Language of document : ECLI:EU:T:2009:233

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

1er juillet 2009 (*)

« Aides d’État – Régime d’aides à la restructuration accordées par la République de Pologne à un producteur d’acier – Décision déclarant les aides pour partie incompatibles avec le marché commun et ordonnant leur récupération – Protocole n° 8 sur la restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise – Recours en annulation – Qualité pour agir – Délai de recours – Recevabilité – Confiance légitime – Article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 – Taux d’intérêt à appliquer pour le remboursement d’aides incompatibles – Obligation d’étroite coopération avec l’État membre – Taux d’intérêt composé – Article 9, paragraphe 4, et article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 794/2004 »

Dans les affaires jointes T‑273/06 et T‑297/06,

ISD Polska sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne),

Industrial Union of Donbass Corp., établie à Donetsk (Ukraine), représentées initialement par Mes C. Rapin et E. Van den Haute, puis par Mes Rapin, Van den Haute et C. Pétermann, avocats,

parties requérantes dans l’affaire T‑273/06,

ISD Polska sp. z o.o. (anciennement Majątek Hutniczy sp. z o.o.), établie à Varsovie, représentée initialement par Mes C. Rapin et E. Van den Haute, puis par Mes Rapin, Van den Haute et C. Pétermann, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑297/06,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. C. Giolito et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d’annulation partielle de la décision 2006/937/CE de la Commission, du 5 juillet 2005, concernant l’aide d’État C 20/04 (ex NN 25/04) en faveur du producteur d’acier Huta Częstochowa S.A. (JO 2006, L 366, p. 1), pour autant qu’elle déclare incompatibles avec le marché commun certaines aides et ordonne à la République de Pologne de procéder à leur récupération,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas et A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 septembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 8 du protocole n° 2 relatif aux produits CECA de l’accord européen, du 16 décembre 1991, établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Pologne, d’autre part (JO 1993, L 348, p. 2, ci-après le « protocole n° 2 ») :

« 1.      Sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l’accord, dans la mesure où ils sont susceptibles d’affecter les échanges entre la Communauté et la Pologne :

[…]

iii)      les aides publiques de toute nature, sauf dérogations autorisées en vertu du traité CECA.

[…]

4.      Les parties reconnaissent que pendant les cinq premières années suivant l’entrée en vigueur de l’accord et par dérogation au paragraphe 1 [sous] iii) la [République de] Pologne est exceptionnellement autorisée, en ce qui concerne les produits ‘acier CECA’, à octroyer une aide publique à la restructuration, à condition que :

–        le programme de restructuration soit lié à un plan global de rationalisation et de réduction des capacités en Pologne,

–        cette aide contribue à la viabilité des entreprises bénéficiaires dans des conditions normales de marché à la fin de la période de restructuration,

–        le montant et l’importance de cette aide soient limités aux niveaux strictement nécessaires pour rétablir cette viabilité et soient progressivement diminués.

Le conseil d’association décide, compte tenu de la situation économique de la [République de] Pologne, de la possibilité de proroger la période de cinq années prévue. »

2        La décision n° 3/2002 du Conseil d’association UE-Pologne, du 23 octobre 2002, prorogeant la période prévue à l’article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2 (JO 2003, L 186, p. 38), a prolongé de huit années supplémentaires à compter du 1er janvier 1997, ou jusqu’à la date d’adhésion de la République de Pologne à l’Union européenne, la période durant laquelle la République de Pologne était exceptionnellement autorisée, en ce qui concerne les produits « acier », à octroyer une aide publique à la restructuration conformément aux modalités prévues à l’article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2. Son article 2 énonce :

« La [République de] Pologne soumet à la Commission […] un programme de restructuration et des plans d’entreprise qui satisfont aux exigences énumérées à l’article 8, paragraphe 4, du protocole [n°] 2 et qui ont été évalués et acceptés par son autorité nationale chargée de la surveillance des aides publiques (Office de la concurrence et de la protection des consommateurs). »

3        Le protocole n° 8 sur la restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise annexé à l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 948 , ci-après le « protocole n° 8 »), a autorisé la République de Pologne, par dérogation aux règles générales relatives aux aides d’État, à octroyer des aides à la restructuration de son secteur sidérurgique sur la base des modalités fixées dans le plan de restructuration et aux conditions prévues dans ce protocole. Il prévoit notamment :

« 1.      Nonobstant les articles 87 [CE] et 88 [CE], les aides d’État octroyées par la [République de] Pologne pour la restructuration de secteurs spécifiques de l’industrie sidérurgique polonaise sont reconnues comme compatibles avec le marché commun, à condition :

–        que la période prévue à l’article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2 […] ait été prorogée jusqu’à la date d’adhésion,

–        que les modalités fixées dans le plan de restructuration sur la base duquel le protocole susmentionné a été étendu soient suivies tout au long de la période 2002-2006,

–        que les conditions prévues dans le présent protocole soient remplies, et

–        qu’aucune aide d’État pour la restructuration ne soit à payer à l’industrie sidérurgique polonaise après la date de l’adhésion.

2.      […]

3.      Seules les entreprises énumérées à l’annexe 1 (ci-après dénommées ‘entreprises bénéficiaires’) peuvent bénéficier des aides d’État dans le cadre du programme de restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise.

4.      Une entreprise bénéficiaire ne peut pas :

a)      en cas de fusion avec une entreprise ne figurant pas à l’annexe 1, transmettre le bénéfice de l’aide qui lui est accordée ;

b)      reprendre les actifs d’une entreprise ne figurant pas dans l’annexe 1 qui est déclarée en faillite durant la période allant jusqu’au 31 décembre 2006.

5.      […]

6.      Les aides à la restructuration accordées aux entreprises bénéficiaires sont déterminées par les justifications figurant dans le plan de restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise et les plans d’entreprise individuels approuvés par le Conseil. Mais en tout état de cause l’aide payée durant la période allant de 1997 à 2003 et leur montant total ne doit pas dépasser 3 387 070 000 PLN.

[…]

Aucune autre aide ne doit être accordée par la [République de] Pologne pour la restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise.

[…]

10.      Toute autre modification du plan global de restructuration et des plans individuels doit être agréée par la Commission et, le cas échéant, par le Conseil.

[…]

18.      Au cas où le suivi ferait apparaître :

[…]

c)      [que] la [République de] Pologne, pendant la période de restructuration, a accordé à l’industrie sidérurgique et aux entreprises bénéficiaires en particulier, des aides d’État supplémentaires incompatibles,

les dispositions transitoires contenues dans le présent protocole sont sans effet.

La Commission prend les mesures appropriées en vue d’exiger des entreprises concernées qu’elles remboursent toute aide accordée en violation des conditions prévues dans le présent protocole. »

4        La décision 2003/588/CE du Conseil, du 21 juillet 2003, relative au respect des conditions fixées à l’article 3 de la décision n° 3/2002 (JO L 199, p. 17), prévoit à son article unique :

« Le programme de restructuration et les plans d’entreprise soumis à la Commission par la [République de] Pologne le 4 avril 2003 conformément à l’article 2 de la décision n° 3/2002 […] satisfont aux exigences de l’article 8, paragraphe 4, [du] protocole [n°] 2. »

5        Le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1), énonce à son article 6, paragraphe 1 :

« La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. »

6        L’article 7, paragraphe 5, de ce règlement prévoit :

« Lorsque la Commission constate que l’aide notifiée est incompatible avec le marché commun, elle décide que ladite aide ne peut être mise à exécution (ci-après dénommée ‘décision négative’). »

7        L’article 14 du règlement n° 659/1999 établit :

« 1.      En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée ‘décision de récupération’). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2.      L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3.      […] »

8        Selon l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement :

« Toute partie intéressée peut présenter des observations conformément à l’article 6 suite à une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Toute partie intéressée qui a présenté de telles observations et tout bénéficiaire d’une aide individuelle reçoivent une copie de la décision prise par la Commission conformément à l’article 7. »

9        Le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en oeuvre du règlement n° 659/1999 (JO L 140, p. 1), dispose à son article 9 :

« 1.      Sauf dispositions contraires prévues par une décision spécifique, le taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État octroyées en violation de l’article 88, paragraphe 3, [CE] est un taux en pourcentage annuel fixé par année civile.

Il est calculé sur la base de la moyenne des taux swap interbancaires à cinq ans pour les mois de septembre, octobre et novembre de l’année précédente, majorée de 75 points de base. Dans des cas dûment justifiés, la Commission peut relever le taux de plus de 75 points de base pour un ou plusieurs États membres.

[…]

4.      En l’absence de données fiables ou équivalentes ou dans des cas exceptionnels, la Commission peut fixer, en étroite coopération avec l’État membre ou les États membres concernés, un taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État, pour un ou plusieurs États membres, sur la base d’une méthode différente et des renseignements dont elle dispose. »

10      En ce qui concerne les modalités d’application du taux d’intérêt, l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement précise :

« Le taux d’intérêt est appliqué sur une base composée jusqu’à la date de récupération de l’aide. Les intérêts courus pour une année produisent des intérêts chaque année suivante. »

 Faits à l’origine du litige

11      La présente affaire concerne une opération de restructuration du producteur d’acier polonais Huta Częstochowa S.A. (ci-après « HCz »). La restructuration de HCz a eu lieu entre 2002 et 2005. À cette fin, les actifs de HCz ont été transférés à de nouvelles sociétés :

–        en 2002, Huta Stali Częstochowa sp. z o.o. (ci-après « HSCz ») a été constituée pour poursuivre la production sidérurgique de HCz. HSCz a loué les installations de production de HCz à l’administrateur judiciaire et a repris la plupart des salariés. La société mère de HSCz était Towarzystwo Finansowe Silesia sp. z o.o. (ci-après « TFS »), une société détenue à 100 % par le Trésor polonais ;

–        en 2004, les sociétés Majątek Hutniczy sp. z o.o. (ci-après « MH ») et Majątek Hutniczy Plus (ci-après « MH Plus ») ont été fondées. Leurs actions étaient détenues à 100 % par HCz. MH a reçu les actifs sidérurgiques de HCz et MH Plus a reçu certains autres actifs nécessaires à la production ;

–        les actifs non liés à la production (appelés « actifs non sidérurgiques ») ainsi que l’établissement électroénergétique Elsen ont été transférés à la société Operator ARP sp. z o.o., une société qui dépend de l’Agencja Rozwoju Przemysłu S.A. (agence pour le développement industriel détenue par le Trésor polonais), afin de rembourser les créances de droit public soumises à restructuration (impôts et cotisations d’assurance sociale).

