Language of document : ECLI:EU:T:2005:460

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 décembre 2005 (*)

« Aides d’État – Mesures des autorités italiennes visant à compenser les dommages causés par la fièvre catarrhale des ovins (blue tongue) – Lignes directrices concernant les aides d’État dans le secteur agricole »

Dans l’affaire T-200/04,

Regione autonoma della Sardegna, représentée par Mes D. Dodaro et S. Cianciullo, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Di Bucci, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2004) 471 final de la Commission, du 16 mars 2004, concernant le régime d’aides que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur des coopératives de transformation et de commercialisation afin de compenser les dommages causés par la fièvre catarrhale des ovins (blue tongue) (article 5 de la loi n° 22 de la Région Sardaigne, du 17 novembre 2000),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre)

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 septembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige et cadre juridique

1       En août 2000, la maladie de la fièvre catarrhale des ovins (ci-après la « blue tongue ») est apparue dans la Région Sardaigne. Il s’agit d’une maladie infectieuse qui atteint, notamment, les ovins et qui met l’animal dans un état de dépression et d’inappétence le conduisant peu à peu à la mort.

2       Pour combattre l’épizootie, les autorités italiennes ont interdit le déplacement des ovins originaires de Sardaigne vers le territoire national et les autres États membres de la Communauté, puis ultérieurement, de la province de Cagliari vers le reste du territoire régional. En septembre 2000, les autorités régionales ont interdit sur tout le territoire de la Sardaigne de déplacer les ovins d’élevage des exploitations. L’interdiction de déplacement a empêché le pâturage des troupeaux, si bien que les éleveurs ont dû acheter du fourrage, de la luzerne et de la paille pour alimenter leur bétail.

3       En octobre 2000, les autorités sanitaires de Sardaigne ont adopté un plan de lutte et d’éradication de la blue tongue, qui prévoyait l’abattage des animaux infectés. Eu égard à la gravité du phénomène − en quelques mois depuis son apparition, la maladie a conduit à l’abattage de plus de 500 000 ovins en Sardaigne −, le conseil régional de la Sardaigne a adopté la loi no 22, du 17 novembre 2000, concernant des interventions en faveur des éleveurs pour faire face à la blue tongue (Bollettino ufficiale della Regione della Sardegna du 25 novembre 2000, ci-après la « loi no 22 »).

4       Cette loi prévoit les types d’intervention suivants :

–       une indemnisation pour les animaux abattus, sur ordre des autorités sanitaires, équivalente à 100 % de leur valeur marchande (article 2) ;

–       une indemnisation pour les animaux morts de la blue tongue équivalente à 100 % de leur valeur marchande (article 3) ;

–       des aides destinées à compenser les pertes de revenu des éleveurs pour les animaux morts ou abattus, le calcul des pertes étant fondé sur la baisse de revenu consécutive à la diminution de la production de lait ainsi que sur l’absence d’octroi des primes communautaires prévues à cet égard pour l’année 2001 (article 3) ;

–       des aides destinées à couvrir les coûts additionnels d’alimentation du bétail (article 4) ;

–       des aides aux entreprises et aux coopératives de collecte et de transformation de produits zootechniques auxquelles l’épidémie a occasionné des surcoûts résultant de la diminution des livraisons dues aux coopératives sur le fondement d’obligations statutaires ou contractuelles (article 5).

5       La loi no 22 a été notifiée à la Commission en application de l’article 88, paragraphe 3, CE.

6       En décembre 2000, la Commission a adressé aux autorités italiennes une demande d’information relative à la compatibilité des mesures prévues à l’article 5 de la loi no 22 avec les lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole (JO 2000, C 28, p. 2, ci‑après les « lignes directrices »). La Commission a provisoirement estimé que ni le point 11.4 des lignes directrices (« aide en faveur de la lutte contre les maladies des animaux et des végétaux »), ni, par analogie, leur point 11.3 (« aide destinée à indemniser les agriculteurs pour les pertes résultant de mauvaises conditions climatiques ») ne permettait d’approuver les aides en cause. En conséquence, les autorités italiennes ont été invitées à indiquer une base juridique pour l’approbation de ces aides.

7       En réponse, les autorités italiennes ont, le 15 décembre 2000, transmis à la Commission une lettre rédigée par la requérante qui comportait des renseignements complémentaires.

