Language of document : ECLI:EU:T:2022:11

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 janvier 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’une botte – Déclaration de nullité partielle – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Décisions de tribunaux des marques de l’Union européenne statuant sur une action en déclaration de non-contrefaçon – Autorité de la chose jugée »

Dans l’affaire T‑483/20,

Tecnica Group SpA, établie à Giavera del Montello (Italie), représentée par Me C. Sala, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Söder et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Zeitneu GmbH, établie à Zürich (Suisse), représentée par Mes K. Dumoulin, F. Hagemann, M. Giorcelli et M. Venturello, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 18 mai 2020 (affaire R 1093/2019‑1), relative à une procédure de nullité entre Zeitneu et Tecnica Group,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović (rapporteure), présidente, MM. F. Schalin et I. Nõmm, juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 31 juillet 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 6 novembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 octobre 2020,

à la suite de l’audience du 13 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 août 2011, la requérante, Tecnica Group SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel suivant :

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3        Dans sa demande, la requérante a décrit la marque demandée comme suit :

« Marque figurative constituée d’une chaussure dont les caractéristiques principales sont représentées par sa forme complexe résultant des vues jointes à la demande d’enregistrement. La forme complexe précitée, telle que fournie par les vues, comprend la combinaison des éléments distinctifs suivants : une fine semelle externe et de forme approximativement elliptique ; une semelle intermédiaire d’épaisseur supérieure par rapport à la semelle externe ; une empeigne qui dans la partie latérale et de tout son long présente deux bandes appliquées à l’extérieur de l’empeigne et jointes approximativement à hauteur des malléoles, la bande étant placée à hauteur du contrefort plus haut que celui placé à hauteur de la pointe ; une tige ayant une hauteur approximativement deux fois plus élevée que celle de l’empeigne à hauteur de la cheville et portant, environ à mi-hauteur - et donc environ à deux tiers de la hauteur totale de la botte - une bande parallèle au plan appliquée sur la tige proprement dite et à son tour caractérisée par une bande centrale de largeur supérieure et par deux bandes externes de largeur inférieure opposées et symétriques par rapport à la bande centrale précitée ; un laçage attaché à des œillets monte depuis l’empeigne, avec croisement postérieur, jusqu’au sommet de la tige. La chaussure est symétrique par rapport à un plan perpendiculaire à l’empeigne, croisant celle-ci dans la partie centrale de la pointe et du contrefort. Aucune des couleurs n’est revendiquée. »

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement de cette marque a été demandé relèvent des classes 18, 20 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 :      « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; sacs de tous les jours, sacs à main, bagages de voyage, sacs pour la montagne, cartables, sacs de campeurs, sacs de sport, sacs à dos, valises, porte-monnaie, petits sacs »;

–        classe 20 :      « Meubles, glaces (miroirs), cadres ; produits, non compris dans d’autres classes, en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques ; fauteuils et divans »;

–        classe 25 :      « Vêtements, chaussures, chapellerie ; semelles ; premières ; talonnettes pour chaussures ; empeignes ».

5        La marque contestée a été enregistrée le 20 mars 2012 sous le numéro 10 168 441 pour les produits visés au point 4 ci-dessus.

6        Le 28 juillet 2014, l’intervenante, Zeitneu GmbH, a saisi le Tribunale di Venezia (tribunal de Venise, Italie, ci-après le « tribunal de Venise »), en sa qualité de tribunal des marques de l’Union européenne, d’un recours à l’encontre de la requérante afin d’obtenir une constatation de non-contrefaçon en application de l’article 96 du règlement no 207/2009 (devenu article 124 du règlement 2017/1001). Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal de Venise a rejeté le recours et constaté qu’il existait un risque de confusion entre la marque contestée et les collections de chaussures fabriquées par l’intervenante.

7        Le jugement du tribunal de Venise a été confirmé par la Corte d’appello di Venezia (cour d’appel de Venise, Italie, ci-après la « cour d’appel de Venise ») par un arrêt rendu le 7 mars 2019, en sa qualité de tribunal des marques de l’Union européenne de seconde instance.

8        Le 17 mai 2017, l’intervenante a introduit devant l’EUIPO une demande en nullité de la marque contestée, pour tous les produits visés au point 4 ci-dessus, sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a) du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c), d) et e) dudit règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), c), d) et e), du règlement 2017/1001].

9        Par décision du 28 mars 2019, la division d’annulation a partiellement fait droit à la demande en nullité en déclarant la nullité de la marque contestée pour les produits relevant de la classe 25 « Chaussures, semelles, premières, talonnettes pour chaussures, empeignes » (ci-après, la « décision de la division d’annulation »).

10      Le 15 mai 2019, la requérante a formé un recours, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

11      Par décision du 18 mai 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a confirmé la décision de la division d’annulation en rejetant le recours.

12      La chambre de recours a constaté que la portée du litige était limitée aux produits pour lesquels la demande en nullité avait été accueillie, à savoir les produits relevant de la classe 25 et qu’il convenait donc de déterminer si la division d’annulation avait fait droit à juste titre à la demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a) du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. En outre, la chambre de recours a considéré que les nouveaux éléments produits par la requérante et l’intervenante au stade du recours étaient recevables.

13      La chambre de recours a considéré, en substance, que, pour le public pertinent, qui était celui de tous les États membres et qui faisait preuve d’un niveau d’attention moyen, les chaussures étant un produit habituel, le signe tridimensionnel ne divergeait pas de manière très significative de l’ensemble des modèles de bottes après-ski et a conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée. Tout d’abord, la chambre de recours a examiné les arguments de la requérante relatifs aux imitations de son produit, et a entériné le constat selon lequel le fait que la marque contestée soit imitée à grande échelle n’allait pas dans le sens d’un caractère distinctif acquis. Ensuite, elle a constaté que les éléments constitutifs de la marque contestée, pris individuellement, ainsi que la forme créée prise dans son ensemble seraient perçus par les consommateurs pertinents comme des variantes possibles, voire habituelles, de la présentation et de la décoration des produits en cause et que la marque contestée présentait des similitudes avec les autres formes habituelles qui sont susceptibles d’être utilisées dans les produits en cause. Enfin, s’agissant des décisions prises par le tribunal de Venise et la cour d’appel de Venise, la chambre de recours a considéré qu’elle était dans l’obligation d’en tenir compte mais, d’une part, que l’application du régime des marques de l’Union européenne était indépendante de tout système national et, d’autre part, que lesdites décisions portaient uniquement sur une action en constatation de non-contrefaçon et non sur la validité de la marque contestée.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

15      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      La requérante invoque cinq moyens tirés, les trois premiers, d’une violation des articles 123 et 124 du règlement 2017/1001 ainsi qu’une violation des principes de l’autorité de la chose jugée, de légalité, d’égalité de traitement, de bonne administration et de protection de la confiance légitime, le quatrième, d’une violation de l’article 127 du règlement 2017/1001, et le cinquième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement.

