ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
11 février 1999 (1)
«Agent temporaire Classement Expérience professionnelle Erreur
manifeste d'appréciation Droits acquis Protection de la confiance légitime
Devoir de sollicitude Vocation à la carrière Égalité de traitement et non-discrimination Défaut de motivation»
Dans l'affaire T-79/98,
Manuel Tomás Carrasco Benítez, agent temporaire de l'Agence européenne pour
l'évaluation des médicaments, demeurant à Londres, représenté par Mes Jean-Noël
Louis et Françoise Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile
à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,
contre
Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA), représentée par
M. Marino Riva, chef d'unité, et Mme Frances Nuttall, chef de secteur, en qualité
d'agents, assistés de Mes Denis Waelbroeck et Olivier Speltdoorn, avocats au
barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos
Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision fixant le classement du
requérant au grade A 7, échelon 3, lors de son engagement comme agent
temporaire,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 26 novembre 1998,
rend le présent
Arrêt
Faits et procédure
- 1.
- Le requérant est agent temporaire de grade A 7 depuis le 1er juillet 1997 auprès
de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA).
- 2.
- L'EMEA a publié au Journal officiel des Communautés européennes du 31 août 1996
(C 253 A, p. 1) un avis relatif à l'organisation de procédures de sélection en vue
de recruter deux chefs de secteur (A 5) et de dresser des listes de réserve
d'administrateurs dans différents domaines. Le point II de cet avis, intitulé
«Sélection pour les listes de réserve», précise:
«L'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments organise des procédures
de sélection pour son siège de Londres en vue d'établir une liste de réserve dans
plusieurs domaines.
Les candidats doivent joindre à leur acte de candidature les pièces justifiant des
éléments suivants:
au moins trois ans d'expérience professionnelle dans le domaine spécifié par
la description des tâches pour le grade A 7 et au moins douze ans dont au
moins cinq ans d'expérience pratique dans le domaine spécifié par la
description des tâches pour le grade A 5,
une bonne maîtrise de l'anglais et une bonne connaissance d'une ou
plusieurs autres langues communautaires,
une expérience de travail dans un environnement multilingue,
un diplôme universitaire dans le domaine concerné,
une date de naissance postérieure au 1er septembre 1946.
[...]
EMEA/A/105: Administrateurs (informaticiens) au sein de l'unité de coordination
technique, secteur 'gestion de l'information (A 7-A 5)
chargés, sous la responsabilité du chef d'unité/chef de secteur, unité de
coordination technique, d'occuper l'une des fonctions suivantes: [...]»
- 3.
- Le 29 octobre 1996, le requérant s'est porté candidat à la liste de réserve pour le
poste EMEA/A/105 susvisé. Il a joint une série de documents à son acte de
candidature.
- 4.
- Par lettre du 21 janvier 1997, le requérant a été informé qu'il était sélectionné et
que son nom avait été inscrit sur la liste de réserve établie par le jury.
- 5.
- Par lettre du 6 mai 1997, le directeur exécutif de l'EMEA a informé le requérant
de son intention de l'engager comme agent temporaire au poste d'administrateur
(spécialiste en informatique) dans les services de l'unité de coordination technique.
- 6.
- Le 13 mai 1997, le requérant a communiqué à l'EMEA une copie certifiée
conforme de ses diplômes et des certificats de ses précédents employeurs.
- 7.
- Le 27 mai 1997, le comité de classement de l'EMEA a classé le requérant au grade
A 7, échelon 2, avec une bonification d'ancienneté de 19 mois, en constatant que
son expérience professionnelle dûment établie s'élevait à six ans et sept mois.
- 8.
- Par courrier du 2 juin 1997, la responsable des services du personnel de l'EMEA
a transmis au requérant une lettre du directeur exécutif de l'EMEA du 27 mai 1997
et un contrat de cinq ans d'agent temporaire au grade A 7, échelon 2. Elle invitait
par ailleurs le requérant à lui préciser les dates d'exécution de ses obligations
militaires.
- 9.
- Le 3 juin 1997, le requérant a signé le contrat d'agent temporaire qui lui avait été
transmis, a précisé qu'il prendrait son service le 1er juillet 1997 et a renvoyé le
contrat signé à l'EMEA.
- 10.
- Le 8 juillet 1997, le requérant a rencontré le chef de l'administration de l'EMEA.
Au cours de cet entretien, le requérant a été invité à déposer des pièces
justificatives complémentaires concernant son expérience professionnelle. Le 9
juillet 1997, le requérant a communiqué un certificat établi par M. Husson, relatif
à des activités exercées en 1996 et 1997 au sein de la direction générale Industrie
(DG III) de la Commission, une copie d'un courrier électronique envoyé par
Mme Griera de la même DG III ainsi que les coordonnées d'une personne
travaillant au Parlement européen.
- 11.