8       Dans cette lettre, la requérante a indiqué que les aides prévues à l’article 5 de la loi no 22 en faveur des entreprises de collecte ou de transformation étaient octroyées aux seules « formes juridiques sociales représentatives des producteurs agricoles », à savoir aux « coopératives qui, dans leurs statuts, ont l’obligation de ne prendre livraison que des productions des associés coopérateurs et qui, du fait de la blue tongue, ont subi une diminution de ces livraisons ». La requérante a ajouté que chaque coopérative rémunérait les livraisons des producteurs associés sur la base des résultats finals de gestion tels qu’ils figuraient dans son bilan. La diminution des livraisons ayant une incidence inversement proportionnelle sur les coûts fixes, les aides en cause tendaient seulement à « assurer aux producteurs un prix rémunérateur pour les produits livrés, qui ne soit pas affecté par l’incidence occasionnelle et extraordinaire des coûts fixes due aux livraisons réduites en raison de la blue tongue ».

9       Au terme d’un examen préliminaire, la Commission a, par lettre du 2 février 2001, adressée aux autorités italiennes et publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 2001, C 327, p. 5), indiqué que les aides prévues aux articles 2, 3 et 4 de la loi no 22 étaient compatibles avec le marché commun en ce qu’elles devaient être considérées comme des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

10     Par cette même lettre, la Commission a, en revanche, notifié aux autorités italiennes sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE en ce qui concerne l’aide prévue à l’article 5 de la loi no 22.

11     Dans sa décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission a exprimé des doutes quant à la compatibilité avec le marché commun des aides prévues à l’article 5 de la loi n° 22 en indiquant ce qui suit :

–       le point 11.3.8 des lignes directrices, qui permet exclusivement d’indemniser les agriculteurs ou les organisations de producteurs dont ils sont membres, n’est pas applicable par analogie aux entreprises de transformation ;

–       le point 11.4 des lignes directrices ne prévoit aucune possibilité d’octroyer aux entreprises de transformation des indemnités pour les dommages causés par des maladies animales ;

–       même si les aides en cause étaient réservées aux coopératives, l’existence d’un lien de causalité entre la maladie et la réduction des livraisons ne serait pas établie.

12     Ni le gouvernement italien ni la requérante n’ont présenté d’observations formelles lors de la procédure administrative ouverte au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. Il apparaît en revanche que des entretiens informels ont eu lieu et qu’une rencontre a été organisée entre des représentants de la requérante et les services de la Commission chargés du dossier. Toutefois, ni la requérante ni la Commission n’ont fourni de précisions écrites quant aux dates et au contenu de ces contacts.

13     Le 16 mars 2004, la Commission a adopté la décision C (2004) 471 final concernant le régime d’aides que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur des coopératives de transformation et de commercialisation afin de compenser les dommages causés par la blue tongue (ci-après la « décision attaquée »). Cette décision met fin à la procédure ouverte au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE et prévoit, en son article 1er, que les aides prévues à l’article 5 de la loi no 22 sont incompatibles avec le marché commun.

14     Au considérant 20 de cette décision, la Commission a indiqué, tout d’abord, que les dispositions de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, aux termes duquel sont compatibles avec le marché commun les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires, étaient manifestement inapplicables et n’avaient d’ailleurs même pas été invoquées par les autorités italiennes.

15     Évoquant, ensuite, les dérogations prévues à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la Commission a rappelé la teneur du point 11.1.1 des lignes directrices pour en déduire que, s’agissant des dommages causés par une maladie des animaux, seules pouvaient être compensées les pertes qui ont été supportées par les producteurs et non celles qui ont été supportées par les entreprises de transformation ou de commercialisation des produits agricoles, étant entendu que les aides afférentes devaient de surcroît être compatibles avec le point 11.4 des lignes directrices (considérants 26 et 27). Les autorités italiennes n’ayant présenté aucune observation à cet égard, la Commission a estimé ne pas être en mesure de lever les doutes émis lors de l’ouverture de la procédure formelle d’examen (considérant 28).

16     Au considérant 29, la Commission a ajouté que les autorités italiennes n’avaient pas établi l’existence d’un lien direct entre la réduction des apports des membres des entreprises ou coopératives résultant de la blue tongue et les pertes de revenu subies pendant la période en cause. Selon la Commission, faute de ce lien direct, les pertes en question auraient pu être engendrées par d’autres facteurs tels que la sécheresse, la crise du marché, la gestion financière des entreprises visées, etc. Toute aide visant à compenser ce type de perte relèverait donc d’une aide au fonctionnement, incompatible avec le marché commun aux termes du point 3.5 des lignes directrices.