12      Par lettre du 19 mai 2004, la Commission a informé la République de Pologne qu’elle avait décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen concernant l’aide à la restructuration accordée au producteur d’acier HCz. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 12 août 2004 (JO C 204, p. 6, ci-après la « décision d’ouverture ») dans la langue faisant foi (le polonais), précédée d’un résumé dans les autres langues officielles. La Commission a invité toutes les parties intéressées à présenter leurs observations concernant les faits et l’analyse juridique figurant dans la décision d’ouverture. Elle a reçu des observations de la République de Pologne et de quatre parties intéressées.

13      Dans un document intitulé « Déclaration concernant des aides d’État potentiellement accordées à [HCz] et/ou [à HSCz] », du 3 février 2005, ISD Polska sp. z o.o. (agissant alors sous la dénomination sociale ZPD Steel sp. z o.o., ci-après « ISD »), une filiale à 100 % de l’Industrial Union of Donbass Corp. (ci-après l’« IUD »), a fait, dans le cadre des négociations ayant précédé son acquisition de HSCz, de MH, de MH Plus et de dix autres filiales de HCz, la déclaration suivante (appelée « porte-fort ») :

« Dans le cas où la Commission adopterait une décision imposant à [HCz], [à HSCz] ou à la personne qui a repris les actifs de [HCz] de rembourser une aide publique illégale s’inscrivant dans le cadre de l’aide afférente au programme de restructuration et d’un montant total n’excédant pas 20 millions de [zlotys polonais], nous déclarons que cette décision n’aurait nullement pour effet de nous exonérer des obligations résultant de l’offre, et nous nous engageons à ne présenter et à ne faire valoir aucune espèce de demande d’indemnisation dirigée contre a) l’administration fiscale de la République de Pologne, b) l’[Agencja Rozwoju Przemysłu], c) [TFS], d) [HCz] […] et liée à la nécessité de rembourser l’aide ou à toute procédure menée en la matière devant la Commission par suite [de] l’octroi de l’aide publique à [HCz]. Nous nous engageons, dans un tel cas, à faire en sorte que [MH], [MH Plus] et [HSCz], ou d’autres sociétés, de même que leurs successeurs en droit (indépendamment du titre d’un tel successeur), remboursent le montant de l’aide publique illégale fixée dans la décision de la Commission, même si cette décision concernait exclusivement [HCz]. »

14      À l’issue de la procédure, la Commission est parvenue à la conclusion que, contrairement à ses doutes initiaux, les mesures visant à la restructuration de HCz conformément aux dispositions de l’Ustawa o pomocy publicznej dla przedsiębiorców o szczególnym znaczeniu dla rynku pracy (loi sur l’aide publique aux entreprises d’importance significative pour le marché du travail du 30 octobre 2002, Dz. U. n° 213, position 1800, telle que modifiée») ne constituaient pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. En revanche, la Commission a considéré que HCz avait bénéficié à divers titres d’une aide d’État pour la période allant de 1997 à 2002. La Commission a conclu que celle-ci était en partie compatible avec le marché commun, mais en a exigé le remboursement pour la partie qu’elle a considérée comme incompatible avec le marché commun, à savoir un montant de 19 699 452 zloty polonais (PLN) (ci-après l’« aide litigieuse »).

15      Le 5 juillet 2005, la Commission a adopté la décision 2006/937/CE, concernant l’aide d’État C 20/04 (ex NN 25/04) en faveur du producteur d’acier HCz (JO 2006, L 366, p. 1, ci-après la « Décision »). Son article 3 énonce :

« 1.      L’aide d’État accordée par la [République de] Pologne en faveur de [HCz] pour un montant de 19 699 452 PLN, durant la période allant de 1997 à mai 2002, sous forme d’aide au fonctionnement et d’aide à la restructuration de l’emploi, n’est pas compatible avec le marché commun.

2.      La [République de] Pologne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de [HCz], [du] Regionalny Fundusz Gospodarczy, [de MH] et [d’Operator ARP] l’aide visée au paragraphe 1, illégalement accordée à [HCz]. Les entreprises susmentionnées sont solidairement tenues au remboursement de cette aide.

La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. Les sommes à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle l’aide a été accordée à [HCz] jusqu’à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés conformément aux dispositions du chapitre V du règlement […] n° 794/2004.

3.      […] »

16      À l’article 4 de la Décision, la Commission approuve la proposition de modification du programme national de restructuration polonais, conformément au point 10 du protocole n° 8, dans la mesure où elle permet la restructuration de HCz sans aide d’État et sans augmentation des capacités de production.

17      Conformément à un accord en date du 30 septembre 2005, entré en vigueur le 7 octobre 2005, ISD a acheté à HCz toutes les actions de MH et de MH Plus, ainsi que dix filiales restantes de HCz. Par contrat également en date du 30 septembre 2005 et entré en vigueur le 7 octobre 2005, ISD a acheté à TFS toutes les actions de HSCz. ISD est ainsi devenue propriétaire de HSCz, de MH, de MH Plus et de dix autres filiales de HCz.

18      Par lettre du 17 février 2006, la Commission a demandé aux autorités polonaises de lui indiquer les taux d’intérêt pour le remboursement de l’aide litigieuse par les débiteurs solidaires mentionnés à l’article 3, paragraphe 2, de la Décision. Dans leur réponse du 13 mars 2006, les autorités polonaises ont proposé des taux d’intérêt applicables à la récupération et une méthodologie pour calculer les intérêts. Elles ont notamment proposé de prendre comme base, pour la période allant de 1997 à 1999, le taux des obligations du Trésor polonais à taux fixe, libellées en PLN, à cinq ans, et, pour la période allant de 2000 jusqu’à l’adhésion de la République de Pologne à l’Union européenne, le taux de ces mêmes obligations à dix ans. En outre, compte tenu de la situation des marchés de capitaux en Pologne à l’époque, qui était caractérisée par des taux très élevés, mais baissant rapidement, elles ont demandé qu’une mise à jour annuelle de ces taux soit effectuée et que les intérêts ne soient pas calculés sur une base composée.

19      Dans une lettre du 7 juin 2006, adressée aux autorités polonaises, la Commission a constaté que le taux d’intérêt applicable à la récupération de l’aide litigieuse devait être, pour toute la période concernée, le taux des obligations du Trésor polonais à taux fixe, libellées en PLN, à cinq ans, et que, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 794/2004, ce taux d’intérêt devait être appliqué sur une base composée.

20      Par lettres recommandées datées respectivement du 7 juillet et du 16 août 2006, la Commission a communiqué la Décision à l’IUD (accusé de réception remis le 11 juillet 2006) et à MH (accusé de réception remis le 18 août 2006). Le 21 décembre 2006, la Décision a été publiée au Journal officiel.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 septembre 2006, ISD et l’IUD ont introduit un recours dans l’affaire T‑273/06.

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 octobre 2006, MH a introduit un recours dans l’affaire T‑297/06.

23      Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 5 décembre 2006, les affaires T‑273/06 et T‑297/06 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt.

24      Le 23 avril 2007, ISD et MH ont informé le Tribunal de leur fusion du 15 novembre 2006, ISD ayant repris tous les droits et toutes les obligations de MH.

25      À la suite du renouvellement partiel du Tribunal, l’affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur. Celui-ci a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

26      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale, de poser certaines questions écrites aux parties et d’inviter la Commission à déposer certains documents. Les parties y ont déféré dans le délai imparti.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 septembre 2008.

28      Dans l’affaire T‑273/06, ISD et l’IUD concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler l’article 3 de la Décision ;

–        à titre subsidiaire, déclarer que l’obligation de la République de Pologne de procéder à la récupération de l’aide litigieuse et des intérêts mentionnés à l’article 3 de la Décision est inexistante et, partant, que les montants correspondants ne sont pas dus ;

–        à titre très subsidiaire, annuler l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision et renvoyer la question des intérêts à la Commission pour l’adoption d’une nouvelle décision dans le sens de l’annexe A au présent recours ou de toute autre considération du Tribunal dans les motifs de l’arrêt ;

–        en toute hypothèse, condamner la Commission à payer l’ensemble des dépens ;

–        dans l’hypothèse où le Tribunal déciderait qu’il n’y a pas lieu de statuer, condamner la Commission aux dépens en application des dispositions combinées de l’article 87, paragraphe 6, et de l’article 90, sous a), de son règlement de procédure.

29      Selon le point 3 de la requête, les requérantes ISD et l’IUD entendent également attaquer la lettre de la Commission du 7 juin 2006.

30      Dans l’affaire T‑297/06, ISD (anciennement MH, dénomination qui sera maintenue dans cet arrêt pour des raisons de clarté) présente des conclusions identiques, mais conclut, de surcroît, à l’annulation de l’article 4 de la Décision.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours comme irrecevables ;

–        à titre subsidiaire, rejeter les recours comme non fondés ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des recours

32      La Commission conteste la qualité pour agir des requérantes ISD et l’IUD ainsi que le respect des délais pour l’introduction des deux recours. En outre, elle fait valoir que la fixation des taux pour la récupération de l’aide litigieuse n’est pas susceptible de recours.