- Le 30 juillet 1997, le chef de l'administration de l'EMEA lui a adressé un compte
rendu de l'entretien du 8 juillet 1997, a accusé réception des documents déjà
transmis et lui a demandé s'il comptait encore lui faire parvenir d'autres pièces
justificatives.
- 12.
- Le 31 juillet 1997, le requérant a présenté au chef de l'administration de l'EMEA
un rappel de sa demande de classement en A 5, son compte rendu de l'entretien
du 8 juillet 1997, une demande de reconnaissance de son expérience de
fonctionnaire de grade B à la Commission, ainsi qu'un exposé de la pertinence de
son expérience. Il demandait également au chef de l'administration de lui confirmer
qu'il ne subsistait plus aucune question de forme.
- 13.
- Le 6 août 1997, le requérant a été informé de la transmission à la direction
générale Personnel et administration (DG IX) d'une copie de toute la
documentation relative à son expérience professionnelle pour un réexamen de son
classement.
- 14.
- Le 29 août 1997, le chef de l'administration de l'EMEA a informé le requérant de
la révision de son classement au grade A 7, échelon 3, en lui précisant que les
périodes d'expérience professionnelle retenues sur la base de la documentation
fournie s'élevaient à sept ans et six mois. Il indiquait aussi que les périodes du 1er
octobre 1989 au 15 janvier 1991 et du 1er mai 1994 au 31 mai 1995 n'étaient pas
retenues dans la mesure où elles correspondaient à l'exercice de fonctions de
catégorie B, non équivalentes à une expérience dans la catégorie A, ni celles du 16
janvier 1991 au 30 avril 1994 et du 1er juin 1995 au 31 mars 1996 dans la mesure
où elles n'étaient pas correctement documentées.
- 15.
- Le 2 septembre 1997, le requérant a contesté cette décision du 29 août 1997,
conformément aux formes et délais fixés par le point 25 de la note sommaire du
13 janvier 1997 relative aux termes et conditions d'emploi des agents temporaires
de l'EMEA. Le directeur exécutif de l'EMEA a explicitement rejeté cette
contestation par courrier du 10 octobre 1997.
- 16.
- Le 28 novembre 1997, le requérant a introduit une réclamation contre la décision
portant fixation définitive de son classement de recrutement au grade A 7,
échelon 3, au titre de l'article 62 du règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil, du 22
juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la
surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant
une Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (JO L 214, p. 1), ainsi
que de l'article 46 du régime applicable aux autres agents des Communautés
européennes (ci-après «RAA») et de l'article 90, paragraphe 2, du statut des
fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»).
- 17.
- Le 16 décembre 1997, le chef de l'administration de l'EMEA a accusé réception
de la réclamation du requérant. Il a également précisé que, le certificat fourni par
M. Husson pour la période du 1er avril 1996 au 30 juin 1997 ne couvrant pas toute
la période en cause, il était nécessaire que le requérant fournisse certaines
clarifications avant qu'une décision ne soit prise, sans préjudice toutefois des
actions que l'autorité compétente jugerait utile d'entreprendre concernant ce
certificat.
- 18.
- Le 17 décembre 1997, le requérant a rencontré le chef de l'administration.
- 19.
- Le 23 décembre 1997, le requérant a invité le chef de l'administration à lui
confirmer que ce dernier était en droit de lui demander des clarifications et qu'il
était tenu de les fournir, au sujet d'un certificat remis trois mois auparavant, alors
qu'aucune suite n'avait été réservée à sa demande du 31 juillet 1997 quant au
caractère complet et suffisant de son dossier. Le chef de l'administration de
l'EMEA a répondu à ce courrier le 11 février 1998.
- 20.
- Par lettre du 13 février 1998, une décision explicite de rejet de sa réclamation a été
notifiée au requérant, indiquant notamment que les pièces justificatives de son
dossier permettaient de lui reconnaître une expérience professionnelle d'une durée
totale de dix ans et cinq mois.
- 21.
- C'est dans ces conditions que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le
23 mai 1998, le requérant a introduit le présent recours.
- 22.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 26 novembre
1998.
Conclusions des parties
- 23.
- Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision de l'EMEA de fixer son classement de recrutement au
grade A 7, échelon 3, avec effet au 1er juillet 1997;
condamner l'EMEA aux dépens.
- 24.
- L'EMEA conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme irrecevable en ce qu'il vise une prétendue
violation du devoir de sollicitude ainsi que du principe d'égalité de
traitement et de non-discrimination;
en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé dans son
ensemble;
statuer comme de droit sur les dépens.
Sur la recevabilité
- 25.
- Sans formellement soulever une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114
du règlement de procédure du Tribunal, l'EMEA met en doute la recevabilité duprésent recours en ce qu'il vise à faire reconnaître une violation du devoir de
sollicitude ainsi que du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination.
