Language of document : ECLI:EU:T:2016:408

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

14 juillet 2016 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant un carré noir avec quatre lignes blanches – Marque de l’Union européenne figurative antérieure représentant trois griffes positionnées verticalement – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑567/15,

Monster Energy Company, établie à Corona, Californie (États-Unis), représentée par Me P. Brownlow, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Mad Catz Interactive, Inc., établie à San Diego, Californie (États-Unis),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 1er juillet 2015 (affaire R 2368/2014-5), relative à une procédure d’opposition entre Monster Energy Company et Mad Catz Interactive,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, A. M. Collins et V. Valančius, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2015,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 octobre 2015,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 novembre 2012, Mad Catz Interactive, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne n° 39/2013, du 25 février 2013.

5        Le 16 mai 2013, la requérante, Monster Energy Company, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009 à l’enregistrement de la marque demandée en se fondant sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque de l’Union européenne figurative n° 6433817, déposée le 13 novembre 2007 et enregistrée le 6 novembre 2008, notamment pour des produits compris dans la classe 25 :

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–        la marque de l’Union européenne figurative n° 7444243, déposée le 5 décembre 2008 et enregistrée le 2 septembre 2010, notamment pour des produits compris dans la classe 25 :

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–        la marque de l’Union européenne figurative n° 7451552, déposée le 9 décembre 2008 et enregistrée le 10 juin 2009, notamment pour des produits compris dans la classe 25 :

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–        l’enregistrement international désignant l’Union européenne n° 1048069, enregistré le 28 juin 2010, notamment pour des produits compris dans la classe 25 :

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6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. L’opposition visait tous les produits demandés relevant de la classe 25 et était fondée sur tous les produits visés par les droits antérieurs.

7        Le 25 juillet 2014, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

8        Le 12 septembre 2014, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 1er juillet 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a confirmé la décision de la division d’opposition et rejeté le recours dans son intégralité. En premier lieu, elle a indiqué, que, comme les produits compris dans la classe 25 étaient des produits de consommation courante, ils étaient destinés au grand public qui fera preuve d’un niveau d’attention moyen lors de leur achat. En deuxième lieu, en ce qui concerne la marque figurative de l’Union européenne antérieure n° 6433817, la chambre de recours a considéré que les produits en cause étaient soit identiques (vêtements et chapellerie), soit similaires (chaussures). Elle a également considéré que les signes étaient très faiblement similaires sur le plan visuel, qu’ils ne pouvaient pas être comparés sur le plan phonétique et que, sur le plan conceptuel, soit toute comparaison était impossible, soit les signes étaient différents. Quant au caractère distinctif de cette marque antérieure, la chambre de recours a conclu que les éléments de preuves produits par la requérante ne prouvaient pas que ladite marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif accru en ce qui concerne les produits en cause. Au regard de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a considéré que les différences entre les signes en conflit l’emportaient manifestement sur les très faibles similitudes visuelles entre ceux-ci, même lorsque les produits étaient identiques. En ce qui concerne les autres marques antérieures, la chambre de recours a considéré que les éléments verbaux supplémentaires rendaient les marques encore plus différentes. En troisième lieu, la chambre de recours a indiqué que, en ce qui concernait les marques antérieures n° 6433817 et n° 1048069 pour lesquelles la requérante faisait valoir la renommée, aucun document pertinent concernant le chiffre d’affaires, les parts de marché, la notoriété de la marque, les campagnes marketing et autres en ce qui concernait les vêtements et la chapellerie n’avait été fourni. Par conséquent, elle a considéré que l’une des conditions nécessaires visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 faisait défaut et que l’opposition devait également être rejetée en ce qui concernait ce motif.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la division d’opposition ;

–        rejeter la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante invoque plusieurs griefs tirés en substance de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

 Sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

13      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié les similitudes existant entre la marque demandée et la marque antérieure n° 6433817, lesquelles sont des marques figuratives et non des marques complexes. Elle soutient également que la chambre de recours a apprécié erronément l’impression d’ensemble dégagée par ces marques, en déclarant que la marque demandée pouvait être perçue du public pertinent comme des griffures tandis que la marque antérieure pouvait ressembler à des griffes, pour conclure qu’il n’existait qu’un faible niveau de similitude visuelle entre les marques et aucune similitude conceptuelle entre les signes. Enfin, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu qu’il n’y avait pas de risque de confusion au motif que les différences entre les signes primaient sur leurs similitudes visuelles. À cet égard, elle soutient que la chambre de recours a erronément omis de tenir compte du caractère distinctif acquis par la marque antérieure du fait de son usage étendu pour les boissons énergétiques et les vêtements de sports extrêmes.

