Language of document : ECLI:EU:C:2007:433

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. POIARES MADURO

présentées le 18 juillet 2007 (1)

Affaire C‑64/05 P

Royaume de Suède

contre

Commission des Communautés européennes e.a.

«Pourvoi – Accès aux documents des institutions – Documents des autorités allemandes concernant le déclassement d’un site protégé par la directive sur la conservation des habitats naturels – Refus»





1.         La Cour est invitée à se prononcer sur le pourvoi formé par le Royaume de Suède contre l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 30 novembre 2004, IFAW Internationaler Tierschutz‑Fonds/Commission (2) (ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui‑ci a rejeté le recours d’IFAW Internationaler Tierschutz‑Fonds gGbmH (ci‑après «IFAW») tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 26 mars 2002 lui ayant refusé l’accès à certains documents relatifs au déclassement d’un site protégé.

2.        Selon la demanderesse au pourvoi, le Tribunal aurait à tort estimé que l’article 4, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (3) (ci‑après le «règlement»), sur lequel la décision litigieuse est fondée, fait obligation à une institution de rejeter toute demande d’accès d’un document émanant d’un État membre qu’elle a en sa possession, au cas où ce dernier se serait opposé à sa divulgation.

3.        Comme l’analyse de l’affaire va le révéler, l’enjeu juridique de cette affaire et les débats auxquels il a donné lieu tout à la fois mettent en évidence les différences culturelles en matière de transparence et les mettent aux prises. Différence entre la culture communautaire qui ne s’est convertie avec plus ou moins d’enthousiasme que récemment à l’exigence de transparence et la culture des pays nordiques qui jouissent d’une tradition ancienne et particulièrement forte en la matière (4). Différence aussi entre les cultures des États membres dont la procédure porte témoignage, puisque six États membres s’y sont affrontés, quatre étant intervenus devant le Tribunal et/ou devant la Cour pour s’opposer à l’interprétation retenue par le Tribunal et deux pour la défendre. L’affaire et le problème juridique qu’elle soulève attestent aussi des interactions réciproques entre les différents droits relatifs à la transparence: «nourries des transparences nationales, les transparences européennes génèrent à leur tour des mutations qui touchent les États membres» (5). L’affaire, enfin, a trait à une disposition du règlement particulièrement sujette à contestations contentieuses: en deux ans d’application dudit règlement, sur onze recours introduits devant le Tribunal contre des décisions négatives de la Commission, six ont porté sur la mise en œuvre de l’article 4, paragraphe 5 (6).

I –    Cadre du pourvoi

4.        Pour une bonne compréhension de l’affaire, de son enjeu et de la solution qui peut lui être apportée, un rappel des principales dispositions applicables, des faits et de la solution retenue par le Tribunal s’impose.

A –    Les textes applicables

5.        L’article 255, paragraphes 1 et 2, CE prévoit:

«1.      Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément aux paragraphes 2 et 3.

2.      Les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam.»

6.        La déclaration n° 35 annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam (ci‑après la «déclaration n° 35») énonce:

«La conférence convient que les principes et conditions visés à l’article 255, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne permettront à un État membre de demander à la Commission ou au Conseil de ne pas communiquer à des tiers un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui‑ci.»

7.        Sur la base de l’article 255, paragraphe 2, CE, le Conseil a adopté le règlement. Les quatrième, sixième, neuvième, dixième et quinzième considérants dudit règlement sont libellés comme suit:

«(4)      Le présent règlement vise à conférer le plus large effet possible au droit d’accès du public aux documents et à en définir les principes généraux et limites conformément à l’article 255, paragraphe 2, du traité CE.

[...]

(6)      Un accès plus large aux documents devrait être autorisé dans les cas où les institutions agissent en qualité de législateur, y compris sur pouvoirs délégués, tout en veillant à préserver l’efficacité du processus décisionnel des institutions. Dans toute la mesure du possible, ces documents devraient être directement accessibles.

[...]

(9)      Du fait de leur contenu extrêmement sensible, certains documents devraient faire l’objet d’un traitement particulier. Les modalités d’information du Parlement européen sur le contenu de ces documents devraient être réglées par voie d’accord interinstitutionnel.

(10)      Afin d’améliorer la transparence des travaux des institutions, le Parlement européen, le Conseil et la Commission devraient donner accès non seulement aux documents établis par les institutions, mais aussi aux documents reçus par celles‑ci. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la déclaration n° 35 annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam prévoit qu’un État membre peut demander à la Commission ou au Conseil de ne pas communiquer à des tiers un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui‑ci.

[...]

(15)      Même si le présent règlement n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les législations nationales en matière d’accès aux documents, il est, toutefois, évident qu’en vertu du principe de coopération loyale régissant les rapports entre les institutions et les États membres, ces derniers devraient veiller à ne pas porter atteinte à la bonne application du présent règlement et respecter les règles de sécurité des institutions.»

8.        L’article 1er, sous a), du règlement dispose:

«Objet

Le présent règlement vise à:

a)      définir les principes, les conditions et les limites, fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (ci‑après dénommés ‘institutions’) prévu à l’article 255 du traité CE de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents».

9.        L’article 2 de ce règlement dispose:

«Bénéficiaires et champ d’application

1.      Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement.

[...]

3.      Le présent règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est‑à‑dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne.

[...]

5.      Les documents qualifiés de sensibles selon la définition figurant à l’article 9, paragraphe 1, font l’objet d’un traitement particulier tel que prévu par cet article.

[...]»

10.      Aux termes de l’article 3, sous b), dudit règlement, aux fins de celui‑ci, on entend par «tiers», «toute personne physique ou morale ou entité extérieure à l’institution concernée, y inclus les États membres, les autres institutions et organes communautaires ou non communautaires, et les pays tiers».

11.      L’article 4 du règlement prévoit:

«Exceptions

1.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection:

a)      de l’intérêt public, en ce qui concerne:

–        la sécurité publique,

–        la défense et les affaires militaires,

–        les relations internationales,

–        la politique financière, monétaire ou économique de la Communauté ou d’un État membre;

b)      de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.

2.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection:

–        des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–        des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

3.      L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle‑ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

4.      Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

5.      Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui‑ci.

[...]

7.      Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Les exceptions peuvent s’appliquer pendant une période maximale de trente ans. Dans le cas de documents relevant des exceptions concernant la vie privée ou les intérêts commerciaux et de documents sensibles, les exceptions peuvent, si nécessaire, continuer de s’appliquer au‑delà de cette période.»

12.      L’article 5 dudit règlement prévoit:

«Documents dans les États membres

Lorsqu’un État membre est saisi d’une demande relative à un document en sa possession, émanant d’une institution, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être fourni, l’État membre consulte l’institution concernée afin de prendre une décision ne compromettant pas la réalisation des objectifs du présent règlement.

L’État membre peut, au lieu de cela, soumettre la demande à l’institution.»

13.      Aux termes de l’article 9 de ce règlement:

«1.      Les documents sensibles sont des documents émanant des institutions ou des agences créées par elles, des États membres, de pays tiers ou d’organisations internationales, classifiés ‘TRÈS SECRET/TOP SECRET’, ‘SECRET’ ou ‘CONFIDENTIEL’ en vertu des règles en vigueur au sein de l’institution concernée protégeant les intérêts fondamentaux de l’Union européenne ou d’un ou plusieurs de ses États membres dans les domaines définis à l’article 4, paragraphe 1, point a), en particulier la sécurité publique, la défense et les questions militaires.

2.      Dans le cadre des procédures prévues aux articles 7 et 8, les demandes d’accès à des documents sensibles sont traitées exclusivement par les personnes autorisées à prendre connaissance du contenu de ces documents. Sans préjudice de l’article 11, paragraphe 2, il appartient à ces personnes de préciser les références pouvant figurer dans le registre public concernant ces documents sensibles.

3.      Les documents sensibles ne sont inscrits au registre ou délivrés que moyennant l’accord de l’autorité d’origine.

4.      Toute décision d’une institution refusant l’accès à un document sensible est fondée sur des motifs ne portant pas atteinte aux intérêts dont la protection est prévue à l’article 4.

