Language of document : ECLI:EU:T:2021:540

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale SFORA WEAR – Marques de l’Union européenne figuratives antérieures Sfera KIDS et Sfera – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 [devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑493/20,

Sfera Joven, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. Rivas Zurdo, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Andrzej Koc, établie à Kobyłka (Pologne), représentée par Mme J. Aftyka, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 15 mai 2020 (affaire R 2030/2019‑1), relative à une procédure d’opposition entre Sfera Joven et Andrzej Koc,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, MM. F. Schalin (rapporteur) et I. Nõmm, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juillet 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 9 février 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Le 21 septembre 2016, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, Andrzej Koc, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SFORA WEAR.

3        Les produits à l’égard desquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Portefeuilles, bourses, porte-documents, sacs à main, sacs de tous les jours, sacs pour faire les courses, filets à provisions, sacs de plage, fourre-tout, sacs à roulettes, carnassières, sacs de campeurs, sacs d’alpinistes, coffre, sacs à dos, sacoches à livres, mallettes, sacs à main, étuis à clés, coffrets en cuir et similicuir, boîtes en cuir ou en carton cuir, sacs-ceintures, couvre-lit en cuir, couvre-pieds en fourrure, bandes en cuir, buffleterie » ;

–        classe 24 : « Linge de lit, linge de maison, linge de table, tapis de table, dessus-de-lit, draps de bain, couvre-lits, gants de toilette » ;

–        classe 25 : « Vêtements pour dames, pour hommes, pour jeunes et pour enfants, vêtements en matières naturelles et synthétiques, tricots (habillement), vêtements de travail, vêtements de protection, vêtements imperméables, vêtements de plage, vêtements de sports, maillots de gym ; lingerie de dessous pour dames, pour hommes, pour jeunes et pour enfants, twin-sets, jaquettes, robes, robes, jupes, chemiserie, blouses, vêtements, costumes, uniformes, toges, soutanes, chasubles, costumes, vestons, fracs, gilets, chemises, chemises polos, chemises à manches courtes (tee-shirts), corsets, gilets, pullovers, pullovers ; pantalons, pantalons et shorts, bermudas, shorts, combinaisons de vol pour astronautes, vêtements de jogging, blouses, manteaux, pardessus, pardessus demi-saison, trench-coats, manteaux, pèlerines, vestes coupe-vent, bas, jambières, bas, sous-vêtements, collants, collants, jambières, vestes de nuit ; peignoirs, tabliers [vêtements], peignoirs de bain, costumes de bain [maillots de bain], maillots de bain pour hommes, bretelles, cravates, nœuds papillon, foulards, mouchoirs-pochette, foulards, châles, foulards de cou ; casquettes, bérets ; voiles ; gants (habillement), gants d’habillement ; bavoirs pour bébés, vêtements de nuit pour bébés, vêtements de bébés ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2016/217, du 16 novembre 2016.

5        Le 20 janvier 2017, la requérante, Sfera Joven, SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne figurative enregistrée sous le numéro 9806481, désignant notamment les produits relevant des classes 18 et 25 et correspondant à la description suivante : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » (classe 18) et « Vêtements, chaussures, chapellerie » (classe25), telle que reproduite ci-après :

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–        la marque de l’Union européenne figurative enregistrée sous le numéro 13579172, désignant les produits relevant de la classe 24 et correspondant à la description suivante : « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; jetés de lit ; tapis de table », telle que reproduite ci-après :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Le 25 juin 2018, Andrzej Koc a demandé, au titre de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, que la requérante apporte la preuve que la marque figurative antérieure Sfera KIDS avait fait l’objet d’un usage sérieux.

9        Le 14 novembre 2018, la requérante a produit des éléments de preuve en vue de démontrer l’usage sérieux de ladite marque.

10      Le 17 juillet 2019, la division d’opposition a partiellement accueilli l’opposition fondée sur la marque figurative antérieure Sfera, en ce qu’elle concernait une partie des produits visés par la marque demandée cités au point 3 ci-dessus, à savoir, les « [c]ouvre-lit en cuir, couvre-pieds en fourrure » (classe 18), les « [l]inge de lit, linge de maison, linge de table, tapis de table, dessus-de-lit, draps de bain, couvre-lits, gants de toilette » (classe 24) et les « [t]abliers [vêtements], peignoirs de bain, mouchoirs-pochette, bavoirs pour bébés » (classe 25), considérant que, pour ces produits, il existait un risque de confusion. En revanche, l’opposition fondée sur cette marque antérieure a été rejetée en tant qu’elle était dirigée contre l’autre partie des produits visés par la marque demandée cités au point 3 ci-dessus, ces produits et les produits visés par ladite marque antérieure n’ayant pas été jugés similaires. La division d’opposition a également rejeté l’opposition en ce qu’elle était fondée sur la marque figurative antérieure Sfera KIDS, au motif que la requérante n’avait pas prouvé l’usage sérieux de celle-ci.

