Language of document : ECLI:EU:T:2021:438

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Droit institutionnel ‐ Réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement – Indemnité d’assistance parlementaire – Recouvrement des sommes indûment versées ‐ Charge de la preuve – Obligation de motivation – Droits de la défense – Erreur de droit ‐ Erreur d’appréciation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑171/20,

Robert Rochefort, demeurant à Paris (France), représenté par Mes M. Stasi, J.-L. Teheux et J.-M. Rikkers, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Görlitz, T. Lazian et Mme M. Ecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du secrétaire général du Parlement du 17 décembre 2019 relative au recouvrement auprès du requérant d’une somme de 27 241 euros indûment versée au titre de l’assistance parlementaire et de la note de débit correspondante du 22 janvier 2020,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Robert Rochefort, a été député au Parlement européen de 2009 à 2019.

2        Le requérant a successivement conclu avec B (ci-après l’« assistante locale ») trois contrats de travail ayant pour objet un emploi d’assistante locale (ci-après les « contrats de travail »).

3        Le premier contrat de travail, conclu pour la période allant du 1er au 31 décembre 2012, prévoyait un emploi à temps plein d’assistante locale de 169 heures par mois et une rémunération mensuelle brute de 3 145 euros (ci-après le « premier contrat de travail »).

4        Le deuxième contrat de travail, conclu pour la période allant du 1er janvier au 31 août 2013, prévoyait un emploi à temps partiel d’assistante locale de 105 heures par mois et une rémunération mensuelle brute de 1 500 euros (ci-après le « deuxième contrat de travail »).

5        Le troisième contrat de travail, conclu pour une durée indéterminée, prévoyait un emploi à temps partiel d’assistante locale de 75,84 heures par mois et une rémunération mensuelle brute de 1 700 euros (ci-après le « troisième contrat de travail »). Ce contrat, qui devait prendre effet à compter du 1er juillet 2014, a pris effet au 1er septembre 2014.

6        Les montants des rémunérations correspondants aux contrats de travail ont, à la suite des demandes du requérant, été pris en charge par le Parlement pendant toute la durée desdits contrats.

7        Le 27 octobre 2017, le directeur de la direction des droits financiers et sociaux des députés du Parlement a demandé au requérant, à la suite de la parution, dans les médias français, en juin 2017, d’informations mettant en cause la réalité du travail des assistants parlementaires de certains députés européens et sa conformité au regard des règles applicables, d’apporter des informations sur la situation de ses assistants parlementaires locaux et accrédités ainsi que sur les activités que ceux-ci exerçaient en parallèle.

8        Le 27 novembre 2017, le requérant a présenté ses justifications relatives aux activités et aux missions de ses assistants parlementaires.

9        Par lettre du 12 février 2019, le secrétaire général du Parlement a informé le requérant de l’ouverture d’une procédure de recouvrement fondée sur l’article 68 de la décision du bureau du Parlement des 19 mai et 9 juillet 2008 portant mesures d’application du statut des députés au Parlement (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application ») et l’a invité à présenter ses observations dans un délai d’un mois. L’ouverture de ladite procédure était justifiée par l’absence d’éléments de réponse satisfaisants quant à la situation de l’assistante locale et à la nature et à l’étendue de ses activités exercées en parallèle, notamment, au regard de son activité de chargée de communication pour le parti politique français « Mouvement démocrate » (MoDem).

10      Par lettre du 13 mars 2019, le requérant a présenté ses observations au secrétaire général du Parlement, accompagnées d’un dossier composé de 56 pièces destinées à établir la réalité du travail exercé par l’assistante locale.

11      Par décision du 17 décembre 2019, le secrétaire général du Parlement, d’une part, a estimé que, pour les premier et deuxième contrats de travail couvrant la période allant du 1er décembre 2012 au 31 août 2013, un montant de 27 241 euros avait été indûment versé en faveur du requérant au titre de l’assistance parlementaire et devait être recouvré auprès de celui-ci, et, d’autre part, a chargé l’ordonnateur du Parlement de procéder au recouvrement en cause (ci-après la « décision attaquée »).

12      Le 22 janvier 2020, le directeur général de la direction générale (DG) « Finances » du Parlement, en qualité d’ordonnateur du Parlement, a émis la note de débit no 7000000071, ordonnant le recouvrement de la somme de 27 241 euros avant le 21 février 2020 (ci-après la « note de débit »).

13      Le 24 janvier 2020, le directeur général de la DG « Finances » du Parlement a communiqué au requérant la décision attaquée et la note de débit.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2020, le requérant a introduit le présent recours.

15      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

16      Par décision du président de la cinquième chambre du Tribunal du 11 février 2021, la présente affaire a été jointe aux affaires T‑170/20, Rochefort/Parlement, et T‑172/20, Rochefort/Parlement, aux fins de la phase orale de la procédure, sur le fondement de l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal, les parties ayant été entendues à cet égard.

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 mars 2021.

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la note de débit ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

19      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

20      Au soutien du recours, le requérant invoque en substance, ainsi qu’il l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, cinq moyens tirés, le premier, d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, le deuxième, d’une erreur de droit quant à la charge de la preuve, le troisième, de la méconnaissance du droit d’être entendu, le quatrième, d’erreurs d’appréciation quant à la réalité de travail de l’assistante locale et, le cinquième, d’une violation du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée

21      Le requérant invoque, ainsi qu’il l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, une insuffisance de motivation de la décision attaquée, et non un défaut de motivation de celle-ci. Ainsi, ladite décision n’exposerait pas les motifs pour lesquels il a été conclu que les frais engagés au titre des premier et deuxième contrats ne correspondaient pas à l’« assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire » au sens des mesures d’application. Le secrétaire général du Parlement aurait fondé sa décision, sans jamais l’indiquer clairement, sur la présomption du travail exclusif de l’assistante locale au profit d’un parti politique et se serait contenté de remettre en question les pièces communiquées, sans expliquer, de manière claire et non équivoque, en quoi l’absence de preuve de travail était équivalente à l’absence de la réalité du travail fourni.