5.      Les États membres prennent les mesures appropriées en vue d’assurer, dans le cadre du traitement des demandes de documents sensibles, le respect des principes énoncés dans le présent article et à l’article 4.

6.      Les règles prévues au sein des institutions concernant les documents sensibles sont rendues publiques.

7.      La Commission et le Conseil informent le Parlement européen au sujet des documents sensibles conformément aux dispositions convenues entre les institutions.»

B –    Les faits

14.      Le 19 avril 2000, la Commission des Communautés européennes a émis un avis autorisant la République fédérale d’Allemagne à procéder au déclassement du site de Mülhenberger Loch, jusqu’alors zone protégée au titre de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (7), aux fins de la réalisation d’un projet consistant dans l’agrandissement de l’usine de Daimler Chrysler Aerospace Airbus et dans la récupération d’une partie de l’estuaire pour le prolongement d’une piste d’atterrissage.

15.      Par lettre du 20 décembre 2001 adressée à la Commission, IFAW, organisation non gouvernementale agissant dans le domaine de la préservation du bien‑être des animaux et de la protection de la nature, a demandé à avoir accès notamment à de la correspondance échangée entre la République fédérale d’Allemagne et la ville de Hambourg au sujet dudit site et du projet y relatif, ainsi qu’à de la correspondance du chancelier allemand.

16.      La République fédérale d’Allemagne, consultée par la Commission à propos de cette demande, s’étant opposée à la divulgation desdits documents, la Commission a estimé que l’article 4, paragraphe 5, du règlement lui interdisait, dans ces conditions, d’en accorder l’accès et, par conséquent, a adopté le 26 mars 2002 la décision attaquée rejetant la demande d’IFAW.

17.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2002, IFAW a introduit un recours en annulation contre la décision de la Commission du 26 mars 2002.

C –    L’arrêt attaqué

18.      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante a notamment soulevé le moyen tiré de la violation de l’article 4 du règlement. Elle a fait valoir que l’interprétation de l’article 4, paragraphe 5, dudit règlement retenue par la Commission, selon laquelle elle serait obligée de refuser l’accès à un document reçu d’un État membre si celui‑ci s’oppose à sa divulgation, est erronée. La faculté dont, en vertu de l’article 4, paragraphe 5, du règlement, dispose un État membre dont émane un document de demander à une institution qui détient celui‑ci de ne pas le divulguer ne saurait s’analyser en un droit de veto, la décision finale devant appartenir à l’institution.

19.      Sur le fondement d’une argumentation développée aux points 50 à 65 de son arrêt, le Tribunal a rejeté ce moyen et, partant, jugé le recours en annulation non fondé.

20.      Aux termes de l’arrêt attaqué, la faculté reconnue par l’article 4, paragraphe 5, du règlement à un État membre de demander à une institution de ne pas donner accès à un document qu’il lui a transmis sans son accord préalable constitue une injonction à cette institution de ne pas divulguer le document en question au cas où il s’y serait opposé. L’État membre ne serait pas tenu de motiver sa demande et l’institution serait contrainte de déférer à l’injonction sans pouvoir examiner si la non‑divulgation du document en cause est justifiée en application notamment de l’intérêt public.

21.      De ce point de vue, selon le Tribunal, l’article 4, paragraphe 5, du règlement énonce au profit des États membres une lex specialis par rapport à l’article 4, paragraphe 4, de ce texte qui ne reconnaît aux autres tiers que le droit d’être consulté par les institutions, afin de déterminer si le document qu’ils leur ont communiqué relève d’une des exceptions prévue à l’article 4, paragraphes 1 ou 2, du règlement, et encore à condition qu’il ne soit pas clair que le document doit ou non être divulgué.

22.      Le Tribunal fonde son interprétation de l’article 4, paragraphe 5, du règlement sur la considération selon laquelle l’obligation d’obtenir l’accord préalable de l’État membre risquerait, à défaut de l’octroi à celui‑ci d’un droit de veto, de rester lettre morte. Il se base également sur la déclaration n° 35, selon laquelle la Conférence convient que les principes et conditions posés à l’article 255 CE permettront à un État membre de demander à la Commission ou au Conseil de l’Union européenne de ne pas communiquer à des tiers un document émanant de cet État sans son accord préalable. Il en résulte, toujours selon le Tribunal, que la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 5, du règlement s’explique par le fait que ce règlement n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les législations nationales en matière d’accès aux documents, comme le rappelle d’ailleurs le quinzième considérant dudit règlement. Par conséquent, lorsqu’un État membre a formulé une demande au sujet d’un document en application de l’article 4, paragraphe 5, du règlement, l’accès à ce document est régi non par le règlement, mais par les dispositions nationales pertinentes de l’État membre concerné, lesquelles n’ont pas été changées par l’adoption du règlement.

23.      Et le Tribunal d’ajouter que, «afin d’assurer aux dispositions de l’article 4, paragraphe 5, du règlement une interprétation conforme à la déclaration n° 35 et de faciliter l’accès au document en cause en permettant à l’État membre, le cas échéant, de donner son consentement à la divulgation de celui‑ci, il incombe à l’institution de consulter cet État membre lorsqu’une demande d’accès porte sur un document qui émane de lui. Si cet État membre, après avoir été consulté, n’introduit pas de demande en application de l’article 4, paragraphe 5, du règlement, il incombe toujours à l’institution d’apprécier, en application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement, si le document doit être divulgué ou non» (8).

24.      Constatant que les documents dont la communication avait été demandée par la requérante constituaient des documents émanant d’un État membre au sens de l’article 4, paragraphe 5, du règlement, que la République fédérale d’Allemagne avait demandé à la Commission de ne pas divulguer, le Tribunal a jugé la décision de la Commission exempte de tout vice de violation de l’article 4 dudit règlement.

II – Analyse du pourvoi

25.      C’est contre cet arrêt du Tribunal prononcé le 30 novembre 2004 que le Royaume de Suède, qui était déjà partie intervenante au soutien des conclusions de la requérante dans la procédure devant le Tribunal, s’est pourvu devant la Cour. À l’appui de son recours, la demanderesse au pourvoi soulève un moyen unique tiré de la violation du droit communautaire résultant d’une méconnaissance de la portée de l’article 4, paragraphe 5, du règlement: loin de consacrer un droit de veto au profit des États membres comme l’a jugé le Tribunal, l’article 4, paragraphe 5, ne leur reconnaîtrait que le droit d’être consulté avant toute divulgation d’un document par l’institution à laquelle ils ont communiqué celui‑ci; celle‑ci conserverait cependant la responsabilité de décider s’il convient ou non de le rendre public, une décision de ne pas en accorder l’accès ne pouvant se justifier que par l’un des cas exceptionnels justifiant la confidentialité prévus à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement.

26.      On le voit, deux thèses diamétralement opposées sur la portée de l’article 4, paragraphe 5, du règlement s’affrontent. Pour tenter de tirer au clair l’interprétation de cette disposition, il convient d’en éprouver la pertinence. Dans cette perspective, je montrerai que ni l’interprétation littérale de l’article 4, paragraphe 5, ni le respect de la volonté des États membres exprimée dans la déclaration n° 35 ne commandaient, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, la solution qu’il a retenue. L’interprétation systématique et téléologique en impose, au contraire, une autre.

A –    L’absence de réponse probante tirée de l’interprétation littérale et de la recherche de l’intention des parties

1.      Le libellé de l’article 4, paragraphe 5, du règlement

27.      Il convient de rappeler d’emblée que, dans l’état du droit antérieur à celui résultant du règlement, le droit d’accès aux documents ne portait que sur les documents établis par les institutions (9). En revanche, pour ce qui était des documents détenus par une institution mais établis par un tiers, c’est‑à‑dire par une personne physique ou morale, un État membre, une autre institution ou organe communautaire ou tout autre organisme national ou international, prévalait la règle dite «règle de l’auteur». En vertu de celle‑ci, une institution n’était pas habilitée à divulguer les documents émanant de tiers, le demandeur d’accès étant obligé d’adresser sa requête directement à l’auteur du document (10). Quoique comprise par la jurisprudence dès le départ comme une limitation au principe général du droit d’accès et devant, à ce titre, être interprétée et appliquée restrictivement (11), cette règle de l’auteur avait néanmoins été qualifiée de «dérogation absolue en ce qui concerne les documents dont l’auteur est un tiers» (12).