17     La décision attaquée a été notifiée aux autorités italiennes le 18 mars 2004. Par télécopie du même jour, ces dernières l’ont transmise à la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

18     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mai 2004, la requérante a introduit le présent recours.

19     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

20     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 27 septembre 2005.

21     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée en ce qu’elle déclare incompatibles avec le marché commun les aides prévues à l’article 5 de la loi no 22 ;

–       condamner la Commission aux dépens.

22     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23     À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation des formes substantielles en ce que la décision attaquée serait fondée sur une appréciation erronée des faits résultant d’un défaut d’instruction et de motivation. Le second moyen est pris d’une violation de principes généraux de droit ainsi que des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

24     Par ces moyens, qui se recoupent largement, la requérante reproche à la Commission, en substance, de ne pas avoir conclu, sur la base des informations qui lui avaient été fournies avant l’adoption de la décision attaquée, que les aides prévues à l’article 5 de la loi no 22, destinées à réparer les pertes subies par les coopératives de producteurs sardes de fromage, satisfont aux critères de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE ou de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. En effet, ces aides représenteraient un complément nécessaire d’indemnisation des pertes de revenu subies par les producteurs. Selon la requérante, la Commission aurait dû arriver à cette conclusion, notamment, par une application du point 11.4 des lignes directrices ou par une application par analogie de leur point 11.3.8.

25     À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la décision attaquée, en ce qu’elle refuse d’approuver les aides prévues à l’article 5 de la loi no 22, a été adoptée en application tant des dispositions de l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE que des lignes directrices, notamment de leur section 11 qui vise à expliciter ces dispositions dans le domaine des « aides [d’État] destinées à compenser des dommages en matière de production agricole ou de moyens de production agricoles ».

26     S’agissant de la validité et de la portée des lignes directrices, il est de jurisprudence bien établie que, d’une part, la Commission peut se doter de règles indicatives au moyen d’actes tels que lesdites lignes directrices, dans la mesure où ces règles ne s’écartent pas des dispositions du traité, et que, d’autre part, de tels actes ont un effet contraignant pour elle (arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, points 36 et 44 ; arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, points 79 et 89, et du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, non encore publié au Recueil, point 95).

27     En l’espèce, la requérante a expressément déclaré, dans sa réplique, qu’elle ne remettait pas en question la valeur contraignante des lignes directrices, d’éventuelles questions y relatives étant étrangères à l’objet et aux motifs de son recours. Par conséquent, en l’absence d’une exception d’illégalité dirigée contre les lignes directrices, le Tribunal peut se limiter à examiner les griefs tirés de ce que les lignes directrices auraient été erronément appliquées au cas d’espèce.

 Sur les griefs pris d’une application erronée des lignes directrices et d’une insuffisance de motivation

 Arguments des parties

28     La requérante fait grief à la Commission d’avoir violé son obligation « d’instruction et de motivation » en négligeant les éléments d’information à sa disposition qui lui auraient permis de comprendre la nature des aides en cause et celle des coopératives bénéficiaires de celles-ci. L’attention de la Commission aurait notamment été attirée sur le fait que ces aides se rapportaient exclusivement aux pertes subies par les producteurs associés des coopératives en raison de l’incidence accrue des coûts fixes de ces dernières sur leurs résultats de gestion. Les aides en question, loin d’être destinées aux entreprises de transformation en tant que telles, représenteraient donc un complément nécessaire d’indemnisation des pertes de revenu des producteurs.

29     Tout en admettant que les coopératives bénéficiaires des aides exercent une activité de transformation et non de production agricole, la requérante précise que, en application de leurs statuts, le prix du lait livré donne lieu à une rémunération des producteurs associés uniquement en fonction de la distribution des bénéfices nets des coopératives, après déduction de leurs frais d’administration et d’exploitation. Les producteurs associés ne recevraient donc pas le prix pour la matière première livrée. Ces aides tendraient aussi à éviter une discrimination desdits producteurs, qui se consacrent notoirement à la production de fromages d’appellation d’origine protégée, par rapport aux producteurs qui vendent leur lait aux entreprises de transformation proprement dites.

