ne serait pas démontré que la requérante ait
participé à un quelconque échange d'informations, constitutif d'une infraction
propre, ni d'ailleurs, qu'elle ait participé à un quelconque arrangement collusoire
dont l'échange d'informations serait l'instrument.
- 884.
- Enfin, la requérante soutient que sa participation à l'entente alléguée n'est en tout
état de cause pas plausible. En effet, nouvelle venue sur le marché du PVC depuis
1977, dans un contexte défavorable de marché surcapacitaire, elle aurait mené une
politique agressive, qui se serait traduite par une augmentation des tonnages
vendus et des parts de marché détenues. En réalité, la requérante n'aurait eu
aucun intérêt à participer à une entente du type de celle alléguée par la
Commission. Celle-ci ne pourrait d'ailleurs se retrancher derrière l'affirmation selon
laquelle les réunions entre producteurs avaient en tout état de cause un objet
anticoncurrentiel, puisque précisément aucune preuve, ou aucune preuve suffisante,
ne permettrait de démontrer que la SAV a participé à ces réunions.
Appréciation du Tribunal
- 885.
- La requérante a été identifiée par ICI parmi les participants aux réunions
informelles entre les producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a
démontré qu'elles poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85,
paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686). S'il est vrai qu'ICI n'a
précisé les dates et lieux des réunions que pour la seule année 1983, il n'en
demeure pas moins qu'elle a indiqué que des réunions informelles ont été tenues
«à compter d'août 1980», au rythme approximatif d'une par mois (voir ci-dessus
point 675). C'est donc à juste titre que la Commission considère la réponse d'ICI
comme un indice permettant d'établir la participation de la requérante à
l'infraction.
- 886.
- La requérante apparaît dans les documents de planification comme membre
pressenti du «nouveau cadre de réunions» envisagé. Ainsi qu'il ressort de la
Décision, les documents de planification ne constituent qu'un «projet de création
d'entente» et ne peuvent, dès lors, être regardés comme la preuve de la
participation de la requérante à l'infraction reprochée. Toutefois, le fait que la
requérante y a été citée constitue un indice de cette participation, compte tenu de
la corrélation étroite entre les pratiques qui y étaient décrites et celles constatées
sur le marché dans les semaines qui ont suivi (voir ci-dessus points 662 à 673).
- 887.
- Pour les raisons précédemment exposées (voir ci-dessus point 788), le document
Alcudia, confirmant, avec d'autres documents, l'existence de mécanismes de
compensation entre les producteurs de PVC, désigne indirectement la requérante.
- 888.
- En ce qui concerne les tableaux Solvay, la SAV a produit un tableau, extrait de sa
comptabilité, tendant à démontrer que les chiffres de ventes qui la concernent,
c'est-à-dire ceux concernant le marché français durant les années 1980 à 1982,
comportent des différences sensibles, de l'ordre de 8 à 25 %, par rapport aux
chiffres de ventes réelles. Il est certes impossible de savoir si les montants produits
par la SAV, extraits de sa comptabilité, ont été calculés de la même manière que
ceux apparaissant dans les tableaux Solvay. Toutefois, en l'absence de dénégations
sérieuses de la Commission, il y a lieu de conclure que ces tableaux ne peuvent être
considérés comme probants à l'encontre de la requérante.
- 889.
- Si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de la SAV qui lui aurait
permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives de prix
communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs français ne sont pas
restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents,
tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels
il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble
des prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes
évoquent plus spécifiquement le marché français et permettent de conclure que les
initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées. C'est notamment ce qui ressort
des annexes P21, P23, P24, P30, P31 et P38.
- 890.
- S'il est exact que deux documents font référence à l'attitude agressive de
producteurs français en termes de prix, il y a lieu de relever que ceci n'est pas de
nature à infirmer les conclusions de la Commission. En effet, en premier lieu,
celle-ci en a tenu compte tant dans son examen des faits que dans son appréciation
juridique (voir ci-dessus point 801). En second lieu, la circonstance que la
requérante n'aurait occasionnellement pas mis en oeuvre une initiative de prix
prévue n'affecte pas la conclusion de la Commission; en effet, en ce qui concerne
plus spécialement les entreprises pour lesquelles la Commission n'avait pu obtenir
aucun barème de prix, la Commission s'est limitée à affirmer que ces entreprises
avaient de toute façon participé aux réunions entre producteurs dont l'objet était,
notamment, la fixation d'objectifs de prix (voir ci-dessus points 774 et suivants), et
non la mise en oeuvre effective de ces initiatives (arrêt Atochem/Commission,
précité, point 100).
- 891.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que les documents
produits par la Commission sont suffisants pour établir que la requérante a,
contrairement à ce qu'elle soutient, participé à l'infraction reprochée. Toutefois, il
appartiendra au Tribunal de vérifier si les observations formulées ci-dessus, en
particulier en ce qui concerne les tableaux Solvay, affectent les conclusions de la
Commission sur la durée de la participation de la requérante à l'infraction.
i) Montedison
Arguments de la requérante
- 892.
- La requérante relève tout d'abord qu'elle n'est mentionnée ni dans les documents
de planification ni dans le tableau Atochem.
- 893.
- En outre, les éléments retenus à sa charge ne seraient pas probants.
- 894.
- En premier lieu, le fait d'avoir été cité par ICI et BASF comme ayant participé à
au moins quelques-unes des réunions ne démontrerait rien de répréhensible. En
outre, seule Montedison, et non Montedipe, est citée par ICI et BASF, alors que
Montedison avait cessé la production de PVC le 1er janvier 1981; cela signifierait
que sa participation avait cessé avant cette date.
- 895.
- En second lieu, la requérante estime que, s'agissant des échanges d'informations
relatives au marché italien, informations au demeurant publiques, la Commission
a omis de faire état des commentaires portés en bas de page du document sur
lequel elle s'appuie, qui mentionnent expressément la vive concurrence existant sur
le marché.
- 896.
- En troisième lieu, en ce qui concerne la participation à un système de
compensation, le document Alcudia ne serait pas probant. La requérante nie qu'un
tel mécanisme ait jamais été mis en oeuvre; aucune entreprise italienne n'aurait
adhéré individuellement à celui-ci, comme en atteste le fait que le document
litigieux ne mentionne que d'une façon générale les producteurs italiens. A
supposer qu'un tel mécanisme ait été mis en oeuvre dans les faits, il ne se serait
agi que de l'une de ces mesures de rationalisation prises en vertu d'accords
bilatéraux, que la Commission avait elle-même préconisées en remplacement du
cartel de crise.
- 897.
- En quatrième lieu, la requérante observe qu'aucune des initiatives de prix
identifiées par la Commission ne concernait Montedipe, alors propriétaire de
l'entreprise. En toute hypothèse, les actes illicites accomplis n'auraient consisté qu'àrechercher un prix idéal qui aurait permis aux producteurs de réduire leurs pertes.
Toutefois, le prix pratiqué effectivement par Montedipe aurait toujours été
nettement inférieur au prix cible et se serait toujours écarté du prix du marché,
preuve évidente que la requérante a agi en toute autonomie.
Appréciation du Tribunal
- 898.
- Ainsi que l'a relevé la requérante, Montedison n'est visée ni dans les documents de
planification ni dans le tableau Atochem, qui concerne une période postérieure à
la date à laquelle Montedison a quitté le marché du PVC. Cette circonstance
ressort, notamment, des points 7 et 13 de la Décision.
- 899.
- Montedison a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre
producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la requérante a confirmé l'existence et
dont la Commission a établi qu'elles poursuivaient un objet contraire aux
dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686).
- 900.
- Cette présence aux réunions a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).
- 901.
- Certes, ICI et BASF ont cité Montedison, plutôt que Montedipe, qui a repris
l'activité de production de PVC de Montedison à compter du 1er janvier 1981.
Toutefois, il ne saurait en être conclu que Montedison est restée étrangère à
l'infraction reprochée dès le 1er janvier 1981.
- 902.
- En effet, si Montedison a transféré les activités de production à Montedipe en
janvier 1981, ce n'est qu'en 1983 qu'elle a abandonné toute activité dans le secteur
du PVC (voir, notamment, Décision, point 13, premier alinéa). En outre, en
réponse à une question du Tribunal, la requérante a reconnu que, pendant toute
cette période, elle détenait, directement ou par le biais de sociétés contrôlées,
l'intégralité du capital social de Montedipe. Enfin, la note d'ICI du 15 avril 1981,
qui contribue à apporter la preuve de systèmes de contrôle des volumes de ventes
entre producteurs, est la transcription d'un message adressé par le directeur de la
division pétrochimique de Montedison (voir ci-dessus points 599 à 601), ce qui
confirme que cette dernière société n'est pas restée étrangère à l'infraction
reprochée, contrairement à ce que soutient la requérante.
- 903.
- Pour les raisons qui ont déjà été exposées (voir ci-dessus point 788), le document
Alcudia, qui constitue l'un des documents permettant d'établir la mise en oeuvre
d'un mécanisme de compensation entre producteurs de PVC, désigne indirectement
Montedison. La requérante ne peut utilement prétendre qu'un tel mécanisme
aurait été préconisé par la Commission en juillet 1982, lors de contacts entre celle-ci et neuf producteurs européens, relatifs à la restructuration du secteur de la
pétrochimie. En effet, non seulement la Commission avait manifesté à cette
occasion son refus de tout accord de prix ou de quotas de ventes entre producteurs,
mais, en outre, ces contacts sont postérieurs à la mise en oeuvre du mécanisme de
compensation dont la Commission a démontré l'existence en l'espèce.
- 904.
- De surcroît, la note d'ICI du 15 avril 1981 fait référence au mécanisme de quotas;
or, cette note est la transcription d'un message adressé par M. Diaz, ancien
directeur général de la division pétrochimique de Montedison, à ICI (voir ci-dessus
points 599 à 601).
- 905.
- Quant aux tableaux Solvay relatifs au marché italien (annexes 33 à 41 à la
communication des griefs), pour les raisons déjà indiquées (voir ci-dessus points 629
à 635), la requérante ne peut prétendre que les chiffres de ventes qu'ils comportent
pouvaient être déterminés au vu de données publiques. En outre, si la seconde note
de bas de page que comporte l'annexe 34 fait état d'une vive concurrence, cela
n'explique pas comment Solvay avait connaissance des chiffres de ventes de chacun
de ses concurrents. A ce titre, il convient de rappeler que la première note de bas
de page portée sur ce document précise: «La répartition du marché national entre
les différents producteurs pour 1980 a été indiquée sur la base de l'échange de
données avec nos confrères.» (Voir ci-dessus point 629.)
- 906.
- En ce qui concerne les initiatives de prix, dont la Commission a démontré qu'il
s'agissait d'initiatives concertées adoptées en violation de l'article 85, paragraphe 1,
du traité (voir ci-dessus points 637 à 661), la requérante produit un tableau dans
lequel elle compare les prix cibles allégués par la Commission et les prix
effectivement pratiqués par Montedison (point 10 de la requête). Elle déduit de la
différence entre eux qu'elle ne peut avoir participé aux initiatives de prix.
Toutefois, la requérante ne précise à aucun moment ni la source des chiffres dont
elle affirme qu'ils constituent les prix effectivement pratiqués par elle, ni la date
précise à laquelle ces prix effectivement pratiqués ont été constatés. En toute
hypothèse, ce tableau montre que les prix effectivement pratiqués par la
requérante, à les supposer exacts, étaient inférieurs aux prix cibles; or, la
Commission a toujours reconnu que les entreprises n'étaient pas parvenues à
atteindre les prix cibles. Enfin, la requérante, comme d'autres producteurs, ne se
voit pas reprocher la mise en oeuvre des initiatives de prix, la Commission n'ayant
pu obtenir de celle-ci des documents relatifs aux prix, mais n'est mise en cause que
pour sa participation aux réunions informelles entre producteurs au cours
desquelles était décidée la fixation de prix cibles (voir ci-dessus points 774 à 777).
- 907.
- Par ailleurs, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs italiens ne sont pas
restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents,
tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels
il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble
des prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes
évoquent plus spécifiquement le marché italien et permettent de conclure que les
initiatives de prix devaient s'appliquer en Italie, même si elles montrent que
l'augmentation prévue n'a parfois pas eu lieu, ce qui suscitait les critiques des
concurrents. C'est notamment ce qui ressort des annexes P9, P24, P26 et P28.
- 908.
- Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a
conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
j) Hüls
Arguments de la requérante
- 909.
- La requérante soutient, en premier lieu, que rien ne permet d'établir un lien entre
elle et les documents de planification. Ainsi, il ne serait pas prouvé que la liste de
contrôle, établie par un tiers, ait été communiquée à la requérante, ou que celle-ci
ait participé à l'élaboration de la réponse aux propositions et ait donc donné son
accord aux prétendues planifications. L'abréviation «H», portée sur ces documents,
ne signifierait pas nécessairement Hüls: d'une part, Hüls et Hoechst seraient, en
1984, deux producteurs allemands de taille semblable, d'autre part, la lettre H
aurait été, en 1980, l'initiale de cinq producteurs de PVC. La présomption de la
Commission serait ainsi réduite à néant, d'autant que, jusqu'en 1985, la requérante
ne s'appelait pas Hüls AG, mais Chemische Werke Hüls AG, généralement connue
sous l'abréviation CWH.
- 910.
- En second lieu, la preuve de la participation de la requérante à des réunions
illicites et de la régularité de cette participation n'aurait pas été rapportée, en
l'absence de procès-verbaux. Les déclarations d'ICI et de BASF ne seraient pas
probantes, puisque ces deux entreprises ont toujours nié l'objet illicite des réunions.
- 911.
- En troisième lieu, la participation de la requérante aux initiatives de prix ne serait
pas démontrée, en l'absence de documents internes de l'entreprise en matière de
prix. Elle ne pourrait par ailleurs être déduite de la participation aux réunions,
puisque, précisément, la requérante n'a pas assisté aux réunions illicites.
- 912.
- En quatrième lieu, la note d'ICI du 15 avril 1981 n'établirait pas la participation
de la requérante à un système de quotas. La participation au prétendu mécanisme
de compensation mis en place pour renforcer ce système ne serait pas plus
démontrée. Par ailleurs, le tableau Atochem ne serait pas probant, puisque les
chiffres qui y sont mentionnés comportent des différences sensibles avec les ventes
réelles.
- 913.
- En dernier lieu, la Commission n'aurait pas apporté la preuve de la participation
de la requérante à un prétendu échange d'informations. Les tableaux Solvay ne
seraient en effet pas probants.
Appréciation du Tribunal
- 914.
- Hüls a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entre
producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi l'objet
anticoncurrentiel (voir ci-dessus points 679 à 686).
- 915.
- La présence de représentants de cette entreprise aux réunions a été confirmée par
BASF (voir ci-dessus point 677).
- 916.
- Selon les documents de planification, le «groupe de planification des 6» devait être
composé de «S», «ICI», «W», «H» et de la «nouvelle société française». Après
avoir rappelé que ICI avait refusé de confirmer l'identité des entreprises ainsi
désignées, la Commission a indiqué dans sa Décision (point 7): «Il ressort
clairement du contexte et de la liste des participants proposés [...] que 'H est,
selon toute probabilité, Hüls, le plus gros producteur allemand de PVC (Hoechst,
la seule autre possibilité, n'était qu'un petit producteur de PVC).»
- 917.
- La requérante conteste tout d'abord que «H» puisse désigner Hüls. En effet,
jusqu'en 1985, la dénomination complète de la requérante était Chemische Werke
Hüls AG, et le sigle correspondant CWH. Cette argumentation ne saurait être
retenue. En effet, dans les documents de planification, l'indication des membres
proposés du «nouveau cadre de réunions» est faite sous la forme de simples
initiales, plutôt que sous celle d'un sigle officiel et reconnu. En outre, tant le
tableau Atochem que la réponse d'ICI à une demande de renseignements, qui
datent de 1984, se réfèrent à Hüls. De même, plusieurs annexes au mémoire
introductif de la requérante, datant du début des années 1980, font apparaître un
papier commercial portant, en grands caractères, la mention Hüls, et, en petits
caractères, le sigle «CWH». Si l'appellation Hüls n'était donc pas la dénomination
officielle de la requérante, elle en était manifestement l'appellation usuelle.
- 918.
- Or, ainsi que la Commission l'a souligné dans la Décision, il apparaît que, à la date
d'élaboration des documents de planification, Hüls était le plus important
producteur et vendeur allemand de PVC et l'un des principaux en Europe. Cette
constatation est confirmée par les réponses des requérantes à une question du
Tribunal. En outre, les quatre autres entreprises désignées comme membres
pressentis du «groupe de planification» étaient également les principaux
producteurs de PVC en Europe en 1980.
- 919.
- Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia,
relatif aux mécanismes de compensation, désigne indirectement Hüls.
- 920.
- La requérante est désignée dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-ce
sous une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage des ventes cibles
des quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).
- 921.
- Hüls est également citée dans les tableaux Solvay. Parmi les chiffres de ventes
mentionnés que la Commission a été en mesure de vérifier, trois concernent la
requérante et sont exacts (voir ci-dessus point 627).
- 922.
- Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de Hüls qui lui
aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives de
prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs allemands ne
sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des
documents, tels que les annexes P1, P3, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48,
dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées à
augmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives du
secteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché allemand et
permettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées.
C'est notamment ce qui ressort des annexes P23, P24, P26, P29, P30, P41 et P58.
- 923.
- Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a
conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
k) Enichem
Arguments de la requérante
- 924.
- Selon la requérante, la Commission n'a pas établi qu'elle ait participé à l'une
quelconque des manifestations de l'entente.
- 925.
- Ainsi, en premier lieu, en ce qui concerne l'origine de l'entente, aucune
responsabilité ne pourrait être imputée à la requérante. En effet, celle-ci n'aurait
pas pris part à la rédaction des documents de planification. En outre, le seul fait
d'être citée, à son insu, par des entreprises tierces qui auraient eu l'intention de
l'inviter à participer à des réunions, ne serait pas de nature à faire naître une telle
responsabilité. Enfin, il ne serait pas établi que la réponse aux propositions
constitue effectivement la réponse des personnes auxquelles la liste de contrôle
devait être adressée.
- 926.
- En second lieu, en ce qui concerne les réunions entre producteurs, la requérante
observe qu'ICI et BASF ont cité les noms d'Anic ou d'Enichem; or, du mois
d'octobre 1981 au mois de février 1983, il n'aurait pas existé de société
d'exploitation répondant, en tout ou en partie, à ces dénominations. En outre, en
toute hypothèse, la Commission aurait dû encore prouver l'identité des participants
et le rythme de ces participations.
- 927.
- En troisième lieu, en ce qui concerne les initiatives de prix, la requérante fait valoir
qu'il n'existe aucune preuve de sa participation à ces initiatives. L'absence de
documents internes d'Enichem en matière de prix ne pourrait signifier, comme le
voudrait la Commission, que ces documents, parce que compromettants, auraient
été cachés ou détruits; un tel raisonnement, purement spéculatif, violerait le
principe selon lequel la charge de la preuve incombe à la Commission. Par ailleurs,
rien n'établirait même la participation de la requérante aux réunions qui, selon la
Commission, ont précédé les augmentations de prix. Au contraire, plusieurs
documents montreraient qu'Enichem a adopté sur le marché italien une politique
de prix agressive.
- 928.
- En quatrième lieu, en ce qui concerne les quotas, la requérante souligne que
l'unique document mentionnant Enichem ou Anic est le tableau Atochem. Or, non
seulement ce seul document ne pourrait suffire à établir la participation de la
requérante, mais en outre il ne serait pas probant, compte tenu de l'écart
significatif entre les données de ventes qui y sont citées (toutes supérieures à
14 %), et les données réelles (12,3 %). Dans ces conditions, la constatation que,
durant la période visée par l'enquête, les parts de marché ont substantiellement
changé, démontrerait qu'il n'a pas existé d'entente en matière de quotas.
- 929.
- En cinquième lieu, en ce qui concerne le contrôle des ventes, les seuls éléments de
preuve de la participation d'Enichem seraient les tableaux Solvay. Or, ceux-ci ne
présenteraient aucun caractère probant.
- 930.
- La requérante conclut que, en l'absence de preuves à l'encontre d'Enichem, il
importe peu que celles-ci doivent être considérées dans leur ensemble, et non
isolément. En tout état de cause, les quatre documents dans lesquels apparaît le
nom de la requérante (annexes 3, 10 et 34 et les déclarations de BASF et d'ICI),
seraient trop isolés pour établir l'adhésion continue de la requérante à une entente
complexe, surtout lorsque, par ailleurs, la politique agressive d'Enichem est
démontrée.
Appréciation du Tribunal
- 931.
- Anic et Enichem, entreprise à laquelle a été imputée le comportement d'Anic, ont
été citées par ICI comme participant aux réunions (voir ci-dessus point 675), dont
la Commission a établi l'objet anticoncurrentiel qu'elles poursuivaient (voir
ci-dessus points 679 à 686).
- 932.
- La présence d'Anic et d'Enichem aux réunions a été confirmée par BASF (voir
ci-dessus point 677).
- 933.
- Enichem fait toutefois observer que, d'octobre 1981 à février 1983, aucune société
d'exploitation du PVC ne portait le nom d'Anic ou d'Enichem, si bien que les
réponses d'ICI et de BASF ne permettraient pas de conclure à sa participation
pendant cette période. Cet argument ne saurait être retenu. De fait, ainsi que l'a
relevé la Commission, le groupe auquel appartient la requérante n'a pas quitté le
marché du PVC pendant cette période, mais avait transféré ses activités dans ce
secteur à une société commune, dont toutes les activités PVC provenaient du
groupe ENI et ont été reprises par celui-ci en février 1983. En outre, les tableaux
Solvay pour l'année 1982 sur le marché italien, montrent que cette filiale commune
a poursuivi la participation à l'infraction reprochée. Enfin, Anic elle-même n'avait
pas disparu, dès lors que ce n'est qu'à la fin de 1982 qu'elle a transféré à la société
commune en question le capital d'une autre société du groupe ENI, SIL, elle-même
propriétaire de sites de production de PVC en Italie.
- 934.
- Anic est une des entreprises désignées dans les documents de planification. Compte
tenu de la corrélation étroite entre les pratiques décrites dans ces documents et
celles constatées sur le marché du PVC dans les semaines qui ont suivi, ces
documents, fussent-ils internes à ICI, comme le soutiennent les requérantes,
constituent un indice de la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
- 935.
- Le tableau Atochem, qui contribue à la démonstration de l'existence d'un
mécanisme de quotas de ventes, comporte l'indication tant du nom de la
requérante que de ses chiffres de ventes pour le premier trimestre de 1984 et d'un
pourcentage cible de ventes qui lui était attribué. Les contestations de la
requérante sur la réalité des chiffres de ventes la concernant ont été précédemment
examinées et rejetées (voir ci-dessus point 615).