22      Le Parlement conteste l’argumentation du requérant.

23      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, l’institution concernée n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 125 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, le secrétaire général du Parlement a, tout d’abord, retracé l’ensemble de la procédure administrative et des échanges avec le requérant ayant conduit à la décision attaquée. À cette occasion, il a souligné, en substance, d’une part, la prise en charge par le Parlement des frais d’assistance parlementaire pour l’assistante locale et, d’autre part, les informations parues dans la presse en France en juin 2017 mettant en cause la réalité du travail des assistants parlementaires des députés au Parlement du MoDem.

25      Le secrétaire général du Parlement a, en outre, énoncé de façon détaillée le cadre juridique et la jurisprudence applicables dans l’hypothèse d’un contrôle ayant trait à l’utilisation des frais d’assistance parlementaire. Il a rappelé, en substance, en particulier, le libellé de l’article 33, paragraphes 1 et 2, de l’article 43, sous a), de l’article 62, paragraphe 1, et de l’article 68 des mesures d’application.

26      Le secrétaire général du Parlement a, ensuite, présenté son appréciation concernant les documents fournis par le requérant pour démontrer l’existence d’un travail de l’assistante locale conforme aux mesures d’application, en renvoyant en outre aux explications figurant dans l’annexe de la décision attaquée. À cet égard, il a souligné, en substance, que, bien que le requérant ait indiqué que l’assistante locale, tout d’abord, avait été chargée de la rédaction de synthèses documentaires sur l’année politique européenne 2012 (premier contrat de travail), puis avait eu une mission d’assistance et de veille sur les questions européennes et sur des sujets nationaux (deuxième contrat de travail) et, enfin, avait été chargée de la communication spécifique à la circonscription du sud-ouest de la France (troisième contrat de travail), il ressortait d’une analyse approfondie des pièces communiquées, exposée plus en détail dans l’annexe de la décision attaquée, qu’aucune preuve de l’accomplissement par l’assistante locale desdites tâches n’avait été apportée pour les premier et deuxième contrats de travail.

27      À cet égard, le secrétaire général du Parlement a relevé que, en ce qui concernait le premier contrat de travail, la majorité des pièces communiquées par le requérant ne constituaient pas en tant que telles des preuves du travail de l’assistante locale. Ainsi, s’agissant des captures d’écran de liens vers des interventions du requérant dans la presse, il a observé que leur source n’était pas précisée et que la preuve d’une éventuelle contribution de la part de l’assistante locale à ces interventions n’était pas apportée. Concernant la note intitulée « l’Aquitaine et l’Europe », il a précisé que ni son auteur ni sa date n’étaient identifiables et il a relevé l’absence de preuve d’une éventuelle contribution de l’assistante locale. Quant à un courriel produit, il l’a estimé sans lien apparent avec l’assistante locale. Il a conclu que le requérant n’avait pas apporté la preuve que l’assistante locale avait effectivement fourni une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de député européen du requérant tout au long du premier contrat de travail.

28      Le secrétaire général du Parlement a considéré que, s’agissant du deuxième contrat de travail, la majorité des pièces communiquées par le requérant ne constituaient pas en tant que telles des preuves du travail de l’assistante locale. Concernant les captures d’écran de liens vers des interventions du requérant et les articles de presse relatifs à ce dernier, il a estimé que la preuve d’une quelconque contribution de l’assistante locale n’était pas apportée. S’agissant de l’interview de l’assistante locale, il a observé qu’elle ne constituait pas une preuve de travail de celle-ci. Concernant les notes et le dossier de presse, il a indiqué que ni leur auteur ni leur date n’étaient vérifiables et que la preuve d’une quelconque contribution de l’assistante locale n’était pas apportée. S’agissant du programme intitulé « Rencontres parlementaires sur la consommation », il a relevé l’absence de preuve d’une éventuelle contribution de l’assistante locale.

29      Le secrétaire général du Parlement a, enfin, estimé dans la décision attaquée, que le requérant n’avait pas apporté la preuve de l’exercice effectif par l’assistante locale d’une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire tout au long des premier et deuxième contrats, couvrant la période allant du 1er décembre 2012 au 31 août 2013, en conformité avec les articles 33 et 62 des mesures d’application, et qu’il était dès lors fondé à demander le remboursement des sommes indûment versées.

30      S’agissant de l’annexe de la décision attaquée, à laquelle renvoie expressément cette dernière, elle contient un tableau reprenant l’analyse des éléments produits par le requérant afin de démontrer un travail de l’assistante locale conforme aux mesures d’application. Cette annexe expose, en fonction de leur nature, la position du secrétaire général du Parlement quant à l’admissibilité desdits éléments et à leur valeur probante en tant que preuves du travail effectué par l’assistante locale.