Rappelant la jurisprudence consacrant l'irrecevabilité des conclusions présentées
pour la première fois au stade du recours (arrêts de la Cour du 14 mars 1989, Del
Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, et du Tribunal du 11 juillet 1991,
von Hoessle/Cour des comptes, T-19/90, Rec. p. II-615), l'EMEA relève en outre
que la réclamation du requérant ne contenait pas non plus d'éléments dont il aurait
pu être déduit qu'il entendait invoquer une violation des deux principes précités.
L'EMEA souligne par ailleurs que le requérant a accepté sans la moindre réserve
le contrat d'agent temporaire qui lui avait été proposé, alors qu'il prévoyait son
engagement au grade A 7.
- 26.
- S'il apparaît, certes, que le requérant n'a formellement invoqué ni la violation du
devoir de sollicitude de l'EMEA à son égard, ni celle du principe d'égalité de
traitement et de non-discrimination dans le cadre de la procédure précontentieuse
et, plus particulièrement, dans sa réclamation, les explications qu'il a fournies dans
sa requête et lors de l'audience démontrent cependant qu'il a déduit la violation
de ces deux principes des autres arguments présentés dans sa réclamation du 28
novembre 1997. Il est donc permis d'interpréter cette dernière comme impliquant
la dénonciation d'une violation du devoir de sollicitude et du principe d'égalité de
traitement et de non-discrimination.
- 27.
- Il y a lieu, par conséquent, de considérer que, conformément aux exigences d'une
jurisprudence constante, la règle de la concordance entre la réclamation et le
recours n'a pas été bafouée en l'espèce (arrêts du Tribunal du 8 juin 1995,
Allo/Commission, T-496/93, RecFP p. II-405, point 26, du 28 mai 1997,
Burban/Parlement, T-59/96, RecFP p. II-331, point 31, et du 5 novembre 1997,
Barnett/Commission, T-12/97, RecFP p. II-863, point 67). Il s'ensuit que le recours
doit être déclaré recevable dans son intégralité.
Sur le fond
- 28.
- En droit, le requérant invoque un moyen unique tiré de l'existence d'une erreur
manifeste d'appréciation et de la violation du principe des droits acquis, du principe
de protection de la confiance légitime, du devoir de sollicitude, du principe de
vocation à la carrière, du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination,
ainsi que de l'obligation de motivation.
- 29.
- En fait, il ressort de la requête et des propos de son conseil lors de l'audience que
le requérant conteste son classement en tant qu'agent temporaire de grade A 7 à
l'EMEA, pour deux raisons. D'une part, il reproche à l'EMEA de ne pas avoir
correctement pris en compte certaines périodes de son expérience professionnelle
à la Commission, en qualité de fonctionnaire de catégorie B ou de collaborateur
externe. D'autre part, il critique le refus de l'EMEA de prendre en compte son
expérience professionnelle acquise en qualité d'indépendant.
- 30.
- A titre liminaire, il y a lieu de relever que le requérant a d'abord prétendu dans sa
requête que le point II de l'avis relatif à l'organisation de procédures de sélection
(ci-après «avis de sélection») n'imposait aucune exigence sur la nature ou le niveau
de l'expérience professionnelle de douze ans requise pour les emplois
d'administrateurs de grade A 5. Il soutenait ainsi que cet avis de sélection imposait
seulement une expérience pratique de cinq années dans le domaine spécifié par la
description des tâches. Lors de l'audience, le requérant a toutefois indiqué qu'il
partageait l'interprétation du point II de l'avis de sélection défendue par l'EMEA
dans son mémoire en défense, selon laquelle, pour être classé au grade A 5, douze
ans d'expérience professionnelle du niveau de la catégorie A étaient nécessaires,
dont cinq ans au moins d'expérience pratique dans le domaine spécifié par la
description des tâches en cause.
Sur l'expérience professionnelle du requérant à la Commission
Arguments du requérant
- 31.
- Le requérant reproche donc à l'EMEA de ne pas avoir correctement apprécié le
niveau de son expérience professionnelle à la Commission, en tant que
fonctionnaire de catégorie B et en tant que collaborateur externe.
- 32.
- En premier lieu, le requérant reproche à l'EMEA d'avoir systématiquement refusé
de prendre en considération son expérience de fonctionnaire de catégorie B à la
Commission, sans même avoir apprécié le contenu véritable des fonctions qu'il a
exercées à ce titre. Il soutient que ces fonctions correspondent à des fonctions du
niveau de la catégorie A qui doivent être prises en compte dans l'appréciation de
son expérience professionnelle pour son classement en tant qu'agent temporaire
auprès de l'EMEA.
- 33.
- En refusant de prendre en considération l'expérience acquise au service de la
Commission entre le 1er octobre 1989 et le 15 janvier 1991 et entre le 1er mai 1994
et le 31 mai 1995, au seul motif que le poste budgétaire occupé relevait de la
catégorie B et sans avoir examiné la nature et le niveau des tâches effectivement
exercées, l'EMEA aurait manqué à son devoir de sollicitude, aurait méconnu l'avis
de sélection et aurait commis une erreur d'appréciation. Le requérant se prévaut
notamment du niveau universitaire des fonctions qu'il a exercées au sein de la
Commission.