- 936.
- En outre, pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document
Alcudia, relatif aux mécanismes de compensation entre producteurs, désigne
indirectement Enichem.
- 937.
- Au demeurant, l'argument selon lequel les parts de marché des producteurs
auraient été profondément modifiées pendant la période d'enquête, ce qui serait
incompatible avec un mécanisme de quotas, est fondé sur un simple renvoi à la
«réalité des faits» (réplique, p. 23) et n'est assorti d'aucun élément probatoire. En
toute hypothèse, il y a lieu de rappeler, ainsi qu'il ressort de la Décision elle-même,
que les documents établissant l'existence de mécanismes de compensation entre
producteurs permettent également de tirer la conclusion que ces mécanismes n'ont
pas correctement fonctionné (voir ci-dessus points 588 et 597). Enfin, dans le cas
particulier d'Enichem, l'évolution des parts de marché n'apparaît pas déterminante,
compte tenu des nombreuses restructurations qu'a connues le groupe pendant la
période d'infraction, par l'acquisition des activités de concurrents dans le secteur
du PVC.
- 938.
- Les tableaux Solvay comportent l'indication du nom de la requérante et ses ventes
sur le marché italien. En outre, le tableau joint en annexe 34 à la communication
des griefs porte le commentaire suivant: «La répartition du marché national entre
les différents producteurs pour 80 a été indiquée sur la base de l'échange avec nos
confrères [...]» Or, l'entente trouvant son origine dans les documents de
planification, qui datent d'août 1980, c'est précisément pour cette année 1980 que
l'échange pouvait être effectif pour la première fois (voir ci-dessus point 629).
- 939.
- La requérante fait encore valoir que la Commission aurait dû préciser l'identité des
entreprises participant à chacune des réunions et, par voie de conséquence, établir
avec quelle régularité chacune y participait. Il y a lieu de relever que la régularité
de la présence d'une entreprise aux réunions entre producteurs n'affecte pas sa
participation à l'infraction, mais le degré de sa participation. En outre, exiger de
la Commission qu'elle établisse la régularité de la participation rendrait en pratique
impossible la sanction d'une entente entre entreprises, hormis le cas dans lequel
seraient découverts des procès-verbaux ou compte rendus de réunions illicites
mentionnant le nom des participants. Enfin, s'il est vrai qu'ICI et BASF, dans leur
réponse aux demandes de renseignements, ont indiqué que les entreprises qu'elles
citaient avaient participé plus ou moins régulièrement aux réunions (voir ci-dessus
points 675 et 677), la Commission en a dûment tenu compte (notamment point 8,
troisième alinéa, et point 26, troisième alinéa). Elle a également pris en
considération cette circonstance dans la détermination du niveau des amendes
(point 53 de la Décision), sous réserve de l'examen de la situation des entreprises
pour lesquelles leur rôle de chef de file ou, au contraire, leur rôle limité, serait
avéré. De fait, si la Commission avait pu obtenir la preuve de la participation de
chacune des entreprises à l'ensemble des réunions entre producteurs au cours
desquelles, pendant près de quatre années, ont été fixés des initiatives de prix
concertées et des mécanismes de volumes de ventes, les amendes infligées, qui ne
dépassent pas 3 200 000 écus, apparaîtraient d'un montant proportionnellement
faible au regard de la gravité de l'infraction.
- 940.
- Enfin, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs italiens ne sont pas
restés extérieurs aux initiatives de prix. Ainsi, au-delà des documents, tels que les
annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels il est fait
référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble des prix
européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes évoquent
plus spécifiquement le marché italien et permettent de conclure que les initiatives
de prix devaient s'appliquer en Italie, même si elles montrent que l'augmentation
prévue n'a parfois pas eu lieu, ce qui suscitait les critiques des concurrents. C'est
notamment ce qui ressort des annexes P9, P24, P26, P28 et P58.
- 941.
- Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission a
conclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.
D Sur l'imputabilité de l'infraction et l'identification des destinataires de la Décision
1. Sur l'imputabilité de l'infraction
Arguments des requérantes
- 942.
- Elf Atochem conteste la motivation de la Décision relative à l'absence de
responsabilité d'Elf Atochem pour les activités de la société PCUK, dont la plus
grande partie de l'activité chimique avait été apportée à Atochem lors de lacréation de celle-ci en 1983. En effet, cette motivation reposerait sur le fait qu'Elf
Atochem «est indiscutablement responsable d'ATO Chimie/Chloe/Orgavyl»
(Décision, point 42, sixième alinéa), et non sur la règle selon laquelle, lorsque
l'entreprise cédante d'une activité continue à exister en tant qu'entité distincte
après la cession, l'entreprise cessionnaire ne supporte aucune responsabilité pour
d'éventuels agissements anticoncurrentiels du cédant antérieurs à la cession.
- 943.
- DSM rappelle que, à compter du 1er janvier 1983, les activités PVC de DSM NV
ont été transférées à LVM, filiale commune de DSM NV et de EMC Belgique SA,
et que LVM a été tenue pour responsable de ses propres faits. En l'espèce, ce
serait donc pour la période antérieure à cette date que se pose la question de
l'imputabilité de l'infraction. Or, par acte du 19 décembre 1984, aurait été
constituée la société DSM Kunststoffen BV, filiale à 100 % de DSM NV. Les droits
et obligations appartenant jusqu'alors à la branche «matières plastiques» de DSM
NV lui auraient été transférés. Bien que DSM Kunststoffen soit une filiale
autonome de DSM NV, ce serait pourtant à cette dernière qu'a été imputée
l'infraction.
- 944.
- Ce faisant, la Commission aurait incorrectement appliqué les règles de droit
communautaire. Le principe serait que, lorsque les droits et obligations, ainsi que
les activités économiques auxquelles se rapporte l'infraction alléguée, ont été
transférés à une autre entreprise, cette infraction doit être imputée à cette autre
entreprise, successeur en droit de la première et, dès lors, destinataire de la
décision (arrêt CRAM et Rheinzink/Commission, précité, points 6 à 9; arrêt du
Tribunal du 28 avril 1994, AWS Benelux/Commission, T-38/92, Rec. p. II-211,
point 30). L'élément déterminant en matière d'imputation d'une infraction serait
le comportement autonome de l'entreprise sur le marché, et non sa structure
juridique (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 133; arrêt du
Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11/89, Rec. p. II-757, points 311 et
312). Or, les requérantes auraient toujours affirmé l'autonomie de comportement
de DSM Kunststoffen, sans être démenties par la Commission, à qui incombait
pourtant la charge de la preuve (arrêt AEG/Commission, précité, point 50). Pour
la période courant du début de l'infraction présumée au début de l'année 1983,
l'infraction aurait donc dû être imputée à DSM Kunststoffen.
- 945.
- Montedison observe qu'elle n'est qu'une entité intermédiaire entre le holding et la
société opérationnelle, puisqu'elle a cessé de produire du PVC le 31 décembre
1980. Pendant les deux années qui ont suivi, cette activité de production aurait
relevé de la filiale Montedipe et, en 1983, cette branche de l'entreprise serait
passée définitivement sous le contrôle d'Enichem. La Commission n'aurait jamais
démontré que Montedipe était dépourvue d'autonomie de gestion par rapport à
Montedison.
- 946.
- Enichem fait valoir que, de l'avis de la Commission, afin d'attribuer la
responsabilité d'une infraction, il convient tout d'abord d'identifier l'entreprise qui
a commis celle-ci, puis de déterminer ce qu'il en est advenu; si l'entreprise qui a
commis l'infraction cède simplement sa branche d'activités PVC à un tiers, mais
subsiste comme sujet de droit indépendant, elle conserverait la responsabilité de
l'infraction; en revanche, si l'entreprise qui a commis l'infraction est absorbée par
une autre entreprise, et cesse donc d'exister, ce serait l'acquéreur qui doit alors
assumer la responsabilité des infractions passées. La requérante relève le caractère
hybride de cette thèse, relevant selon le cas d'un examen juridique ou d'une
appréciation économique.
- 947.
- Enichem fait remarquer que tant sa branche d'activité PVC que, d'une façon
générale, le secteur du PVC en Italie ont connu de profondes modifications,
pendant et après la période couverte par l'enquête.
- 948.
- Ainsi, la société dont la dénomination actuelle est Enichem Anic, et qui aurait dû
être destinataire de la Décision, aurait eu une activité de production de PVC
jusqu'à la fin de 1981, puis de nouveau à partir du début de 1983 jusqu'au transfert
des activités à EVC, filiale commune créée en octobre 1986 entre Enichem et ICI.
Dans l'intervalle, la société qui a opéré sur le marché du PVC aurait été la société
Enoxy, filiale commune créée entre ENI et la société américaine Occidental.
- 949.
- En revanche, durant toute cette période, Enichem, sous différentes dénominations,
n'aurait joué que le rôle de holding des participations de l'État italien dans les
différentes sociétés d'exploitation qui se sont succédé dans le secteur du PVC.
- 950.
- Enfin, les activités d'entreprise dans le secteur du PVC qui, en 1986, ont été
apportées à EVC, auraient été gérées, au cours de la période prise en compte par
la Commission, par une pluralité d'entreprises autonomes (Anic; Occidental;
Montedison, dont les activités PVC exercées par sa filiale Montedipe ont été
cédées, en mars 1983, à Enoxy, devenue société à part entière d'Enichem, depuis
la cession, par Occidental, de ses parts, également au mois de mars 1983; Sir, dont
les activités ont été cédées au groupe ENI en décembre 1981 et Rumianca, filiale
de Sir, dont les activités chimiques ont également été cédées au groupe ENI), qui
toutes ont subsisté comme sujets de droit.
- 951.
- Pourtant, au vu du point 43 de la Décision, il apparaîtrait que la Commission a
attribué à la requérante, Enichem, la responsabilité pour les infractions commises
au cours de la période d'enquête, donc par toutes les entreprises, y compris Sir,
Rumianca et Enoxy (mais à l'exception de Montedipe). Or, s'agissant de Sir et
Rumianca, elles auraient fait partie du groupe Sir Finanziaria, qui subsiste encore
aujourd'hui et qui, en conséquence, devrait continuer de supporter la responsabilité
pour la participation de ses anciennes filiales. De même, Occidental, qui subsiste
aujourd'hui en tant que personne juridique, devrait supporter solidairement la
responsabilité de l'infraction pour la période de décembre 1981 à février 1983,
durant laquelle elle gérait conjointement Enoxy; au lieu de cela, la Décision
n'attribuerait aucune responsabilité à Occidental, en violation du principe de non-discrimination. En réalité, Enichem Anic ne pourrait être considérée comme
responsable que des infractions commises par Anic, jusqu'à la fin de 1981, et par
Enoxy Chimica, depuis février 1983 (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, précité,
points 74 à 88, CRAM et Rheinzink/Commission, précité, et Enichem
Anic/Commission, précité, points 228 et suivants).
Appréciation du Tribunal
- 952.
- A titre liminaire, il apparaît qu'Elf Atochem ne conteste pas la conclusion à
laquelle la Commission est parvenue, à savoir de ne pas lui imputer la
responsabilité des actes de PCUK, mais uniquement la motivation qui la sous-tend.
Dans ces conditions, l'examen du moyen soulevé par cette requérante ne pourrait
conduire à une annulation, même partielle, d'une disposition de la Décision. Dès
lors, en l'absence d'intérêt à agir de la requérante, le moyen doit être rejeté.
- 953.
- Il ressort de la jurisprudence que, lorsque l'existence d'une infraction est établie,
il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de
l'exploitation de l'entreprise au moment où l'infraction a été commise afin qu'elle
réponde de celle-ci. Toutefois, lorsque, entre le moment où l'infraction est commise
et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne responsable
de l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement, il convient de
localiser, dans un premier temps, l'ensemble des éléments matériels et humains
ayant concouru à la commission de l'infraction pour identifier, dans un second
temps, la personne qui est devenue responsable de l'exploitation de cet ensemble,
afin d'éviter que, en raison de la disparition de la personne responsable de son
exploitation au moment de la commission de l'infraction, l'entreprise puisse ne pas
répondre de celle-ci.
- 954.
- Il apparaît que les règles énoncées par la Commission au point 41, deuxième alinéa
et suivants, de la Décision, sont conformes à ces principes.
- 955.
- Il convient en conséquence d'examiner l'application que la Commission a faite de
ces principes, successivement dans le cas de DSM, de Montedison et d'Enichem.
- 956.
- L'argumentation de DSM ne porte que sur l'imputabilité de l'infraction reprochée
à DSM, donc pour la période antérieure à la création de LVM (voir ci-dessus
point 943).
- 957.
- Or, en l'espèce, contrairement aux situations examinées dans les arrêts invoqués
par la requérante, il n'est pas contesté, d'une part, que DSM est l'entreprise qui a
commis l'infraction reprochée avant la constitution de LVM et, d'autre part, que,
malgré la réorganisation à laquelle elle a procédé, par la filialisation de son activité
«matières plastiques», à une date postérieure aux faits reprochés, DSM subsiste
juridiquement. Dès lors, c'est à juste titre que la Commission a, en application des
principes ci-dessus rappelés, retenu la responsabilité de DSM pour la période
litigieuse.
- 958.
- Dans de telles circonstances, la filialisation de la branche d'activités n'a pas
d'influence sur la détermination de l'entreprise responsable de l'infraction.
- 959.
- Dès lors, le moyen soulevé par DSM doit être rejeté.
- 960.
- Selon une jurisprudence constante, la circonstance qu'une filiale a une personnalité
juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit
imputé à la société mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon
autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les
instructions qui lui sont imparties par la société mère (arrêt du 14 juillet 1972,
ICI/Commission, précité, points 132 et 133).
- 961.
- En l'espèce, Montedison a confirmé qu'elle détenait la totalité du capital des
sociétés Montedipe et Montepolimeri, si bien que ces filiales doivent être regardées
comme suivant nécessairement une politique tracée par les organes statutaires qui
fixent la politique de sa société mère (arrêt AEG/Commission, précité, point 50).
- 962.
- Dès lors, le moyen soulevé par Montedison doit être rejeté.
- 963.
- Le moyen soulevé par Enichem comporte, en ce qui concerne l'imputabilité de
l'infraction reprochée, deux griefs. Le premier est relatif à l'imputabilité des actes
de deux sociétés, Sir et Rumianca, commis avant leur incorporation au groupe
auquel appartient la requérante. Le second concerne l'imputabilité des actes
commis durant les mois de janvier 1982 à février 1983 par Enoxy.
- 964.
- En premier lieu, selon la requérante, la Commission lui a imputé la responsabilité
des actes de Sir et de Rumianca, dont les activités PVC ont été acquises par le
groupe ENI en décembre 1981, par le biais d'Anic; or, puisque l'ancienne
maison mère de ces deux sociétés subsiste, celle-ci aurait dû supporter la
responsabilité de l'infraction. A l'appui de sa thèse, la requérante se réfère au
point 43 de la Décision, d'où il ressort qu'«Enichem regroupe les entreprises
publiques italiennes du secteur de la chimie qui fonctionnaient auparavant sous le
nom d'Anic», et qu'Enichem doit «assumer la responsabilité de l'activité d'Anic»
et donc de toutes les sociétés qui lui étaient liées.
- 965.
- Toutefois, il n'apparaît pas que la Commission ait retenu la responsabilitéd'Enichem du fait des activités de Sir et de Rumianca antérieures à leur intégration
dans le groupe auquel appartient la requérante.
- 966.
- En effet, tout d'abord, Sir et Rumianca ne sont pas visées par la Décision. Aucun
grief n'étant formulé à leur encontre, aucune responsabilité pour des faits illicites
de leur part ne peut avoir été imputée à la requérante. Ensuite, le point 43 de la
Décision signifie tout au plus que les activités PVC de Sir et de Rumianca ne sont
imputées à la requérante, notamment pour le calcul de la part de marché en vue
de la détermination du montant des amendes, que depuis le jour où elles ont été
intégrées à Anic. En revanche, il ne permet pas de conclure que la responsabilité
pour d'éventuelles pratiques illicites de Sir et de Rumianca antérieures à cette
intégration ait été imputée à Enichem.
- 967.
- En second lieu, il ressort du dossier et des réponses de la requérante aux questions
posées par le Tribunal lors de l'audience, que, le 29 décembre 1981, ENI et
Occidental ont créé une société commune, Enoxy, à laquelle a été transféré
l'ensemble du secteur PVC contrôlé par ENI, par l'intermédiaire d'Anic; Occidental
a transféré à Enoxy, pour sa part, des activités autres que le PVC. En février 1983,
ENI a repris la participation d'Occidental dans le capital d'Enoxy; quelques jours
plus tard, ENI a cédé toutes ses parts dans le capital du groupe Enoxy à
Enichimica SpA (aujourd'hui Enichem SpA).
- 968.
- Dans ces circonstances, la requérante reproche à la Commission, tout d'abord, de
lui avoir imputé la responsabilité d'actes de la société Occidental, l'autre
maison mère d'Enoxy. Toutefois, ce grief relève d'une simple affirmation que rien
dans la Décision ne vient étayer.
- 969.
- Ensuite, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir également tenu
Occidental pour responsable des actes d'Enoxy, dont elle était pourtant l'une des
deux maisons mères. Toutefois, dès lors que le groupe auquel appartient la
requérante est demeuré présent sur le marché du PVC de janvier 1982 à octobre
1983, par le biais d'une société commune à laquelle elle avait transmis son activité
dans le secteur du PVC, la circonstance que la Commission n'a pas également
poursuivi Occidental n'exclut pas la responsabilité du groupe auquel appartient la
requérante (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 197).
- 970.
- Dans ces conditions, le moyen soulevé par Enichem doit également être rejeté.
2. Sur l'identification des destinataires de la Décision
Arguments des requérantes
- 971.
- DSM soutient, en premier lieu, que la Commission a commis une erreur de droit
en adressant la Décision à DSM NV, plutôt qu'à DSM Kunststoffen. En effet, la
responsabilité de l'infraction commise avant 1983 par DSM NV devrait être
imputée à la seule société DSM Kunststoffen, filiale à 100 % de DSM NV créée
par acte du 19 décembre 1984; c'est donc cette société qui aurait dû être
destinataire de la Décision.
- 972.
- En second lieu, les requérantes soutiennent qu'elles sont victimes d'une
discrimination. En effet, la Commission aurait retenu, au profit de Shell, un
argument analogue au leur (Décision, point 46). A l'inverse, la Commission les
aurait traitées de la même façon qu'Enichem et Montedison, alors que les
situations de fait sont distinctes (Décision, point 45).
- 973.
- En troisième lieu, selon les requérantes, la Commission a méconnu l'obligation de
motivation. En effet, si elle n'est pas tenue de répondre à tous les arguments de
fait soulevés par les entreprises incriminées (arrêt ACF Chemiefarma/Commission,
précité, point 77), elle a pourtant répondu à des griefs semblables formulés par
d'autres entreprises (Décision, points 45 et 46). La motivation à l'égard des
requérantes aurait d'ailleurs dû être d'autant plus circonstanciée qu'elles avaient
explicitement soulevé ce moyen lors de la phase administrative (arrêt AWS
Benelux/Commission, précité, point 27).
- 974.
- Enichem fait valoir que, pour qu'un groupe d'entreprises soit le destinataire
approprié d'une décision, il faut qu'il constitue une seule organisation unitaire
d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable le
but, notamment, de produire et de vendre un produit déterminé (arrêt
Shell/Commission, précité, points 312 et 313). Or, en l'espèce, il n'existerait aucune
preuve établissant le rôle d'Enichem à la tête de cet ensemble de sociétés
(Décision, point 45 in fine).
- 975.
- En réalité, Enichem, en tant que holding, n'aurait assumé aucune responsabilité à
l'égard des activités du secteur des matières thermoplastiques, dont le PVC. Les
points 43 et 45 de la Décision seraient, à ce titre, contradictoires, au motif qu'il ne
peut être affirmé qu'Enichem est, tout à la fois, responsable en qualité de principal
holding d'un groupe et successeur de la société opérationnelle du même groupe.
- 976.
- En réalité, Enichem Anic, selon sa dénomination à compter du 27 mai 1985, serait
le seul sujet de droit qui peut représenter la continuité entre les différentes sociétés
du groupe qui ont opéré, sous différentes raisons sociales, dans le secteur du PVC
jusqu'à ce que, en 1986, l'activité soit confiée à la société EVC, filiale commune
créée avec ICI. Enichem Anic (sous ses diverses dénominations) aurait géré de
manière autonome, par rapport à Enichem, le cycle entier de production des
matières thermoplastiques et de commercialisation directe en Italie. Par ailleurs,
toutes les sociétés qui s'occupaient de la commercialisation à l'étranger des produits
d'Enichem Anic, y compris les filiales d'Enichem International, qui n'est pas une
filiale à part entière d'Enichem, l'auraient fait sur la base de contrats de
distribution ou d'agences avec Enichem Anic. Seule Enichem Anic aurait donc pu
être destinataire de la Décision.
- 977.
- Pour conforter son point de vue, la requérante observe que la décision du
24 novembre 1987, prise en application de l'article 11, paragraphe 5, du règlement
n° 17, était adressée à Enichem Anic (à l'époque Enichem Base). En outre, la
vérification du 21 janvier 1987 aurait été effectuée dans les locaux de cette
entreprise. Par ailleurs, si la communication des griefs a été adressée à Enichem,
ce serait uniquement parce que la Commission croyait que cette société était la
société d'exploitation du groupe, et non en raison du fait qu'elle était un holding
du groupe. Enfin, la requérante souligne que la décision 86/398 du 23 avril 1986,
dans l'affaire du polypropylène, a été adressée à Anic SpA, c'est-à-dire à Enichem
Anic, puisque telle était la dénomination de la société depuis le 27 mai 1985.
Appréciation du Tribunal
- 978.
- Ainsi que la Commission l'a relevé au point 44 de la Décision, si la notion
d'entreprise, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, ne se confond pas
nécessairement avec celle de société dotée de la personnalité juridique, il est
nécessaire, pour l'application et l'exécution des décisions, d'identifier une entité
dotée de la personnalité juridique qui sera destinataire de l'acte.
- 979.
- Dès lors que DSM est le seul auteur de l'infraction et constitue donc la seule
société, disposant de la personnalité juridique, à laquelle l'infraction est imputée,
la question même de l'identification du destinataire ne se pose pas. Le destinataire
ne pouvait être que la société DSM NV, seul auteur de l'infraction.
- 980.
- Cette conclusion découlant de l'application directe des principes rappelés au
point 44 de la Décision, le rappel de ceux-ci constitue une motivation suffisante
dans le cas de la requérante.
- 981.