28.      L’un des apports majeurs du règlement est alors d’avoir élargi le champ d’application du droit communautaire d’accès aux documents des institutions en supprimant ladite règle de l’auteur. Désormais, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, le droit d’accès porte sur «tous les documents détenus par une institution, c’est‑à‑dire établis ou reçus par elle et en sa possession». Par conséquent, les institutions peuvent être amenées à communiquer des documents émanant de tiers, ces derniers comprenant notamment les États membres, conformément à la définition de la notion de tiers figurant à l’article 3, sous b), du règlement. Cependant, cet abandon de la règle de l’auteur a été contrebalancé par un traitement spécial accordé en particulier aux documents émanant des États membres par l’article 4, paragraphe 5, du règlement. Déterminer en quoi consiste exactement ce traitement spécial, c’est tout l’enjeu du présent litige.

29.      Si les termes de la disposition en cause étaient clairs, on pourrait légitimement estimer devoir se borner à appliquer la règle telle qu’elle a été énoncée: in claris non fit interpretatio. Tirer la réponse du libellé s’avère cependant, en l’espèce, impossible, car celui‑ci est loin d’être univoque. Il énonce qu’«un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord de celui‑ci». Comme la Commission l’a elle‑même concédé, cette «formulation de l’article 4, paragraphe 5, ne précise pas dans quelle mesure les institutions sont tenues de respecter l’avis négatif émis par un État membre à la divulgation de l’un de ses documents» (13). De fait, l’accent mis sur le fait que toute divulgation par une institution d’un document qu’un État membre lui a transmis puisse être subordonnée, à la demande de celui‑ci, à son «accord préalable» plaiderait en faveur de la reconnaissance d’un droit de veto au profit de l’État membre. À l’inverse, l’emploi du mot «demander» inclinerait à conclure que la décision de divulgation revient en définitive à l’institution détentrice du document, car, comme la requérante dans la procédure devant le Tribunal l’a justement fait valoir, le terme «demande» pouvant être défini comme l’acte ou le fait de solliciter quelque chose, il implique que la partie qui a présenté une demande attend une réponse à celle‑ci ainsi que l’exercice d’un pouvoir d’appréciation par la partie qui y répond. Cette ambiguïté de la lettre de l’article 4, paragraphe 5, du règlement est soulignée par le contraste offert par la lecture des termes de l’article 9, paragraphe 3, de laquelle il ressort indubitablement l’affirmation d’un droit de veto, puisqu’il énonce que «les documents sensibles ne sont inscrits au registre ou délivrés que moyennant l’accord de l’autorité d’origine». Il ne m’est donc pas possible de suivre le Tribunal qui, dans l’arrêt faisant l’objet du pourvoi, a estimé que l’obligation, imposée à l’institution détentrice d’un document émanant d’un État membre, d’obtenir l’accord préalable de ce dernier avant toute divulgation dudit document, est «consacrée clairement» par l’article 4, paragraphe 5, du règlement (14).

30.      Aussi bien, les modifications de leurs règlements intérieurs opérées par les trois institutions, en exécution de l’obligation d’adaptation aux dispositions du règlement à elles impartie par son article 18, confirment, s’il en était besoin, l’équivoque du libellé de l’article 4, paragraphe 5. De leur lecture, il ressort que la Commission semblait ne pas s’interdire la possibilité de divulguer le document émanant d’un État membre contre l’avis explicite de son auteur, alors même que l’État membre lui aurait demandé de ne pas le faire sans son accord préalable (15). Le Conseil, pour sa part, s’est borné à reproduire le libellé de l’article 4, paragraphe 5, du règlement (16). Quant au Parlement européen, ses règles internes ne font aucun sort particulier aux documents émanant des États membres et se bornent à prévoir, en cas de documents en provenance de tiers, une consultation de ces derniers «afin de déterminer si une des exceptions prévues aux articles 4 et 9 du règlement n° 1049/2001 est d’application» (17).

31.      La doctrine elle‑même est apparue divisée sur la signification à donner aux termes de l’article 4, paragraphe 5, sur la portée à attribuer à cette disposition. D’aucuns ont cru voir ressortir du libellé de cette disposition l’affirmation explicite d’un droit de veto au profit des États membres (18). D’autres, au contraire, en ont soutenu une interprétation différente, ménageant un droit de dernier mot sur la demande d’accès à l’institution détentrice du document (19).

32.      En réalité, l’ambiguïté des termes de l’article 4, paragraphe 5, du règlement correspond, ainsi que le gouvernement danois l’a pertinemment souligné, à une «équivoque constructive» qui, seule, en a permis l’adoption par le législateur communautaire (20). Celle‑ci est, en effet, la résultante des tensions qui ont accompagné la genèse du règlement, une opposition entre les partisans du maintien d’un secret relatif et les tenants d’une plus grande transparence ayant divisé les différents protagonistes du processus législatif (21). La Commission voulait conserver aux États membres un contrôle sur la divulgation des documents qu’ils transmettent aux institutions. Aussi, sa proposition initiale prévoyait, en son article 4, sous d), que «les institutions refusent l’accès aux documents dont la divulgation pourrait porter une atteinte significative à la protection de la confidentialité demandée par le tiers qui a fourni le document ou l’information ou de la confidentialité requise par la législation de l’État membre» (22). Le Parlement était d’avis, lui, que la décision de divulgation d’un document émanant d’un État membre devait revenir à l’institution qui le détient et avait, en conséquence, suggéré une modification en ce sens de la proposition de règlement de la Commission (23). Au sein du Conseil, les États membres étaient eux‑mêmes partagés, comme l’illustre le fait qu’une proposition de la présidence française, présentée en décembre 2000, qui reconnaissait clairement aux États membres un droit de veto, n’a finalement pas été retenue.

2.      La portée de la déclaration n° 35

33.      Aussi la solution de compromis a‑t‑elle été de reprendre dans l’article 4, paragraphe 5, de manière presque littérale le texte de la déclaration n° 35, comme le Tribunal l’a lui‑même souligné (24) et comme l’indique le dixième considérant 10 du règlement, d’après lequel, en substance, l’extension du droit d’accès aux documents reçus par les institutions doit être comprise à la lumière de la déclaration n° 35.

34.      Comment, dès lors, mesurer la portée de ce renvoi à la déclaration n° 35? Le statut des déclarations annexées aux traités reste encore relativement flou. Si l’article 311 CE dispose que les protocoles qui, d’un commun accord des États membres, ont été annexés aux traités institutifs en «font partie intégrante» et ont, partant, la même valeur juridique (25), le traité est muet sur le sort des déclarations. La doctrine dominante (26) s’accorde à dénier tout effet normatif contraignant aux déclarations insérées dans l’acte final des traités communautaires, n’y voyant que l’expression d’un engagement politique. La jurisprudence, longtemps, ne s’est pas prononcée. Ce n’est que récemment qu’elle a reconnu aux déclarations une portée interprétative (27). Cette solution correspond à celles reçues en droit international. L’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 énonce qu’un traité doit être interprété en tenant compte de son contexte, celui‑ci comprenant, «outre le texte, préambule et annexes inclus: […] tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité». Sont donc visées, comme bases d’interprétation, les déclarations formulées par les parties (28). L’interprétation d’un traité ainsi donnée d’un commun accord par les États parties dans une déclaration peut‑elle aller jusqu’à en modifier les stipulations? Si le droit international a déjà pu en fournir quelques illustrations dans la mesure où les États signataires sont les interprètes authentiques du traité (29), tel ne saurait être le cas en droit communautaire, étant donné le caractère rigide des traités institutifs qui constituent la charte constitutionnelle des Communautés (30).