31      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision attaquée, lue conjointement avec son annexe, expose, à suffisance de droit, les motifs pour lesquels le secrétaire général du Parlement a estimé que les éléments produits par le requérant étaient insuffisants pour démontrer un travail effectif de l’assistante locale conforme aux mesures d’application dans le cadre des premier et deuxième contrats. À cet égard, ladite décision évoque l’impossibilité, notamment, d’identifier la contribution de l’assistante locale à la production des documents communiqués ou d’établir le lien entre certaines activités de l’assistante locale et le mandat de député européen du requérant, et, en général, l’absence de preuves attestant l’exercice effectif de l’activité de ladite assistante.

32      Ainsi, aussi succincte qu’elle soit, la motivation de la décision attaquée permet d’étayer, à suffisance de droit, l’appréciation du secrétaire général du Parlement selon laquelle les éléments produits étaient insuffisants pour démontrer une activité de l’assistante locale conforme aux mesures d’application dans le cadre des premier et deuxième contrats.

33      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation du requérant selon laquelle le secrétaire général du Parlement n’a fourni aucune explication quant aux raisons pour lesquelles il a déduit de la présence de l’assistante locale dans l’organigramme du MoDem que celle-ci n’aurait jamais travaillé pour le requérant au cours de la période en cause. En effet, contrairement à ce que le requérant soutient en substance, le secrétaire général du Parlement n’a pas déduit du constat de cette présence que l’assistante locale n’avait jamais exercé les fonctions d’assistante parlementaire auprès du requérant. Ce constat est certes à l’origine de l’examen par le Parlement de la réalité des tâches de l’assistante locale, ainsi qu’il ressort de la lettre du directeur des droits financiers et sociaux des députés du Parlement du 27 octobre 2017 (voir point 7 ci-dessus). Il ne constitue pas, en revanche, le fondement des conclusions du secrétaire général du Parlement, lesquelles sont fondées sur la constatation de l’absence d’éléments probants produits par le requérant afin de démontrer l’accomplissement de tâches par l’assistante locale en conformité avec les mesures d’application.

34      Par ailleurs, eu égard au détail des développements du requérant dans le cadre du troisième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation, force est de constater qu’il a nécessairement compris le raisonnement du Parlement contenu dans la décision attaquée, de sorte que la condition établie par la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus est remplie en l’espèce.

35      Enfin, dans la mesure où le requérant fait valoir que le Parlement aurait dû expliquer en quoi l’absence de preuve de travail était équivalente à l’absence de la réalité du travail fourni, le Parlement devant démontrer que l’assistante locale n’avait pas fourni l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire du requérant, il doit être constaté que, par cette argumentation, le requérant conteste que la charge de la preuve du travail de l’assistante locale conforme aux mesures d’application pesait sur lui, et non sur le Parlement. Partant, cette argumentation relève de l’examen du deuxième moyen.

36      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit quant à la charge de la preuve

37      Le requérant reproche au Parlement d’avoir commis une erreur de droit en ayant inversé la charge de la preuve en lui demandant de justifier le travail réalisé par l’assistante locale. En premier lieu, il fait valoir que la règle relative à la charge de la preuve sur laquelle le Parlement a fondé la décision attaquée n’est prévue par aucun texte et a une origine jurisprudentielle incertaine. Il allègue en outre qu’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a été ouverte concernant les frais d’engagement des assistants parlementaires locaux du MoDem et, ainsi, du requérant. La décision du secrétaire général du Parlement serait dès lors parfaitement précipitée et d’autant plus injustifiée, car cette enquête aurait permis de confirmer ou d’infirmer les « doutes » du Parlement. Enfin, il constate que le « renversement de la charge de la preuve » n’est pas systématique, puisque seuls trois de ses neuf assistants parlementaires auraient été concernés par une demande de preuves.

38      En second lieu, le requérant soutient que cette règle institue une présomption irréfragable. Premièrement il fait valoir que le « renversement de la charge de la preuve » serait erroné et illégitime. Pendant la période concernée, à savoir du 1er décembre 2012 au 31 août 2013, l’assistante locale n’aurait occupé aucun poste au sein du MoDem. L’exercice d’une activité par l’assistante locale au sein du MoDem à partir de 2014 ferait peser sur lui une présomption de travail exclusif au profit dudit parti. Cette présomption porterait atteinte à la liberté de choix des collaborateurs parlementaires, instituée par l’article 21 de la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement (JO 2005, L 262, p. 1, ci-après le « statut des députés ») et par l’article 33, paragraphe 1, des mesures d’application ainsi qu’à la liberté de travail, d’opinion et d’engagement politique protégés par les droits français et européen. De plus, le « renversement de la charge de la preuve » résulterait de la localisation de l’activité de l’assistante locale au siège du MoDem. Deuxièmement, la présomption de travail exclusif de l’assistante locale pour le MoDem serait irréfragable dans la mesure où le requérant serait dans l’incapacité de fournir des preuves de l’intégralité des tâches exercées par celle-ci. Selon le requérant, le Parlement a exigé des « preuves écrites et quotidiennes de travail », alors que le travail de l’assistante locale aurait été essentiellement oral. En outre, les périodes de travail en question remonteraient à son premier mandat parlementaire et il aurait procédé à un « tri considérable dans la masse de documentation accumulée », en n’ayant pas imaginé devoir démontrer la réalité de l’activité de son assistante locale compte tenu de la « régularisation annuelle » exigée par les services du Parlement.

39      Le Parlement conteste l’argumentation du requérant.

40      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut des députés, notamment de ses paragraphes 1 et 2, le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés au titre de l’emploi des collaborateurs personnels librement choisis par les députés pour l’assistance à laquelle ils ont droit.

