Language of document : ECLI:EU:T:2020:612

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 décembre 2020 (*)

« Concours financier au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe pour la période 2014-2020 – Domaine des infrastructures énergétiques transeuropéennes – Appels à propositions – Recours en carence – Absence d’invitation à agir – Irrecevabilité – Recours en annulation – Acte non susceptible de recours – Acte préparatoire – Irrecevabilité partielle – Décision refusant une proposition – Erreurs manifestes d’appréciation – Obligation de motivation – Compétence de la Commission »

Dans les affaires jointes T‑236/17 et T‑596/17,

Balti Gaas OÜ, établie à Tallinn (Estonie), représentée par Me E. Tamm, avocate,

partie requérante,

soutenue par

République d’Estonie, représentée par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes O. Beynet et Y. Marinova, en qualité d’agents,

et

Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA), représentée par M. I. Ramallo et Mme L. Di Paolo, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre de l’INEA du 17 février 2017 relative à la proposition de la requérante en réponse au second appel à propositions lancé pour 2016 dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), sur la base du programme de travail pluriannuel adopté dans le cadre de la décision d’exécution C(2016) 1587 final de la Commission, du 17 mars 2016, modifiant la décision d’exécution C(2014) 2080 de la Commission établissant le programme de travail pluriannuel pour l’octroi d’un concours financier dans le domaine des infrastructures énergétiques transeuropéennes au titre du MIE pour la période 2014-2020 (affaire T‑236/17), et, d’autre part, à titre principal, une demande fondée sur l’article 265 TFUE et tendant à faire constater que la Commission s’est illégalement abstenue d’adopter une décision motivée relative à ladite proposition de la requérante et, à titre subsidiaire, une demande tendant à l’annulation de la décision d’exécution C(2017) 1593 final de la Commission, du 14 mars 2017, relative à la sélection et à l’octroi de subventions pour des actions contribuant aux projets d’intérêt commun au titre du MIE dans le domaine des infrastructures énergétiques transeuropéennes (affaire T‑596/17),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. J. Schwarcz, faisant fonction de président, C. Iliopoulos (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Sur le règlement MIE

1        Le règlement (UE) no 1316/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, établissant le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, modifiant le règlement (UE) no 913/2010 et abrogeant les règlements (CE) no 680/2007 et (CE) no 67/2010 (JO 2013, L 348, p. 129, ci-après le « règlement MIE »), crée le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) visant à accélérer l’investissement dans le domaine des réseaux transeuropéens.

2        Le considérant 48 du règlement MIE énonce ce qui suit :

« Les projets d’intérêt commun dans les domaines de l’électricité, du gaz et du dioxyde de carbone devraient pouvoir obtenir un concours financier de l’Union pour des études et, sous certaines conditions pour des travaux, sous la forme de subventions ou d’instruments financiers novateurs. Cette approche garantira qu’un soutien sur mesure est apporté aux projets d’intérêt commun qui ne sont pas viables au regard du cadre réglementaire et des conditions du marché existants. Dans le domaine de l’énergie, il importe de prévenir toute distorsion de concurrence, notamment entre les projets contribuant à la réalisation des mêmes corridors prioritaires de l’Union. Un tel concours financier devrait assurer les synergies nécessaires avec les Fonds structurels et d’investissement européens, qui financeront les réseaux intelligents de distribution d’énergie d’importance locale ou régionale. Une logique en trois étapes s’applique aux investissements dans des projets d’intérêt commun. Tout d’abord, les investissements devraient être proposés en priorité au marché. Ensuite, si les investissements ne sont pas réalisés par le marché, des solutions réglementaires devraient être envisagées, au besoin en ajustant le cadre réglementaire concerné et en veillant à sa bonne application. Enfin, si les deux premières étapes ne suffisent pas à garantir les investissements nécessaires dans des projets d’intérêt commun, un concours financier de l’Union pourrait être octroyé si le projet d’intérêt commun remplit les critères d’éligibilité applicables. »

3        Le considérant 55 du règlement MIE prévoit :

« Compte tenu des ressources disponibles à l’échelle de l’Union, il est nécessaire de se concentrer sur des projets présentant une très grande valeur ajoutée européenne afin d’obtenir les résultats souhaités […] Dans le secteur de l’énergie, le concours financier devrait essentiellement viser à achever le marché intérieur de l’énergie, à garantir la sécurité d’approvisionnement, à promouvoir la durabilité, notamment en assurant la transmission d’énergie électrique renouvelable des générateurs vers les principaux centres de consommation et de stockage, et à attirer les investissements privés […] »

4        L’article 3 du règlement MIE définit les objectifs généraux du MIE pour permettre la préparation et la mise en œuvre de projets d’intérêt commun (ci-après les « PIC ») dans le cadre de la politique en matière de réseaux transeuropéens dans les secteurs des transports, des télécommunications et de l’énergie. L’article 4 prévoit des objectifs spécifiques pour chacun des trois secteurs.

5        L’article 7 du règlement MIE, intitulé « Éligibilité et conditions du concours financier », précise :

« 1. Seules les actions qui contribuent à des [PIC] en conformité avec […] le règlement (UE) no 347/2013 […], ainsi que les actions de soutien du programme peuvent bénéficier d’un concours financier de l’Union sous forme de subventions, de passations de marchés et d’instruments financiers.

[…]

3. Dans le secteur de l’énergie, toutes les actions mettant en œuvre des [PIC] portant sur les corridors et domaines prioritaires visés dans la partie II de l’annexe I du présent règlement et qui répondent aux conditions énoncées à l’article 14 du règlement (UE) n° 347/2013, ainsi que les actions de soutien au programme, peuvent bénéficier d’un concours financier de l’Union sous forme d’instruments financiers, de passations de marchés et de subventions au titre du présent règlement.

Afin de permettre le meilleur usage du budget de l’Union afin de renforcer l’effet multiplicateur du concours financier de l’Union, la Commission apporte un concours financier en priorité sous forme d’instruments financiers, le cas échéant, sous réserve de la réponse des marchés, tout en respectant le plafond prévu pour l’utilisation d’instruments financiers conformément à l’article 14, paragraphe 2, et [à] l’article 21, paragraphe 4.

[…] »

6        L’article 8 du règlement MIE, intitulé « Formes de subventions et coûts éligibles », dispose :

« 1. Les subventions relevant du présent règlement peuvent prendre l’une des formes prévues par le règlement (UE) no 966/2012.

Les programmes de travail visés à l’article 17 du présent règlement établissent les formes de subventions qui peuvent être utilisées pour financer les actions concernées.

[…] »

7        L’article 17 du règlement MIE, intitulé « Programmes de travail pluriannuels et/ou annuels », prévoit :

« 1. La Commission adopte, par la voie d’actes d’exécution, des programmes de travail pluriannuels et annuels pour chacun des secteurs des transports, des télécommunications et de l’énergie […] Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 25, paragraphe 2.

[…]

5. La Commission, lorsqu’elle adopte les programmes de travail pluriannuels et annuels pour chaque secteur, définit les critères de sélection et d’attribution conformément aux objectifs et priorités énoncés aux articles 3 et 4 du présent règlement ainsi que dans [le règlement] (UE) n° 347/2013 [...] Lors de l’établissement des critères d’octroi, la Commission prend en considération les orientations générales énoncées dans la partie V de l’annexe I du présent règlement.

[…] »

8        L’article 18 du règlement MIE, intitulé « Octroi du concours financier de l’Union », est rédigé comme suit :

« 1. À la suite de chaque appel à propositions et sur la base des programmes de travail pluriannuels ou annuels visés à l’article 17, la Commission décide, conformément à la procédure d’examen visée à l’article 25, du montant du concours financier à octroyer aux projets sélectionnés ou à des parties de ceux-ci. Elle précise les conditions et modalités de mise en œuvre.

[…] »

9        L’article 25 du règlement MIE, intitulé « Comité », précise :

« 1. La Commission est assistée par le comité de coordination du MIE. Il s’agit d’un comité au sens du règlement (UE) no 182/2011.

[…] »

 Sur le règlement financier

10      L’article 132 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), intitulé « Critères de sélection et d’attribution », prévoit ce qui suit :

« 1. Les critères de sélection préalablement annoncés dans l’appel à propositions permettent d’évaluer la capacité du demandeur à mener à son terme l’action ou le programme de travail proposé.

2. Les critères d’attribution préalablement annoncés dans l’appel à propositions permettent d’évaluer la qualité des propositions soumises au regard des objectifs et des priorités fixées.

[…] »

11      L’article 133 du règlement financier, intitulé « Procédure d’évaluation », indique :

« 1. Les propositions sont évaluées, sur la base de critères de sélection et d’attribution préalablement annoncés, afin de déterminer les propositions susceptibles de bénéficier d’un financement.

2. L’ordonnateur compétent arrête, sur la base de l’évaluation prévue au paragraphe 1, la liste des bénéficiaires et les montants retenus.

3. L’ordonnateur compétent informe par écrit le demandeur des suites réservées à sa demande. En cas de non-octroi de la subvention demandée, l’institution concernée communique les motifs du rejet de la demande au regard notamment des critères de sélection et d’attribution.

4. La Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 210 en ce qui concerne les modalités relatives à l’évaluation et à l’attribution des subventions et aux informations aux demandeurs. »

 Sur le règlement RTE-E

12      Le considérant 7 du règlement (UE) no 347/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2013, concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, et abrogeant la décision no 1364/2006/CE et modifiant les règlements (CE) no 713/2009, (CE) no 714/2009 et (CE) no 715/2009 (JO 2013, L 115, p. 39, ci-après le « règlement RTE-E ») énonce ce qui suit :

« Il est essentiel d’accélérer la rénovation des infrastructures énergétiques existantes et d’en construire de nouvelles pour atteindre les objectifs des politiques énergétique et climatique de l’Union, à savoir achever le marché intérieur de l’énergie, garantir la sécurité de l’approvisionnement, notamment pour le gaz et le pétrole, réduire de 20 % (30 % si les conditions sont réunies) les émissions de gaz à effet de serre, porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie et augmenter de 20 % l’efficacité énergétique d’ici à 2020, les gains d’efficacité énergétique pouvant contribuer à réduire la nécessité de construire de nouvelles infrastructures. Dans le même temps, l’Union doit préparer ses infrastructures pour poursuivre la décarbonisation de son système énergétique sur le long terme à l’horizon 2050. Par conséquent, le présent règlement devrait également être en mesure d’intégrer les éventuels objectifs futurs de la politique énergétique et climatique de l’Union. »

13      L’article 3 du règlement RTE-E, intitulé « Liste des [PIC] de l’Union », dispose :

« […]

3. L’organe de décision de chaque groupe adopte une liste régionale de propositions de [PIC], dressée conformément à la procédure énoncée à l’annexe III, partie 2, en fonction de la contribution de chaque projet à la mise en œuvre des corridors et domaines prioritaires en matière d’infrastructures énergétiques et de leur conformité avec les critères énoncés à l’article 4.

Lorsqu’un groupe dresse sa liste régionale :

a)      chaque proposition individuelle de [PIC] requiert l’approbation des États membres dont le territoire est concerné par le projet ; si un État membre refuse de donner son approbation, il présente les motifs de ce refus au groupe concerné ;

b)      il tient compte de l’avis de la Commission visant à disposer d’un nombre total de [PIC] qui soit gérable.

4. La Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 16, qui fixe la liste des [PIC] de l’Union (ci-après dénommée « liste de l’Union »), sous réserve de l’article 172, deuxième alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La liste de l’Union prend la forme d’une annexe au présent règlement.

Dans l’exercice de ses compétences, la Commission veille à ce que la liste de l’Union soit dressée tous les deux ans, sur la base des listes régionales adoptées par les organes de décision des groupes, comme l’indique l’annexe III, partie 1, point 2), conformément à la procédure énoncée au paragraphe 3 du présent article.

La première liste de l’Union est adoptée au plus tard le 30 septembre 2013.

[…] »

14      L’article 4 du règlement RTE-E, intitulé « Critères applicables aux [PIC] » prévoit ce qui suit :

« 1. Les [PIC] satisfont aux critères généraux suivants :

a)      le projet est nécessaire au minimum à l’un des corridors ou domaines prioritaires en matière d’infrastructures énergétiques ;

b)      les avantages globaux potentiels du projet évalués conformément aux critères spécifiques respectifs du paragraphe 2 l’emportent sur les coûts qu’il représente, y compris à long terme ; et

c)      le projet satisfait à l’un des critères suivants :

i)      il concerne au minimum deux États membres en traversant directement la frontière de deux ou plusieurs États membres ;

ii)      il est situé sur le territoire d’un État membre et a une incidence transfrontalière importante, comme il est énoncé à l’annexe IV, point 1) ;

iii)      il traverse au minimum la frontière d’un État membre et d’un État de l’Espace économique européen.

2. Les critères spécifiques suivants s’appliquent aux [PIC] relevant des catégories spécifiques d’infrastructures énergétiques :

[…]

b)      pour les projets relatifs au gaz relevant des catégories d’infrastructures énergétiques énoncées à l’annexe II, point 2), le projet doit contribuer de manière significative à la réalisation d’au moins l’un des critères spécifiques suivants :

i)      intégration du marché, entre autres en mettant fin à l’isolement d’au moins un État membre et en réduisant les goulets d’étranglement des infrastructures énergétiques ; interopérabilité et flexibilité du système ;

ii)      sécurité de l’approvisionnement, entre autres par des connexions appropriées et la diversification des sources d’approvisionnement, des partenaires fournisseurs et des voies d’approvisionnement ;

iii)      concurrence, entre autres grâce à la diversification des sources d’approvisionnement, des partenaires fournisseurs et des voies d’approvisionnement ;

iv)      durabilité, entre autres par la réduction des émissions, le soutien à la production intermittente d’énergie à partir de sources d’énergie renouvelables et l’amélioration du développement du gaz renouvelable ;

[…] »

15      L’article 5 du règlement RTE - E, intitulé « Mise en œuvre et suivi », précise notamment : 

« […] 

4. Au plus tard le 31 mars de chaque année suivant l’année de l’inscription d’un [PIC] sur la liste de l’Union au titre de l’article 3, les promoteurs de projets soumettent un rapport annuel, pour chaque projet relevant des catégories énoncées à l’annexe II, points 1) et 2), à l’autorité compétente visée à l’article 8, et à l’Agence ou, pour les projets relevant des catégories énoncées à l’annexe II, points 3) et 4), au groupe concerné. Ce rapport précise :

a)      les progrès réalisés dans le développement, la construction et la mise en service du projet, notamment en ce qui concerne la procédure d’octroi des autorisations et la procédure de consultation ;

b)      le cas échéant, les retards par rapport au plan de mise en œuvre, les raisons de ces retards et les autres difficultés rencontrées ;

c)      le cas échéant, un plan révisé visant à remédier aux retards. »

16      L’article 14 du règlement RTE-E, intitulé « Éligibilité des projets à une aide financière de l’Union », indique : 

« 1. Les [PIC] relevant des catégories prévues à l’annexe II, points 1), 2) et 4), sont éligibles à une aide financière de l’Union sous la forme de subventions pour des études et d’instruments financiers.

2. Les [PIC] relevant des catégories prévues à l’annexe II, point 1), a) à d), et à l’annexe II, point 2), à l’exclusion des projets de stockage de l’électricité par pompage et turbinage, sont également éligibles à une aide financière de l’Union sous la forme de subventions pour des travaux à condition qu’ils répondent à tous les critères suivants :

a)      l’analyse des coûts et avantages spécifiques du projet en vertu de l’article 12, paragraphe 3, point a), apporte des éléments de preuve concernant l’existence d’externalités positives significatives, telles que la sécurité de l’approvisionnement, la solidarité ou l’innovation ;

b)      le projet a bénéficié d’une décision de répartition transfrontalière des coûts en vertu de l’article 12 ; ou, pour les [PIC] relevant de la catégorie prévue à l’annexe II, point 1) c), et ne bénéficiant donc pas d’une décision de répartition transfrontalière des coûts, le projet vise à fournir des services transfrontaliers, à apporter une innovation technologique et à assurer la sécurité de l’exploitation transfrontalière du réseau ;

c)      le projet n’est pas viable commercialement selon le plan d’affaires et les autres évaluations réalisées, notamment par des investisseurs ou créanciers potentiels ou par l’autorité de régulation nationale. La décision relative aux mesures incitatives et sa justification visées à l’article 13, paragraphe 2, sont prises en compte pour évaluer la viabilité commerciale du projet.

