Language of document : ECLI:EU:F:2006:56

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

28 juin 2006 (*)

« Fonctionnaires – Rémunération – Refus d’octroi des indemnités journalières »

Dans l’affaire F‑27/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Viviane Le Maire, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes G. Bounéou et F. Frabetti, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,


LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras (rapporteur) et S. Gervasoni, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mai 2006,

rend le présent

Arrêt

1       Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 10 mai 2005, Mme Le Maire demande l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes lui refusant le droit aux indemnités journalières, prévues par l’article 10 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), à la suite de son entrée en service, le 16 février 2004.

 Cadre juridique

2       L’article 20 du statut dispose :

« Le fonctionnaire est tenu de résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions. Il informe l’autorité investie du pouvoir de nomination de son adresse et l’avise immédiatement de tout changement de celle-ci. »

3       L’article 10 de l’annexe VII du statut, tel qu’applicable au moment de l’entrée en service de la requérante, était libellé comme suit :

« 1. Le fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut, a droit, pour une durée déterminée au paragraphe 2, à une indemnité journalière dont le montant est fixé comme suit.

Grades

Pour le fonctionnaire ayant droit à l’allocation de foyer

Pour le fonctionnaire n’ayant pas droit à l’allocation de foyer

du 1er au 15e jour

à partir du 16e jour

du 1er au 15e jour

à partir du 16e jour

euros par jour de calendrier

A 1 à A 3 et LA 3

71,91

33,88

49,37

28,37

A 4 à A 8 et LA 4 à LA 8 et catégorie B

69,78

31,60

47,36

24,71

Autres grades

63,31

29,48

40,75

20,38


[…]

Le barème ci-dessus fait l’objet d’une révision à l’occasion de chaque examen du niveau des rémunérations effectué en application des dispositions prévues à l’article 65 du statut.

2. La durée d’octroi de l’indemnité journalière est déterminée comme suit :

a)      pour le fonctionnaire n’ayant pas droit à l’allocation de foyer : 120 jours ;

b)      pour le fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer : à 180 jours ou - si le fonctionnaire intéressé a la qualité de fonctionnaire stagiaire ‑ à la durée du stage augmentée d’un mois.

[…]

En aucun cas, l’indemnité journalière n’est octroyée au-delà de la date à laquelle le fonctionnaire a effectué son déménagement en vue de satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.

3. L’indemnité journalière prévue au paragraphe 1 est réduite de moitié pendant les périodes au cours desquelles le fonctionnaire bénéficie de l’indemnité journalière de mission prévue à l’article 13. »

4       Depuis le 1er mai 2004, l’article 10 de l’annexe VII du statut dispose :

« 1. Le fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut, a droit, pour une durée déterminée au paragraphe 2, à une indemnité journalière dont le montant est fixé comme suit :

Fonctionnaire ayant droit à l’allocation de foyer : 34,31 euros.

Fonctionnaire n’ayant pas droit à l’allocation de foyer : 27,67 euros.

Le barème ci-dessus fait l’objet d’une révision à l’occasion de chaque examen du niveau des rémunérations effectué en application de l’article 65 du statut.

2. La durée d’octroi de l’indemnité journalière est déterminée comme suit :

a)       pour le fonctionnaire n’ayant pas droit à l’allocation de foyer : 120 jours ;

b)       pour le fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer : à 180 jours ou ‑ si le fonctionnaire intéressé a la qualité de fonctionnaire stagiaire ‑ à la durée du stage augmentée d’un mois.

[…]

En aucun cas, l’indemnité journalière n’est octroyée au-delà de la date à laquelle le fonctionnaire a effectué son déménagement en vue de satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut. »

 Faits à l’origine du litige

5       La requérante est entrée en service à la Commission, à Bruxelles, le 16 février 2004. À cette même date, elle a eu un entretien aux fins de fixation de ses droits statutaires, notamment des indemnités journalières, avec Mme B., fonctionnaire du service compétent et gestionnaire de son dossier.

6       Ne bénéficiant pas d’une allocation de foyer, la requérante, si elle pouvait prétendre aux indemnités journalières, aurait droit à 120 jours d’indemnités.