- 34.
- Tout d'abord, il relève que le travail fourni pour le compte de la Commission
durant ces périodes a été d'un niveau similaire, voire supérieur, à celui fourni pour
le compte du Parlement européen entre le 30 novembre 1987 et le 19 mai 1989 et
pour le compte de la société James Duncan and Associates du 26 octobre 1984 au
31 mai 1987, dont l'EMEA a pourtant tenu compte pour valoriser son expérience
professionnelle. Ensuite, il se réfère à un projet de description des tâches du chef
du projet «Terminologie», à la dénomination de son poste (chef de projet), reprise
en annexe à son acte de candidature, et à un relevé de ses activités de niveau
universitaire (publications et autres). Enfin, le requérant renvoie à deux affaires
traitées par la Cour dans lesquelles une institution aurait écarté un candidat au seul
motif que l'expérience professionnelle de niveau universitaire requise avait été
acquise dans un emploi relevant de la catégorie B (arrêt de la Cour du 26
novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, ainsi que les conclusions
de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous cet arrêt, p. 2880, et ordonnance du
président de la Cour du 26 mai 1982, Copine/Commission, 142/82 R, Rec. p. 1911,
point 4).
- 35.
- Lors de l'audience, le requérant a ajouté que, conformément à la jurisprudence, il
convenait de tenir compte du fait qu'il avait accepté d'exercer des fonctions d'un
niveau supérieur à son grade (arrêt de la Cour du 19 mars 1975, Van
Reenen/Commission, 189/73, Rec. p. 445, point 6, et conclusions de l'avocat général
M. Darmon sous l'arrêt de la Cour du 7 mai 1986, Barcella e.a./Commission,
191/84, Rec. p. 1541, 1542).
- 36.
- En second lieu, le requérant explique qu'en refusant de prendre en considération
la période du 1er avril 1996 au 30 juin 1997 au cours de laquelle il aurait assumé
les fonctions de collaborateur externe à la DG III, comme l'attesteraient les notes
de M. Husson du 9 juillet 1997 et de M. Timmers du 3 décembre 1997, l'EMEA
aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
Appréciation du Tribunal
- 37.
- Il y a lieu de vérifier si l'EMEA était en droit de refuser de prendre en
considération l'expérience professionnelle du requérant acquise à la Commission
en tant que fonctionnaire de catégorie B et collaborateur externe, lorsqu'elle a
déterminé son classement en grade et en échelon lors de son engagement.
- 38.
- Tout d'abord, il importe de souligner que, lors de l'audience, il est apparu constant
entre les parties que l'expérience professionnelle nécessaire pour pouvoir être
classé en A 5 correspondait, selon l'avis de sélection, à douze ans d'expérience
professionnelle du niveau de la catégorie A (voir ci-dessus point 30). Il est
également constant entre les parties que le requérant justifiait d'une expérience
professionnelle d'au moins dix ans et cinq mois, prise en compte pour son
classement lors de son engagement en A 7, échelon 3 (voir ci-dessus point 20).
Leur différend porte en fait sur le refus de l'EMEA de reconnaître comme
pertinentes les autres périodes de travail dont le requérant se prévaut pour
prétendre avoir une expérience professionnelle d'une durée de douze ans ou plus,
afin d'être classé au grade A 5.
- 39.
- Ensuite, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'autorité
investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») jouit d'un large pouvoir
discrétionnaire, dans le cadre fixé par les articles 31 et 32, deuxième alinéa, du
statut, en vue d'apprécier les expériences professionnelles antérieures d'une
personne recrutée comme fonctionnaire, en ce qui concerne tant la nature et la
durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu'elles peuvent présenter
avec les exigences du poste à pourvoir (voir arrêts de la Cour du 5 octobre 1988,
de Szy-Tarisse et Feyaerts/Commission, 314/86 et 315/86, Rec. p. 6013, point 26,
et du Tribunal du 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T-2/90, Rec.
p. II-103, point 56).
- 40.
- En l'espèce, le poste visé par l'avis de sélection est un emploi de catégorie A qui,
selon l'article 5 du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l'article 10
du RAA, correspond à des fonctions de direction, de conception et d'étude,
nécessitant des connaissances de niveau universitaire ou une expérience
professionnelle d'un niveau équivalent. L'EMEA est dès lors en droit d'apprécier,
au titre du large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en sa qualité d'AIPN, la
pertinence de l'expérience professionnelle des agents temporaires qu'elle engage
par référence à celle d'un fonctionnaire de catégorie A, pour déterminer leur
classement en grade et en échelon.
- 41.