- Par ailleurs, dans le cas de DSM, une seule entreprise, qui subsiste juridiquement,
a commis l'infraction. Ni Shell, ni Enichem, ni Montedison, ne se trouvent dans la
même situation. Dès lors, le prétendu traitement différent accordé à ces trois
entreprises par la Commission, lors de la détermination du destinataire de la
Décision, ne saurait constituer une discrimination à l'encontre de DSM.
- 982.
- Les moyens et arguments soulevés par DSM doivent, dès lors, être rejetés.
- 983.
- Au point 45 de la Décision, la Commission a indiqué ce qui suit: «Enichem et
Montedison ont affirmé que le destinataire d'une décision devait être la société du
groupe qui assume actuellement la responsabilité des activités dans le secteur des
thermoplastiques. La Commission note toutefois que, dans les deux cas, la
responsabilité commerciale est partagée par d'autres sociétés du groupe. Ainsi,
alors qu'Enichem Anic SpA est responsable des ventes de PVC d'Enichem en
Italie, ses opérations commerciales internationales sont dirigées par Enichem
International SA, une société ayant son siège à Zurich, et, dans chaque État
membre, les ventes de PVC sont assurées par la filiale nationale d'Enichem. C'est
pourquoi la Commission considère que le destinataire de la présente décision doit
être le principal holding qui est à la tête des groupes Enichem et Montedison.»
- 984.
- Montedison a confirmé que, pendant la période d'infraction, elle détenait
l'intégralité du capital des sociétés Montedipe et Montepolimeri. Dans cette
hypothèse, il apparaît superflu de vérifier si la requérante pouvait influencer de
manière déterminante le comportement commercial de ses filiales (arrêt
AEG/Commission, précité, point 50).
- 985.
- Dans ces conditions, la Commission a, à juste titre, adressé la Décision à
Montedison.
- 986.
- Il y a lieu de souligner que, ainsi que le reconnaît Enichem, le moyen qu'elle
soulève «ne constitue pas une fin en soi, mais le fondement essentiel des
développements ultérieurs relatifs au montant de l'amende, laquelle a évidemment
été calculée en fonction du chiffre d'affaires du holding, bien supérieur à celui de
la société d'exploitation» (réplique, p. 15). Or, en l'espèce, il apparaît que, ainsi
qu'elle en a le droit (notamment arrêts de la Cour du 15 juillet 1970,
Boehringer/Commission, précité, point 55, et du 8 novembre 1983, IAZ
e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369,
points 51 à 53), la Commission a déterminé au préalable un montant global de
l'amende, qui a ensuite été réparti entre les entreprises en fonction de la part de
marché moyenne détenue par chacune et d'éventuelles circonstances atténuantes
ou aggravantes propres à chacune. Dès lors, sous réserve de l'application de
l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, fixant le seuil maximal de l'amende
susceptible d'être infligée par la Commission, le chiffre d'affaires du holding n'a pas
été pris en compte pour la détermination du montant de l'amende individuelle
infligée à la requérante. Dans cette mesure, la requérante n'a pas d'intérêt à
soulever le présent moyen.
- 987.
- Au demeurant, ainsi qu'il ressort du point 45 de la Décision, Enichem Anic n'était
qu'une des sociétés d'exploitation du PVC au sein du groupe ENI. Elle contrôlait
ainsi des établissements de production en Italie et était en charge de la
commercialisation en Italie. D'autres sociétés du groupe, contrôlées par
l'intermédiaire de la société de droit suisse Enichem International SA, étaient en
revanche responsables de la commercialisation en dehors de ce marché
géographique. On ne saurait dès lors admettre qu'une société telle qu'Enichem
Anic, qui ne représente qu'une partie de l'activité PVC du groupe, soit
nécessairement seule destinataire de la Décision.
- 988.
- En outre, il est constant que la requérante n'est qu'un holding, sans activité
opérationnelle. La requérante a confirmé que «pendant l'ensemble de la période
d'enquête, Enichem SpA [sous différentes dénominations] a continué à ne jouer
que le rôle de holding des participations de l'État dans les différentes sociétés
d'exploitation qui se sont succédé dans le secteur du PVC» (voir requête, p. 57).
- 989.
- En présence d'une telle situation, dans laquelle il existe une multitude de sociétés
opérationnelles, tant en termes de production que de commercialisation, réparties
de surcroît en fonction de marchés géographiques spécifiques, la Commission ne
commet pas d'erreur de droit en décidant d'adresser sa décision au holding du
groupe, plutôt que, comme le voudrait la requérante, à l'une des sociétés
opérationnelles du groupe.
- 990.
- Il est exact que, dans l'affaire polypropylène, la Commission avait adressé la
décision à Enichem Anic, et non à la requérante. Toutefois, cette seule constatation
ne peut conduire à la conclusion que le choix de la requérante comme personnalité
juridique destinataire de la Décision serait nécessairement erroné. En effet, d'une
part, il n'est nullement établi que l'organisation du groupe ENI dans le secteur du
polypropylène était, à l'époque des faits, identique à celle prévalant dans le secteur
du PVC. D'autre part, en toute hypothèse, le fait que la Commission a, dans une
affaire, adressé la décision à une société donnée ne peut la lier dans d'autres
affaires.
- 991.
- La circonstance qu'une décision de demande de renseignements a été adressée à
Enichem Anic et qu'une procédure de vérification est intervenue au siège de cette
même entreprise n'est pas déterminante pour l'identité du destinataire de la
Décision, dès lors que, aux termes des articles 11 et 14 du règlement n° 17, toute
entreprise peut faire l'objet d'une demande de renseignements ou d'une procédure
de vérification.
- 992.
- Dès lors, le moyen doit être rejeté.
III Sur les moyens relatifs à l'accès au dossier
A Sur les conditions dans lesquelles la Commission a donné accès à son dossier lors
de la procédure administrative
Arguments des parties
- 993.
- Certaines requérantes reprochent à la Commission de ne leur avoir donné accès
qu'à une partie de son dossier administratif.
- 994.
- Au stade de la réplique, se fondant sur les arrêts du Tribunal du 29 juin 1995,
Solvay/Commission (T-30/91, Rec. p. II-1775), et ICI/Commission, T-36/91, précité,
ces requérantes confirment que, ainsi qu'elles le soutenaient dans leur requête,
l'accès limité au dossier constitue la violation d'une forme substantielle affectant
les droits de la défense. En effet, la seule possibilité que des documents à décharge
existent suffirait pour constater une violation des droits de la défense, qui ne
pourrait être régularisée par le Tribunal dans le cadre de son contrôle juridictionnel
(arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 98, et
ICI/Commission, T-36/91, précité, point 108). Dès lors, la Décision devrait être
annulée.
- 995.
- Dans son mémoire en défense, dans les différentes affaires, la Commission a
rappelé que le point 27 de la Décision expose les raisons pour lesquelles elle
n'avait pas accueilli les demandes des entreprises, formées durant la procédure
administrative, d'avoir pleinement accès au dossier.
- 996.
- Confirmant les raisons ainsi invoquées, elle soutient avoir donné régulièrement
accès à son dossier administratif.
- 997.
- Ainsi, la jurisprudence ne reconnaîtrait pas un droit absolu d'accès à ce dossier
(arrêts de la Cour VBVB et VBBB/Commission, précité, et du 3 juillet 1991,
AKZO/Commission, C-62/86, Rec. p. I-3359; arrêt du Tribunal du 1er avril 1993,
BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65/89, Rec. p. II-389). Dans la
mesure où le moyen des requérantes consisterait à demander un tel accès intégral,
il serait donc non fondé.
- 998.
- La Commission ne serait tenue de donner accès qu'à l'ensemble des pièces sur
lesquelles s'appuient ses conclusions. Or, non seulement tel aurait été le cas en
l'espèce, mais la Commission serait même allée au-delà de ces exigences en
adressant à ces entreprises, le 3 mai 1988, des pièces supplémentaires qui, à son
avis, étaient susceptibles d'être utiles à la défense (Décision, point 27, dernier
alinéa, in fine).
- 999.
- Dans certaines affaires, la Commission conteste le principe posé par le Tribunal
dans l'arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission (T-7/89, Rec.
p. II-1711), selon lequel elle est tenue de respecter les principes qu'elle a elle-même fixés dans le Douzième Rapport sur la politique de concurrence et, en
conséquence, de divulguer, au-delà des documents à charge, les pièces de son
dossier administratif, sous certaines réserves.
- 1000.
- Les requérantes n'auraient pas démontré la mauvaise foi des agents de la
Commission.
- 1001.
- Si des documents utiles à la défense existaient dans le dossier des autres
entreprises, l'entreprise dont ils émanaient s'en serait prévalue.
- 1002.
- De surcroît, les requérantes auraient été autorisées à procéder à un échange des
documents entre elles, sur le fondement d'une levée réciproque de confidentialité,
sous réserve toutefois qu'un tel échange ne porte pas sur des données
commerciales sensibles, dont l'échange pourrait constituer une restriction de
concurrence (voir Décision, point 27, troisième alinéa).
- 1003.
- La Commission rappelle, enfin, le caractère confidentiel des documents que
comportait son dossier administratif. S'agissant de documents commerciaux internes
à chaque entreprise, il résulterait tant de l'article 214 du traité que de l'article 20,
paragraphe 2, du règlement n° 17 qu'elle était tenue de ne pas les divulguer. Au
demeurant, la Commission a fourni, durant la procédure administrative, une liste
des pièces que contient le dossier.
- 1004.
- Les entreprises devraient, à tout le moins, identifier les pièces qu'elles considèrent
comme susceptibles d'être utiles à leur défense.
- 1005.
- Au stade de la duplique, la Commission fait observer que les arrêts du 29 juin
1995, Solvay/Commission, T-30/91, et ICI/Commission, T-36/91, précités, confirment
qu'il n'existe pas un droit absolu d'accès au dossier administratif. En particulier, les
entreprises ne peuvent avoir un droit d'accès ni aux documents comportant des
secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles ni aux documents internes
de la Commission. Dans ces conditions, ce serait à juste titre que n'ont pas été
divulgués aux entreprises les documents commerciaux émanant de chacune d'elles.
- 1006.
- La Commission relève que la distinction entre documents à charge et à décharge
est déterminante. Tandis que l'éventuel défaut d'accès à des documents à charge
n'entraînerait que l'élimination de ces documents en tant que moyen de preuve
(arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, précité, point 71), le défaut
d'accès à des documents à décharge aurait pour conséquence l'illégalité de la
décision, le Tribunal ne pouvant régulariser la violation des droits de la défense
intervenue au stade de la procédure administrative (arrêt du 29 juin 1995,
Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 98).
- 1007.
- Toutefois, afin de déterminer s'il existe des pièces à décharge dans les documents
non divulgués, il ne suffirait pas d'affirmer qu'une telle possibilité existe, mais il
conviendrait de procéder à une sorte d'examen de plausibilité. Or, en l'absence des
circonstances propres aux arrêts précités du 29 juin 1995 dans les affaires T-30/91
et T-36/91, à savoir, d'une part, la constatation d'infractions reposant sur des
comportements parallèles, et non sur des preuves directes, et, d'autre part, le fait
que les entreprises concernées au titre de l'article 85 du traité s'étaient vu en outre
reprocher un abus de position dominante, rien n'indiquerait que, dans les pièces
non communiquées, il ait pu se trouver des documents éventuellement à décharge.
- 1008.
- La Commission conclut que le seul défaut de communication de pièces lors de la
procédure administrative ne peut, en lui-même, conduire à l'annulation de la
Décision.
Appréciation du Tribunal
- 1009.
- A titre liminaire, il convient de relever que Montedison n'a pas, dans sa requête,
soulevé de moyen relatif à l'accès au dossier.
- 1010.
- Il est constant entre les parties que, lors de la procédure administrative, la
Commission n'a octroyé l'accès qu'à une partie de son dossier administratif. Ainsi,
outre les documents issus de ses propres services, chaque requérante a disposé de
l'ensemble des pièces sur lesquelles la Commission appuyait ses conclusions et
d'une série d'autres documents, adressés par lettre du 3 mai 1988.
- 1011.
- L'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux
destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments
de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se
prononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la
Commission est parvenue dans sa communication des griefs. L'accès au dossier
relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense.
Or, le respect de ces droits dans toute procédure susceptible d'aboutir à des
sanctions constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être
observé en toutes circonstances, même s'il s'agit d'une procédure de caractère
administratif. Le respect effectif de ce principe exige que l'entreprise ait été mise
en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement
son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances
allégués par la Commission (arrêts du Tribunal du 29 juin 1995,
Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 59, ICI/Commission, T-36/91, précité,
point 69, ICI/Commission, T-37/91, précité, point 49, et la jurisprudence citée).
- 1012.
- A ce titre, dans le cadre de la procédure contradictoire organisée par le règlement
n° 17, il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont les
documents utiles à la défense (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91,
précité, point 81, et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 91). Eu égard au
principe général d'égalité des armes, il ne saurait être admis que la Commission
puisse décider seule d'utiliser ou non des documents contre les requérantes, alors
que celles-ci n'y ont pas eu accès et n'ont donc pas pu prendre la décision
correspondante de les utiliser ou non pour leur défense (arrêts du 29 juin 1995,
Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 83, et ICI/Commission, T-36/91, précité,
point 93).
- 1013.
- En outre, une éventuelle violation des droits de la défense a un caractère objectif
et ne dépend pas de la bonne ou de la mauvaise foi des fonctionnaires de la
Commission (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 84,
et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 94).
- 1014.
- Par ailleurs, la défense d'une entreprise ne peut pas dépendre de la bonne volonté
d'une autre entreprise qui est censée être sa concurrente et contre laquelle des
reproches similaires ont été soulevés par la Commission. L'instruction corrected'une affaire de concurrence étant à la charge de la Commission, celle-ci ne peut
la déléguer aux entreprises dont les intérêts économiques et procéduraux sont
souvent opposés. En conséquence, il est sans pertinence, au regard de la violation
des droits de la défense, que les entreprises mises en cause aient été autorisées à
procéder à un échange de documents. En effet, une telle coopération des
entreprises, par ailleurs aléatoire, ne peut en aucun cas éliminer le devoir de la
Commission de garantir elle-même, pendant l'instruction d'une infraction au droit
de la concurrence, le respect des droits de la défense des entreprises concernées
(arrêt Solvay/Commission, T-30/91, précité, points 85 et 86, et ICI/Commission,
T-36/91, précité, points 95 et 96).
- 1015.
- Toutefois, ainsi que la Commission l'a souligné, l'accès au dossier ne saurait
s'étendre aux documents internes de l'institution, aux secrets d'affaires d'autres
entreprises et aux autres informations confidentielles (arrêt BPB Industries et
British Gypsum/Commission, point 29).
- 1016.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon un principe général qui s'applique
pendant le déroulement de la procédure administrative et dont l'article 214 du
traité et diverses dispositions du règlement n° 17 constituent l'expression, les
entreprises ont droit à la protection de leurs secrets d'affaires. Toutefois, ce droit
doit être mis en balance avec la garantie des droits de la défense (arrêts du 29 juin
1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 88, et ICI/Commission, T-36/91,
précité, point 98).
- 1017.
- Dans ces conditions, la Commission ne saurait se référer, de manière générale, à
la confidentialité pour justifier le refus total de divulgation des pièces de son
dossier. En l'espèce, elle ne soutient d'ailleurs pas sérieusement que l'intégralité des
informations contenues dans ces pièces étaient couvertes par la confidentialité. Dès
lors, la Commission était en mesure de préparer, ou de faire préparer, une version
non confidentielle des documents en cause ou, le cas échéant, si cela s'avérait
difficile, d'établir une liste des documents concernés suffisamment précise pour
permettre à l'entreprise de déterminer, en connaissance de cause, si les documents
décrits étaient susceptibles d'être pertinents pour sa défense (arrêts du 29 juin
1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, points 89 à 95, et ICI/Commission,
T-36/91, points 99 à 105).
- 1018.
- En l'espèce, force est de constater qu'aucune version non confidentielle des
documents en cause n'a été préparée. Par ailleurs, si la Commission a effectivement
fourni aux requérantes une liste des documents que contenait son dossier, cette
liste ne présentait aucune utilité pour les requérantes. En effet, elle se bornait à
indiquer l'entreprise dont étaient issues, de manière globale, les pages
correspondantes du dossier administratif.
- 1019.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que, lors de la
procédure administrative dans la présente affaire, la Commission n'a pas
régulièrement donné accès au dossier aux requérantes.
- 1020.
- Toutefois, cette circonstance ne saurait, en elle-même, conduire à l'annulation de
la Décision.
- 1021.
- En effet, une violation alléguée des droits de la défense doit être examinée en
fonction des circonstances de chaque cas d'espèce, en ce qu'elle dépend
essentiellement des griefs retenus par la Commission pour établir l'infraction
reprochée à l'entreprise concernée. Ainsi, il s'agit de vérifier si les possibilités de
défense de la requérante ont été affectées par les conditions dans lesquelles elle
a eu accès au dossier administratif de la Commission. A cet égard, pour constater
une violation des droits de la défense, il suffit qu'il soit établi que la non-divulgation
des documents en question a pu influencer, au détriment de la requérante, le
déroulement de la procédure et le contenu de la décision (arrêts du 29 juin 1995,
Solvay/Commission, T-30/91, précité, points 60 et 68, et ICI/Commission, T-36/91,
précité, points 70 et 78; voir également, dans le domaine des aides d'État, arrêt du
11 novembre 1987, France/Commission, point 13).
- 1022.
- Si tel était le cas, la procédure administrative serait viciée et la Décision devrait
être annulée. En effet, la violation des droits de la défense intervenue au stade de
la procédure administrative ne saurait être régularisée lors de la procédure devant
le Tribunal, qui se limite à un contrôle juridictionnel dans le seul cadre des moyens
soulevés et qui ne peut donc pas remplacer une instruction complète de l'affaire
dans le cadre d'une procédure administrative. En effet, si les requérantes avaient
pu se prévaloir, lors de la procédure administrative, des documents susceptibles de
les disculper, elles auraient éventuellement pu influencer les appréciations portées
par le collège des membres de la Commission (arrêts du 29 juin 1995,
Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 98, et ICI/Commission, T-36/91, précité,
point 108).
- 1023.
- Par lettre du 7 mai 1997, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure
et sous réserve de l'appréciation des moyens invoqués par les requérantes, le
Tribunal a décidé d'accorder à chacune d'entre elles l'accès au dossier de la
Commission, à l'exception des documents internes de la Commission et de
documents comportant des secrets d'affaires ou d'autres informations
confidentielles. Il a invité les parties à lui faire connaître toute information
confidentielle qui pourrait subsister dans le dossier. Enfin, les requérantes qui le
souhaitaient ont été invitées à présenter, pour le 31 juillet 1997, des observations
précises, motivées et aussi brèves que possible, en vue de démontrer en quoi, selon
elles, le défaut de communication de ces pièces avait pu affecter leur défense. Les
requérantes devaient soumettre une copie des pièces auxquelles elles se
référeraient.
- 1024.
- Aucune des requérantes n'a soulevé de problème de confidentialité.
- 1025.
- Afin de tenir compte des délais nécessaires à la Commission pour s'assurer auprès
d'entreprises tierces que des pièces issues de celles-ci ne seraient pas couvertes par
la confidentialité, et en considération de la demande du conseil de BASF, fondée
sur d'impérieux motifs personnels, le Tribunal a prorogé le délai octroyé aux
requérantes pour déposer leurs observations sur les pièces qu'elles avaient
consultées jusqu'au 31 août 1997, puis jusqu'au 22 septembre 1997.
- 1026.
- Ainsi qu'il a déjà été relevé, seules Wacker et Hoechst n'ont pas répondu à
l'invitation du Tribunal et n'ont donc pas déposé d'observations au greffe du
Tribunal. A l'audience, le conseil de ces deux requérantes a indiqué que des
contraintes personnelles l'avaient empêché de consulter le dossier de la
Commission et de déposer des observations. Toutefois, le Tribunal constate qu'il
n'a, à aucun moment, été saisi d'une demande de prorogation de délai à ce titre
et que Wacker et Hoechst n'ont, à aucun moment, déposé d'observations. Dans ces
conditions, il y a lieu de considérer que ces deux requérantes ne sont pas parvenues
à démontrer que l'absence de communication de pièces pendant la procédure
administrative a violé leurs droits de la défense.
- 1027.
- La Commission a déposé ses observations le 12 décembre 1997.
- 1028.
- En outre, ainsi qu'il a déjà été relevé, Montedison n'avait pas soulevé de moyens
relatifs à l'accès au dossier administratif. Dès lors, il n'y a pas lieu de tenir compte
des observations déposées par cette requérante.
- 1029.
- Il convient, dans ces conditions, d'examiner la portée des observations présentées
par les neuf autres requérantes à la suite de la mesure d'organisation de la
procédure décidée par le Tribunal.
B Sur les observations déposées dans le cadre de la mesure d'organisation de la
procédure
Arguments des requérantes
- 1030.
- Les neuf requérantes qui ont valablement soumis des observations ont produit une
série de pièces dont le défaut de divulgation aurait pu, selon elles, affecter leurs
droits de la défense.
- 1031.
- Certaines requérantes soulignent que non seulement la Commission ne leur a pas
donné accès au dossier lors de la procédure administrative, mais qu'en outre elle
avait délibérément obscurci certains passages des pièces qu'elle avait
communiquées. Or, ces passages comporteraient des commentaires qui auraient pu
soutenir les thèses des requérantes.
- 1032.
- Certaines requérantes font valoir également que, compte tenu du temps écoulé, il
n'est plus possible de procéder à un examen effectif des pièces qu'elles ont pu
consulter.
- 1033.
- D'autres enfin observent que les pièces auxquelles elles se réfèrent suffisent déjà
à démontrer en quoi leurs droits de la défense ont pu être affectés, mais que
d'autres documents auraient pu également être produits pour soutenir cette
conclusion.
- 1034.
- DSM et LVM demandent par ailleurs au Tribunal d'ordonner la production des
comptes rendus de vérifications opérées par la Commission au siège des
entreprises.
Appréciation du Tribunal
- 1035.
- A titre liminaire, il y a lieu de relever que le présent contrôle a pour objet de
vérifier si le défaut de divulgation de pièces ou d'extraits de pièces a pu affecter
les possibilités de défense des requérantes. La circonstance que des passages de
pièces, révélés depuis lors, avaient été initialement obscurcis par la Commission lors
de la procédure administrative ne modifie pas la portée du contrôle opéré par le
Tribunal. A cet égard, il convient de rappeler qu'une éventuelle violation des droits
de la défense a un caractère objectif et ne dépend pas de la bonne ou de la
mauvaise foi des fonctionnaires de la Commission.
- 1036.