30     Par conséquent, dans 1’hypothèse d’une baisse drastique de la production de lait, les producteurs associés des coopératives subiraient une double perte de revenu, à savoir, d’une part, en raison de la diminution des quantités produites, une réduction proportionnelle à la diminution des livraisons de leurs perspectives de rémunération et, d’autre part, en raison de l’incidence accrue des coûts fixes sur les résultats des coopératives, une réduction proportionnelle à la diminution des résultats de gestion de leurs perspectives de gain.

31     Dans ce contexte, la requérante critique le refus de la Commission d’appliquer par analogie le point 11.3.8 des lignes directrices, qui limite « en principe » l’octroi des aides prévues aux seuls agriculteurs. Ce refus ne trouverait aucun fondement normatif, raison pour laquelle la Commission aurait dû expliquer sa position. En tout état de cause, les aides en cause seraient destinées à assurer la compensation intégrale des pertes de revenu des producteurs et non à rembourser les frais de gestion des coopératives. Ainsi, ces aides entreraient dans la catégorie générale des aides admises selon le point 11.4 des lignes directrices, dont l’applicabilité à l’épizootie en cause est indiscutable, comme le démontre l’approbation par la Commission des autres mesures prévues par la loi no 22.

32     En prenant l’engagement formel de réserver les aides accordées en vertu de l’article 5 de la loi n° 22 aux seules coopératives de producteurs qui ont l’obligation statutaire de ne prendre livraison que de la production des producteurs associés et qui, pour cette raison, ont subi une diminution de ces livraisons, la requérante aurait souligné que ces aides devaient être assimilées à des aides accordées directement aux producteurs agricoles et qu’elles n’étaient donc pas en contradiction avec le point 11.3.8 des lignes directrices, puisque les coopératives en question n’étaient pas considérées comme des entreprises de transformation pour l’application de ce régime.

33     Se référant au texte de l’article 5, paragraphe 3, de la loi n° 22, selon lequel les aides accordées ne peuvent pas être supérieures aux pertes liées à la diminution des livraisons, et à l’engagement formel qu’elle avait pris en ce sens, la requérante estime que les garanties nécessaires ont été fournies à la Commission, l’administration ayant le devoir d’agir dans le respect de la loi. L’exigence de la Commission visant à obtenir d’autres garanties du fonctionnement du régime d’aides en cause représenterait une ingérence illicite dans les mécanismes constitutionnels italiens.

34     La requérante reproche encore à la Commission d’avoir fait allusion à « la sécheresse, la crise du marché, la gestion financière des entreprises visées, etc. » (considérant 29 de la décision attaquée) comme autres causes possibles de la diminution des livraisons. Le fait pour la Commission d’exiger que les autorités italiennes démontrent abstraitement le lien de causalité entre la blue tongue, la diminution des livraisons et l’octroi des aides ne serait pas justifié, puisque l’article 5 de la loi no 22 contient tous les éléments pour exclure, lors de sa mise en œuvre, c’est-à-dire au moment de l’octroi effectif des aides, que celles-ci soient accordées en l’absence de ce lien de causalité.

35     Enfin, la Commission aurait considéré à tort que les installations agro-industrielles sardes ont une certaine flexibilité dans la gestion de leurs sources d’approvisionnement. Sur ce point, elle aurait méconnu le fait que les éleveurs d’ovins en Sardaigne se sont concentrés sur la production de lait de brebis dont la quasi-totalité est destinée à la fabrication de trois fromages d’appellation d’origine protégée, à savoir le pecorino romano, le fiore sardo et le pecorino sardo. Or, les cahiers des charges relatifs à ces fromages excluraient expressément la possibilité d’utiliser du lait en provenance d’une région autre que la région d’appartenance.

36     Selon la Commission, les reproches formulés par la requérante sont en grande partie fondés sur des éléments avancés pour la première fois devant le Tribunal.

37     La Commission souligne que les coopératives mentionnées par la requérante sont des entreprises de transformation et non des producteurs agricoles. Elles ne répondraient donc pas aux conditions requises par les lignes directrices pour l’octroi d’aides visant à remédier aux conséquences préjudiciables des épizooties.