- Contrairement à ce que le requérant allègue, la jurisprudence qu'il invoque (arrêts
Michel/Parlement, Van Reenen/Commission, Barcella e.a./Commission, précités, et
ordonnance Copine/Commission, précitée) ne permet pas de déduire l'existence
d'une obligation de l'AIPN d'examiner d'office et de sa propre initiative le niveau
réel de l'emploi exercé antérieurement par une personne au sein d'une institution
dans une catégorie inférieure à celle requise pour la prise en compte de son
expérience professionnelle au titre de son classement en tant qu'agent temporaire
au moment de son engagement.
- 42.
- Dans son arrêt Michel/Parlement, précité, la Cour a seulement constaté l'existence
d'une insuffisance de motivation du refus du jury d'un concours d'admettre
M. Michel aux épreuves. L'affaire ayant donné lieu à l'ordonnance
Copine/Commission, précitée, concernait un problème d'admission à un concours
organisé afin de constituer une réserve de recrutement d'administrateurs de grades
A 7 et A 6. Le président de la Cour a relevé que, en tout état de cause, M. Copine
ne justifiait pas d'une expérience complémentaire ayant la durée requise.
- 43.
- Dans son arrêt Van Reenen/Commission, précité, la Cour a rejeté la prétention
d'un fonctionnaire à une nomination directe et sans concours dans la catégorie
supérieure à la sienne. A cette occasion, la Cour a d'ailleurs précisé que, s'il ne
saurait être exigé d'un fonctionnaire qu'il remplisse des fonctions d'un niveau
supérieur à son grade, hormis dans un cas d'intérim, le fait que celui-ci accepte
d'exercer de telles fonctions constitue un élément à retenir en vue d'une promotion,
mais ne confère à l'intéressé aucun droit à être reclassé. Dans son arrêt Barcella
e.a./Commission, précité, la Cour a déclaré irrecevable pour tardiveté un recours
tendant à annuler une décision de la Commission refusant une demande de
reclassement. Dans ses conclusions sous cet arrêt, l'avocat général M. Darmon
proposait, à titre principal, de déclarer le recours irrecevable pour cause de
tardiveté et, à titre subsidiaire, de le rejeter, en se référant au point 6 de l'arrêt
Van Reenen/Commission, précité, exposé ci-dessus.
- 44.
- Le requérant ne saurait dès lors se contenter de reprocher à l'EMEA d'avoir
systématiquement refusé de prendre en considération son expérience acquise en
tant que fonctionnaire de catégorie B.
- 45.
- En effet, l'administration ne dépasse pas les limites de son large pouvoir
d'appréciation lorsque, pour déterminer le niveau de l'expérience professionnelle
acquise antérieurement par un fonctionnaire auprès d'une institution aux fins de
son classement lors de son engagement en tant qu'agent temporaire, elle se réfère
à la catégorie de l'emploi exercé auprès de cette institution. En l'occurrence,
l'EMEA n'était donc pas tenue d'examiner d'office et de sa propre initiative le
niveau réel de l'emploi exercé antérieurement par le requérant en tant que
fonctionnaire de catégorie B. Il convient d'ailleurs de relever que l'EMEA a
expliqué au requérant, déjà dans sa lettre du 29 août 1997, qu'elle ne prendrait pas
en compte son expérience au sein de la Commission en tant que fonctionnaire de
catégorie B parce que cette dernière ne correspondait pas à une expérience du
niveau de la catégorie A. Contrairement aux allégations du requérant lors de
l'audience, il s'avère donc que l'EMEA ne s'est pas abstenue de toute appréciation
sur ce point.
- 46.
- Toutefois, aux fins de la fixation de son classement lors de son engagement, l'agent
temporaire doit, le cas échéant, être autorisé à démontrer que le niveau de l'emploi
qu'il a antérieurement exercé au sein d'une institution est supérieur à la catégorie
dans laquelle il a exercé cet emploi. En l'occurrence, il appartenait donc au
requérant de fournir à l'EMEA des éléments prouvant que son expérience de
fonctionnaire de catégorie B correspondait en fait à une expérience professionnelle
du niveau de la catégorie A. Il convient de vérifier si le requérant a présenté de
tels éléments à l'EMEA et si cette dernière les a correctement appréciés.
- 47.
- D'une part, en ce qui concerne la période du 1er octobre 1989 au 15 janvier 1991,
force est de constater que le requérant s'est contenté d'alléguer, pour la première
fois dans le cadre du présent recours et sans plus de précision, que le niveau du
travail fourni pour le compte de la Commission serait supérieur à celui effectué
pour le Parlement et la société James Duncan and Associates. Cependant, il n'a fait
état d'aucun élément de comparaison ni d'éléments de preuve particuliers. Il ne
saurait, dès lors, être établi, sur une telle base, que l'EMEA a dépassé les limites
de son large pouvoir d'appréciation en refusant de prendre en compte l'expérience
acquise par le requérant en tant que fonctionnaire de catégorie B au cours de cette
période du 1er octobre 1989 au 15 janvier 1991.