11      Le 11 septembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait rejeté l’opposition pour les produits suivants (ci-après « les produits litigieux ») :

–        classe 18 : « Portefeuilles, bourses, porte-documents, sacs à main, sacs de tous les jours, sacs pour faire les courses, filets à provisions, sacs de plage, fourre-tout, sacs à roulettes, carnassières, sacs de campeurs, sacs d’alpinistes, coffre, sacs à dos, sacoches à livres, mallettes, sacs à main, étuis à clés, coffrets en cuir et similicuir, boîtes en cuir ou en carton cuir, sacs-ceintures, bandes en cuir, buffleterie » ;

–        classe 25 : « Vêtements pour dames, pour hommes, pour jeunes et pour enfants, vêtements en matières naturelles et synthétiques, tricots (habillement), vêtements de travail, vêtements de protection, vêtements imperméables, vêtements de plage, vêtements de sports, maillots de gym ; lingerie de dessous pour dames, pour hommes, pour jeunes et pour enfants, twin-sets, jaquettes, robes, robes, jupes, chemiserie, blouses, vêtements, costumes, uniformes, toges, soutanes, chasubles, costumes, vestons, fracs, gilets, chemises, chemises polos, chemises à manches courtes (tee-shirts), corsets, gilets, pullovers, pullovers ; pantalons, pantalons et shorts, bermudas, shorts, combinaisons de vol pour astronautes, vêtements de jogging, blouses, manteaux, pardessus, pardessus demi-saison, trench-coats, manteaux, pèlerines, vestes coupe-vent, bas, jambières, bas, sous-vêtements, collants, collants, jambières, vestes de nuit ; peignoirs, costumes de bain [maillots de bain], maillots de bain pour hommes, bretelles, cravates, nœuds papillon, foulards, foulards, châles, foulards de cou ; casquettes, bérets ; voiles ; gants (habillement), gants d’habillement ; vêtements de nuit pour bébés, vêtements de bébés ».

12      Par décision du 15 mai 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et a confirmé la décision de la division d’opposition. En substance, tout d’abord, elle a considéré qu’aucun usage sérieux de la marque figurative antérieure Sfera KIDS n’avait été prouvé pour les produits relevant des classes 18 et 25 visés par celle-ci. Ensuite, s’agissant de la comparaison des produits visés par la marque figurative antérieure Sfera, relevant de la classe 24, et des produits litigieux visés par la marque demandée, la chambre de recours a constaté que ces produits ne présentaient pas de similitude entre eux. Partant, elle a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion s’agissant de la marque demandée et de la marque figurative antérieure Sfera.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 21 septembre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

16      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 10, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), en ce que la chambre de recours aurait considéré à tort que la preuve de l’usage sérieux de la marque figurative antérieure Sfera KIDS n’aurait pas été rapportée. Le second est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en ce que la chambre de recours aurait écarté à tort l’existence d’un risque de confusion s’agissant de la marque demandée et de la marque figurative antérieure Sfera.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 10, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625

18      La requérante soutient, en substance, que, en ce qui concerne l’usage sérieux de la marque antérieure Sfera KIDS, la chambre de recours a uniquement exigé des preuves quantitatives de nature économique, telles que des factures, et a écarté la possibilité de rapporter la preuve de son usage sérieux par la production de catalogues, d’annonces dans les journaux ou encore de photographies. Or, une telle approche serait contraire à la jurisprudence issue de l’arrêt du 8 juillet 2010, Engelhorn/OHMI – The Outdoor Group (peerstorm) (T‑30/09, EU:T:2010:298, point 44), dans lequel il aurait été reconnu qu’un moyen de preuve tel que des catalogues suffit à prouver l’usage d’une marque, même en l’absence d’information sur la quantité de produits vendus. Par ailleurs, la chambre de recours n’aurait pas procédé à une appréciation globale de tous les éléments de preuve produits par la requérante, alors qu’elle aurait dû reconnaître, si elle avait fait une telle appréciation, que le fait que certains éléments de preuve provenaient de sites Internet autres que celui du groupe El Corte Inglés, dont la requérant fait partie, démontrait l’usage et la diffusion de la marque antérieure Sfera KIDS.