 Sur le droit applicable

17      À titre liminaire, il convient de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 2 août 2011, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C 192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40 et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C-736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

18      Dans la mesure où les dispositions matérielles pertinentes applicables en l’espèce sont identiques dans leur version résultant, respectivement, du règlement no 207/2009 et du règlement 2017/1001, le fait que les parties se soient référées aux dispositions de ce dernier règlement demeure sans incidence aux fins de la présente procédure et il convient d’interpréter leurs arguments comme étant fondés sur les dispositions matérielles pertinentes du règlement no 207/2009 [arrêt du 5 octobre 2020, nanoPET Pharma/EUIPO – Miltenyi Biotec (viscover), T‑264/19, non publié, EU:T:2020:470, point 23]. En particulier, il y a lieu de considérer que le cinquième moyen soulevé par la requérante est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009.

19      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi, selon la date des évènements concernés, par les dispositions procédurales des règlements no 207/2009 et 2017/1001. En particulier, l’article 63, paragraphe 3, ainsi que les articles 123, 124 et 127 du règlement 2017/1001, invoqués dans le cadre des quatre premiers moyens, étaient applicables à la procédure suivie devant la chambre de recours. Ces dispositions sont, respectivement, substantiellement identiques à l’article 56, paragraphe 3, ainsi qu’aux articles 95, 96 et 99 du règlement no 207/2009, lesquels étaient applicables à la procédure suivie dans le cadre de l’action en constatation de non‑contrefaçon introduite devant le tribunal de Venise.

 Sur la recevabilité de la deuxième branche du cinquième moyen

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent la recevabilité de la deuxième branche du cinquième moyen, relative au caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée, au motif que cette question n’aurait pas été soulevée devant la division d’annulation ni devant la chambre de recours, et qu’elle ne ferait donc pas l’objet du litige devant la chambre de recours.

21      Premièrement, selon l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal n’ont donc pas le pouvoir de modifier devant celui-ci les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par les parties à la procédure devant la chambre de recours. Toute argumentation qui obligerait le Tribunal à exercer un contrôle de la légalité de la décision de la chambre de recours allant au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant celle-ci doit ainsi être rejetée comme irrecevable [voir arrêt du 29 mai 2018, Sata/EUIPO – Zhejiang Rongpeng Air Tools (4000), T‑303/17, non publié, EU:T:2018:308, point 17 et jurisprudence citée].

22      Deuxièmement, il résulte de la seconde phrase de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, phrase qui consolide la jurisprudence antérieure du Tribunal [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28], que dans les procédures de nullité engagées en vertu de l’article 59 du même règlement, l’EUIPO limite son examen aux moyens et arguments soumis par les parties [voir arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 23 et jurisprudence citée]. Il ressort également de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, qu’incombe aux parties la charge d’invoquer les faits et les preuves utiles à l’appui de ces moyens [arrêt du 11 avril 2019, Inditex/EUIPO – Ansell (ZARA TANZANIA ADVENTURES), T‑655/17, non publié, EU:T:2019:241, point 37].

23      De surcroît, conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsqu’elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 dudit règlement et notamment de l’article 7, paragraphe 1, sous b), relatif à l’absence de caractère distinctif. Néanmoins, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du même règlement ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, a acquis, pour les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. De même, aux termes de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, lorsque la marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) ou d) dudit règlement, celle-ci ne peut être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

24      L’application de ces dispositions présuppose que, dans le cadre d’une procédure en nullité, l’acquisition du caractère distinctif par l’usage peut être allégué par le titulaire de la marque contestée en tant que moyen de défense [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2019, Gibson Brands/EUIPO – Wilfer (Forme d’un corps de guitare), T‑340/18, non publié, EU:T:2019:455, point 78]. En effet, il ressort de l’économie de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 que c’est au titulaire de la marque dont la nullité est demandée qu’il appartient d’invoquer le caractère distinctif par l’usage de la marque contestée lorsque celle-ci est dépourvue de caractère distinctif intrinsèque et de produire les preuves appropriées et suffisantes pour démontrer que celle-ci a acquis un caractère distinctif par l’usage [voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2019, All Star/EUIPO – Carrefour Hypermarchés (Forme d’une semelle de chaussure), T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 157 et jurisprudence citée].

25      En l’espèce, ainsi que la requérante l’a reconnu, dans ses réponses aux questions lors de l’audience de plaidoiries, celle-ci n’a pas expressément fait valoir, devant la chambre de recours, que la marque en cause avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 ou de l’article 52, paragraphe 2, dudit règlement.

26      Certes, ainsi qu’elle l’a précisé dans ses réponses aux questions lors de l’audience, la requérante a fait valoir, à plusieurs reprises, dans son mémoire exposant les motifs du recours devant la chambre de recours, que la marque contestée jouissait d’une large notoriété et d’une renommée importante et a produit plusieurs éléments de preuve à cette fin, dont principalement les décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise, mais également plusieurs accords de licence et documents faisant référence à l’utilisation du produit par des célébrités.

27      Toutefois, ces seuls éléments, qui tendent uniquement à établir la réputation de la marque en cause, ne permettent pas de considérer que la requérante a valablement invoqué l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 ou l’article 52, paragraphe 2, du même règlement dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

28      En effet, ainsi que la requérante l’a d’ailleurs précisé dans ses écritures et lors de l’audience, l’examen de la renommée, opéré par le tribunal et la cour d’appel de Venise, relève de l’article 8, paragraphe 5, ou de l’article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement no 207/2009, et ainsi de l’appréciation des motifs relatifs de refus, et se distingue de l’examen du caractère distinctif acquis au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, de ce même règlement, lequel relève de l’appréciation des motifs absolus de refus. En particulier, la démonstration de la renommée et du caractère distinctif acquis par l’usage ne répondent pas aux même exigences, notamment sur le plan territorial. En effet, s’agissant de la renommée, il suffit que celle-ci soit établie dans une partie substantielle du territoire de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2009, PAGO International, C‑301/07, EU:C:2009:611, point 27).