14      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

15      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a examiné les arguments présentés par la requérante au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sur la base, tout d’abord, de la marque antérieure n° 6433817 et, ensuite, des trois autres marques antérieures évoquées dans l’opposition. Dans la présente affaire, cependant, la requérante se limite à contester le résultat de l’examen mené par la chambre de recours en ce qui concerne l’opposition effectuée sur la base de la marque antérieure n° 6433817, ce dont il doit être tenu compte par la suite.

16      À cet égard, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

17      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

19      S’agissant de la détermination du public pertinent, il ressort des points 20 et 21 de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé que les produits en cause étaient des produits de consommation courante et s’adressaient au consommateur moyen de l’Union européenne, lequel est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

20      Eu égard aux éléments du dossier, il y a lieu d’entériner cette définition du public pertinent, qui, au demeurant, n’est pas contestée par les parties.

 Sur la comparaison des produits

21      S’agissant de la comparaison des produits, il ressort du point 24 de la décision attaquée que la chambre de recours s’est ralliée à la conclusion de la division d’opposition, laquelle n’était pas contestée par les parties, selon laquelle les produits en cause compris dans la classe 25 étaient soit identiques (vêtements et chapellerie), soit similaires (chaussures).

22      Eu égard aux éléments du dossier, il y a lieu d’entériner cette conclusion, qui, au demeurant, n’est pas contestée par les parties.

 Sur la comparaison des signes

23      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

24      En ce qui concerne la comparaison des signes visés par la marque demandée et la marque antérieure n° 6433817, qui a été effectuée par la chambre de recours aux points 28 à 35 de la décision attaquée en tenant bien compte du fait que les marques en cause étaient des marques figuratives et non des marques complexes comme l’allègue la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que ces signes ne présentaient qu’un très faible degré de similitude visuelle.

25      En effet, comme cela est indiqué au point 29 de la décision attaquée, la marque demandée représente un carré noir sur lequel sont placées quatre lignes blanches parallèles diagonales, qui peuvent être perçues par le public comme étant « des griffures », des coups de pinceau blancs ou un dispositif purement abstrait, alors que la marque antérieure représente trois lignes noires tremblantes parallèles et verticales de longueur différente, que la partie supérieure de ces lignes est plus large et que, du point de vue du public pertinent, ce signe peut ressembler à trois « doigts » ou « griffes », ou à une représentation très abstraite à laquelle aucun sens précis et clair ne saurait être attribué. Contrairement à ce que laisse entendre la requérante, il ne peut donc être considéré que la seule perception susceptible d’être retenue sur le plan visuel par le public pertinent soit celle d’une griffure pour ce qui concerne la marque demandée et de griffes pour ce qui concerne la marque antérieure.

26      Dès lors, la chambre de recours a correctement considéré au point 30 de la décision attaquée que, sur le plan visuel, les signes en conflit étaient similaires dans la mesure où ils représentaient tous les deux un certain nombre de lignes stylisées. Toutefois, comme cela a été tout aussi justement relevé par la chambre de recours au même point, ces signes différaient à d’autres égards. Comme cela est indiqué, la forme, la couleur, le nombre et la position de ces lignes sont différents, les lignes de la marque demandée ressemblent à des coups de pinceau et ont une forme différente de celles des lignes de la marque antérieure et ces différences sont renforcées par le fond noir carré de la marque demandée.

27      Au demeurant, quant à l’argument évoqué par la requérante, selon lequel Mad Catz Interactive a indiqué dans sa description de la marque demandée que celle-ci se composait notamment de « quatre marques de rayures dentelées », il y a lieu de rappeler, comme le fait d’ailleurs la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, qu’une telle description est, en tant que telle, sans influence sur l’appréciation de la similitude visuelle. En effet, la possibilité prévue par la règle 3, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, pour un demandeur de marque de l’Union européenne d’adjoindre à sa demande une description de sa marque, donne une information sur la perception, par le demandeur de marque, de celle-ci, mais nullement sur sa perception par le public pertinent. Or, le risque de confusion entre des marques doit s’apprécier par rapport à la perception desdites marques par le public pertinent [arrêt du 22 mars 2011, Ford Motor/OHMI – Alkar Automotive (CA), T‑486/07, non publié, EU:T:2011:104, point 58].