35.      La déclaration n° 35 pouvant ainsi légitimement servir de base d’interprétation de l’article 4, paragraphe 5, du règlement, il reste à déterminer si elle permet d’en éclairer le sens. Selon le Royaume‑Uni, ladite déclaration révélerait que, en adoptant l’article 255 CE, dont la portée s’étend aux documents créés par des tiers et détenus par des institutions communautaires, les États membres ont exigé des garanties pour que les documents émanant d’eux ne soient pas divulgués par les institutions sans leur consentement. Le Tribunal lui a reconnu la même portée, puisque, après en avoir rappelé les termes, il en a déduit l’existence d’un droit de veto des États membres sur toute demande d’accès à un document qu’ils auraient transmis à une institution (31). Toutefois, rédigée dans les mêmes termes que l’article 4, paragraphe 5, du règlement, la déclaration n° 35 est empreinte de la même ambiguïté. Elle ne peut donc guère aider à en préciser la signification: pas plus que dans la lettre de l’article 4, paragraphe 5, on ne peut voir dans son libellé l’affirmation claire, indubitable d’un droit de veto au profit des États membres.

36.      On doit en convenir, la lettre de l’article 4, paragraphe 5, est affectée d’une équivoque irréductible. Certes, elle n’exclut pas la lecture qu’en a faite le Tribunal; les termes de cette disposition ne réduisent pas expressément les garanties accordées aux États membres en cas de demande de divulgation d’un document émanant d’eux adressée à une institution à une simple consultation. À cet égard, l’article 4, paragraphe 5, ne saurait être vu, d’un point de vue purement littéral, comme le pendant de l’article 5 qui énonce que, «lorsqu’un État membre est saisi d’une demande relative à un document en sa possession, émanant d’une institution, […] l’État membre consulte l’institution concernée afin de prendre une décision ne compromettant pas la réalisation des objectifs du présent règlement». Le libellé de l’article 4, paragraphe 5, n’impose cependant pas l’interprétation qu’en a retenue le Tribunal. Or, la faculté accordée aux États par cette disposition de demander la non‑divulgation de leurs documents à des tiers, sauf accord préalable de leur part, a été expressément qualifiée par le Tribunal d’«exception» au droit d’accès aux documents des institutions (32). Selon une jurisprudence constante, toute exception au droit d’accès aux documents des institutions doit être interprétée et appliquée strictement (33). L’interprétation reconnaissant aux États membres un droit de veto inconditionnel sur l’accès aux documents transmis par eux à une institution ne pouvait, dès lors, être admise que si elle avait pu trouver un appui suffisant dans la lettre même de l’article 4, paragraphe 5.

B –    L’interprétation systématique et téléologique

37.      En l’absence de réponse incontestable qui ressortirait d’une interprétation littérale de l’article 4, paragraphe 5, du règlement, il convient de tenter de préciser le sens de la disposition en cause en la resituant dans le contexte normatif d’ensemble dans lequel elle s’insère et en faisant appel aux objectifs de la réglementation dont elle fait partie. À cet égard, la disposition en cause s’inscrit dans un contexte juridique marqué par la lente mais inexorable montée en puissance en droit communautaire de l’exigence de transparence en général et du droit d’accès aux documents des institutions en particulier.

38.      Longtemps, un droit d’accès du public aux documents des institutions est resté inconnu du droit communautaire. Mais l’évolution a été celle d’une «affirmation progressive» (34) du droit d’accès du public aux documents détenus par les autorités publiques, dont je me bornerai à rappeler brièvement les jalons les plus marquants. L’attachement à la transparence du processus décisionnel a été pour la première fois solennellement exprimé dans la déclaration n° 17 relative au droit d’accès à l’information annexée à l’acte final du traité sur l’Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992, qui recommande à cet effet l’adoption de mesures visant à accroître l’accès du public à l’information dont disposent les institutions. En l’absence de réglementation communautaire générale déterminant la portée de ce droit d’accès, il est revenu aux institutions de rompre avec le principe traditionnel du secret administratif en décidant elles‑mêmes si elles voulaient ou non donner accès à un document demandé qu’elles détenaient. Après l’adoption d’un commun accord, le 6 décembre 1993, d’un code de conduite énumérant les principes de l’accès du public aux documents qu’ils détiennent (35), le Conseil et la Commission ont, sur le fondement de leur pouvoir d’organisation interne (36), pris respectivement une décision de mise en œuvre desdits principes (37) et une décision adoptant formellement ledit code (38). Malgré cette affirmation progressive du droit d’accès du public aux documents des institutions, malgré les invitations faites par ses avocats généraux (39) ou certains de ses membres (40), malgré l’aiguillon de certaines prises de position du Tribunal (41), et quoiqu’elle ait elle‑même reconnu que le droit d’accès du public aux documents détenus par les autorités publiques est consacré, à titre de principe constitutionnel ou législatif, par la majorité des États membres (42), la Cour ne l’a pas formellement érigé en principe général du droit communautaire (43).

39.      L’évolution ne fut pourtant pas stoppée là. L’étape suivante a été la consécration par le traité d’Amsterdam, d’une part dans l’article 1er, deuxième alinéa TUE d’un «principe d’ouverture», d’autre part dans l’article 255 CE d’un droit d’accès aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission. Certes, faute d’effet direct, ces dispositions ne sauraient soutenir une demande de divulgation d’un document d’une institution; l’exercice d’un droit d’accès demeure subordonné à l’adoption d’une législation en régissant l’exercice (44). À cet égard, l’article 255, paragraphe 2, CE, issu du traité d’Amsterdam, fournit une base juridique à cet effet, en confiant au Conseil, en codécision avec le Parlement, le soin de préciser les principes généraux et les limites du droit d’accès aux documents des institutions. Et c’est sur ce fondement juridique que fut adoptée la législation communautaire générale relative au droit d’accès aux documents détenus par les institutions que constitue le règlement n° 1049/2001. Il n’en reste pas moins que désormais l’existence du droit d’accès aux documents des institutions repose non plus sur des mesures d’ordre interne arrêtées par les institutions que celles‑ci se doivent de respecter conformément à l’adage «patere legem quam ipse fecisti», ni même sur le règlement mais sur une disposition de valeur constitutionnelle.

40.      Cette ascension normative du droit d’accès a été doublée d’une promotion matérielle. On est passé d’une simple faveur accordée à l’administré par les institutions dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire à un véritable droit subjectif à caractère fondamental octroyé à l’individu. En effet, tant que l’accès du public aux documents des institutions était laissé à la discrétion de ces dernières, les mesures qu’elles avaient prises pour préciser le traitement de telles demandes visaient uniquement à assurer leur fonctionnement interne dans l’intérêt d’une bonne administration. Elles ne conféraient aux particuliers aucun droit subjectif leur permettant d’obtenir les informations sollicitées, même s’ils pouvaient réclamer le respect desdites mesures prises (45). Avec l’introduction de l’article 255 CE par le traité d’Amsterdam, l’accès aux documents des institutions devient un droit subjectif reconnu à «tout citoyen de l’Union et [à] toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre». Et ce droit d’accès présente le caractère d’un droit fondamental comme le confirme le fait qu’il a été repris dans l’article 42 de la charte des droits fondamentaux (46).