 Sur la qualité pour agir

–       Arguments des parties

33      La Commission conteste la possibilité pour les requérantes ISD et l’IUD d’introduire un recours distinct et parallèle à celui de MH. En effet, des impératifs d’économie de procédure devraient s’opposer à un double examen de la légalité d’une décision lorsque la plupart des moyens développés par la société mère sont identiques à ceux de sa filiale. À cet égard, l’arrêt du Tribunal du 22 avril 1999, Monsanto/Commission (T‑112/97, Rec. p. II‑1277), ne serait pas pertinent. Selon la Commission, le bénéficiaire d’une aide doit être vu comme une entité distincte de ses actionnaires, dotée d’une volonté propre, comme il a été reconnu dans l’ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 11 septembre 2006, UPC France/Commission (T‑367/05, non publiée au recueil). Dès lors, MH, en tant que bénéficiaire de l’aide litigieuse, pourrait former un recours en annulation. En revanche, en l’absence d’un intérêt distinct de celui de MH, les requérantes ISD et l’IUD ne seraient pas recevables à agir, faute d’être individuellement concernées.

34      S’agissant de l’IUD, la Commission souligne que la participation à la procédure formelle d’examen et la qualité de partie intéressée qui en résulte n’exemptent pas un requérant qui est actionnaire du bénéficiaire d’une aide déclarée incompatible d’établir son intérêt individuel à agir en annulation en démontrant en quoi il est individualisé de manière identique à celle dont le serait le bénéficiaire.

35      Les requérantes affirment, en ce qui concerne la qualité pour agir, que, selon une jurisprudence bien établie, le bénéficiaire d’une aide est individuellement concerné par une décision de la Commission déclarant l’aide incompatible avec le marché commun.

36      Quant à ISD, les requérantes font valoir que celle-ci a été contrainte, sous son ancienne dénomination sociale, ZPD Steel, de se porter fort du remboursement par MH notamment de l’aide litigieuse visée à l’article 3 de la Décision. Il serait clair dès lors que la Décision l’atteint individuellement plus que tout autre personne, à l’exception du bénéficiaire de l’aide litigieuse, et qu’elle la caractérise individuellement d’une manière analogue à celle dont le bénéficiaire l’est, puisqu’elle devrait, en vertu de sa déclaration de porte-fort, rembourser l’aide litigieuse.

37      En outre, selon les requérantes, une société mère qui détient toutes les actions et, partant, est propriétaire à 100 % de la filiale qui est le destinataire d’une décision, et qui se trouve ainsi caractérisée par rapport à toute autre personne et, notamment, par rapport à tout autre opérateur économique sur le marché en cause, est individuellement concernée par la décision dont elle demande l’annulation (arrêt Monsanto/Commission, point 33 supra, points 58 et 59). En l’espèce, ISD détiendrait toutes les actions de MH, de MH Plus et de HSCz et, partant, elle serait propriétaire à 100 % de ces entreprises et donc individuellement concernée par la Décision.

38      Ce même argument vaudrait également pour l’IUD, qui serait propriétaire à 100 % des actions de ISD. En outre, la participation à la procédure en matière d’aides d’État constituerait l’un des éléments permettant d’établir qu’une personne physique ou morale est individuellement concernée par la décision dont elle demande l’annulation. l’IUD ayant présenté des observations à la suite de l’ouverture, le 12 août 2004, de la procédure formelle d’examen concernant l’aide à la restructuration accordée à HCz, elle serait donc également individuellement concernée par la Décision.

39      Enfin, les requérantes font valoir qu’ISD et l’IUD ont également un intérêt juridique à contester un acte qui, causant la perte de valeur de MH, porte atteinte à leur droit de propriété.

–       Appréciation du Tribunal

40      Il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que le destinataire d’une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire de la décision le serait (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223).

41      Il y a lieu de relever d’emblée que la Commission ne conteste pas la qualité pour agir de MH. En effet, MH ayant été mentionnée dans la Décision comme une entreprise tenue au remboursement de l’aide litigieuse, son affectation individuelle ne fait aucun doute.

42      Quant à ISD, il y a lieu de constater que, au moment de l’introduction du recours dans l’affaire T‑273/06, elle n’avait pas encore fusionné avec MH. Dès lors, sa qualité pour agir doit être appréciée séparément de celle de MH.

43      Toutefois, au moment de l’introduction de son recours, ISD était déjà propriétaire à 100 % de MH. À cet égard, le Tribunal a considéré, dans son arrêt Monsanto/Commission, point 33 supra (point 58), que le fait pour une entreprise d’être propriétaire à 100 % de l’entreprise destinataire de la décision litigieuse la caractérisait, au regard de cette décision, par rapport à toute autre personne et, notamment, par rapport à tout autre opérateur économique sur le marché en cause.

44      Certes, la Commission remet en question cette jurisprudence en invoquant l’ordonnance UPC France/Commission, point 33 supra. Cependant, cette ordonnance concerne, comme la Commission le reconnaît elle-même, la demande en intervention d’un actionnaire minoritaire et non le recours en annulation d’un propriétaire à 100 % comme c’est le cas en l’espèce. Qui plus est, il est constant entre les parties qu’ISD n’est pas seulement propriétaire à 100 % de MH, mais qu’elle s’est également portée fort du remboursement de l’aide litigieuse par MH (voir point 13 ci-dessus). Par conséquent, elle est tenue de garantir le remboursement de cette aide. C’est d’ailleurs précisément ce qui s’est produit dans les faits, puisque ISD a intégralement remboursé l’aide litigieuse.

45      Dans ces conditions, l’affectation individuelle d’ISD ne saurait être niée, car la Décision l’atteint en raison d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire l’est.

46      Enfin, contrairement aux affirmations de la Commission, des considérations d’économie de procédure ne peuvent pas remettre en cause une qualité pour agir établie.

47      Quant à la qualité pour agir de l’IUD, il suffit de rappeler que, celle d’ISD étant établie, selon une jurisprudence désormais bien établie, s’agissant d’un seul et même recours, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres requérantes (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 31 ; du Tribunal du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T‑374/00, Rec. p. II‑2275, point 57, du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, Rec. p. II‑2149, point 50, et du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T‑447/93 à T‑449/93, Rec. p. II‑1971, point 82).

48      Il n’y a donc pas lieu d’examiner séparément la recevabilité du recours formé par l’IUD.

49      Il s’ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, concernant la qualité pour agir des requérantes, doit être rejetée.

 Sur la tardiveté des recours

–       Arguments des parties

50      La Commission soutient que les deux recours sont tardifs, car les trois requérantes ont eu connaissance de la Décision au plus tard le 10 avril 2006. En effet, la Commission fait observer que la date du 10 avril 2006 figure en haut de chaque page de la télécopie de la Décision en langue polonaise annexée à la lettre des requérantes ISD et l’IUD du 18 septembre 2006 ainsi qu’à la lettre de MH du 17 octobre 2006, adressées au Tribunal, et que la télécopie avait comme destinataire « Kancelaria LSW » qui était à l’époque le conseil du groupe l’IUD. Il en résulterait que, compte tenu du délai de distance de dix jours, le délai pour l’introduction des recours serait arrivé à échéance le mardi 20 juin 2006.

51      La Commission reconnaît toutefois que la date à laquelle la requérante a eu connaissance de l’acte n’est pertinente qu’à titre subsidiaire, c’est-à-dire pour les actes qui ne font l’objet ni d’une notification ni d’une publication. À cet égard, la Commission constate que la Décision a été communiquée à l’IUD, par lettre recommandée du 7 juillet 2006, avec accusé de réception en date du 11 juillet 2006, et à MH par lettre recommandée du 16 août 2006, avec accusé de réception en date du 18 août 2006. Elle relève également que la Décision a été publiée le 21 décembre 2006 au Journal officiel.

52      Toutefois, les requérantes, qui ne seraient pas les destinataires de l’acte, n’auraient pas établi en quoi la communication de la Décision qui leur a été faite par lettre recommandée en vertu de l’article 20, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999 constituait une notification au sens de l’article 230, cinquième alinéa, CE.

53      Les requérantes constatent que l’IUD s’est vu notifier la Décision le 11 juillet 2006 et que le recours dans l’affaire T‑273/06 a été introduit le 11 septembre 2006. MH se serait vu notifier la Décision le 18 août 2006 et aurait introduit son recours le 17 octobre 2006. ISD ne saurait avoir eu connaissance de la Décision avant que l’IUD ne la reçoive le 11 juillet 2006.

54      Dans leur réplique, les requérantes ajoutent que, dès lors que la Décision a été publiée au Journal officiel, les recours sont recevables ratione temporis, puisque soit la Décision est soumise à notification et leur a été dûment notifiée, soit la Décision n’est pas soumise à notification et le critère de la prise de connaissance effective invoqué par la Commission est subsidiaire par rapport à celui de la publication au Journal officiel.

–       Appréciation du Tribunal

55      S’agissant du respect des délais, il convient de relever que la date à laquelle les requérantes ont eu connaissance de l’acte n’est pertinente qu’à titre subsidiaire, à savoir pour les actes qui ne font l’objet ni d’une notification ni d’une publication. En effet, selon une jurisprudence constante relative à l’interprétation de l’article 230, cinquième alinéa, CE, il découle du libellé de cette disposition que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte (arrêt de la Cour du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, Rec. p. I‑973, point 35, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T‑11/95, Rec. p. II‑3235, point 47).

56      En l’espèce, la Décision a été publiée au Journal officiel du 21 décembre 2006. Dès lors, les présents recours, déposés le 11 septembre et le 17 octobre 2006, ont été introduits dans le respect du délai prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE. En effet, conformément à l’article 101, paragraphe 1, et à l’article 102, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, le délai a expiré le 14 mars 2007, soit deux mois, deux semaines et dix jours après la publication de la Décision et donc bien après l’introduction des recours.