- Par ailleurs, les requérantes ont disposé d'un délai de près de trois mois pour
consulter le dossier de la Commission et déposer leurs observations. Dès lors qu'il
appartient aux entreprises qui se sont prévalues d'un accès incomplet au dossier
administratif de démontrer en quoi leurs droits de la défense auraient été affectés,
ce pour quoi elles ont disposé d'un délai suffisant, il y a lieu de ne prendre en
compte que les pièces qu'elles ont produites. Les requérantes ne peuvent utilement
se limiter à se référer à l'absence d'exhaustivité des documents qu'elles ont
identifiés dans leurs observations et joints à celles-ci.
- 1037.
- Enfin, l'examen auquel il doit être procédé présente un caractère objectif, au
regard des conclusions retenues par la Commission dans sa Décision. L'ancienneté
des documents en cause ne saurait dès lors constituer un obstacle à la recherche
d'une éventuelle violation des droits de la défense.
- 1038.
- Dans les circonstances de l'espèce, il convient d'examiner simultanément les
observations des requérantes.
- 1039.
- A cet égard, en premier lieu, les requérantes ne sauraient se prévaloir de pièces
ou d'extraits de pièces dont elles disposaient déjà lors de la procédure
administrative. Tel est en particulier le cas des documents annexés à la
communication des griefs ou à la lettre de la Commission du 3 mai 1988. En effet,
l'objet même de la mesure d'organisation de la procédure décidée par le Tribunal
est d'examiner si des pièces non divulguées aux requérantes lors de la procédure
administrative auraient pu, si elles avaient été communiquées, affecter lesconclusions de la Commission. Cette réserve ne s'applique toutefois pas aux pièces
déjà communiquées, lorsque les requérantes se prévalent d'extraits qui avaient été
occultés. Doivent ainsi être exclues les annexes 9, 10, 11, 15, 21 et 23 aux
observations de DSM et de LVM, 4 et 6 à celles d'Elf Atochem, 134 à celles de
BASF, 10 à celles de la SAV, 13 à celles d'ICI, 12, 15 et 26 à celles de Hüls, et 9,
26 et 28 à celles d'Enichem.
- 1040.
- En deuxième lieu, aux fins du présent examen, doivent également être écartés les
pièces et extraits de pièces dont se prévalent les requérantes, alors qu'ils
concernent une période antérieure à l'origine de l'entente ou postérieure à la date
de fin de l'infraction prise en compte par la Commission pour la détermination du
montant de l'amende. A cette fin, ce n'est pas la date du document qui importe,
mais bien la pertinence de l'extrait invoqué par les requérantes au regard de la
période d'infraction. Dans ces conditions, doivent être écartées les annexes 8, 16
à 18 et 23 à 29 aux observations de DSM et de LVM, 2 et 3 à celles d'Elf
Atochem, 132 à 138, 141 et 142 à celles de BASF, 1, 2, 6 à 9 et 11 à celles de la
SAV, 18, 25, 27 et 34 à celles de Hüls, et 1, 11, 15, 26, 32 (4), 40, 45, 54 (2) et (3)
à celles d'Enichem.
- 1041.
- En troisième lieu, certains documents invoqués par les parties ne concernent pas
les griefs formulés par la Commission. Leur défaut de divulgation ne saurait dès
lors avoir affecté les possibilités de défense des entreprises. Tel est le cas de
documents concernant les marchés des pays tiers (voir Décision, point 39, note de
bas de page n° 1) ou les ventes de produits dérivés (notamment annexes 7 aux
observations d'Elf Atochem et 3 et 4 à celles de la SAV).
- 1042.
- De même, les requérantes mentionnent certains documents faisant état de
consignes de prix données oralement; dès lors, cela contredirait la thèse de la
Commission selon laquelle le fait même qu'il n'existe pas de consignes écrites, pour
plusieurs des producteurs, prouverait que ceux-ci avaient «quelque chose» à
cacher. Toutefois, si la Commission a effectivement constaté l'absence de
documents sur les prix dans certaines entreprises et contesté qu'aucun objectif de
prix n'ait pu être fixé par écrit, elle n'en a pas pour autant conclu que cette
absence prouvait la participation de ces entreprises aux initiatives de prix (voir
Décision, point 20). Les pièces invoquées par les requérantes à cet égard n'ont
donc pas de pertinence. Au demeurant, le Tribunal relève que les requérantes ne
font qu'une lecture partielle de ces documents, qui indiquent explicitement que les
instructions orales seront complétées par l'envoi de tarifs écrits (en particulier,
annexes 30 aux observations de DSM et de LVM et 41 à celles d'Enichem).
- 1043.
- Il convient dès lors d'examiner les autres pièces produites par les requérantes.
- 1044.
- D'une façon générale, certaines requérantes soulignent le fait que les documents
qu'elles produisent ne font aucune référence à l'existence d'un accord ou d'une
pratique concertée entre les entreprises (annexes 19 et 31 aux observations de
DSM et de LVM et 135 à celles de BASF). Toutefois, le silence de documents ne
saurait être regardé comme étant de nature à modifier les conclusions de la
Commission, fondées sur des preuves documentaires. Tel est en particulier le cas
de communiqués de presse ou de lettres adressées par un producteur à ses clients,
pour annoncer une augmentation de prix. En effet, on ne peut s'attendre à ce que
de tels documents indiquent que cette augmentation intervient en concertation avec
d'autres producteurs.
- 1045.
- De même, les requérantes se réfèrent à trois documents internes de Shell, intitulés
«business plans» des 12 juillet 1982, 19 avril 1983 et 4 novembre 1983 et couvrant
respectivement les périodes 1982/1986, 1983/1987 et 1984/1987 (annexes 1 à 3 aux
observations de DSM et de LVM, et 1 et 2 à celles d'ICI). Indépendamment de la
confidentialité qui s'attachait à ces documents à l'époque de la procédure
administrative, il y a lieu de relever que le fait que ces documents ne mentionnent
pas l'existence d'une infraction à l'article 85 du traité ne saurait être regardé
comme susceptible de mettre en cause les preuves documentaires produites par la
Commission. Ces documents concernent, par nature, des prévisions de marché pour
le futur. Les références à une «pression concurrentielle» prévue ou l'hypothèse
(«underlying assumption») d'une politique de prix pleinement concurrentielle ne
peuvent affecter les conclusions de la Commission fondées sur des documents
postérieurs contemporains aux faits reprochés, qui établissent l'existence
d'initiatives de prix en 1983 et en 1984, auxquelles Shell a notamment participé.
- 1046.
- Certaines requérantes relèvent que quelques pièces illustrent la situation de
surcapacité du marché, les pertes subies par les producteurs à l'époque des faits et
la restructuration de certaines d'entre elles (par exemple, annexes 139 aux
observations de BASF et 13 à celles de Hüls).
- 1047.
- Toutefois, la Commission a pleinement tenu compte de la situation du marché et
des entreprises (Décision, points 5 et 36), y compris lors de la détermination du
montant de l'amende (Décision, point 52, deuxième alinéa). En outre, il y a lieu de
rappeler que ces circonstances ne sont pas de nature, en elles-mêmes, à exclure
l'application de l'article 85 du traité (voir ci-dessus point 740).
- 1048.
- LVM et DSM se prévalent d'un document manuscrit de 1983, qui contenait la
transcription des annotations manuscrites portées sur les documents de planification
(annexe 6 à leurs observations). Toutefois, elles n'expliquent pas en quoi ces
annotations, qui avaient été fournies aux requérantes lors de l'audition devant la
Commission en septembre 1988 (voir ci-dessus points 503 à 505), affecteraient le
sens des documents de planification.
- 1049.
- Les requérantes se prévalent ensuite de pièces qui contrediraient directement la
valeur probante de celles produites par la Commission à l'appui de ses conclusions.
- 1050.
- Ainsi, certains documents montreraient que le terme «compensation» n'a pas le
sens que lui prête la Commission dans la Décision (notamment annexe 5 aux
observations d'Elf Atochem et 11 à celles d'ICI). Toutefois, l'utilisation d'un même
terme dans des contextes manifestement différents ne peut être de nature à
remettre en cause les conclusions de la Commission. A cet égard, il y a lieu de
rappeler que l'existence d'un mécanisme de compensation, tel que la Commission
l'a identifié dans la Décision, résulte explicitement des documents partage du
fardeau et Alcudia (voir ci-dessus points 588 à 593). C'est également ce qui ressort
tant du libellé du document DSM que du rapprochement de ce document avec les
deux précédents (voir ci-dessus points 594 à 598).
- 1051.
- En outre, Elf Atochem renvoie à un document montrant l'évolution des parts de
marché de Shell en 1981, ce qui serait incompatible avec un système de
compensations entre producteurs (annexe 1 aux observations de la requérante).
Toutefois, il ressort de la Décision que Shell était précisément l'unique producteur
qui n'a pas participé à ce mécanisme et que la Commission n'a retenu la
participation de Shell à l'infraction qu'à compter de 1982.
- 1052.
- DSM, LVM et Enichem se prévalent également de tableaux joints à la réponse
d'ICI à une demande de renseignements (annexes 37 aux observations de DSM et
de LVM et 37 à 39 à celles d'Enichem). Si cette réponse du 5 juin 1984 était jointe
en annexe 4 à la communication des griefs, en revanche, les tableaux en cause,
comportant les prix cibles internes d'ICI de septembre 1980 à décembre 1983, par
marché national, avaient été supprimés. Or, les requérantes soulignent que ces
tableaux révèlent l'existence de prix cibles distincts de ceux identifiés par la
Commission dans sa Décision. Ces différences remettraient en cause le caractère
concerté des initiatives de prix.
- 1053.
- Toutefois, il convient de rappeler que les tableaux en question avaient été établis
aux fins de la procédure de constatation de l'infraction. La circonstance qu'ICI
affirme qu'il s'agissait d'initiatives de prix internes de l'entreprise ne peut dès lors
être de nature à affecter les conclusions de la Commission au regard des pièces
qu'elle a produites. Indépendamment de la question des taux de change utilisés par
Enichem pour convertir en marks allemands monnaie dans laquelle les initiatives
sont libellées dans les tableaux joints à la Décision les prix cibles déclarés par
ICI qui étaient libellés en monnaie nationale , il y a lieu de relever que les
requérantes ignorent les commentaires et réserves qu'ICI avait elle-même formulés
en préambule à ces tableaux. Ainsi ICI indiquait-elle, d'une part, que les prix
étaient ceux pratiqués à l'égard de clients de «second rang», d'autre part, que
l'absence d'indication d'une initiative de prix pour un mois donné ne signifiait pas
qu'il n'y en ait pas eu, mais qu'il n'en existait plus de traces écrites. De fait, il
apparaît que ces tableaux ne mentionnent pas des initiatives de prix qui ressortent
pourtant explicitement des documents issus de cette entreprise et annexés à la
communication des griefs. En outre, les différences relevées par Enichem reposent
sur l'indication, par ICI, des prix aux clients de «second rang», mais sont
contredites si l'on tient compte des prix aux clients principaux, tels qu'ils sont
indiqués dans les annexes à la communication des griefs.
- 1054.
- Hüls invoque une lettre d'ICI du 7 mars 1983, qui remettrait en cause
l'interprétation donnée à l'annexe P45 à la communication des griefs, du 6 avril
1983, relative à l'initiative de prix, en deux temps, des 1er avril et 1er mai 1983
(annexe 11 aux observations de Hüls). En effet, cette lettre montrerait qu'ICI a fixé
ses prix de manière individuelle, en fonction notamment de l'état de la demande
sur le marché, en courant le risque d'une perte de clients.
- 1055.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que l'existence de l'initiative
commune en cause a été établie au vu de plusieurs pièces (notamment annexes 42
et P42 à P53 à la communication des griefs), et non de la seule pièce P45. En
outre, la Commission a établi l'existence d'une réunion entre producteurs à Paris
le 2 mars 1983, au cours de laquelle ont été discutés tant les volumes de ventes que
le niveau des prix. Par ailleurs, Hüls a également produit un telex d'ICI du 4 mars
1983 (annexe 10 aux observations de cette requérante), d'où il ressort qu'ICI a
décidé une action ferme destinée à porter les prix à 1,50 DM/kg à compter du
1er avril. Ainsi, deux jours après la réunion de Paris, ICI a décidé une augmentation
de prix dont la date et le niveau correspondent à ceux de l'initiative identifiée par
la Commission dans la Décision. Enfin, un autre télex d'ICI du début mars 1983
(annexe 19 aux observations de Hüls) se réfère non seulement à l'initiative de prix
du 1er avril 1983, mais également à celle du 1er mai 1983 destinée à porter le prix
à un niveau minimal de 1,65 DM/kg. Ceci doit être rapproché également de
l'annexe P43 à la communication des griefs, non datée mais, au vu de son contenu,
antérieure au lundi 7 mars 1983. Or, ce document indiquait déjà la décision d'une
initiative de prix à compter du 1er avril et du 1er mai 1983, avec mention des prix
cibles.
- 1056.
- Dans ces conditions, la lettre d'ICI du 7 mars 1983, signée par le représentant d'ICI
aux réunions entre producteurs, loin d'affecter les conclusions de la Commission,
les conforte au contraire. Si l'auteur s'interroge sur les chances de succès de cette
initiative, compte tenu de l'échec de l'initiative précédente du 1er janvier 1983, qui
a été également identifiée par la Commission dans la Décision, ceci ne remet pas
en cause le fait qu'elle était le résultat d'une concertation entre les producteurs
intervenue cinq jours plus tôt à Paris.
- 1057.
- DSM, LVM (annexe 30 à leurs observations respectives) et Hüls (annexe 20 à ses
observations) se prévalent également d'un document d'ICI du 19 avril 1983, qui
établirait que cette entreprise n'a été informée de l'initiative de prix qu'au vu desinformations obtenues sur le marché. Toutefois, les requérantes ignorent le fait que
dès les premiers jours du mois de mars, c'est-à-dire immédiatement après la
réunion des producteurs du 2 mars 1983 à Paris, ICI était déjà informée de la date
et du niveau de l'initiative du 1er mai 1983 (voir ci-dessus point 1055). Le document
du 19 avril 1983 renvoie d'ailleurs lui-même à une précédente lettre du 10 mars
1983.
- 1058.
- Enichem produit en outre une série de pièces qui remettraient en cause la
conclusion de la Commission selon laquelle les initiatives étaient fixées en marks
allemands pour être ensuite converties en monnaie nationale. Cette discussion n'a
toutefois pas de portée. D'une part, il ressort des annexes P1 à P70 que les prix
cibles européens étaient effectivement convenus en marks allemands. La
requérante s'est d'ailleurs elle-même prévalue d'extraits de nombreux documents
qui confirment cet état de fait (par exemple, annexes 2 et 36 à ses observations).
D'autre part, il est évident que, en vue de leur mise en oeuvre, ces prix devaient
être convertis en monnaie nationale. Enfin, la Commission n'a jamais prétendu que
les initiatives de prix avaient eu pour effet d'assurer que les prix effectivement
pratiqués sur chaque marché national soient identiques.
- 1059.
- Certaines pièces montreraient que les entreprises étaient informées par leurs clients
ou la presse professionnelle des initiatives de prix des autres producteurs (annexes
31 et 33 aux observations de DSM et de LVM, 140 à celles de BASF, 9 et 33 à
celles de Hüls, 3 à 6 et 10 à 12 à celles d'Enichem). Toutefois, ces pièces ne
permettent pas de déduire que les entreprises n'auraient été informées que par ces
voies de l'existence d'une initiative de prix. En revanche, elles sont en cohérence
avec l'idée selon laquelle les requérantes cherchaient à vérifier, auprès des clients
ou à travers la presse professionnelle, si les concurrents avaient effectivement
annoncé une augmentation des prix et s'ils l'avaient mise en oeuvre à la date
prévue ce qui ressortait également de pièces déjà communiquées dans les annexes
P1 à P70. Compte tenu du fait que ces initiatives n'étaient souvent pas suivies au
niveau requis, cette information permettait surtout à chacun de s'assurer des suites
d'une initiative et d'adopter sa politique au regard de la réussite ou de l'échec, total
ou partiel, d'une initiative.
- 1060.
- Les autres pièces invoquées par les requérantes tendraient à démontrer la vive
concurrence que connaissait le marché du PVC pendant la période d'infraction, ce
qui serait tout à fait incompatible avec les conclusions de la Commission. En
particulier, les requérantes se réfèrent à des documents qui identifient des
concurrents «agressifs», ou encore qui soulignent la présence de conditions
économiques favorables ou non à une augmentation des prix, ce qui signifierait
bien que les initiatives n'étaient pas concertées, mais décidées unilatéralement au
vu de l'état du marché.
- 1061.
- Ces pièces ne visent pas à remettre en cause directement d'autres fournies par la
Commission à l'appui de ses conclusions, mais à démontrer l'existence d'une vive
concurrence incompatible avec celles-ci.
- 1062.
- Toutefois, il ressort de la Décision que ces circonstances ont été pleinement prises
en compte. Ainsi la Commission ne prétend-elle pas que les prix aient connu une
augmentation constante durant la période d'infraction, ni même qu'ils soient restés
stables au cours de cette période. Bien au contraire, les tableaux annexés à la
Décision montrent que les prix n'ont cessé de fluctuer, atteignant leur plus bas
niveau au premier trimestre de 1982. La Commission a ainsi explicitement reconnu
que les initiatives de prix avaient connu un succès mitigé et qu'elles étaient parfois
considérées comme des échecs (Décision, points 22 et 36 à 38). Elle a également
indiqué certaines des raisons de ces résultats: outre les éléments extérieurs aux
producteurs (achats anticipés des consommateurs, importations de pays tiers, chute
de la demande, en particulier en 1981 et en 1982, rabais spéciaux...), elle a relevé
que certains producteurs ont parfois donné une préférence à leurs volumes de
ventes au détriment des prix (Décision, points 22 et 38) et que, compte tenu des
caractéristiques du marché, il aurait été vain de tenter des initiatives de prix
concertées si les conditions n'avaient pas été propices à une majoration (Décision,
point 38). La Commission n'a en outre pas ignoré l'existence de comportements
«agressifs» de certaines entreprises (Décision, point 22). De même, elle a souligné
que les documents partage du fardeau, Alcudia et DSM, s'ils attestent l'existence
d'un mécanisme de compensation entre producteurs, permettent également de
conclure que ces mécanismes n'ont pas correctement fonctionné (Décision,
point 11). C'est au regard de l'ensemble de ces considérations que la Commission
a déterminé le montant de l'amende infligée aux requérantes.
- 1063.
- Au demeurant, il convient de relever que tant les annexes P1 à P70 que les
documents envoyés par la Commission aux parties en mai 1988 fournissaient déjà
une base documentaire abondante permettant aux requérantes de soutenir, comme
elles l'ont d'ailleurs fait, l'existence des circonstances dont elles se prévalent
aujourd'hui.
- 1064.
- Il importe enfin de relever que, au-delà des extraits dont se prévalent les
requérantes, certaines des pièces produites, lues dans leur ensemble ou en liaison
avec les pièces annexées à la communication des griefs, confortent au contraire les
conclusions de la Commission.
- 1065.
- Ainsi, il apparaît que des concurrents dénoncés comme agressifs à une date donnée
soutenaient au contraire l'initiative de prix précédente ou suivante. Ainsi ICI se
prévaut-elle d'un document de Shell de juillet 1982, dans lequel elle est décrite
comme un probable concurrent agressif (annexe 4 à ses observations); pourtant,
l'annexe P37 à la communication des griefs, issue d'ICI, témoigne du fort soutien
apporté par cette entreprise à l'initiative de prix de septembre 1982. Une
constatation identique ressort du rapprochement de l'annexe 12 aux observations
d'ICI avec les annexes P38 et P40 à la communication des griefs. En ce qui
concerne DSM, la même conclusion ressort, notamment, des annexes P5, P13, P28
et P41 à la communication des griefs.
- 1066.
- De même, par exemple, dans une note interne de Wacker, du 7 juin 1982 (annexes
7 aux observations de Shell, 5 à celles de la SAV, et 14 à celles d'ICI), l'auteur,
après avoir souligné la chute des prix catastrophique, indique extrait dont se
prévalent les requérantes: «Gain de parts de marché [en Allemagne, pour la
période de janvier à mai 1982] important: Shell et Enoxy; gain de parts de marché
moyen: DSM, [la] SAV, PCUK; pertes au dessus de la moyenne, outre Wacker:
Hoechst, Orgavyl et CWH, ainsi que BASF.» Toutefois, à la ligne suivante, l'auteur
poursuit: «Depuis mai, des efforts sont en cours en vue d'assainir les prix du PVC
homopolymère.» Ces efforts, prétendument individuels dans un marché
concurrentiel, consistaient à fixer, pour le 1er mai 1982, un prix cible supérieur de
35 % au prix du marché, puis, pour le 1er juin 1982, un prix cible supérieur de plus
de 10 % à la cible précédente (soit respectivement des prix de 1,35 DM/kg et de
1,50 DM/kg, correspondant au montant des prix cibles identifiés par la Commission
à ces dates). Ceci est à rapprocher de l'annexe P25 à la communication des griefs,
également issue de Wacker, dans laquelle l'auteur, en dépit de cette hausse
substantielle dans le contexte concurrentiel décrit par les requérantes, ajoute: «Le
chiffre des quantités vendues devrait être bon en mai.» De même, l'auteur de
l'annexe P23 à la communication des griefs, après avoir constaté la chute des prix
en avril à un niveau de 1 DM/kg, indique: «Le glissement des prix a été arrêté à
la fin du mois, en raison de l'annonce d'une augmentation générale des prix
européens à 1,35 DM/kg au 1er mai.» Enfin, le Tribunal relève que tant la note de
Wacker du 3 mars 1982, communiquée par la Commission aux parties le 3 mai
1988, que l'annexe P25 à la communication des griefs, permettaient de soutenir le
même argument que celui invoqué par les requérantes au vu de la note de Wacker
du 7 juin 1982.
- 1067.
- De même, une note de Solvay du 22 mars 1983 (annexe 43 aux observations
d'Enichem), après avoir souligné la situation préoccupante en matière de prix et
l'agressivité de certains producteurs, comporte le commentaire suivant:
«Aujourd'hui nous sommes, encore une fois, à la veille d'une tentative de hausse
des prix.» Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission a identifié, au vu
de documents émanant d'autres entreprises, une initiative intervenue le 1er avril
1983. Le document en cause comporte de surcroît une mention des initiatives de
mai, de juin et de septembre 1982, toutes trois identifiées par la Commission dans
sa Décision.
- 1068.
- Enfin, un grand nombre de documents produits par les requérantes comportent une
référence explicite à des «initiatives de prix» dont les dates et les niveaux
correspondent exactement à celles identifiées par la Commission dans la Décision.
- 1069.
