Language of document : ECLI:EU:F:2008:95

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

8 juillet 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Assurance maladie – Prise en charge des frais médicaux – Remplacement d’un fauteuil roulant – Étendue du contrôle exercé par le Tribunal »

Dans l’affaire F‑76/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Gerhard Birkhoff, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Weitnau (Allemagne), représenté par Me K. Hösgen, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Tagaras, faisant fonction de président, H. Kanninen et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 avril 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juillet 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 19 juillet suivant), M. Birkhoff, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demande l’annulation de la décision du bureau liquidateur du 8 novembre 2006 lui refusant l’autorisation préalable requise par la réglementation pour obtenir le remboursement des frais d’acquisition d’un fauteuil roulant (ci-après la « décision litigieuse »).

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 72, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») :

« Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d’une réglementation établie d’un commun accord par les institutions des Communautés après avis du comité du statut, le fonctionnaire, son conjoint, lorsque celui-ci ne peut pas bénéficier de prestations de même nature et de même niveau en application de toutes autres dispositions légales ou réglementaires, ses enfants et les autres personnes à sa charge au sens de l’article 2 de l’annexe VII, sont couverts contre les risques de maladie. Ce taux est relevé à 85 % pour les prestations suivantes : consultations et visites, interventions chirurgicales, hospitalisation, produits pharmaceutiques, radiologie, analyses, examen de laboratoire et prothèses sur prescription médicale à l’exception des prothèses dentaires. Il est porté à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladie mentale et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’autorité investie du pouvoir de nomination, ainsi que pour les examens de dépistage et en cas d’accouchement. Toutefois, les remboursements prévus à 100 % ne s’appliquent pas en cas de maladie professionnelle ou d’accident ayant entraîné l’application de l’article 73.

[…]

Les institutions peuvent, par la réglementation visée au premier alinéa, confier à l’une d’entre elles l’exercice du pouvoir de fixer les règles régissant le remboursement des frais selon la procédure prévue à l’article 110.

[…] »

3        Il ressort de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut, que l’enfant d’un fonctionnaire qui se trouve atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité qui l’empêche de subvenir à ses besoins conserve, sans aucune limitation d’âge et pour toute la durée de cette maladie ou de cette infirmité, la qualité d’enfant à charge du fonctionnaire au sens de l’article 72, paragraphe 1, du statut.

4        L’article 110 du statut prévoit :

« 1. Les dispositions générales d’exécution du présent statut sont arrêtées par chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut. Les agences arrêtent, après consultation de leur comité du personnel respectif et en accord avec la Commission, les modalités qui conviennent pour assurer la mise en œuvre du présent statut.

2. Aux fins de l’adoption des réglementations arrêtées d’un commun accord des institutions, les agences ne sont pas assimilées aux institutions. Toutefois, la Commission consulte les agences avant l’adoption de ces réglementations.

3. Les dispositions générales d’exécution visées au paragraphe 1 et les réglementations arrêtées d’un commun accord des institutions sont portées à la connaissance du personnel.

4. L’application des dispositions du présent statut fait l’objet d’une consultation régulière entre les administrations des institutions. Les agences sont représentées conjointement lors de ces consultations, conformément aux règles fixées d’un commun accord entre elles. »

5        Aux fins de définir les conditions d’application de l’article 72 du statut, les institutions ont adopté une réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la « réglementation commune »). La version de la réglementation commune en vigueur à la date de la décision litigieuse a été adoptée d’un commun accord par les institutions, constaté le 24 novembre 2005 par le président de la Cour de justice des Communautés européennes, à la suite des modifications du statut résultant du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1). Cette version est entrée en vigueur, en vertu de son article 55, le premier jour du mois suivant celui au cours duquel le commun accord susmentionné a été constaté, c’est-à-dire le 1er décembre 2005.

6        L’article 1er de la réglementation commune institue un régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (ci-après le « RCAM »).

7        L’article 20, paragraphes 1, 3 et 4, de la réglementation commune prévoit :

« 1. Dans le but de sauvegarder l’équilibre financier du [RCAM] et dans le respect du principe de couverture sociale qui inspire l’article 72 du [s]tatut, des plafonds de remboursement de certaines prestations peuvent être fixés dans les dispositions générales d’exécution.

Si les frais exposés par l’affilié sont inférieurs au plafond, le remboursement est calculé sur la base du montant exposé.