57      Il est vrai que la publication de la Décision n’était pas une condition de sa prise d’effet. Toutefois, il est de pratique constante que les décisions de la Commission de clore une procédure d’examen des aides au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE sont publiées au Journal officiel. Dès lors, les requérantes pouvaient légitimement escompter que la Décision ferait l’objet d’une publication (voir, en ce sens, arrêt BP Chemicals/Commission, point 55 supra, points 48 à 51).

58      S’agissant de la question de savoir si la lettre de la Commission du 7 juillet 2006, par laquelle la Commission a communiqué le texte de la Décision à l’IUD, constitue une notification au sens de l’article 230, cinquième alinéa, CE, il y a lieu de relever que la République de Pologne est le seul destinataire de la Décision, au sens de l’article 254, paragraphe 3, CE. Dès lors que la requérante n’est pas le destinataire de la Décision, le critère de la notification de l’acte ne lui est pas applicable (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T‑17/02, Rec. p. II‑2031, point 76).

59      En tout état de cause, à supposer qu’une décision puisse être notifiée à une personne qui n’en est pas le destinataire, et que la communication de la Décision aux requérantes en vertu de l’article 20, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999 doive être considérée comme une notification, force est de constater que les recours auraient été introduits dans le délai requis. Dans ces circonstances, en effet, conformément à l’article 101, paragraphe 1, et à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le délai de recours dans l’affaire T‑273/06 aurait expiré le 21 septembre 2006, soit deux mois et dix jours après la notification de la Décision le 11 juillet 2006, et donc après l’introduction du recours le 11 septembre 2006. Le délai dans l’affaire T‑297/06 aurait expiré le 30 octobre 2006, soit le lundi après l’échéance des deux mois et dix jours suivant la notification de la Décision le 18 août 2006, et donc après l’introduction du recours le 17 octobre 2006.

60      Il s’ensuit que les recours ont été introduits dans les délais prescrits.

 Sur la recevabilité du recours contre la lettre du 7 juin 2006

–       Arguments des parties

61      La Commission fait valoir que la lettre du 7 juin 2006, dans laquelle elle a fixé les taux d’intérêt à appliquer pour la récupération de l’aide litigieuse, n’est pas un acte attaquable. En effet, le taux d’intérêt résultant de la procédure visée à l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794/2004 serait de « même valeur » que celui visé au paragraphe 1 de cet article. Ces taux revêtiraient donc une « valeur réglementaire erga omnes ». Par conséquent, les requérantes ne pourraient pas les contester faute d’affectation directe et individuelle.

62      Cette « valeur réglementaire » serait confirmée par le fait que le même taux aurait été utilisé dans d’autres décisions adressées à la République de Pologne qui portaient également sur des aides illégales, par exemple dans la décision 2008/344/CE de la Commission, du 23 octobre 2007, concernant l’aide d’État C 23/06 (ex NN 35/06) mise à exécution par la République de Pologne en faveur du groupe Technologie Buczek, un producteur d’acier (JO 2008, L 116, p. 26).

63      Les requérantes relèvent que le taux fixé par la Commission dans sa lettre du 7 juin 2006 aux autorités polonaises n’a pas de portée générale pour toutes les aides d’État octroyées dans les années précédant l’adhésion de la République de Pologne à l’Union européenne. Il s’agirait au contraire d’une « décision particulière », qui ne vaudrait que pour le cas de HCz et qui tiendrait compte des éléments spécifiques de sa situation et de son marché.

64      Les requérantes ajoutent que la fixation du taux d’intérêt applicable à la récupération de l’aide litigieuse fait partie intégrante de la Décision et non du règlement n° 794/2004. Elle serait donc attaquable au même titre que la Décision elle-même.

–       Appréciation du Tribunal

65      Premièrement, en ce qui concerne le caractère contraignant de la lettre du 7 juin 2006, il ressort du libellé de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999 que l’aide à récupérer comprend des intérêts « qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission ». L’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794/2004 précise que, en l’absence notamment de données nécessaires pour le calcul du taux selon le paragraphe 1 de cet article, la Commission peut « fixer », en étroite coopération avec l’État membre ou les États membres concernés, un taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État, pour un ou plusieurs États membres, sur la base d’une méthode différente et des renseignements dont elle dispose.

66      Il s’ensuit que c’est la Commission qui détermine, quoique en étroite coopération avec l’État membre concerné, d’une manière contraignante, le taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État. Ce caractère contraignant a d’ailleurs été confirmé par la Commission lors de l’audience. Partant, la lettre du 7 juin 2006 doit être considérée comme un acte produisant des effets juridiques obligatoires au sens de l’arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, Rec. p. 2639, point 9), et donc comme un acte attaquable.

67      Deuxièmement, en ce qui concerne la qualité pour agir des requérantes, force est de constater que la question de savoir si les taux contenus dans la lettre du 7 juin 2006 revêtent un caractère réglementaire, ou s’il s’agit d’une décision individuelle, est sans pertinence pour la recevabilité du recours formé à cet égard. En effet, il est constant que les requérantes ne sont pas les destinataires de la lettre du 7 juin 2006. Dans ces conditions, afin de contester les taux d’intérêt fixés dans cette lettre, les requérantes doivent démontrer une affectation directe et individuelle, conformément aux dispositions de l’article 230, quatrième alinéa, CE, et ce dans les deux cas de figure mentionnés.

68      S’agissant de l’affectation directe, il ressort de la jurisprudence que la mesure communautaire incriminée doit produire directement des effets sur la situation juridique du particulier ou qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43). Il en va de même lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l’acte communautaire est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (arrêt Dreyfus/Commission, précité, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, points 8 à 10). En l’espèce, la lettre du 7 juin 2006 ne laissait aucun pouvoir d’appréciation aux autorités polonaises, et ce même en ce qui concerne les aspects pour lesquels elles avaient soumis une proposition différente à la Commission dans leur lettre du 13 mars 2006.

69      S’agissant de l’affectation individuelle, il y a lieu de constater que l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794/2004 prévoit la possibilité pour la Commission de fixer, d’une manière générale, un taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État « pour un ou plusieurs États membres ».

70      Or, force est de constater que, dans sa lettre du 7 juin 2006, la Commission n’a pas fixé un tel taux général.

71      En effet, dans cette lettre, la Commission se réfère explicitement à la Décision et fixe le taux d’intérêt pour la récupération d’une aide spécifique dont les requérantes sont les débitrices. Le libellé de la lettre n’a pas une portée générale, mais vise des « mesures à adopter pour la mise en œuvre de la [D]écision ». En outre, contrairement aux taux calculés selon la procédure prévue à l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 794/2004, le taux fixé par la Commission dans la lettre du 7 juin 2006 n’a jamais été publié. Dès lors, il ne saurait être considéré que la lettre du 7 juin 2006 a une portée générale.

72      Enfin, la réponse de la Commission aux questions écrites du Tribunal n’est pas susceptible de remettre en cause la conclusion que, en l’espèce, la Commission a fixé le taux non d’une manière abstraite et générale, mais pour les besoins spécifiques de la Décision. Certes, la Commission fait valoir que ce même taux a été « utilisé » dans un autre cas et que les autorités polonaises ont « accepté » que la même méthode de fixation du taux soit suivie. Cependant, si ce taux avait été fixé dans la lettre du 7 juin 2006 pour tous les cas de récupération d’une aide octroyée pendant la période concernée en Pologne, la Commission n’aurait pas eu besoin de recommencer la procédure prévue à l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794/2004, ni d’entrer dans une « étroite coopération avec l’État membre », ni de se prévaloir de l’accord des autorités polonaises. Elle aurait pu simplement appliquer le taux fixé auparavant.

73      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, dans la lettre du 7 juin 2006, la Commission s’est bornée à fixer le taux applicable pour le cas d’espèce et que cette lettre concerne les requérantes individuellement, puisqu’elles sont tenues de rembourser un montant majoré de ce taux.

74      Il résulte de tout ce qui précède que le recours formé contre la lettre du 7 juin 2006 est recevable.

 Sur la recevabilité des troisième, quatrième et sixième chefs de conclusions

 Arguments des parties

75      La Commission fait valoir que les troisième, quatrième et sixième chefs de conclusions des requérantes (voir point 28 ci-dessus) sont irrecevables, car ils ne rentreraient pas dans le champ d’application du contrôle de légalité fondé sur l’article 230 CE. En effet, ces chefs de conclusions viseraient en substance à demander au Tribunal d’adresser des injonctions.

76      Les requérantes rétorquent que ces chefs de conclusions ne méconnaissent pas le « caractère cassatoire » du recours en annulation, dans la mesure où celui-ci implique qu’une nouvelle décision soit prise dans le sens de l’arrêt d’annulation.

 Appréciation du Tribunal

77      Contrairement aux affirmations de la Commission, les troisième et sixième chefs de conclusions ne visent pas à demander au Tribunal de lui adresser des injonctions. En effet, le sixième chef de conclusions vise la condamnation de celle-ci aux dépens et est donc recevable.

78      Par le troisième chef de conclusions, les requérantes demandent, à titre subsidiaire, au Tribunal de « déclarer » inexistante l’obligation de la République de Pologne de procéder à la récupération des aides. À cet égard, force est de constater que, à défaut de base juridique dans le traité, le Tribunal n’est pas compétent pour connaître d’un tel chef de conclusions. Il est donc irrecevable.

79      Par le quatrième chef de conclusions, les requérantes demandent notamment au Tribunal de renvoyer la question des intérêts à la Commission pour une nouvelle décision. Or, dans leur réplique et lors de l’audience, les requérantes ont indiqué que, par ce chef de conclusions, elles se bornaient à énoncer une conséquence logique de l’arrêt dans le cas où il serait fait droit à la demande en annulation formulée dans ce même chef de conclusions, conséquence qui est d’ailleurs déjà consacrée à l’article 233, paragraphe 1, CE. Il n’a donc pas de signification autonome.