19      Enfin, la chambre de recours se serait contredite en ce qu’elle aurait affirmé, d’une part, au point 43 de la décision attaquée, que les catalogues ne seraient pas « suffisants » pour prouver l’usage sérieux de la marque antérieure Sfera KIDS, et d’autre part, au point 44 de la décision attaquée, que ce moyen de preuve pourrait être suffisant. De même, la chambre de recours se serait contredite en ce qu’elle aurait affirmé que le groupe El Corte Inglés jouit d’une renommée pour finalement décider de ne pas en tenir compte.

20      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

21      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

22      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

23      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 41].

24      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42).

25      Enfin, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28].

26      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que les éléments de preuve produits par la requérante ne démontraient pas un usage sérieux de la marque antérieure Sfera KIDS pour les produits relevant des classes 18 et 25 qu’elle désigne.

27      L’autre partie à la procédure devant l’EUIPO ayant déposé sa demande de marque de l’Union européenne le 21 septembre 2016, la période de cinq ans visée à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001] s’étend du 21 septembre 2011 au 20 septembre 2016 (ci-après la « période pertinente »).

28      Les éléments produits par la requérante devant l’EUIPO et tendant à démontrer que, pendant la période pertinente, la marque antérieure Sfera KIDS avait fait l’objet d’un usage propre à assurer le maintien des droits conférés par celle-ci consistent, en substance, en des impressions de pages tirées de sites Internet contenant des images d’enfants portant différents types de vêtement, en une impression de page tirée du site Internet El Corte Inglés, en une image d’un magasin mentionnant la marque antérieure Sfera et en des documents faisant état du chiffre d’affaires d’entreprises espagnoles dont celui du groupe El Corte Inglés.

29      La chambre de recours a considéré, au point 32 de la décision attaquée, que, à l’exception de quatre éléments de preuve qui soit ne relevaient pas de la période pertinente, soit n’étaient pas datés, l’ensemble des éléments produits se rapportaient à ladite période. Aux points 39 à 56 de la décision attaquée, elle a constaté qu’il n’existait, s’agissant des produits désignés par la marque antérieure Sfera KIDS, aucune preuve d’un usage de celle-ci pour les produits relevant de la classe 18 et peu ou pas de preuve d’un usage pour les produits « chaussures, chapellerie » relevant de la classe 25. De même, elle a relevé que, si les éléments de preuve pouvaient démontrer une association de la marque antérieure Sfera KIDS avec les « [v]êtements » relevant de la classe 25 et visés par cette marque, il n’existait pas suffisamment d’éléments pour établir l’importance de l’usage de celle-ci. En conclusion, la chambre de recours a considéré que la requérante n’était pas parvenue à prouver l’usage sérieux de la marque antérieure Sfera KIDS.

30      Eu égard aux éléments du dossier, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a fait une juste appréciation des faits de l’espèce.

31      Tout d’abord, s’agissant des annexes A.7 à A.10 produites par la requérante afin de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure Sfera KIDS, la chambre de recours a pu constater à bon droit qu’elles ne contenaient aucune information pouvant être rattachée à la période pertinente, de sorte qu’elles ne permettaient pas de tirer de conclusion quant à l’usage sérieux de ladite marque. Ensuite, s’agissant des annexes A.1 à A.6, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, qu’elles consistent toutes en des impressions de pages tirées de sites Internet montrant des images d’enfant portant différents vêtements, mais qu’aucune de ces annexes ne contient des indications relatives à la commercialisation des produits visés par la marque antérieure Sfera KIDS, telles que leur prix ou leur mode de commercialisation, et qu’il n’existe aucune information quant à leur exposition au public. Enfin, s’agissant des documents produits par la requérante qui concernent le groupe El Corte Inglés, dont elle fait partie, la chambre de recours a pu considérer sans commettre d’erreurs qu’ils étaient tous dénués de pertinence. En effet, ces documents font référence au classement d’entreprises espagnoles et à leur chiffre d’affaires, mais ne permettent pas d’établir le montant des ventes ou le chiffre d’affaires en rapport avec les produits visés par la marque antérieure Sfera KIDS.