41.      Ce renforcement du statut du droit d’accès est étroitement lié à la mutation des objectifs poursuivis par l’«impératif de transparence» (47). Les rares obligations, qui participent de près ou de loin dudit impératif, mises à la charge des institutions dès l’origine tendaient avant tout à assurer l’efficacité de l’action communautaire et le contrôle de sa légalité. Que l’on songe au respect des droits de la défense ou aux obligations de motivation et de publicité des actes communautaires. Avec l’avènement du droit d’accès aux documents détenus par les autorités publiques, la transparence vise plutôt à renforcer la légitimité démocratique de l’action communautaire (48). On pourrait sans doute, si l’on était provocateur, mettre en question la relation réclamée entre transparence et démocratie. Ne serait‑elle pas le symptôme d’un sentiment général de suspicion du citoyen à l’égard des gouvernants et du système démocratique représentatif? Par ailleurs, le risque existe que la transparence ne soit pas utilisée de la même façon par tous les citoyens et qu’elle serve à promouvoir un accès privilégié de certains groupes d’intérêts au système politique. Quoi qu’il en soit, ce lien avec le principe de la démocratie, sur lequel l’Union est fondée (49), a été souligné d’emblée. Déjà la déclaration n° 17 relative au droit d’accès à l’information, annexée à l’acte final du traité sur l’Union européenne, note que «la transparence du processus décisionnel renforce le caractère démocratique des institutions». La jurisprudence rappellera à plusieurs reprises les termes de ladite déclaration (50), puis expliquera que la transparence visant à conférer au public le plus large accès possible aux documents garantit une «plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique» (51), dans la mesure où elle permet à ces derniers «d’exercer un contrôle effectif et efficace sur l’exercice du pouvoir dont les institutions communautaires sont investies» (52). «En effet, ce n’est que si une publicité adéquate est donnée aux activités du pouvoir législatif, de l’exécutif et de l’administration publique en général qu’il est possible, d’une part, d’exercer un contrôle effectif et efficace, également au niveau de l’opinion publique, sur le fonctionnement de l’organisation du pouvoir et, d’autre part, de développer, dans les rapports entre l’administration et les administrés, des modèles d’organisation assurant réellement la participation de ces derniers» (53). Les liens entre transparence et démocratie ainsi mis en évidence ont été, enfin, rappelés dans le deuxième considérant du règlement.

42.      Or, rappelons‑le, déjà tant que le principe du plus large accès possible aux documents détenus par les institutions n’était posé que par des mesures d’organisation interne, la jurisprudence en avait déduit que les exceptions et limites posées par lesdites mesures devaient être interprétées et appliquées restrictivement, de façon à ne pas tenir en échec l’application du principe (54). Le droit d’accès aux documents des institutions étant devenu un droit fondamental de valeur constitutionnelle lié aux principes de la démocratie et d’ouverture, c’est à son aune que doit être interprété en particulier tout acte de droit dérivé ayant pour objet d’en réglementer l’exercice et les limites qui lui sont apportées par celui‑ci doivent être interprétées de façon encore plus restrictive (55). Il en résulte notamment que, tandis que, aussi longtemps que le droit d’accès aux documents des institutions n’était reconnu que par des mesures d’organisation interne, celles‑ci pouvaient exclure de leur champ d’application certaines catégories de documents, en particulier ceux dont les institutions n’étaient pas l’auteur, l’existence d’un droit fondamental d’accès aux documents des institutions garanti par une disposition de valeur supérieure interdit désormais au législateur communautaire d’en restreindre le champ d’application (56). Or, pareille restriction résulterait d’une interprétation consistant à voir dans l’article 4, paragraphe 5, du règlement la reconnaissance au profit des États membres d’un droit de veto sur la divulgation de documents émanant d’eux. Dans ce cas en effet, a jugé le Tribunal, le document à l’égard duquel un État membre a fait une demande de non‑divulgation n’est pas régi par le droit communautaire, mais par les dispositions nationales pertinentes de cet État membre (57). En outre et en tout état de cause, la reconnaissance d’un droit de veto inconditionnel aux États membres sur la divulgation par les institutions de documents qu’ils leur auraient communiqués porterait une atteinte trop importante au droit fondamental d’accès aux documents et à la transparence du processus décisionnel communautaire que celui‑ci tend à garantir. En effet, premièrement, un grand nombre des documents qui servent à la prise de décision communautaire émanent des États membres. Deuxièmement, la plupart des droits des États membres en matière de transparence prévoyant une exception au droit d’accès, dès lors que les documents demandés ont trait à la politique extérieure de l’État, c’est‑à‑dire aux relations que celui‑ci entretient avec d’autres États ou des organisations internationales, il y aurait fort à craindre qu’ils n’invoquent quasi systématiquement l’article 4, paragraphe 5, pour empêcher la divulgation des documents qu’ils ont transmis aux institutions de l’Union.

43.      Par ailleurs, il convient de souligner qu’il découle du lien établi dans l’Union européenne entre le principe de la transparence et le système démocratique que l’accès à tel ou tel document doit être déterminé en fonction, moins de l’identité de son auteur, que de l’importance dudit document pour la connaissance et la responsabilisation du processus de décision communautaire.

44.      Au surplus, le règlement a précisément pour objet de concrétiser le droit d’accès aux documents des institutions consacré par l’article 255 CE en en fixant les principes généraux, les conditions et les limites. Ainsi qu’il ressort de son article 1er lu, notamment, à la lumière de son quatrième considérant, et comme la Cour l’a souligné elle‑même, il «vise à conférer le plus large effet possible au droit d’accès du public aux documents détenus par les institutions» (58). Dans cette optique, comme je l’ai déjà fait observer et comme le Tribunal lui‑même l’a relevé dans l’arrêt attaqué (59), l’une des avancées les plus significatives par rapport à l’état du droit antérieur réalisée par ledit règlement consiste dans l’abandon de la règle de l’auteur. Dès lors, reconnaître aux États membres, comme l’a fait le Tribunal, un droit de veto inconditionnel sur la divulgation par les institutions de documents qu’ils leur ont transmis reviendrait à réintroduire, au moins partiellement, de manière détournée ladite règle de l’auteur. Pareille interprétation ne me paraît compatible ni avec l’objet ni avec la finalité du règlement.

45.      Toutefois, selon la Commission et le Royaume‑Uni, refuser un droit de veto à l’État membre dont émane le document demandé en laissant à l’institution qui en est détentrice le soin de décider de sa divulgation conduirait à une harmonisation détournée des réglementations nationales relatives au droit d’accès au mépris de l’objet affiché du règlement et en violation du principe de subsidiarité. C’est également l’avis du Tribunal, qui a fondé sa solution sur le quinzième considérant dudit règlement, selon lequel celui‑ci «n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les législations nationales en matière d’accès aux documents» (60). Aussi, pour préserver l’application des droits nationaux en matière de transparence, il a dit pour droit que toute demande de refus d’accès formulée par un État membre en application de l’article 4, paragraphe 5, en ce qu’elle «constitue une injonction à l’institution de ne pas divulguer le document en question» (61), a pour effet de soustraire le document qu’il lui a transmis à l’empire du droit communautaire d’accès pour le soumettre au droit national de l’État membre concerné (62).

46.      Cette analyse se situe cependant en porte‑à‑faux avec les termes explicites de l’article 2, paragraphe 3 du règlement, d’après lequel ledit règlement «s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est‑à‑dire établis ou reçus par elle et en sa possession». Elle se concilie également malaisément avec l’article 2, paragraphe 2, selon lequel «les institutions peuvent […] autoriser l’accès aux documents à toute personne physique ou morale non domiciliée ou n’ayant pas son siège dans un État membre». De la lecture combinée de ces deux dispositions, il ressort qu’un document transmis par une autorité nationale à une institution est, à partir de ce moment, exclusivement soumis au droit communautaire et sous la responsabilité de cette institution. La lecture en parallèle de l’article 5 révèle alors clairement la logique qui anime le règlement: le droit applicable à une demande d’accès et l’autorité compétente pour décider de sa divulgation dépendent non de l’origine du document, de la qualité de son auteur, mais de l’identité de son dépositaire ou, plus exactement, de la qualité de l’organe à qui la demande d’accès est adressée.

47.      Et la crainte d’une remise en cause des législations nationales en matière de transparence en cas d’octroi à l’institution qui en est détentrice du pouvoir de décider de la divulgation d’un document émanant d’un État membre n’apparaît pas fondée. La réglementation communautaire et les réglementations nationales restent autonomes, car elles portent sur des domaines différents. Certes, des interférences peuvent advenir, un même document relever à la fois du droit national et du droit communautaire. Même dans ce cas, la décision prise par une institution sur la base du règlement ne lie pas l’État membre dont émane le document sollicité si une demande de communication de celui‑ci lui est également directement adressée; celle‑ci sera examinée sur la base du droit national. Sous réserve, comme l’impose l’article 5 du règlement, de ne pas compromettre, ce faisant, les objectifs dudit règlement, un État membre pourra ainsi divulguer un document dont l’institution communautaire a refusé l’accès, car ses règles nationales en matière de transparence sont plus généreuses. À l’inverse, une institution peut, dans les conditions ou sous les limites que l’on précisera plus avant, donner accès à un document dont l’État membre qui le lui a transmis a refusé la communication, car les règles communautaires que les États membres ont convenu ensemble d’imposer aux institutions offrent un accès plus large aux documents que le droit national de l’État membre concerné. Il ne faut pas s’offusquer de ces divergences d’appréciation, dont l’affaire Svenska Journalistförbundet/Conseil, précitée, offre une illustration emblématique (63). Elles sont précisément le signe et le résultat de ce que la réglementation communautaire relative au droit d’accès n’a ni pour objet ni pour effet d’harmoniser les droits nationaux en la matière.