29      Au contraire, compte tenu du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne, en l’absence de caractère distinctif intrinsèque, le caractère distinctif acquis par l’usage, lequel implique qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée, doit être établi dans l’ensemble du territoire de l’Union et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 76 et 78 et jurisprudence citée). Ainsi, bien qu’une telle preuve puisse être rapportée de façon globale pour tous les États membres concernés ou bien de façon séparée pour différents États membres ou groupes d’États membres, il n’est en revanche pas suffisant que celui à qui en incombe la charge se borne à produire des éléments de preuve d’une telle acquisition qui ne couvriraient pas une partie de l’Union, même consistant en un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 83 et 87).

30      Or, il ne ressort pas du dossier que la requérante ait cherché à établir devant la chambre de recours, par la production des décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise ou par d’autres éléments de preuve invoqués au soutien de la renommée de la marque en cause, ou, en d’autres termes, que la forme de botte était apte à identifier le produit concerné comme provenant de la requérante pour le territoire sur lequel était allégué l’absence de caractère distinctif intrinsèque, soit pour l’ensemble du territoire de l’Union.

31      De plus, il importe de relever, dans ce contexte, que la division d’annulation avait expressément constaté dans la décision d’annulation que la requérante n’avait pas soutenu que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage, affirmation qui n’a pas été expressément contestée par la requérante devant la chambre de recours, ainsi que celle-ci l’a confirmé lors de l’audience de plaidoiries.

32      De surcroît, il ressort du point 14 de la décision attaquée que l’objet du litige devant la chambre de recours était limité à la question de savoir si la demande en nullité de la marque contestée pouvait être accueillie en ce qu’elle était fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous b) du règlement no 207/2009 et en ce qu’elle portait sur les produits « chaussures, semelles ; premières ; talonnettes pour chaussures ; empeignes » relevant de la classe 25.

33      Ainsi, la chambre de recours n’a pas examiné, dans la décision attaquée, si la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, ou de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. La circonstance qu’elle ait indiqué, au point 68 de la décision attaquée, que « le fait que la marque en cause soit imitée à grande échelle […] ne va pas dans le sens d’un caractère distinctif acquis », ne remet pas en cause ce constat. En effet, cette affirmation ne s’inscrit pas dans le cadre d’un examen du caractère distinctif acquis par l’usage mais tend uniquement à répondre, dans le cadre de l’examen du caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée, à l’argument de la requérante selon lequel le fait que la marque contestée ait été largement imitée ne remet pas en cause le caractère inhabituel de cette marque tridimensionnelle.

34      En conséquence, dès lors que la requérante n’a pas expressément soulevé, en tant que moyen de défense, le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 ou de l’article 52, paragraphe 2, du même règlement, cette question ne faisait pas partie de l’objet du litige devant la chambre de recours.

35      Partant, compte tenu de la jurisprudence exposée au point 21 ci‑dessus, la deuxième branche du cinquième moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

 Sur les trois premiers moyens, tirésd’une violation des articles 123 et 124 du règlement 2017/1001 ainsi que d’une violation des principes de l’autorité de la chose jugée, de légalité, d’égalité de traitement, de bonne administrationet de protection de la confiance légitime

36      Par ses trois premiers moyens, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte des décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise (voir points 6 et 7 ci-dessus) et d’avoir ainsi conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, en contradiction avec l’appréciation, contenue dans lesdites décisions, selon laquelle ladite marque présentait un caractère distinctif et bénéficiait d’une importante renommée.

37      Premièrement, la requérante soutient que la décision attaquée a été adoptée en violation des articles 123 et 124 du règlement 2017/1001 et de l’autorité de la chose jugée des décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise. Elle fait valoir à ce titre que la chambre de recours a erronément considéré que ces décisions émanaient d’entités qui n’appartiennent pas au système juridique des marques de l’Union européenne. En outre, la requérante souligne que la chambre de recours a erronément considéré que l’arrêt de la cour d’appel de Venise portait uniquement sur la situation du marché italien.

38      Deuxièmement, la requérante fait valoir que, en ignorant le constat du tribunal et de la cour d’appel de Venise, selon lequel la marque contestée bénéficiait d’une large notoriété et renommée, la chambre de recours aurait méconnu les principes de légalité, d’égalité de traitement et de bonne administration ainsi que l’obligation de motivation de ses décisions. Elle soutient que la chambre de recours a méconnu son obligation de prendre en considération les décisions déjà adoptées sur des demandes similaires.

39      Troisièmement, la requérante fait valoir que la décision attaquée a été prise en violation du principe de protection de la confiance légitime, les décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise lui ayant fourni des assurances précises quant au caractère distinctif élevé de la marque contestée ainsi qu’à sa renommée.

40      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments. 

41      En premier lieu, dans la mesure où la requérante soutient que la chambre de recours a méconnu l’autorité de la chose jugée des décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise, il importe de relever que, l’article 63 paragraphe 3, du règlement 2017/1001 prévoit qu’une demande en déchéance ou en nullité est irrecevable lorsqu’une demande ayant le même objet et la même cause a été tranchée sur le fond entre les mêmes parties soit par l’EUIPO, soit par un tribunal des marques de l’Union européenne visé à l’article 123 dudit règlement, et que la décision de l’EUIPO ou de ce tribunal concernant cette demande est passée en force de chose jugée.

42      De plus, il ressort de la jurisprudence que, pour que des décisions d’une juridiction d’un État membre saisie en tant que tribunal des marques de l’Union européenne puissent lier l’EUIPO, il est nécessaire qu’elles disposent de l’autorité de la chose jugée, laquelle requiert que les procédures parallèles devant cette juridiction et l’EUIPO concernent les mêmes parties et aient le même objet et la même cause (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/EUIPO, C‑226/15 P, EU:C:2016:582, point 52).

43      En l’espèce, il est constant que le tribunal et la cour d’appel de Venise n’ont pas été saisis d’une demande reconventionnelle en nullité tendant à contester la validité de la marque contestée, mais uniquement d’une demande en constatation de non-contrefaçon. De plus, il importe de relever que, conformément à l’article 99, paragraphes 1 et 2, du règlement no 207/2009 (devenu l’article 127, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001) et à l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu l’article 59, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), la validité d’une marque de l’Union européenne ne peut être contestée dans le cadre d’une action en déclaration de non-contrefaçon, ladite marque bénéficiant d’une présomption de validité, à moins qu’une demande reconventionnelle n’ait été introduite. La cour d’appel de Venise a d’ailleurs expressément relevé que la validité de la marque contestée ne pouvait être examinée dans le cadre de la procédure dont elle était saisie.