7       Jusqu’à la date de prise d’effet de son contrat de bail d’un appartement à Bruxelles, le 15 juin 2004, la requérante a maintenu sa résidence dans la ville de Huy, en se déplaçant quotidiennement en voiture ou en train vers et depuis Bruxelles, où elle aurait passé certaines nuitées.

8       En date du 20 février 2004, la requérante, par courrier électronique (ci-après « courriel »), a demandé au gestionnaire précité des clarifications quant aux indemnités journalières auxquelles elle aurait droit.

9       En date du 5 mai 2004, elle a demandé par courriel à ce même gestionnaire confirmation de son droit aux indemnités journalières.

10     Le 9 juin 2004, toujours par courriel, adressé à ce même gestionnaire, la requérante l’a informé de la conclusion d’un contrat de bail d’un appartement à Bruxelles, devant prendre effet le 15 juin 2004, et lui a fait part de l’impossibilité d’obtenir son inscription à la commune de son lieu d’installation avant cette date. Elle demandait à cette occasion confirmation de son droit à bénéficier des indemnités journalières.

11     Le 25 juin 2004, la requérante a reçu un courriel de réponse de la part du gestionnaire responsable. Tout en accusant réception des pièces justificatives nécessaires, il l’informait que la Commission ne disposait d’aucune base pour lui octroyer les indemnités journalières, la période de 120 jours à dater de la prise de fonctions étant dépassée.

12     Le 29 juin 2004, la requérante a contesté, par courriel auprès du gestionnaire chargé de son dossier, l’argument relatif à l’expiration de la période de 120 jours et demandé les motifs de la décision de l’administration.

13     En date du 30 septembre 2004, la requérante a adressé une lettre à Mme T., qui était chef de l’unité « Gestion des droits pécuniaires individuels » au sein de l’office « Gestion et Liquidation des droits individuels » et, à ce titre, autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), compétente pour décider de l’octroi des indemnités journalières aux fonctionnaires relevant de la catégorie et du grade de la requérante. Dans cette lettre, la requérante exposait son interprétation de l’article 10 de l’annexe VII du statut, le droit aux indemnités journalières étant acquis, selon elle, à condition, pour le fonctionnaire, de formuler une demande en ce sens à l’intérieur de la période de référence statutaire qui, dans son cas, s’établissait à 120 jours à compter de son entrée en service.

 Procédure et conclusions des parties

14     Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑191/05.

15     Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro F‑27/05.

16     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision implicite du 5 septembre 2004 par laquelle la Commission lui refuse l’octroi des indemnités journalières à la suite de son entrée en service ;

–       condamner la partie défenderesse aux dépens.

17     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      rejeter le recours comme irrecevable ;

–      statuer sur les dépens comme de droit.

18     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries à l’audience du 16 mai 2006.

 En droit

 Arguments des parties

19     La requérante tente d’abord d’établir la recevabilité de sa requête. Elle soutient à cet effet que la procédure précontentieuse a suivi le cours régulier prescrit par le statut : son courriel du 5 mai 2004 serait une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, dudit statut et sa lettre du 30 septembre 2004 serait une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduite contre le rejet implicite de sa demande. Dès lors, son recours, introduit le 10 mai 2005, aurait respecté le délai statutaire des trois mois à compter du rejet implicite de la réclamation et serait, ainsi, recevable. Pour ce qui est du fond, la requérante soutient que la Commission aurait violé tant l’article 10 de l’annexe VII du statut, en lui imposant notamment des exigences non prévues par cette disposition, que plusieurs principes généraux du droit communautaire.