[…] »

 Antécédents du litige

17      Le 17 mars 2016, la Commission européenne a adopté, par la décision d’exécution C(2016) 1587 final, modifiant la décision d’exécution C(2014) 2080 de la Commission établissant le programme de travail pluriannuel pour l’octroi d’un concours financier dans le domaine des infrastructures énergétiques transeuropéennes au titre du MIE pour la période 2014-2020 (ci-après la « décision sur le programme de travail pluriannuel »), le programme de travail pluriannuel 2014-2020. Dans son annexe, la décision sur le programme de travail pluriannuel expose en détail le budget maximal autorisé pour la mise en œuvre dudit programme.

18      Au point 6.5 de l’annexe de la décision sur le programme de travail pluriannuel, sous le titre « Critères d’octroi des subventions », il est indiqué ce qui suit :

« Les propositions seront évaluées sur la base des critères d’octroi suivants et compte tenu des orientations générales visées à l’article 17, paragraphe 5, et à la partie V de l’annexe du règlement MIE :

(1) degré de maturité de l’action dans l’évolution du projet, sur la base du plan de mise en œuvre (article 5, paragraphe 1, du règlement RTE - E) ;

(2) dimension transfrontalière de l’action, zone d’impact et nombre d’États membres associés à l’action ;

(3) portée de l’externalité positive découlant de l’action impliquant des travaux, incidence de l’action sur la solidarité ;

(4) nécessité de surmonter des obstacles financiers ;

(5) solidité du plan de mise en œuvre proposé pour l’action ;

(6) effet stimulant de l’aide financière au titre du MIE sur l’achèvement de l’action ;

(7) priorité et urgence de l’action : le projet éliminera-t-il des goulets d’étranglement, mettra-t-il fin à l’isolement énergétique et contribuera-t-il à l’achèvement du marché intérieur de l’énergie ?

[…] »

19      Le 30 juin 2016, l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA), mise en place en 2014 par la décision d’exécution 2013/801/UE de la Commission, du 23 décembre 2013, instituant l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux, et abrogeant la décision 2007/60/CE modifiée par la décision 2008/593/CE (JO 2013, L 352, p. 65), a publié le second appel à propositions (ci-après « l’appel à propositions du 30 juin 2016 ») dans le cadre du MIE pour la période 2014-2020 dans le domaine de l’énergie, assurant l’intervention de fonds publics d’un montant de 600 millions d’euros pour financer des PIC dans le secteur de l’énergie, à savoir l’électricité et le gaz. Selon l’échéancier contenu au point 5 de l’appel à propositions, le délai pour la soumission des propositions de projets était fixé au 8 novembre 2016, la consultation du comité de coordination du MIE devait intervenir en février 2017 et l’adoption par la Commission d’une décision relative à l’octroi de subventions était prévue pour le mois de mars 2017.

20      Au point 9 de l’appel à propositions du 30 juin 2016, sous le titre « Critères d’attribution », sont reproduits les critères d’octroi des subventions mentionnés au point 18 ci-dessus, complétés par des explications et des indicateurs de pondération aux fins de l’évaluation.  En outre, il est indiqué que, lors de l’évaluation, chaque critère d’attribution se verra attribuer une note comprise entre 0 (très pauvre) et 5 (excellent) points et le seuil d’acceptation minimal pour chaque critère d’attribution est de 60 % (3 points avant pondération) afin d’être recommandé pour l’attribution du financement.  En raison de la complexité de l’évaluation et du degré de spécialisation requis, la Commission était assistée, pour l’évaluation technique des cinq premiers critères d’attribution (mentionnés au point 18 ci-dessus), par des experts externes.  

21      Le même jour, la Commission a publié un communiqué de presse indiquant également que le délai pour la soumission des propositions de projets était fixé au 8 novembre 2016 et que l’adoption d’une décision relative à l’octroi de subventions était prévue pour le mois de mars 2017.

22      La Commission a élaboré un guide des candidats, disponible sur le site Internet de l’INEA. Au point 4.5 de ce guide, sous le titre « Partie D : information technique et financière », points 3.1 à 3.19, les critères d’octroi des subventions mentionnés au point 18 ci-dessus sont de nouveau reproduits, enrichis par des explications complémentaires. En outre, l’INEA a organisé une journée d’information pour les candidats potentiels.  

23      Le 8 novembre 2016, la requérante, Balti Gaas OÜ, une société établie à Tallinn (Estonie) dont l’activité réside dans le développement de projets et l’exploitation ultérieure du terminal de gaz naturel liquéfié de Paldiski (Estonie), a soumis une proposition de soutien financier (ci-après « la proposition du 8 novembre 2016 ») conformément à l’appel à propositions du 30 juin 2016. La proposition du 8 novembre 2016 visait un montant de 136 715 600 euros dans le cadre du projet concernant la construction et la mise en service du terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) de Paldiski (ci-après le « projet Paldiski »). Cette proposition a été jugée recevable et, en conséquence, admise aux fins de l’évaluation.

24      En outre, le règlement délégué (UE) no 1391/2013 de la Commission, du 14 octobre 2013, modifiant le [règlement RTE - E], en ce qui concerne la liste des [PIC] de l’Union (JO 2013, L 349, p. 28), avait déjà reconnu le projet Paldiski en tant que PIC au sens de l’article 3, paragraphe 4 du règlement RTE-E pour le corridor prioritaire « Plan d’interconnexion des marchés énergétiques de la Baltique pour le gaz (“PIMERB Gaz”) ». Ce statut de PIC a été maintenu par le règlement délégué (UE) 2016/89 de la Commission, du 18 novembre 2015, modifiant le [règlement RTE-E] en ce qui concerne la liste des [PIC] de l’Union (JO 2016, L 19, p. 1), jusqu’à l’entrée en vigueur de la troisième liste des PIC de l’Union définie par le règlement délégué (UE) 2018/540 de la Commission, du 23 novembre 2017, modifiant le [règlement RTE - E], en ce qui concerne la liste des [PIC] de l’Union (JO 2018, L 90, p. 38), sur laquelle le projet Paldiski ne figurait plus.

25      Le 17 février 2017, l’INEA a envoyé un courriel à la requérante, signé par l’équipe de l’INEA chargée de l’évaluation (INEA Evaluation Team), auquel a été jointe une lettre, signée par le chef de l’unité R1 de l’INEA (ci-après la « lettre du 17 février 2017 »). Le texte de cette lettre est le suivant :

« […]

Suite à l’appel à propositions dans le cadre du […] MIE[,] secteur de l’énergie […], publié le 30 juin 2016, l’évaluation des propositions éligibles a eu lieu et la Commission a établi une liste des propositions admises à bénéficier d’un concours financier de l’Union. Le 17 février 2017, le comité de coordination du MIE […] a rendu un avis favorable concernant ce projet de liste.

Nous sommes au regret de vous informer que votre proposition n’a pas été retenue dans le cadre de la procédure en question, étant donné qu’elle n’a pas atteint, pour chaque critère évalué, un résultat d’au moins 60 % (au moins 3 points avant pondération) du maximum de points prévus par critère.

Critères d’octroi

Notes attribuées

Pondération

1. Degré de maturité de l’action

3

20 %

2. Dimension transfrontalière

2

10 %

3. Portée de l’externalité positive

3

15 %

4. Nécessité de surmonter des obstacles financiers

2

15 %

5. Solidité du plan de mise en œuvre proposé pour l’action

3

10 %

6. Priorité et urgence de l’action

2

15 %

7. Effet stimulant de l’aide financière au titre du MIE

1

15 %

Note finale pondérée

230


[…]

L’objectif de l’action est la construction et la mise en service du terminal GNL de Paldiski (Estonie). Le degré global de maturité de l’action est bon, mais il est peu probable que la construction du projet débutera dans les prochains mois. La proposition ne démontre pas la dimension transfrontalière de l’action étant donné que les prétendus avantages en termes de sécurité de l’approvisionnement et de solidarité dans la région sont seulement allégués et il n’apparaît pas qu’ils apportent une réelle valeur ajoutée pour la région. La proposition ne parvient à démontrer que de manière limitée les externalités significatives dans la région de la mer Baltique orientale en termes de sécurité de l’approvisionnement, compte tenu de l’infrastructure qui existe déjà (terminal GNL de Klaipėda, Lituanie) et de l’infrastructure en cours de développement (Balticconnector et renforcement des interconnexions entre l’Estonie et la Lettonie et entre la Lettonie et la Lituanie) ; nous considérons notamment à l’égard de l’Estonie que la sécurité régionale du niveau d’approvisionnement est suffisante sans le terminal de Paldiski et que les avantages en résultant pour la Finlande sont contestables. La proposition ne démontre pas de manière convaincante l’application du principe de solidarité. La proposition et en particulier l’analyse des coûts et avantages ainsi que la décision de répartition transfrontalière des coûts ne démontrent pas clairement les raisons pour lesquelles l’action ne peut être financée par d’autres sources que le MIE, y compris les systèmes tarifaires nationaux, et qu’un financement de l’Union européenne est nécessaire (à un taux de cofinancement de cette importance) afin de surmonter les obstacles financiers. En outre, les données financières présentées indiquent une valeur actuelle nette positive même en l’absence d’une subvention du MIE.

La procédure ayant pour objet l’adoption par la Commission […] d’une décision relative à l’octroi de subventions […] est en cours. Dans le cas peu probable où l’adoption de cette décision aboutirait à des changements en ce qui concerne votre proposition, vous en serez informé séparément par courriel.

[…]

Toute demande […] ou toute plainte que vous introduiriez au titre de la mauvaise administration n’aur[a] ni pour objet ni pour effet de suspendre le délai imparti pour former un recours en annulation de la décision de la Commission qui vous est notifiée par le présent message, un tel recours devant être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent message […] »  

26      Le 14 mars 2017, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2017) 1593 final, relative à la sélection et à l’octroi de subventions pour des actions contribuant aux PIC au titre du MIE dans le domaine des infrastructures énergétiques transeuropéennes (ci-après la « décision attaquée » ou la « décision de la Commission du 14 mars 2017 »). Ladite décision approuve la liste des PIC dans le domaine du MIE qui ont été admis à bénéficier d’un concours financier de l’Union européenne ainsi que les plafonds respectifs de l’aide financière. Au total, 18 des 23 propositions ont été retenues pour recevoir une assistance financière.

27      La décision attaquée n’a pas été notifiée individuellement à la requérante. Cette décision a été publiée le même jour, à savoir le 14 mars 2017, dans le registre en ligne de documents de la Commission et, séparément, sur le site Internet de l’INEA.

28      Par lettre du 5 juin 2017, la requérante a demandé à la Commission de lui envoyer une copie de sa décision relative à la proposition du 8 novembre 2016.

29      Le 3 juillet 2017, la Commission a transmis à la requérante la décision attaquée ainsi que les documents préparatoires à la réunion du comité de coordination du MIE du 17 février 2017.

 Procédure et conclusions des parties

 Sur la procédure dans l’affaire T236/17

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 avril 2017, la requérante a introduit le recours dans l’affaire T‑236/17.

31      Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal respectivement les 14 et 18 juillet 2017, la Commission et l’INEA ont soulevé des exceptions d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal.

32      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 août 2017, la République d’Estonie a demandé à intervenir dans l’affaire T‑236/17 au soutien des conclusions de la requérante.

33      La requérante a présenté, le 15 septembre 2017, ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité.

34      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 octobre 2017, la requérante a demandé la jonction de l’affaire T‑236/17 à l’affaire enregistrée sous la référence T‑596/17. L’INEA a déposé des observations sur la demande de jonction le 6 octobre 2017. Par décision du 21 décembre 2017, le président de la quatrième chambre du Tribunal a décidé de ne pas joindre les deux affaires à ce stade de la procédure.

35      Par mesure d’organisation de la procédure du 27 juillet 2018, le Tribunal a invité les parties à lui faire part de leurs observations sur les conséquences qu’il y avait lieu de tirer de l’arrêt du 28 juin 2018, Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission (C‑635/16 P, EU:C:2018:510), par lequel la Cour a annulé l’ordonnance du 11 octobre 2016, Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission (T‑564/15, non publiée, EU:T:2016:611), et renvoyé l’affaire devant le Tribunal, au regard de l’examen des exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission et l’INEA dans la présente affaire.

36      L’INEA, la Commission et la requérante ont déféré à cette demande respectivement les 3, 6 et 21 août 2018. L’INEA a déclaré, en réponse à la question écrite posée par le Tribunal, que, dans la mesure où la requérante avait introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision de la Commission du 14 mars 2017 (affaire T‑596/17), le recours dans l’affaire T‑236/17 n’avait plus d’objet. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 août 2018, la requérante a demandé la jonction de l’affaire T‑236/17 à l’affaire enregistrée sous la référence T‑596/17.

37      Par ordonnance du 10 décembre 2018, le Tribunal a décidé de joindre au fond les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission et l’INEA.

 Sur la procédure dans l’affaire T596/17

38      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 septembre 2017, la requérante a introduit le recours dans l’affaire T‑596/17. Par le même acte, la requérante a demandé la jonction de l’affaire T‑596/17 à l’affaire enregistrée sous la référence T‑236/17.

39      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 30 novembre 2017, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure.

40      Par décision du 21 décembre 2017, le président de la quatrième chambre du Tribunal a décidé de ne pas joindre, à ce stade de la procédure, l’affaire T‑596/17 à l’affaire enregistrée sous la référence T‑236/17.

41      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 janvier 2018, la République d’Estonie a demandé à intervenir dans l’affaire T‑596/17 au soutien des conclusions de la requérante.

42      La requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 17 janvier 2018.

43      Par ordonnance du 10 décembre 2018, le Tribunal a décidé de joindre au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 Sur la procédure dans les affaires jointes T236/17 et T596/17

44      Par décision du 11 janvier 2019, le président de la quatrième chambre a joint les affaires T‑236/17 et T‑596/17 aux fins de la phase écrite et de la phase orale de la procédure ainsi qu’aux fins de la décision mettant fin à l’instance.

45      La Commission et l’INEA ont déposé les mémoires en défense respectivement le 27 et le 28 février 2019.

46      Par décision du 11 mars 2019, le président de la quatrième chambre a admis la République d’Estonie à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

47      Le 25 avril 2019, la requérante a déposé une réplique au greffe du Tribunal.

48      Le même jour, la République d’Estonie a déposé un mémoire en intervention.

49      La Commission et l’INEA ont déposé les observations sur le mémoire en intervention respectivement le 23 et le 24 mai 2019.

50      L’INEA et la Commission ont déposé les dupliques respectivement le 28 juin et le 1er juillet 2019.

51      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

52      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

53      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 8 juillet 2020.

 Sur les conclusions des parties

 Conclusions dans l’affaire T236/17

54      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre du 17 février 2017 ;

–        condamner la Commission et l’INEA aux dépens.

55      Dans leurs exceptions d’irrecevabilité respectives, la Commission et l’INEA concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

56      Dans ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission et l’INEA ;

–        annuler la lettre du 17 février 2017 ;

–        condamner la Commission et l’INEA aux dépens.

 Conclusions dans l’affaire T596/17

57      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer, en vertu de l’article 265, paragraphe 3, TFUE, que la Commission n’a pas respecté ses obligations au titre du droit de l’Union en s’abstenant d’adopter une décision motivée relative à la proposition du 8 novembre 2016 et enjoindre à la Commission de procéder à une évaluation exhaustive de cette proposition en vue d’adopter une décision motivée et de la lui communiquer ;

–        subsidiairement, dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait que les conditions requises pour constater l’abstention de la Commission ne sont pas remplies, annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

58      Au soutien de l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

59      Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        déclarer, en vertu de l’article 265, paragraphe 3, TFUE, que la Commission n’a pas respecté ses obligations au titre du droit de l’Union en s’abstenant d’adopter une décision motivée relative à la proposition du 8 novembre 2016 et enjoindre à la Commission de procéder à une évaluation exhaustive de cette proposition en vue d’adopter une décision motivée et de la lui communiquer ;

–        subsidiairement, dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait que les conditions requises pour constater l’abstention ne sont pas remplies, annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 Conclusions des parties après la jonction des affaires T236/17 et T596/17

60      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre du 17 février 2017 et la décision attaquée ;

–        condamner la Commission et l’INEA aux dépens.