 Sur le fond

80      Dans l’affaire T‑273/06, les requérantes ISD et l’IUD invoquent six moyens tirés d’erreurs manifestes d’appréciation des faits et de violations de leur droit de présenter des observations, du principe de protection de la confiance légitime, du protocole n° 8, de l’article 14 du règlement n° 659/1999 et du règlement n° 794/2004. Dans l’affaire T‑297/06, MH invoque quatre moyens en substance identiques à ceux soulevés dans l’affaire T‑273/06, à l’exception des deuxième et troisième moyens qui ne sont pas repris.

 Sur le moyen tiré d’une violation du protocole n° 8

–       Arguments des parties

81      Les requérantes rappellent tout d’abord que, au considérant 108 de la Décision, la Commission a constaté que les articles 87 CE et 88 CE ne concernaient normalement pas une aide accordée avant l’adhésion qui n’est plus applicable après l’adhésion. Afin de justifier sa compétence, la Commission offrirait donc une interprétation du point 6, troisième alinéa, du protocole n° 8 qui ne serait pas conforme à son but.

82      En premier lieu, les requérantes avancent que non seulement le protocole n° 8 ne vise pas les entreprises non listées à son annexe 1, à la seule exception du point 4, sous b), mais que ce point prévoit a contrario la possibilité pour un tiers de reprendre les actifs d’une société non listée à l’annexe 1 ayant bénéficié d’aides à la restructuration. En effet, le but du protocole n° 8 serait d’empêcher que l’aide accordée à l’une des entreprises bénéficiaires se cumule avec une autre aide d’État ou soit transmise à un tiers. Partant, le protocole n° 8 ne serait pas une base légale sur laquelle la Commission aurait pu se fonder pour adopter la Décision.

83      En deuxième lieu, les requérantes relèvent que la présomption de non-rétroactivité, confirmée par le droit international, et le « principe de la prévisibilité » font qu’un texte ne saurait s’appliquer rétroactivement que si une règle l’autorise expressément et indique avec précision la période d’application rétroactive du texte en cause. Or, le texte du point 6, troisième alinéa, du protocole n° 8 ne prévoirait pas de manière expresse un effet rétroactif. Par conséquent, il faudrait conclure qu’il ne s’applique pas aux aides d’État reçues avant son adoption par des sociétés ne figurant pas à l’annexe 1.

84      Le seul élément de rétroactivité que l’on pourrait trouver dans le protocole n° 8 serait la référence à la période allant de 1997 à 2003 qui serait faite systématiquement en relation soit avec le montant total de l’aide qui peut être octroyée (point 6), soit avec la réduction nette de capacité à laquelle doit parvenir la République de Pologne (point 7). Cela signifierait que le calcul des aides futures qui seront attribuées aux entreprises bénéficiaires après l’entrée en vigueur du protocole n° 8 devrait se faire en tenant compte rétrospectivement des montants d’aides déjà alloués, mais non en considérant rétroactivement les aides passées comme illégales.

85      En troisième lieu, la Commission aurait « empiété sur la compétence ratione temporis d’autres institutions ». En effet, seuls le conseil d’association et le Conseil disposeraient d’un pouvoir de décision concernant la conformité du programme de restructuration polonais avec les exigences de l’article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2. En cas de différend relatif à l’application de l’accord européen, les institutions communautaires auraient pu saisir le conseil d’association. La Commission n’aurait rien fait de tel lorsqu’elle a appris que HCz avait reçu des aides d’État. En ouvrant une enquête sur les aides en cause, elle se serait indûment arrogée un pouvoir de contrôle et, par conséquent, sa décision devrait être annulée pour incompétence.

86      En quatrième lieu, les requérantes font grief à la Commission d’avoir violé le principe d’égalité de traitement dans l’application du protocole n° 8. Bien que HCz n’ait pas été formellement déclarée en faillite, sa procédure de restructuration serait économiquement assimilable à une faillite. Pourtant, HCz et ISD (ainsi que l’IUD) se seraient vu appliquer un traitement différent, que ce soit du point de vue juridique pour ce qui concerne HCz ou du point de vue factuel pour ce qui concerne ISD (et l’IUD), de celui que le point 4, sous b), du protocole n° 8 réserverait respectivement à la société en faillite et au tiers repreneur.

87      Dans l’affaire T‑297/06, la requérante attaque également l’article 4 de la Décision en faisant valoir que la Commission n’était pas compétente pour décider de subordonner la modification du « programme national de restructuration » polonais à ce que ce changement ne comporte aucune aide d’État et aucune augmentation des capacités de production. En outre, la Commission aurait donné une interprétation manifestement erronée au point 10 du protocole n° 8, puisque ce dernier ne conférerait pas à la Commission le pouvoir discrétionnaire de refuser qu’un État membre ajoute à son « programme national de restructuration » des aides compatibles avec le marché commun.

88      La Commission conteste ces arguments.

–       Appréciation du Tribunal

89      Par leur moyen tiré d’une violation du protocole n° 8, qu’il convient d’examiner en premier lieu, car il vise la base juridique de la Décision, les requérantes contestent, en substance, l’applicabilité ratione temporis et ratione personae des règles communautaires en matière d’aides d’État et la compétence de la Commission pour contrôler leur respect pendant la période ayant précédé l’adhésion de la République de Pologne à l’Union européenne.

90      Quant à l’applicabilité ratione temporis des règles communautaires en matière d’aides d’État, il est constant entre les parties que, en principe, les articles 87 CE et 88 CE ne s’appliquent pas aux aides accordées avant l’adhésion qui ne sont plus applicables après l’adhésion.

91      Cela étant, la Commission s’appuie sur le protocole n° 8 comme lex specialis afin de justifier sa compétence. Le Tribunal observe que ce régime diffère à plusieurs égards du régime général prévu par le traité CE et par l’annexe IV de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 797, ci-après l’« annexe IV du traité d’adhésion »). Ainsi, conformément au point 1 du protocole n° 8, certaines aides d’État octroyées par la République de Pologne pour la restructuration de secteurs spécifiques de l’industrie sidérurgique polonaise, qui ne seraient normalement pas admissibles selon les articles 87 CE et 88 CE, sont reconnues comme compatibles avec le marché commun. En outre, il est constant que le mécanisme de transition figurant à l’annexe IV du traité d’adhésion ne concerne que des aides d’État accordées avant l’adhésion qui sont toujours applicables après la date de l’adhésion.

92      Dès lors, il convient d’examiner si les dispositions du protocole n° 8 habilitaient la Commission à étendre son pouvoir de contrôle en matière d’aides d’État à l’aide litigieuse et si elles constituaient une base juridique suffisante pour l’interdiction de cette aide.

93      À cet égard, il convient de rappeler que le protocole n° 8 fait référence aux aides accordées pendant la période allant de 1997 à 2003. Il autorise un montant limité d’aides à la restructuration, octroyé pour cette période (soit avant l’adhésion de la République de Pologne à l’Union européenne), à certaines entreprises énumérées à son annexe 1 et interdit, en contrepartie, toute autre aide d’État à la restructuration à l’industrie sidérurgique.

94      Le point 6, premier alinéa, du protocole n° 8 prévoit, en particulier, que, en tout état de cause, le montant total de l’aide payée durant la période allant de 1997 à 2003 ne doit pas dépasser 3 387 070 000 PLN. Le point 6, troisième alinéa, du protocole n° 8 précise qu’aucune autre aide ne doit être accordée par la République de Pologne pour la restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise. Partant, contrairement aux affirmations des requérantes, l’application rétroactive du protocole n° 8 est consacrée à son point 6 qui vise la période allant de 1997 à 2003.

95      Enfin, étant donné que, au moment de la publication du protocole n° 8 en septembre 2003, cette période était presque achevée, l’argument des requérantes, selon lequel cette référence à la période allant de 1997 à 2003 a pour seule signification que le calcul des aides futures devrait se faire en tenant compte rétrospectivement des montants d’aides déjà alloués, mais non en considérant rétroactivement les aides passées comme illégales, ne saurait convaincre.

96      Au contraire, le but du protocole n° 8 était d’instaurer un régime compréhensif pour l’autorisation d’aides destinées à la restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise et non seulement d’éviter le cumul d’aides par des entreprises bénéficiaires.

97      Il s’ensuit que, par rapport à l’annexe IV du traité d’adhésion et aux articles 87 CE et 88 CE, le protocole n° 8 représente une lex specialis qui élargit le contrôle des aides d’État effectué par la Commission en vertu du traité CE aux aides octroyées en faveur de la réorganisation de l’industrie sidérurgique polonaise pendant la période allant de 1997 à 2003.

98      Les autres arguments des requérantes ne sont pas non plus susceptibles de mettre en cause l’applicabilité du protocole n° 8.

99      En ce qui concerne l’argument relatif à l’applicabilité ratione personae du protocole n° 8, selon lequel ce dernier ne vise pas les entreprises non listées à son annexe 1, force est de constater que ce protocole concerne l’industrie sidérurgique polonaise dans son ensemble, ce qui inclut, par défaut, les requérantes. En effet, non seulement le point 6, troisième alinéa, du protocole n° 8 impose un montant total pour l’aide et exclut toute autre aide non prévue par celui-ci, mais son point 3 dispose explicitement que seules les entreprises énumérées à l’annexe 1 (entreprises bénéficiaires) peuvent bénéficier des aides d’État dans le cadre du programme de restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise. S’il était admis qu’une entreprise non listée à l’annexe 1 puisse conserver des montants illimités d’aide à la restructuration reçus avant l’adhésion sans réduire en contrepartie les capacités de production, le protocole n° 8 serait vidé de tout son sens.