44      Les décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise n’ont donc pas le même objet que la procédure en nullité devant l’EUIPO et ne liaient pas la chambre de recours. Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé qu’elle pouvait examiner le caractère distinctif de la marque contestée sans être liée par les appréciations des juridictions de Venise.

45      En outre, dans la mesure où la requérante fait valoir que la chambre de recours a erronément considéré que les décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise émanaient d’entités qui n’appartiennent pas au système juridique des marques de l’Union européenne, il y a lieu de relever qu’elle n’indique pas les points de la décision attaquée dans lesquels la chambre de recours aurait énoncé une telle affirmation. Au contraire, la chambre de recours a précisément fait remarquer, au point 79 de la décision attaquée, que lesdites affaires traitaient d’une demande d’action en constatation de non-contrefaçon.

46      Par ailleurs, pour autant que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir erronément constaté que les appréciations du tribunal et de la cour d’appel de Venise, relatives au caractère distinctif de la marque contestée, se limitaient au territoire italien, un tel argument doit être écarté comme inopérant, dès lors que la chambre de recours a correctement considéré que les appréciations opérées par lesdites juridictions n’étaient, en tout état de cause, pas pertinentes pour l’examen de la validité de la marque contestée.

47      En deuxième lieu, s’agissant du moyen tiré d’une méconnaissance des principes d’égalité de traitement et de bonne administration ainsi que de l’obligation de motivation qui en découle, il importe de rappeler que, eu égard auxdits principes, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. En outre, l’application des principes de sécurité juridique et de bonne administration implique que l’examen de toute demande doit être strict et complet et avoir lieu dans chaque cas concret (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74, 75 et 77).

48      Or, premièrement, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’elle n’était pas liée, dans le cadre d’une procédure de nullité, par les constatations relatives à la renommée et au caractère distinctif de la marque contestée, contenues dans les décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise, saisis, en tant que tribunaux des marques de l’Union européenne, d’une simple demande en constatation de non-contrefaçon.

49      En effet, d’une part, la question de la renommée de la marque contestée n’était pas pertinente pour l’examen du caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) du règlement n° 207/2009, lequel porte uniquement sur les caractéristiques intrinsèques de ladite marque [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Guerlain/EUIPO (Forme d’un rouge à lèvres oblongue, conique et cylindrique), T‑488/20, EU:T:2021:443, point 39 (non publié)]. D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus, la requérante n’a pas invoqué, dans le cadre de la procédure de nullité, le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée. En tout état de cause, ainsi que constaté au point 43 ci-dessus, la cour d’appel de Venise a expressément indiqué que la validité de la marque contestée ne pouvait être examinée dans le cadre de la procédure dont elle était saisie. D’ailleurs, ainsi, que la requérante l’a relevé elle-même dans sa requête et lors de l’audience de plaidoiries, les appréciations effectuées par ces juridictions l’ont été dans le cadre de l’analyse du risque de confusion entre la marque contestée et le produit faisant l’objet de la demande en constatation de non-contrefaçon et au regard de l’article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement no 207/2009. De telles appréciations relèvent donc d’un tout autre examen que celui de la validité de la marque contestée. En effet, ainsi qu’il ressort des points 28 et 29 ci-dessus, la renommée au sens de l’article 8 et de l’article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement no 207/2009 doit être distinguée du caractère distinctif acquis par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, ou de l’article 52, paragraphe 2, de ce même règlement. Partant, la méconnaissance alléguée des principes d’égalité de traitement et de bonne administration doit être écartée.

50      Deuxièmement, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort clairement des points 78 et 79 de la décision attaquée que la chambre de recours a bien tenu compte des décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise, et a expliqué les raisons pour lesquelles les constats qui y étaient contenus n’étaient pas pertinents dans le cadre de la présente affaire. En particulier, la chambre de recours a précisé, au point 79 de la décision attaquée, que les décisions du tribunal et de la cour d’appel de Venise traitaient uniquement d’une demande d’action en constatation de non-contrefaçon et non de la validité de la marque contestée, de sorte qu’aucune conclusion n’avait été tirée concernant la validité de ladite marque. Dès lors, le défaut de motivation allégué manque en fait.

51      En troisième lieu, dans la mesure où la requérante se prévaut de la protection de la confiance légitime, il importe de rappeler que selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir d’une telle protection s’étend à tout justiciable qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables [voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2019, Biernacka-Hoba/EUIPO – Formata Bogusław Hoba (Formata), T‑265/18, non publié, EU:T:2019:197, point 41 et jurisprudence citée].

52      En l’espèce, la circonstance que le tribunal et la cour d’appel de Venise aient considéré, dans le cadre d’une procédure de constatation en non-contrefaçon, que la marque contestée bénéficiait d’une renommée et d’un caractère distinctif élevé ne saurait constituer des assurances précises, concordantes et inconditionnelles que ladite marque ne pouvait être annulée sur le fondement l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, dans le cadre d’une procédure en nullité. En effet, ainsi qu’il ressort du point 43 ci-dessus, le tribunal et la cour d’appel de Venise n’ont pas été saisis d’une demande reconventionnelle en nullité, de sorte qu’ils étaient tenus de présumer la validité de la marque contestée antérieure et de considérer que celle-ci était pourvue d’une caractère distinctif intrinsèque.

53      Eu égard à l’ensemble des appréciations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les trois premiers moyens.

 Sur quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 127 du règlement 2017/1001

54      En substance, la requérante soutient que la chambre de recours aurait violé l’article 127 du règlement 2017/1001 et aurait méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve, en procédant d’office à un nouvel examen du caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée et en fondant sa décision sur d’autres éléments que les preuves présentées par l’intervenante et, notamment, sur les éléments de faits analysés dans le cadre de la procédure d’examen. Dans ce contexte, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte des éléments de preuve additionnels soumis dans le cadre de la procédure de nullité. Par ailleurs, la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait fait une mauvaise application des règles de dévolution de la charge de la preuve en concluant à l’annulation de la marque contestée, alors qu’elle avait constaté que les preuves présentées par l’intervenante au soutien de la demande en nullité étaient dénuées de pertinence, non datées ou n’étaient pas probantes. De surcroît, la requérante soutient que la chambre de recours aurait violé le principe d’égalité des armes, le droit à un procès équitable et qu’elle aurait méconnu ses droits de la défense.