41      Le mécanisme de la prise en charge des frais d’assistance parlementaire, dont les conditions d’exercice sont définies par les mesures d’application, notamment leur article 33, intitulé « Prise en charge des frais d’assistance parlementaire », est déclenché par le député lors de la présentation de sa demande de prise en charge à l’administration, accompagnée du contrat conclu avec l’assistant, fixant les tâches de celui-ci.

42      Selon l’article 33, paragraphe 1, deuxième phrase, des mesures d’application, le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants conformément aux mesures d’application.

43      Aux termes de l’article 33, paragraphe 2, première phrase, des mesures d’application, seuls peuvent être pris en charge les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés.

44      En vertu de l’article 68, paragraphe 1, des mesures d’application, toute somme indûment versée en application de ce texte donne lieu à répétition et le secrétaire général du Parlement donne des instructions en vue du recouvrement de ces sommes auprès du député concerné.

45      Selon une jurisprudence constante, la définition de la notion d’assistance parlementaire ne relevant pas de la discrétion des députés, ces derniers ne sont pas libres de demander le remboursement des dépenses sans rapport avec l’engagement ou l’utilisation des services fournis par de tels assistants (voir arrêt du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 114 et jurisprudence citée).

46      En effet, la nécessité de démontrer la réalité du travail fourni par l’assistant local découlant directement, notamment, des mesures d’application, le Parlement ne prend en charge que les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants, ce qui implique que la réalité de ceux-ci soit démontrée par le député concerné (arrêts du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 119, et du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 112).

47      Il s’ensuit que, dans l’hypothèse d’un contrôle ayant trait à l’utilisation des frais d’assistance parlementaire, le député concerné doit être en mesure de prouver que les montants perçus ont été utilisés afin de couvrir les dépenses effectivement engagées et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants, comme le prévoit l’article 33, paragraphe 1, seconde phrase, des mesures d’application, de sorte qu’il lui incombe d’être en mesure de produire les pièces justificatives qui y sont afférentes et, partant, de les conserver, et ce même en l’absence d’obligation explicite en ce sens découlant du droit de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, point 122 ; du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 111, et du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 118).

48      Dès lors, dans une telle situation, c’est sur le requérant, et non sur le Parlement, que repose la charge de la preuve de la réalité, de la nécessité et du lien direct des frais d’assistance parlementaire avec l’exercice de son mandat (ordonnances du 21 mars 2019, Troszczynski/Parlement, C‑462/18 P, non publiée, EU:C:2019:239, point 82, et du 21 mai 2019, Le Pen/Parlement, C‑525/18 P, non publiée, EU:C:2019:435, point 82).

49      Selon une jurisprudence désormais constante, en demandant au député concerné de justifier le travail réalisé par son assistant local, le Parlement n’exige pas une preuve impossible. En effet, il ne s’agit pas de démontrer un fait inexistant, mais un fait positif, à savoir la réalité du travail de l’assistant local, laquelle peut être attestée par de nombreux éléments de preuve concrets, tels que des agendas, attestant de rendez-vous ou de l’activité de l’assistant local, des courriels rédigés par ce dernier et échangés, notamment, avec le député concerné ainsi que des documents, y compris sous forme électronique, émanant de l’assistant local (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, point 122 ; du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 118, et du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 111).

50      À cet égard, l’argument du requérant relatif à l’origine jurisprudentielle prétendument incertaine de la règle concernant la charge de la preuve doit être rejeté. En effet, le requérant lui-même reconnaît que l’arrêt du 29 novembre 2017, Montel/Parlement (T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848), cité dans la décision attaquée « indique effectivement que le député doit être en mesure de prouver la réalité du travail de son assistant parlementaire ». En outre, indépendamment de la référence à l’arrêt du 10 octobre 2014, Marchiani/Parlement (T‑479/13, non publié, EU:T:2014:866), dans l’arrêt du 29 novembre 2017, Montel/Parlement (T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848), contestée par le requérant, la Cour a récemment confirmé, dans sa jurisprudence sur pourvoi en matière de recouvrement sur la base de l’article 68 des mesures d’application, qu’il résulte de la logique de l’article 33, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application ainsi que de l’économie générale desdites mesures qu’il appartient aux députés qui demandent une prise en charge financière de prouver qu’ils satisfont aux conditions posées par celle-ci. En effet, un tel député doit, en réponse à une demande en ce sens de l’autorité compétente du Parlement, présenter tous les éléments de preuve dont il dispose, susceptibles de démontrer la réalité du travail effectué par son assistant, ainsi que le lien de ce travail avec l’exercice de son mandat (voir ordonnances du 21 mars 2019, Troszczynski/Parlement, C‑462/18 P, non publiée, EU:C:2019:239, points 35 et 82 et jurisprudence citée ; du 21 mars 2019, Gollnisch/Parlement, C‑330/18 P, non publiée, EU:C:2019:240, points 63, 64 et 88 et jurisprudence citée, et du 21 mai 2019, Le Pen/Parlement, C‑525/18 P, non publiée, EU:C:2019:435, points 37 et 82 et jurisprudence citée).

51      Partant, la critique du requérant relative à l’origine jurisprudentielle de la règle de la charge de la preuve et à l’application erronée de la jurisprudence dans la décision attaquée à cet égard doit être écartée.

52      Par ailleurs, la décision attaquée n’est pas « précipitée » comme le prétend le requérant au motif qu’une enquête de l’OLAF aurait été ouverte. En effet, il résulte de la jurisprudence qu’aucune disposition, ni aucun principe du droit de l’Union ne s’opposent à ce que le Parlement adopte une décision de récupération de l’indu, quand bien même la personne auprès de laquelle l’indu est récupéré ferait également l’objet d’enquêtes ou de poursuites, pénales ou menées par l’OLAF (ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch/Parlement, C‑330/18 P, non publiée, EU:C:2019:240, point 52). Ainsi, le secrétaire général du Parlement n’était pas tenu d’attendre l’issue de l’enquête de l’OLAF avant d’adopter la décision attaquée.