20     La Commission soutient que le recours est irrecevable du fait qu’il n’a pas été précédé d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Elle soutient qu'aucune des communications annexées à la requête ne pourrait être qualifiée de réclamation, faute pour chacune d'entres elles de se présenter comme telle par sa forme ou par son contenu, ou de contester une quelconque décision ou d'avoir été adressée à l'AIPN compétente. En outre, si tant est que la lettre du 30 septembre 2004 puisse être qualifiée de réclamation, elle serait tardive, car le délai des trois mois à compter du 25 juin aurait été dépassé. Elle serait par ailleurs d’autant plus tardive si l’on calculait ce délai à compter du 16 février 2004, date portée sur le formulaire d’entrée en service de la requérante, ou du 1er avril 2004, date de la note de l’AIPN fixant les droits individuels de la requérante et versée dans son dossier personnel, ces deux documents portant une mention négative quant au droit de la requérante à percevoir des indemnités journalières. Enfin, la lettre de la requérante en date du 30 septembre 2004, à supposer qu’elle puisse être considérée comme une réclamation et ait respecté les délais statutaires, n’exposerait pas les arguments de fond présentés dans le recours, de sorte que ce dernier deviendrait irrecevable. S’agissant du fond, la partie défenderesse nie avoir méconnu l’article 10 de l’annexe VII du statut ou les principes généraux invoqués par la requérante.

21     Dans sa réplique, la requérante maintient sa position sur la recevabilité de la requête. Elle insiste tout particulièrement sur la circonstance que le courriel de Mme B. du 25 juin 2004, qui n’émanait pas de l’AIPN, ne pourrait constituer une décision explicite de rejet de sa demande du 5 mai 2004.

22     Sur ce dernier point, la partie défenderesse, tout en reconnaissant que Mme B. n’était pas l’AIPN, rappelle dans sa duplique la jurisprudence suivant laquelle la réponse à une demande peut être donnée oralement et fait en outre valoir que, dans la mesure où la requérante avait introduit sa demande auprès de Mme B., elle ne pourrait par la suite alléguer que la réponse de Mme B. ne serait pas une décision sur cette demande et ne ferait pas courir le délai de réclamation.

23     Quant au fond, tant la réplique que la duplique réitèrent, en les développant, les positions initiales des parties, telles qu’exposées dans la requête et le mémoire en défense.

24     Par ailleurs, dans sa réponse du 27 mars 2006 à une question écrite que le Tribunal lui avait posée, la partie défenderesse soutient qu’en toute hypothèse l’acte faisant grief, qui ferait courir le délai de réclamation, était la note précitée du 1er avril 2004, signée par Mme T., en sa qualité d’AIPN, et versée dans le dossier personnel de la requérante. La partie défenderesse a confirmé cette position lors de l’audience.

 Appréciation du Tribunal

25     Il convient d’examiner en premier lieu la question de la recevabilité.

26     Il ressort des pièces du dossier et de l’audience que la Commission s’est prononcée à deux reprises sur le droit éventuel de la requérante aux indemnités journalières.

27     La première décision a été prise lors de l’entrée en service de cette dernière, le 16 février 2004, et a été formalisée par la note de l’AIPN, en date du 1er avril 2004. Par cette première décision, le droit aux indemnités journalières a été refusé à la requérante au motif, ainsi qu’il semble résulter des courriels que celle-ci a adressés au gestionnaire de son dossier et qui sont annexés à sa requête, qu’elle n’avait pas établi sa résidence à Bruxelles, lieu de son affectation. Dans ses écrits, ainsi que lors de l’audience, la partie défenderesse a en outre soutenu que, pour prétendre aux indemnités journalières, la requérante aurait dû conserver son ancienne résidence, en parallèle. La note du 1er avril 2004, quant à elle, ne contient aucune motivation du refus d’octroi des indemnités journalières.

28     Il n’est pas contesté que la première décision ait été communiquée oralement à la requérante dès le mois de février 2004. Il n’est pas non plus contesté que la note du 1er avril 2004 ait été versée dans le dossier personnel de la requérante et qu’elle lui ait également été communiquée par courrier interne, à une date qui n’a cependant pas pu être précisée.

29     Pour la Commission, la première décision est la seule par laquelle elle se serait prononcée sur le droit de la requérante à bénéficier des indemnités journalières. S’agissant d’un acte faisant grief à la requérante, ladite décision ne pourrait, selon la Commission, être contestée de manière recevable que par une réclamation et non pas par une demande, à supposer que la note de la requérante du 5 mai 2004 puisse être qualifiée de demande.