61      La République d’Estonie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        faire droit aux demandes de la requérante et annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission et l’INEA aux dépens.

62      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours comme irrecevables et dénués de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens.

63      L’INEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans l’affaire T‑236/17 comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, déclarer le recours dans l’affaire T‑236/17 non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige dans l’affaire T236/17 et sur la recevabilité des conclusions contenues dans les observations du 21 août 2018

64      D’une part, la requérante soutient que la lettre du 17 février 2017 est le seul acte attaquable.  En revanche, l’affirmation de la Commission et de l’INEA, selon laquelle le seul acte attaquable serait la décision de la Commission du 14 mars 2017, serait trompeuse. En effet, la décision de ne pas octroyer un concours financier à la requérante ne pourrait pas découler implicitement de ladite décision.  Bien qu’elle ait formé un recours en annulation contre la décision de la Commission du 14 mars 2017, la requérante insiste sur le fait que cette décision ne la mentionne même pas, ne motive pas le rejet de la proposition du 8 novembre 2016 et ne lui a jamais été notifiée.  Elle souligne, à cet égard, que les présentes affaires se distinguent de la situation sous-jacente à l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 11 octobre 2016 (Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission, T‑564/15, non publiée, EU:T:2016:611), dans la mesure où, « [c]ontrairement aux circonstances de l’espèce dans l’affaire T‑564/15, une décision finale de la Commission n’a[urait] pas été notifiée à la requérante sur une période excédant deux mois ».  

65      D’autre part, la requérante soutient, dans le cadre des observations du 21 août 2018, que la position de la Cour dans l’arrêt du 28 juin 2018, Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission (C‑635/16 P, EU:C:2018:510), serait directement transposable au cas d’espèce. En effet, la requête devrait être interprétée en ce sens qu’elle serait dirigée contre la lettre du 17 février 2017 et également contre la décision de la Commission du 14 mars 2017, ces deux actes faisant partie d’un groupe de décisions « formant un tout ».  Ce serait seulement au regard de la jurisprudence applicable « au moment de l’introduction du recours et des observations subséquentes en ce qui concerne l’irrecevabilité du recours » que la requérante aurait non pas expressément demandé au Tribunal que sa requête soit interprétée comme étant dirigée contre la décision de la Commission du 14 mars 2017, mais introduit un autre recours, enregistré sous la référence T‑596/17, ayant pour objet une demande fondée sur l’article 265 TFUE, tendant à faire constater que la Commission s’est illégalement abstenue d’adopter une décision motivée relative à la proposition du 8 novembre 2016 ainsi que, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 14 mars 2017.

66      La Commission conteste les arguments de la requérante.

67      L’INEA réitère sa position, confirmée selon elle par l’arrêt du 28 juin 2018, Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission (C‑635/16 P, EU:C:2018:510), selon laquelle sa lettre du 17 février 2017 est un acte préparatoire. Elle estime, par ailleurs, que, conformément audit arrêt de la Cour, la requête devrait être interprétée en ce sens qu’elle est dirigée contre la décision de la Commission du 14 mars 2017 et n’aurait dès lors, compte tenu du recours identique enregistré sous la référence T‑596/17, plus d’objet.

68      Il convient, tout d’abord, de rappeler que l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, dispose que « [l]a Cour est saisie par une requête adressée au greffier » et que « [l]a requête doit contenir l’indication du nom et du domicile du requérant et de la qualité du signataire, l’indication de la partie ou des parties contre lesquelles la requête est formée, l’objet du litige, les conclusions et un exposé sommaire des moyens invoqués ».

69      De même, l’article 76, sous d), du règlement de procédure prévoit que la requête visée à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne contient l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens.

70      Selon une jurisprudence constante, ces indications doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 14 mai 1998, Enso Española/Commission, T‑348/94, EU:T:1998:102, point 143 et jurisprudence citée).

71      Par ailleurs, il résulte des dispositions combinées des articles 76 et 84 du règlement de procédure que l’objet de la demande doit être déterminé dans la requête. Une demande formulée pour la première fois dans la réplique modifie l’objet initial de la requête et doit, dès lors, être considérée comme une nouvelle demande et être rejetée comme irrecevable (voir arrêt du 11 janvier 2002, Biret et Cie/Conseil, T‑210/00, EU:T:2002:3, point 49 et jurisprudence citée). Ce même raisonnement vaut lorsque l’objet initial de la requête est modifié dans le cadre d’observations sur une exception d’irrecevabilité [arrêt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T‑28/03, EU:T:2005:139, point 45].

72      En l’espèce, s’agissant de la demande de la requérante telle que figurant dans ses observations du 21 août 2018 et tendant à ce que le recours soit interprété comme étant dirigé contre la lettre du 17 février 2017 et, en même temps, contre la décision de la Commission du 14 mars 2017, il convient d’observer que la requérante, par ses conclusions contenues dans la requête dans l’affaire T‑236/17, s’est bornée à demander l’annulation de la lettre du 17 février 2017. En outre, la requête précise que « la seule mesure qui est obligatoire et affecte les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique est la décision du 17 février 2017 ».

73      Il s’ensuit que l’objet du recours, tel qu’il ressort de l’argumentation et des conclusions de la requête dans l’affaire T‑236/17, vise, à titre exclusif, l’annulation de la lettre du 17 février 2017.

74      En outre, dans la mesure où la requérante a présenté, dans le cadre de ces observations du 21 août 2018, des nouvelles conclusions tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 14 mars 2017, de telles conclusions doivent être rejetées comme irrecevables en application de la jurisprudence citée au point 71 ci-dessus.

75      Le constat figurant au point 73 ci-dessus ne saurait être remis en cause par la solution dégagée dans l’arrêt du 28 juin 2018, Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission (C‑635/16 P, EU:C:2018:510). En effet, dans ladite affaire, la décision finale de la Commission du 31 juillet 2015 n’était pas encore publiée à la date de l’introduction du recours, raison qui a amené la Cour à constater que la partie requérante n’était pas en mesure d’identifier, dans sa requête, la décision de la Commission (arrêt du 28 juin 2018, Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission, C‑635/16 P, EU:C:2018:510, points 68 et 70). En revanche, en l’espèce, la requérante était en mesure d’identifier la décision de la Commission du 14 mars 2017 au moment de l’introduction du recours le 17 avril 2017, étant donné que ladite décision avait été publiée le 14 mars 2017 dans le registre en ligne de documents de la Commission et, séparément, sur le site Internet de l’INEA. En outre, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 juin 2018, Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission (C‑635/16 P, EU:C:2018:510), la partie requérante avait expressément demandé au Tribunal d’interpréter sa requête en ce sens qu’elle était dirigée contre la décision finale de la Commission du 31 juillet 2015 notifiée par le courriel de l’INEA (ordonnance du 11 octobre 2016, Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission, T‑564/15, non publiée, EU:T:2016:611, point 18). En l’espèce, la requérante a, au contraire affirmé, à tous les stades de la procédure, que sa demande visait l’annulation de la lettre du 17 février 2017 bien que, conformément à ses observations du 21 août 2018, cette lettre ainsi que la décision de la Commission du 14 mars 2017, prises ensemble, fassent partie d’un groupe de décisions « formant un tout ». À cet égard, il convient de relever que, outre l’incohérence de cette demande, dans la mesure où la requérante a expressément fait valoir, dans le cadre de la requête dans l’affaire T‑236/17, que celle-ci visait, à titre exclusif, l’annulation de la lettre du 17 février 2017, il ressort de la jurisprudence que, comme cela sera développé plus en détail aux points 87 et 88 ci-après, ne constituent, en principe, des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 10, et du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, EU:T:1990:42, point 42), et que le caractère préparatoire de l’acte attaqué compte parmi les obstacles à la recevabilité d’un recours en annulation. Par conséquent, l’argumentation de la requérante présuppose la recevabilité de la requête dirigée contre la seule lettre du 17 février 2017 en ce que celle-ci constitue une mesure qui fixe définitivement la position de la Commission et peut ainsi faire l’objet d’un recours en annulation.

76      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le recours dans l’affaire T‑236/17 a pour seul objet l’annulation de la lettre du 17 février 2017.

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité de l’affaire T236/17

77      Au soutien de son exception d’irrecevabilité, la Commission avance deux fins de non-recevoir, tirées, la première, du caractère non attaquable de la lettre du 17 février 2017 et, la seconde, du fait qu’elle n’est pas l’auteur de cet acte et, par conséquent, que le recours ne saurait être dirigé contre elle. L’INEA fait également valoir, au soutien de son exception d’irrecevabilité et à l’instar de la Commission, que la lettre du 17 février 2017 est un acte préparatoire qui n’est pas susceptible de recours juridictionnel.

78      Il convient d’examiner d’abord la première fin de non-recevoir soulevée par la Commission, qui correspond à l’unique fin de non-recevoir soulevée par l’INEA.

79      La Commission fait valoir, en substance, que la lettre du 17 février 2017 est un acte préparatoire et, dès lors, qu’elle ne constitue pas un acte susceptible de recours juridictionnel.  

80      Elle ajoute que cette lettre faisant expressément référence à une procédure pendante devant elle, il ne saurait être considéré qu’un tel acte détermine sa position définitive.  

81      L’INEA soutient, tout d’abord et à l’instar de la Commission, que la lettre du 17 février 2017 est un acte préparatoire ayant conduit à l’adoption de la décision de la Commission du 14 mars 2017 et, dès lors, qu’elle ne constitue pas un acte susceptible de recours juridictionnel. Conformément à l’article 5, paragraphe 2, sous d), de la décision C(2013) 9235 final de la Commission, du 23 décembre 2013, portant délégation à l’INEA en vue de l’exécution de tâches liées à la mise en œuvre de programmes de l’Union en matière d’infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunications et en matière de recherche et d’innovation dans le domaine du transport et de l’énergie et comprenant notamment l’exécution de crédits inscrits au budget général de l’Union (ci-après la « décision de délégation du 23 décembre 2013 »), l’INEA ne pourrait pas adopter au nom de la Commission une décision d’attribution concernant les subventions octroyées en vertu du MIE, étant donné qu’il s’agirait d’une tâche réservée à la Commission.

82      Ensuite, l’INEA relève qu’il ressort clairement du libellé même de la lettre du 17 février 2017 que celle-ci ne constitue pas une décision, mais un simple courrier d’information permettant au candidat de connaître le rejet (à venir) de sa proposition.

83      Enfin, l’INEA soutient que la requérante n’a pas été privée d’un recours juridictionnel effectif étant donné qu’elle a pu contester la décision finale une fois que celle-ci a été adoptée, et ce d’autant plus que la lettre du 17 février 2017 annonçait que ladite décision était en cours de préparation. La requérante, qui avait connaissance du déroulement de la procédure par le biais du guide du candidat, aurait pu savoir, en lisant la liste des projets retenus pour l’octroi d’un financement au titre du second appel à propositions dans le cadre du MIE dans le domaine de l’énergie (2016), telle qu’elle figurait sur les sites Internet de la Commission et de l’INEA ainsi que dans le registre en ligne de documents de la Commission, que, au moment de l’introduction du présent recours, une décision finale avait été prise et que cela signifiait que sa demande de subvention avait été définitivement rejetée. En effet, selon la jurisprudence, il appartiendrait à celui qui a connaissance de l’existence d’un acte qui le concerne d’en demander le texte intégral dans un délai raisonnable.

84      La requérante estime, quant à elle, que le recours est recevable. Premièrement, elle soutient que la lettre du 17 février 2017 n’était pas un acte préparatoire, mais une décision finale de la Commission et de l’INEA statuant sur sa demande, dans la mesure où, d’une part, l’objet et le contenu de cette décision étaient clairement exprimés dans ladite lettre et, d’autre part, la Commission avait elle-même indiqué qu’il était possible d’attaquer la lettre du 17 février 2017 en formant « un recours en annulation de la décision de la Commission notifiée par le présent message », ce qui attesterait ainsi qu’elle considérait que la lettre du 17 février 2017 avait force obligatoire.

85      La requérante précise que la lettre du 17 février 2017 produit des effets contraignants à son égard, étant donné que le raisonnement qui la sous-tend va au-delà de la décision de ne pas faire droit à la proposition du 8 novembre 2016 et procède de considérations qui excèdent les compétences de la Commission et de l’INEA.

86      Deuxièmement, la requérante considère que, bien que la Commission et l’INEA aient mentionné dans la lettre du 17 février 2017 que, dans le cas où il existerait des modifications concernant la proposition du 8 novembre 2016, la requérante en serait informée séparément, une telle communication n’a pas eu lieu et elle n’a pas eu connaissance d’autres décisions que la Commission et l’INEA auraient prises à son égard. La lettre du 17 février 2017 serait, dès lors, le document final dans lequel la Commission et l’INEA auraient exprimé leur intention de ne pas accueillir la proposition du 8 novembre 2016. Dans l’hypothèse où la lettre du 17 février 2017 serait considérée comme ayant un caractère préparatoire, la requérante serait privée d’un recours juridictionnel effectif. La requérante ajoute que, dans le même temps, la Commission et l’INEA auraient publiquement annoncé sur le site Internet du MIE qu’il y aurait un nouvel appel à propositions dans le domaine de l’énergie au cours du mois d’avril 2017.

87      Il convient de relever d’emblée que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 16 juillet 1998, Regione Toscana/Commission, T‑81/97, EU:T:1998:180, point 21).

88      Plus particulièrement, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 10, et du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, EU:T:1990:42, point 42). Il s’ensuit que le caractère préparatoire de l’acte attaqué compte parmi les obstacles à la recevabilité d’un recours en annulation.

89      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si la lettre du 17 février 2017 constitue une décision qui fixe définitivement la position de la Commission ou de l’INEA et est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

90      À cet égard, pour apprécier le caractère attaquable de la lettre du 17 février 2017, il convient d’analyser d’abord sa teneur. Il ressort de cet examen qu’elle comporte un double contenu.

91      En effet, d’une part, les informations sur les voies de recours ouvertes à la requérante et sur les délais qui leur sont applicables laissent à penser que la lettre du 17 février 2017 notifie une décision définitive de la Commission. Les précisions sur la possibilité et la procédure de recours font expressément référence à « la décision de la Commission qui vous est notifiée par le présent message » et renvoient au délai d’introduction du recours en annulation qui court à compter de la notification de la lettre du 17 février 2017. Cette référence au délai de recours pouvait être interprétée par la requérante comme une référence à une décision définitive de la Commission rejetant – au moins partiellement – sa proposition, une telle décision n’étant, cependant, pas exprimée plus en détail dans la lettre du 17 février 2017.

92      D’autre part, la lettre du 17 février 2017 fait, à plusieurs reprises, expressément référence à une procédure pendante devant la Commission. Elle expose, en conformité avec l’échéancier contenu au point 5 de l’appel à propositions du 30 juin 2016, ainsi qu’avec les informations contenues dans le communiqué de presse de la Commission du 30 juin 2016, le stade de la procédure, en précisant que le comité de coordination du MIE, qui se compose des représentants des États membres, a rendu une opinion positive sur le projet de liste dressé par la Commission concernant les propositions sélectionnées pour une aide financière de l’Union. L’INEA informe ainsi la requérante du fait que sa demande n’a pas été retenue à ce stade de la procédure.

93      En outre, en ce qui concerne le caractère provisoire de la lettre du 17 février 2017, il convient de relever que celle-ci précise que la procédure ayant pour objet l’adoption de la décision de la Commission relative à l’octroi de subventions est en cours et qu’il est possible – mais peu probable – que l’adoption de la décision aboutisse à des modifications concernant la proposition du 8 novembre 2016.

94      Ainsi, il ressort de la lettre du 17 février 2017 que la Commission n’avait pas encore procédé à une appréciation définitive dans le cadre de la procédure conduisant à l’adoption de la décision finale, prévue à l’article 18 du règlement MIE, clôturant la procédure de fixation du montant du concours financier à octroyer aux projets sélectionnés ou à des parties de ceux-ci.

95      Partant, la lettre du 17 février 2017 comporte un double contenu comprenant aussi bien des éléments susceptibles de créer l’impression d’une prise de position définitive que des éléments à caractère provisoire.