53      Enfin, pour autant que le requérant invoque le fait que l’inversion de la charge de la preuve n’aurait concerné que trois de ses neuf assistants parlementaires, force est de constater que cet argument doit être rejeté comme inopérant, dès lors qu’il est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

54      En second lieu, le requérant soutient que le prétendu renversement de la charge de la preuve opéré par le Parlement institue une présomption irréfragable. Premièrement, il prétend que l’activité exercée par l’assistante locale au sein du MoDem fait peser sur lui une présomption de travail exclusif au profit dudit parti. Cependant, ainsi qu’il a déjà été relevé, la décision attaquée est fondée sur le fait que le requérant n’a pas apporté la preuve que l’assistante locale assurait des tâches en conformité avec les mesures d’application, et non sur la circonstance que celle-ci exerçait une activité au sein du MoDem.

55      En effet, ainsi qu’il ressort de la lettre du directeur des droits financiers et sociaux des députés du Parlement du 27 octobre 2017 (voir point 7 ci-dessus), l’activité de l’assistante locale en qualité de chargée de la communication pour le MoDem et le travail exercé par celle-ci au siège dudit parti en France ont été identifiés comme des éléments ayant suscité des doutes quant à la conformité de son travail avec les mesures d’application et ayant justifié un contrôle de l’utilisation effective des frais d’assistance parlementaire engagés conformément à celles-ci.

56      En revanche, il ne ressort ni de la lettre citée au point 55 ci-dessus, ni de la décision attaquée que le Parlement aurait octroyé à ces éléments une force probante quelconque à l’encontre du requérant. La nécessité de démontrer la réalité du travail fourni par l’assistante locale découle, ainsi qu’il a déjà été relevé, directement, notamment, des mesures d’application, dont il ressort que le Parlement ne prend en charge que les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants, ce qui implique que la réalité du travail de ces derniers soit démontrée par le député concerné. Il ne s’agit dès lors pas de l’application d’une présomption « de travail exclusif au profit d[u] parti politique » comme le soutient le requérant, lesdites mesures d’application lui permettant de fournir des éléments de preuve afin de démontrer la réalité du travail fourni par l’assistante locale conformément aux mesures d’application.

57      Par ailleurs, il ne ressort pas davantage de la lettre citée au point 55 ci-dessus, ni de la décision attaquée, que le Parlement aurait considéré que l’exercice d’une activité politique par l’assistante locale serait, en soi, incompatible avec ses fonctions d’assistante parlementaire. Partant, il n’a pas porté atteinte ni à la liberté de choix des collaborateurs parlementaires, ni à la liberté de travail, d’opinion et d’engagement politique. En effet, il n’a, à aucun moment, considéré que le travail pour le parti politique national serait incompatible avec l’activité de l’assistante locale, ni prétendu que l’exercice de l’activité de celle-ci au siège dudit parti serait contraire aux mesures d’application. Ainsi qu’il a déjà été relevé, le travail pour ce parti et la localisation de l’activité de l’assistante locale ont seulement constitué des indices à l’origine de la mise en œuvre de la procédure de recouvrement. Le fait que l’activité d’assistante locale ait été exercée à temps partiel dans le cadre du deuxième contrat de travail est, lui aussi, sans incidence sur l’obligation de rapporter la preuve du travail de celle-ci.

58      Enfin, dès lors que la question du lieu d’exécution du contrat ne constitue pas un motif sur lequel la décision attaquée est fondée et que, en tout état de cause, le fait que le Parlement ne se soit pas opposé au lieu de travail désigné dans le contrat de travail ne saurait l’empêcher de contrôler le caractère effectif des tâches réalisées par l’assistante locale au titre dudit contrat, il convient de rejeter l’argument pris de ce que la réglementation de l’Union ne comporte aucune obligation, positive ou négative, quant au lieu d’exécution du contrat.

59      Deuxièmement, le requérant reproche au Parlement d’avoir exigé des preuves du travail de l’assistante locale écrites et quotidiennes.

60      Il doit être rappelé que, selon la jurisprudence, s’il incombe au député de pouvoir produire des pièces justifiant d’une utilisation des sommes versées au titre de l’assistance parlementaire conforme aux contrats qu’il a conclus avec ses assistants, il n’est pas exigé qu’il soit en mesure de produire l’intégralité des éléments relatifs aux dossiers traités ou à l’emploi du temps journalier de son assistant sur l’ensemble de la législature. Les pièces en cause doivent, en effet, être en mesure de justifier une telle utilisation, sans, nécessairement, avoir à retracer de manière détaillée et exhaustive l’intégralité des activités de l’assistant (arrêt du 7 mars 2018, Le Pen/Parlement, T‑140/16, non publié, EU:T:2018:122, point 70).

61      Il doit être également rappelé que, s’agissant des preuves de travail acceptables, faute d’indication contraire, la preuve que la demande de prise en charge financière satisfait aux conditions posées par les mesures d’application est libre (voir, en ce sens, ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch/Parlement, C‑330/18 P, non publiée, EU:C:2019:240, point 100).