- Shell se prévaut également de documents d'ICI qui confirmeraient, ce qu'elle a
toujours soutenu, que, compte tenu de son rôle de société de services, elle n'était
pas en mesure d'imposer un quelconque comportement aux sociétés de ventes du
groupe dans les différents États membres (annexes 2 et 3 aux observations de
Shell). Toutefois, cette circonstance ressort explicitement de la Décision (point 46),
même si la Commission a néanmoins considéré que la requérante devait être
destinataire de la Décision, notamment au vu du fait qu'elle était l'entité qui
assurait le contact avec l'entente. A ce titre, il convient de relever que, dans l'une
de ces pièces (annexe 3 aux observations de Shell), qui constitue un compte rendu
de réunion entre ICI et Shell, celle-ci a indiqué «quel est désormais le chemin
qu'ICI doit suivre à l'intérieur de Shell» afin de parvenir à la coordination au sein
du groupe.
- 1070.
- Aucun document n'a été produit en ce qui concerne spécifiquement les réunions
entre producteurs et le mécanisme de surveillance des ventes.
- 1071.
- Il y a lieu de relever enfin que les compte rendus de vérifications opérées au siège
des entreprises, dont certaines requérantes demandent la production, sont des
documents internes de la Commission. En tant que tels, ils ne sont pas accessibles
aux requérantes (voir ci-dessus point 1015). La circonstance que deux de ces
compte rendus ont néanmoins été divulgués ne saurait affecter cette conclusion.
- 1072.
- En ce qui concerne ces deux compte rendus, eu égard au fait qu'ils n'auraient pas
en tout état de cause été fournis, à juste titre, lors de l'accès au dossier s'il avait été
effectué en 1988, ils doivent être écartés, indépendamment de leur contenu. Au
demeurant, ces documents, rédigés le lendemain ou dans les jours qui ont suivi la
vérification opérée les 20 et 21 janvier 1987 dans les locaux de BASF, d'où il
ressort qu'aucun indice d'une pratique concertée n'a pu être découvert, ne sont pas
de nature à remettre en cause la valeur probante des pièces réunies par la
Commission à l'appui de ses conclusions finales.
- 1073.
- Par ailleurs, sans formellement en demander la production, Hüls et Enichem ont
relevé que, au-delà des documents internes de la Commission et de pièces pour
lesquelles la confidentialité n'avait pas été levée par l'entreprise dont ils émanaient,
quelques pages du dossier n'ont pas été communiquées aux requérantes. Est ainsi
en cause, une demande de renseignements adressée à la société Kemanord lors de
la procédure d'enquête; une telle demande ne saurait, par nature, comporter un
quelconque élément utile à la défense des requérantes. Les autres documents
consistent en des lettres ou pages de couverture de télécopie adressées à la
Commission par des entreprises tierces ou vice-versa. Ainsi que la Commission l'a
souligné, à défaut d'avoir obtenu de ces entreprises une levée de confidentialité, il
ne lui appartenait pas de dévoiler ces documents. Au demeurant, aucun indice ne
laisse supposer que ces pièces aient pu présenter une quelconque utilité dans lecadre du présent examen. Enichem a également souligné l'existence d'une lettre de
Wacker qui n'aurait pas été communiquée. Toutefois, il ressort de la lettre de la
Commission au greffe du Tribunal du 17 juillet 1997 que cette pièce était et
demeurait à la disposition des requérantes.
- 1074.
- Ainsi, il résulte de l'examen exhaustif des pièces invoquées par les requérantes,
auquel le Tribunal a procédé, qu'aucune d'entre elles n'établit que le déroulement
de la procédure et la Décision aient pu être influencés, à son détriment, par le
défaut de divulgation d'un document dont elle aurait dû avoir connaissance.
- 1075.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, les moyens exposés par les requérantes
relatifs à l'accès au dossier administratif de la Commission doivent être rejetés.
Sur les amendes
- 1076.
- Toutes les requérantes ont soulevé des conclusions subsidiaires, tendant à
l'annulation des amendes infligées ou à la réduction de leur montant. Leur
argumentation comporte cinq branches. En premier lieu, elles se prévalent de
moyens tirés de l'écoulement du temps et des règles relatives à la prescription,
telles qu'elles ressortent du règlement n° 2988/74 (I). En second lieu, elles
invoquent une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 (II). En
troisième lieu, elles reprochent une insuffisance de motivation (III). En quatrième
lieu, elles font valoir que la Commission a commis certaines erreurs d'appréciation
(IV). En dernier lieu, elles soutiennent que certains principes généraux du droit
communautaire ont été violés (V).
I Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps et de la prescription
- 1077.
- A l'appui des conclusions en annulation des amendes ou en réduction de leur
montant, les requérantes soulèvent tout d'abord des moyens identiques à ceux
exposés à l'appui des conclusions en annulation de la Décision (voir ci-dessus
points 100 à 119), tirés de l'écoulement du temps.
- 1078.
- Pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées (voir ci-dessus
points 120 à 136), ces moyens doivent être rejetés.
- 1079.
- Il convient dès lors d'examiner les moyens relatifs à la violation du règlement
n° 2988/74.
Arguments des requérantes
- 1080.
- Les requérantes soutiennent que le pouvoir d'infliger des amendes était prescrit,
en application du règlement n° 2988/74. A cet égard, elles font valoir les huit
arguments suivants.
- 1081.
- En premier lieu, selon BASF, les différentes étapes de la procédure administrative
qui ont précédé l'adoption de la décision de 1988 n'ont pas pu interrompre la
prescription, puisque leurs effets ont été anéantis par l'arrêt du 15 juin 1994.
- 1082.
- En second lieu, trois requérantes soutiennent que, à leur égard, les faits étaient
déjà prescrits, au moins partiellement, lors de l'adoption de la décision de 1988.
Montedison et Hüls observent ainsi que, puisque le premier acte interrompant la
procédure à leur encontre date, pour l'une, de novembre 1987, pour l'autre, de
décembre 1987, les faits antérieurs à, respectivement, novembre 1982 et
décembre 1982, seraient prescrits. Afin d'attester que, au 1er novembre 1982, elle
n'était plus en contact avec l'entente, Montedison conclut à ce qu'il plaise au
Tribunal entendre en qualité de témoins, l'administrateur délégué et le dirigeant
responsable de sa filiale Montedipe qui étaient en fonction le 1er novembre 1982.
DSM soutient que, puisqu'elle a quitté le marché en janvier 1983, les faits étaient
prescrits dès janvier 1988.
- 1083.
- En troisième lieu, selon BASF et ICI, la décision de 1988 n'est pas un acte
susceptible d'interrompre la prescription au sens de l'article 2, paragraphe 1, du
règlement n° 2988/74; elle a, en toute hypothèse, été annulée et ne produirait donc
aucun effet de droit, y compris en matière de prescription.
- 1084.
- En quatrième lieu, selon LVM, BASF, DSM, ICI et Hüls, les recours formés contre
la décision de 1988 n'ont pas suspendu la prescription. En effet, une décision
constatant une infraction et infligeant une amende ne serait pas visée par l'article 3
du règlement n° 2988/74.
- 1085.
- En cinquième lieu, selon ICI et Hüls, même si les recours formés contre une
décision constatant une infraction et infligeant une amende sont susceptibles de
suspendre la prescription, tel ne serait pas le cas des recours formés contre la
décision de 1988. En effet, le délai écoulé ne serait imputable qu'à la Commission,
seule responsable de la nullité de la décision de 1988.
- 1086.
- En sixième lieu, selon LVM et DSM, si le recours formé contre la décision de 1988
a suspendu la prescription, il en découlerait une discrimination entre Solvay et
Norsk Hydro, d'une part, et les autres entreprises, d'autre part. En effet, la décision
de 1988, annulée erga omnes par la Cour, ne pourrait plus être exécutée à l'égard
des deux premières entreprises.
- 1087.
- En septième lieu, selon LVM, DSM et ICI, le recours de Solvay formé à l'encontre
d'une demande de renseignements, qui a donné lieu à l'arrêt du 18 octobre 1989,
Solvay/Commission, précité, n'a pas pu suspendre la prescription à l'égard des
autres entreprises.
- 1088.
- En dernier lieu, selon LVM, BASF, DSM et ICI, compte tenu du délai absolu de
prescription édicté à l'article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement
n° 2988/74, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes était en toute
hypothèse prescrit lorsque celle-ci a adopté la Décision, le 27 juillet 1994.
Appréciation du Tribunal
- 1089.
- Il résulte de l'article 1er du règlement n° 2988/74 que le pouvoir de la Commission
de prononcer des amendes est soumis à un délai de prescription de cinq ans en ce
qui concerne les infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité. La prescription
court à compter du jour où l'infraction a été commise ou, pour les infractions
continues ou continuées, à compter du jour où l'infraction a pris fin. Elle est
toutefois susceptible d'être interrompue et suspendue, conformément,
respectivement, aux articles 2 et 3 du règlement n° 2988/74.
- 1090.
- Ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus points 183 à 193), la validité des actes
préparatoires antérieurs à l'adoption de la décision de 1988 n'a pas été mise en
cause par l'annulation de cette décision par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994.
Par conséquent, ces actes ont effectivement interrompu la prescription, au sens de
l'article 2 du règlement n° 2988/74.
- 1091.
- En l'espèce, il ressort de la Décision (point 6) que des vérifications ont été opérées,
les 21, 22 et 23 novembre 1983, dans les locaux d'ICI et de Shell et, le 6 décembre
1983, dans ceux de DSM. Une demande de renseignements écrite a été adressée
à ICI par décision du 30 avril 1984. Des vérifications ont été opérées les 20 et
21 janvier 1987 dans les locaux, notamment, d'Atochem, d'Enichem et de Solvay,
puis, ultérieurement en 1987, dans ceux de Hüls, de Wacker et de LVM. Enfin, la
communication des griefs a été notifiée aux entreprises le 5 avril 1988.
- 1092.
- Or, en premier lieu, chacun de ces actes a interrompu la prescription,
conformément à l'article 2, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous d), du règlement
n° 2988/74. En second lieu, la prescription court à nouveau à partir de chaque
interruption, conformément à l'article 2, paragraphe 3, première phrase, de ce
règlement. En troisième lieu, cette interruption vaut à l'égard de toutes les
entreprises ayant participé à l'infraction, conformément à l'article 2, paragraphe 2,
du règlement.
- 1093.
- Dès lors, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes pour des faits
remontant, au plus tôt, au mois d'août 1980, n'était pas prescrit lorsque celle-ci a
adopté la décision de 1988. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la
demande de Montedison d'entendre des témoins.
- 1094.
- Les requérantes contestent ensuite que les recours formés contre la décision de
1988, auxquels elles étaient toutes parties, aient pu suspendre la prescription.
- 1095.
- En vertu de l'article 3 du règlement n° 2988/74, «[l]a prescription en matière de
poursuites est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait
l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice des Communautés
européennes».
- 1096.
- Les requérantes considèrent que le terme «décision» utilisé à cet article 3 désigne
les actes énumérés à l'article 2 de ce règlement. La décision finale constatant une
infraction et infligeant une amende n'étant pas visée par cette énumération, les
recours formés contre la décision de 1988 n'auraient pas suspendu la prescription.
- 1097.
- Toutefois, il apparaît que les actes énumérés à l'article 2, paragraphe 1, du
règlement, ne constituent pas tous des actes devant être qualifiés de décisions. Tel
est en particulier le cas des demandes de renseignements écrites au titre de
l'article 11, des mandats de vérification au titre de l'article 14 du règlement n° 17,
ou encore de la communication des griefs, qui ne sont que des actes préparatoires.
Il ne saurait dès lors être admis que le terme «décision» utilisé à l'article 3 du
règlement renvoie aux actes énumérés à l'article 2 de ce règlement.
- 1098.
- En réalité, l'objet même de cet article 3 est de permettre la suspension de la
prescription lorsque la Commission est empêchée d'intervenir pour une raison
objective qui ne lui est pas imputable, tenant au fait même qu'un recours est
pendant. En effet, une décision de la Commission infligeant une amende ne peut
être regardée comme définitive aussi longtemps que court le délai légal pour
former un recours à son encontre ou, le cas échéant, qu'un recours est pendant; au
terme de ce recours, en cas d'annulation, la Commission peut être amenée à
adopter une nouvelle décision. A ce titre, il y a lieu de souligner que les articles 2
du règlement, relatif à l'interruption, et 3, relatif à la suspension, poursuivent des
objets différents. Si le premier vise à tirer les conséquences de l'adoption d'actes
d'instruction et de poursuite par la Commission, le second vise au contraire à
remédier à la situation dans laquelle la Commission se trouve empêchée d'agir.
- 1099.
- Les requérantes ne peuvent utilement prétendre que, puisque la décision de 1988
a été annulée en raison d'une violation des formes substantielles imputable à la
Commission, les recours formés contre cette décision n'ont pu suspendre la
prescription.
- 1100.
- En effet, l'article 3 du règlement, selon lequel la prescription est suspendue aussi
longtemps qu'une procédure est pendante devant la Cour, n'a de sens que si une
décision constatant une infraction et infligeant une amende, qui fait l'objet du
recours, est annulée. Or, ainsi que l'a relevé la Commission, toute annulation d'un
acte qu'elle a adopté lui est nécessairement imputable, en ce sens qu'elle traduit
une erreur de sa part. Dès lors, affirmer, comme le font les requérantes, qu'un
recours n'a pas pour effet de suspendre la prescription s'il aboutit à reconnaître
une erreur imputable à la Commission priverait de tout sens l'article 3 du
règlement. C'est le fait même qu'un recours est pendant devant le Tribunal ou la
Cour qui justifie la suspension, et non les conclusions auxquelles parviennent ces
juridictions dans leur arrêt.
- 1101.
- Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la prescription a été suspendue
aussi longtemps que la décision de 1988 faisait l'objet d'une procédure pendante
devant le Tribunal et la Cour, à laquelle toutes les requérantes étaient parties.
Même s'il ne devait être tenu compte que de la date du dernier recours déposé
devant le Tribunal, le 24 avril 1989, et que la période écoulée entre la date du
prononcé de l'arrêt du Tribunal et celle de la saisine de la Cour ne devait pas être
prise en considération, la prescription aurait été suspendue pendant une durée
minimale de quatre ans, onze mois et 22 jours. Dès lors, même si, comme le
soutiennent les requérantes, la communication des griefs, notifiée le 5 avril 1988,
devait être le dernier acte interruptif de prescription, ainsi qu'il ressort de
l'article 2, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 2988/74, le pouvoir de la
Commission de prononcer des amendes n'était pas prescrit le 27 juillet 1994, date
d'adoption de la Décision.
- 1102.
- Les requérantes font toutefois valoir que, si les recours formés contre la décision
de 1988 ont suspendu la prescription, il en résulterait une discrimination entre
Solvay et Norsk Hydro, d'une part, et les autres entreprises, d'autre part.
- 1103.
- Toutefois, cette argumentation repose sur le postulat selon lequel l'annulation de
la décision de 1988 par la Cour aurait produit un effet erga omnes. Or, il suffit de
rappeler que, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir ci-dessus points 167 à 174), tel n'est
pas le cas.
- 1104.
- De surcroît, à supposer même que la thèse des requérantes soit exacte, cela
n'affecterait pas la conclusion objective selon laquelle, à leur égard, le pouvoir de
la Commission de prononcer des amendes n'était pas prescrit.
- 1105.
- Quant au délai maximal de prescription de dix ans, tel qu'il ressort de l'article 2,
paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n° 2988/74, il y a lieu de rappeler qu'il
est prorogé à raison de la période pendant laquelle la prescription a été suspendue
en raison des recours pendants devant le Tribunal et la Cour (article 2,
paragraphe 3, in fine, du règlement). Ainsi qu'il a été dit, cette suspension a duré
au moins quatre ans, onze mois et 22 jours. Dès lors, le pouvoir de la Commission
de prononcer des amendes pour des faits remontant, au plus tôt, au mois d'août
1980, n'était pas non plus prescrit, au regard de l'article 2, paragraphe 3, du
règlement n° 2988/74, le 27 juillet 1994, date d'adoption de la Décision.
- 1106.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que le pouvoir de la
Commission d'infliger des amendes n'était pas prescrit lorsqu'a été adoptée la
Décision. Dès lors, il n'y a pas lieu de déterminer si l'adoption de la décision de
1988 a également interrompu la prescription ou si le recours formé par Solvay
contre une décision de demande de renseignements dont elle était destinataire a
suspendu la prescription à l'égard des autres entreprises; en effet, ces éléments, s'ils
étaient fondés, ne pourraient que conforter la conclusion que la prescription n'était
pas acquise.
II Sur les moyens tirés de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement
n° 17
- 1107.
- Les requérantes contestent l'appréciation du caractère délibéré et de la durée de
l'infraction. En outre, elles mettent en cause le chiffre d'affaires pris en compte aux
fins de la détermination de l'amende. Enfin, elles reprochent à la Commission de
ne pas avoir tenu compte de certaines circonstances atténuantes.
Sur le caractère délibéré de l'infraction
- 1108.
- LVM, DSM, Wacker, Hoechst et Enichem contestent que la Commission ait établi
l'existence d'une infraction commise de propos délibéré, au sens de l'article 15,
paragraphe 2, du règlement n° 17.
- 1109.
- Aux termes de cet article dans sa rédaction en vigueur à la date d'adoption de la
Décision, «[l]a Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des
amendes de mille écus au moins et d'un million d'écus au plus, ce dernier montant
pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de
l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction,
lorsque, de propos délibéré ou par négligence [...] elles commettent une infraction
aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, [...] du traité».
- 1110.
- En l'espèce, il est constant que la Commission n'a retenu que le caractère délibéré
de l'infraction, et non la simple négligence (point 51, paragraphe 2, de la Décision).
- 1111.
- Pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée
comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que
l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles, mais il suffit qu'elle n'ait pu
ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt du
Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T-143/89, Rec. p. II-917,
point 41).
- 1112.
- En l'espèce, la gravité intrinsèque de l'infraction répétée à l'article 85,
paragraphe 1, du traité, et en particulier sous a) et sous c), telle que décrite et
analysée dans le présent arrêt, révèle que les requérantes n'ont pas agi par
imprudence, ni même par négligence, mais bien de propos délibéré.
- 1113.
- Dès lors, le moyen doit être rejeté.
Sur la durée de l'infraction
Arguments des requérantes
- 1114.
- Les requérantes soutiennent que la Décision devrait être annulée, au moins
partiellement, ou l'amende annulée ou réduite, pour divers vices intervenus dans
la détermination de la durée de l'infraction (arrêts Hoffmann-La
Roche/Commission, précité, points 140 et 141, Musique Diffusion française
e.a./Commission, précité, points 129 et 130, Petrofina/Commission, précité,
points 249 et suivants, du 17 décembre 1991, BASF/Commission, précité, points 64
à 72 et 259 à 262, et Dunlop Slazenger/Commission, précité).
- 1115.
- LVM et DSM reprochent à la Commission de ne pas avoir indiqué de façon
suffisamment précise la date de commencement et de cessation de l'infraction
reprochée (respectivement points 48 et 54 de la Décision).
- 1116.
- Plus spécifiquement, compte tenu du fait que la responsabilité de DSM cesse, selon
les termes de la Décision, lors de la constitution de LVM, soit le 1er janvier 1983,
DSM relève la contradiction que comportent les points 42, 48 et 54 de la Décision
sur la date de cessation de l'infraction qui lui est reprochée.
- 1117.
- Selon Elf Atochem, la Commission n'a pas été en mesure d'apporter la preuve de
la durée de l'infraction alléguée. Ni la date de début, ni la date de cessation de
l'infraction ne seraient ainsi établies de façon précise.
- 1118.
- BASF estime qu'il n'existe pas de preuve qu'elle ait adhéré à l'entente dès 1980.
Sa participation à l'infraction jusqu'en mai 1984 ne serait pas non plus établie; cette
conclusion reposerait en effet sur le tableau Atochem, dont la valeur probante a
déjà été contestée. La requérante affirme n'avoir, en toute hypothèse, pas participé
à des réunions postérieures à octobre 1983, date des premières vérifications de la
Commission dans le secteur du polypropylène. A tout le moins, ceci devrait
conduire à une réduction de l'amende.
- 1119.
- Wacker et Hoechst soutiennent, au stade de la réplique, que la Décision ne
comporte pas une motivation suffisante sur l'appréciation de la durée de
l'infraction. En effet, en violation du principe de culpabilité individuelle, la durée
de la participation de chaque destinataire de la Décision à l'exception du cas de
Shell et d'ICI, ne serait pas indiquée. En réalité, rien ne démontrerait, en l'espèce,
que chacune d'elles ait participé à l'infraction dès le mois d'août 1980, début
présumé de l'entente, et jusqu'en mai 1984, date présumée de la fin de l'entente.
- 1120.
- Montedison relève que la Décision comporte une contradiction de motifs. En effet,
la Commission reconnaîtrait, au point 43, dernier alinéa, de la Décision, que la
requérante a quitté le marché du PVC au mois de mars 1983. Pourtant, ainsi qu'il
ressort des points 26 et 51 de la Décision, la Commission aurait pris en compte la
période postérieure à ce mois de mars 1983.
- 1121.
- Hüls considère que la Décision n'expose pas les motifs qui justifient l'amende
infligée. En particulier, la Commission aurait omis de préciser à quelle date la
requérante avait commencé à participer à l'entente, et à quelle date elle avait cessé
de le faire, se limitant à indiquer une durée de l'entente valable pour la plupart des
entreprises. La Commission aurait ainsi méconnu l'obligation de motivation.
- 1122.
- Dans le cadre d'un moyen relatif au défaut de motivation, Enichem soutient que,
en violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission n'a
établi ni la durée de l'infraction, ni la durée de la participation de chaque
entreprise à l'infraction alléguée.
Appréciation du Tribunal
- 1123.
- Il convient d'examiner tout d'abord les arguments exposés ci-dessus qui relèvent du
seul contrôle du respect de l'obligation de motivation.
- 1124.
- A cet égard, sous réserve du cas de DSM, qui sera examiné ci-après (points 1127
et suivants), aux points 48 et 54 de la Décision, la Commission a indiqué de façon
claire, d'une part, la durée de l'infraction retenue à l'encontre de chacune des
requérantes, d'autre part, les pièces ou éléments sur lesquels elle s'appuie pour
établir cette durée. Tant les requérantes que le Tribunal sont ainsi en mesure de
contrôler le bien-fondé des appréciations de la Commission.
- 1125.
- En outre, si le règlement n° 17 impose à la Commission de déterminer la durée de
l'infraction prise en compte aux fins de la fixation du montant de l'amende, en
revanche, il n'impose pas de déterminer à quelle date ultérieure l'infraction a
effectivement cessé. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la
Commission un défaut de motivation relatif à la date de cessation effective de
l'infraction. A ce titre, à supposer que l'infraction ait effectivement cessé, cela ne
conduirait pas à l'annulation de l'article 2 de la Décision, mais priverait celui-ci
d'effet, pour autant qu'il enjoint aux entreprises de cesser les pratiques reprochées.