96      La juxtaposition de tels éléments figurant dans la lettre du 17 février 2017 démontre que la Commission n’avait pas encore adopté la décision prévue à l’article 18 du règlement MIE. En effet, sauf dans le cas d’une décision partielle, une décision ne peut pas comporter des appréciations provisoires à côté d’appréciations définitives (arrêt du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, EU:T:1990:42, point 54). En l’espèce, toutefois, la Commission n’a pas indiqué qu’elle avait l’intention de scinder la procédure en deux parties et de clore l’une des deux immédiatement, ce qui permet d’exclure l’hypothèse d’une décision partielle.

97      L’analyse du texte intégral de la lettre du 17 février 2017 fait donc apparaître que celle-ci ne constitue pas une décision définitive de la Commission sur la proposition du 8 novembre 2016, mais seulement une information intermédiaire à un stade de la procédure au cours duquel des modifications sont encore possibles.

98      Il y a lieu de relever que cette situation est conforme au déroulement de la procédure d’examen telle que prévue aux articles 18 et 25 du règlement MIE et portée à la connaissance de la requérante et des autres candidats par le biais de l’appel à propositions du 30 juin 2016 et du communiqué de presse de la Commission du même jour, procédure dans le cadre de laquelle la Commission, assistée par le comité de coordination du MIE, est amenée à décider du montant du concours financier à octroyer aux projets sélectionnés ou à des parties de ceux-ci. Ainsi, la position finale de la Commission a été fixée par l’adoption de la décision du 14 mars 2017 établissant – à la suite de l’opinion positive sur la liste provisoire rendue par le comité de coordination du MIE – la liste des propositions admises au bénéfice d’un concours financier de l’Union dans le domaine du MIE.

99      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de constater que la lettre du 17 février 2017 ne fixe pas définitivement la position de la Commission et, dès lors, ne saurait être considérée comme un acte susceptible de recours.

100    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par la requérante.

101    En effet, s’agissant, en premier lieu, de l’argument selon lequel la qualification de la lettre du 17 février 2017 d’acte ayant un caractère préparatoire priverait la requérante du droit à un recours juridictionnel effectif, il y a lieu de rappeler que les illégalités éventuelles qui entachent les mesures de nature purement préparatoire peuvent être invoquées à l’appui du recours dirigé contre l’acte définitif dont elles constituent un stade d’élaboration (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 12, et ordonnance du 2 juin 2004, Pfizer/Commission, T‑123/03, EU:T:2004:167, point 24). En l’espèce, par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 septembre 2017 (affaire enregistrée sous le numéro T‑596/17), la requérante a introduit un recours contre la décision de la Commission du 14 mars 2017, ce qui lui confère en principe la possibilité d’invoquer toute irrégularité entachant la lettre du 17 février 2017 en tant qu’acte préparatoire de la décision de la Commission du 14 mars 2017.

102    S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument de la requérante selon lequel elle n’aurait pas reçu de décision définitive de la Commission dans les deux mois suivant la communication de la lettre du 17 février 2017 et l’INEA aurait annoncé le lancement d’un nouvel appel à propositions dans le domaine de l’énergie en avril 2017, il suffit de relever que, outre la possibilité de demander l’envoi du texte intégral de cette décision définitive (voir, en ce sens, ordonnance du 5 mars 1993, Ferriere Acciaierie Sarde/Commission, C‑102/92, EU:C:1993:86, point 18), la protection des droits de la requérante a été assurée par la possibilité de saisir le Tribunal, dans le cadre d’un recours, de la question de savoir si la communication qui lui avait été adressée était ou non une décision susceptible de faire l’objet d’un recours (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, EU:T:1990:42, point 64). En outre, la requérante n’a pas démontré dans quelle mesure la publication d’informations relatives au lancement d’un appel à propositions dans le domaine de l’énergie en 2017 présentait un lien avec le second appel à propositions lancé en 2016 au titre du MIE (énergie) auquel elle a participé.

103    En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la lettre du 17 février 2017 produirait des effets contraignants à son égard étant donné que le raisonnement qui la sous-tend irait au-delà de la proposition du 8 novembre 2016 et procéderait de considérations qui excéderaient les compétences de la Commission et de l’INEA, il suffit de renvoyer aux considérations figurant aux points 87 à 99 ci-dessus, selon lesquelles il s’agit d’un acte préparatoire, et de rappeler que la question de savoir si le raisonnement va au-delà de la proposition du 8 novembre 2016 ne relève pas de l’appréciation de la recevabilité du recours, mais de celle de son bien-fondé.

104    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours dans l’affaire T‑236/17, en ce qu’il est dirigé contre un acte qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, doit être rejeté comme irrecevable.

105    Partant, la première fin de non-recevoir soulevée par la Commission, qui correspond à l’unique fin de non-recevoir soulevée par l’INEA, doit être accueillie.

106    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans l’affaire T‑236/17 comme étant irrecevable sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir si la demande en annulation, telle que présentée dans la requête, est également partiellement irrecevable en raison de la seconde fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

107    En outre et à titre surabondant, même si ledit recours avait été recevable, il résulte des considérations exposées aux points 119 à 212 ci-après que celui-ci n’aurait pu qu’être rejeté au fond (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Heli-Flight/AESA, T‑102/13, EU:T:2014:1064, point 112).

 Sur la recevabilité de l’affaire T596/17

108    Dans le cadre de son recours dans l’affaire T‑596/17, la requérante a introduit une demande en carence, en raison de la prétendue absence d’une décision motivée relative à la proposition du 8 novembre 2016 ainsi que, à titre subsidiaire et dans l’hypothèse où le Tribunal ne ferait pas droit à la demande en carence, une demande en annulation de la décision attaquée.

–       Sur la recevabilité de la demande en carence

109    La Commission fait valoir que, s’il est vrai, comme le soutient la requérante, que l’article 133 du règlement financier prévoit que, dans le cadre d’une procédure d’évaluation en vue de l’octroi de subventions, « l’ordonnateur compétent informe par écrit le demandeur des suites réservées à sa demande », la décision de délégation du 23 décembre 2013 a délégué cette tâche à l’INEA qui, en effet, a informé la requérante par la lettre du 17 février 2017 de la décision à venir. La décision attaquée serait une décision d’octroi globale, incluant la liste des propositions de projets sélectionnées. Partant, a contrario, les propositions qui n’ont pas été sélectionnées ne seraient pas incluses dans la décision de la Commission, qui resterait attaquable quant au fait qu’elle ne mentionne pas la requérante parmi les candidats retenus.  

110    La requérante estime, quant à elle, que la Commission n’a pas pris de décision à son égard, étant donné qu’elle n’a reçu, à la suite de la demande mentionnée au point 28 ci-dessus, que la décision attaquée, qui ne contient qu’une liste de projets qui se sont vu accorder des financements, mais ne comporte aucune mention des projets qui n’en ont pas obtenu. Or, elle devrait être en mesure d’attaquer une décision adoptée spécifiquement à l’égard de la proposition du 8 novembre 2016 et ne devrait pas être contrainte de déduire le rejet de ladite proposition, ainsi que les motifs de celui-ci, d’une décision relative à d’autres projets. L’article 133, paragraphe 2, du règlement financier exigerait, en particulier, que chaque demandeur soit informé des suites réservées à sa demande et l’article 133, paragraphe 3, du règlement financier préciserait que, dans le cas où le financement demandé n’a pas été octroyé, l’institution concernée communique les motifs du rejet de la demande au regard notamment des critères de sélection et d’attribution. Ces exigences n’auraient aucunement été respectées par la Commission. La requérante ajoute que, en vertu de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, la décision attaquée ne saurait être obligatoire à son égard dans la mesure où elle n’aurait pas été désignée en tant que destinataire.

111    Aux termes de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, « [le] recours [en carence] n’est recevable que si l’institution, l’organe ou l’organisme en cause a été préalablement invité à agir » et, « [s]i, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de cette invitation, l’institution, l’organe ou l’organisme n’a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois ».

112    Pour que l’invitation à agir puisse déclencher la procédure du recours en carence, il est nécessaire qu’elle soit suffisamment explicite et précise pour permettre à l’institution de connaître de manière concrète le contenu de la décision qu’il lui est demandé de prendre. L’invitation à agir doit faire ressortir qu’elle entend contraindre l’institution, l’organe ou l’organisme concerné à prendre position et révéler qu’elle constitue l’acte préliminaire d’une procédure contentieuse (voir, en ce sens, ordonnance du 30 avril 1999, Pescados Congelados Jogamar/Commission, T‑311/97, EU:T:1999:89, points 35 et 37, et arrêt du 11 décembre 2014, Heli-Flight/AESA, T‑102/13, EU:T:2014:1064, point 111 et jurisprudence citée).

113    En l’espèce, il ressort du libellé même de la lettre du 5 juin 2017 que celle-ci vise le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), et s’analyse en une demande d’accès à un document conformément à l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement. Par ailleurs, aucune mention ou référence de la lettre ne révèle qu’elle constitue un acte préliminaire à une procédure contentieuse. Il s’ensuit que la lettre du 5 juin 2017 ne saurait constituer une invitation à agir au sens de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 30 avril 1999, Pescados Congelados Jogamar/Commission, T‑311/97, EU:T:1999:89, point 37).

114    Par conséquent, il convient d’accueillir la fin de non-recevoir soulevée par la Commission et de rejeter le recours en carence comme étant irrecevable.

–       Sur la recevabilité de la demande en annulation

115    Dans la mesure où le Tribunal rejette le recours en carence comme étant irrecevable, il convient d’examiner la demande subsidiaire en annulation de la décision attaquée.

116    Au soutien de l’exception d’irrecevabilité qu’elle soulève, la Commission fait valoir que le recours n’a pas été formé dans le délai de deux mois prévu par l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

117    En vertu d’une jurisprudence constante, le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de l’espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, EU:C:2004:173, point 26).

118    Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’examiner d’emblée les moyens invoqués par la requérante dans le cadre des présents recours, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, les recours étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvus de fondement.

 Sur le fond

119    La requérante invoque, en substance, trois moyens tirés, premièrement, de l’incompétence de la Commission et de l’INEA pour prendre une décision négative à l’égard de la proposition du 8 novembre 2016, dans la mesure où cette décision a pour effet de modifier la liste des PIC sur laquelle est inscrit son projet, deuxièmement, d’une violation de l’obligation de motivation et, troisièmement, en substance, d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission et l’INEA à l’égard de sa proposition du 8 novembre 2016.

120    Il convient d’examiner d’abord le premier moyen, ensuite le troisième moyen et enfin le deuxième moyen.

 Sur le premier moyen tiré de l’incompétence de la Commission et de l’INEA

121    La requérante fait valoir, tout d’abord, que, en affirmant dans la lettre du 17 février 2017, que, « compte tenu de l’infrastructure qui existe déjà [terminal de Klaipėda] et de l’infrastructure en cours de développement (Balticonnector et renforcement des interconnexions entre l’Estonie et la Lettonie et entre la Lettonie et la Lituanie), [il est considéré que], notamment à l’égard de l’Estonie, la sécurité régionale du niveau d’approvisionnement est suffisante sans le terminal de Paldiski et que les avantages en résultant pour la Finlande sont contestables », la Commission et l’INEA ont outrepassé leurs compétences. Cette affirmation que le projet Paldiski ne serait plus une priorité dans la région en raison de son manque de dimension transfrontalière entraînerait une modification substantielle du règlement RTE-E et du règlement délégué 2016/89 qui désignent l’Estonie en tant qu’emplacement du terminal GNL pour la région de la Baltique et le terminal de Paldiski en tant que PIC. Par conséquent, une telle modification de la liste des PIC exigerait l’adoption d’un règlement délégué par la Commission et le respect de la procédure prévue à cet égard, notamment, selon l’article 3, paragraphe 3, du règlement RTE-E, l’implication et l’accord de tous les États membres du plan d’interconnexion des marchés énergétiques de la région de la Baltique (ci-après « Pimerb »).

122    Ensuite, selon la requérante, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement RTE-E, tous les PIC doivent remplir les critères transfrontaliers et le critère de nécessité pour au minimum l’un des corridors ou domaines prioritaires en matière d’infrastructures énergétiques, dont les marchés énergétiques de la région de la mer Baltique pour le gaz font partie. Étant donné que la condition liée à la dimension transfrontalière du projet ainsi que sa nécessité seraient des critères en vue de l’inscription sur la liste des PIC et que le projet Paldiski aurait été inscrit sur la liste des PIC, le rejet par la Commission et par l’INEA de la proposition du 8 novembre 2016 pour le motif mentionné au point 121 ci-dessus excéderait leurs compétences. En outre, le statut de PIC serait nécessaire afin de recevoir des fonds en vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 2, et de l’article 4, paragraphe 3, du règlement RTE-E.

123    Enfin, la requérante précise que la formulation dans la lettre du 17 février 2017 reprise au point 121 ci-dessus contient une affirmation si péremptoire que, même en reconnaissant que, dans le cadre de la procédure de candidature au MIE, l’évaluation porte sur les demandes de subvention au titre du MIE et non sur l’inscription sur la liste des PIC, la Commission et l’INEA ont, en réalité, évalué le projet Paldiski en tant que PIC et ont nié que ledit projet ait une quelconque dimension transfrontalière.

124    La Commission et l’INEA contestent les arguments invoqués par la requérante.

125    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 18 du règlement MIE, la Commission décide, conformément à la procédure d’examen visée à l’article 25 de ce règlement, du montant du concours financier à octroyer aux projets sélectionnés ou à des parties de ceux-ci.

126    En outre, il importe de rappeler que le projet Paldiski a été reconnu en tant que PIC au sens de l’article 3, paragraphe 4, du règlement RTE-E pour le corridor prioritaire Pimerb en ce qui concerne le gaz par le règlement délégué no 1391/2013 et que ce statut de PIC a été maintenu par le règlement délégué 2016/89, jusqu’à l’entrée en vigueur de la troisième liste des PIC de l’Union définie par le règlement délégué 2018/540, sur laquelle le projet Paldiski ne figurait plus.

127    Dans ce contexte, il convient de constater que, dans la mesure où, d’une part, la Commission était, en vertu de l’article 18 du règlement MIE, compétente pour adopter, le 14 mars 2017, la décision attaquée et, d’autre part, une modification de la liste des PIC de l’Union en dehors de celle opérée par le règlement délégué 2018/540 n’a pas été démontrée d’une manière concluante par la requérante, la décision attaquée n’a pas modifié le statut de PIC du projet Paldiski et que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait outrepassé ses compétences en adoptant la décision attaquée. À cet égard, force est de relever que l’affirmation générale de la requérante selon laquelle, en substance, la formulation dans la lettre du 17 février 2017, reprise au point 121 ci-dessus, entraînerait une modification substantielle du règlement RTE-E et du règlement délégué 2016/89, qui instituent l’Estonie en tant qu’emplacement du terminal GNL pour la région de la Baltique et le terminal de Paldiski en tant que PIC, relève d’une affirmation péremptoire qui n’est ni étayée ni démontrée.

128    En effet, cette affirmation de la requérante contenue dans le premier moyen ne démontre pas que la Commission a outrepassé ses compétences, mais vise une erreur manifeste d’appréciation. Ainsi, dans la mesure où, comme le fait également valoir la requérante, la dimension transfrontalière du projet serait un critère tant dans le cadre de la procédure de candidature au MIE qu’en vue de l’inscription de ce projet sur la liste des PIC, le raisonnement de la décision attaquée serait en contradiction avec cette inscription sur la liste des PIC. Par conséquent, les autres arguments de la requérante visant à démontrer que la Commission a outrepassé ses compétences seront examinés ci-après dans le cadre du troisième moyen relatif aux erreurs manifestes d’appréciation.

 Sur le troisième moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

129    La requérante conteste, en particulier, l’appréciation effectuée par la Commission des deuxième, quatrième, sixième et septième critères d’octroi des subventions en cause, tirés, respectivement, de la dimension transfrontalière, de la nécessité de surmonter des obstacles financiers, de l’effet stimulant de l’aide financière au titre du MIE et de la priorité ainsi que de l’urgence du projet, critères qui se sont vu attribuer une note de 1 point (concernant l’effet stimulant de l’aide financière) ou de 2 points, ce qui n’était pas suffisant pour atteindre le seuil d’acceptation minimal afin d’être recommandé pour l’attribution du financement, à savoir 3 points avant pondération.