28      En conséquence, au vu de ce qui précède et contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours était bien en droit de considérer que les signes en conflit ne présentaient qu’un très faible degré de similitude visuelle.

29      Sur le plan phonétique, c’est également à juste titre, que la chambre de recours a considéré au point 33 de la décision attaquée, que les signes en cause étaient de nature purement figurative et abstraite et que, ce faisant, toute comparaison phonétique était impossible. Il y a lieu d’entériner cette conclusion, qui, au demeurant, n’est pas contestée par les parties.

30      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a tout aussi correctement relevé aux points 34 et 35 de la décision attaquée qu’une partie du public pertinent n’associera aucune signification aux signes en conflit, mais les percevra comme des dispositifs abstraits. De même, elle est en droit de considérer au point 34 que, si certains consommateurs perçoivent les signes comme étant des « coups de pinceau blancs peints sur un fond rectangulaire noir », d’une part, et une « griffe » d’autre part, les signes sont conceptuellement différents.

31      Pour autant, comme le fait valoir la requérante, à partir du moment où la marque demandée peut être perçue comme une représentation de « griffures » et la marque antérieure comme une représentation de « griffes », il ne peut également être exclu que, pour une partie du public pertinent, les signes présentent un certain degré de similitude sur le plan conceptuel, dès lors que ces signes sont susceptibles de transmettre le « message agressif de quelque chose qui est éventrée ».

32      Il s’avère cependant au regard de la représentation de la marque demandée, qui est reprise au point 28 de la décision attaquée, que, pour le public pertinent, la perception de ce signe en tant que « griffures » n’est pas celle qui apparaît la plus évidente, dès lors que ces lignes font plutôt penser à des coups de pinceau blancs sur un carré noir comme l’illustrent notamment les différentes taches blanches qui entourent chacune des quatre lignes blanches parallèles diagonales.

33      En conséquence, l’hypothèse la plus probable en ce qui concerne la perception des signes en cause par le public pertinent n’est pas celle suggérée par la requérante, mais reste celle définie par la chambre de recours dans la décision attaquée.

34      Il ressort de ce qui précède que, du point du vue du public pertinent, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu au point 35 de la décision attaquée que les signes en cause étaient très faiblement similaires sur le plan visuel et qu’ils ne pouvaient pas être comparés sur le plan phonétique. De même, sur le plan conceptuel, s’il ne peut être totalement exclu que les signes en cause puissent être perçus l’un et l’autre comme la manifestation d’un « message agressif de quelque chose qui est éventrée », selon l’expression utilisée à ce propos par la requérante, une telle interprétation ne peut être retenue en lieu et place de celle définie par la chambre de recours aux points 34 et 35 de la décision attaquée, qui reste beaucoup plus probable quand il s’agit de déterminer la perception des signes en cause par le public pertinent.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

35      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

36      Par ailleurs, ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement n° 207/2009, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs, et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

37      À cet égard, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir omis de considérer de manière appropriée la pertinence du caractère distinctif acquis par la marque antérieure au moyen de son usage étendu pour les boissons énergétiques et les vêtements de sports extrêmes. Elle fait valoir que, en dépit de nombreuses preuves de l’usage de la marque antérieure pour les produits relevant de la classe 25 produites au cours de la procédure et du fait que la chambre de recours a reconnu à ce propos qu’elle avait investi des sommes considérables en marketing et en promotion de cette marque, la chambre de recours a conclu à tort que cette marque ne jouissait pas d’un caractère distinctif accru pour tous les produits en cause.