- 48.
- D'autre part, en ce qui concerne la période du 1er mai 1994 au 31 mai 1995, le
requérant ne s'est pas seulement prévalu de la comparaison du travail avec celui
fourni pour le compte du Parlement et de la société James Duncan and Associates
(voir ci-dessus point précédent), mais a également présenté un document intitulé
«Description des tâches du chef du projet 'Terminologie» et daté du 10 février
1994, la liste de ses publications et activités universitaires et a défini le poste qu'il
a occupé à la Commission, à savoir «chef de projet».
- 49.
- Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir que l'emploi de catégorie B
exercé par le requérant à la Commission à cette époque correspond à des fonctions
du niveau de la catégorie A, au sens de l'article 5 du statut (voir ci-dessus point
40).
- 50.
- Tout d'abord, force est de constater que le document «Description des tâches du
chef du projet 'Terminologie», daté du 10 février 1994, est un simple projet
portant une date antérieure à celle du début de la période dont il est question, à
savoir le 1er mai 1994. En outre, comme le signale l'EMEA, ce document ne porte
aucune mention de l'identité du titulaire effectif du poste visé. Toutefois, à
supposer même qu'il s'agisse d'un projet de description de l'emploi ultérieurement
occupé par le requérant, un tel document n'apporte aucune indication sur les
fonctions effectivement exercées par lui auprès de la Commission du 1er mai 1994
au 31 mai 1995. L'EMEA n'a donc pas dépassé les limites de son large pouvoir
d'appréciation en écartant ce document.
- 51.
- Ensuite, c'est le requérant qui est à l'origine de la dénomination «chef du projet
Terminologie» du poste qu'il occupait à la Commission, comme le relève à juste
titre l'EMEA dans son mémoire en défense. Le requérant n'a d'ailleurs fourni
aucune autre preuve de la réalité de cette dénomination. En tout état de cause,
cette seule dénomination ne permet pas de démontrer que les fonctions exercées
à ce titre correspondaient à des fonctions du niveau de la catégorie A. Le
requérant n'est donc pas non plus parvenu à démontrer que l'EMEA a dépassé les
limites de son large pouvoir d'appréciation en ne retenant pas cet élément comme
preuve de la pertinence de son expérience.
- 52.
- Enfin, si, certes, la liste de ses publications et activités universitaires est de nature
à démontrer que le requérant dispose des connaissances et aptitudes élevées
nécessaires pour effectuer un travail de type universitaire, il s'agit principalement
de preuves d'activités extraprofessionnelles et relatives à des périodes antérieures
ou postérieures à celle du 1er mai 1994 au 31 mai 1995.
- 53.
- Il s'avère ainsi que, pour la période en cause, le requérant a seulement déposé
deux documents, un schéma du directeur informatique du service de traduction de
la Commission pour les années 1995 à 1997 et un document relatif à une
conférence organisée en Allemagne du 10 au 14 avril 1995. Le premier document,
non daté, mentionne le requérant dans un tableau, parmi d'autres personnes, sans
précision aucune quant à la nature de ses fonctions dans ce cadre. Il ressort en
outre du contenu de ce document qu'il s'agit d'une analyse des perspectives de
développement d'une base de données pour l'avenir. Le second document est une
copie de l'intervention du requérant au cours d'une conférence, dont le résumé qui
y figure indique qu'il s'agit d'une analyse technique des aspects multilingues du
«Web». Ces deux documents ne permettent pas, en tout cas, d'établir que les
fonctions exercées par le requérant au sein de la Commission, pendant la période
en cause, correspondaient à des fonctions de direction, de conception et d'étude,
au sens de l'article 5 du statut. Le requérant n'est donc pas non plus parvenu à
démontrer que l'EMEA a dépassé les limites de son large pouvoir d'appréciation
dans l'analyse des mentions de cette liste.
- 54.
- En décidant que l'expérience du requérant en tant que fonctionnaire de catégorie
B à la Commission, du 1er mai 1994 au 31 mai 1995, ne correspondait pas à une
expérience professionnelle du niveau de la catégorie A devant être prise en compte
aux fins de déterminer son classement lors de son engagement en tant qu'agent
temporaire, l'EMEA n'a donc pas dépassé les limites de son large pouvoir
d'appréciation.
- 55.