130    Premièrement, en ce qui concerne le deuxième critère, tiré de la dimension transfrontalière, en premier lieu, la requérante fait valoir qu’il découle des listes des PIC reposant sur l’article 3 du règlement RTE‑E, des documents d’orientation de l’Union ainsi que des initiatives régionales (Pimerb) qu’un terminal GNL dans la région est nécessaire et que l’emplacement de ce terminal est en Estonie, à Paldiski. Étant donné que le terminal GNL de Tallinn n’aurait pas soumis une demande de financement dans le cadre du MIE lors du second appel à propositions du MIE en 2016, le projet Paldiski serait le seul projet dans la région qui posséderait une dimension transfrontalière, procurerait des bénéfices régionaux à la sécurité d’approvisionnement et pourrait favoriser la réalisation d’une stratégie énergétique de l’Union. En outre, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le terminal GNL de Tallinn aurait eu, selon le plan décennal européen de développement du réseau 2017 (TYNDP 2017), le statut de projet « moins avancé » alors que le projet Paldiski aurait été considéré comme « avancé ».

131    La requérante précise que la nécessité d’un terminal GNL régional de la mer Baltique orientale a été constatée dans le protocole d’accord de 2009 relatif au Pimerb dans lequel le projet Paldiski était mentionné en tant que projet de terminal GNL régional. Une approche régionale à l’égard de la nouvelle infrastructure gazière aurait été maintenue dans le protocole d’accord de 2015 du Pimerb et également à la fin de l’année 2016 lorsque l’isolation continue des marchés gaziers estoniens, lettons, lituaniens et finnois ainsi que l’accès à des sources d’approvisionnement limitées et l’insuffisance du marché gazier régional ont été reconnus lors de la réunion du groupe régional gazier du Pimerb. En outre, déjà en 2014, la Commission aurait spécifiquement confirmé la nécessité d’un terminal GNL régional, notamment dans la mesure où tous les pays de la région orientale de la Baltique (Finlande, Estonie, Lettonie et Lituanie) dépendaient entièrement du gaz naturel russe. Il aurait été confirmé, à cette occasion, que le terminal GNL de la Baltique dont l’emplacement devrait être choisi entre l’Estonie et la Finlande constituait le point crucial de la sécurité d’approvisionnement dans les projets d’infrastructures. Le projet Paldiski aurait été inscrit sur la première et la seconde liste des PIC reposant sur l’article 4, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous b), du règlement RTE–E, qui établit comme principaux critères permettant l’inscription sur la liste des PIC l’élément transfrontalier et la sécurité de l’approvisionnement. Or, après que la Finlande aurait abandonné son projet de terminal GNL à la fin de l’année 2015 et en raison de la suppression des terminaux GNL lettons et finnois de la liste des PIC de l’année 2015, l’Estonie serait restée le seul lieu pour l’implantation d’un terminal GNL régional dans la mer Baltique. Par conséquent, la liste des PIC de l’année 2015 aurait inclus les terminaux GNL de Paldiski et de Tallinn comme PIC. Selon la requérante, le fait que, à la fin de l’année 2015, le terminal de Klaipėda ne figurait pas sur la liste des PIC, tandis que le projet Paldiski y était repris, indique que, contrairement à ce que font valoir la Commission et l’INEA à l’égard d’un prétendu changement de la situation du marché du gaz en mer Baltique depuis décembre 2014, l’arrivée du terminal de Klaipėda n’était, à l’époque, pas considérée comme ayant un impact significatif à l’égard de la situation du marché du gaz en mer Baltique. Dans la mesure où la Commission et l’INEA font référence au fait que le gouvernement finlandais aurait récemment décidé de poursuivre la construction de cinq terminaux GNL de petite taille sur son littoral, la requérante rétorque que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, il n’y aurait eu que trois terminaux de ce type et que ces terminaux de faible capacité ne répondraient pas aux besoins du pays.

132    En second lieu, la requérante allègue que les autres infrastructures existantes dans la région ne remplissent pas les objectifs fixés par l’Union concernant la sécurité de l’approvisionnement ou la solution la plus économique. En effet, d’une part, Balticconnector et les interconnexions entre l’Estonie et la Lettonie, ainsi qu’entre la Lettonie et la Lituanie, n’augmenteraient pas la sécurité d’approvisionnement puisque ces gazoducs n’apporteraient pas de nouvelles sources de gaz naturel dans la région. D’autre part, le terminal de Klaipėda, en raison des faibles importations provenant de ce terminal, de sa nature provisoire, de l’absence d’accès non discriminatoire à ce terminal et du fait qu’il n’a pas le statut de PIC, ne garantirait pas la sécurité d’approvisionnement de la région, ne réunirait pas les conditions de la solution la plus économique et ne pourrait pas être invoqué à l’appui de la conclusion selon laquelle, compte tenu de cette infrastructure existante, le projet Paldiski ne parviendrait à démontrer que de manière limitée les externalités significatives dans la région en termes de sécurité de l’approvisionnement.

133    À cet égard, la requérante précise, tout d’abord, que la région continue de dépendre d’un unique fournisseur étant donné que l’accès au terminal de Klaipėda est très limité techniquement et économiquement. Certes, en 2015, les exportations de gaz de la Lituanie vers l’Estonie auraient atteint 20 % du total des importations estoniennes. Cette augmentation des exportations ne serait toutefois pas liée à l’ouverture du terminal de Klaipėda, mais serait justifiée par le fait que, en Lituanie, les prix étaient liés au marché au comptant, alors que, en Estonie, les prix étaient indexés sur la base du prix du pétrole brut, ce qui aurait abouti à une exportation de gaz de réseau au départ de la Lituanie à des prix lituaniens. Par contre, en 2016, il y aurait eu une chute des exportations et l’Estonie n’aurait importé que 7 % de son gaz naturel à partir de la Lituanie. La requérante soutient que cette baisse des exportations de gaz est due au fait que, en 2016, les prix estoniens ont rattrapé les prix indexés lituaniens, de sorte qu’il n’était économiquement pas pertinent d’acheter du gaz aux prix lituaniens. À cet égard, d’une part, la requérante relève que les coûts de location du terminal de Klaipėda sont inclus dans une taxe relative à la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel ajoutée au prix du gaz naturel et que les prix du gaz dans la région n’auraient pas diminué. D’autre part, elle fait valoir qu’il y avait une réduction de prix par Gazprom, survenue à la même époque, qui toutefois n’aurait pas été provoquée par la situation de concurrence du fait de l’ouverture du terminal de Klaipėda, mais en raison de l’enquête antitrust en cours à l’époque dans l’Union. La requérante ajoute que la dépendance de la région au gaz russe est également confirmée par le fait que la demande de fourniture de gaz provenant du terminal de Klaipėda a diminué en 2016. En particulier, la fourniture de gaz de Russie vers la Lituanie aurait augmenté de 38,5 % en 2016 à 54 % en 2017, alors que la fourniture correspondante de GNL par le terminal de Klaipėda aurait baissé de 60 à 40 %.

134    Dans la mesure où la Commission et l’INEA soutiennent que, en 2025, la demande de gaz des trois États baltes serait comprise entre 4,2 et 4,5 milliards de m3 par an et serait susceptible de diminuer davantage, la requérante rétorque que cette estimation ne serait étayée par aucun document, ni aucune analyse. Selon elle, la région à prendre en considération en termes de demande de gaz devrait également inclure la Finlande, étant donné que le Balticconnector serait déjà en place en 2019. En outre, de nombreuses directives auraient été adoptées, établissant les règles d’utilisation des carburants destinés au transport et conduisant à un usage accru de gaz.

135    Ensuite, la requérante soutient que le terminal de Klaipėda sert de solution temporaire à la Lituanie après la fermeture de la centrale nucléaire d’Ignalina (Lituanie). Le GNL fourni à Klaipėda proviendrait d’un réservoir loué par le gouvernement lituanien auprès de Höegh LNG en Norvège en vertu d’un contrat de location de dix ans. Compte tenu de l’objectif général de soutien aux projets dans le domaine de l’énergie, qui viserait à assurer le développement à long terme de l’infrastructure jusqu’en 2050, la perspective offerte par le terminal de Klaipėda ne serait pas conforme aux objectifs du règlement RTE‑E.

136    Enfin, les participants au marché ne disposeraient pas d’un accès non discriminatoire au réservoir GNL de Klaipėda. Le fournisseur désigné en vertu de la législation lituanienne pertinente disposerait d’un accès préférentiel aux capacités du terminal et les autres fournisseurs ne pourraient demander l’accès aux capacités disponibles que dans l’hypothèse où le premier fournisseur n’aurait pas demandé l’accès à ces capacités. En raison, d’une part, de la réglementation de la réservation des capacités, qui prévoit une amende en cas de non-utilisation, et, d’autre part, de la volatilité des prix du GNL, il ne serait pas viable économiquement d’accepter la réservation des capacités du terminal dans de telles conditions. Le faible volume d’importations, comme cela est indiqué au point 133 ci-dessus, confirmerait le manque de mesures économiques d’incitation à l’utilisation des capacités du terminal de Klaipėda par d’autres fournisseurs que par le fournisseur désigné.

137    En outre, le terminal de Klaipėda n’aurait jamais été un PIC dans la mesure où la mise en service de ce terminal n’aurait pas été conduite de manière coordonnée en incluant d’autres pays de la région au développement du projet.

138    Deuxièmement, en ce qui concerne le quatrième critère, tiré de la nécessité de surmonter des obstacles financiers, en premier lieu, la requérante relève qu’elle avait démontré, dans le formulaire de demande de financement, sous le titre « Partie D : information technique et financier » au point 3.12, que le projet Paldiski présentait une valeur actuelle nette négative en l’absence d’une subvention de 40 %. L’analyse des coûts et des avantages (ci-après l’« ACA ») confirmerait, tout d’abord, que le terminal de Paldiski ne pourrait pas être considéré comme étant viable sur le plan commercial, tel qu’il est actuellement conçu, sans subvention extérieure, que celle-ci soit nationale ou européenne. Ensuite, selon cette analyse, si la valeur actuelle nette des capitaux investis n’était pas supérieure à zéro, il serait impossible d’attirer des capitaux privés pour le projet de terminal de Paldiski. Enfin, selon l’ACA, deux des principales banques scandinaves, également actives en Estonie, auraient confirmé leur intérêt pour le projet conformément à la structure de financement décrite en indiquant qu’un financement reposant sur une subvention publique était nécessaire afin que le projet présente un intérêt commercial à leur égard.

139    Dans la mesure où l’INEA soutient, au point 115 de son mémoire en défense, que les informations financières fournies par la requérante « montrent une valeur actuelle nette positive même sans subvention du MIE » pour le projet (non pour les capitaux propres), la requérante rétorque que, si le projet Paldiski ne reçoit pas le concours financier du MIE, la base d’actifs régulés augmente, tout comme le tarif moyen que le terminal pourrait appliquer. Or, selon elle, cela pourrait assurer un résultat positif en termes de valeur actuelle nette et de taux de rendement interne. Toutefois, si le tarif devait augmenter, le GNL serait également plus cher pour le consommateur et cela aurait une influence négative tant sur les flux de GNL prévisionnels que sur les revenus, ce qui pourrait aboutir à une situation dans laquelle la tarification du terminal serait trop élevée pour attirer une demande suffisante.

140    En second lieu, la requérante fait valoir que tant l’ACA que l’accord de répartition transfrontalière des coûts conclu entre l’autorité estonienne de la concurrence et l’agence de l’énergie en Finlande, soumis avec la proposition du 8 novembre 2016, démontrent que le projet Paldiski ne peut pas être financé par les tarifs nationaux et que ce projet n’est pas réalisable sur le plan financier ou commercial sans une subvention publique.

141    En outre, la requérante aurait cherché des possibilités de financement du projet à partir des systèmes tarifaires nationaux et aurait clairement indiqué, dans la proposition du 8 novembre 2016, la raison pour laquelle un financement reposant sur ces tarifs n’aurait pas été possible. Tant les gestionnaires de réseau de transport (GRT) finnois qu’estoniens auraient indiqué que le terminal de Paldiski était un projet commercial qui ne serait pas supporté par les tarifs desdits gestionnaires.

142    Troisièmement, en ce qui concerne le septième critère, tiré de la priorité et de l’urgence du projet, la requérante fait valoir que la région a un besoin urgent, s’agissant de nouveaux approvisionnements en gaz, d’une solution durable et abordable. D’après les points 8.1.1 et 8.1.2 de l’annexe VII du règlement RTE-E, telle que modifiée par le règlement délégué 2016/89, le Balticconnector et un terminal GNL en Estonie seraient nécessaires au corridor prioritaire du gaz du Pimerb, mais l’ensemble de la région continuerait à dépendre du gaz naturel russe dans la mesure où le seul point d’approvisionnement supplémentaire en gaz naturel serait le terminal de Klaipėda, qui ne serait pas concurrentiel sur un marché ouvert en raison du prix élevé de son infrastructure. L’attribution d’une aide financière au titre du MIE n’entraînerait pas non plus une distorsion de concurrence, étant donné que le terminal de Klaipėda ne serait qu’une solution temporaire, qui resterait en place jusqu’en 2024, alors que le terminal de Paldiski serait prévu pour être opérationnel pendant une plus longue période.

143    Quatrièmement, en ce qui concerne le sixième critère, tiré de l’effet stimulant de l’aide financière au titre du MIE, la requérante relève que, comme cela est indiqué à l’égard du critère relatif à la nécessité de surmonter des obstacles financiers, l’ACA aurait démontré qu’une subvention publique était nécessaire et l’autorité de la concurrence estonienne ainsi que l’agence de l’énergie finlandaise auraient expliqué, dans l’accord mentionné au point 140 ci-dessus, que les coûts de construction du terminal GNL de Paldiski, en tant que projet commercial, ne seraient pas supportés par les tarifs des gestionnaires de réseau de transport.

144    La République d’Estonie fait valoir que l’évaluation par la Commission des deuxième et septième critères d’attribution de la proposition du 8 novembre 2016, aboutissant à considérer que le terminal de Klaipėda suffisait à garantir la sécurité d’approvisionnement de la région, repose sur deux prémisses erronées. En effet, d’une part, elle estime qu’un terminal qui est exploité dans le cadre d’un bail de dix ans, prenant fin en 2024, ne saurait garantir la sécurité d’approvisionnement à long terme de la région, ni l’existence de sources alternatives d’approvisionnement. D’autre part, l’évaluation de la sécurité d’approvisionnement devrait tenir compte de la comparaison entre la capacité quotidienne de fourniture de gaz du terminal de Klaipėda et la consommation quotidienne maximale de la région. Or, l’analyse de la sécurité d’approvisionnement en gaz en Finlande et dans les pays baltes réalisée en 2016 démontrerait que les besoins en gaz de la région correspondent à une consommation quotidienne maximale de 58,5 millions de m3 de gaz par jour, tandis que la capacité maximale de regazéification du terminal de Klaipėda serait de 10,3 millions de m3 de gaz par jour. En cas d’interruption de tout approvisionnement provenant de Russie par gazoduc, la région serait exposée à une grave pénurie de gaz, même dans l’hypothèse où le terminal de Klaipėda fonctionnerait à pleine capacité. Cela montrerait qu’il existe dans la région un besoin à long terme d’un terminal GNL.

145    La Commission et l’INEA contestent les arguments invoqués par la requérante et par la République d’Estonie.

146    Il convient, tout d’abord, de rappeler que les propositions soumises pour le MIE dans le domaine des infrastructures énergétiques, en réponse à l’appel à propositions du 30 juin 2016, ont été évaluées par la Commission au regard de critères précisés dans la décision sur le programme de travail pluriannuel et dans cet appel à propositions. À cet égard, l’appel à propositions du 30 juin 2016 prévoit sept critères d’octroi des subventions en vertu desquels les propositions sont évaluées : i) le degré de maturité de l’action ; ii) la dimension transfrontalière de l’action ; iii) la portée de l’externalité positive découlant de l’action ; iv) la nécessité de surmonter des obstacles financiers ; v) la solidité du plan de mise en œuvre proposé pour l’action ; vi) l’effet stimulant de l’aide financière au titre du MIE sur l’achèvement de l’action, et vii) la priorité ainsi que l’urgence de l’action. Chaque critère d’octroi des subventions se verra attribuer une note comprise entre 0 et 5 points. Le seuil d’acceptation minimal pour chaque critère est de 3 points avant pondération et une proposition qui n’obtient pas au moins 3 points pour chaque critère ne sera pas sélectionnée.