3. Les frais relatifs aux traitements considérés comme non fonctionnels ou non nécessaires par le [b]ureau liquidateur, après avis du médecin[-]conseil, ne donnent pas lieu à remboursement.

4. Les frais relatifs à des prestations non prévues par les dispositions générales d’exécution de la présente réglementation peuvent être remboursés à 80 % après avis du médecin[-]conseil du [b]ureau liquidateur. Cette information est portée régulièrement à la connaissance des affiliés. »

8        Selon l’article 27 de la réglementation commune, lorsque, en vertu de ladite réglementation, le remboursement des frais ne peut être effectué qu’après autorisation préalable, la décision est prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») ou par le bureau liquidateur désigné par celle-ci. La demande d’autorisation préalable, accompagnée d’une prescription et/ou d’un devis du dentiste ou du médecin traitant, est présentée par l’affilié au bureau liquidateur qui, le cas échéant, en saisit le dentiste-conseil ou le médecin-conseil. Dans ce cas, ce dernier transmet son avis au bureau liquidateur dans un délai de deux semaines. Le bureau liquidateur statue sur la demande s’il a été désigné à cet effet ou transmet son avis et, le cas échéant, celui du dentiste-conseil ou du médecin-conseil à l’AIPN pour décision. L’affilié est informé immédiatement de cette décision.

9        L’article 35, paragraphe 2, de la réglementation commune dispose :

« Avant de prendre une décision sur une réclamation introduite sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du [s]tatut, l’[AIPN] ou, selon le cas, le [c]onseil d’administration doit demander l’avis du [c]omité de [g]estion.

Celui-ci peut charger son président de prendre les mesures permettant d’obtenir un complément d’informations. Lorsque le conflit est d’ordre médical, le [c]omité de [g]estion peut, avant de se prononcer, demander l’avis d’un médecin expert. Les frais d’expertise sont à charge du régime commun.

Le [c]omité de [g]estion doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande d’avis. Cet avis est transmis simultanément à l’autorité et à l’intéressé.

À défaut d’avis du [c]omité de [g]estion dans ce délai, l’[AIPN] ou, selon le cas, le [c]onseil d’administration peut arrêter sa décision. »

10      Aux termes de l’article 40, paragraphe 4, de la réglementation commune :

« 4. Des médecins[-conseils] et [des] dentistes[-]conseils sont attachés à chaque [b]ureau liquidateur et chargés des tâches dévolues dans la présente [r]églementation et ses dispositions générales d’exécution.

La fonction de médecin[-]conseil attaché aux bureaux liquidateurs est incompatible avec celle de médecin[-]conseil d’une institution. »

11      Aux termes de l’article 41 de la réglementation commune :

« Le [c]omité de [g]estion est assisté d’un [c]onseil médical composé d’un médecin[-]conseil par institution et des médecins[-]conseils de chaque [b]ureau liquidateur.

Le [c]onseil médical peut être consulté par le [c]omité de [g]estion ou le [b]ureau central sur toute question de nature médicale qui se poserait dans le cadre du présent régime. […] »

12      Selon l’article 52 de la réglementation commune, les institutions délèguent à la Commission, en vertu de l’article 72, paragraphe 1, troisième alinéa, du statut, la compétence pour fixer, par des dispositions générales d’exécution, après avis du comité de gestion et consultation du comité du statut, les règles régissant le remboursement des frais dans le but de sauvegarder l’équilibre financier du régime et dans le respect du principe de couverture sociale qui inspire l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du statut.

13      L’article 54 de la réglementation commune prévoit, à son troisième alinéa, que dans l’attente de l’adoption des dispositions générales d’exécution par la Commission, toute référence aux dispositions générales d’exécution dans la réglementation commune doit être comprise comme visant les annexes à la réglementation précédemment en vigueur, modifiée en dernier lieu le 20 janvier 1999.

14      L’annexe I, titre XII, F, de la réglementation commune dispose que :

« Les frais d’acquisition ou de location des articles suivants prescrits par un médecin, ainsi que les frais de réparation des articles visés aux points 3 et 4, sont remboursés à 85 % :

[…]

4.      fauteuils roulants et appareils auxiliaires assimilés, sur présentation d’un devis.