- 1126.
- Dans l'analyse de la durée de l'infraction, la Commission a constaté que
Montedison a cédé ses activités à Enichem en mars 1983 (point 43, dernier alinéa,
de la Décision). Cette constatation n'est pas contredite par les points 26, quatrième
alinéa, et 51, troisième alinéa, de la Décision. En effet, ceux-ci visent des périodes
postérieures et ne concernent que les entreprises qui étaient encore actives sur le
marché du PVC, et non, à l'évidence, la requérante. Le moyen tiré d'une
contradiction de motifs à cet égard doit, dès lors, être rejeté.
- 1127.
- En ce qui concerne la date retenue pour la fin de la participation de DSM à
l'infraction reprochée, il y a lieu de relever que la Décision se réfère au «début de
1983» (point 42, septième alinéa), au mois d'«avril 1983» (point 48, quatrième
alinéa) et au «milieu de 1983» (point 54, deuxième alinéa, in fine). S'il est exact
que la position de la Commission n'apparaît pas avec clarté, étant toutefois préciséque seuls les points 48 et 54 concernent une question identique, il demeure que la
date d'avril 1983 est la seule mentionnée dans la partie de la Décision
explicitement consacrée à la «durée de l'infraction».
- 1128.
- Dans ses écritures dans la présente affaire, la Commission a confirmé qu'elle a pris
en compte le mois d'avril 1983, parce qu'il serait inconcevable que le rôle de DSM
dans le secteur du PVC ait disparu du jour au lendemain, le 1er janvier 1983.
- 1129.
- Dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal relève tout d'abord
que, par convention du 22 février 1983, EMC Belgique (agissant pour la SAV) et
DSM ont transféré leurs activités respectives de production de PVC à LVM, et ce
avec effet au 1er janvier 1983.
- 1130.
- En outre, il ressort de l'annexe P41 à la communication des griefs, qui émane de
DSM, que celle-ci «soutiendra la tentative d'augmenter les prix» «à compter du
1er janvier [1983]» et qu'une nouvelle augmentation interviendra si la précédente
est couronnée de succès. Cette pièce confirme la thèse de la Commission selon
laquelle les décisions prises par DSM avant son retrait du marché ont pu encore
produire des effets dans les mois qui ont suivi. La deuxième initiative de prix que
la Commission a identifiée en 1983 datant du 1er avril 1983, le Tribunal considère
que, aux fins de la détermination de l'amende, les effets de la participation de
DSM à l'entente doivent être regardés comme s'étant poursuivis jusqu'à cette date.
- 1131.
- Dès lors, les moyens tirés de vices de motivation dont serait entachée la Décision
en ce qui concerne la durée de l'infraction doivent être rejetés.
- 1132.
- Certaines requérantes estiment ensuite que la Commission n'a pas apporté la
preuve de la durée de leur participation à l'infraction reprochée.
- 1133.
- Toutefois, ainsi qu'il a été relevé, la Décision comporte une indication suffisamment
précise de la durée de l'infraction reprochée à l'encontre de chacune des
requérantes et des pièces sur lesquelles la Commission se fonde à cette fin. Or, il
apparaît que les arguments des requérantes tendent à contester la valeur probante
de ces pièces, qui a déjà été examinée dans le détail dans le cadre de la partie «En
fait» du présent arrêt (points 535 et suivants).
- 1134.
- Il y a ainsi lieu de rappeler que, dans les documents de planification, diverses
entreprises, dont la «nouvelle société française», BASF et Wacker, étaient
identifiées comme participants pressentis au nouveau cadre de réunions. Le projet
de création d'entente que comportaient ces documents a été mis en oeuvre dès les
semaines qui ont suivi, notamment par une initiative de prix générale à compter du
1er novembre 1980, dont l'existence transparaissait dans les documents de
planification. En outre, tant ICI que BASF ont admis l'existence de réunions entre
producteurs, dont la Commission a déterminé l'objet anticoncurrentiel, à compter
d'août 1980. Dans le cas de Hoechst, la Commission a constaté, au point 48,
troisième alinéa, de la Décision, que cette entreprise n'était pas citée dans les
documents de planification. Toutefois, dès le début de l'année 1981, les tableaux
Solvay comportent l'indication des chiffres de ventes de cette requérante pour le
marché allemand en 1980.
- 1135.
- De même, le Tribunal a confirmé la valeur probante du tableau Atochem et la
dernière initiative de prix identifiée par la Commission dans la période retenue aux
fins de la détermination de l'amende date du 1er avril 1984. Hormis les cas d'ICI
et de Shell (voir point 54, troisième alinéa, de la Décision et ci-dessus point 613),
toutes les entreprises encore actives dans le secteur du PVC au premier trimestre
1984, dont Elf Atochem, BASF, Wacker et Hoechst, sont identifiées dans le tableau
Atochem.
- 1136.
- Dès lors, au vu de ces éléments, il y a lieu de rejeter les moyens exposés par les
requérantes relatifs à la durée de l'infraction.
- 1137.
- Toutefois, dans le cas de la SAV, il convient de rappeler que les tableaux Solvay
ne peuvent être regardés comme probants à l'encontre de cette entreprise (voir
ci-dessus point 888).
- 1138.
- Dans ces conditions, le dernier document permettant d'identifier la requérante
comme participant à l'infraction reprochée consiste dans le document Alcudia (voir
ci-dessus point 887). Or, le mécanisme de compensation qui y est décrit, de même
que dans d'autres documents, ne concerne spécifiquement que la période écoulée
au cours du premier semestre de 1981 (voir ci-dessus points 587 à 601).
- 1139.
- En outre, le Tribunal considère que les documents en matière de prix visés au
point 889 ci-dessus ne peuvent, en eux-mêmes, être regardés comme suffisants pour
affirmer la participation de la requérante à l'infraction au-delà du premier semestre
de l'année 1981. En effet, si ces documents sont susceptibles de constituer un indice
supplémentaire pouvant conforter, au vu d'autres pièces, la conclusion qu'une
entreprise a participé à l'infraction, en revanche, pour la période au cours de
laquelle ils ne sont corroborés par aucun élément additionnel, ils ne peuvent être
considérés comme suffisants pour affirmer la participation d'une entreprise à
l'infraction.
- 1140.
- Dans ces conditions, force est de constater que, à défaut de valeur probante des
tableaux Solvay en ce qui concerne la SAV, il n'est pas démontré que celle-ci ait
participé à l'infraction après le premier semestre de 1981.
- 1141.
- En conséquence, la participation de la requérante à l'infraction ne doit être
considérée comme établie, aux fins de la détermination de l'amende, que pour la
période allant du mois d'août 1980 au mois de juin 1981, et non au mois d'avril
1983, comme cela ressort de la Décision.
- 1142.
- L'article 1er de la Décision doit donc être annulé, pour autant que, par renvoi aux
motifs de la Décision, il est reproché à la SAV d'avoir participé à l'infraction en
cause après le premier semestre de 1981.
- 1143.
- L'amende doit en conséquence être réduite, compte tenu de la durée ainsi établie
et de la gravité de l'infraction à laquelle cette entreprise a participé. Libellée en
euros, par application de l'article 2, paragraphe 1 du règlement (CE) n° 1103/97 du
Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de
l'euro (JO L 162, p. 1), l'amende infligée à la SAV doit être ramenée à 135 000
euros.
Sur le chiffre d'affaires pris en compte
Arguments des requérantes
- 1144.
- Enichem observe, tout d'abord, que le chiffre d'affaires au sens de l'article 15,
paragraphe 2, du règlement n° 17, est le chiffre d'affaires de l'exercice fiscal
précédant la Décision, soit, en l'espèce, celui de 1993. Or, alors que le rapport
entre l'amende et ce chiffre d'affaires serait nécessairement distinct du rapport qui
existait entre l'amende et le chiffre d'affaires de 1987, la Commission aurait
néanmoins infligé une amende d'un montant identique, en valeur absolue. A cet
égard, le fait que l'amende infligée demeure inférieure au seuil maximal de 10 %
énoncé à l'article 15 ne serait pas pertinent.
- 1145.
- Ensuite, compte tenu du fait qu'Enichem a, en 1986, cessé toute activité dans le
secteur du PVC, si bien qu'elle n'avait plus ni en 1987, ni en 1993, de chiffre
d'affaires propre à ce secteur, il serait inéquitable de retenir le chiffre d'affaires
global d'Enichem, même si cela est possible (arrêt Parker Pen/Commission, précité,
point 94). Ceci serait d'autant plus vrai que le chiffre d'affaires pris en compte
serait celui d'Enichem, destinataire erroné de la Décision, plutôt que celui de la
société d'exploitation Enichem Anic.
Appréciation du Tribunal
- 1146.
- Il convient de rappeler, tout d'abord, que le chiffre d'affaires indiqué à l'article 15,
paragraphe 2, du règlement n° 17, cité ci-dessus au point 1109, a pour objet de
déterminer le montant maximal de l'amende susceptible d'être infligée à une
entreprise en raison d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 1147.
- Dès lors, la seule évolution du rapport entre, d'une part, l'amende infligée dans la
décision de 1988 et le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social
précédent, soit en 1987, et, d'autre part, l'amende, d'un montant en écus identique,
infligée dans la Décision et le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social
précédent, soit en 1993, ne conduit pas en lui-même à une méconnaissance de
l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Tel ne serait le cas que si, en raison
de cette évolution, l'amende infligée en 1994 dépassait le seuil maximal fixé à cet
article. Or, il est constant que l'amende infligée est substantiellement inférieure à
ce taux maximal.
- 1148.
- Ensuite, pour la détermination du montant de l'amende effectivement infligée à la
requérante, la Commission a tenu compte en particulier de l'importance respective,
sur le marché du PVC, de chaque participant à l'infraction (point 53, premier
alinéa, de la Décision). Or, cette importance a été appréciée en fonction de la part
de marché moyenne, et non du chiffre d'affaires, de chacune des requérantes, au
cours de la seule période d'infraction.
- 1149.
- Les moyens exposés par la requérante doivent, en conséquence, être rejetés.
Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes
Arguments des requérantes
- 1150.
- Au soutien de leurs conclusions en réduction de l'amende qui leur a été infligée,
les requérantes se prévalent des circonstances suivantes, que la Commission aurait
ignorées.
- 1151.
- BASF et ICI soulignent le retard intervenu dans l'adoption de la Décision et
l'inertie condamnable de la Commission, qui n'a poursuivi qu'en 1987 les
vérifications entamées en 1983. Si elle était intervenue plus tôt, les infractions
auraient sans doute cessé avant mai 1984 (arrêts Istituto Chemioterapico et
Commercial Solvents/Commission, précité, point 51, et Dunlop
Slazenger/Commission, précité, point 167).
- 1152.
- Wacker, Hoechst et la SAV rappellent la crise que traversait le secteur du PVC et
les pertes substantielles subies pendant la période concernée par la Décision.
- 1153.
- Wacker et Hoechst font valoir leur comportement irréprochable depuis 1988, l'effet
préventif qui s'attachait déjà à la décision initiale et leur retrait du marché depuis
1993.
- 1154.
- Hoechst et la SAV soulignent leur faible importance sur le marché à l'époque des
faits incriminés et l'absence d'effets perceptibles de leurs comportements sur le
marché.
- 1155.
- La SAV se prévaut de sa qualité de nouvelle venue sur le marché du PVC et de
l'absence de précédentes infractions aux règles communautaires de la concurrence.
- 1156.
- ICI met en avant l'absence d'effet avéré sur le marché (notamment arrêt Suiker
Unie e.a./Commission, précité, points 612 et suivants), la coopération dont elle a
fait preuve en répondant aux questions de la Commission au titre de l'article 11 du
règlement n° 17 et l'action qu'elle a menée en vue de garantir à l'avenir le respect
du droit communautaire de la concurrence (voir notamment décision 88/86/CEE
de la Commission, du 18 décembre 1987, relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité (IV/31.017 Fisher-Price/Quaker Oats Ltd Toyco) (JO 1988,L 49, p. 19).
Appréciation du Tribunal
- 1157.
- A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la gravité des infractions doit être
établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les
circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des
amendes, et ce, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de
critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du
25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).
- 1158.
- En premier lieu, la Cour a jugé que, si la gravité d'une infraction justifie une
amende importante, il y a lieu de prendre en considération que sa durée aurait pu
être abrégée si la Commission était intervenue plus rapidement (arrêt Istituto
Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission, précité, point 51). En
l'espèce, la Commission a eu les premiers doutes sur l'existence de l'infraction en
octobre 1983 et aucune amende n'a été infligée pour la période postérieure au
mois de mai 1984. Il convient dès lors de déterminer si, en raison d'un prétendu
manque de diligence durant cette période, la Commission a pu indirectement
contribuer à la prolongation de cette infraction. Or, il y a lieu de rappeler que la
Commission a procédé à des vérifications dès novembre 1983 et a adressé à ICI
une demande de renseignements en décembre 1983 et une décision de demande
de renseignements en avril 1984. Il ne saurait, dans ces conditions, être reproché
à la Commission un manque de diligence qui aurait pu contribuer à prolonger la
durée de l'infraction prise en compte dans le cadre de la détermination du montant
des amendes. Ceci est d'autant plus vrai dans le cas d'ICI qu'aucune amende n'a
même été infligée pour la période postérieure à octobre 1983.
- 1159.
- En second lieu, au point 52, deuxième alinéa, de la Décision, la Commission a
indiqué avoir réduit le montant des amendes en raison du fait que, pendant une
grande partie de la période visée par la Décision, les entreprises en cause ont
déclaré des pertes substantielles dans le secteur du PVC, en raison de la crise
traversée à l'époque par ce secteur d'activité. Cette constatation suffit à rejeter
l'argument des requérantes fondé sur la crise du marché du PVC et les pertes
substantielles des producteurs pendant la période en cause (voir arrêt
DSM/Commission, précité, point 304).
- 1160.
- En troisième lieu, ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus points 744 à 749), c'est à tort
que les requérantes prétendent que l'infraction n'a pas produit d'effets, même si
les initiatives de prix n'ont remporté qu'un succès mitigé, comme le reconnaît elle-même la Commission dans sa Décision. Les requérantes ne peuvent dès lors
soutenir que l'absence d'effets constituerait une circonstance atténuante.
- 1161.
- En quatrième lieu, la coopération d'ICI durant la procédure administrative n'a pas
dépassé ce qui résultait des obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 11,
paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17. Dès lors, sa collaboration ne saurait
constituer une circonstance atténuante (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992,
Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, point 341). De surcroît, le Tribunal
relève que l'essentiel de l'argumentation au fond d'ICI tend à démontrer que la
Commission a mal interprété ses réponses aux demandes de renseignements.
- 1162.
- En cinquième lieu, s'il est certes important qu'ICI ait pris des mesures pour
empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence
soient commises à l'avenir par des membres de son personnel, cela ne change rien
à la réalité de l'infraction constatée en l'espèce. Le seul fait que, dans certains cas,
la Commission a pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure,
la mise en place d'un programme d'information en tant que circonstance atténuante
n'impliquait pas pour elle une obligation de procéder de la même façon en
l'espèce. Il en est d'autant plus ainsi que l'infraction en cause constituait une
violation manifeste de l'article 85, paragraphe 1, sous a) et sous c), du traité. Ainsi
que la Commission l'a relevé au point 51, deuxième alinéa, de la Décision, ICI fait
d'ailleurs partie des entreprises qui s'étaient déjà vu infliger des amendes en raison
d'une collusion dans le secteur chimique [décision 69/243/CEE de la Commission,
du 24 juillet 1969, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité
(IV/26.267 Matières colorantes) (JO L 195, p. 11)].
- 1163.
- En sixième lieu, ni le comportement irréprochable d'une entreprise depuis
l'adoption de la décision de 1988 ni l'absence d'infractions antérieures n'atténuent
la réalité et la gravité de l'infraction commise. En réalité, ces éléments constituent
une circonstance normale dont la Commission n'a pas à tenir compte comme
circonstance atténuante (notamment arrêt DSM/Commission, précité, point 317).
- 1164.
- En septième lieu, le fait qu'une entreprise a quitté le marché du PVC avant
l'adoption de la Décision n'affecte ni la réalité, ni la gravité, ni la durée de
l'infraction qui lui est reprochée. Il ne justifie donc pas la réduction d'une amende.
- 1165.
- En huitième lieu, le fait qu'une entreprise soit une nouvelle venue sur un marché
ne saurait atténuer la gravité de l'infraction précédemment décrite à laquelle elle
a participé (arrêt du 10 mars 1992, Solvay/Commission, précité, point 339).
- 1166.
- En neuvième lieu, le seul fait que la décision de 1988 a été adoptée n'a pas d'effet
dissuasif. Seule l'amende présente un caractère à la fois répressif et préventif. Or,
la décision de 1988 a été annulée et avec elle les amendes qui étaient infligées.
- 1167.
- En dernier lieu, il ressort du point 53, premier alinéa, de la Décision que, pour
déterminer le montant des amendes à infliger aux diverses entreprises, la
Commission a tenu compte de leur importance respective sur le marché du PVC.
Dans ces conditions, les requérantes ne peuvent se prévaloir de leur faible taille sur
le marché pour obtenir une réduction de l'amende.
- 1168.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à tort que les requérantes reprochent
à la Commission de ne pas avoir tenu compte des circonstances atténuantes
alléguées.
III Sur les moyens tirés de la violation de l'obligation de motivation
Arguments des requérantes
- 1169.
- LVM, Elf Atochem, DSM, Wacker, Hoechst, Hüls et Enichem estiment que la
Décision ne contient aucun élément spécifique permettant de comprendre le niveau
des amendes infligées à chacune (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité,
point 176, et Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 622 et 623).
- 1170.
- La Commission n'aurait ainsi fait connaître ni la nature des paramètres objectifs
utilisés pour évaluer la responsabilité des entreprises, ni leur importance respective.
Ni l'énumération, en termes généraux, de critères retenus ni l'existence d'amendes
différentes à chacune des entreprises ne suffiraient à combler cette lacune.
- 1171.
- Selon les requérantes, la mise à disposition de telles données ne devrait plus
relever d'un souhait (arrêts Enichem Anic/Commission, précité, point 274, et
Tréfilunion/Commission, précité, point 142), mais d'un droit. A défaut, l'article 6
de la CEDH serait méconnu, en ce qu'il garantit à tout accusé le droit de
connaître, de façon précise et détaillée, la motivation de la sanction qui lui est
infligée, en ce compris les critères utilisés pour mesurer la sanction et les «clés de
calcul».
Appréciation du Tribunal
- 1172.
- Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité,
qui constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 du traité, doit être
adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et
non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à
permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la
juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être
appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de
l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou
d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent
avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous
les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir
si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être
appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi
que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière (notamment arrêt de
la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec.
p. I-1719, point 63).
- 1173.
- Pour ce qui est d'une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pour
une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de
l'obligation de motivation doit être notamment appréciée à la lumière du fait que
la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre
d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son
contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce, sans qu'ait été établie une liste
contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte
(ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54). En outre, lors de la fixation
du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation
et ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule
mathématique précise (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission,
T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59).
- 1174.
- En l'espèce, la Commission a exposé, aux points 51 à 54 de la Décision les
éléments qu'elle a pris en compte dans la détermination de l'amende. Il ressort en
particulier des points 52 et 53 de la Décision que la méthode utilisée par la
Commission en l'espèce comporte deux étapes, ainsi qu'en attestent la formulation
liminaire de chacun de ces paragraphes et l'énoncé des critères, successivement
généraux et individuels, qui y sont mentionnés.
- 1175.
- Dans un premier temps, la Commission a fixé un montant global, comme elle est
en droit de le faire (notamment arrêts du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission,
précité, point 55, et IAZ e.a./Commission, précité, points 51 à 53). Pour déterminer
le montant des amendes à infliger, ainsi qu'il ressort du point 52 de la Décision, la
Commission a pris en compte divers critères, à savoir la nature et la gravité de
l'infraction reprochée, l'importance du produit industriel en cause et la valeur des
ventes s'y rapportant soit près de 3 milliards d'écus par an en Europe occidentale
et la taille globale des entreprises impliquées.
- 1176.
- Elle a également souligné qu'étaient pris en compte, à titre de circonstances
atténuantes, d'une part, la circonstance que les entreprises avaient connu des pertes
substantielles pendant une grande partie de la période visée par la Décision,
d'autre part, le fait que la majeure partie des entreprises avaient déjà été
condamnées à des amendes importantes pour leur participation à une infraction
dans le secteur des thermoplastiques (polypropylène) pendant pratiquement la
même période.
- 1177.
- Le montant global des amendes ainsi déterminé était, dans la décision de 1988,
c'est-à-dire en ce compris les cas de Solvay et de Norsk Hydro, de 23 500 000 écus.
- 1178.
- Dans un second temps, la Commission a réparti ce montant global entre les
entreprises sanctionnées. Pour déterminer le montant des amendes à infliger aux
diverses entreprises, la Commission a tenu compte, ainsi qu'il ressort des points 53
et 54 de la Décision, du niveau de participation de chacune d'entre elles, du rôle
qu'elles y ont joué (dans la mesure où elle a pu l'établir) et de leur importance
respective sur le marché du PVC. A cette fin, elle s'est efforcée d'examiner dans
quelle mesure certaines entreprises pouvaient être qualifiées de chef de file, ce
qu'elle n'est pas parvenu à faire, ou, à l'inverse, si certaines pouvaient être
considérées comme n'ayant joué, comme Shell, qu'un rôle en marge de l'infraction;
elle a également pris en compte, pour chacune, la durée de leur participation à
l'infraction reprochée, ainsi qu'il ressort du point 54 de la Décision.
- 1179.
- Interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la Décision, des allégations
factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la Décision, les points 51
à 54 de la Décision contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments
d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de
l'infraction commise par chacune des entreprises en cause.
- 1180.
- Il est certes souhaitable que les entreprises afin de pouvoir arrêter leur position
en toute connaissance de cause puissent connaître en détail, selon tout système
que la Commission jugerait opportun, le mode de calcul de l'amende qui leur a été
infligée dans une décision constatant une infraction aux règles communautaires de
la concurrence, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours
juridictionnel contre la décision (arrêt Trefilunion/Commission, précité, point 142).
- 1181.
- Il y a toutefois lieu de relever que de telles données chiffrées ne constituent pas
une motivation supplémentaire et a posteriori de la Décision, mais la traduction
chiffrée des critères énoncés dans la Décision, lorsque ceux-ci sont eux-mêmes
susceptibles d'être quantifiés.
- 1182.
- A cet égard, il appartient au Tribunal, en application des articles 64 et 65 du
règlement de procédure, de demander à la Commission, s'il le juge nécessaire pour
l'examen des moyens invoqués par les requérantes, des explications concrètes sur
les différents critères retenus par elle et exposés dans la Décision.