147    Par conséquent, chacun des motifs avancés pour justifier l’attribution d’une note comprise entre 0 et 2 points suffirait à lui seul à fonder la décision de ne pas retenir la proposition du 8 novembre 2016 en vue d’un financement dans le cadre du MIE (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Provincia di Imperia/Commission, T‑351/05, EU:T:2008:40, point 37). Dans ces circonstances, il n’y a lieu d’annuler cette décision, en principe, que si chacun de ces motifs est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul desdits piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision attaquée dès lors que cette erreur ou cette illégalité n’a pu avoir une influence déterminante quant au refus du financement dans le cadre du MIE.

148    S’agissant, ensuite, de l’application des critères d’attribution, tels qu’ils ont été précisés au point 146 ci-dessus, il convient de relever que, dans le domaine de l’octroi d’un concours financier, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’existence des conditions justifiant l’octroi d’un tel concours (voir arrêt du 14 février 2019, Pologne/Commission, T‑366/17, non publié, EU:T:2019:90, point 35 et jurisprudence citée).

149    À cet égard, il est utile de rappeler que, en ce qui concerne l’application des dispositions sur les Fonds, il a déjà été jugé que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est amenée à procéder à l’évaluation de situations factuelles et comptables complexes (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2007, Mediocurso/Commission, T‑251/05 et T‑425/05, non publié, EU:T:2007:162, point 73 et jurisprudence citée), comme lorsqu’elle est amenée à évaluer un grand projet sur la base des informations contenues dans la demande de confirmation visées à l’article 40 du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25), de la cohérence du grand projet avec les priorités d’un programme opérationnel, de sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et de sa cohérence avec les autres politiques de l’Union, et ce afin d’évaluer la finalité et l’impact dudit grand projet, ainsi que les modalités de l’utilisation envisagée des ressources de l’Union (voir arrêt du 14 février 2019, Pologne/Commission, T‑366/17, non publié, EU:T:2019:90, point 36 et jurisprudence citée).

150    S’agissant de l’évaluation, par la Commission, d’un projet comme, en l’espèce, le terminal GNL de Paldiski, qui implique des évaluations techniques complexes nécessitant le recours à des experts externes, il convient de constater que des considérations similaires à celles exposées au point 149 ci-dessus peuvent être retenues en ce qui concerne le pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission.

151    Dans ces circonstances, le contrôle juridictionnel du Tribunal sur une telle évaluation se limite à la vérification du fait que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et, à cette fin, il incombe à la partie requérante d’apporter les éléments de fait ou de droit susceptibles d’établir que l’appréciation de la Commission est entachée d’une telle erreur (voir arrêt du 14 février 2019, Pologne/Commission, T‑366/17, non publié, EU:T:2019:90, point 38 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale « Murgia Messapica »/Commission, T‑465/93, EU:T:1994:56, point 47). En outre, ce contrôle implique que le juge de l’Union détermine si les éléments de preuve apportés par la requérante sont suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits économiques complexes retenus dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 59, et du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 221). Sous réserve de cet examen de la plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation des faits économiques complexes pertinents à celle de l’auteur de la décision. Dans un tel contexte, le contrôle du Tribunal porte sur la vérification tant du respect par la Commission des règles de procédure et de motivation que de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 221 et jurisprudence citée).

152    Enfin, il importe de constater que, dans le cadre d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 46 et jurisprudence citée).

153    C’est dans ce contexte que le Tribunal est appelé, en l’espèce, à déterminer si les motifs de rejet du projet Paldiski figurant dans la lettre du 17 février 2017 et sous-jacents à la décision attaquée (voir point 201 ci-après) recèlent, comme le prétend la requérante, des erreurs manifestes d’appréciation.

154    S’agissant de l’appréciation du deuxième critère, tiré de la dimension transfrontalière, il convient de rappeler que, au titre de ce critère, la requérante s’est vu attribuer 2 points et que, selon le raisonnement contenu dans la lettre du 17 février 2017, « [l]a proposition [du 8 novembre 2016] ne démontre pas la dimension transfrontalière [du projet Paldiski] étant donné que les prétendus avantages en termes de sécurité de l’approvisionnement et de solidarité dans la région sont seulement allégués et il n’apparaît pas qu’ils apportent une réelle valeur ajoutée pour la région », « [l]a proposition [du 8 novembre 2016] ne parvient à démontrer que de manière limitée les externalités significatives dans la [région] en termes de sécurité de l’approvisionnement, compte tenu de l’infrastructure qui existe déjà [terminal de Klaipėda] et de l’infrastructure en cours de développement (Balticconnector et renforcement des interconnexions entre l’Estonie et la Lettonie et entre la Lettonie et la Lituanie) ; nous considérons notamment à l’égard de l’Estonie, que la sécurité régionale du niveau d’approvisionnement est suffisante sans le [projet] Paldiski et que les avantages en résultant pour la Finlande sont contestables ».

155    Il y a lieu, d’emblée, de relever que le point 9 de l’appel à propositions du 30 juin 2016, à l’égard du deuxième critère, précise que « [c]e critère fait référence à l’importance de l’incidence transfrontalière de l’action, compte tenu de la zone concernée, du nombre d’États membres sur lesquels l’action aura une incidence positive (au regard de la situation géographique de l’action) et du niveau de coopération entre les pays concernés ».

156    Or, la requérante fait valoir que, en vertu du règlement RTE-E et du règlement délégué 2016/89 qui désignent l’Estonie en tant qu’emplacement du terminal GNL pour la région de la Baltique et le terminal de Paldiski en tant que PIC, un terminal GNL régional est nécessaire et que l’emplacement de ce terminal est en Estonie, à Paldiski. Dans la mesure où le terminal GNL de Tallinn n’aurait pas soumis de demande de financement dans le cadre du MIE lors du second appel à propositions du MIE en 2016, le projet Paldiski serait resté le seul projet dans la région qui posséderait une dimension transfrontalière, ce qui découlerait du fait que le projet Paldiski aurait possédé le statut de PIC.

157    À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever qu’il n’existe pas d’automatisme selon lequel le statut de PIC implique nécessairement que le projet concerné possède une dimension transfrontalière suffisante pour justifier l’octroi d’un concours financier au titre du MIE.

158    En effet, en premier lieu, la procédure de recensement et sélection des PIC et celle du MIE sont différentes. Ainsi que la requérante le fait elle-même valoir, la modification de la liste des PIC de l’Union exige l’adoption d’un règlement délégué par la Commission et la procédure prévue à cet égard requiert, notamment, selon l’article 3, paragraphe 3, du règlement RTE‑E, la participation des États membres dans le processus d’identification des PIC, tandis que la procédure du MIE est gérée par la Commission et l’INEA. La sélection des projets à cofinancer par le MIE se fonde sur des critères de sélection et d’attribution définis selon la procédure prévue par l’article 17 du règlement MIE et conformément aux objectifs et aux priorités énoncés aux articles 3 et 4 dudit règlement. Par conséquent, cette sélection repose sur des critères procéduraux et matériels distincts de ceux définis dans le règlement RTE-E. Il s’ensuit que, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement MIE, le statut de PIC est une condition nécessaire, mais non suffisante, afin de bénéficier d’un concours financier de l’Union, ce qui est également attesté par l’article 14 du règlement RTE–E, selon lequel les PIC sont éligibles à une aide financière de l’Union, ce qui implique qu’une telle aide n’est pas accordée automatiquement, mais exige également l’examen des critères de sélection et d’attribution. L’INEA ajoute, à juste titre, que, s’il en était autrement, à savoir si le statut de PIC était suffisant en vue d’obtenir une aide financière de l’Union ou en vue de remplir le deuxième critère d’attribution, tiré de la dimension transfrontalière, l’évaluation dudit critère d’attribution dans le cadre des appels à propositions au titre du MIE ne serait pas requise.

159    En deuxième lieu, si l’inscription du projet Paldiski sur la première et la seconde liste des PIC présuppose, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement RTE-E, lu en combinaison avec l’annexe IV, point 1, sous d), dudit règlement, une incidence transfrontalière significative, ce fait n’a pas nécessairement pour conséquence l’attribution d’une note spécifique entre 0 (très pauvre) et 5 (excellent) points lors de l’évaluation du critère d’attribution du MIE correspondant. En revanche, conformément au point 9 de l’appel à propositions du 30 juin 2016, cité au point 155 ci-dessus, le deuxième critère d’attribution fait référence à l’importance de l’incidence transfrontalière, comme cela ressort de la demande de subvention au titre du MIE. C’est par conséquent l’importance de l’incidence transfrontalière qui est décisive à cet égard. En effet, l’attribution de 2 points sur 5 pour le projet Paldiski démontre que ledit projet comporte une dimension transfrontalière – constat qui ne se trouve pas, par conséquent, en contradiction avec le statut du PIC –, mais que celle-ci était insuffisante en vue de satisfaire le deuxième critère d’attribution.

160    En troisième lieu, il convient de préciser que, s’il apparaît, comme le fait valoir la requérante, qu’un terminal régional est nécessaire, ce que la Commission a d’ailleurs confirmé en faisant valoir que sa position a toujours consisté à estimer qu’il ne devait y avoir qu’un terminal GNL régional de la Baltique et qu’il n’existait pas de marché pour deux terminaux GNL de grande envergure, il n’en demeure pas moins que le statut de PIC du projet Paldiski, au sens du règlement délégué 2016/89 et à l’époque de la décision attaquée, ne préjuge pas de la nécessité d’octroi d’un concours financier au titre du MIE. En effet, outre le fait que, comme cela est exposé ci-dessus, le statut de PIC est une condition nécessaire, mais non suffisante, en vue d’obtenir l’octroi d’un concours financier au titre du MIE, force est de constater que l’argument de la requérante selon lequel, dans la mesure où le terminal GNL de Tallinn n’aurait pas soumis de demande de financement dans le cadre du MIE lors du second appel à propositions du MIE en 2016, le projet Paldiski serait resté le seul projet dans la région qui posséderait une dimension transfrontalière, ce qui serait confirmé par le fait que le projet Paldiski aurait possédé le statut de PIC, est dépourvu de fondement.

161    À cet égard, il suffit de préciser que, aux fins de déterminer l’importance de l’incidence transfrontalière et contrairement à ce que soutient la requérante, le fait de savoir si le terminal GNL de Tallinn ou bien celui de Klaipėda ont présenté des demandes de financement dans le cadre du MIE lors du second appel à propositions du MIE en 2016 est dénué de toute pertinence. En effet, ces deux terminaux peuvent posséder une dimension transfrontalière en ayant évolué sans cofinancement de l’Union, sans avoir participé au second appel à propositions du MIE en 2016 et, en outre, sans avoir demandé le statut de PIC. La Commission et l’INEA font d’ailleurs valoir, à bon droit, que le fait qu’une infrastructure gazière donnée, telle que le terminal de Klaipėda, n’ait jamais demandé le statut de PIC ne signifie pas pour autant qu’elle ne devrait pas être prise en compte dans l’ACA d’une autre infrastructure gazière. Au contraire, l’ACA doit tenir compte de toutes les infrastructures gazières existantes. Par conséquent, les conclusions tirées par la requérante des documents datant de la période allant de 2009 à 2014, soit avant la mise en service du terminal de Klaipėda, ne sont plus valables eu égard au changement de situation intervenu avec la mise en service dudit terminal.

162    Il convient d’ajouter que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait que, à la fin de l’année 2015, le terminal de Klaipėda ne figurait pas sur la liste des PIC tandis que le projet Paldiski y était repris n’indique pas que l’arrivée dudit terminal n’était, à l’époque, pas considérée comme ayant un impact significatif à l’égard de la situation du marché du gaz en mer Baltique. À cet égard, la Commission a précisé que l’évaluation de la deuxième liste des PIC de l’Union – fondée sur les résultats du plan décennal européen de développement du réseau précédent pour lequel la collecte des données a eu lieu en 2013 et au premier semestre de l’année 2014 – avait été réalisée avant que le terminal de Klaipėda ne devienne opérationnel, de sorte que l’arrivée de ce dernier n’avait pas pu être prise en compte. Lorsque le terminal de Klaipėda est devenu opérationnel, son statut était celui de « projet déjà existant » et ne pouvait pas être inscrit sur la liste des PIC.

163    Par conséquent, en faisant référence à son statut de PIC et à la proposition du 8 novembre 2016 dans le cadre du MIE lors du second appel à propositions du MIE en 2016, la requérante n’a pas démontré que le projet Paldiski était le seul projet dans la région revêtant une dimension transfrontalière qui, de ce fait, devrait se voir octroyer un concours financier au titre du MIE. Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait que le terminal de Paldiski possède le statut de PIC en concurrence avec le terminal GNL de Tallinn, qui n’a pourtant pas fait de demande de financement au titre du MIE, ne signifie pas qu’un concours financier au titre du MIE devait lui être octroyé.

164    Deuxièmement, dans la mesure où, selon le deuxième critère, tiré de la dimension transfrontalière, seule l’importance de l’incidence transfrontalière du projet Paldiski s’avère décisive, il convient de relever que la requérante, en ce qui concerne la contribution propre de son projet à la sécurité de l’approvisionnement dans la région, n’a pas remis en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle, dans la proposition du 8 novembre 2016, elle ne parvenait à démontrer que de manière limitée ses externalités significatives dans la région en termes de sécurité de l’approvisionnement.

165    En effet, sans que cela soit contesté par la requérante, la Commission et l’INEA ont précisé que les avantages essentiels de la sécurité d’approvisionnement du projet Paldiski n’avaient été calculés que pour l’Estonie et la Finlande. En particulier, la Commission et l’INEA ont fait valoir que, compte tenu de sa dimension régionale alléguée, quatre États membres, à savoir la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et la Finlande devaient bénéficier des avantages dudit projet. Toutefois, d’une part, la requérante avait exclu la Lituanie de l’ACA jointe à la proposition du 8 novembre 2016, présumant que le projet ne générerait pas d’avantages pour ce pays et, d’autre part, cette analyse avait indiqué, pour la Lettonie, que le total des avantages nets liés à la sécurité d’approvisionnement pour ce pays n’avoisinerait que 8 % de son besoin.

166    Par ailleurs, troisièmement, alors que la décision attaquée justifie le constat selon lequel la proposition du 8 novembre 2016 ne parvient à démontrer que de manière limitée les externalités significatives dans la région en termes de sécurité de l’approvisionnement en s’appuyant sur l’infrastructure déjà existante (terminal de Klaipėda) et celle en cours de développement, la requérante conteste cette appréciation en faisant valoir que les autres infrastructures existantes dans la région ne remplissent pas les objectifs fixés par l’Union concernant la sécurité de l’approvisionnement ou la notion de solution la plus économique.

167    Or, force est de constater qu’aucun des arguments avancés par la requérante ne permet d’établir que l’appréciation de la Commission selon laquelle la proposition du 8 novembre 2016 s’est vu attribuer 2 points sur 5, puisqu’elle ne parvient à démontrer que de manière limitée les externalités significatives dans la région en termes de sécurité de l’approvisionnement, compte tenu de l’infrastructure déjà existante (terminal de Klaipėda) et celle en cours de développement, serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

168    En effet, en premier lieu, il convient de relever que la requérante, lorsqu’elle fait valoir que, en raison des faibles importations provenant du terminal de Klaipėda, la région continue de dépendre d’un unique fournisseur de gaz, à savoir Gazprom, et que, de ce fait, le terminal de Klaipėda ne réunirait pas les conditions de la solution la plus économique et ne pourrait pas être invoqué à l’appui du constat de la Commission mentionné au point 167 ci-dessus, n’a pas démontré que la dépendance de la région à l’égard de Gazprom restait inchangée depuis l’apparition du terminal de Klaipėda et que le projet Paldiski pouvait contribuer à la sécurité de l’approvisionnement plus que de manière limitée.