62      En l’espèce, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée (voir point 31 ci-dessus), le Parlement a reproché au requérant de ne pas avoir pu apporter une quelconque preuve d’un travail effectif de l’assistante locale en ce qui concerne les premier et deuxième contrats, conformément à ce que requièrent les mesures d’application, et non de ne pas avoir fourni des preuves écrites et quotidiennes de ce travail. Dès lors, l’argument du requérant doit être rejeté.

63      Il ressort de tout ce qui précède que le requérant n’a pas démontré que le Parlement aurait commis une erreur de droit quant à la charge de la preuve et, dès lors, l’argumentation exposée au point 35 ci-dessus doit être également écartée.

64      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu

65      Le requérant invoque une méconnaissance de son droit d’être entendu, en ce que, en dépit de sa demande expresse, aucune audition ne lui aurait été accordée par le secrétaire général du Parlement avant l’adoption de la décision attaquée. Ce refus d’audition serait contraire à l’esprit de l’article 68, paragraphe 2, des mesures d’application et démontrerait la volonté de ne pas prendre en compte ses arguments et les pièces produites. Le requérant soutient qu’il aurait pu exposer en quoi consistait le travail de l’assistante locale et l’absence d’une activité en parallèle au MoDem, combien la demande probatoire était difficile à satisfaire ainsi que la raison pour laquelle la majeure partie des pièces concernant l’assistante locale n’avaient pas été conservées. Il aurait eu en outre besoin de comprendre quelles preuves attendait le Parlement pour démontrer la réalité du travail, notamment oral et technique, de ses assistants. Enfin, il prétend que le Parlement n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son secrétaire général a, personnellement, entendu, au sens de l’article 68, paragraphe 2, des mesures d’application, les arguments et les explications qu’il a fournis.

66      Le Parlement conteste l’argumentation du requérant.

67      Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et exige que la personne concernée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à sa charge dans l’acte à intervenir (voir ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch/Parlement, C‑330/18 P, non publiée, EU:C:2019:240, point 59 et jurisprudence citée).

68      Toutefois, le droit d’être entendu n’implique pas nécessairement l’obligation de mettre la personne intéressée en mesure de s’exprimer oralement (voir ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch/Parlement, C‑330/18 P, non publiée, EU:C:2019:240, point 60 et jurisprudence citée).

69      Partant, le droit d’être entendu dont bénéficie le député concerné, en particulier en vertu de l’article 68, paragraphe 2, des mesures d’application, exige qu’il doive pouvoir faire connaître utilement son point de vue au secrétaire général du Parlement avant l’adoption d’une éventuelle décision de recouvrement, cette obligation étant respectée en mettant ce député en mesure de présenter ses observations à cet égard par écrit ou par oral (arrêt du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 95).

70      En l’espèce, il n’est pas contesté que, le 27 octobre 2017, le Parlement a demandé au requérant de justifier de l’activité de l’assistante locale pour la durée du contrat de travail (voir point 7 ci-dessus). Le requérant a présenté ses justifications le 27 novembre 2017 (voir point 8 ci-dessus). Par ailleurs, le 12 février 2019, le secrétaire général du Parlement a informé le requérant de l’ouverture d’une procédure de recouvrement sur le fondement de l’article 68 des mesures d’application et l’a invité à présenter ses observations (voir point 9 ci-dessus). Celui-ci a ainsi pu lui communiquer, par lettre du 13 mars 2019, un dossier composé de 56 pièces (voir point 10 ci-dessus).

71      Dans ces conditions, force est de constater que le requérant a valablement été mis en mesure de faire valoir son point de vue.

72      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que, dans la jurisprudence, il a été reconnu que des circonstances particulières pouvaient rendre obligatoire l’audition du député concerné (voir, en ce sens, ordonnances du 21 mars 2019, Gollnisch/Parlement, C‑330/18 P, non publiée, EU:C:2019:240, point 61, et du 7 novembre 2019, Le Pen/Parlement, C‑38/19 P, non publiée, EU:C:2019:952, point 42).

73      À cet égard, force est de constater que le requérant n’apporte aucun élément susceptible de constituer un indice permettant, conformément à la jurisprudence citée au point 72 ci-dessus, de constituer une circonstance particulière justifiant son audition. L’argument du requérant selon lequel, en substance, s’il avait été auditionné par le secrétaire général du Parlement avant l’adoption de la décision attaquée, il aurait pu expliquer en quoi consistait le travail de son assistante locale et exposer l’absence d’une activité en parallèle au MoDem ainsi que la difficulté de satisfaire à la demande probatoire en l’espèce ne caractérise pas l’existence de circonstances particulières justifiant une audition orale. Il était d’ailleurs loisible au requérant de présenter ces explications par écrit, s’il l’estimait pertinent. De même, il pouvait demander par écrit des explications quant aux preuves que le Parlement attendait pour démontrer la réalité du travail, notamment oral et technique, de ses assistants.

74      Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

75      Le requérant considère que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité en ce qu’elle lui ordonne le remboursement de l’intégralité des sommes versées au titre des frais d’assistance parlementaire. En effet, il ne serait pas contesté qu’il n’a jamais perçu ces sommes, lesquelles auraient servi à payer le salaire de l’assistante locale et les charges sociales qui y sont afférentes. Une restitution intégrale des sommes versées en contrepartie du travail effectué aurait dès lors des conséquences manifestement disproportionnées.

76      Le Parlement conteste l’argumentation du requérant.

77      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité constitue un principe général du droit de l’Union, qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (voir arrêt du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 186 et jurisprudence citée).