Toutefois, une autorisation préalable, après avis du médecin-conseil du bureau liquidateur, est requise pour l’acquisition de chaussures orthopédiques et des articles visés au point 4 ; la demande d’autorisation préalable pour les chaussures orthopédiques devra être accompagnée d’un devis. »

15      Les dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux prévues à l’article 52 de la réglementation commune ont été adoptées par la Commission le 2 juillet 2007 (ci-après les « DGE »). En vertu de leur article 2, elles sont entrées en vigueur le 1er juillet 2007. L’annexe II des DGE, qui est relative aux appareils orthopédiques, bandages et autre matériel médical remboursés à 85 % ou à 100 % en cas de maladie grave reconnue, prévoit, au point 5 du tableau qu’elle contient, que la prise en charge des frais d’acquisition d’un fauteuil roulant est limitée à un fauteuil tous les cinq ans.

 Faits à l’origine du litige

16      Le requérant est un ancien fonctionnaire de la Commission, à la retraite. Sa fille, paraplégique depuis un accident dont elle a été victime en 1978, utilise un fauteuil roulant.

17      Le RCAM a remboursé au requérant l’acquisition, en juillet 2004, d’un nouveau fauteuil roulant pour un montant de 2 574,42 euros.

18      En septembre 2006, un tube situé au niveau du dossier du fauteuil roulant s’est cassé.

19      Par un courrier en date du 1er novembre 2006 reçu le 7 novembre suivant, le requérant a présenté au bureau liquidateur une demande d’autorisation préalable pour l’achat d’un nouveau fauteuil roulant de même modèle que le précédent. Il a joint à sa demande un devis ainsi qu’une attestation du médecin traitant de sa fille précisant que, même réparé, le fauteuil en cause ne garantit plus suffisamment la sécurité de son utilisatrice.

20      Après avoir recueilli l’avis du médecin-conseil, le bureau liquidateur a rejeté la demande par la décision litigieuse. Il a été indiqué dans ladite décision que le requérant avait obtenu le remboursement d’un fauteuil roulant en 2004 et que le remboursement d’un nouveau fauteuil n’était possible que tous les cinq ans.

21      Dans une lettre du 13 novembre 2006, le requérant a demandé des éclaircissements sur les raisons du refus en faisant valoir qu’il ne trouvait pas de disposition pertinente dans la réglementation. L’administration a procédé au réexamen de la demande du requérant, laquelle a fait l’objet d’une discussion lors de la séance du conseil médical du 7 décembre 2006. À la suite de cette réunion, le médecin-conseil a écrit au requérant pour lui demander de faire établir par un orthopédiste une expertise précisant les causes de la rupture du dossier du fauteuil roulant et les insuffisances fonctionnelles d’une réparation et de recueillir également, de préférence, l’avis d’un deuxième orthopédiste.

22      Dans un courrier du 16 décembre 2006, le requérant a répondu qu’il avait transmis la demande du médecin-conseil au fournisseur et à l’atelier de réparation et indiqué que ce dommage avait pour cause, selon lui, une fragilité du matériau utilisé. Il a fait savoir au bureau liquidateur que, pour des raisons de sécurité, il avait décidé d’acquérir un nouveau fauteuil plus solide et qu’il en demanderait le remboursement.

23      Par lettre du 8 janvier 2007, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse.

24      L’AIPN a rejeté la réclamation par une décision du 18 avril 2007. Elle a confirmé que la demande d’autorisation avait été rejetée au motif qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil roulant que tous les cinq ans. Elle a toutefois indiqué que, dans l’hypothèse où les frais de réparation ne seraient pas pris en charge par le fabricant, le bureau liquidateur était prêt à les supporter conformément à la réglementation. En revanche, l’AIPN a estimé que la question de la qualité du matériau employé et, de façon générale, de la sécurité du fauteuil roulant ne relevait pas de sa compétence, mais concernait les relations contractuelles entre le requérant en sa qualité d’acheteur et le fabricant.

 Procédure et conclusions des parties

25      Le requérant a déposé, le 11 décembre 2007, au greffe du Tribunal un document que le Tribunal a décidé de ne pas enregistrer, la procédure écrite ayant été clôturée le 21 novembre 2007.

26      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 55 du règlement de procédure, le Tribunal a demandé aux parties, par courrier du 6 février 2008, de répondre à des questions écrites et de lui communiquer des documents. Il a été déféré à ces demandes.

27      Le requérant a adressé, le 20 février 2008, un courrier dans lequel il demandait un deuxième échange de mémoires et faisait une nouvelle offre de preuve. Le Tribunal a versé au dossier ce courrier, qui a été communiqué à la Commission pour observations, mais a refusé d’autoriser un second échange de mémoires.