169    Tout d’abord, il est utile de relever que les chiffres utilisés par les parties démontrent que l’impact positif de la mise en service du terminal de Klaipėda sur le marché de la région s’est déjà concrétisé.

170    En effet, il est constant que, avant la mise en service du terminal de Klaipėda à la fin de l’année 2014, la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie étaient dépendantes d’un seul fournisseur de gaz, à savoir Gazprom, et que, depuis ladite mise en service, les prix ont baissé. À cet égard, la requérante a fait valoir que les coûts de location du terminal de Klaipėda étaient inclus dans une taxe relative à la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel ajoutée au prix du gaz naturel et que les prix du gaz dans la région n’auraient pas diminué. En revanche, dans le cadre de la réplique, la requérante a modifié ses observations à cet égard, en précisant que Gazprom aurait procédé à une réduction de prix en 2016, laquelle n’aurait toutefois pas été provoquée par la situation de concurrence résultant de la mise en service du terminal de Klaipėda, mais en raison de l’enquête antitrust en cours à l’époque dans l’Union.

171    Or, cette dernière allégation de la requérante, selon laquelle une enquête antitrust serait à l’origine de la réduction de prix, n’est étayée par aucun élément précis et circonstancié. Sans fournir d’autres explications, la requérante renvoie à un communiqué de presse de la Commission du 4 septembre 2012 concernant l’ouverture d’une procédure formelle contre Gazprom en matière d’ententes et d’abus de position dominante, qui ne permet pas d’établir que cette enquête antitrust aurait amené Gazprom à réduire ses prix en 2016.

172    Indépendamment de la question de savoir si cette enquête antitrust a incité Gazprom à baisser ses prix, il convient de relever, comme la requérante le fait elle-même valoir, que, après la mise en service du terminal de Klaipėda, les exportations de gaz de la Lituanie vers l’Estonie avaient atteint au moins 20 % du total des importations estoniennes, alors que, avant la mise en service du terminal de Klaipėda, il n’y avait pas d’exportations de gaz de la Lituanie vers l’Estonie. Cette situation était motivée par l’écart de prix entre les deux pays tandis que, selon la requérante, en 2016, lorsque les prix estoniens se sont alignés sur les prix lituaniens, de sorte qu’il n’était économiquement plus pertinent d’acheter du gaz aux prix lituaniens, les exportations ont chuté et l’Estonie n’a importé que 7 % de son gaz naturel à partir de la Lituanie.

173    Par conséquent, il est constant que, d’une part, le taux des exportations de gaz de la Lituanie vers l’Estonie est influencé par un éventuel écart de prix entre ces deux pays et que, pour une certaine période, le prix du gaz fourni par le terminal de Klaipėda a permis une augmentation des exportations de gaz de la Lituanie vers l’Estonie jusqu’au moment où Gazprom a baissé ses prix, ce qui avait pour effet de rendre l’approvisionnement en GNL moins compétitif que le gaz acheminé par gazoduc.

174    Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les faits non litigieux démontrent l’impact de la mise en service du terminal de Klaipėda sur la concurrence.

175    Ensuite, en ce qui concerne l’impact de la mise en service du terminal de Klaipėda sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz, qui constitue le fondement de la décision attaquée, il convient de relever que les arguments avancés par la requérante pour soutenir son allégation selon laquelle la région continuerait de dépendre de Gazprom comme unique fournisseur de gaz, à savoir les faibles taux d’exportations de gaz de la Lituanie vers l’Estonie à partir de l’année 2016 ainsi que l’augmentation de la fourniture de gaz de la Russie vers la Lituanie de 38,5 % en 2016 à 54 % en 2017, et la baisse correspondante de la fourniture de GNL par le terminal de Klaipėda de 60 à 40 %, ne démontrent pas que l’appréciation de la Commission selon laquelle, compte tenu de l’infrastructure existante et de celle en cours de développement, la proposition du 8 novembre 2016 ne parvient à démontrer que de manière limitée les externalités significatives dans la région, serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

176    En effet, indépendamment de la question de savoir, si, compte tenu de la jurisprudence citée au point 152 ci-dessus, la requérante peut utiliser les chiffres de l’année calendaire 2017 pour contester la légalité de la décision attaquée, il y a lieu de relever que le terminal de Klaipėda, après la baisse des exportations de gaz de la Lituanie vers l’Estonie en 2017, n’avait été utilisé qu’à 40 % de sa capacité, ce qui n’est pas contesté.

177    Or, comme le fait valoir à bon droit l’INEA, le fait que le terminal de Klaipėda n’ait pas été utilisé à pleine capacité en 2017 ne signifie pas qu’il ne puisse pas fonctionner à pleine capacité si cela est nécessaire. En outre, lorsque les prix du GNL seront compétitifs par rapport aux prix du gaz acheminé par gazoduc ou lorsque le GNL sera nécessaire au regard de la sécurité de l’approvisionnement, ce terminal pourrait attirer l’intérêt des clients de la région, étant donné que l’infrastructure nécessaire est déjà disponible. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait que, après l’année 2016, les importations provenant du terminal de Klaipėda ainsi que la fourniture de GNL par ce terminal à la Lituanie ont baissé n’est pas de nature à démontrer que ledit terminal ne contribue pas à la sécurité de l’approvisionnement dans la région, ni que cette région continue de dépendre de Gazprom comme unique fournisseur de gaz. Au contraire, si Gazprom cessait la livraison du gaz acheminé par gazoduc ou si elle revenait à sa tarification antérieure à l’année 2015, le GNL du terminal de Klaipėda pourrait de nouveau attirer l’intérêt des clients de la région.

178    Dans ce contexte, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la sécurité de l’approvisionnement n’a pas uniquement été évaluée compte tenu de l’existence du terminal de Klaipėda, mais aussi de celle d’autres infrastructures gazières en développement, à savoir le Balticconnector et le renforcement des interconnexions entre l’Estonie et la Lettonie, d’une part, et entre la Lettonie et la Lituanie, d’autre part. Comme la requérante le fait elle-même valoir au point 61 de la réplique et contrairement à ses affirmations figurant au point 91 de la requête, dans la mesure où le Balticconnector, à partir de l’année 2019, reliera la Finlande aux États baltes, il apportera également une nouvelle source d’approvisionnement en gaz à la Finlande étant donné que le terminal de Klaipėda fournit déjà du GNL aux États baltes.

179    En deuxième lieu, dans la mesure où la requérante fonde sa conclusion selon laquelle le terminal de Klaipėda ne met pas fin à la dépendance de la région à Gazprom sur la nature provisoire de ce terminal, il y a lieu de relever que les parties s’accordent à considérer que l’un des objectifs de la politique des infrastructures énergétiques transeuropéennes est de permettre d’atteindre les objectifs énergétiques et climatiques de l’Union à l’horizon de 2050. Or, la requérante, soutenue par la République d’Estonie, allègue que, dans la mesure où le GNL fourni à Klaipėda proviendrait d’un réservoir, situé en Norvège, loué par le gouvernement lituanien auprès de Höegh LNG en vertu d’un contrat de location de dix ans, cette perspective limitée offerte par le terminal de Klaipėda ne serait pas conforme aux objectifs du règlement RTE–E, qui viserait à assurer le développement à long terme de l’infrastructure jusqu’en 2050.

180    Cependant, dans la mesure où, comme cela ressort du considérant 7 du préambule du règlement RTE-E, l’Union doit préparer ses infrastructures pour poursuivre la décarbonisation de son système énergétique sur le long terme à l’horizon de 2050, cet argument de la requérante ne démontre pas que l’appréciation de la Commission serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Ainsi que la Commission l’a précisé en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, il était difficile d’anticiper, au moment de l’adoption de la décision attaquée, la situation prévalant en 2024. En effet, la Commission n’a pas outrepassé sa marge d’appréciation en faisant valoir que, en vue de la politique des infrastructures énergétiques transeuropéennes qui consiste à réduire le nombre de PIC dans le secteur du gaz, la prise en compte du terminal de Klaipėda, qui, au moment de l’adoption de la décision attaquée, existait déjà dans la région et devait fonctionner pendant encore au moins huit ans, laissait suffisamment de temps pour déterminer le nombre de projets d’infrastructures gazières réellement nécessaires à long terme dans la région.

181    En troisième lieu, en ce qui concerne l’absence d’accès non discriminatoire au terminal de Klaipėda, sans contester l’affirmation de la Commission selon laquelle ce terminal GNL opère dans le cadre des règles d’accès en tant que tierce partie,  la requérante avance plusieurs circonstances, qui, selon elle, ont pour conséquence qu’il ne serait pas « viable économiquement » de recourir aux capacités dudit terminal. Cependant, à cet égard, il convient de relever que la requérante reste en défaut de démontrer dans quelle mesure ces circonstances relatives à l’accès audit terminal conduisent à conclure que le terminal de Klaipėda ne garantirait pas la sécurité d’approvisionnement de la région et ne pourrait pas être invoqué à l’appui de la conclusion selon laquelle, compte tenu de cette infrastructure existante, le projet Paldiski ne parviendrait à démontrer que de manière limitée les externalités significatives dans la région en termes de sécurité de l’approvisionnement.

182    En effet, les observations de la requérante sont contradictoires dans la mesure où, d’une part, elle critique le fait que le fournisseur désigné en vertu de la législation lituanienne pertinente ait un accès préférentiel aux capacités du terminal de Klaipėda et que les autres fournisseurs ne puissent demander l’accès aux capacités disponibles que dans l’hypothèse où ledit fournisseur n’aurait pas demandé l’accès à ces capacités disponibles, mais,  d’autre part, il découle de ses propres observations qu’il n’y a pas de manque de « capacités disponibles » dans la mesure où elle allègue que, entre l’année 2016 et l’année 2017, la fourniture de GNL par le terminal de Klaipėda a baissé de 60 à 40 % et que le faible volume d’importations confirmerait le manque de mesures économiques d’incitation à l’utilisation des capacités du terminal de Klaipėda. Compte tenu des capacités non utilisées du terminal de Klaipėda, il n’est, par conséquent, pas plausible de considérer qu’un éventuel accès préférentiel du fournisseur désigné par la Lituanie aux « capacités disponibles » a pour conséquence qu’il ne serait pas « viable économiquement » de recourir aux capacités dudit terminal.

183    En outre, comme cela a été constaté aux points 169 à 174 ci-dessus, après la mise en service du terminal de Klaipėda, un tel recours aux capacités de ce terminal de la part de l’Estonie a eu lieu et l’impact de cette mise en service sur la concurrence est établi. Il s’ensuit que, contrairement à l’affirmation de la requérante selon laquelle le faible volume d’importations à partir de l’année 2016 confirmerait le manque de « mesures économiques d’incitation à l’utilisation des capacités du terminal de Klaipėda » par d’autres fournisseurs que le fournisseur désigné, le taux des exportations de gaz de la Lituanie vers l’Estonie est influencé par un éventuel écart de prix entre ces deux pays et que, pour une certaine période, le prix du gaz fourni par le terminal de Klaipėda a permis une augmentation des exportations de gaz de la Lituanie vers l’Estonie, jusqu’au moment où Gazprom a baissé ses prix, ce qui a eu pour effet de rendre l’approvisionnement en GNL moins compétitif que le gaz acheminé par gazoduc. À cet égard, l’INEA précise à bon droit que, en vertu du considérant 48 du règlement MIE, il importe de prévenir toute distorsion de concurrence, notamment entre les projets contribuant à la réalisation des mêmes corridors prioritaires de l’Union. Le terminal de Klaipėda existe déjà dans la région et le projet Paldiski serait en concurrence directe avec ce terminal s’il entrait en service pendant son cycle de vie. Dans de telles situations, l’octroi de subventions au titre du MIE à des travaux relatifs à des projets spécifiques serait susceptible d’entraîner des distorsions significatives de la concurrence dans la mesure où ce serait le financement de l’Union qui permettrait à un projet de fixer des tarifs plus faibles pour ses utilisateurs et d’être ainsi plus avantageux qu’une installation existante.

184    En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le terminal de Klaipėda n’a jamais été un PIC, il suffit de renvoyer aux observations figurant aux points 157 à 163 ci-dessus, qui établissent qu’une infrastructure gazière telle que le terminal de Klaipėda peut posséder une dimension transfrontalière en étant viable sans cofinancement de l’Union et le fait qu’une telle infrastructure gazière n’ait jamais demandé le statut de PIC ne signifie pas qu’elle ne devrait pas être prise en compte dans l’ACA d’une autre infrastructure gazière.

185    En cinquième lieu, dans la mesure où la République d’Estonie fait valoir que, aux fins d’évaluer si le terminal de Klaipėda suffit à garantir la sécurité d’approvisionnement de la région, cette évaluation devrait tenir compte de la comparaison entre la capacité quotidienne de fourniture de gaz dudit terminal et la consommation quotidienne maximale de la région, il convient de relever que la République d’Estonie n’est pas parvenue à apporter des éléments de fait ou de droit susceptibles d’établir que l’appréciation de la Commission à cet égard est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation.

186    En effet, la République d’Estonie soutient que les besoins en gaz en Finlande et dans les pays baltes correspondent à une consommation quotidienne maximale de 58,5 millions de m3 de gaz par jour, tandis que la capacité maximale de regazéification du terminal de Klaipėda serait de 10,3 millions de m3 de gaz par jour, ce qui démontrerait qu’il existe, dans la région, un besoin à long terme d’un deuxième terminal GNL. Or, la Commission et l’INEA rétorquent, à juste titre, que le gaz est facile à stocker lorsque la demande est faible, de façon à être utilisé lors des pics de demande. Par conséquent, l’argument de la République d’Estonie selon lequel la capacité maximale de regazéification du terminal de Klaipėda ne suffit pas, à elle seule, pour couvrir les pics de la demande de gaz ne permet pas de priver de plausibilité l’appréciation des faits à laquelle la Commission s’est livrée dans la décision attaquée. Par ailleurs, la République d’Estonie n’a pas réfuté les arguments de la Commission et de l’INEA selon lesquels les États baltes profitent du stockage souterrain de gaz à Inčukalns (Lettonie), qui dispose d’une capacité de prélèvement de gaz de 28 millions de m³ par jour et qui, en combinaison avec les autres PIC dans la région, notamment l’interconnexion de gaz Pologne-Lituanie (GIPL) qui devrait être achevé en 2021, est suffisant pour couvrir les pics de la demande de gaz.

187    Enfin, dans la mesure où la Commission et l’INEA, dans le cadre des mémoires en défense, précisent que la capacité du terminal de Klaipėda s’élève à 4 milliards de m³ par an et peut donc couvrir 90 % de la demande de gaz des trois États baltes qui sera comprise entre 4,2 et 4,5 milliards de m³ par an en 2025, la requérante fait valoir, à juste titre, que la région à prendre en considération en termes de demande de gaz devrait également inclure la Finlande.

188    Il ne résulte, toutefois, pas de cet argument de la requérante que la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, il résulte de ladite décision, laquelle ne prend pas seulement en compte l’infrastructure déjà existante, à savoir le terminal de Klaipėda, mais également celle en cours de développement, qu’elle a pris en considération la nécessité d’assurer la sécurité de l’approvisionnement pour la Finlande, en constatant que les avantages du projet Paldiski pour cette dernière étaient contestables. Plus précisément, il est constaté, dans la décision attaquée, que, à l’égard de l’Estonie, la sécurité régionale du niveau d’approvisionnement est suffisante, tandis qu’elle ne dénie pas au projet Paldiski une contribution limitée à la sécurité de l’approvisionnement pour la Finlande, mais estime que cette contribution limitée est insuffisante aux termes du MIE en lui attribuant une note de 2 points sur 5. Il ne peut pas être considéré que la Commission a outrepassé sa marge d’appréciation en estimant que, malgré une contribution limitée du projet Paldiski à la sécurité de l’approvisionnement de la mer Baltique orientale, compte tenu de l’infrastructure qui existait déjà, un deuxième terminal GNL régional de la Baltique ne méritait pas l’octroi d’un concours financier au titre du MIE. Et cela d’autant plus dans la mesure où il est constant que le terminal de Klaipėda ne se trouvait, en 2017, utilisé qu’à 40 % de sa capacité.