38      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la requérante a fait état des éléments de preuve suivants au cours de la procédure d’opposition :

–        une déclaration sous serment signée par le président et le directeur général de la requérante et datée du 4 octobre 2013, dans laquelle il est affirmé que celle-ci exerce des activités dans le domaine des boissons sans alcool. Il est indiqué dans un passage de la déclaration sous serment que la requérante utilise depuis 2002, à des fins de merchandising, les marques antérieures sur des vêtements et des articles de chapellerie que tous les consommateurs de l’Union peuvent se procurer ;

–        des copies de photos représentant des canettes de boissons énergétiques portant la marque antérieure n° 6433817 et l’enregistrement international n° 1048069 dans différentes couleurs ;

–        une copie d’une présentation intitulée « Présentation investisseurs » préparée par la requérante contenant des informations sur ses parts de marché relatives aux ventes de boissons énergétiques au sein de l’Union et en Afrique du Sud au cours des années 2011 et 2012 ;

–        des copies de rapports de synthèse préparés par un établissement indépendant et contenant des statistiques relatives au marché des boissons énergétiques concernant les années 2012 et 2013 ;

–        des copies d’extraits d’une présentation concernant les boissons énergétiques faite par la requérante et datant de 2013 ;

–        des copies d’une série d’extraits de pages Web, d’articles et de rapports datant de 2009 à 2013 et faisant référence aux territoires français, allemand, Benelux et espagnol. La vaste majorité de ces extraits ont trait aux boissons énergétiques. Il y a quelques images représentant dans différentes couleurs la marque antérieure n° 6433817 sur des vêtements dans le contexte du parrainage des sports automobiles par la requérante ;

–        des copies d’articles tirés de diverses sources en ligne (principalement recueillis par LexisNexis) faisant référence à Monster Energy drink et à la marque antérieure n° 6433817 dans différentes couleurs, concernant les boissons énergétiques, ainsi que leurs ventes et territoires ; articles datés de 2008 à 2012 ;

–        des copies de photos d’athlètes et d’équipes de sport issus des quatre coins de l’Union. La marque antérieure n° 6433817, sous une forme modifiée est représentée dans le coin supérieur droit de chaque montage photo ;

–        des copies de photos représentant des étalages de boissons énergétiques portant l’enregistrement international n° 1048069 dans différentes couleurs ;

–        des copies de photos de manifestations sportives parrainées par la requérante illustrant l’enregistrement international n° 1048069 représenté, sous une forme modifiée, sur des bannières, des barrières de sécurité, des camionnettes, des tentes et des voitures de course ;

–        des copies de photos illustrant la façon dont les équipes parrainées utilisent les marques antérieures. La marque antérieure n° 6433817 et l’enregistrement international n° 1048069 sont représentés sous une forme modifiée sur certains articles vestimentaires et casques ;

–        des copies d’articles tirés de diverses sources en ligne ayant principalement trait à la course automobile et motocycliste, mais également à des compétitions de sports nautiques. Les marques antérieures sont représentées, sous une forme modifiée, principalement sur des bannières et des barrières de sécurité, mais aussi sur des voitures, des casques et des articles vestimentaires et de chapellerie ;

–        une copie d’un catalogue 2009 Apparel Kawasaki dans lequel l’enregistrement international n° 1048069 est représenté dans différentes couleurs sur des articles vestimentaires et de chapellerie ainsi que sur des sacs à dos, toujours placé au-dessus du terme « kawasaki » ;

–        une copie d’un catalogue ONE Industries datant de 2011 dans lequel la marque antérieure n° 6433817 est représentée dans différentes couleurs sur des articles vestimentaires et de chapellerie, un casque et un parapluie. Sur chaque article est représenté un signe figuratif prenant différentes formes et faisant référence à ONE Industries ;

–        des copies d’extraits de pages Facebook mentionnant le terme « monster » se rapportant à la musique, aux athlètes et autres, et sur lesquelles la marque antérieure n° 6433817 est représentée sous une forme modifiée soit de façon indépendante, soit sur des vélos, des voitures et des vêtements ;

–        des copies de catalogues Monster Energy datant de 2010 à 2012 comprenant quelques images d’articles vestimentaires et de chapellerie comportant la marque antérieure n° 6433817 et l’enregistrement international n° 1048069 dans différentes couleurs ;

–        des copies d’éléments de la couverture médiatique des récompenses obtenues par la requérante se rapportant aux boissons énergétiques et à d’autres boissons entre 1999 et 2012.