55      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

56      En premier lieu, en ce que la requérante invoque une violation de l’article 127 du règlement 2017/1001, il ressort clairement du libellé de cet article que celui-ci s’applique uniquement aux procédures introduites devant les juridictions nationales saisies en tant que tribunaux des marques de l’Union européenne. L’article 127 dudit règlement ne trouve donc pas à s’appliquer dans le cadre d’une procédure en nullité introduite devant l’EUIPO ni ne saurait être interprété en ce qu’il s’oppose à ce que l’EUIPO puisse réexaminer la validité d’une marque.

57      En deuxième lieu, en ce que la requérante reproche à l’EUIPO d’avoir procédé à un nouvel examen d’office du caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée et d’avoir pris en compte d’autres éléments de preuve que ceux fournis par l’intervenante au soutien de sa demande en nullité, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ressort des dispositions des articles 52 et 55 du règlement n° 207/2009 que la marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement [voir arrêt du 29 novembre 2018, Khadi and Village Industries Commission/EUIPO – BNP Best Natural Products (Khadi Ayurveda), T‑683/17, non publié, EU:T:2018:860, point 12 et jurisprudence citée].

58      Ainsi, dans le cadre d’une demande en nullité, il appartient à la personne ayant présenté ladite demande d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [arrêt du 13 septembre 2013, CASTEL, T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28, et ordonnance du 23 novembre 2015, Actega Terra/OHMI – Heidelberger Druckmaschinen (FoodSafe), T‑766/14, non publiée, EU:T:2015:913, point 33]. De surcroît, aux termes de la dernière phrase de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dans le cadre d’une telle procédure, l’EUIPO limite son examen aux moyens et arguments soumis par les parties.

59      Par ailleurs, ainsi qu’il résulte de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dans le cadre du recours formé contre une décision de la division d’annulation, la chambre de recours est compétente pour apprécier l’ensemble des preuves présentées devant la division d’annulation. En outre, il ressort de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, que la chambre de recours a la possibilité de prendre en compte des éléments de preuve présentés pour la première fois devant elle.

60      En l’espèce, premièrement, la chambre de recours a expressément tenu compte, au point 53 de la décision attaquée, du fait que, dans le cadre d’une procédure de nullité, l’examen se limitait aux motifs et arguments soumis par les parties.

61      Deuxièmement, dans sa demande en nullité et dans ses observations devant la division d’annulation, l’intervenante avait soutenu que la marque contestée consistait en une forme de botte qui ne divergeait pas significativement de la norme ou des habitudes du secteur, et que de nombreuses bottes présentant une forme similaire ont été commercialisées, y compris avant 2011. Outre les éléments de preuve et les précédents jurisprudentiels produits au soutien de son argumentation, l’intervenante avait fait valoir qu’il était notoire que la forme protégée par la marque contestée était substantiellement la même que celle des bottes-après ski disponibles sur le marché.

62      Or, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a bien analysé le caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée, et notamment les caractéristiques de celle-ci par rapport aux normes communes ou aux habitudes du secteur, au regard des éléments de preuve soumis par l’intervenante et par la requérante devant la division d’annulation ainsi que de ceux soumis pour la première fois devant la chambre de recours.

63      En effet, s’il ressort des points 35 et 37 de la décision attaquée que la chambre de recours a constaté qu’une partie des éléments de preuve présentés par l’intervenante n’était pas pertinente, il n’en reste pas moins qu’elle n’a pas écarté l’ensemble des éléments de preuve présentés par celle-ci et qu’elle en a bien tenu compte dans son analyse. Il convient notamment de relever que, au point 55 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que l’intervenante avait identifié un certain nombre de produits ressemblant à la marque contestée. Elle a, en particulier, renvoyé aux pièces A 13, A 14 et A 15 produites par l’intervenante ainsi que, plus généralement, à son analyse contenue aux points 35 et 37 de la décision attaquée. De même, aux points 64 et 74 de la décision attaquée, la chambre de recours a renvoyé à des exemples, mentionnés par l’intervenante, de produits commercialisés par différentes marques ayant une origine commerciale distincte des produits de la requérante.

64      Troisièmement, si, ainsi que le fait valoir la requérante, la chambre de recours a effectivement tenu compte d’autres éléments que ceux fournis par l’intervenante, ces éléments consistent en des résultats de recherches sur Internet, obtenus à partir de liens produits par les parties à la procédure de nullité, des éléments de preuve produits par la requérante dans le cadre de la procédure de nullité ainsi que des faits notoires.

65      Or, la présomption de validité des marques enregistrées ne saurait empêcher l’EUIPO, notamment au vu des éléments invoqués par la partie qui remet en cause la validité de la marque contestée, de se fonder non seulement sur ces arguments ainsi que sur les éventuels éléments de preuve joints par cette partie à sa demande en nullité, mais également sur les faits notoires relevés par l’EUIPO dans le cadre de la procédure de nullité (voir arrêt du 29 mars 2019, Forme d’une semelle de chaussure, T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 46 et jurisprudence citée).

66      Or, tout d’abord, les éléments mentionnés au point 64 ci-dessus ont été examinés par la chambre de recours afin de déterminer si la marque contestée différait significativement de la norme ou des habitudes du secteur et ont ainsi été analysés au vu des arguments et des preuves invoqués par l’intervenante, tels qu’identifiés aux points 61 et 63 ci-dessus.

67      Ensuite, s’agissant des appréciations relatives au secteur des chaussures après-ski, contenues aux points 65 et 72 de la décision attaquée, il importe de rappeler que constituent des faits notoires, les faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles [arrêt du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, EU:T:2004:189, point 29]. Ainsi, les affirmations relatives à la forme globale, en « L », des bottes après-ski ainsi qu’à l’utilisation de matériaux synthétiques et légers constituant des faits susceptibles d’être connus par toute personne, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir pris en compte de telles appréciations afin de conforter les éléments de preuve soumis par l’intervenante.