189    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’appréciation par la Commission du deuxième critère d’attribution, tiré de la dimension transfrontalière, n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

190    Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée. En outre, il convient, pour les raisons exposées au point 147 ci-dessus, de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation

191    La requérante soutient, tout d’abord, que la décision attaquée – dont elle n’est pas le destinataire et qui ne la mentionne pas – n’est pas motivée et ne lui permet pas de connaître les motifs pour lesquelles la proposition du 8 novembre 2016 n’a pas obtenu de financement.  De même, la lettre du 17 février 2017 ne lui aurait pas fourni suffisamment d’informations afin de lui permettre de comprendre la raison pour laquelle la Commission et l’INEA n’ont pas octroyé de financement pour son projet. Dans ladite lettre, la Commission et l’INEA l’auraient informée des notes attribuées pour sept critères distincts et auraient fourni une explication en un paragraphe. Toutefois, les explications seraient très générales et les raisons de l’attribution d’une note inférieure au nombre de points nécessaires n’auraient pas été expliquées clairement à l’égard de chaque critère. Plus précisément, bien que la lettre du 17 février 2017 aurait fourni les pondérations respectives des critères en fonction du résultat final, il ne serait pas possible d’établir une corrélation spécifique entre les brefs commentaires de l’INEA et de la Commission et les déductions de points, situation dans laquelle la Cour, dans l’arrêt du 3 mai 2018, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a. (C‑376/16 P, EU:C:2018:299, points 66 et 67), aurait apprécié l’absence d’explication détaillée comme étant constitutive d’une motivation juridique insuffisante.

192    En particulier, s’agissant du deuxième critère, tiré de la dimension transfrontalière, l’explication fournie dans la lettre du 17 février 2017 n’aurait aucun rapport avec les trois composantes de la dimension transfrontalière fournies dans le guide des candidats, à savoir a) la zone d’influence de l’action et de la coopération entre États membres et avec les pays tiers ; b) la contribution financière des États membres à l’action envisagée, et c) l’affectation transfrontalière des coûts. S’agissant du septième critère, tiré de la priorité et de l’urgence de l’action, l’INEA soutiendrait que la lettre du 17 février 2017 explique « qu’il y [avait] déjà une infrastructure à Klaipėda et l’infrastructure en cours de développement », de sorte que « la sécurité régionale du niveau d’approvisionnement [était] jugée suffisante ». Dans la mesure où cette explication s’avérerait être la même que celle fournie pour l’absence de dimension transfrontalière, elle ne saurait être considérée comme une motivation claire et suffisante. En ce qui concerne les quatrièmes et sixièmes critères, tirés respectivement de la nécessité de surmonter des obstacles financiers et de l’effet stimulant de l’aide financière au titre du MIE sur l’achèvement de l’action, la lettre du 17 février 2017 indiquerait seulement que « l’analyse des coûts […] ne démontre pas clairement les raisons pour lesquelles l’action ne peut être financée par d’autres sources que le MIE ». Or, cela ne pourrait être considéré comme étant une réelle justification, puisque aucune explication relative aux éléments non convaincants de l’analyse ne serait fournie.  

193    Ensuite, la requérante observe que les autres sources d’information disponibles pour les candidats, notamment les explications générales contenues dans l’appel à propositions du 30 juin 2016 et la décision sur le programme de travail pluriannuel qui reproduit, dans une large mesure, les règles du règlement RTE-E et du règlement MIE applicables sans que figure la moindre explication détaillée sur la méthode d’évaluation de ces critères, ne lui permettent pas d’apprécier dans quelle mesure son projet répondait auxdits critères. En revanche, en ce qui concerne les autres documents, à savoir les formulaires de candidature, le guide des candidats et les questions fréquemment posées, ceux-ci ne constitueraient pas des règles de droit et ne sauraient dès lors être pris en considération.

194    Enfin, la requérante fait valoir que la Commission ne saurait se prévaloir de l’arrêt du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission (C‑48/96 P, EU:C:1998:223), à l’appui de son affirmation selon laquelle il n’était pas nécessaire, en l’espèce, de fournir une motivation détaillée. Selon la requérante, les circonstances sous-jacentes de la présente affaire sont très différentes de celles de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

195    La République d’Estonie estime que la décision attaquée ne contient pas de motifs de fond suffisants pour comprendre les raisons qui ont motivé son adoption. Certes, la lettre du 17 février 2017 indiquerait que la requérante n’avait pas obtenu un score suffisant lors de l’évaluation de l’ensemble des critères d’attribution, mais sans expliquer pour quelle raison les notes nécessaires n’avaient pas été atteintes et sans permettre d’identifier quelles justifications s’appliquaient à quels critères. L’arrêt du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission (C‑48/96 P, EU:C:1998:223), ne justifierait pas une conclusion différente dans la mesure où la présente affaire ne correspondrait pas aux circonstances qui auraient donné lieu audit arrêt.

196    La Commission et l’INEA contestent les arguments invoqués par la requérante et par la République d’Estonie.

197    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 147, et du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).

198    Ainsi, dans le cadre des décisions individuelles, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 148 et jurisprudence citée).

199    La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. Il est de jurisprudence constante que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53 et jurisprudence citée).

200    En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 54, et du 9 décembre 2014, BelTechExport/Conseil, T‑438/11, non publié, EU:T:2014:1044, point 84).

201    En l’espèce, il convient de relever que l’obligation de motivation de la décision attaquée doit être appréciée au regard des critères précisés dans la lettre du 17 février 2017, dans la décision sur le programme de travail pluriannuel et dans l’appel à propositions du 30 juin 2016.

202    Il s’ensuit que les informations figurant dans la décision attaquée, telles que complétées par les informations contenues notamment dans la lettre du 17 février 2017 et dans l’appel à propositions du 30 juin 2016, sont de nature à permettre à la requérante, même sans que celle-ci soit mentionnée explicitement dans la décision attaquée, de comprendre que la proposition du 8 novembre 2016 n’a pas été retenue étant donné qu’elle n’avait pas atteint, pour chaque critère évalué, un résultat d’au moins 3 points avant pondération. En particulier, en ce qui concerne le deuxième critère d’attribution, tiré de la dimension transfrontalière, pour lequel il lui a été attribué 2 points avant pondération, la lettre du 17 février 2017 a permis à la requérante de comprendre que la Commission avait jugé que, dans la proposition du 8 novembre 2016, elle ne parvenait à démontrer que de manière limitée tant, d’une part, les externalités significatives dans la région en termes de sécurité de l’approvisionnement, dans la mesure où cette proposition ne concernait essentiellement que l’Estonie et la Finlande, que, d’autre part, les avantages de son projet compte tenu de l’existence du terminal de Klaipėda et de l’infrastructure en cours de développement.

203    Dans la mesure où la requérante soutient que les commentaires contenus dans la lettre du 17 février 2017 ne lui auraient pas permis d’établir une corrélation spécifique avec les points attribués pour les quatrième, sixième et septième critères, il y a lieu de relever que cette argumentation est, pour les raisons exposées aux points 147 et 190 ci-dessus, inopérante.

204    À l’égard du deuxième critère d’attribution, contrairement à ce que font valoir la requérante et la République d’Estonie, la décision attaquée fournit une explication qui correspond aux explications complémentaires de ce critère d’octroi contenues dans l’appel à propositions du 30 juin 2016, à savoir, comme cela est précisé au point 9 dudit appel, « l’importance de l’incidence transfrontalière de l’action, compte tenu de la zone concernée [et] du nombre d’États membres sur lesquels l’action aura une incidence positive ». En effet, il ressort de la décision attaquée et de la lettre du 17 février 2017 que les bénéfices allégués sur le plan de la sécurité de l’approvisionnement et de la solidarité dans la région ne semblent pas apporter de réelle valeur ajoutée pour la région, la sécurité régionale du niveau d’approvisionnement étant suffisante, pour l’Estonie, sans le terminal de Paldiski et les avantages qui en résultent pour la Finlande étant contestables.

205    Dans la mesure où la requérante critique, en outre, et en contradiction avec ses observations selon lesquelles le guide des candidats ne constitue pas une règle de droit et ne saurait, par conséquent, être pris en considération, une prétendue correspondance imparfaite entre l’explication relative au deuxième critère, tiré de la dimension transfrontalière, telle que formulée dans ce guide des candidats, et le résumé de l’évaluation fourni dans la lettre du 17 février 2017, il convient de relever, tout d’abord, que, même si le guide des candidats en tant que tel ne constitue pas une règle de droit et n’est pas de nature à ajouter des exigences qui n’étaient pas initialement prévues dans l’appel à propositions du 30 juin 2016, il fait néanmoins partie du contexte qui permet d’interpréter lesdites exigences (voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 53 et 54 et jurisprudence citée). Ensuite, il y a lieu de préciser que les observations figurant dans la décision attaquée, reproduites au point 204 ci-dessus, répondent aux explications contenues dans le guide des candidats concernant la zone d’influence de l’action et de la coopération entre États membres et avec les pays tiers. Enfin, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 199 ci-dessus, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents. À cet égard, l’INEA fait valoir, à juste titre, que, si les informations fournies par le guide des candidats visent à mieux expliquer le contenu du deuxième critère, l’obligation de fournir une motivation adéquate n’implique toutefois pas qu’il soit nécessaire d’expliquer en détail chaque sous-élément du critère.

206    À l’égard du reproche de la requérante selon lequel la motivation de la décision attaquée ne saurait être considérée comme claire et suffisante dans la mesure où le renvoi à l’infrastructure existante et à celle en cours de développement avait servi d’explication tant pour le deuxième critère d’attribution, tiré de la dimension transfrontalière, que pour le septième critère, tiré de la priorité et de l’urgence de l’action, il y a lieu de relever que le contexte dans lequel s’inscrit l’appel à propositions du 30 juin 2016 fait apparaître que les conditions des critères d’attribution se recoupent. En effet, comme cela ressort des explications des critères d’attribution au point 9 de l’appel à propositions du 30 juin 2016, la contribution d’un projet au marché intérieur de l’énergie dans la mesure où ce projet met fin à l’isolement énergétique et contribue à l’élimination des goulets d’étranglement est évalué dans le cadre du septième critère. Il s’ensuit que l’étendue de la contribution à l’élimination des goulets d’étranglement dans le marché intérieur de l’énergie va régulièrement coïncider avec les conditions du deuxième critère d’attribution, à savoir avec l’importance de l’incidence transfrontalière de l’action, compte tenu de la zone concernée, du nombre d’États membres sur lesquels l’action aura une incidence positive et du niveau de coopération entre les pays concernés. En conséquence, il n’existe pas une relation d’exclusivité entre les différents critères d’attribution et la même circonstance peut influencer d’une manière positive ou négative l’évaluation de différents critères d’attribution. Il résulte du recoupement de ces critères d’attribution que l’absence d’une délimitation claire entre ces critères dans la décision attaquée ne peut pas justifier le grief d’une motivation qui ne serait pas claire et suffisante.

207    Il convient d’ailleurs de constater que la requérante a été en mesure de contester utilement le bien-fondé du rejet de la proposition du 8 novembre 2016 par la décision attaquée, ce que démontre son argumentation exposée au soutien du troisième moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, dans le cadre de laquelle elle met en cause le bien-fondé des motifs invoqués par la Commission à son égard, y compris les explications issues de la lettre du 17 février 2017, notamment en ce qui concerne la question de la sécurité de l’approvisionnement dans la région et de la nécessité d’avoir, outre le terminal GNL déjà existant à Klaipėda, plus d’un terminal GNL dans cette région. De surcroît, les requêtes (points 43 et 60 de l’affaire T‑236/17 et points 75 et 92 de l’affaire T‑596/17) démontrent que, contrairement à ce que fait valoir la République d’Estonie, la requérante était en mesure d’identifier quelles justifications s’appliquaient aux critères de la dimension transfrontalière et de la nécessité de surmonter des obstacles financiers.

208    Il en résulte que la requérante ne saurait soutenir qu’elle n’était pas en mesure de comprendre les motifs ayant conduit la Commission à ne pas retenir, dans la décision attaquée, la proposition du 8 novembre 2016.

209    Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argumentation de la requérante reposant sur une prétendue « déduction de points ». Selon elle « [b]ien que la [lettre] du 17 février 2017 fournisse les pondérations respectives des critères en fonction du résultat final, il [ne serait] manifestement pas possible d’établir une corrélation spécifique entre les brefs commentaires de l’INEA/la Commission et les déductions de points ». Dans une situation comparable, la Cour aurait apprécié, dans l’arrêt du 3 mai 2018, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a. (C‑376/16 P, EU:C:2018:299, points 66 et 67), cette absence d’explication détaillée comme étant constitutive d’une motivation juridique insuffisante. À cet égard, il y a lieu de relever que, dans cet arrêt, la Cour a confirmé sa jurisprudence selon laquelle il n’est pas exigé « qu’un poids spécifique soit attaché à chaque commentaire négatif ou positif dans l’évaluation » et que « [c]ela étant, dans le cas où les documents du marché contiennent des poids chiffrés spécifiques attachés aux critères ou aux sous-critères, le principe de transparence exige qu’une évaluation chiffrée soit accordée à ces critères ou sous‑critères » (arrêts du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, point 21, et du 3 mai 2018, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a., C‑376/16 P, EU:C:2018:299, points 57 et 63). En effet, dans cette affaire, le comité d’évaluation avait appliqué une formule mathématique ou avait attribué des fractions de points par sous-critère ou par sous-point et le rapport d’évaluation contenait des appréciations négatives spécifiques à cet égard qui avaient donné lieu à des déductions spécifiques de points (arrêt du 3 mai 2018, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a., C‑376/16 P, EU:C:2018:299, point 65). En outre, l’éventuelle déduction de points nets pour certains sous-critères ou sous-points avait pour conséquence automatique, en vertu de la formule de calcul appliquée, de faire augmenter le nombre de points bruts à attribuer aux offres des adjudicataires au titre de leur qualité technique, cette déduction impliquant, par conséquent, une augmentation correspondante de points en faveur des autres soumissionnaires (arrêt du 27 avril 2016, European Dynamics Luxembourg e.a./EUIPO, T‑556/11, EU:T:2016:248, point 251).

210    En revanche, comme le fait valoir à juste titre la Commission, dans la présente affaire, une telle formule mathématique contenant des poids chiffrés spécifiques attachés aux critères ou aux sous-critères n’existe pas. En effet, le point 9 de l’appel à propositions du 30 juin 2016 exige l’attribution d’une note comprise entre 0 et 5 points pour chaque critère d’attribution en indiquant que le seuil d’acceptation pour chaque critère d’attribution est de 3 points avant pondération et en précisant le poids de chaque critère lors de la pondération, sans pour autant prévoir une formule ou une méthode de calcul plus sophistiquée à appliquer et sans exiger la déduction de points spécifiques pour un éventail de commentaires prédéterminés. Il s’ensuit que la requérante ne saurait se prévaloir de l’absence d’une « corrélation spécifique » entre les commentaires de la Commission et une prétendue « déduction de points » selon un schéma prédéfini, lequel n’était ni appliqué dans la décision attaquée ni prévu dans l’appel à propositions du 30 juin 2016.

211    Par conséquent, le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit également être écarté.

212    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

213    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela paraît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance. Il est notamment permis au Tribunal de condamner aux dépens une institution dont la décision n’a pas été annulée, en raison de l’insuffisance de cette dernière, qui a pu conduire une partie requérante à introduire un recours (voir arrêt du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission, T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227, point 276 et jurisprudence citée).

214    Dans la procédure T‑596/17, la requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

215    Dans la procédure T‑236/17, la requérante a également succombé en ses conclusions. Toutefois, dans le cadre de l’examen du présent recours, il a été constaté, au point 95 ci-dessus, que la lettre du 17 février 2017 comporte un double contenu, comprenant aussi bien des éléments susceptibles de créer l’impression d’une prise de position définitive que des éléments à caractère provisoire. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il est juste et équitable de condamner l’INEA à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la requérante, la Commission étant condamnée à supporter ses propres dépens.

216    La République d’Estonie supportera ses propres dépens, en application de l’article 138 du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      L’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA) est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par Balti Gaas OÜ dans l’affaire T236/17, la Commission européenne étant condamnée à supporter ses propres dépens dans cette affaire.

3)      Balti Gaas supportera ses dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans l’affaire T596/17.

4)      La République d’Estonie supportera ses propres dépens.

Schwarcz

Iliopoulos

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.