38     En effet, il existerait une différence fondamentale entre les pertes directes subies par les producteurs (animaux morts, enchérissement du coût de l’alimentation des animaux et baisse des quantités de lait produites) et les éventuelles pertes indirectes des entreprises de transformation, qui peuvent résulter de causes diverses et qu’il est généralement possible d’éviter ou de limiter en recourant à d’autres sources d’approvisionnement. Selon la Commission, ce raisonnement vaut pour toutes les entreprises de transformation, y compris les coopératives. Par conséquent, les pertes résultant de l’incidence accrue des coûts fixes sur les résultats des coopératives de transformation ne seraient pas couvertes par le point 11.4 des lignes directrices.

39     Par ailleurs, le régime d’aides en cause ne comporterait pas de mécanisme qui garantit l’exclusion d’une surcompensation inhérente à l’octroi d’aides au producteur laitier et à ce même producteur en sa qualité de membre d’une coopérative de transformation ou qui impose aux autorités italiennes l’obligation de vérifier, lors de l’octroi des aides en cause, que la réduction des livraisons est intégralement due à la blue tongue.

 Appréciation du Tribunal

40     Il y a lieu de rappeler que, comme il ressort de leur point 2.1, les lignes directrices s’appliquent à toutes les aides d’État accordées « au titre d’activités liées à la production, à la transformation et à la commercialisation » des produits agricoles, étant précisé par le point 3.3 que la « règle de minimis » ne trouve pas d’application aux aides accordées dans le secteur agricole.

41     Il s’ensuit que les lignes directrices couvrent des aides d’État accordées au titre d’activités liées à la transformation de produits agricoles, telles que celles faisant l’objet du présent litige, qui visent à compenser des pertes en matière de fabrication de fromage de brebis. En outre, la « règle de minimis » n’étant pas applicable en la matière, même les aides destinées aux coopératives laitières sardes, aussi modestes soient-elles, sont soumises au contrôle exercé par la Commission.

42     Parmi les différentes catégories d’aides, le point 11 des lignes directrices porte sur les aides destinées à compenser des dommages en matière de « production agricole ou de moyens de production agricoles ». Aux termes du point 11.1.1 des lignes directrices, ces aides ont pour objet d’indemniser « les agriculteurs » pour les dommages causés par des événements imprévus tels que les calamités naturelles, les mauvaises conditions météorologiques ou la survenance de maladies des animaux ou de végétaux.

43     Dans ce contexte, le point 11.2.1 des lignes directrices indique que, s’agissant d’exceptions au principe général de l’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, il faut donner une interprétation restrictive des notions de « calamité naturelle » et d’« événements extraordinaires » au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et que, « [e]n règle générale », la Commission n’accepte pas que les foyers de maladie des animaux puissent être assimilés à des calamités naturelles ou à des événements extraordinaires, étant précisé toutefois que, dans un cas exceptionnel, l’extension considérable prise par une maladie des animaux sans aucun précédent connu a été considérée comme constituant un événement extraordinaire.

44     Quant aux aides destinées à indemniser les « agriculteurs » pour les pertes résultant de mauvaises conditions climatiques (point 11.3), le point 11.3.1 des lignes directrices assimile les phénomènes météorologiques, bien que ne tombant pas en tant que tels sous le coup de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, à des calamités naturelles lorsque le niveau de dommage atteint certains seuils. Selon le point 11.3.8, une aide relevant du point 11.3 ne peut, « [e]n principe », être payée qu’à des agriculteurs ou à des organisations d’agriculteurs.

45     En ce qui concerne les aides en faveur de la lutte contre les maladies des animaux, le point 11.4.1 précise que le fait pour un agriculteur de perdre des animaux en raison d’une épizootie ne constitue « normalement » pas une calamité naturelle ou un événement extraordinaire, les aides destinées à compenser de telles pertes ne pouvant être autorisées que sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, selon lequel les aides visant à faciliter le développement de certaines activités peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun.

46     Il résulte du libellé et de l’économie générale de ces dispositions que le point 11 des lignes directrices opère une distinction de principe entre agriculteurs et activité de production agricole, d’une part, et entreprises de transformation et activité de transformation, d’autre part. Seules les aides destinées à compenser des dommages subis par des agriculteurs, et ce dans l’exercice d’une activité de production agricole, sont susceptibles d’être approuvées en vertu de ce point. Ni les entreprises de transformation ni les activités de transformation en tant que telles ne sont mentionnées comme étant éligibles pour l’octroi d’aides d’État visant à compenser des dommages causés par une maladie des animaux.