48.      Si, comme je viens de l’exposer, l’interprétation téléologique et systématique impose de ne pas voir dans l’article 4, paragraphe 5, la reconnaissance aux États membres d’un droit de veto, il reste qu’il convient de ménager à cette disposition un effet utile. Dans cette optique, il faut convenir avec le Tribunal (64) que l’article 4, paragraphe 5, énonce une lex specialis en plaçant les États membres dans une situation différente de celle des autres tiers régie, elle, par l’article 4, paragraphe 4. Mais il suffit, pour assurer un effet utile à l’article 4, paragraphe 5, d’y voir le droit pour un État membre, s’il en a fait la demande, d’être obligatoirement consulté par l’institution à laquelle la demande de divulgation du document qu’il lui a transmis a été adressée. L’État membre qui entend invoquer l’article 4, paragraphe 5, se trouve ainsi dans une position privilégiée par rapport aux autres tiers, puisqu’il a l’assurance de pouvoir exposer à l’institution détentrice du document émanant de lui les raisons qui, selon lui, s’opposent à sa divulgation, quand bien même il apparaîtrait clairement à ladite institution que le document doit être divulgué ou ne pas l’être. En d’autres termes, soit l’État membre dont émane le document sollicité ne fait pas de demande au titre de l’article 4, paragraphe 5, et il ne sera consulté par l’institution détentrice du document, en vertu de l’article 4 paragraphe 4, et à l’instar des autres tiers, que s’il n’est pas clair que ledit document doit ou non être communiqué; soit il formule une telle demande et sa consultation préalable par l’institution s’impose en tout état de cause.

49.      Le Royaume‑Uni objecte, il est vrai, que réduire l’article 4, paragraphe 5, à une simple obligation procédurale de consultation systématique de l’État membre dont émane le document sollicité au cas où il en a fait la demande ne conférerait pas de réelle portée à cette disposition par rapport à l’article 4, paragraphe 4, puisque la consultation au titre de l’article 4, paragraphe 5, intervenant dans des hypothèses où il est clair que le document en question doit ou ne doit pas être divulgué, ne présenterait pas d’intérêt. Cette objection ne porte pas, car les raisons qu’un État membre peut avancer pour justifier la non‑divulgation par l’institution détentrice du document qu’il lui a transmis ne sont pas limitées aux exceptions au droit d’accès énoncées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, seules raisons au regard desquelles il peut être clair pour ladite institution que le document en question doit ou non être divulgué.

50.      Certes, l’État membre dont émane le document sollicité ne saurait invoquer n’importe quelles raisons pour s’opposer à la divulgation dudit document par l’institution à laquelle la demande d’accès est adressée. Il résulte de l’article 255, paragraphe 2, CE que ces raisons doivent nécessairement renvoyer à des intérêts publics ou privés. Mais les «raisons d’intérêt public ou privé» que l’État membre peut avancer ne se limitent pas aux exceptions au droit d’accès énoncées par le règlement, elles peuvent également être tirées du droit national de l’État membre concerné.

51.      En définitive, ce sera cependant à l’institution détentrice du document qu’il incombera de statuer sur la demande d’accès sans être tenue par l’avis donné par l’État membre dont émane le document. À cet égard, il n’est là encore pas possible de suivre l’interprétation du Tribunal, selon laquelle l’État membre n’a pas à motiver sa demande de non‑divulgation introduite au titre de l’article 4, paragraphe 5 (65). Si l’État membre n’expose pas les raisons qui, selon lui, justifieraient un refus d’accès, comment l’institution pourrait‑elle être avertie et, a fortiori, convaincue de l’existence d’un besoin spécifique de confidentialité?

52.      Néanmoins, si, dans le cadre de l’examen de la motivation fournie par l’État membre, l’institution peut revenir sur l’appréciation par lui portée d’un besoin spécifique de confidentialité au titre d’une des exceptions au droit d’accès énoncées par le règlement, elle ne saurait à l’évidence le faire, au cas où la demande de non‑divulgation formulée par l’État membre serait motivée par la protection d’un intérêt public ou privé prévue par le droit national.

53.      L’institution pourrait toutefois, selon moi, ne pas donner suite à la demande de non‑divulgation que le besoin spécifique de confidentialité tiré du droit national fonde, si elle devait estimer que la transparence du processus décisionnel communautaire le commande. Autrement dit, si une bonne compréhension des raisons ayant conduit à la prise de décision communautaire concernée l’exige, l’institution doit pouvoir – et même doit – accorder l’accès au document émanant d’un État membre à celui qui l’a réclamé, quand bien même ledit État membre s’y serait opposé au nom d’un secret protégé par son droit national. Il y va du respect de l’objectif de transparence dont le droit fondamental d’accès aux documents participe (66). Il y va plus avant de l’effectivité du principe de démocratie auquel, on l’a vu, la transparence est aujourd’hui étroitement associée. Il y va enfin de l’exigence de congruence structurelle, le transfert de compétences à la Communauté ne devant pas conduire à une diminution du contrôle démocratique du pouvoir par les citoyens des États membres. Or, tel pourrait notamment être le cas si un État membre devait, pour tous les documents qu’il communique aux institutions aux fins de prise de décision communautaire, invoquer l’exception au droit d’accès tirée du droit national relative à la politique extérieure de l’État. S’il suffisait à un État membre d’invoquer une exception de ce type pour se soustraire de façon systématique à toute demande d’accès à un document relatif à sa participation au processus décisionnel de la Communauté, le rôle que doit jouer le principe de transparence dans le contrôle démocratique du processus politique serait remis en cause. En réalité, on ne peut pas permettre que certains pouvoirs, qui étaient soumis à des mécanismes de contrôle démocratique au niveau national, soient, par l’effet de leur transfert à la Communauté, désormais systématiquement affranchis de mécanismes équivalents de contrôle démocratique, au motif qu’ils relèveraient désormais du domaine de la «politique extérieure des États».

54.      En procédant à l’appréciation de l’impératif de transparence du processus décisionnel communautaire pour décider du sort de la demande d’accès à un document émanant d’un État membre à elle adressée, l’institution devra néanmoins également avoir égard à l’intégrité du droit national aux fins de respect duquel ledit État membre a sollicité la non‑divulgation au titre de l’article 4, paragraphe 5. Et, faut‑il le répéter, elle y sera d’autant plus sensible que l’État membre l’aura mise en mesure, par la motivation de sa demande de non‑divulgation, de comprendre pourquoi la confidentialité est nécessaire au respect du droit national et de ses objectifs. Cette mise en balance, le principe de coopération loyale régissant les rapports entre les institutions et les États membres, rappelé au quinzième considérant du règlement l’exige, de même qu’il impose aux États membres de communiquer aux institutions les documents nécessaires à la prise de décision communautaire et de même surtout qu’il contraint à l’inverse les États membres à ne pas compromettre la réalisation des objectifs dudit règlement lorsque, conformément à ce que prévoit l’article 5 du règlement, ils statuent sur la base de leur droit national sur une demande d’accès à un document en leur possession émanant d’une institution.

55.      Doit‑on y insister, la reconnaissance d’un droit de dernier mot ainsi encadré à l’institution détentrice d’un document émanant d’un État membre sur la demande d’accès qui lui est adressée me paraît seule s’accorder avec la nature de droit fondamental du droit d’accès aux documents des institutions. Rappelons en effet que toute restriction à un droit fondamental ne saurait être justifiée que si elle tend à la protection d’un intérêt légitime et que si, conformément au principe de proportionnalité, elle ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (67).