28      Le 12 mars 2008, le Tribunal a adressé aux parties le rapport préparatoire d’audience. Ce rapport faisait notamment état de l’intention du Tribunal de rechercher, à l’occasion de l’audience, un règlement amiable du litige.

29      Dans un courrier reçu au greffe du Tribunal le 17 mars 2008, la Commission a fait connaître au Tribunal son opposition à une tentative de règlement amiable du litige, en soulignant qu’en offrant de prendre en charge les frais de réparation du fauteuil, elle avait déjà fait preuve de sollicitude à l’égard du requérant.

30      Le 19 mars 2008, le requérant a fait parvenir au greffe du Tribunal un nouveau document, dont le Tribunal a refusé le versement au dossier.

31      Par lettre du 4 avril 2008, le Tribunal a informé les parties de la modification de la composition de la formation de jugement, M. Kreppel étant remplacé par M. Tagaras dans les fonctions de président et ce dernier étant remplacé par M. Kanninen dans les fonctions de juge.

32      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 avril 2008.

33      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de la réclamation du 18 avril 2007 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

 En droit

35      Même formellement dirigé contre la décision de l’AIPN du 18 avril 2007 rejetant la réclamation du 11 janvier 2007, le recours a pour effet de saisir le Tribunal de la décision litigieuse contre laquelle ladite réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8).

 Moyens et arguments des parties

36      Le requérant soutient qu’il a le droit d’obtenir le remboursement des frais d’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant pour sa fille paraplégique, en vertu des dispositions des articles 72 et 110 du statut et de l’annexe I, titre XII, F, point 4, de la réglementation commune.

37      En effet, l’état de santé de la fille du requérant obligerait cette dernière à utiliser en permanence un fauteuil roulant.

38      Or, depuis la rupture du dossier du fauteuil roulant survenue en septembre 2006, le fauteuil roulant ne garantirait plus suffisamment la sécurité de la fille du requérant. La rupture d’un tube dans le dossier du fauteuil roulant aurait alors révélé que celui-ci était fabriqué dans un alliage d’aluminium défectueux. C’est pourquoi le remplacement de la pièce cassée par la pièce fournie par le fabricant ne suffirait pas à se prémunir contre une nouvelle rupture du dossier du fauteuil roulant. Or, la rupture inopinée d’une pièce nécessaire à la stabilité du fauteuil pourrait avoir les conséquences les plus graves pour sa fille, dont la capacité de réaction serait limitée et ne lui permettrait pas d’éviter une chute dans cette hypothèse.

39      Le remplacement du fauteuil roulant serait la seule solution raisonnable. En effet, le coût d’une analyse du fauteuil roulant au regard de sa résistance à l’usure serait disproportionné par rapport à celui de l’acquisition d’un nouveau fauteuil.

40      Le médecin traitant de la fille du requérant aurait d’ailleurs prescrit, le 18 septembre 2006, l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant, au motif que l’ancien, même réparé ne garantirait plus la sécurité de son utilisatrice.

41      De plus, conformément au Medizinprodukteverordnung (règlement allemand sur les produits médicaux), le requérant aurait signalé la rupture du dossier du fauteuil roulant au Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral pour les médicaments et les produits médicaux). Or, après ce signalement, le fauteuil ne pourrait plus être utilisé tant que la procédure d’examen ne serait pas arrivée à son terme.

42      Enfin, la Commission ne pourrait exiger du requérant qu’il recherche la responsabilité du fabricant. En effet, compte tenu de l’expiration du délai de garantie à la date de la rupture du dossier du fauteuil, un recours contre le fabricant nécessiterait d’apporter la preuve de l’existence d’un vice du matériau et donc d’une violation des dispositions de la directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux (JO L 169, p. 1). Or, cette preuve ne pourrait être apportée qu’au prix d’une procédure longue et coûteuse et il ne saurait être imposé à la fille du requérant qu’elle renonce à l’usage d’un fauteuil roulant dans l’intervalle. Une procédure contre le fabricant ne serait donc concevable que dans le cadre d’une éventuelle action récursoire de la Commission pour obtenir le remboursement des frais exposés pour le fauteuil roulant initial, mais une telle procédure ne saurait interférer avec la décision relative au remboursement des frais exposés pour l’acquisition à venir.