47     Or, il est évident − et la requérante l’a expressément admis (voir point 29 ci‑dessus) − que les coopératives bénéficiaires des aides en cause exercent une activité de transformation d’un produit agricole, étant donné qu’elles produisent du fromage et non du lait. Dans la mesure où les agriculteurs associés des coopératives, par l’intermédiaire de celles-ci, transforment le lait, ils opèrent donc, eux aussi, dans le secteur de la transformation. En vertu du mécanisme de rémunération décrit par la requérante, ils participent aux bénéfices afférents à ce secteur, les sommes versées par les coopératives à leurs membres comportant, outre la contrepartie des livraisons de lait, une participation aux bénéfices résultant de l’activité de transformation.

48     Quant à la contrepartie des livraisons de lait, il convient de rappeler que les aides destinées à compenser la baisse de revenu des agriculteurs consécutive à la diminution de la production de lait sont prévues à l’article 3 de la loi no 22 et ont été approuvées par la Commission en application des lignes directrices (voir point 9 ci-dessus).

49     En revanche, s’agissant de la rémunération versée en fonction des bénéfices résultant de l’activité de transformation, la mesure prévue à l’article 5 de la loi no 22 et visant à compenser l’incidence extraordinaire des coûts fixes sur les bénéfices des coopératives de transformation relève du secteur de la transformation. Par conséquent, cette mesure ne saurait être approuvée en tant qu’aide destinée à compenser des dommages en matière de « production agricole » au sens du point 11 des lignes directrices.

50     Pour autant que la requérante soutienne que les dispositions mentionnées aux points 43 à 45 ci-dessus n’excluent les aides destinées au secteur de la transformation que « normalement », « en règle générale » ou « en principe », de sorte que la Commission aurait été obligée de tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce et d’approuver les aides en conséquence, il y a lieu de rappeler les obligations incombant à la Commission dans le cadre de la procédure formelle d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE qu’elle avait ouverte en l’espèce.

51     À cet égard, selon une jurisprudence constante, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE, il revient à l’État membre et au bénéficiaire potentiel de l’aide d’État de faire valoir leurs arguments tendant à démontrer que le projet d’aide correspond aux exceptions prévues en application du traité, l’objet de la procédure formelle d’examen étant précisément d’éclairer la Commission sur l’ensemble des données de l’affaire. Si la Commission est tenue de formuler clairement ses doutes sur la compatibilité de l’aide lorsqu’elle ouvre une procédure formelle afin de permettre à l’État membre et aux intéressés d’y répondre au mieux, il n’en demeure pas moins que c’est notamment au demandeur de l’aide de dissiper ces doutes et d’établir que le projet d’aide satisfait les conditions d’octroi (voir arrêt du Tribunal du 18 novembre 2004, Ferriere Nord/Commission, T‑176/01, non encore publié au Recueil, points 93 et 94, et la jurisprudence citée).

52     Toujours selon cette jurisprudence, si l’article 88, paragraphe 2, CE impose à la Commission, avant de prendre sa décision, de recueillir les informations des parties intéressées, il ne lui interdit pas de conclure, en l’absence de telles observations, qu’une aide est incompatible avec le marché commun. En particulier, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis (voir arrêt du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, non encore publié au Recueil, points 48 et 49, et la jurisprudence citée).

53     La légalité d’une décision en matière d’aides d’État devant être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée, nul ne saurait se prévaloir devant le juge communautaire d’éléments qui n’ont pas été avancés au cours de la procédure précontentieuse prévue à l’article 88 CE (voir arrêt Fleuren Compost/Commission, précité, point 51, et la jurisprudence citée).

54     En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, confrontée au régime d’aides prévu à l’article 5 de la loi no 22, la Commission a exprimé des doutes sur l’applicabilité du point 11.3 et du point 11.4 des lignes directrices aux coopératives de transformation (voir point 6 ci-dessus). Après avoir reçu les remarques de la requérante à cet égard (voir point 8 ci-dessus), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen. Ainsi qu’il ressort du point 8 de son résumé, la décision d’ouverture avait déjà pris en compte lesdites remarques selon lesquelles la compensation serait limitée aux coopératives ayant subi une augmentation de leurs coûts fixes due à la diminution de matière première fournie par les producteurs à la suite de la blue tongue.

55     Dans ces conditions, la requérante avait connaissance de ce que ses remarques n’avaient pas encore dissipé les doutes initiaux de la Commission. Elle ne pouvait donc ignorer l’utilité de la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE pour présenter à la Commission des observations susceptibles de la convaincre de ce que les aides en cause, en raison des particularités de la situation créée par la blue tongue en Sardaigne, pouvaient être approuvées même au regard des coopératives de transformation.