68      Enfin, s’agissant des éléments fournis par la requérante, ceux-ci consistent en des liens vers des sites Internet et des résultats de recherches sur Internet. D’une part, dès lors que ceux-ci ont été produits dans le cadre de la procédure de nullité et faisaient partie du dossier devant l’EUIPO, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’en avoir tenu compte afin de conclure à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, et ce indépendamment du fait qu’elle ait utilisé ces documents pour tirer une conclusion autre que celle à l’appui desquels ils étaient fournis. D’autre part, et en tout état de cause, conformément à la jurisprudence du Tribunal, les sites Internet peuvent être qualifiés de sources généralement accessibles, pourvu que les informations en cause ne soient pas qualifiées de hautement techniques et peuvent, de ce fait, constituer des faits notoires (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2019, Forme d’une semelle de chaussure, T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 52 et jurisprudence citée). Il en résulte que, en toute hypothèse, la chambre de recours a correctement pu fonder son appréciation sur des liens vers des sites Internet visées au point 54 de la décision attaquée, lesquelles correspondaient à de simples recherches sur un moteur de recherches et ne constituaient pas des informations hautement techniques.

69      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas procédé à une réévaluation d’office et ex novo, mais qu’elle a considéré que les allégations de l’intervenante étaient confortées au regard des éléments disponibles dans le dossier de la procédure de nullité, y compris des éléments fournis par la requérante, ainsi que des faits notoires.

70      Quatrièmement, pour autant que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir compensé l’absence de preuves adéquates en fondant sa décision sur les éléments de fait, analysés au cours de la procédure d’enregistrement, force est de constater qu’elle n’indique pas quels sont les éléments qui n’ont pas été invoqués par les parties dans le cadre de la procédure de nullité et qui auraient ainsi été examinés d’office par la chambre de recours.

71      Tout au plus, au point 23 de sa requête, la requérante renvoie, sans autre explication, au point 68 de la décision attaquée, dans laquelle la chambre de recours a fait référence à une information communiquée par la requérante dans le cadre de la procédure d’examen, à savoir le fait que 10 % des bottes présentées dans les éléments de preuve pris en considération par l’examinateur étaient des imitations. Or, d’une part, la chambre de recours ne tire aucune constatation sur la base de cette donnée précise et, d’autre part, les développements subséquents, contenus au point 68 de la décision attaquée, tendent à répondre à l’argument invoqué par la requérante dans le cadre de la procédure de nullité, selon lequel la marque contestée aurait fait l’objet d’imitations. Ainsi, la référence à une information provenant de la procédure d’enregistrement de la marque contestée ne permet pas à elle seule d’établir que la chambre de recours a conclu à la nullité de ladite marque sur la base d’arguments et d’éléments de preuve autres que ceux produits par les parties à la procédure de nullité.

72      Au regard des observations contenues aux points 57 à 71 ci-dessus, il convient de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels la chambre de recours aurait procédé à un examen d’office et ex novo de la validité de la marque contestée.

73      En troisième lieu, en ce que la requérante soutient que l’EUIPO a violé le principe de l’égalité des armes, le droit à un procès équitable ainsi que ses droits de la défense, il y a lieu de relever que la requête ne contient aucun élément venant au soutien de ces griefs. Or, selon l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du 5 mars 2019, Pethke/EUIPO, T‑169/17, non publié, EU:T:2019:135, point 112 et jurisprudence citée). En conséquence, il y a lieu d’écarter ces griefs comme irrecevables.

74      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009

75      En substance, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), et l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 en concluant erronément à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, alors que celle-ci disposait tant d’un caractère distinctif intrinsèque que d’un caractère distinctif acquis. Ce moyen se divise en deux branches, relatives, respectivement, au caractère distinctif intrinsèque et au caractère distinctif acquis de la marque contestée. La seconde branche étant irrecevable, ainsi que constaté point 35 ci-dessus, ci-dessus, il y a seulement lieu d’examiner la première branche, tirée d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

76      La requérante conteste, en premier lieu, la définition du public pertinent et de son niveau d’attention. Elle fait valoir que, une partie du public pertinent étant constitué de consommateurs pratiquant régulièrement le ski et la randonnée, qui seraient préoccupés par les qualités techniques des produits, la chambre de recours aurait dû considérer que le niveau d’attention du public était élevé et non moyen.

77      En deuxième lieu, s’agissant de l’absence de caractère distinctif de la marque en cause, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas suffisamment tenu compte des preuves qu’elle a produites et, notamment, de l’annexe App 3, alors que ces éléments de preuve permettaient d’établir qu’il n’existait pas, au moment de l’enregistrement, d’autres modèles comportant l’ensemble des caractères distinctifs présentés par la marque contestée.

78      En troisième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a erronément fondé le constat de l’absence de caractère distinctif sur le fait qu’elle n’aurait pas agi à l’encontre de l’ensemble des cas de contrefaçon ayant eu lieu sur le marché.

79      En quatrième lieu, la requérante soutient que les preuves apportées par l’intervenante ne permettaient pas d’établir que les consommateurs se sont habitués à la forme concernée, de sorte que celle-ci était dépourvue de caractère distinctif. En particulier, elle soutient que l’intervenante n’est pas parvenue à établir la circulation importante de modèles présentant l’ensemble des caractéristiques présentées par la marque contestée.

80      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

81      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon une jurisprudence constante, sont, en effet, dépourvus de ce caractère les signes qui sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience se révèle positive ou de faire un autre choix si elle se révèle négative [arrêts du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, EU:T:2003:183, point 20, et du 21 janvier 2011, BSH/OHMI (executive edition), T‑310/08, non publié, EU:T:2011:16, point 23].

82      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque, au sens de cette disposition, signifie que la marque en question permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, EU:C:2004:260, point 32, et du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 79).

83      À cet effet, il n’est pas nécessaire que la marque transmette une information précise quant à l’identité du fabricant du produit ou du prestataire de services. Il suffit que la marque permette au public concerné de distinguer le produit ou le service qu’elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale et de conclure que tous les produits ou les services qu’elle désigne ont été fabriqués, commercialisés ou fournis sous le contrôle du titulaire de cette marque, auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité [voir arrêt du 25 avril 2018, Romantik Hotels & Restaurants/EUIPO – Hotel Preidlhof (ROMANTIK), T‑213/17, non publié, EU:T:2018:225, point 17 et jurisprudence citée].

84      Il résulte d’une jurisprudence bien établie que le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 34 et jurisprudence citée).

85      Selon une jurisprudence également constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 26).

86      Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne [voir arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 27 et jurisprudence citée, et du 19 septembre 2012, Fraas/OHMI (Motif à carreaux gris foncé, gris clair, noir, beige, rouge foncé et rouge clair), T‑50/11, non publié, EU:T:2012:442, point 40 et jurisprudence citée].

87      En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 27 et jurisprudence citée, et du 19 septembre 2012, Motif à carreaux gris foncé, gris clair, noir, beige, rouge foncé et rouge clair, T‑50/11, non publié, EU:T:2012:442, point 40 et jurisprudence citée).