39      À ce propos, il y a d’abord lieu de rappeler que l’existence d’un caractère distinctif supérieur à la normale, en raison de la connaissance qu’a le public d’une marque sur le marché, suppose nécessairement que cette marque soit connue d’au moins une partie significative du public concerné [voir arrêt du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, EU:T:2006:202, point 34 et jurisprudence citée]. En l’espèce, il a été établi que le public pertinent est le consommateur de l’Union.

40      Pour examiner si une marque jouit d’un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’en a le public, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (voir arrêt du 12 juillet 2006, VITACOAT, T‑277/04, EU:T:2006:202, point 35 et jurisprudence citée).

41      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, aux points 38 à 41 de la décision attaquée, que, pris dans leur ensemble, les documents présentés par la requérante n’attestaient d’aucun usage permettant d’établir le caractère distinctif accru de la marque antérieure en ce qui concerne des vêtements ou des articles de chapellerie.

42      En effet, il ressort de ces documents que la requérante exerce des activités dans le domaine des « boissons sans alcool » ou des « boissons énergétiques » et que c’est essentiellement à des fins de parrainage ou de promotion que les marques antérieures sont utilisées sur des vêtements et des articles de chapellerie.

43      En particulier, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a relevé que, même si certaines preuves font état de contrats de licence avec des fabricants de vêtements, ces contrats autorisent ces derniers à fabriquer et à vendre des vêtements sur lesquels figurent des marques antérieures afin de promouvoir la marque ombrelle de ces fabricants. Ainsi, pour ce qui concerne le catalogue ONE Industries datant de 2011, il s’avère que la marque antérieure est représentée dans différentes couleurs sur des articles vestimentaires et de chapellerie avec également un signe figuratif prenant différentes formes et faisant référence à ONE Industries.

44      De même, si la chambre de recours a indiqué qu’il ressortait clairement des documents présentés par la requérante que celle-ci « a investi des sommes considérables en matière de publicité, marketing et promotion de sa marque, principalement en parrainant des sports extrêmes », c’est tout aussi correctement qu’elle a relevé qu’il était « impossible de déduire des documents produits la moindre information concernant le volume et le chiffre d’affaires générés par les articles vestimentaires vendus pendant la période pertinente sur les territoires pertinents » et que « la référence aux images et catalogues de vêtements et d’articles de chapellerie[, telles les copies de catalogues Monster Energy datant de 2010 à 2012,] ne suffit pas à conclure à un quelconque caractère distinctif accru de la marque antérieure, et encore moins à sa renommée ».

45      La requérante n’expose d’ailleurs pas à cet égard le moindre argument ou ne désigne pas le moindre élément de preuve dont la chambre de recours n’aurait pas tenu compte et qui aurait pu permettre de parvenir à une conclusion différente.

46      En outre, c’est également à juste titre que la chambre de recours a relevé que, dans le contexte de l’appréciation d’un risque de confusion au regard de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le fait que la marque antérieure soit renommée pour les boissons s’avère sans pertinence, dans la mesure où l’opposition n’était pas fondée sur les boissons en ce qui concerne la marque antérieure n° 6433817 et où les boissons n’étaient manifestement pas analogues aux produits contestés (vêtements, chaussures et chapellerie).

47      En dernier lieu, il doit aussi être relevé que les différents documents produits par la requérante ne permettent pas d’établir quelle est la part de marché détenue par la marque au regard des produits qui fondent l’opposition en ce qui concerne la marque antérieure n° 6433817 ou quelle proportion des milieux intéressés identifie les produits en cause comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque antérieure, alors même que de tels éléments sont à prendre en considération pour établir le caractère distinctif de la marque antérieure (voir point 40 ci-dessus).

48      En conséquence, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, aux points 41 à 43 de la décision attaquée, que les preuves produites par la requérante ne prouvaient pas que la marque antérieure n° 6433817 jouissait d’un caractère distinctif accru en rapport avec les produits qui fondaient l’opposition et que l’appréciation du risque de confusion devait donc reposer sur le caractère distinctif intrinsèque moyen de cette marque.

49      Par ailleurs, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu à l’absence de risque de confusion dans des circonstances où pourtant les produits sont identiques et où il existe une similitude sur le plan visuel comme sur le plan conceptuel, ce qui devrait aboutir au regard d’une appréciation d’ensemble à une conclusion contraire.