78      Toutefois, le Parlement ne dispose, en vertu de l’article 68, paragraphe 1, première phrase, des mesures d’application, d’aucune marge d’appréciation quant au montant à recouvrer au titre de la somme litigieuse, s’agissant de la répétition de sommes indues. En effet, en vertu de cette disposition, toute somme indûment versée en application des mesures d’application donne lieu à répétition (arrêts du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 206 ; du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 219, et du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 187).

79      Or, dès lors que le Parlement a estimé qu’il n’avait pas été démontré que l’assistante locale assurait des tâches en conformité avec les mesures d’application et que, partant, les sommes qui lui ont été versées au titre des frais d’assistance parlementaire pour la période allant du 1er décembre 2012 au 31 août 2013, s’élevant à un montant de 27 241 euros, ne l’avaient pas été conformément à celles-ci, le Parlement était tenu par une obligation inconditionnelle de recouvrer l’intégralité de ces sommes.

80      Ainsi, à défaut de toute marge d’appréciation dans l’exécution de cette obligation inconditionnelle lui incombant, le Parlement n’a pas agi, en l’espèce, au-delà de ce qui était approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par les mesures d’application.

81      C’est donc à tort que le requérant fait valoir, en substance, que le Parlement aurait dû prouver que l’assistante locale n’avait jamais été son assistante parlementaire au cours de la période en cause.

82      Quant à la circonstance, invoquée par le requérant, que les sommes en cause n’ont jamais été perçues par lui et qu’elles ont bien servi à payer le salaire de l’assistante locale et les charges sociales qui y sont afférentes, elle est sans incidence sur l’obligation inconditionnelle incombant au Parlement en vertu de l’article 68, paragraphe 1, première phrase, des mesures d’application.

83      Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation quant à la réalité du travail de l’assistante locale

84      Le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’erreurs d’appréciation justifiant son annulation. Tout d’abord, il prétend que le secrétaire général du Parlement a commis une erreur d’appréciation en affirmant que l’assistante locale était chargée de communication pour le MoDem pendant la période en cause, alors que, entre janvier et août 2013, elle aurait été étudiante. Ensuite, il fait valoir qu’il n’est pas contesté que les sommes prises en charge par le Parlement ont bien été versées à l’assistante locale et aux organismes sociaux, ce qui permettrait de confirmer que les frais pris en charge ont été effectivement engagés et résultent entièrement et exclusivement de l’engagement de celle-ci ainsi que l’exige l’article 33, paragraphe 1, des mesures d’application. De plus, il prétend que les missions de l’assistante locale ont été effectuées pratiquement seulement par téléphone ou lors de réunions physiques. Enfin, il invoque des erreurs du secrétaire général du Parlement lors de l’appréciation des éléments soumis comme preuves.

85      Le Parlement conteste l’argumentation du requérant.

86      À titre liminaire, il convient de relever que, comme le Parlement le fait valoir, le fait que les sommes qu’il a prises en charge ont été versées à l’assistante locale et aux organismes sociaux n’implique pas que ces frais résultent entièrement et exclusivement de l’engagement de celle-ci ainsi que l’exige l’article 33, paragraphe 1, des mesures d’application.

87      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’argument selon lequel le Parlement aurait recherché seulement des preuves écrites a déjà été rejeté (voir point 59 ci-dessus).

88      Dans la décision attaquée, le secrétaire général du Parlement a considéré qu’aucun des éléments produits par le requérant n’était acceptable comme élément de preuve de la prestation effective par l’assistante locale d’une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire tout au long des premier et deuxième contrats de travail, en conformité avec les articles 33 et 62 des mesures d’application, aux motifs, en substance :

–        de leur inaptitude à constituer, de manière générale, en tant que telles, des preuves du travail fourni par l’assistante locale ;

–        de l’impossibilité d’attester que l’assistante locale en était l’auteure ou d’identifier sa contribution.

89      Les éléments produits par le requérant, communiqués le 13 mars 2019 au secrétaire général du Parlement (voir point 10 ci-dessus), consistent en :

–        s’agissant du premier contrat de travail, des captures d’écran de liens vers des interventions du requérant dans la presse, une note intitulée « l’Aquitaine et l’Europe » et un courriel du service politique d’une chaîne télévisée française adressé au requérant ;

–        pour ce qui est du deuxième contrat de travail, des captures d’écran de liens vers des interventions du requérant et des articles de presse le concernant, une interview de l’assistante locale, des notes, un dossier de presse et un programme intitulé « Rencontres parlementaires sur la consommation ».

90      C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner les arguments du requérant visant à contester les appréciations du secrétaire général du Parlement.

91      En premier lieu, s’agissant des captures d’écran de liens vers des interventions du requérant dans la presse, des articles de presse le concernant et du programme intitulé « Rencontres parlementaires sur la consommation », il ressort de la décision attaquée que le secrétaire général du Parlement a estimé, en substance, qu’ils ne permettaient pas d’attester que l’assistante locale en était l’auteure ou d’identifier sa contribution à ceux-ci et que, de surcroît, concernant les captures d’écran, leur source n’était pas indiquée. S’agissant des notes et du dossier de presse concernant le requérant, il a précisé en outre que ni l’auteur ni la date n’étaient vérifiables ou identifiables. Enfin, s’agissant du courriel du service politique d’une chaîne télévisée française adressé au requérant, le secrétaire général du Parlement a indiqué qu’il ne présentait aucun lien apparent avec l’assistante locale.