56     Or, ni la requérante ni les autorités italiennes ne sont intervenues durant cette procédure. Si des entretiens informels semblent avoir eu lieu entre des représentants de la requérante et les services de la Commission chargés du dossier, force est de constater qu’aucune précision quant aux dates et au contenu de ces contacts n’a été fournie devant le Tribunal.

57     Ainsi, la requérante s’est abstenue d’exposer, en temps utile, c’est-à-dire lors de la procédure formelle d’examen, les raisons pour lesquelles l’activité de transformation des coopératives sardes touchées par la blue tongue devait, dans les circonstances spécifiques du cas d’espèce, être assimilée à l’activité de production des agriculteurs. Elle a, notamment, omis de démontrer la survenance d’éléments exceptionnels susceptibles d’amener la Commission à assimiler la blue tongue, compte tenu de ses effets sur le secteur économique de la Sardaigne, à un événement extraordinaire au sens du point 11.2.1 des lignes directrices ou à appliquer par analogie leur point 11.3.8, relatif aux mauvaises conditions climatiques, en vue d’approuver les aides en cause, pourtant provoquées par une maladie des animaux. Enfin, elle n’a fourni aucun détail sur l’objectif prétendument poursuivi par ces aides et visant à éviter une discrimination à l’égard des producteurs associés de coopératives par rapport aux producteurs qui vendent leur lait à des entreprises de transformation proprement dites (voir point 29 ci-dessus).

58     Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir recherché, de sa propre initiative, l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant l’approbation, par voie de dérogation aux dispositions pertinentes des lignes directrices, des aides prévues pour le secteur de la transformation. Les griefs tirés d’un défaut d’instruction et d’une violation des lignes directrices doivent, dès lors, être rejetés.

59     Quant au grief pris d’une ingérence illicite de la Commission dans les mécanismes de contrôle prévus par le droit italien pour la mise en œuvre concrète de l’article 5 de la loi no 22 (voir points 33 et 34 ci-dessus), il suffit de rappeler que le refus d’approbation des aides prévues à l’article 5 de la loi no 22 est justifié en raison de la nature même de ces aides, à savoir leur caractère d’aides en faveur du secteur de la transformation. La loi no 22 constituant un régime d’aides, la Commission était donc en droit de limiter son examen aux caractéristiques générales de ce régime, sans être tenue d’en examiner chaque cas d’application particulier (voir, en ce sens, arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 26 supra, points 101 et 102, et la jurisprudence citée).

60     Dès lors, les questions relatives au contrôle de la mise en œuvre du régime d’aides en cause dans chaque cas d’application particulier sont dénuées de pertinence. Cela est particulièrement vrai s’agissant du grief visant le considérant 29 de la décision attaquée. En effet, ce considérant, qui n’a d’ailleurs été formulé qu’à titre surabondant (inoltre), porte sur la seule absence d’un mécanisme de contrôle approprié imposant aux autorités italiennes l’obligation de vérifier, au niveau de l’octroi individuel des aides en cause, que les pertes causées aux coopératives de transformation étaient effectivement dues à la blue tongue et non pas à d’autres événements.

61     Il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir interdit le régime d’aides en cause, dans l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont elle jouit en la matière, au lieu de l’approuver sous condition d’éventuelles mesures de contrôle à prendre par les autorités italiennes pour chaque cas de son application concrète (voir, en ce sens, arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 26 supra, points 104 et 105).

62     Quant au grief concernant la flexibilité des installations agro-industrielles dans la gestion de leurs sources d’approvisionnement, la Commission a relevé, à juste titre, que le passage y relatif de la décision attaquée (considérant 12), en ce qu’il se réfère de manière générale au point 11.3.8 des lignes directrices, ne contribue que très indirectement à la motivation de cette décision. En tout état de cause, ledit point 11.3.8 porte sur les aides destinées à compenser les dommages subis pour cause de conditions climatiques défavorables et ne s’applique donc pas au cas d’espèce. Par ailleurs, la requérante s’est abstenue d’exposer, en temps utile, des éléments d’information permettant à la Commission d’envisager une application par analogie de cette disposition (voir point 57 ci-dessus).