30     Cette interprétation des faits et des écrits de la procédure précontentieuse ne saurait être retenue.

31     S’agissant de la note du 1er avril 2004, il y est expressément indiqué qu’elle correspond aux seules données existantes au 16 février 2004, date d’entrée en service de la requérante, et qu’elle ne tient compte d’aucun élément postérieur. Il y est en effet écrit : « Les éléments repris dans cette note ont été établis au moment de votre entrée en fonction. Tous changements intervenus ultérieurement dans votre situation n’ont pas été pris en considération ».

32     Or, une telle note ne saurait constituer la position finale de la Commission quant au droit éventuel de la requérante aux indemnités journalières, car, à supposer que cette dernière n’avait pas droit auxdites indemnités sur la base de la situation existant le 16 février 2004, rien n’excluait que des changements ultérieurs lui ouvriraient ce droit.

33     Il appartient au fonctionnaire intéressé d’indiquer à l’administration la survenance de tels changements, cette nouvelle démarche du fonctionnaire pouvant, dans une telle hypothèse, constituer une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut. Si tel est le cas, l’administration est tenue de prendre une nouvelle décision, contre laquelle le fonctionnaire peut introduire une réclamation.

34     En l’espèce, la requérante s’est effectivement de nouveau adressée à l’administration, postérieurement à la note précitée du 1er avril 2004 lui refusant le droit aux indemnités journalières. Elle l’a fait à deux reprises, par courriels du 5 mai et du 9 juin 2004.

35     Pour la requérante, le courriel du 5 mai 2004 constitue une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, ayant déclenché la procédure précontentieuse.

36     Cet argument est cependant inopérant, car, à supposer que le courriel du 5 mai 2004 offre la précision et la clarté requises pour être qualifié de demande, une telle demande serait en toute hypothèse irrecevable. En effet, ainsi qu’il vient d’être relevé, en présence d’une décision de l’AIPN qui, comme celle du 1er avril 2004, refuse à la requérante le bénéfice des indemnités journalières, le fonctionnaire n’est recevable à introduire une demande en ce sens qu’en faisant état de circonstances ultérieures à celles sur la base desquelles la décision était fondée et qui sont de nature à lui ouvrir le droit aux indemnités litigieuses. Dans le cas contraire, lui est opposable la jurisprudence constante suivant laquelle, lorsque existe déjà une décision prise par l’AIPN et qu’elle constitue un acte faisant grief au fonctionnaire, il est clair qu’une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, n’aurait aucun sens et que le fonctionnaire doit alors utiliser la procédure de la réclamation, prévue à l’article 90, paragraphe 2, lorsqu’il entend demander l’annulation, la réformation ou le retrait de la décision qui lui fait grief (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal de première instance du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T‑14/91, Rec. p. II‑235, points 32 et 34, et du 1er avril 2003, Mascetti/Commission, T‑11/01, RecFP p. I‑A‑117 et II‑579, point 33). Or, force est de constater que le courriel du 5 mai 2004 ne fait état d’aucun élément nouveau.

37     En revanche, le courriel du 9 juin 2004 peut, compte tenu du contexte dans lequel il s’inscrivait, et en dépit de ses termes flous et de son ton interrogatoire, être considéré comme une demande recevable, car il informe l’administration de la survenance de développements nouveaux de nature à faire reconnaître à la requérante le droit aux indemnités journalières, notamment la conclusion d’un contrat de bail d’un appartement à Bruxelles, lieu de son affectation.

38     Cependant, à supposer que le courriel du 9 juin 2004, accompagné de sa version papier et des pièces justificatives, constitue une demande recevable au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, force est de constater qu’une réponse explicite négative y a été apportée le 25 juin 2004 par le courriel de Mme B., gestionnaire du dossier de la requérante. Il s’agit ainsi de la deuxième décision prise par la Commission au sujet du droit de la requérante aux indemnités journalières.

39     L’argument de la requérante, tiré de ce que le courriel du 25 juin 2004 ne pourrait pas constituer une décision explicite de rejet, faisant courir le délai de réclamation, au motif qu’il n’émanait pas de l’AIPN, ne saurait être retenu.