- L'EMEA n'a pas non plus manqué à son devoir de sollicitude à l'égard du
requérant. Il ressort d'une jurisprudence constante que, tout en n'étant pas
mentionné dans le statut, le devoir de sollicitude de l'administration à l'égard de
ses agents reflète l'équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a
créés dans les relations entre l'autorité publique et les agents du service public. Ce
devoir implique notamment que, lorsqu'elle statue à propos de la situation d'un
fonctionnaire, l'autorité prenne en considération l'ensemble des éléments qui sont
susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non
seulement de l'intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné
(arrêts de la Cour du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes, 321/85, Rec.
p. 3199, point 18, du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C-298/93 P, Rec.
p. I-3009, point 38, et du Tribunal du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T-33/89
et T-74/89, Rec. p. II-249, point 96). Compte tenu toutefois du large pouvoir
d'appréciation dont disposent les institutions dans l'évaluation de l'intérêt du
service, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir
si l'institution concernée s'est tenue dans des limites raisonnables et n'a pas usé de
son pouvoir d'appréciation de manière manifestement erronée (arrêt du Tribunal
du 15 septembre 1998, Haas e.a./Commission, T-3/96, non encore publié au
Recueil, point 53).
- 56.
- Il résulte de l'analyse qui précède que l'EMEA n'a pas commis d'erreur manifeste
dans l'appréciation de l'expérience acquise par le requérant en tant que
fonctionnaire de catégorie B. En outre, il ressort des pièces de cette procédure que,
d'une part, l'EMEA a indiqué à plusieurs reprises au requérant la voie à suivre
pour établir la réalité et la durée de l'expérience professionnelle dont il se prévalait
pour la détermination de son classement et, d'autre part, que le requérant n'a pas
loyalement coopéré à la constitution de son dossier. Il suffit à cet égard de relever
que, dans sa lettre du 23 décembre 1997, le requérant a répondu dans les termes
suivants à une demande de clarification de l'EMEA concernant l'un des documents
qu'il avait déposés pour établir la pertinence de son expérience professionnelle
(voir ci-dessus point 19): «Pourriez-vous confirmer s'il vous plaît que vous êtes en
droit de demander et que je suis tenu de fournir un éclaircissement supplémentaire,
même trois mois après le dépôt du certificat. Si je le dois, je fournirai cet
éclaircissement [...]» Le requérant n'a d'ailleurs fourni aucune clarification
complémentaire.
- 57.
- L'EMEA n'a pas non plus dépassé les limites de son large pouvoir d'appréciation
en considérant que l'expérience acquise par le requérant en tant que collaborateur
externe à la Commission du 1er avril 1996 au 30 juin 1997 ne pouvait être prise en
compte pour son classement.
- 58.
- En effet, l'EMEA était en droit d'estimer que les éléments fournis par le requérant
ne lui permettaient pas de considérer que cette expérience correspondait à une
expérience du niveau de la catégorie A.
- 59.
- De même, il y a lieu de rejeter l'explication du requérant fondée sur les notes de
M. Husson du 9 juillet 1997 et de M. Timmers du 3 décembre 1997.
- 60.
- Il ressort en effet de la lettre du chef de l'administration du 11 février 1998 (voir
ci-dessus point 20) que le requérant a lui-même précisé, lors de leur entretien du
17 décembre 1997 (voir ci-dessus point 19), que la note de M. Husson du 9 juillet
1997 n'avait pas été déposée pour démontrer la continuité de ses activités de
collaboration avec la DG III. L'EMEA a d'ailleurs obtenu, auprès de la
Commission, la confirmation du caractère discontinu des activités de collaboration
du requérant, comme l'indique le contenu de la lettre du chef de l'administration
du 16 décembre 1997 qui relève, en renvoyant au contenu de la note de
M. Timmers: «La DG III nous a informés que vous avez travaillé sur une base ad
hoc à plusieurs reprises.»
- 61.
- Le contenu de cette lettre du 16 décembre 1997 (voir ci-dessus point 17) n'a pas
été contesté par le requérant sur ce point. Invité à apporter certains
éclaircissements, il s'est en effet contenté de mettre en doute les pouvoirs de
l'EMEA de lui adresser une telle requête (voir la lettre du requérant du 23
décembre 1997, ci-dessus points 19 et 56). Lors de l'audience, le requérant n'a pas
non plus démenti les propos de l'EMEA à ce sujet.
- 62.
- Il s'ensuit que l'EMEA n'a ni commis une erreur d'appréciation, ni violé l'avis de
sélection, ni manqué à son devoir de sollicitude en refusant de prendre en compte
l'expérience professionnelle du requérant acquise à la Commission en tant que
fonctionnaire de catégorie B et celle de collaborateur externe.
Sur l'expérience professionnelle du requérant en qualité d'indépendant
Arguments du requérant
- 63.
- Le requérant reproche à l'EMEA d'avoir méconnu l'avis de sélection et d'avoir
violé le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination, en ne prenant pas
en compte son expérience professionnelle acquise en qualité d'indépendant entre
le 1er juin et le 29 novembre 1987. Il explique que, par définition, un indépendant
ne peut présenter une attestation de début et de fin d'activité à défaut d'un rapport
de subordination avec un employeur.
Appréciation du Tribunal
- 64.
- En premier lieu, plusieurs éléments indiquent que l'EMEA n'a commis aucune
erreur d'appréciation en refusant de prendre en considération l'expérience acquise
par le requérant en qualité d'indépendant du 1er juin au 29 novembre 1987.