50      Cette argumentation ne peut également pas être suivie.

51      En effet, au regard de l’appréciation globale du risque de confusion, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les produits visés par la marque demandée et par la marque antérieure n° 6433817 étaient similaires ou identiques. C’est également à bon droit qu’elle a conclu que les signes étaient très faiblement similaires sur le plan visuel et qu’ils n’étaient sont pas comparables sur le plan phonétique (voir points 21 à 29 ci-dessus).

52      Il ressort également de ce qui précède que, même si, sur le plan conceptuel, il ne peut être totalement exclu que les signes en cause puissent être perçus comme la manifestation d’un « message agressif de quelque chose qui est éventré », une telle interprétation ne peut être retenue en lieu et place de celle définie par la chambre de recours aux points 34 et 35 de la décision attaquée, qui reste beaucoup plus probable quand il s’agit de déterminer la perception de ces signes par le public pertinent (voir points 30 à 34 ci-dessus).

53      En outre, contrairement à ce qu’affirme la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque antérieure n° 6433817 ne jouissait pas d’un caractère distinctif accru pour les produits en cause (voir points 41 à 48 ci-dessus).

54      En conséquence, c’est à bon droit que la chambre de recours a décidé de conclure, au titre de l’appréciation globale du risque de confusion, que les différences entre les signes l’emportaient en l’espèce sur leurs similitudes et que, dès lors, compte tenu de tous les facteurs pertinents, il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent même si les produits étaient identiques (voir points 46 et 47 de la décision attaquée).

55      Par conséquent, il convient de rejeter les arguments présentés par la requérante en ce qui concerne la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

56      La requérante soutient que, au vu des nombreux éléments de preuves produits à cet égard, la chambre de recours a erronément conclu que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’était pas applicable en l’espèce. Il serait ainsi erroné de considérer que, en l’absence de document pertinent sur le chiffre d’affaires ou les parts de marché, il ne serait pas possible d’établir que la marque antérieure jouit d’une importante renommée pour le public pertinent.

57      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2 dudit article, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou a des similitudes avec la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui n’ont pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

58      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêt du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, EU:T:2007:214, points 54 et 55].

59      En l’espèce, il doit tout d’abord être relevé que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 53 de la décision attaquée, que la renommée n’a été revendiquée par la requérante en ce qui concerne la marque antérieure n° 6433817 que pour les produits compris dans la classe 25 et que, par voie de conséquence, le fait que cette marque antérieure jouisse ou non d’une renommée pour d’autres produits que les articles vestimentaires et de chapellerie est sans pertinence.

60      De même, c’est également à juste titre que la chambre de recours a considéré au même point de la décision que, pour les mêmes raisons qu’en ce qui concernait l’absence de démonstration par la requérante du caractère distinctif accru de sa marque antérieure en rapport avec les produits concernés, à savoir les vêtements et la chapellerie en général, la requérante n’était pas en mesure d’établir la renommée au regard de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. Dans ce cadre, la chambre de recours était bien en droit de relever, contrairement à ce qu’affirmait la requérante, qu’aucun document pertinent relatif au chiffre d’affaires, aux parts de marché, à la notoriété de la marque, aux campagnes marketing et autres en ce qui concerne les vêtements et la chapellerie ne lui avait été fourni.

61      Partant, l’une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’étant pas remplie, la chambre de recours était en droit de rejeter l’opposition pour ce motif.

62      En dernier lieu, force est de constater que la requérante n’expose pas dans son recours le moindre argument ou ne désigne pas le moindre élément de preuve dont la chambre de recours n’aurait pas tenu compte et qui aurait pu permettre de parvenir à une conclusion différente.

63      Par conséquent, il convient de rejeter les arguments présentés par la requérante en ce qui concerne la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

64      En conclusion, aucun des griefs invoqués par la requérante tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’étant fondé, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée et, par voie de conséquence, à l’annulation de la décision de la division d’opposition ainsi que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité d’une telle demande, au rejet de la marque demandée.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Monster Energy Company est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Collins

Valančius

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

Sur le public pertinent

Sur la comparaison des produits

Sur la comparaison des signes

Sur l’appréciation globale du risque de confusion

Sur l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.