32      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours aurait écarté la possibilité de rapporter la preuve de l’usage par des éléments de preuve autres que des preuves quantitatives de nature économique. Toutefois, cette constatation relève d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il ressort des points 43 et 44 de celle-ci, la chambre de recours a admis la possibilité de rapporter la preuve de l’usage sérieux d’une marque par des moyens de preuve tels que des catalogues. Toutefois, elle a estimé que, en l’espèce, ces éléments de preuve ne contenaient pas suffisamment d’informations de nature à établir l’usage sérieux de la marque antérieure Sfera KIDS et que, à défaut d’autres éléments tels que des preuves de ventes, des factures ou des commandes, il y avait lieu de considérer que la preuve de l’usage sérieux de cette marque n’avait pas été rapportée. Contrairement à ce que soutient la requérante, ce raisonnement ne contient pas de contradiction.

33      Par ailleurs, contrairement à la lecture inexacte qu’en fait la requérante, il ne découle pas de l’arrêt du 8 juillet 2010, peerstorm (T‑30/09, EU:T:2010:298), que la simple production d’éléments de preuve tels que des catalogues suffit per se à établir une certaine importance de l’usage d’un droit antérieur. En effet, ainsi qu’il ressort des points 41 à 44 de cet arrêt, les éléments de preuve produits dans le cadre de cette affaire, qui consistaient effectivement en des catalogues, étaient nombreux, présentaient la marque concernée sur les produits visés par celle-ci, faisaient état d’un grand nombre d’articles et démontraient que ceux-ci avaient été disponibles dans 240 magasins au Royaume-Uni pendant une période importante de la période pertinente. De plus, ces catalogues contenaient des informations précises sur les produits offerts à la vente sous cette marque, telles que leur prix et leur mode de commercialisation. C’est sur la base de ces éléments que le Tribunal a considéré dans cette affaire que lesdits catalogues démontraient à suffisance l’usage du droit antérieur pour les produits visés par celui-ci.

34      Or, en l’espèce, les éléments de preuve présentés qui sont tirés de catalogues ne contiennent aucune indication précise sur les produits ou leur mode de commercialisation. De même, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le fait que les pages tirées de sites Internet figurant parmi les éléments de preuve qu’elle a produits proviennent d’entreprises et de publications étrangères au groupe El Corte Inglés ou à la requérante ne permet pas, en l’espèce, de conclure à un usage extérieur ou public de la marque antérieure Sfera KIDS ou à son usage sérieux. En effet, d’une part, ces pages sont peu nombreuses et ne contiennent que peu ou pas d’informations sur les auteurs de ces publications et, d’autre part, ainsi que l’a constaté la chambre de recours à juste titre, elles ne permettent pas de tirer de conclusion quant à leur exposition au public, la circulation desdites pages ou l’importance de celle-ci n’étant pas connues.

35      Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il existerait une contradiction dans la décision attaquée, en ce que la chambre de recours aurait reconnu la « force centripète » du groupe El Corte Inglés pour finalement l’écarter, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, que cet argument découle d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la chambre de recours a seulement indiqué que même si la marque El Corte Inglés était notoirement connue en Espagne, cela ne suffisait pas pour prouver l’usage sérieux d’une autre marque en l’absence d’éléments de preuve établissant une relation de titularité bien connue des consommateurs entre celles-ci et, qu’en l’espèce, la requérante n’avait pas apporté de telles preuves. La décision attaquée n’est donc entachée d’aucune contradiction.

36      Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours s’est bien livrée à une appréciation globale de tous les éléments de preuve produits, ainsi d’ailleurs que cela ressort expressément du point 43 de la décision attaquée. La requérante n’a soulevé aucun argument de nature à remettre en cause cette constatation.

37      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que l’usage sérieux de la marque antérieure Sfera KIDS n’avait pas été démontré.

38      Il convient donc de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

39      La chambre de recours a relevé, en ce qui concerne les produits litigieux, relevant des classes 18 et 25 et visés par la marque demandée, et ceux relevant de la classe 24 et visés par la marque antérieure Sfera que, même si, dans certains cas, ils pouvaient être fabriqués à partir des mêmes matériaux, ils n’avaient pas la même destination, la même utilisation et les mêmes canaux de distribution. Elle a donc considéré que les produits en cause étaient différents et qu’il n’existait pas de risque de confusion s’agissant de ces marques.

40      La requérante soutient qu’il existe un lien étroit entre les produits de la classe 24 visés par la marque antérieure Sfera et les produits litigieux, relevant des classes 18 et 25 et visés par la marque demandée, qui tiendrait à leur nature, leur caractère complémentaire, leur utilisation et leur destination. L’existence de ce lien ressortirait, notamment, des critères relatifs à la classification de Nice, où des produits mentionnés dans la classe 24 seraient liés à d’autres produits mentionnés dans les classes 18 et 25, ce dont la chambre de recours n’aurait pas tenu compte. En raison de ce lien et du principe d’interdépendance des facteurs, la chambre de recours aurait donc dû reconnaître l’existence d’un risque de confusion.