88      Il ressort de ces considérations que seule une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur concerné et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n °207/2009 (arrêts du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 31, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 28).

89      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante, tirés d’une erreur d’appréciation du caractère distinctif de la marque en cause.

 Sur les produits en cause et le public pertinent

90      En l’espèce, les produits visés par la marque contestée faisant l’objet de la décision attaquée, tels qu’ils figurent au point 13 de la décision attaquée, sont des « chaussures, semelles ; premières ; talonnettes pour chaussures ; empeignes ».

91      Contrairement à ce que soutient la requérante, les produits en cause ne sont donc pas uniquement des chaussures de ski, mais plus généralement des chaussures ou des bottes d’hiver. En effet, les produits en cause couverts par la marque sont les « chaussures ; semelles ; premières ; talonnettes pour chaussures ; empeignes ».

92      Or, ainsi que la chambre de recours l’a relevé, au point 44 de la décision attaquée, les chaussures, y compris les bottes d’hiver et les chaussures après-ski, sont des produits habituels dont la durée de vie est limitée et le prix n’est pas exorbitant. En conséquence, la chambre de recours a correctement considéré que le public pertinent était le grand public de tous les États membres, doté d’un niveau d’attention moyen.

93      Ce constat n’est pas remis en cause par l’arrêt du 15 novembre 2011, Hrbek/OHMI – Outdoor Group (ALPINE PRO SPORTSWEAR & EQUIPMENT) (T‑434/10, non publié, EU:T:2011:663), invoqué par la requérante. En effet, cet arrêt, qui portait sur une marque enregistrée pour les produits « chaussures et chapellerie de ski », et donc pour des produits techniques et bien spécifiques, n’est pas pertinent en l’espèce.

 Sur l’appréciation de la marque contestée par rapport aux normes et aux habitudes du secteur

94      Force est de constater, en premier lieu, que la requérante ne conteste pas que la marque contestée, qui représente la forme d’une botte, correspondait à la forme de l’un des produits en cause. Ainsi, compte tenu de la jurisprudence exposée aux points 84 à 88 ci-dessus, c’est à juste titre la chambre de recours a examiné si la marque en cause divergeait significativement des habitudes ou des normes du secteur de la chaussure, et plus particulièrement de la chaussure après-ski.

95      À cet égard, il importe de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, afin d’établir si la marque tridimensionnelle diverge significativement des habitudes ou des normes du secteur, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il existe d’autres produits sur le marché reprenant l’ensemble des caractéristiques de la marque contestée. En effet, ainsi que le souligne, à juste titre, la chambre de recours, afin de conclure à l’absence de caractère distinctif, il n’est pas exigé que la marque contestée soit identique aux formes existantes mais que l’impression d’ensemble conférée par cette marque ne diverge pas significativement des normes ou des habitudes du secteur. En d’autres termes, le fait qu’une marque se présente globalement sous une forme qui s’apparente à des variantes du produit habituellement disponibles sur le marché ne permet pas de considérer que la marque, dans son ensemble, diverge de manière significative, des formes habituelles du secteur [voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Erdinger Weißbräu Werner Brombach/EUIPO (Forme d’un grand verre), T‑857/16, non publié, EU:T:2017:754, points 37 et 38].

96      De même, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de la jurisprudence que, aux fins de conclure à l’absence de caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle constituée de la forme de produit, il soit nécessaire que la chambre de recours démontre « de manière forte et non équivoque que les consommateurs ont été exposés à un usage répandu des signes comportant l’ensemble des éléments » ou qu’ils s’y soient « habitués ». D’une part, il résulte du point précédent qu’il n’est pas nécessaire d’établir que la marque contestée est identique à la forme des produits présents sur le marché, mais seulement qu’elle diverge significativement des formes habituelles du secteur. D’autre part, les arrêts du 13 avril 2011, Sociedad Agricola Requingua/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro (TORO DE PIEDRA) (T‑358/09, non publié, EU:T:2011:174), et du 8 mars 2013, Mayer Naman/OHMI – Daniel e Mayer (David Mayer) (T‑498/10, non publié, EU:T:2013:117), invoqués par la requérante au soutien de son argumentation ne sont pas pertinents dans la mesure où ils portent sur des marques verbales ou figuratives et non sur des marques tridimensionnelles constituées de la forme du produit. Or, ainsi qu’il ressort des points 86 à 88 ci-dessus, l’application des critères d’appréciation du caractère distinctif n’est pas la même dans ces deux cas de figure.

97      En deuxième lieu, s’agissant de l’appréciation en tant que telle du caractère distinctif de la marque contestée, il y a lieu de relever, premièrement, que la chambre de recours a constaté, aux points 54 à 56 ainsi qu’au point 64 de la décision attaquée, à partir des liens Internet fournis par la requérante et de certains des éléments de preuve et exemples fournis par l’intervenante dans le cadre de la procédure administrative, et notamment des pièces A 13, A 14 et A 15, qu’il existait sur le marché un certain nombre de produits similaires, voire identiques, au signe contesté et ayant une origine commerciale différente. En particulier, aux points 54 et 55 de la décision attaquée, la chambre de recours a reproduit une quinzaine de bottes dont la forme générale (notamment l’épaisseur de la tige, le système de laçage extérieur ou l’épaisseur de la semelle) est similaire à celle de la marque contestée. Or, mis à part les constatations relatives au pictogramme, reproduit au point 56 de la décision attaquée, la requérante ne conteste pas, en tant que tels, les éléments de preuve pris en compte aux points 54 à 56 et 64 de la décision attaquée ni le fait que les exemples qui y sont visés ont une origine commerciale différente de la marque contestée.

98      Deuxièmement, ainsi qu’il ressort des points 65 et 72 à 74 de la décision attaquée, il est notoire que globalement la forme de la marque contestée correspond à la forme commune des bottes après-ski, lesquelles sont généralement constituées d’une tige haute, souvent dans un matériau synthétique et léger, avec des semelles et des lacets. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 65 ci-dessus, il était loisible à la chambre de recours de prendre en considérations des faits notoires aux fins de l’appréciation des arguments soumis dans le cadre de la procédure de nullité.

99      Troisièmement, ainsi que la chambre de recours l’a constaté, les différentes caractéristiques identifiées par la requérante (voir point 3 ci-dessus) constituaient des détails décoratifs ou techniques qui n’avaient pas d’incidence sur l’apparence globale du produit et constituaient de simples variantes de l’apparence d’une botte après-ski.