- 1183.
- De fait, lors des recours formés contre la décision de 1988, le Tribunal avait
demandé à la Commission d'apporter, lors de l'audience, des précisions sur le
calcul des amendes infligées. A cette fin, la Commission avait produit un tableau,
qui a été joint en annexe aux requêtes dans la présente procédure.
- 1184.
- Dans ces conditions, les moyens des requérantes tirés de la motivation insuffisante
de la Décision quant aux critères pris en compte aux fins de la détermination de
l'amende, doivent être rejetés.
IV Sur les erreurs de droit et les erreurs manifestes d'appréciation
Arguments des requérantes
- 1185.
- En premier lieu, LVM et DSM font valoir que, parmi les critères énumérés dans
la Décision en vue de la détermination du montant de l'amende, ceux relatifs à
l'importance du produit en cause et à la position globale des entreprises sur le
marché (Décision, point 52) sont difficiles à comprendre et, a fortiori, à mesurer.
Celui relatif à l'importance économique du contrevenant serait inadmissible; il
conduirait en effet à déterminer le montant de l'amende en fonction des ressources
de chacune des entreprises, plutôt que de la gravité de leur comportement.
- 1186.
- En second lieu, les requérantes rappellent que, lors de l'audience devant le
Tribunal dans les recours formés contre la décision de 1988, la Commission avait
produit un tableau expliquant les modalités de calcul des amendes. De ce tableau,
il apparaîtrait que la Commission a tenu compte de la part de marché moyenne de
chacune des entreprises pour la période de 1980 à 1984 dans le secteur du PVC.
Or, les parts de marché retenues pour certaines requérantes seraient
manifestement erronées. Les amendes devraient être réduites proportionnellement.
- 1187.
- Elf Atochem relève ainsi que, pour le calcul de l'amende qui lui a été infligée, la
Commission lui a attribué une part de marché moyenne sur la période de 1980 à
1984 de 13 %, soit une part supérieure à la part réelle.
- 1188.
- ICI souligne que sa part de marché moyenne était de 8,1 % au cours de la période
de 1980 à 1984, et même de 7,4 % s'il n'est tenu compte que de la période de 1980
à 1983, seule période pendant laquelle la requérante a été incriminée; le tableau
produit par la Commission, en revanche, lui attribuerait une part de marché
moyenne de 11 %.
- 1189.
- Enfin, Enichem observe que la Commission lui aurait attribué une part de marché
moyenne de 15 %, sur la période de 1980 à 1984, sensiblement plus élevée que la
moyenne réelle, et même plus élevée que la part de marché détenue en 1984
(12,3 %).
Appréciation du Tribunal
- 1190.
- Il y a lieu de relever tout d'abord que, contrairement à ce que prétendent LVM et
DSM, la Commission est en droit de tenir compte tant du volume et de la valeur
des marchandises faisant l'objet de l'infraction que de la taille et de la puissance
économique des entreprises concernées (arrêts du 15 juillet 1970,
Boehringer/Commission, précité, point 55, et IAZ e.a./Commission, précité,
point 52).
- 1191.
- Ensuite, le Tribunal constate que, en réponse à une question du Tribunal lors de
l'examen des recours formés contre la décision initiale, la Commission avait
présenté à l'audience un tableau récapitulant des données chiffrées relatives à la
détermination du montant des amendes. De ce tableau, qui a été produit par les
requérantes dans la présente procédure, il ressort que, afin de répartir l'amende
globale entre les entreprises, le critère relatif à l'importance de chacune d'elles sur
le marché du PVC, qui est énoncé dans la Décision (point 53), a été quantifié au
vu de la part de marché moyenne de 1980 à 1984 sur le marché du PVC en
Europe occidentale au sens de la Fides. En réalité, il apparaît que cette part de
marché constituait l'élément déterminant, en ce sens qu'une entreprise détenant
une part de marché donnée supportait une part équivalente de l'amende globale.
A ce «taux pivot», la Commission a appliqué les modifications à la hausse ou à
la baisse identifiées dans la Décision, par exemple en fonction de la durée de la
participation ou de la constatation du rôle moindre d'une des requérantes. Ainsi,
une entreprise ayant pleinement participé pendant toute la durée de l'infraction se
voyait infliger une part de l'amende globale correspondant à environ 110 % de sa
part de marché moyenne.
- 1192.
- Il convient d'examiner les arguments des requérantes au vu de ces éléments.
- 1193.
- En ce qui concerne Atochem, la requérante a produit, à la demande du Tribunal,
sa part de marché moyenne pour la période de 1980 à 1984, qui était de l'ordre de
10,5 %.
- 1194.
- En ce qui concerne ICI, la requérante a produit des chiffres d'où il ressort que sa
part de marché moyenne pour la période de 1980 à 1983, seule période pendant
laquelle sa participation est retenue dans la Décision, était de 7 %.
- 1195.
- En l'absence de contestations sérieuses de ces chiffres de la part de la Commission,
il y a lieu de considérer que, en attribuant une part de marché moyenne à Elf
Atochem et à ICI de, respectivement, 13 et 11 %, la Commission a exagéré la part
de marché de ces deux requérantes et fait supporter à celles-ci, en conséquence,
une part de l'amende trop élevée.
- 1196.
- Dès lors, il convient de réduire la part de l'amende infligée à Elf Atochem et à ICI.
- 1197.
- L'amende infligée à Elf Atochem doit être fixée à une part de l'amende globale
équivalente à sa part de marché moyenne, majorée en raison du fait que la
requérante a participé à l'infraction reprochée pendant toute la durée identifiée par
la Commission et en tenant compte du fait qu'elle ne bénéficie d'aucune
circonstance atténuante particulière. L'amende doit, en conséquence, être ramenée
à 11 % de l'amende globale, soit, en chiffres arrondis, à 2 600 000 euros.
- 1198.
- L'amende infligée à ICI doit être fixée à une part de l'amende globale équivalente
à sa part de marché moyenne, minorée en raison du fait que la requérante a pris
ses distances par rapport à l'infraction reprochée dès octobre 1983. L'amende doit,
en conséquence, être fixée à 6,6 % de l'amende globale, soit, en chiffres arrondis,
à 1 550 000 euros.
- 1199.
- En ce qui concerne Enichem, la requérante soutient que sa part de marché
moyenne était de l'ordre de 2,7 % en 1980 et en 1981, 5,5 % en 1982, 12,8 % en
1983 et 12,3 % en 1984, si bien que la part de marché moyenne sur l'ensemble de
la période s'établirait à un peu plus de 7 %.
- 1200.
- Toutefois, en premier lieu, ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus point 615), les
chiffres produits par la requérante ne présentent pas une certitude suffisante.
- 1201.
- En second lieu, contrairement à ce qu'affirme la requérante, la Commission ne lui
a pas attribué une part de marché moyenne de 15 % durant la période de 1980 à
1984. Dans le tableau produit par la Commission, il est ainsi explicitement indiqué
que cette part de marché porte sur l'année 1984. En outre, une note de bas de
page mentionne que cette part est le résultat de l'acquisition des activités de
Montedison dans le secteur du PVC en mars 1983, dont il n'est pas contesté qu'elle
avait substantiellement augmenté la part de marché de la requérante. De fait, si la
Commission avait retenu une part de marché moyenne de 15 % sur l'ensemble de
la période, l'amende infligée à la requérante devrait être supérieure à celles
infligées à Elf Atochem et à Solvay, qui se trouvaient, tant en termes de durée que
de rôle dans l'infraction, dans une situation identique à celle de la requérante, mais
dont les parts de marché telles que retenues par la Commission étaient inférieures
à 15 %; or, il apparaît au contraire que l'amende infligée à Enichem est
substantiellement inférieure à celle de ces deux entreprises.
- 1202.
- En troisième lieu, la part de marché indiquée dans les particularités individuelles
jointes à la communication des griefs, soit 12 %, n'est pas contradictoire avec la
part indiquée dans le tableau produit par la Commission; en effet, la première
concerne l'année 1983 dans son ensemble, alors que la seconde ne concerne que
la part de marché après l'acquisition des activités de Montedison dans le secteur
du PVC.
- 1203.
- En dernier lieu, il apparaît que la requérante a été condamnée à une amende
représentant 10,6 % de l'amende globale. Dans ces conditions, compte tenu des
modes de calcul retenus par la Commission, il apparaît que la requérante s'est vu
attribuer une part de marché moyenne en Europe occidentale de moins de 10 %.
- 1204.
- En l'absence de contestations sérieuses de la part de la requérante, il n'y a dès lors
pas lieu de réduire l'amende qui lui a été infligée.
- 1205.
- Il convient, dans ces conditions, de rejeter les moyens exposés par les requérantes,sous réserve de ce qui a été précédemment jugé dans les cas d'Elf Atochem et
d'ICI (voir ci-dessus points 1193 à 1198).
- 1206.
- Le Tribunal est conscient du fait que, puisque la Commission a déterminé au
préalable un montant global, réparti ensuite entre les entreprises, la réduction du
montant de l'amende infligée à certaines entreprises devrait conduire à
l'augmentation corrélative de celles infligées aux autres entreprises, afin de parvenir
au même montant global. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal
considère, dans l'exercice du pouvoir de pleine juridiction qui lui est dévolu sur le
fondement de l'article 172 du traité, qu'il n'y a pas lieu de procéder à une telle
augmentation.
V Sur la violation de principes généraux du droit
- 1207.
- Les requérantes invoquent la violation de divers principes généraux, à savoir celui
de l'individualité des peines, celui de la proportionnalité, et, enfin, celui de l'égalité
de traitement.
Sur les moyens tirés de la violation du principe d'individualité des peines
- 1208.
- Selon Elf Atochem, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichem, en affirmant que
chaque producteur est responsable non seulement des décisions individuelles qui
lui sont attribuées, mais également de la mise en oeuvre de l'entente dans son
ensemble, la Commission aurait retenu le principe d'une responsabilité collective.
Ce faisant, elle aurait méconnu les principes d'individualité et de personnalité des
peines.
- 1209.
- Ainsi qu'il a été jugé (ci-dessus points 768 à 778), chacune des requérantes n'est
sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés.
- 1210.
- Dès lors, le moyen doit être rejeté.
Sur les moyens tirés de la violation du principe de proportionnalité
Arguments des requérantes
- 1211.
- Shell rappelle, en premier lieu, que les points 48 et 53 de la Décision relèvent
expressément le rôle limité qu'a joué Shell, en marge des arrangements et, en
second lieu, que la participation alléguée de Shell ne s'étend que de janvier 1982
à octobre 1983, soit durant 21 mois. Dans ces conditions, l'amende infligée serait
disproportionnée.
- 1212.
- Montedison soutient que l'amende est disproportionnée compte tenu de la brève
durée de l'infraction.
- 1213.
- Enichem observe que l'amende infligée dans la Décision, identique à celle infligée
dans la décision initiale, est libellée en écus. Or, compte tenu de la forte
dépréciation de la lire italienne entre les dates d'adoption de ces deux décisions,
l'amende due par la requérante, en lires italiennes, serait en réalité
substantiellement supérieure à celle infligée en 1988. Si l'on admet que la durée et
la gravité de l'infraction n'ont, bien entendu, pas changé par rapport à la décision
de 1988 et que l'amende infligée à cette époque est présumée proportionnée, il en
résulte que l'amende aujourd'hui supportée par Enichem, libellée en monnaie
nationale, serait disproportionnée.
- 1214.
- La requérante ajoute qu'elle n'avait aucune raison de se prémunir contre un risque
de change, puisque l'arrêt du Tribunal puis celui de la Cour l'auraient déchargée
de toute obligation de payer une amende. Elle fait remarquer que, à son égard, la
seule monnaie de référence est celle de l'État dans lequel l'entreprise a son siège
(arrêt de la Cour du 9 mars 1977, Société anonyme Générale sucrière
e.a./Commission, 41/73, 43/73 et 44/73, Rec. p. 445, points 12 et 13 et partie en fait
de l'arrêt, p. 455). Elle observe encore que, par exemple, par conversion préalable
de l'amende initiale en lires italiennes, il aurait été aisé d'éviter l'effet préjudiciable
de la dévaluation de cette monnaie.
Appréciation du Tribunal
- 1215.
- Aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, pour déterminer le
montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération la durée et la gravité
de l'infraction. C'est donc au regard de l'ensemble des circonstances de l'infraction
qu'il convient d'apprécier le caractère proportionné de l'amende.
- 1216.
- En l'espèce, Montedison n'a nullement démontré en quoi l'amende infligée serait
disproportionnée, au regard de la gravité et de la durée de l'infraction.
- 1217.
- L'argumentation présentée par Shell repose sur des considérations que la
Commission a prises en compte lors de la détermination du montant de l'amende
et qui ont conduit au prononcé d'une amende proportionnellement moins
importante que celle infligée aux autres entreprises (Décision, point 53 in fine).
Aucun élément ne vient confirmer que le montant de l'amende ainsi fixé serait
disproportionné.
- 1218.
- En ce qui concerne les arguments d'Enichem, il convient de relever que, aux
termes de l'article 3 de la Décision, les amendes infligées sont libellées en écus.
L'article 4 de la Décision dispose que les amendes infligées sont payables en écus.
- 1219.
- Aucun élément ne fait apparaître que l'amende infligée, exprimée en écus, serait
disproportionnée au regard de la gravité et de la durée de l'infraction.
- 1220.
- En outre, la Commission est en droit d'exprimer le montant de l'amende en écus,
unité monétaire convertible en monnaie nationale. La conversion possible de l'écu
en monnaie nationale différencie cette unité monétaire de l'unité de compte
initialement mentionnée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, dont la
Cour a expressément reconnu que, n'étant pas une monnaie de paiement, elle
impliquait nécessairement la détermination du montant de l'amende en monnaie
nationale (arrêt Société anonyme Générale sucrière e.a./Commission, précité,
point 15).
- 1221.
- Il est par ailleurs constant que l'amende infligée à la requérante à l'article 3 de la
Décision et exprimée en écus est identique à celle fixée à l'article 3 de la décision
de 1988. De fait, l'objet même poursuivi par la Commission était l'adoption d'une
décision identique, sur le fond, à celle de 1988 qui avait été annulée pour violation
des formes substantielles.
- 1222.
- En outre, à raison du fait même que les amendes étaient, dès la décision de 1988,
exprimées en écus et en l'absence d'une monnaie commune unique dans laquelle
la Commission aurait pu exprimer les amendes, ou de taux de change fixes entre
les devises des États membres, les risques de modification des taux de change
demeurent inévitables. Enichem aurait pu se couvrir contre de tels risques, aussi
longtemps que l'affaire était pendante devant le Tribunal, puis devant la Cour dans
le cadre du pourvoi. Il y a lieu de rappeler enfin que, le jour même du prononcé
de l'arrêt du 15 juin 1994, la Commission a indiqué, par un communiqué de presse,
son intention d'adopter de nouveau la décision, ce qui a été fait un mois plus tard.
- 1223.
- Enfin, il y a lieu de relever qu'il n'est pas contesté que l'amende infligée, même
libellée en monnaie nationale, demeure substantiellement inférieure au seuil
maximal énoncé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.
- 1224.
- Au vu de ces éléments, les moyens exposés par les requérantes doivent être rejetés.
Sur les moyens tirés de la violation du principe d'égalité de traitement
Arguments des requérantes
- 1225.
- Les requérantes se prévalent de quatre types de violations du principe d'égalité de
traitement.
- 1226.
- En premier lieu, LVM, Shell, DSM, ICI et Enichem soutiennent chacune être
victime d'un traitement inégal par rapport à certaines autres requérantes.
- 1227.
- En second lieu, Enichem soutient que l'amende qui lui a été infligée est supérieure
à celle imposée dans d'autres décisions concernant des secteurs qui traversent une
crise moindre que celle du secteur du PVC [décision 84/405/CEE de la
Commission, du 6 août 1984, relative à une procédure d'application de l'article 85
du traité (IV/30.350 Zinc Producer Group) (JO L 220, p. 27)].
- 1228.
- En troisième lieu, Enichem conteste la discrimination dont elle est victime en
raison de l'évolution du taux de change écu/lire italienne entre la date d'adoption
de la décision de 1988 et celle de la Décision. Si les amendes libellées en écus sont
identiques à celles de 1988, les amendes converties en monnaie nationale sont, en
revanche, différentes, compte tenu des fluctuations de change intervenues depuis
lors. La requérante, dont l'amende, convertie en monnaie nationale, a
substantiellement augmenté, serait ainsi discriminée par rapport à d'autres
destinataires de la Décision. En réalité, elle se trouverait pénalisée du fait qu'elle
a utilisé, avec succès, les voies de droit qui lui étaient ouvertes à l'encontre de la
décision initiale.
- 1229.
- En quatrième lieu, LVM, DSM, ICI et Enichem contestent la discrimination dont
elles sont victimes vis-à-vis de Solvay et de Norsk Hydro, qui, en droit, échappent
à toute sanction pécuniaire. En effet, d'une part, Solvay et Norsk Hydro ne se
voient pas infliger d'amendes par la Décision. D'autre part, ces entreprises
échappent à toute sanction prononcée dans la décision de 1988, puisque cette
décision a été annulée à l'égard de toutes les entreprises, conformément à l'effet
erga omnes de l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994. D'ailleurs, même si la décision
de 1988 n'avait pas été annulée à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro, il reste que
la Commission ne pourrait en obtenir l'exécution: tout d'abord, parce que l'article
192 du traité énonce la nécessité pour l'autorité nationale de vérifier l'authenticité
de la décision de 1988, ce qui est impossible puisque cette décision a été annulée
pour défaut d'authentification; ensuite, parce que le délai de prescription pour
l'application des sanctions est aujourd'hui dépassé (article 4 du règlement
n° 2988/74).
Appréciation du Tribunal
- 1230.
- En premier lieu, ainsi qu'il a été rappelé, la détermination du montant des
amendes individuelles est le résultat de la pondération de divers éléments, en
particulier l'importance de l'entreprise sur le marché, la durée de sa participation
ou encore le rôle qu'elle a pu jouer, en particulier dans le cas de Shell.
- 1231.
- Or, il n'a été nullement démontré par les requérantes que la Commission aurait
traité de manière différente des situations identiques ou traité de manière identique
des situations différentes. En réalité, tous les cas de discrimination entre les
requérantes allégués par elles reposent sur la comparaison de leur propre situation
avec celle d'une ou de plusieurs autres requérantes dont l'importance sur le
marché, la durée de la participation ou le rôle dans l'infraction sont différents.
- 1232.
- En second lieu, il convient de relever que la détermination du montant des
amendes repose sur une variété de critères, qui doivent être appréciés au cas par
cas, en fonction de l'ensemble des circonstances de l'espèce. De surcroît, le fait que
la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à
certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau
dans les limites indiquées au règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer lamise en oeuvre de la politique de concurrence (notamment arrêt Musique Diffusion
française e.a./Commission, précité, point 109). Il n'est dès lors pas établi que la
Commission ait, en l'espèce, méconnu le principe d'égalité de traitement par
rapport à sa pratique antérieure.
- 1233.
- En troisième lieu, s'agissant de la discrimination qui résulterait de la dévaluation
ou de la dépréciation de certaines devises nationales par rapport à d'autres, le
Tribunal relève que les amendes infligées aux différentes requérantes ont été
exprimées en écus. Ainsi libellées, il est constant que les amendes infligées à
chacune des requérantes à l'article 3 de la Décision sont identiques à celles
infligées dans la décision de 1988.
- 1234.
- Les risques de taux de change sont inhérents à l'existence de devises nationales
distinctes dont la parité est susceptible de fluctuer à tout moment. Enichem ne
prétend d'ailleurs pas que la fixation des amendes en devise nationale résoudrait
les effets de telles fluctuations lorsque, comme en l'espèce, sont en cause des
entreprises dont le siège est situé dans différents États membres et dont les
amendes seraient fixées dans la devise nationale de chacun de ces États.
- 1235.
- Ainsi qu'il a déjà été jugé, la Commission est en droit d'exprimer les amendes
infligées en écus, ce qui permet d'ailleurs aux entreprises de comparer plus
facilement les montants des amendes infligées à chacune d'elles. En outre, l'objet
même de la Commission était l'adoption d'une décision, identique, sur le fond, à
celle de 1988, en se limitant à corriger le vice formel qui avait conduit à son
annulation par la Cour. Enfin, compte tenu du fait que les amendes étaient, dès la
décision de 1988, exprimées en écus, et des risques inévitables en matière de taux
de change, la requérante aurait pu se prémunir contre de tels risques, ainsi qu'il a
été dit ci-dessus (point 1222).
- 1236.
- En quatrième lieu, la prétendue discrimination dont les requérantes seraient
victimes à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro est fondée sur le postulat selon
lequel l'annulation de la décision de 1988 par la Cour aurait produit un effet erga
omnes. Or, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir ci-dessus
points 167 à 174), tel n'est pas le cas.
- 1237.
- En toute hypothèse, il y a lieu de rappeler que, dès lors qu'une entreprise a, par
son comportement, violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle ne saurait
échapper à toute sanction au motif qu'un autre opérateur économique ne se serait
pas vu infliger d'amende, alors même que le Tribunal n'est pas saisi de la situation
de ce dernier (notamment arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité,
point 197).
- 1238.
- Dans ces conditions, l'ensemble des moyens des requérantes tirés de la violation
de principes généraux du droit, doivent être rejetés.
- 1239.
- Au vu de ces éléments, l'ensemble des moyens exposés par les requérantes à
l'appui de leurs conclusions en annulation ou en réduction de l'amende doivent être
rejetés, sous les réserves suivantes.
- 1240.
- Conformément aux points 1143, 1197 et 1198 ci-dessus, les amendes infligées à Elf
Atochem, à la SAV et à ICI doivent être réduites à, respectivement,
2 600 000 euros, 135 000 euros et 1 550 000 euros.
Sur les autres conclusions
- 1241.
- Au-delà des conclusions précédemment examinées et de celles relatives aux dépens,
les requérantes ont présenté certaines autres conclusions (voir ci-dessus points 27
à 30).
- 1242.
- Parmi celles-ci, certaines ont déjà été examinées, compte tenu de leur lien étroit
avec les moyens soulevés au soutien des conclusions en annulation de la Décision
ou de celles en annulation ou en réduction de l'amende et qui ont été rejetés (voir
ci-dessus points 268, 365 à 371, 375 à 377 et 1091).
- 1243.
- En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que soient versés au dossier les
actes produits lors des recours formés contre la décision de 1988, elles doivent être
rejetées pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus (point 39).
- 1244.
- Dans ces conditions, il convient d'examiner, d'une part, les conclusions en
annulation de l'article 2 de la Décision (I), d'autre part, la demande, exposée par
Montedison, de réparation du préjudice prétendument subi (II).
I Sur les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision
Arguments des requérantes
- 1245.