56.      Je fais observer enfin que, s’imposant en droit, l’interprétation de l’article 4, paragraphe 5, du règlement que je suggère n’aura, sinon en droit, du moins en pratique que peu de portée sur la portée de la consultation de l’État membre. On peut en effet augurer que, le plus souvent, l’avis que l’État membre dont émane le document sollicité aura donné sera suivi par l’institution (68).

57.      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit en ce qu’il a interprété l’article 4, paragraphe 5, du règlement comme conférant aux États membres un droit de veto sur la divulgation par l’institution qui en est détentrice et à laquelle une demande d’accès a été adressée des documents qu’ils lui ont transmis.

58.      Au cas où la Cour ne devrait pas me suivre, estimant au contraire devoir confirmer la solution à laquelle a abouti l’arrêt attaqué, il conviendrait en tout état de cause d’apporter, par voie de substitution de motifs, un correctif à la motivation retenue par le Tribunal. Il me semble en effet que la lecture (69) qu’il a faite de l’article 4, paragraphe 5, selon laquelle cette disposition obligerait systématiquement l’institution détentrice du document sollicité à consulter l’État membre dont ledit document émane avant toute prise de décision sur sa divulgation, même si l’État membre n’a pas antérieurement formulé de demande de confidentialité pour, en réalité semble‑t‑il, précisément l’interroger sur le point de savoir s’il souhaite introduire une telle demande au titre de l’article 4, paragraphe 5, va à l’encontre du texte clair de cette disposition qui subordonne explicitement l’obligation de consultation de l’État membre à la formulation préalable par celui‑ci d’une demande de non‑divulgation. Certes, en l’espèce, les documents nationaux demandés avaient été transmis à la Commission par les autorités allemandes avant l’entrée en vigueur du règlement. Dans ce cas de figure, les dispositions de mise en œuvre dudit règlement insérées par la Commission dans son règlement intérieur (70) prévoient la consultation de l’autorité d’origine, indépendamment de la formulation préalable d’une demande au titre de l’article 4, paragraphe 5. Il importe donc peu à la légalité de l’arrêt attaqué que la consultation des autorités allemandes par la Commission soit intervenue en l’espèce en l’absence de toute demande préalable de ces dernières. Mais la généralité des termes employés par le Tribunal porte à croire que l’invitation qu’il adresse aux institutions de consulter l’État membre dont émane le document sollicité pour lui demander s’il souhaite se prévaloir de l’article 4, paragraphe 5, vaut tant pour les documents qu’il leur aurait transmis avant la mise en application du règlement que pour les documents communiqués après cette date. En cela, la motivation de l’arrêt contredit le libellé exprès de l’article 4, paragraphe 5, et ne saurait donc être admise. Je suggérerais donc à la Cour de la rectifier de manière à limiter la consultation de l’État membre concerné par l’institution saisie d’une demande d’accès à un document qui émane de ce dernier pour déterminer s’il souhaite exciper de l’article 4, paragraphe 5, au cas où il lui aurait transmis ledit document avant l’entrée en vigueur du règlement.

III – Conclusion

59.      Par ces motifs, je suggère à la Cour de faire droit au moyen du pourvoi tiré de la violation du droit communautaire et, en conséquence, d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 30 novembre 2004, IFAW Internationaler Tierschutz‑Fonds/Commission (T‑168/02).


1 – Langue originale: le portugais.


2 – T‑168/02, Rec. p. II‑4135.


3 – JO L 145, p. 43.


4 – Sur la mise en évidence de ce contraste, on se reportera à Ragnemalm, H., «Démocratie et transparence: sur le droit général d’accès des citoyens de l’Union européenne aux documents détenus par les institutions communautaires», Mél. G. F. Mancini, vol. II, éd. Dott. A. Giuffrè, Milan, 1998, p. 809. On rappellera simplement que le droit d’accès du public aux documents officiels est inscrit dans la Constitution suédoise depuis 1766.


5 – Rideau, J., «Jeux d’ombres et de lumières en Europe», dans La transparence dans l’Union européenne: mythe ou principe juridique?, LGDJ, Paris, 1998, p. 1.


6 – Voir rapport de la Commission sur la mise en œuvre des principes du règlement (CE) n° 1049/2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, du 30 janvier 2004 [COM(2004) 45 final, point 3.5.2].


7 – JO L 206, p. 7.


8 – Arrêt attaqué, point 60.


9 – Voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 octobre 2000, JT’s Corporation/Commission (T‑123/99, Rec. p. II‑3269, point 53), et du 11 décembre 2001, Petrie e.a./Commission (T‑191/99, Rec. p. II‑3677, point 47).


10 – Pour un rappel, voir arrêt du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil (T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, point 92).


11 – Voir arrêts du Tribunal du 19 juillet 1999, Rothmans/Commission (T‑188/97, Rec. p. II‑2463, point 55), et du 7 décembre 1999, Interporc/Commission (T‑92/98, Rec. p. II‑3521, point 69).


12 – Voir arrêt du Tribunal du 16 octobre 2003, Co‑Frutta/Commission (T‑47/01, Rec. p. II‑4441, point 59).


13 – Rapport de la Commission sur la mise en œuvre des principes du règlement, du 30 janvier 2004, point 3.5.2.


14 – Point 58 de l’arrêt attaqué.


15 – Voir article 5, paragraphes 4, sous b), et 6, de la décision 2001/937/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO L 345, p. 94).


16 – Voir article 2, paragraphe 1, sous b), de l’annexe II de la décision 2001/840/CE du Conseil, du 29 novembre 2001, modifiant le règlement intérieur du Conseil (JO L 313, p. 40).


17 – Voir article 9, paragraphe 3, de la décision du Bureau relative à l’accès du public aux documents du Parlement européen du 28 novembre 2001 (JO C 374, p. 1).


18 – Voir notamment, en ce sens, Cabral, P., «Access to Member State documents in EC law», ELR, vol. 31 (2006), nº 3, p. 378, 385; voir aussi, De Leeuw, M. E., «The regulation on public access to European Parliament, Council and Commission documents in the European Union: are citizens better off?», ELR, vol. 28 (2003), nº 3, p. 324, 337 et 338.


19 – Voir notamment Harden, I., «Citizenship and Information», European Public Law, vol. 7 (2001), nº 2, p. 165, 192, et Peers, S., «The new regulation on access to documents: a critical analysis», YEL 21 (2001-2002), p. 385, 407 et 408.


20 – Voir aussi, dans le même sens, Heliskoski, J., et Leino, P., «Darkness at the break of noon: the case law on Regulation n° 1049/2001 on access to documents», CMLR, vol. 43 (2006), nº 3, p. 735, 771 et 772.


21 – Pour une évocation des divisions entre les différents acteurs du processus législatif, on peut se reporter à Bjurulf, B., et Elgström, O., «Negociating transparency: the role of institutions», JCMS, vol. 42 (2004), nº 2, p. 249.


22 – Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2000, C 177 E, p. 70).


23 – Voir amendement n° 36, dans rapport A5 – 0318/2000 du 27 octobre 2000.


24 – Point 57 de l’arrêt attaqué; voir déjà arrêts du Tribunal du 17 septembre 2003, Messina/Commission (T‑76/02, Rec. p. II‑3203, point 41), et du 17 mars 2005, Scippacercola/Commission (T‑187/03, Rec. p. II‑1029, point 56).


25 – Comme la Cour l’a dès longtemps reconnu (arrêt du 23 avril 1956, Groupement des industries sidérurgiques luxembourgeoises/Haute Autorité, 7/54 et 9/54, Rec. p. 53, 90): «aux termes de l’article 84 du Traité, les mots ‘le présent Traité’ doivent être entendus comme visant les clauses du Traité et de ses annexes, celles des Protocoles annexes et de la Convention relative aux dispositions transitoires; […] de ce fait, les dispositions contenues dans tous ces textes ont même force impérative [...]».