100    S’agissant de l’argument tiré du point 4, sous b), du protocole n° 8 et selon lequel ce sont seulement les entreprises bénéficiaires qui ne peuvent pas reprendre les actifs d’une entreprise non listée à l’annexe 1 qui est déclarée en faillite, il convient de relever que les requérantes partent d’une interprétation erronée de cette disposition. En effet, ce point ne concerne que les entreprises bénéficiaires et ne permet donc pas de tirer de conclusions pour d’autres entreprises. En outre, à supposer même que ce point prévoie la possibilité pour un tiers de reprendre les actifs d’une entreprise en faillite non listée à l’annexe 1 du protocole n° 8, cela n’impliquerait nullement que ce tiers n’est pas obligé de restituer une aide illégale perçue par ladite entreprise.

101    Dès lors, le fait que la situation de HCz puisse être comparée à celle d’une entreprise en faillite non listée à l’annexe 1 du protocole n° 8 n’est pas pertinent. Par conséquent, le grief qui y est afférent, pris d’une prétendue violation du principe d’égalité de traitement dans l’application du protocole n° 8, doit également être rejeté. En outre, HCz n’est ni une entreprise bénéficiaire ni une entreprise en faillite. Faire droit au moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement reviendrait donc en substance à remettre en cause le protocole n° 8 qui, en tant que source de droit primaire, fait partie du traité CE.

102    Quant à l’argument selon lequel la Commission a outrepassé sa propre compétence, il suffit de rappeler que le point 18 du protocole n° 8 prévoit que, au cas où la République de Pologne a, pendant la période de restructuration, accordé à l’industrie sidérurgique et, en particulier, aux entreprises bénéficiaires des aides d’État supplémentaires incompatibles, la Commission prend les mesures appropriées en vue d’exiger des entreprises concernées qu’elles remboursent toute aide accordée en violation des conditions prévues dans ce protocole. Ces mesures appropriées comprennent des mesures de contrôle en application de l’article 88 CE. Il s’ensuit que la Commission était compétente pour contrôler le respect des dispositions du protocole n° 8.

103    Enfin, concernant les arguments invoqués afin de contester la légalité de l’article 4 de la Décision, force est de constater que, conformément au point 10 du protocole n° 8, la Commission est compétente pour approuver toute autre modification du plan global de restructuration et des plans individuels et que, à l’article 4 de la Décision, elle a réitéré certaines conditions qui ressortent déjà du protocole n° 8.

104    Par conséquent, le moyen tiré d’une violation du protocole n° 8 doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

–       Arguments des parties

105    Les requérantes font valoir qu’un établissement correct des faits pertinents aurait conduit la Commission à considérer que, en raison de la reprise des moyens de production de HCz à un prix correspondant à un prix de marché, l’aide litigieuse avait déjà été restituée.

106    En effet, la Cour aurait jugé dans une affaire similaire que, lorsqu’une société bénéficiaire d’une aide a été vendue au prix du marché, le prix de vente reflète les conséquences de l’aide antérieure et c’est le vendeur de ladite société qui conserve le bénéfice de l’aide. Dans ce cas, le rétablissement de la situation antérieure devrait, en premier lieu, être assuré par le remboursement de l’aide par le vendeur. Toutefois, si les sommes tirées de la privatisation ont été in fine affectées à l’État, celui-ci cumulerait la qualité de vendeur et de pourvoyeur de l’aide, de sorte que le rétablissement de la situation antérieure ne pourrait pas être assuré par le remboursement de l’aide (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Banks, C‑390/98, Rec. p. I‑6117, points 78 et 79).

107    En l’espèce, ISD aurait racheté, à un prix qui correspondrait à la valeur de marché, les actions de HSCz à TFS et les actions de MH et de MH Plus ainsi que de dix filiales de HCz à cette dernière. Ainsi, une fois la vente réalisée, ce serait TFS et HCz, soit des entreprises détenues à 100 % par l’État polonais, qui conserveraient le bénéfice de l’aide litigieuse.

108    Dans la réplique, les requérantes ajoutent que c’est sous la pression de l’État polonais que l’IUD a dû offrir un prix sensiblement supérieur à son offre initiale et comportant de surcroît un engagement de porte-fort en faveur de MH. Ledit engagement comporterait néanmoins la reconnaissance explicite en faveur de l’IUD du droit de recourir contre une éventuelle décision de la Commission ordonnant la récupération de l’aide.

109    Les requérantes reconnaissent les récents développements de la jurisprudence Banks, point 106 supra, dans l’arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C‑277/00, Rec. p. I‑3925, ci-après l’« arrêt SMI »), et l’arrêt du Tribunal du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission (T‑324/00, Rec. p. II‑4309). Toutefois, cette jurisprudence a pour conséquence, selon les requérantes, que, lorsque le bénéficiaire a intégré le groupe de l’acheteur, la récupération de l’aide auprès du bénéficiaire va également affecter économiquement l’acheteur qui a, le cas échéant, déjà remboursé l’élément d’aide en payant un prix conforme au marché. Si, de surcroît, le vendeur du paquet d’actions était l’État lui-même, qui doit récupérer l’aide en cause, ledit État se verrait rembourser l’aide deux fois.

110    La Commission fait valoir que ce moyen devrait être considéré comme étant sans objet, puisque les requérantes contestent un point qui ne serait pas dans la Décision.

–       Appréciation du Tribunal

111    Afin d’apprécier l’argument selon lequel ISD a repris les actifs de HCz au prix du marché, il importe de distinguer deux étapes. Dans un premier temps, MH et MH Plus, deux filiales à 100 % de HCz, ont repris de HCz les actifs sidérurgiques et d’autres actifs nécessaires à la production (asset deal). Dans un deuxième temps, HCz a vendu MH et MH Plus à ZPD Steel (devenue ISD), une filiale à 100 % de l’IUD (share deal).

112    S’agissant de l’« asset deal », il est constant qu’aucun prix d’achat n’a été payé à HCz par MH et MH Plus en contrepartie du transfert d’actifs de HCz à ces sociétés de cantonnement. La crainte de la Commission que, à la suite de cette restructuration, HCz puisse devenir une « coquille vide » qui empêcherait toute récupération des aides déclarées incompatibles malgré la présence au départ d’actifs substantiels était donc fondée. Par conséquent, seule une obligation de remboursement solidaire permettait à la République de Pologne de s’adresser à toute entreprise bénéficiaire.

113    S’agissant du « share deal », force est de constater que le rachat de MH et de MH Plus par ISD, qui n’était d’ailleurs pas encore achevé à la date de l’adoption de la Décision, n’est pas examiné dans celle-ci. En effet, il ressort de son dispositif et de ses considérants que seule la première étape, à savoir la problématique relative aux transferts d’actifs de HCz (asset deal), fait l’objet de la Décision.

114    En outre, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêt de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7, et arrêt SMI, point 109 supra, point 39, et la jurisprudence citée).

115    Or, à la date à laquelle la Décision a été adoptée, à savoir le 5 juillet 2005, HCz était encore propriétaire de MH et de MH Plus, puisque la vente à ISD n’a eu lieu que le 30 septembre 2005. Cette vente ultérieure de MH à ISD est cependant sans incidence sur la légalité de la Décision. En effet, des événements postérieurs à l’adoption de la Décision ne sauraient rendre celle-ci, rétroactivement, illégale. Dès lors, le présent moyen est inopérant, puisque les requérantes contestent une opération qui n’a pas été appréciée dans la Décision.

116    Il s’ensuit que les arguments des requérantes ISD et l’IUD tirés des arrêts Banks, point 106 supra, SMI et CDA Datenträger Albrechts/Commission, point 109 supra, ne revêtent aucune pertinence dans le cadre de la présente affaire. En effet, dans l’arrêt Banks, la Cour a examiné la possibilité de demander un remboursement de l’aide après la vente de l’entreprise bénéficiaire. Les arrêts subséquents SMI et CDA Datenträger Albrechts/Commission concernent des situations où, contrairement au cas d’espèce, la vente avait eu lieu avant l’adoption de la décision ordonnant la récupération de l’aide.

117    À la suite de l’adoption de la Décision ordonnant la récupération de l’aide litigieuse, c’est dans le cadre de l’application de la Décision que les modalités du remboursement, y compris la question de savoir quelle part de la somme totale doit être remboursée par chacune des entreprises débitrices solidaires, doivent être déterminées par les autorités polonaises.

118    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré des erreurs manifestes d’appréciation des faits doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une violation du droit de présenter des observations

–       Arguments des parties

119    Les requérantes ISD et l’IUD prétendent que, bien que les aides en question aient été connues de la Commission, le résumé de la décision d’ouverture ne mentionnait pas l’aide litigieuse. Dans la décision d’ouverture, quelques éléments pertinents de droit seraient exposés, mais aucun fait à propos d’une quelconque aide telle que l’aide litigieuse ne serait avancé. Ce libellé n’aurait pas permis à l’IUD de savoir quelles aides étaient visées par l’enquête. Par conséquent, l’IUD n’aurait pas su qu’elle avait besoin de soumettre des observations sur les aides en cause. Elle n’aurait donc pas pu exercer le droit qui lui est reconnu par l’article 88 CE et l’article 6 du règlement n° 659/1999.

120    Dans la réplique, les requérantes reconnaissent que l’invitation à présenter des observations publiée au Journal officiel mentionne notamment la période sur laquelle porte la procédure d’examen. Toutefois, ces informations ne se trouveraient que dans la décision d’ouverture dans sa version publiée en langue originale (le polonais), et non dans le résumé. Or, l’IUD aurait cru pouvoir prendre connaissance de la décision d’ouverture sur la base du résumé publié en anglais.

121    La Commission réfute ces arguments. Elle relève que, au stade de l’ouverture de la procédure d’examen, l’évaluation juridique des faits pertinents est nécessairement préliminaire, mais que la décision d’ouverture montre clairement qu’elle s’était interrogée sur l’existence d’autres aides versées à HCz et à HSCz depuis 1997.