100    En particulier, la chambre de recours a correctement relevé, au point 73 de la décision attaquée, que la forme et l’épaisseur des semelles ne constituaient pas une caractéristique distinctive de la marque contestée indiquant l’origine commerciale du produit, mais étaient uniquement une indication de la qualité du produit, et notamment de ses capacités d’adhérence (arrêt du 29 mars 2019, Forme d’une semelle de chaussure, T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 123). De même, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 74 de la décision attaquée, que la position des lacets et des bandes parallèles sur la tige de la botte ainsi que la hauteur de la tige de la botte, n’étaient pas inhabituelles et ne constituaient qu’une variante des formes communément utilisées dans le secteur des bottes après-ski.

101    Il résulte donc de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que les éléments constitutifs de la marque contestée, pris individuellement ainsi que la forme de botte prise dans son ensemble seront perçus par le public pertinent comme des variantes possibles, voire habituelles, de la présentation et de la décoration des bottes d’hiver et des chaussures après-ski, qui font partie des produits en cause dès lors qu’elles se rattachent aux « chaussures » et qui peuvent également inclure des « semelles ; premières ; talonnettes pour chaussures ; empeignes ».

102    Aucun des autres arguments de la requérante ne saurait remettre en cause ce constat.

103    Premièrement, dans la mesure où la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas correctement examiné l’annexe App 3, il convient de relever, d’une part, qu’il ressort des points 54 à 56 de la décision attaquée que la chambre de recours a bien examiné les liens vers les sites Internet fournis par la requérante. D’autre part, la circonstance selon laquelle l’annexe App 3 démontrait qu’il n’existait pas de modèles comportant de manière simultanée l’ensemble des caractéristiques de la marque contestée n’est pas pertinente (voir point 96 ci-dessus), de sorte que la chambre de recours pouvait tout à fait se borner à constater, à partir de certains des liens fournis par la requérante, qu’il existait des modèle similaires à la marque contestée.

104    Deuxièmement, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le pictogramme, reproduit au point 56 de la décision attaquée, représentant un produit fictif prouvait que la forme de la marque contestée était habituelle. Ledit pictogramme se présente comme suit :

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105    À cet égard, il importe de relever, d’une part, que rien ne s’oppose à ce que l’image d’un produit fictif soit prise en compte afin d’examiner la perception par le public des habitudes ou des normes d’un secteur donné. Au contraire, un tel document est susceptible de refléter l’imaginaire collectif en ce qui concerne la représentation d’un produit donné. D’autre part, et en tout état de cause, la chambre de recours n’a pas fondé ses appréciations sur ce seul document, mais sur tout un faisceau concordant d’éléments de preuve et de faits notoires, de sorte que les arguments de la requérante relatifs à cet élément de preuve précis ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de la chambre de recours.

106    Troisièmement, dans la mesure où la requérante fait valoir que la chambre de recours ne pouvait conclure à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée alors qu’elle a relevé que les preuves soumises par l’intervenante étaient sans pertinence, non datées et non probantes, il importe de souligner que, si la chambre de recours a effectivement constaté que certains éléments de preuve fournis par l’intervenante n’étaient pas pertinents, elle n’a pas écarté l’ensemble des éléments de preuve fournis par l’intervenante. Au contraire, la chambre de recours a bien pris en compte les pièces A 13, A 14 et A 15 fournies par l’intervenante dans le cadre de sa demande en nullité. De plus, ainsi qu’il a été exposé aux points 97 à 100 ci-dessus, la chambre de recours a correctement considéré, sur la base des éléments de preuve fournis par l’intervenante pris ensemble avec les éléments versés au dossier par la requérante et les faits notoires exposés dans la décision attaquée, que la marque contestée ne divergeait pas significativement des normes et des habitudes du secteur de la chaussure.

107    Quatrièmement, dans la mesure où la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fondé ses appréciations sur un petit nombre de modèles et sans qu’aucune indication claire de la date ou de l’ampleur de la circulation sur le marché des exemples de bottes après-ski n’ait été fournie, il suffit de relever, d’une part, que la chambre de recours a identifié, aux points 54 et 55 de la décision attaquée, une quinzaine de modèles similaires à la marque contestée, et que ces exemples ne constituent qu’une partie des éléments pris en compte par la chambre de recours, parmi lesquels l’existence de faits notoires. D’autre part, les produits reproduits aux points 54 et 55 de la décision attaquée ont été identifiés à partir des liens initialement produits par la requérante lors de la procédure d’enregistrement de la marque contestée, et reflètent donc le marché à la date du dépôt de la demande.

108    Cinquièmement, il convient de rejeter les arguments de la requérante tendant à contester les appréciations contenues aux points 66 à 68 de la décision attaquée, relatives à la question de l’imitation de la marque contestée.

109    D’une part, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas fondé ses conclusions relatives à l’absence de caractère distinctif intrinsèque sur le fait qu’elle n’aurait pas agi à l’encontre de l’ensemble des cas de contrefaçon ayant eu lieu sur le marché. En effet, les considérations exposées aux points 66 à 69 de la décision attaquée ont pour seul objet de répondre aux arguments de la requérante, selon lesquels des actions en contrefaçon auraient été entreprises suite aux tentatives de ses concurrents d’imiter son produit, et ne tendent pas à démontrer l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée. Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait erronément relevé que, selon l’arrêt du 21 mai 2014, Bateaux mouches/OHMI (BATEAUX-MOUCHES) (T‑553/12, non publié, EU:T:2014:264), le fait que la marque en cause soit imitée à grande échelle ne va pas dans le sens d’une constatation d’un caractère distinctif, doit être écarté comme inopérant. En effet, la chambre de recours n’a pas fondé son appréciation du caractère distinctif de la marque en cause sur la base de cette jurisprudence, et ce d’autant plus qu’elle n’a pas examiné un éventuel caractère distinctif acquis par l’usage mais uniquement le caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée.

110    D’autre part, et en tout état de cause, il convient de relever que la présence sur le marché de formes qui seraient de potentielles contrefaçons est sans incidence sur l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée au regard de sa perception par le public pertinent (voir arrêt du 28 juin 2019, Forme d’un corps de guitare, T‑340/18, non publié, EU:T:2019:455, point 40 et jurisprudence citée).

111    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen et partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

112    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

113    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tecnica Group SpA est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Zeitneu GmbH.

Tomljenović

Schalin

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 janvier 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.