26 – Voir Thot, A., «The legal status of the declarations annexed to the Single european act», CMLR, 1986, p. 803; Constantinesco, V., «La structure du Traité instituant l’Union européenne», CDE, 1993, nº 3-4, p. 251, 261; Petit, Y., «Commentaire de l’article R», dans Constantinesco, V., Kovar, R., et Simon, D., Traité sur l’Union européenne: commentaire article par article, éd. Economica, Paris, 1995, p. 913, 922 à 924, et Simon, D., Le système juridique communautaire, 3e éd., PUF, 2001, p. 306.


27 – Voir arrêt du Tribunal du 7 juin 2001, Agrana Zucker und Stärke/Commission (T‑187/99, Rec. p. II‑1587), et ordonnance de la Cour du 5 novembre 2002, Agrana Zucker und Stärke/Commission (C‑321/01 P, Rec. p. I‑10027).


28 – Voir Combacau, J., et Sur, S., Droit international public, 7e éd., Paris: Montchrestien, 2006, p. 174 et 175.


29 – Ibidem.


30 – Arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, Rec. p. 1339, point 23).


31 – Voir arrêt attaqué, points 57 et 58.


32 – Arrêt Messina/Commission, précité, point 55.


33 – Voir, notamment, arrêts du 11 janvier 2000, Pays‑Bas et van der Wal/Commission (C‑174/98 P et C‑189/98 P, Rec. p. I‑1, point 27); du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala (C‑353/99 P, Rec. p. I‑9565, point 25); du 6 mars 2003, Interporc/Commission (C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, point 48); du 1er février 2007, Sison/Conseil (C‑266/05 P, non encore publié au Recueil, point 63), et du Tribunal du 5 mars 1997, WWF UK/Commission (T‑105/95, Rec. p. II‑313, point 56).


34 – Pour reprendre les termes de la Cour elle‑même (arrêts du 30 avril 1996, Pays‑Bas/Conseil, C‑58/94, Rec. p. I‑2169, point 36, et du 6 mars 2003, Interporc/Commission, précité, point 38).


35 – Code de conduite 93/730/CE, concernant l’accès du public aux documents du Conseil et de la Commission (JO L 340, p. 41).


36 – La légalité de ce fondement a été reconnue (voir arrêt Pays‑Bas/Conseil, précité).


37 – Décision 93/731/CE du Conseil, du 20 décembre 1993, relative à l’accès du public aux documents du Conseil (JO L 340, p. 43).


38 – Décision 94/90/CECA, CE, Euratom de la Commission, du 8 février 1994, relative à l’accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58).


39 – Voir conclusions de l’avocat général Tesauro dans l’affaire Pays‑Bas/Conseil, précitée, point 19, et de l’avocat général Léger dans l’affaire Conseil/Hautala, précitée.


40 – Voir, notamment, Ragnemalm, H., «Démocratie et transparence: sur le droit général d’accès des citoyens de l’Union européenne aux documents détenus par les institutions communautaires», précité, p. 826‑827.


41 – Qui évoque notamment un «principe du droit à l’information» (arrêt du Tribunal du 19 juillet 1999, Hautala/Conseil, T‑14/98, Rec. p. II‑2489, point 87) ou le «principe de transparence» (arrêt du Tribunal du 7 février 2002, Kuijer/Conseil, T‑211/00, Rec. p. II‑485, point 52).


42 – Voir arrêt Pays‑Bas/Conseil, précité, point 34.


43 – Voir, notamment, arrêt Conseil/Hautala (précité, point 31), dans lequel la Cour estime inutile de se prononcer sur l’«existence d’un principe du droit à l’information», et le constat fait par l’avocat général Léger (conclusions dans l’affaire Interporc/Commission, précitée, points 75 à 80).


44 – Voir, en ce sens, arrêt Petrie e.a./Commission, précité, points 34 à 38.


45 – Voir conclusion de l’avocat général Tesauro dans l’affaire Pays‑Bas/Conseil (précitée, points 18 à 20).


46 – Sur la valeur de la charte en tant que critère d’interprétation des instruments de protection des droits mentionnés à l’article 6, paragraphe 2, UE, voir mes conclusions du 14 décembre 2006 dans l’affaire Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. (arrêt du 26 juin 2007, C‑305/05, non encore publié au Recueil, point 48).


47 – Arrêt du Tribunal du 25 avril 2007, WWF European Policy Programme/Conseil (T‑264/04, non encore publié au Recueil, point 61).


48 – Pour une mise en évidence des liens entre transparence et démocratie, voir Lequesne, Ch., «La transparence, vice ou vertu des démocraties?», dans La transparence dans l’Union européenne, mythe ou principe juridique?, ouvrage précité, p. 11; Meisse, E., «La démocratie administrative dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe», dans Constantinesco, V., Gautier, Y., et Michel, V., (sous la direction de), Le traité établissant une Constitution pour l’Europe, Analyses et commentaires, PUS, 2005, p. 397.


49 – Comme le rappelle l’article 6, paragraphe 1, UE.


50 – Voir arrêts du Tribunal du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil (T‑174/95, Rec. p. II‑2289, point 66); du 14 octobre 1999, Bavarian Lager/Commission (T‑309/97, p. II‑3217, point 36), et Petrie e.a./Commission (précité, point 64).


51 – Arrêts Kuijer/Conseil (précité, point 52) et du 6 mars 2003, Interporc/Commission (précité, point 39).


52 – Arrêt du 7 décembre 1999, Interporc/Commission (précité, point 39).


53 – Conclusions de l’avocat général Tesauro dans l’affaire Pays‑Bas/Conseil, précitée, point 14.


54 – Voir, notamment, arrêts du Tribunal WWF UK/Commission, précité, point 56; du 6 février 1998, Interporc/Commission (T‑124/96, Rec. p. II‑231, point 49); Svenska Journalistförbundet/Conseil, précité, point 110; Bavarian Lager/Commission, précité, point 39; Kuijer/Conseil, précité, point 55; WWF European Policy Programme/Conseil, précité, point 39, ainsi qu’arrêts de la Cour, Pays‑Bas et van der Wal/Commission, précité, point 27; Conseil/Hautala, précité, point 25, du 6 mars 2003, Interporc/Commission, précité, point 48.


55 – Pour un rappel de l’obligation d’interprétation de la législation communautaire de manière compatible avec les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique communautaire, voir arrêt du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 12), et conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Conseil/Hautala, précitée.


56 – Tel est l’enseignement qui résulte d’une lecture a contrario de la jurisprudence: voir arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission, précité, points 41 à 43, ainsi qu’arrêts précités du Tribunal du 7 décembre 1999, Interporc/Commission, point 66; JT’s Corporation/Commission, point 53, et Petrie e.a./Commission, précité, point 47.


57 – Arrêt attaqué, point 61.


58 – Arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil (précité, point 61).


59 – Points 53 et 54 de l’arrêt attaqué.


60 – Point 57 de l’arrêt attaqué.


61 – Point 58 de l’arrêt attaqué.


62 – Point 61 de l’arrêt attaqué.


63 – On rappellera que, dans cette affaire, les autorités suédoises avaient communiqué 18 des 20 documents du Conseil relatifs à l’établissement d’Europol demandés, tandis que le Conseil n’en avait divulgué que 4.


64 – Point 58 de l’arrêt attaqué.


65 – Point 59 de l’arrêt attaqué.


66 – Pour une confirmation, on renvoie en dernier lieu à la lecture éclairante de l’article I‑50 du traité établissant une Constitution pour l’Europe.


67 – Voir, par exemple, arrêt du 15 mai 1986, Johnston (222/84, Rec. p. 1651, point 38).


68 – Déjà, comme il ressort d’un premier bilan établi par la Commission (voir rapport de la Commission sur la mise en œuvre des principes du règlement, point 3.5.1), rares ont été les cas où les institutions ont passé outre un avis donné par un tiers au titre de l’article 4, paragraphe 4.


69 – Point 60 de l’arrêt attaqué.


70 – Voir article 5, paragraphe 4, sous a), de la décision 2001/937. Pour un rappel de cette exigence, voir arrêt Messina/Commission, précité, point 42.