43      Par ailleurs, le requérant soutient que la Commission ne peut se fonder sur les DGE, car celles-ci n’existeraient pas.

44      La Commission estime que le recours ne s’appuie pas sur des arguments juridiques et se limite à des affirmations factuelles.

45      Selon la Commission, le rejet de la demande de prise en charge par l’institution des frais de remplacement du fauteuil roulant serait justifié. En effet, en vertu de la règle énoncée à l’article 20, paragraphe 3, de la réglementation commune, les frais relatifs aux traitements considérés comme non fonctionnels ou non nécessaires par le bureau liquidateur, après avis du médecin-conseil, ne donneraient pas lieu à remboursement. Or, le remplacement du fauteuil ne serait pas nécessaire.

46      En premier lieu, l’absence de nécessité du remplacement du fauteuil roulant serait établie par l’expertise des médecins-conseils et du conseil médical institué par la réglementation commune. En effet, selon une jurisprudence constante, l’examen du juge communautaire ne s’étendrait pas aux appréciations médicales proprement dites lesquelles doivent être tenues pour définitives lorsqu’elles sont intervenues dans des conditions régulières, ce que le requérant ne contesterait pas.

47      En deuxième lieu, le requérant n’apporterait pas la preuve qui lui incombe que le fauteuil n’offrirait pas une garantie suffisante de solidité dans l’éventualité d’une réparation du dossier. Premièrement, la Commission soutient que le médecin qui a prescrit l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant n’a pas envisagé la possibilité d’un remplacement du dossier. Deuxièmement, la Commission estime que la fiabilité des pièces de rechange fournies par le fabricant doit être considérée comme garantie. Troisièmement, le signalement de l’incident aux autorités fédérales compétentes donnerait simplement lieu à une évaluation du risque, qui serait communiquée au fabricant afin qu’il puisse en tenir compte, et ne suffirait en aucun cas à démontrer que l’usage du fauteuil réparé serait dangereux. Quatrièmement, il n’y aurait aucune raison de penser que le fabricant aurait falsifié sa déclaration de conformité du matériau utilisé. Cinquièmement, la Commission souligne que le fabricant et un orthopédiste ont confirmé qu’un remplacement des éléments défectueux du dossier serait suffisant. Sixièmement, la demande de remboursement d’un nouveau fauteuil roulant ne permettrait pas de penser que le requérant doute sérieusement de la qualité de l’alliage en aluminium, dès lors qu’il demanderait le remboursement du même modèle, composé du même alliage, que celui qui a été endommagé. Enfin, ainsi qu’il ressortirait du mémoire complémentaire déposé par le requérant le 2 novembre 2007 au greffe du Tribunal, celui-ci refuserait de mettre à disposition les pièces cassées en vue d’un contrôle technique et ferait ainsi obstacle à l’élucidation des raisons de la rupture soudaine du dossier du fauteuil.

48      Par conséquent, le requérant n’aurait pas le droit d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil.

49      Par ailleurs, le fondement de la décision litigieuse serait la décision du conseil médical du 3 juin 2004. Ainsi qu’il est indiqué dans l’avis du médecin-conseil, le conseil médical aurait alors décidé, sur la base de valeur d’usage, que l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant avant l’expiration du délai de cinq ans après l’achat du dernier fauteuil n’était pas nécessaire. Cette règle aurait entre-temps été adoptée comme nouvelle norme par la Commission, dans l’annexe II, point 5, des DGE.

 Appréciation du Tribunal

50      La Commission fait valoir, à juste titre, qu’en vertu d’une jurisprudence constante, l’examen du juge communautaire ne s’étend pas aux appréciations médicales proprement dites, qui doivent être tenues pour définitives lorsqu’elles sont intervenues dans des conditions régulières (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes, 2/87, Rec. p. 143, point 8).