–       Appréciation du Tribunal

122    Il est vrai que, dans le résumé de la décision d’ouverture, qui identifie HCz comme bénéficiaire potentiel d’une aide d’État, ni l’aide litigieuse ni la période allant de 1997 à 2003 ne sont mentionnées.

123    Néanmoins, il résulte de la nature même d’un résumé qu’il ne peut contenir toutes les informations figurant dans la décision d’ouverture. De plus, il ressort clairement de l’invitation à présenter des observations publiée au Journal officiel que seul le texte en polonais fait foi. Enfin, la décision d’ouverture est adressée à la République de Pologne, dont la langue officielle est le polonais. Les requérantes ne pouvaient donc pas se borner à prendre connaissance de la décision d’ouverture sur la seule base du résumé publié en anglais. Dans leur propre intérêt, les requérantes auraient dû procéder à une traduction de cette décision si, nonobstant le fait que ISD est une entreprise polonaise, celle-ci ne leur était pas compréhensible.

124    Quant à la décision d’ouverture proprement dite, il découle de la jurisprudence que la phase d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 38).

125    Selon l’article 6, paragraphe 1 du règlement n° 659/1999, la décision d’ouverture récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une « évaluation préliminaire » par la Commission de la mesure proposée et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. En outre, cette décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations.

126    Ainsi qu’il ressort du libellé de la disposition précitée, l’analyse de la Commission revêt nécessairement un caractère préliminaire. Il en résulte que la Commission ne peut pas être tenue de présenter une analyse aboutie à l’égard de l’aide en cause dans sa communication relative à l’ouverture de cette procédure. En revanche, il est nécessaire que la Commission définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations [arrêt du Tribunal du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T‑354/99, Rec. p. II‑1475, point 85].

127    Toutefois, les points 6, 32 et 51 de la décision d’ouverture, dont le texte en langue polonaise a été publié au Journal officiel, montrent clairement que la Commission s’interrogeait sur l’existence de plusieurs aides versées à HCz et à HSCz depuis 1997. En effet, au point 6, elle constate que, « [s]ur la base des informations actuellement disponibles, il semblerait que HCz ait reçu diverses aides publiques depuis le début de la période de restructuration en 1997 ». Au point 32, elle précise que, « [d]ans le cadre de cette procédure, toute aide accordée à HCz depuis le 1er janvier 1997 devrait être considérée ». Dès lors, elle demande aux autorités polonaises « [d]es informations détaillées concernant les montants et les affectations de toutes les aides publiques accordées par la [République de] Pologne à HCz depuis 1997 » (point 51).

128    Bien que la décision d’ouverture ne mentionne pas explicitement des aides à la restructuration, ni la somme de 19 699 452 PLN, il ressort néanmoins clairement de ces termes que la Commission entame une procédure exhaustive qui vise toutes les aides accordées à HCz depuis 1997.

129    Il résulte de ce qui précède que, dans la décision d’ouverture, la Commission a suffisamment défini le cadre de son examen pour que les tiers intéressés soient en mesure de présenter leurs observations. Dès lors, il convient de rejeter ce moyen.

 Sur le moyen tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

–       Arguments des parties

130    Les requérantes ISD et l’IUD font valoir que le fait pour la Commission de s’être abstenue d’indiquer avec précision, dans la décision d’ouverture, les aides d’État dont elle exige la suppression dans la Décision a pour conséquence également d’entacher la Décision d’une illégalité résultant d’une violation du principe de protection de la confiance légitime. Elles avancent que leur confiance légitime aurait résidé également dans le fait que l’IUD escomptait que l’aide litigieuse serait considérée comme remboursée en application de la jurisprudence Banks, point 106 supra, et que l’aide octroyée avant 2003 avait été dûment portée à la connaissance de la Commission.

131    Dans le cadre du moyen suivant, les requérantes ajoutent que la Commission a fait naître chez elles l’assurance que les aides reçues par HCz ne seraient pas supprimées. Même s’il était conclu que l’aide litigieuse était illégale, des conditions tout à fait exceptionnelles existeraient en l’espèce. En effet, après que la Commission a reconnu dans l’exposé des motifs de sa proposition du 26 mai 2003 pour une décision du Conseil que la prorogation de la dérogation prévue à l’article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2 aurait pour effet de régulariser rétroactivement les aides qui auraient été octroyées illicitement depuis l’entrée en vigueur de l’accord européen, les requérantes auraient pu légitimement croire que la Commission n’exigerait pas la récupération des aides reçues par HCz. Elles relèvent que, si l’aide litigieuse n’avait pas été notifiée au sens des articles 87 CE et 88 CE, elle avait été « dûment annoncée » selon les procédures pertinentes du protocole n° 2.

132    La Commission conteste ces arguments et affirme que les requérantes ne peuvent pas invoquer le principe de protection de la confiance légitime en l’espèce.

–       Appréciation du Tribunal

133    Concernant le prétendu manque de précision de la décision d’ouverture, il convient de renvoyer à l’examen du moyen précédent où, après avoir été rappelé qu’une telle décision revêtait nécessairement un caractère préliminaire, il a été considéré que, dans la décision d’ouverture, la Commission avait néanmoins suffisamment défini le cadre de l’examen (voir points 126 à 129 ci-dessus). Dès lors, l’absence de référence expresse à l’aide litigieuse dans la décision d’ouverture ne saurait permettre aux requérantes d’invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime.

134    Dans la mesure où les requérantes invoquent leur confiance dans le fait que l’aide litigieuse serait considérée comme remboursée, il y a lieu de constater qu’une telle confiance n’est pas susceptible d’être protégée au titre du principe de protection de la confiance légitime. En effet, les requérantes n’ont ni été incitées par un acte de la Communauté à prendre une décision qui, par la suite, a entraîné des conséquences négatives pour elles (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 avril 1988, Mulder, 120/86, Rec. p. 2321, point 24), ni été les bénéficiaires d’un acte administratif favorable d’une institution communautaire qui a été retiré rétroactivement par cette dernière (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 avril 1997, de Compte/Parlement, C‑90/95 P, Rec. p. I‑1999, point 35, et la jurisprudence citée). En tout état de cause, l’arrêt Banks, point 106 supra, n’a pas d’incidence sur la légalité de la Décision (voir point 116 ci-dessus).

135    S’agissant de la prétendue régularisation rétroactive des aides illégales, il convient de rappeler que les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient, en principe, avoir une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l’article 88 CE et qu’un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée (arrêt de la Cour du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C‑24/95, Rec. p. I‑1591, point 25).

136    En l’espèce, il est constant qu’aucune notification de l’aide litigieuse n’a eu lieu. En effet, l’aide litigieuse a été octroyée à une époque où la République de Pologne n’était pas encore membre de l’Union européenne. Une notification selon la procédure prévue par l’article 88 CE n’était donc pas possible.

137    Les requérantes font valoir que l’aide litigieuse a été « dûment annoncée » selon les procédures pertinentes du protocole n° 2. À cet égard, le Tribunal rappelle que l’article 8 du protocole n° 2 a introduit une interdiction générale des aides publiques de toute nature, sauf dérogations autorisées en vertu du traité CECA. Cet article prévoit également une dérogation, en ce qui concerne les produits « acier CECA », pour les aides à la restructuration, qui était cependant soumise à certaines conditions et procédures.

138    Néanmoins, ces procédures ne sauraient avoir fait naître une confiance légitime chez les requérantes. En effet, par leur affirmation selon laquelle l’aide litigieuse a été « dûment annoncée » selon les procédures du protocole n° 2, les requérantes semblent faire référence à la décision 2003/588. Dans cette décision, le Conseil a constaté que le programme de restructuration et les plans d’entreprise soumis à la Commission par la République de Pologne le 4 avril 2003 satisfaisaient aux exigences de l’article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2. Or, force est de constater que le plan d’entreprise relatif à HCz n’a pas été soumis à la Commission. Par conséquent, il n’est pas visé par l’approbation contenue dans la décision 2003/588.

139    S’agissant de l’exposé des motifs de la Commission relatif à sa proposition pour la décision du Conseil précitée, selon lequel la prorogation de la dérogation prévue à l’article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2 aurait pour effet de régulariser rétroactivement toutes les aides qui avaient été octroyées illicitement depuis l’entrée en vigueur de l’accord européen, force est de constater que ces termes ne se retrouvent pas dans l’acte finalement adopté par le Conseil. Or, une simple proposition de la Commission pour une décision du Conseil n’était pas susceptible de créer une confiance légitime chez les requérantes.

140    Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999

–       Arguments des parties

141    Les requérantes rappellent que, selon l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, la Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle va à l’encontre d’un principe général de droit communautaire. Or, par la Décision, la Commission aurait violé le principe de protection de la confiance légitime, le principe de sécurité juridique et le principe d’égalité de traitement.

142    S’agissant, premièrement, du principe de protection de la confiance légitime, les requérantes avancent les arguments présentés au point 131 ci-dessus.

143    S’agissant, deuxièmement, du principe de sécurité juridique, les requérantes font valoir qu’il s’oppose à ce qu’une institution exige la suppression d’une aide lorsqu’elle a été portée à sa connaissance dans le cadre d’un programme de restructuration de l’industrie sidérurgique nationale et qu’une autre institution, sur la proposition de la première, a pris une décision déclarant ce programme conforme au droit communautaire.

144    S’agissant, troisièmement, du principe d’égalité de traitement, les requérantes relèvent que la Commission a traité de façon radicalement différente deux catégories de personnes dont les situations juridiques et factuelles ne présentent pas de différences essentielles – les entreprises listées à l’annexe 1 du protocole n° 8, d’une part, et l’entité économique ayant succédée à HCz, d’autre part –, condamnant la République de Pologne à récupérer l’aide accordée à HCz, tandis que l’aide octroyée aux entreprises de l’annexe 1 était considérée comme compatible avec le traité.