40     Il résulte en effet de la jurisprudence communautaire que les institutions ne peuvent pas contester la recevabilité d’un recours au motif que la réclamation aurait été introduite contre un acte adopté par un fonctionnaire autre que l’AIPN, si celui-ci avait agi en accord avec l’AIPN ou si, compte tenu de la qualité du fonctionnaire en question, le requérant pouvait raisonnablement avoir considéré que l’acte émanait de l’AIPN (arrêt de la Cour du 19 janvier 1984, Erdini/Conseil, 65/83, Rec. p. 211, point 7 ; arrêts du Tribunal de première instance du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T‑46/90, Rec. p. II‑699, point 13, et du 10 juin 2004, Alvarez Moreno/Parlement, T‑275/01, Rec. p. I‑A‑171 et II‑765, point 75).

41     Or, si un fonctionnaire est recevable à attaquer un tel acte, des raisons tenant à l’égalité des parties, ainsi qu’aux besoins de sécurité juridique et de résolution des litiges dans des délais raisonnables s’opposent à ce que ce fonctionnaire puisse valablement soutenir que, par cet acte, l’administration ne se prononcerait pas explicitement sur sa demande, qui serait dès lors rejetée de manière implicite à l'expiration du délai de quatre mois prévu par l'article 90, paragraphe 1, ce qui ouvrirait un nouveau délai de réclamation de trois mois. Par ailleurs, la notion de rejet implicite est retenue par le statut afin de réglementer les cas où, nonobstant l’obligation qui lui incombe, l’administration se serait abstenue de répondre à une demande. Or, s’il y a eu, comme en l’espèce, réponse explicite à la demande, il serait contraire à la finalité des dispositions pertinentes du statut de conclure à l’existence d’un rejet implicite, qui serait de surcroît par définition privé de motivation.

42     Il doit en aller en particulier ainsi dans un cas tel que le cas d’espèce, dans lequel le fonctionnaire qui a répondu à la prétendue demande était affecté auprès du service compétent, dont le chef était l’AIPN, et était également la personne en charge du dossier de la requérante, à laquelle cette dernière adressait ses courriels, y compris celui constituant sa prétendue demande. Par ailleurs, non seulement le contenu du courriel du 25 juin 2004 était clair et inconditionnel, en ce qu’il faisait apparaître qu’il s’agissait de la position définitive de l’institution, mais il était également en totale conformité avec l’interprétation que la partie défenderesse croit pouvoir dégager de la disposition litigieuse, à savoir l’article 10 de l’annexe VII du statut, interprétation portée à la connaissance de la requérante et selon laquelle la période de perception des indemnités journalières commence obligatoirement à la date d’entrée en service du fonctionnaire concerné.

43     Par ailleurs, il n’est ni établi ni même allégué que la requérante se serait abstenue d’attaquer la note du 25 juin 2004 en raison de la seule incompétence de son auteur et qu’elle aurait dû, par conséquent, attendre l’expiration du délai de rejet implicite de quatre mois pour s’adresser à Mme T., qui était l’AIPN. En outre, si la requérante avait été convaincue, qu’en l’absence d’une décision prise par l’AIPN, elle était obligée de laisser s’écouler un délai de quatre mois pour introduire sa réclamation, la requérante aurait dû calculer ce délai à compter de son courriel du 9 juin 2004, qui apportait des éléments nouveaux et qui aurait donc pu constituer une demande recevable, au lieu de prendre en compte celui du 5 mai 2004. En outre, il n’est pas non plus ni établi ni allégué que la requérante se serait trompée sur le sens des dispositions statutaires relatives aux délais, ni que les droits de la défense en auraient été affectés, de quelque manière que ce soit. Tout au contraire, elle disposait de plus amples possibilités d’attaquer dans les délais la décision lui refusant le droit aux indemnités journalières.