51      Toutefois, les appréciations médicales des médecins-conseils des bureaux liquidateurs n’entrent pas dans le champ d’application de la jurisprudence citée par la Commission. Si le juge communautaire peut difficilement contrôler le bien-fondé des appréciations médicales des médecins-conseils des bureaux liquidateurs, il ne considère pas pour autant que ces appréciations, alors même qu’elles sont intervenues dans des conditions régulières, sont définitives et soustraites à son contrôle, à l’instar des appréciations médicales émanant de la commission médicale d’invalidité prévue par l’article 7 de l’annexe II du statut ou du médecin indépendant visé à l’article 59 du statut (arrêt du Tribunal de première instance du 23 novembre 2004, O/Commission, T‑376/02, RecFP p. I‑A‑349 et II‑1595, point 29 ; arrêt du Tribunal du 22 mai 2007, López Teruel/OHMI, F‑99/06, non encore publié au recueil, points 74 à 76). En effet, les appréciations médicales exprimées de manière unilatérale par un médecin relevant de l’institution ne présentent pas les mêmes garanties d’équilibre entre les parties et d’objectivité que les appréciations formulées par la commission médicale d’invalidité, compte tenu de sa composition, ou par le médecin arbitre, eu égard aux modalités de sa désignation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 mai 1981, Morbelli/Commission, 156/80, Rec. p. 1357, points 15 à 20 ; arrêt du Tribunal de première instance du 23 mars 1993, Gill/Commission, T‑43/89, Rec. p. II‑303, point 36). En outre, ni le statut ni la réglementation commune ne prévoient que les appréciations médicales des médecins-conseils des bureaux liquidateurs sur les demandes de remboursement des frais médicaux puissent être contestées devant une instance médicale présentant les mêmes garanties d’équilibre et d’objectivité que la commission d’invalidité ou le médecin indépendant.

52      C’est pourquoi le Tribunal exerce sur le refus d’un bureau liquidateur d’autoriser la prise en charge de frais médicaux visés par la réglementation commune, comme sur l’avis du médecin-conseil du bureau liquidateur qui en constitue, le cas échéant, le support, un contrôle, certes restreint, mais qui s’étend à l’erreur de fait, l’erreur de droit et l’erreur manifeste d’appréciation (arrêts du Tribunal de première instance du 11 mai 2000, Pipeaux/Parlement, T‑34/99, RecFP p. I‑A‑79 et II‑337, points 29 et 30, ainsi que du 12 mai 2004, Hecq/Commission, T‑191/01, RecFP p. I‑A‑147 et II‑659, points 64 à 78 ; arrêt du Tribunal du 18 septembre 2007, Botos/Commission, F‑10/07, non encore publié au Recueil, points 40 à 50).

53      Dans le présent recours, le requérant soulève en substance deux moyens, le premier, tiré de l’erreur manifeste commise dans l’appréciation de la nécessité de remplacer le fauteuil roulant défaillant et le second, tiré de l’erreur de droit qu’aurait commise le bureau liquidateur en se fondant sur des dispositions des DGE, lesquelles DGE n’existeraient pas.

54      Ainsi qu’il ressort de la décision litigieuse, l’autorisation de la prise en charge par le RCAM des frais d’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant a été refusée par le bureau liquidateur au motif que le requérant avait obtenu le remboursement d’un fauteuil roulant en 2004 et qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil que tous les cinq ans.

55      Dans la réponse à la réclamation, l’AIPN n’a pas fourni d’autre motif à son refus d’autorisation. Elle n’a notamment pas indiqué que le remplacement du fauteuil ne lui paraissait pas nécessaire. Tout au contraire, l’AIPN a soutenu dans la réponse à la réclamation que les doutes et les critiques exprimés par le requérant sur la solidité du matériau du fauteuil et la sécurité de ce dernier ne relevaient pas de sa compétence et que la question de la sécurité du fauteuil concernait le rapport juridique entre l’intéressé en tant qu’acheteur et le fabricant du fauteuil, la société Otto Bock.

56      Certes, l’argumentation du requérant, principalement fondée sur la nécessité de l’acquisition d’un nouveau fauteuil pour garantir la sécurité de sa fille, a mis cette question au centre du débat contentieux. L’audience a montré que la Commission elle-même considérait que la règle des cinq ans et l’absence de nécessité du remplacement du fauteuil roulant constituaient un seul et même motif de refus, le remplacement d’un fauteuil roulant étant présumé ne pas être nécessaire avant cinq ans. Toutefois, comme la Commission en a convenu à l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal, il s’agit de deux motifs différents, dès lors que le premier, fondé sur l’application directe d’une règle de droit, peut être opposé a priori, au vu de la seule date de remboursement du précédent fauteuil roulant, tandis que le second suppose un examen concret, qui peut être délicat, des faits particuliers de l’espèce.

57      Il résulte de ce qui précède qu’il ne saurait être soutenu que la décision litigieuse a été prise au motif que le remplacement du fauteuil roulant défaillant n’était pas nécessaire.