- Au stade de la réplique, sans l'inclure formellement dans ses conclusions, Hoechst
fait valoir que l'article 2 du dispositif de la Décision, emportant injonction de cesser
le comportement délictueux, est illégal en ce qui la concerne. En effet, il ne
tiendrait pas compte du fait que la requérante n'exerçait plus d'activité dans le
secteur du PVC au jour de l'adoption de la Décision.
- 1246.
- DSM rappelle que, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, la
Commission peut obliger les entreprises à mettre fin à l'infraction qu'elle a
constatée. En l'espèce, l'article 2 de la Décision ordonnerait, notamment, que cesse
tout échange d'informations confidentielles entre les producteurs de PVC; or, ni
l'article 1er de la Décision ni, d'ailleurs, les motifs de la Décision ne permettraient
de conclure qu'une semblable infraction ait été constatée. La Commission aurait
donc excédé les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article précité du règlement
n° 17.
Appréciation du Tribunal
- 1247.
- En ce qui concerne le moyen soulevé par Hoechst, sans qu'il y ait lieu de
s'interroger sur sa recevabilité au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlement
de procédure, il suffit de relever que l'article 2 de la Décision s'adresse
explicitement aux entreprises «encore actives dans le secteur du PVC». Dès lors,
l'argumentation au soutien de cette conclusion est manifestement dépourvue de
tout fondement.
- 1248.
- En vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission, lorsqu'elle
constate une infraction, notamment, aux dispositions de l'article 85 du traité, peut
obliger par voie de décision les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction
constatée. Ainsi qu'il ressort du point 50 de la Décision, l'article 2 de celle-ci a été
adopté en application de cette disposition. Après avoir rappelé le contenu de
celle-ci, la Commission a ainsi indiqué: «On ignore si les réunions, ou du moins un
système quelconque de communication des prix et des tonnages entre les sociétés,
ont jamais réellement cessé. En conséquence, il convient d'inclure dans toute
décision l'obligation formelle, pour les entreprises qui exercent toujours des
activités dans le secteur du PVC, de mettre fin à l'infraction et de s'abstenir
dorénavant de toute pratique collusoire ayant un objet ou un effet similaire.»
- 1249.
- Il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 3, paragraphe 1, du
règlement n° 17, peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités,
pratiques ou situations, dont l'illégalité a été constatée (arrêts de la Cour Istituto
Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission, précité, point 45, et du 6 avril
1995, RTE et ITP/Commission, C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 90),
mais aussi celle d'adopter un comportement futur similaire (arrêt du Tribunal du
6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 220).
- 1250.
- En outre, dans la mesure où l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement
n° 17, doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoir
de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin
qu'il soit mis fin à cette infraction. De telles obligations pesant sur les entreprises
ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire
pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard
des règles qui ont été méconnues (arrêt RTE et ITP/Commission, précité,
point 93).
- 1251.
- En l'espèce, à l'article 2 de la Décision, la Commission ordonne tout d'abord aux
entreprises encore actives dans le secteur du PVC de mettre fin immédiatement
aux infractions relevées dans la Décision.
- 1252.
- Elle enjoint ensuite aux entreprises de s'abstenir à l'avenir, dans le secteur en
cause, de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet
identique ou similaire.
- 1253.
- De semblables injonctions relèvent manifestement du pouvoir dont la Commission
dispose au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.
- 1254.
- Ensuite, parmi ces accords ou pratiques concertées ayant un objet ou un effet
analogue à celui des pratiques reprochées dans la Décision, la Commission a visé
«tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret
professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou
indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de
vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs». Dès lors que
la Commission est en droit d'interdire, pour l'avenir, tout accord ou pratique ayant
un objet identique ou analogue à celui du comportement constaté dans la Décision,
elle a inclus, à juste titre, les échanges de renseignements en question. En effet,
d'une part, la Décision comporte en particulier un grief fondé spécifiquement sur
l'échange de données de ventes; d'autre part, les réunions entre producteurs
reposaient sur l'échange d'informations en matière de prix et de volumes de ventes,
puisqu'elles tendaient à définir, en commun, la politique à suivre en la matière. De
même, la Commission est en droit d'interdire les échanges en matière de vente et
de prix de vente, qui sont visés dans la Décision, mais également les échanges
d'informations d'une autre nature, qui permettraient «indirectement» d'aboutir à
un résultat «identique ou similaire». En particulier, de l'échange de données
individualisées en termes de production et de niveau de stocks, il pourrait être
aisément déduit les ventes de chacun; ne pas reconnaître à la Commission le
pouvoir d'interdire un tel échange permettrait aux entreprises de contourner
aisément l'injonction qui leur est faite de ne pas continuer ou adopter de nouveau
des comportements tels que ceux constatés dans la Décision.
- 1255.
- Quant à l'interdiction d'échange de renseignements de type généralement couvert
par le secret professionnel, «qui permettrait aux entreprises de suivre l'exécution
de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux
prix ou au partage de marché», elle présente un lien direct avec les pratiques
constatées dans la Décision, qui fait reproche aux entreprises d'avoir mis en oeuvre,
en commun, des mécanismes de contrôle des volumes de ventes et des initiatives
de prix.
- 1256.
- Aux termes de la première partie de la seconde phrase de l'article 2 de la Décision,
«[t]out système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient
abonnés pour le secteur du PVC est géré de manière à exclure toute donnée
permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés». Dans la
Décision, les systèmes d'échange de données générales auxquels les producteurs
seraient abonnés ne sont pas mis en cause, en raison du fait même qu'ils ne
permettent pas d'identifier le comportement de producteurs déterminés, mais se
limitent à la communication de données agrégées (voir point 12, troisième alinéa,
de la Décision). La deuxième phrase de l'article 2 tend donc simplement à éviterque les producteurs ne puissent contourner l'interdiction qui leur est faite de
continuer ou d'adopter de nouveau des comportements tels que ceux constatés
dans la Décision, en substituant à leur mécanisme de réunions régulières un
système d'échange de données individualisées, qui aboutirait au même résultat.
Cette phrase ne tend donc qu'à préciser la notion d'accord ou de pratique
concertée ayant un objet ou un effet similaire, énoncée à la phrase précédente.
- 1257.
- La seconde partie de la seconde phrase de l'article 2 de la Décision est redondante
par rapport à la première. Elle tend en fait simplement à préciser que l'interdiction
d'échanger des données individualisées, permettant d'identifier le comportement
de chaque producteur, dans le cadre d'un système auquel les producteurs seraient
abonnés, ne saurait, bien entendu, être contournée par le biais d'échanges directs
entre les producteurs.
- 1258.
- Enfin, la seconde phrase de l'article 2 de la Décision indique clairement que, à la
différence de la situation rencontrée par le Tribunal dans le cadre des recours
formés contre la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative
à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/C/33.833 Carton)
(JO L 243, p. 1), la Commission n'a pas inclus une interdiction couvrant également,
sous certaines conditions, les données échangées sous une forme agrégée.
- 1259.
- Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les obligations pesant sur les
entreprises, au titre de l'article 2 de la Décision, ne dépassent pas les limites de ce
qui est approprié et nécessaire pour assurer le rétablissement de la légalité au
regard des règles qui ont été méconnues). En adoptant l'article 2 de la Décision,
la Commission n'a donc pas outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu
de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.
- 1260.
- Dès lors, les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision doivent être
rejetées.
II Sur la demande de réparation du préjudice prétendument subi
- 1261.
- Montedison conclut à ce qu'il plaise au Tribunal condamner la Commission au
versement de dommages et intérêts, à raison des frais liés à la constitution de la
garantie bancaire et pour tout autre frais relatif à la Décision.
- 1262.
- Le Tribunal relève que la requête ne permet pas d'identifier les moyens de droit
sur lesquels la requérante entend fonder ses conclusions en la matière.
- 1263.
- Il s'ensuit que la requête ne satisfait pas, sur ce point, aux exigences minimales
établies par l'article 19 du statut de la Cour et par l'article 44, paragraphe 1,
sous c), du règlement de procédure pour qu'un recours soit recevable. Dès lors, ces
conclusions doivent être rejetées comme irrecevables (arrêt Parker
Pen/Commission, précité, points 99 et 100).
- 1264.
- En outre, à supposer que la faute reprochée à la Commission corresponde aux
différents griefs exposés par la requérante à l'appui de ses conclusions en
annulation, que le Tribunal a rejetées, force serait alors de constater que les
conclusions en réparation du préjudice subi seraient en toute hypothèse infondées.
Conclusion
- 1265.
- Il résulte de l'ensemble de l'examen auquel le Tribunal a procédé que l'article 1er
de la Décision doit être annulé, dans la mesure où il retient que la SAV a participé
à l'infraction reprochée après le premier semestre de l'année 1981. Les amendes
infligées à Elf Atochem, à la SAV et à ICI doivent être réduites à un montant de,
respectivement, 2 600 000 euros, 135 000 euros et 1 550 000 euros. Les recours
doivent être rejetés pour le surplus.
Sur les dépens
- 1266.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En outre, si
plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.
- 1267.
- LVM, BASF, Shell, DSM, Wacker, Hoechst, Montedison, Hüls et Enichem ayant
succombé en toutes leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens de
la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.
- 1268.
- Elf Atochem et ICI ayant succombé en une partie de leurs conclusions, il y a lieu
de condamner ces requérantes et la Commission à supporter chacune leurs propres
dépens.
- 1269.
- La SAV ayant succombé en une partie de ses conclusions mais ayant obtenu gain
de cause sur une partie significative de celles-ci, il y a lieu de condamner cette
requérante à supporter deux tiers de ses propres dépens, et de condamner la
Commission à supporter, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de la
requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) Les affaires T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94, T-315/94,
T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94 sont jointes aux
fins de l'arrêt.
2) L'article 1er de la décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994,
relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/31.865
PVC) est annulé, dans la mesure où il retient que la Société artésienne
de vinyle a participé à l'infraction reprochée après le premier semestre de
l'année 1981.
3) Les amendes infligées à Elf Atochem SA, à la Société artésienne de vinyle
et à Imperial Chemical Industries plc à l'article 3 de cette décision sont
réduites à un montant de, respectivement, 2 600 000 euros, 135 000 euros
et 1 550 000 euros.
4) Les recours sont rejetés pour le surplus.
5) Chaque requérante supportera ses propres dépens et les dépens exposés par
la Commission dans l'affaire qu'elle a introduite. Toutefois, dans les
affaires T-307/94 et T-328/94, Elf Atochem SA, Imperial Chemical
Industries plc et la Commission supporteront chacune leurs propres
dépens. Dans l'affaire T-318/94, la Société artésienne de vinyle supportera
deux tiers de ses propres dépens et la Commission supportera, outre ses
propres dépens, un tiers des dépens de la requérante.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 avril 1999.
Le greffier
Le président
H. Jung
V. Tiili
Table des matières
Faits à l'origine du litige
II - 3
Procédure
II - 6
Conclusions des parties
II - 8
Sur la recevabilité des moyens au regard des articles 44, paragraphe 1, 46, paragraphe 1, et
48, paragraphe 2, du règlement de procédure
II - 9
I Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 44, paragraphe 1, sous c),
du règlement de procédure
II - 9
Arguments des parties
II - 9
Appréciation du Tribunal
II - 10
II Sur l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 46, paragraphe 1, du règlement
de procédure
II - 11
Arguments des parties
II - 11
Appréciation du Tribunal
II - 12
III Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 48, paragraphe 2, du
règlement de procédure
II - 12
Arguments des parties
II - 12
Appréciation du Tribunal
II - 13
Sur les conclusions en annulation de la Décision
II - 15
I Sur les moyens tirés de l'existence de vices de forme et de procédure
II - 15
A Sur les effets de l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988
II - 16
1. Sur le pouvoir de la Commission d'adopter une nouvelle décision après
l'arrêt du 15 juin 1994
II - 16
a) Sur les moyens tirés de la prétendue impossibilité pour la
Commission d'adopter la Décision
II - 16
Sur le moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée
II - 16
Arguments des parties
II - 17
Appréciation du Tribunal
II - 18
Sur le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem
II - 19
Arguments des parties
II - 19
Appréciation du Tribunal
II - 20
b) Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps
II - 21
Arguments des parties
II - 21
Sur le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable
II - 21
Sur le moyen tiré de l'abus de droit
II - 23
Sur le moyen tiré de la violation des principes relatifs à un procès
équitable
II - 23
Appréciation du Tribunal
II - 24
c) Sur les moyens tirés de la prétendue méconnaissance, par la
Commission, de son pouvoir d'appréciation
II - 27
Arguments des parties
II - 28
Appréciation du Tribunal
II - 29
2. Sur la portée de l'arrêt du 15 juin 1994
II - 31
a) Sur les griefs tirés de l'effet erga omnes de l'arrêt du 15 juin 1994
II - 31
Arguments des parties
II - 31
Appréciation du Tribunal
II - 32
b) Sur les griefs tirés de l'invalidité des actes de procédure ayant précédé
l'adoption de la Décision
II - 33
Arguments des parties
II - 33
Appréciation du Tribunal
II - 35
3. Sur les modalités d'adoption de la Décision, après l'annulation de la
décision de 1988
II - 37
Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes
II - 37
En ce qui concerne les étapes procédurales prévues par le droit
dérivé
II - 38
En ce qui concerne le droit d'être entendu allégué par les
requérantes
II - 42
Arguments de la Commission
II - 45
Appréciation du Tribunal
II - 48
B Sur les irrégularités commises lors de l'adoption et de l'authentification de
la Décision
II - 52
1. Sur les moyens tirés de l'illégalité du règlement intérieur de la
Commission du 17 février 1993
II - 52
Arguments des parties
II - 52
Appréciation du Tribunal
II - 53
Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité
II - 54
Sur l'illégalité de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur du
fait du non-respect de l'exigence de sécurité juridique
II - 56
2. Sur les moyens tirés de la violation du principe de collégialité et du
règlement intérieur de la Commission
II - 58
Arguments des parties
II - 58
Appréciation du Tribunal
II - 58
3. Sur le moyen relatif à la composition du dossier soumis à la délibération
du collège des membres de la Commission
II - 59
4. Sur les moyens tirés de la violation des principes d'identité entre l'organe
ayant délibéré et l'organe ayant statué, d'une part, et d'immédiateté,
d'autre part
II - 59
Arguments des parties
II - 59
Appréciation du Tribunal
II - 60
C Sur les vices dont serait affectée la procédure administrative
II - 61
1. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant la communication des
griefs
II - 61
a) Sur le moyen tiré de l'existence de vices formels affectant la
communication des griefs
II - 61
Arguments des parties
II - 61
Appréciation du Tribunal
II - 61
b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1 du
Conseil
II - 62
Arguments des parties
II - 62
Appréciation du Tribunal
II - 62
c) Sur le moyen tiré d'une absence de délai suffisant pour préparer la
réponse à la communication des griefs
II - 63
Arguments des parties
II - 63
Appréciation du Tribunal
II - 64
2. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant l'audition
II - 65
a) Sur le moyen tiré du délai insuffisant pour préparer l'audition
II - 65
b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1
II - 65
Arguments des parties
II - 65
Appréciation du Tribunal
II - 65
c) Sur le moyen tiré du caractère incomplet du procès-verbal de
l'audition
II - 66
Arguments des parties
II - 66
Appréciation du Tribunal
II - 66
d) Sur le moyen tiré du défaut de production de l'avis du conseiller-auditeur
II - 67
Arguments des parties
II - 67
Appréciation du Tribunal
II - 68
D Sur la violation de l'article 190 du traité
II - 68
Arguments des parties
II - 68
Appréciation du Tribunal
II - 70
II Sur les moyens de fond
II - 71
A Sur les preuves
II - 71
1. Sur la recevabilité des preuves
II - 71
a) Sur le moyen tiré d'une violation du principe de l'inviolabilité du
domicile
II - 72
Arguments des parties
II - 72
Appréciation du Tribunal
II - 73
i) Sur la recevabilité du moyen
II - 73
ii) Sur le bien-fondé du moyen
II - 75
Sur la première branche du moyen, relative à la validité des actes de
vérification
II - 75
Sur la seconde branche du moyen, relative à l'exécution des actes de
vérification
II - 76
b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance du «droit au silence» et du
droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination
II - 76
Arguments des parties
II - 76
Appréciation du Tribunal
II - 78
Sur la recevabilité du moyen
II - 78
Sur le bien-fondé du moyen
II - 78
c) Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 1, du
règlement n° 17
II - 81
Arguments des parties
II - 81
Appréciation du Tribunal
II - 82
Sur les faits
II - 82
Sur le bien-fondé du moyen
II - 83
d) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité, à titre de preuve, du refus de
répondre à des demandes de renseignements ou de produire des
documents
II - 84
Arguments des parties
II - 84
Appréciation du Tribunal
II - 84
Preuve de l'infraction
II - 84
Preuve de la participation à l'infraction
II - 84
e) Sur le moyen tiré du défaut de communication de pièces
II - 85
Arguments des parties
II - 85
Appréciation du Tribunal
II - 86
f) Sur le moyen tiré de la communication tardive de pièces
II - 87
Arguments des parties
II - 87
Appréciation du Tribunal
II - 87
2. Sur l'administration de la preuve
II - 88
a) Sur le moyen tiré du défaut de valeur probante de catégories de
preuves retenues par la Commission
II - 88
Arguments des parties
II - 88
Appréciation du Tribunal
II - 88
b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance des règles relatives à
l'administration de la preuve
II - 89
Arguments des parties
II - 89
Appréciation du Tribunal
II - 92
B Sur la contestation de l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe
1, du traité
II - 92
1. En fait
II - 92
Rappel sommaire de la Décision
II - 92
Arguments des requérantes
II - 94
Sur l'origine de l'entente
II - 94
Sur les réunions entre producteurs
II - 95
Sur les mécanismes de quotas et de compensation
II - 95
Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux
II - 97
Sur les initiatives de prix
II - 98
Appréciation du Tribunal
II - 99
Sur les systèmes de quotas
II - 99
Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux
II - 107
Sur les prix cibles et les initiatives de prix
II - 111
Sur l'origine de l'entente
II - 118
Sur les réunions entre producteurs
II - 120
2. En droit
II - 123
a) Sur la qualification d'accord «et/ou» de pratique concertée
II - 123
Arguments des requérantes
II - 123
Appréciation du Tribunal
II - 124
b) Sur la qualification, en l'espèce, d'«accord» et/ou de «pratique
concertée»
II - 125
Arguments des requérantes
II - 125
Appréciation du Tribunal
II - 128
c) Sur la qualification d'objet ou d'effet anticoncurrentiel
II - 130
Arguments des requérantes
II - 130
Appréciation du Tribunal
II - 131
d) Sur la qualification d'affectation du commerce entre États membres
II - 133
Arguments des parties
II - 133
Appréciation du Tribunal
II - 134
e) Sur les autres moyens de droit
II - 134
Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir
II - 134
Sur le moyen tiré d'un défaut de concordance entre le dispositif et les
motifs de la Décision
II - 135
C Sur la participation des requérantes à l'infraction constatée
II - 135
1. Sur la prétendue imputation d'une responsabilité collective
II - 135
Arguments des parties
II - 135
Appréciation du Tribunal
II - 136
2. Sur la participation individuelle des requérantes à l'infraction
II - 138
a) DSM
II - 138
Arguments des requérantes
II - 138
Appréciation du Tribunal
II - 139
b) Atochem
II - 139
Arguments de la requérante
II - 139
Appréciation du Tribunal
II - 140
c) BASF
II - 142
Arguments de la requérante
II - 142
Appréciation du Tribunal
II - 142
d) Shell
II - 143
Arguments de la requérante
II - 143
Appréciation du Tribunal
II - 146
e) LVM
II - 149
Arguments de la requérante
II - 149
Appréciation du Tribunal
II - 150
f) Wacker
II - 151
Arguments de la requérante
II - 151
Appréciation du Tribunal
II - 151
g) Hoechst
II - 152
Arguments de la requérante
II - 152
Appréciation du Tribunal
II - 152
h) SAV
II - 153
Arguments de la requérante
II - 153
Appréciation du Tribunal
II - 154
i) Montedison
II - 156
Arguments de la requérante
II - 156
Appréciation du Tribunal
II - 156
j) Hüls
II - 158
Arguments de la requérante
II - 158
Appréciation du Tribunal
II - 159
k) Enichem
II - 161
Arguments de la requérante
II - 161
Appréciation du Tribunal
II - 162
D Sur l'imputabilité de l'infraction et l'identification des destinataires de la
Décision
II - 164
1. Sur l'imputabilité de l'infraction
II - 164
Arguments des requérantes
II - 164
Appréciation du Tribunal
II - 166
2. Sur l'identification des destinataires de la Décision
II - 169
Arguments des requérantes
II - 169
Appréciation du Tribunal
II - 170
III Sur les moyens relatifs à l'accès au dossier
II - 173
A Sur les conditions dans lesquelles la Commission a donné accès à son dossier
lors de la procédure administrative
II - 173
Arguments des parties
II - 173
Appréciation du Tribunal
II - 175
B Sur les observations déposées dans le cadre de la mesure d'organisation de
la procédure
II - 179
Arguments des requérantes
II - 179
Appréciation du Tribunal
II - 179
Sur les amendes
II - 188
I Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps et de la prescription
II - 188
Arguments des requérantes
II - 189
Appréciation du Tribunal
II - 190
II Sur les moyens tirés de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement
n° 17
II - 193
Sur le caractère délibéré de l'infraction
II - 193
Sur la durée de l'infraction
II - 194
Arguments des requérantes
II - 194
Appréciation du Tribunal
II - 195
Sur le chiffre d'affaires pris en compte
II - 198
Arguments des requérantes
II - 198
Appréciation du Tribunal
II - 199
Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes
II - 199
Arguments des requérantes
II - 199
Appréciation du Tribunal
II - 200
III Sur les moyens tirés de la violation de l'obligation de motivation
II - 202
Arguments des requérantes
II - 202
Appréciation du Tribunal
II - 203
IV Sur les erreurs de droit et les erreurs manifestes d'appréciation
II - 205
Arguments des requérantes
II - 205
Appréciation du Tribunal
II - 206
V Sur la violation de principes généraux du droit
II - 208
Sur les moyens tirés de la violation du principe d'individualité des peines
II - 208
Sur les moyens tirés de la violation du principe de proportionnalité
II - 209
Arguments des requérantes
II - 209
Appréciation du Tribunal
II - 209
Sur les moyens tirés de la violation du principe d'égalité de traitement
II - 211
Arguments des requérantes
II - 211
Appréciation du Tribunal
II - 212
Sur les autres conclusions
II - 213
I Sur les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision
II - 214
Arguments des requérantes
II - 214
Appréciation du Tribunal
II - 214
II Sur la demande de réparation du préjudice prétendument subi
II - 217
Conclusion
II - 217