92      Selon le requérant, le travail effectif de l’assistante locale dans le cadre des premier et deuxième contrats de travail serait largement étayé par les six notes écrites, élaborées par celle-ci, le dossier de presse et l’argumentaire sous forme de questions réponses réalisés par la même assistante ainsi que par ses nombreuses interventions médiatiques, radiophoniques, télévisuelles ou dans la presse écrite, attestées par les documents produits. L’activité de l’assistante locale aurait également consisté à résumer ses interventions et à recenser les liens Internet renvoyant vers celles parues dans la presse écrite, la source des captures d’écran étant le site Internet du requérant.

93      À cet égard, il convient de relever d’emblée que le requérant n’avance aucun élément permettant de remettre en cause l’appréciation du secrétaire général du Parlement relative à l’impossibilité d’attester que l’assistante locale est l’auteure des documents fournis ou qu’elle a contribué à ceux-ci d’une quelconque manière. Il se borne en effet à affirmer qu’il serait habituel pour les « retombées presse » que le nom de l’assistante n’apparaisse pas. Certes l’une des finalités des notes, des articles de presse, des interventions dans les médias ou lors de conférences et des créations de contenu publiés sur des sites Internet est de mettre en évidence les opinions du député, et ainsi celui-ci, et non l’assistant qui aurait la charge de les préparer, voire de les rédiger, ou de les publier. Dès lors, ils peuvent ne pas faire mention du nom dudit assistant, qui les rédige, contribue à leur rédaction ou les publie.

94      Il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, le requérant n’a pas produit d’éléments permettant d’établir l’existence d’une quelconque contribution de l’assistante locale aux publications et aux travaux invoqués, tels que des projets, des brouillons, des notes préparatoires, des annotations diverses ou des courriels de cette dernière se rapportant à ces travaux. Certains des articles et notes produits étaient pourtant substantiels et devaient nécessairement être préalablement communiqués au député, sinon approuvés par lui. Dès lors, l’absence de toute production d’une correspondance entre le député et l’assistante locale à cet égard pouvait constituer un indice pertinent – sans être le seul –, sur lequel le Parlement pouvait se fonder pour apprécier la réalité du travail de ladite assistante. De même, aucun élément n’étaye l’affirmation du requérant selon laquelle les tâches de son assistante consistaient à résumer ses interventions et à recenser les liens Internet renvoyant vers celles parues dans la presse écrite.

95      Partant, il doit être considéré que les documents produits par le requérant ne permettent pas d’établir l’existence d’un lien entre ceux-ci et l’assistante locale afin d’étayer les allégations selon lesquelles, selon les cas, elle en aurait été l’auteure, aurait contribué à ceux-ci, les aurait résumés ou recensés. Comme le secrétaire général du Parlement l’a estimé en substance dans la décision attaquée, il ne peut être attesté qu’elle aurait ainsi, d’une manière ou d’une autre, contribué aux publications et aux travaux invoqués. Dans ces circonstances, il doit être conclu que le fait évoqué par le requérant selon lequel, en substance, il a bénéficié d’une présence intense dans les médias grâce au travail de l’assistante locale n’est pas établi.

96      Par ailleurs, la circonstance que l’assistante locale était la seule assistante du requérant à avoir la charge principale de sa relation avec la presse pendant la période en cause, faute d’être corroborée par des indices démontrant un travail conforme aux mesures d’application de sa part, ne saurait suffire à établir une présomption selon laquelle elle aurait contribué aux publications dans la presse qu’il invoque.

97      En second lieu, s’agissant de l’interview de l’assistante locale, il ressort de la décision attaquée que le secrétaire général du Parlement a estimé que la pièce correspondante n’était pas acceptable comme élément de preuve au motif de son inaptitude à constituer en soi une preuve d’un travail effectué par l’assistante locale.

98      À cet égard, il doit être constaté que, dans l’interview de l’assistante locale, celle-ci a déclaré être attachée parlementaire du requérant, tout en finalisant ses études universitaires, et a cité des exemples de tâches correspondant, en principe, à un travail d’assistance parlementaire, à savoir le suivi du travail législatif, la rédaction de notes de synthèse ou encore l’organisation d’évènements. Cependant, le document communiqué ne comporte aucune mention de sa source, ni de sa date, ce qui empêche d’en vérifier la publication. L’argument du requérant relatif à la pertinence de ces déclarations en ce qu’elles auraient été effectuées près de quatre ans avant la parution dans la presse d’informations mettant en cause la réalité du travail des assistants parlementaires de certains députés européens (voir point 7 ci-dessus) doit dès lors être rejeté. De surcroît, s’agissant de l’organisation de l’exemple d’évènement cité, à savoir le « Forum “Europe” du 22 juin 2013 », aucun élément ne permet de déterminer l’objet de celui-ci, ni le public concerné, ni l’implication de l’assistante locale dans son organisation, ni le temps qu’elle y aurait consacré. Partant, les propos de l’assistante locale dans cette interview doivent être considérés comme n’ayant qu’une valeur déclarative, sans pouvoir constituer une preuve de l’exercice effectif d’un travail nécessaire et directement lié à l’exercice du mandat de député européen du requérant.

99      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, nonobstant la circonstance que le requérant indique que, pendant la période pertinente en l’espèce, l’assistante locale n’aurait pas exercé de fonctions au sein du MoDem, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, il n’a pas démontré que le secrétaire général du Parlement avait commis une erreur d’appréciation en estimant, dans la décision attaquée, qu’il n’avait pas apporté la preuve que l’assistante locale assurait des tâches en conformité avec les mesures d’application, notamment avec les articles 33 et 62 de celles-ci.

100    Partant, le quatrième moyen doit être rejeté ainsi que, par conséquent, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Robert Rochefort est condamné aux dépens.

Spielmann

Öberg

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.