58      Dès lors, il convient d’examiner le second moyen, qui vise le motif tiré de ce qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil roulant que tous les cinq ans.

59      À cet égard, il ressort effectivement de l’annexe II, point 5, des DGE que la prise en charge des frais d’acquisition d’un fauteuil roulant est limitée à un fauteuil tous les cinq ans.

60      Néanmoins, ces DGE, adoptées par la Commission par délégation des institutions conformément à l’article 72, troisième alinéa, du statut et en application de la réglementation commune du 1er décembre 2005, ne sont entrées en vigueur que le 1er juillet 2007. Jusqu’à cette date, ainsi que le prévoit l’article 54, deuxième alinéa, de la réglementation commune du 1er décembre 2005, les règles en vigueur régissant le remboursement des frais médicaux des fonctionnaires et autres agents par les Communautés figuraient à l’annexe I de la précédente version de la réglementation commune. Or, les dispositions du titre XII, F, point 4, de ladite annexe I, relatives aux conditions de remboursement d’un fauteuil roulant, n’indiquent pas que le remboursement des frais d’acquisition d’un fauteuil roulant ne peut être autorisé que tous les cinq ans.

61      Certes, la Commission fait valoir que la décision litigieuse repose sur une recommandation du conseil médical du 3 juin 2004, formulée dans le cadre de la modification des DGE et en vertu de laquelle l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant n’est autorisée, au plus tôt, qu’après cinq ans.

62      Toutefois, le conseil médical ne dispose que d’une compétence consultative, ainsi qu’il ressort de l’article 22 de la réglementation commune en vigueur à la date du 3 juin 2004 comme de l’article 41 de la réglementation commune en vigueur à la date de la décision litigieuse. Par suite, une recommandation du conseil médical ne constitue pas en tant que telle une norme applicable par l’administration ni, par conséquent, une norme opposable aux fonctionnaires et agents des Communautés. En l’espèce, il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier que la recommandation du conseil médical du 3 juin 2004 ait fait l’objet d’une publication. C’est donc à bon droit que le requérant soutient que l’administration s’est fondée, pour adopter la décision litigieuse, sur des dispositions qui n’étaient pas en vigueur.

63      Il y a lieu, dès lors, de constater que la décision litigieuse est entachée d’une erreur de droit.

64      La circonstance, même à la supposer établie, que cette décision puisse être légalement justifiée par un autre motif, à savoir l’absence de nécessité du remplacement du fauteuil roulant, n’est pas susceptible de faire obstacle à l’annulation de ladite décision. Il en irait autrement si l’administration ne disposait d’aucune marge d’appréciation et si, par suite, l’annulation de la décision litigieuse ne pouvait avoir d’autre effet que d’obliger l’administration à reprendre une nouvelle décision identique, quant au fond, à la décision annulée (arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Stott/Commission, T‑99/95, Rec. p. II‑2227, point 32). En l’espèce, la situation dans laquelle la Commission se trouvera après le prononcé du présent arrêt ne s’apparente pas à une telle hypothèse de compétence liée. En effet, s’il est vrai que la Commission a, à plusieurs reprises devant le Tribunal, soutenu avoir vérifié la sécurité et la fiabilité du fauteuil roulant une fois réparé, force est de constater que le médecin-conseil du bureau liquidateur, qui sera à nouveau saisi de la demande du requérant tendant à la prise en charge d’un nouveau fauteuil, disposera d’un large pouvoir pour apprécier le bien-fondé de cette prise en charge. Dans ce contexte, le requérant pourra faire valoir utilement ses droits, par exemple en produisant tout document et offre de preuves, faculté dont il ne pouvait user librement dans la présente instance en raison du cadre procédural applicable au Tribunal (voir points 25, 27 et 30 du présent arrêt). Il suit de là que les conditions d’une substitution de motifs, que la Commission n’a d’ailleurs pas expressément demandée, telles que prévues par la jurisprudence, ne sont pas réunies.

65      Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du recours, la décision litigieuse doit être annulée.

 Sur les dépens

66      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens, conformément aux conclusions du requérant en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du bureau liquidateur du 8 novembre 2006 est annulée.

2)      La Commission des Communautés européennes supporte l’ensemble des dépens.

Tagaras

Kanninen

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2008.

Le greffier

 

       Le président faisant fonction

W. Hakenberg

 

       H. Tagaras

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’allemand.