145    La Commission conteste ces arguments et fait valoir notamment que l’aide litigieuse n’a à aucun moment été approuvée par les autorités communautaires ou polonaises sur la base de l’article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2.

–       Appréciation du Tribunal

146    Dans le cadre de ce moyen, les requérantes invoquent une violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et d’égalité de traitement en tant que principes généraux de droit communautaire au sens de l’article 14 du règlement n° 659/1999.

147    S’agissant, premièrement, de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de renvoyer à la conclusion tirée au terme de l’examen de ces arguments dans le cadre du moyen précédent (point 140 ci-dessus).

148    S’agissant, deuxièmement, de la prétendue violation du principe de sécurité juridique, un tel grief ne saurait, à la lumière des considérations précédentes, non plus prospérer. En effet, comme il a été démontré ci-dessus, le comportement de la Commission n’entre pas en conflit avec la décision 2003/588, puisque le plan d’entreprise relatif à HCz n’est pas visé par cette dernière. En outre, il est constant que l’annexe 1 du protocole n° 8 contenait le nom des entités autorisées à recevoir des aides d’État et que HCz n’y figurait pas.

149    S’agissant, troisièmement, de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de relever que le fait que HCz ne compte pas parmi les entreprises bénéficiaires est d’ailleurs précisément la raison qui justifie un traitement différent par rapport à celles-ci. Dans la mesure où le protocole n° 8 prévoit un traitement différent des entreprises bénéficiaires et des entreprises qui ne sont pas énumérées à l’annexe 1 dudit protocole, force est de constater que ce protocole, en tant que source de droit primaire, fait partie du traité CE.

150    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré d’une violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999 doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une violation du règlement n° 794/2004

–       Arguments des parties

151    Au cas où le Tribunal tiendrait pour non fondés les moyens d’annulation soulevés ci-dessus, les requérantes considèrent qu’il n’en devrait pas moins annuler l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision, qui porte sur le calcul des intérêts dus. En effet, la Commission aurait méconnu l’objectif des articles 9 et 11 du règlement n° 794/2004, à savoir le rétablissement de la situation telle qu’elle existait avant l’octroi de l’aide illégale (status quo ante), d’une part, en exigeant des intérêts sur des restitutions d’intérêts, d’autre part, en choisissant un taux de référence totalement étranger à la réalité du marché polonais entre 1997 et 2004.

152    Premièrement, les requérantes font valoir que, en droit polonais, les intérêts ne courent que sur le capital des arriérés d’impôt et les lois fiscales ne prévoient pas de capitalisation des intérêts dus sur ces arriérés. En conséquence, les entreprises bénéficiaires seraient placées dans une situation non pas identique à celle dans laquelle elles se trouvaient antérieurement à l’octroi des aides, mais dans une situation moins favorable.

153    Deuxièmement, les requérantes exposent que, ainsi que cela est expliqué en détail dans la consultation jointe en annexe A du présent recours, il était très rare, entre 1997 et 2004, que des entreprises obtiennent des capitaux externes à long terme (cinq ans ou plus) utilisant des obligations et des emprunts bancaires libellés en PLN. Les entreprises auraient préféré les emprunts en devises étrangères à ceux en devise nationale, et la « monnaie étrangère prépondérante » dans ce contexte aurait été le dollar américain.

154    En voulant appliquer le taux d’intérêt des obligations du Trésor polonais, la Commission n’aurait pas utilisé le taux qui reflète correctement l’avantage dont HCz avait bénéficié. Au contraire, les taux d’intérêt des obligations du Trésor auraient pour effet de surévaluer cet avantage et la restitution des intérêts placerait les entreprises bénéficiaires dans une situation moins favorable par rapport au status quo ante. En réalité, les taux déterminants devraient se situer entre 4,24 et 7,51 %, alors que le taux proposé par la Commission oscillerait entre 5,50 et 19,70 %. Une fois l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision annulé, le Tribunal devrait renvoyer la question des intérêts à la Commission en vue de l’adoption d’une nouvelle décision dans le sens de l’annexe A du présent recours. Les requérantes concluent en résumant la procédure de calcul décrite à ladite annexe A et donnent les résultats pour les années 1997 à 2006.

155    La Commission réfute ces arguments.

–       Appréciation du Tribunal

156    Le dernier moyen des requérantes vise les taux d’intérêt applicables à la récupération de l’aide litigieuse. Dans ce contexte, les requérantes attaquent non seulement la Décision, mais également la lettre du 7 juin 2006 dans laquelle la Commission a fixé ce taux.

157    S’agissant de la Décision, force est de constater que, à son article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, la Commission se borne à exposer que les sommes à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle l’aide litigieuse a été accordée à HCz jusqu’à la date de leur récupération et que les intérêts sont calculés conformément aux dispositions du chapitre V du règlement n° 794/2004. Dans la mesure où les requérantes contestent le taux d’intérêt applicable à la récupération de l’aide litigieuse, leur moyen est donc sans objet, car ce taux n’est fixé ni dans le dispositif ni dans les considérants de la Décision.

158    En outre, il convient de relever que, au considérant 147 de la Décision, la Commission a reconnu explicitement que, un taux swap interbancaire à cinq ans n’existant pas pour la Pologne pour la période concernée par l’octroi de l’aide litigieuse, le taux d’intérêt applicable à la récupération de celle-ci devrait se fonder, conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794/2004, sur le taux d’intérêt disponible qu’il convient de considérer comme approprié pour cette période.

159    Dans la mesure où les requérantes contestent la méthode de calcul des intérêts contenue dans la Décision, il y a lieu de relever que les constatations à l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision revêtent un caractère purement déclaratoire, dès lors qu’elles se bornent à faire référence aux dispositions pertinentes du chapitre V du règlement n° 794/2004. En effet, la méthode pour le calcul des intérêts ressort du règlement n° 794/2004 lui-même. Or, les requérantes ne soulèvent pas d’exception d’illégalité concernant ce règlement.

160    S’agissant de la lettre du 7 juin 2006, dans laquelle la Commission a fixé le taux d’intérêt à appliquer pour la récupération de l’aide litigieuse, les requérantes font valoir, en substance, que le taux de référence choisi par la Commission est totalement étranger à la réalité du marché polonais de l’époque et que les intérêts ne devraient pas être calculés sur une base composée.

161    Toutefois, force est de constater que ces griefs ne sont pas fondés.

162    En effet, s’agissant de la méthode de fixation du taux d’intérêt, l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794/2004 prévoit seulement que la fixation du taux d’intérêt applicable à la récupération doit être effectuée en « étroite coopération » avec l’État membre concerné.

163    Or, la correspondance échangée entre la Commission et les autorités polonaises, que celle-ci a produite à la suite d’une question du Tribunal, révèle que la fixation du taux applicable à la récupération de l’aide litigieuse s’est effectivement déroulée en « étroite coopération » avec la République de Pologne. En effet, dans leur lettre du 13 mars 2006, les autorités polonaises ont proposé comme taux d’intérêt de récupération les taux des obligations du Trésor à respectivement cinq et dix ans. Eu égard à la situation des marchés de capitaux en Pologne à l’époque, qui était caractérisée par des taux très élevés, mais baissant rapidement, elles ont demandé qu’une mise à jour annuelle de ces taux soit effectuée et que les intérêts ne soient pas calculés sur une base composée.

164    La Commission a accepté l’essentiel de ces propositions. Elle a, certes, considéré que, pour des raisons de cohérence, au lieu d’utiliser deux taux différents, seul le taux sur les obligations à cinq ans devait être appliqué au cours de toute la période allant de 1997 à 2004. Toutefois, en déterminant le taux applicable conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794/2004, la Commission disposait d’une certaine marge d’appréciation. Le choix d’un taux unique n’a d’ailleurs même pas été contesté par les requérantes.

165    S’agissant de la méthode d’application de l’intérêt, et en particulier du calcul des intérêts sur une base composée, il est vrai que la Commission a rejeté l’argument de la République de Pologne. Cependant, l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 794/2004 précise explicitement que le taux d’intérêt est appliqué sur une base composée jusqu’à la date de récupération de l’aide et que les intérêts courus pour une année produisent des intérêts chaque année suivante. En outre, l’article 13 du règlement n° 794/2004 prévoit que ses articles 9 et 11 sont applicables à toute décision de récupération notifiée après la date d’entrée en vigueur de ce règlement. Le règlement n° 794/2004 étant entré en vigueur en mai 2004, il était donc applicable lors de l’adoption de la Décision, de sorte que la Commission était obligée de demander que l’intérêt soit calculé sur une base composée.

166    Dans ces conditions et eu égard au fait que les autorités polonaises ont proposé les taux de référence litigieux, il ne saurait être considéré que la Commission a méconnu son obligation de fixer le taux d’intérêt applicable à la récupération de l’aide litigieuse en étroite coopération avec la République de Pologne, qu’elle a commis une erreur manifeste d’appréciation ou que c’est à tort qu’elle a appliqué ledit taux d’intérêt sur une base composée.

167    Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation du règlement n° 794/2004 doit être rejeté.

168    Tous les moyens des requérantes ayant été rejetés, il convient, dès lors, de rejeter les recours dans leur ensemble.

 Sur les dépens

169    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      ISD Polska sp. z o.o. et Industrial Union of Donbass Corp. sont condamnées aux dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er juillet 2009.


Table des matières

Cadre juridique

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité des recours

Sur la qualité pour agir

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la tardiveté des recours

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité du recours contre la lettre du 7 juin 2006

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité des troisième, quatrième et sixième chefs de conclusions

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le fond

Sur le moyen tiré d’une violation du protocole n° 8

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une violation du droit de présenter des observations

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une violation du règlement n° 794/2004

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.