63     Enfin, quant au grief tiré d’une violation de l’article 253 CE, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie (voir arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 26 supra, point 73, et la jurisprudence citée), la motivation d’un acte doit être adaptée à la nature de celui-ci et doit faire apparaître clairement le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés d’en comprendre le fondement et au juge d’en contrôler le bien-fondé, sans cependant qu’il soit exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit et de fait pertinents, puisque la question de savoir si elle satisfait à l’article 253 CE s’apprécie compte tenu tant du libellé de cet acte que de son contexte juridique et factuel.

64     En l’espèce, la décision attaquée satisfait manifestement à ces critères, d’autant plus que ni la requérante ni les autorités italiennes ne sont intervenues durant la procédure formelle d’examen et que la Commission pouvait donc se limiter à fonder sa motivation, en substance, sur les éléments qui l’avaient déjà amenée à ouvrir cette procédure. Par conséquent, le grief tiré d’une insuffisance de motivation ne saurait être accueilli.

65     Il résulte de ce qui précède que les griefs pris d’une application erronée des lignes directrices et d’une insuffisance de motivation doivent être rejetés dans leur ensemble.

 Sur les griefs tirés d’une violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

 Arguments des parties

66     La requérante reproche à la Commission, en premier lieu, d’avoir exclu l’application de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, en affirmant que cette disposition n’avait pas été invoquée par les autorités italiennes. Elle estime que, eu égard au « principe général de l’effet utile », la Commission aurait dû motiver davantage ce refus d’application. En effet, les lignes directrices énonceraient, au point 11.4.1, que les maladies animales ne constituent « normalement » pas une calamité naturelle ou un événement extraordinaire. Par conséquent, la Commission aurait le devoir d’examiner si une maladie animale donnée peut entrer dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

67     La requérante soutient, en second lieu, que la décision attaquée est contraire à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. En effet, l’octroi d’une aide aux coopératives de transformation ne représenterait rien d’autre qu’un mode d’indemnisation des producteurs associés de ces coopératives pour la perte de revenu consécutive à l’incidence accrue de la part des coûts fixes de gestion des coopératives sur la rémunération des livraisons.

68     La Commission réfute ces griefs.

 Appréciation du Tribunal

69     À cet égard, il suffit de rappeler que les points 11.2 à 11.4 des lignes directrices énoncent des conditions d’application de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Or, ainsi qu’il vient d’être jugé, aucun des griefs dirigés contre l’application, par la Commission, des lignes directrices au cas d’espèce n’a été retenu. Il s’ensuit que la requérante ne saurait utilement reprocher à la Commission d’avoir violé, par cette même application, les dispositions susmentionnées de l’article 87 CE.

70     Pour autant que la requérante entende invoquer directement l’article 87 CE, il convient d’ajouter que l’hypothèse d’une application de son paragraphe 2, sous b), déclarant compatibles avec le marché commun les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires n’avait été évoquée ni par les autorités italiennes ni par la requérante au cours de la procédure administrative devant la Commission. Par conséquent, conformément à la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de rechercher, de sa propre initiative, d’éventuels éléments de fait ou de droit spécifiques susceptibles de justifier une telle application.

71     En tout état de cause, l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, en ce qu’il déroge au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, appelle une interprétation stricte (arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 26 supra, point 165). Il ne saurait donc être reproché à la Commission de s’être précisément fondée sur une telle interprétation des notions de « calamité naturelle » et d’« événements extraordinaires », en application des points 11.2.1 et 11.4.1 des lignes directrices.

72     Quant à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la requérante ne fait que répéter l’argumentation qui a déjà été rejetée ci-dessus. Elle ne saurait donc prospérer non plus dans le présent contexte. En tout état de cause, la Commission souligne, à juste titre, le large pouvoir d’appréciation dont elle jouit dans l’application de cette disposition du traité et qui lui a précisément permis de se doter des lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 26 supra, point 95). En appréciant les aides en cause à la lumière des lignes directrices, la Commission ne saurait donc être considérée comme dépassant les limites de son pouvoir d’appréciation ou y renonçant (voir, en ce sens, arrêt Vlaamse Gewest/Commission, point 26 supra, point 89).

73     Il s’ensuit que les griefs tirés d’une violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE doivent également être rejetés.

74     Aucun des griefs soulevés par la requérante n’ayant été retenu, il y a lieu de rejeter le présent recours comme non fondé.

 Sur les dépens

75     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La partie requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2005.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : l’italien.