41      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

42      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure et présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

43      Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

44      À titre liminaire, il convient de préciser que les produits litigieux, visés par la marque demandée et cités au point 11 ci-dessus, qui relèvent des classes 18 et 25, doivent être comparés aux « [t]issus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; jetés de lit ; tapis de table », relevant de la classe 24, visés par la marque antérieure Sfera.

45      Tout d’abord, s’agissant de la comparaison entre les produits litigieux relevant de la classe 18, visés par la marque demandée, et les produits relevant de la classe 24 visés par la marque antérieure Sfera, il y a lieu de constater, à l’instar de l’EUIPO, qu’ils n’ont pas la même destination, dès lors que les produits relevant de la classe 18 sont destinés à contenir, à rassembler, à transporter ou à ranger des choses et que les produits relevant de la classe 24 sont des tissus à usage ménager, des produits fonctionnels et décoratifs pouvant servir à la fois à des fins pratiques et ornementales. De même, ces deux catégories de produits n’ont pas les mêmes canaux de distribution, puisque les produits visés par la marque antérieure Sfera sont le plus souvent présentés à proximité ou dans des rayons de meubles tandis que les produits visés par la marque demandée sont souvent présentés dans des rayons ou magasins consacrés aux bagages ou aux accessoires d’habillement. Par ailleurs, les fabricants de ces produits ne sont généralement pas les mêmes et l’usage des uns n’est pas nécessaire à ou important pour l’usage des autres. Partant, ces produits ne sont pas complémentaires ou concurrents.

46      Ensuite, s’agissant de la comparaison entre les produits litigieux relevant de la classe 25, visés par la marque demandée, et les produits relevant de la classe 24 visés par la marque antérieure Sfera, il y a lieu de constater, ainsi que le souligne l’EUIPO, que ces produits diffèrent par de multiples aspects, tels que leur nature, leur destination, leur origine et leurs canaux de distribution [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Casual Dreams/EUIPO – López Fernández (Dayaday), T‑50/19, non publié, EU:T:2020:407, points 121 à 124]. À cet égard, et pour autant que la requérante fasse valoir que les produits en cause peuvent être fabriqués à partir des mêmes matériaux, il convient de relever que cet argument, à lui seul, n’est pas de nature à remettre en cause leurs différences [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 juin 2020, Pavel/EUIPO – bugatti (B), T‑114/19, non publié, EU:T:2020:286, point 57].

47      Par ailleurs, il convient de rappeler que la classification de Nice ne vise qu’à faciliter la rédaction et le traitement des demandes de marque, en proposant certaines classes et catégories de produits et de services. En revanche, les intitulés des classes ne constituent pas un système dans lequel il serait exclu qu’un produit ou un service contenu dans une classe ou une catégorie puisse également faire partie d’une autre classe ou catégorie [voir arrêt du 30 septembre 2015, Gat Microencapsulation/OHMI – BASF (KARIS), T‑720/13, non publié, EU:T:2015:735, point 44 et jurisprudence citée].

48      Néanmoins, dans le cadre d’une procédure d’opposition entamée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 par le titulaire d’une marque antérieure, l’examen d’une éventuelle similitude entre les produits visés par la marque demandée et par la marque antérieure doit être effectué en se référant à la liste des produits visés par ces deux marques (arrêt du 30 septembre 2015, KARIS, T‑720/13, non publié, EU:T:2015:735, point 47). Ainsi, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, il existerait un lien étroit entre les produits en cause dans la mesure où il y aurait, dans la classification de Nice, des produits relevant de la classe 24 qui seraient liés à des produits relevant des classes 18 et 25 est dénué de pertinence, dès lors que ces produits ne correspondent pas à ceux visés par la marque antérieure Sfera et par la marque demandée.

49      Il ressort de ce qui précède que, la chambre de recours a pu conclure à juste titre et sans méconnaître la jurisprudence que les produits en cause étaient différents, la requérante n’ayant, par ailleurs, soulevé aucun argument de nature à remettre en cause cette appréciation.

50      Dans la mesure où l’existence d’un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent, il y a lieu de considérer que le constat de l’absence d’un risque de confusion s’agissant de la marque demandée et de la marque antérieure Sfera doit être approuvé.

51      Par conséquent, il convient de rejeter le second moyen comme non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

53      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sfera Joven, SA est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.