44     Au vu de ce qui précède, il serait contraire à la lettre et à la finalité de l’article 90, tel qu’interprété par la jurisprudence communautaire, de conclure que la note du 25 juin 2004 ne faisait pas, en l’espèce, courir le délai de réclamation. Par conséquent, la lettre de la requérante du 30 septembre 2004, à supposer qu’elle constitue une réclamation, est tardive, faute de respecter le délai de réclamation, qui expirait le 25 septembre 2004. Partant, le recours introduit à la suite du rejet d’une telle réclamation est irrecevable. En effet, selon une jurisprudence constante, les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité d’un recours introduit par un fonctionnaire contre son institution à la condition d’un déroulement régulier de la procédure administrative préalable (ordonnances du Tribunal de première instance du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T‑34/91, Rec. p. II‑1723, point 18, et du 7 décembre 1999, Reggimenti/Parlement, T‑108/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1205, point 19).

45      À titre surabondant, il y a lieu de relever que le recours serait irrecevable même si l’on suivait l’argumentation de la requérante, selon laquelle la note du 25 juin 2004, n’émanant pas de l’AIPN, ne pourrait pas constituer une décision explicite de rejet.

46     Cette argumentation serait inopérante dans l’hypothèse retenue ici, à savoir celle d’une demande introduite le 9 juin 2004. En effet, à la date du 30 septembre 2004, à laquelle la requérante a adressé une lettre à Mme T., cette lettre ne pouvait constituer un réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, faute d'être dirigée contre un acte faisant grief, lequel n'est intervenu, en l'espèce, que le 9 octobre 2004 par le rejet implicite de la demande du 9 juin 2004. Partant, le recours introduit à la suite du rejet implicite qu’une telle réclamation aurait entraîné serait irrecevable.

47     Certes, la requérante soutient que le courriel du 25 juin 2004 ne peut pas constituer une décision explicite de rejet, en faisant valoir parallèlement que c’est son courriel du 5 mai 2004, et non pas celui du 9 juin 2004, qui constitue la demande au sens de l’article 90, paragraphe, 1 du statut. Il est vrai que dans cette dernière hypothèse, l’acceptation de l’argumentation de la requérante portant sur la note du 25 juin 2004 aurait pour conséquence que sa prétendue réclamation du 30 septembre 2004 ne serait ni prématurée ni tardive, mais introduite dans les délais, car le rejet implicite de la prétendue demande du 5 mai 2004 serait intervenu le 5 septembre 2004 et le délai de la réclamation aurait couru entre le 6 septembre et le 5 décembre 2004. Cependant, ainsi qu’il vient d’être exposé au point 36 du présent arrêt, le courriel du 5 mai 2004 ne peut pas constituer une demande recevable au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut.

48     Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

49     Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal, et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens, ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

50     Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires. Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son ordonnance du 16 mai 2006, Voigt/Commission (F‑55/05, non encore publiée au Recueil, points 44 à 48), cette règle n’a pas été remise en cause par la décision 2004/752 et s’applique donc au Tribunal dans les mêmes conditions que devant le Tribunal de première instance.

51     En l’espèce, il y a lieu de faire application de la règle en question.

52     En effet, d’une part, le service compétent de la Commission n’a pas fait connaître à la requérante, de manière suffisamment claire, les conditions auxquelles, selon lui, sont subordonnées les indemnités journalières, et, d’autre part, il a été répondu à la requérante le 25 juin 2004 par un fonctionnaire autre que l’AIPN, circonstances qui pouvaient créer des doutes chez la requérante quant aux voies à suivre pour faire valoir ses droits et quant aux délais à respecter. Par ailleurs, aucune réponse n’a été apportée à la lettre de la requérante du 30 septembre 2004, ne fût-ce que pour avertir cette dernière que ce document ne pouvait nullement être considéré comme une demande ou une réclamation au sens de l’article 90 du statut, susceptible de permettre de saisir le Tribunal de première instance d’un recours recevable.

53     Un tel comportement est de nature à avoir influé sur la décision de la requérante de porter l’affaire en justice et de poursuivre la procédure afin que l’affaire soit tranchée par la juridiction compétente.

54     En conséquence, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant de mettre à la charge de la Commission, outre ses propres dépens, la moitié des dépens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      La Commission des Communautés européennes supporte ses propres dépens et la moitié des dépens de la requérante.

Signatures

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 juin 2006.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      H. Kreppel



* Langue de procédure : le français.