- 65.
- Tout d'abord, l'avis de sélection précise que «les candidats doivent utiliser les
formulaires d'acte de candidature joints au présent avis et indiquer la référence du
poste auquel ils postulent. Les actes de candidature signés, accompagnés des pièces
justificatives nécessaires, doivent être renvoyés au plus tard le 1er novembre
1996 [...]» et, au point II, que «les candidats doivent joindre à leur acte de
candidature les pièces justifiant des éléments suivants: au moins trois ans
d'expérience professionnelle dans le domaine spécifié par la description des tâches
pour le grade A 7 et au moins douze ans dont au moins cinq ans d'expérience
pratique dans le domaine spécifié par la description des tâches pour le grade A 5
[...]» Au point 12 du formulaire d'acte de candidature figurant en annexe à l'avis
de sélection, intitulé «Expérience professionnelle», il est en outre demandé
d'indiquer «avec précision, les emplois [...] occupés jusqu'à présent et [de] joi[ndre]
une copie des justificatifs». Or, à chacun des points 1 à 4 du tableau dans lequel
doivent figurer ces précisions, il est demandé de spécifier la date de début et la
date de fin des emplois exercés par les candidats.
- 66.
- L'EMEA était dès lors en droit d'attendre du requérant qu'il précise les dates de
début et de fin de ses activités d'indépendant, en corroborant ses déclarations par
des pièces justificatives. Force est cependant de constater que, ni dans son acte de
candidature, ni ultérieurement, le requérant n'a précisé lesdites dates. Dans le
cadre de la présente procédure, il s'est prévalu d'une impossibilité matérielle de
produire la preuve des dates de début et de fin de ses activités d'indépendant, en
raison de l'absence de lien de subordination.
- 67.
- Cet argument du requérant doit être rejeté. Il lui était loisible d'établir la durée de
ses activités d'indépendant au moyen de documents, par exemple un extrait du
registre professionnel concerné, des preuves de paiement de cotisations de sécurité
sociale ou d'impôt, des attestations rédigées par les personnes ou les sociétés pour
le compte desquelles le travail a été exécuté, des relevés de paiement d'honoraires
ou encore d'autres attestations. En outre, il s'avère que l'EMEA a signalé au
requérant les moyens de preuve susceptibles d'établir la réalité et la durée de telles
activités (voir la lettre du 2 juin 1997 de la responsable des services du personnel,
ci-dessus, point 8, et la lettre du 29 août 1997 du chef de l'administration, ci-dessus,
point 14). En tout état de cause, force est de constater que le requérant n'a pas été
en mesure de produire le moindre document établissant les dates précises
auxquelles il a entamé et terminé ses activités d'indépendant entre le 1er juin et le
29 novembre 1987.
- 68.
- En second lieu, l'argument tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement
et de non-discrimination doit être rejeté.
- 69.
- En effet, le requérant n'a pas étayé cet argument dans sa requête et son allégation
à l'audience, selon laquelle l'EMEA aurait réservé un traitement discriminatoire
aux activités d'indépendant par rapport aux autres activités, en lui imposant
l'obligation de rapporter la preuve précise des dates auxquelles il a exercé des
activités d'indépendant entre le 1er juin et le 29 novembre 1987, ne saurait être
retenue. En subordonnant à la même exigence de preuves l'établissement de la
durée réelle des activités professionnelles, qu'elles aient été exercées en tant
qu'indépendant ou non, l'EMEA soumet au contraire toute personne se prévalant
d'une activité professionnelle pour une période donnée à un traitement identique,
conformément d'ailleurs aux indications reprises dans l'avis de sélection et les
formulaires d'acte de candidature figurant en annexe qui n'opèrent aucune
distinction à cet égard. Le fait que les pièces à fournir puissent différer selon que
l'activité professionnelle invoquée a été exercée en tant qu'indépendant (voir ci-dessus point 67) ou en tant que salarié ne constitue pas en soi une discrimination.
- 70.
- L'EMEA a donc à bon droit écarté cette période du 1er juin au 29 novembre 1987
de la durée de l'expérience professionnelle du requérant devant être prise en
compte pour son classement.
Sur les autres arguments du requérant
- 71.
- Le requérant reproche par ailleurs au comité de classement d'avoir commis une
erreur de calcul dans l'appréciation de la durée de son expérience professionnelle,
en la fixant à six ans et sept mois et non pas à sept ans et six mois comme rectifié
par le chef de l'administration le 29 août 1997. Dans la décision explicite de rejet
de sa réclamation, du 13 février 1998, l'administration aurait d'ailleurs pris en
compte une expérience professionnelle de dix ans et cinq mois. Il estime également
que les différents éléments qu'il a mis en exergue démontrent que l'erreur
manifeste d'appréciation de son expérience professionnelle à prendre en compte,
commise par l'EMEA, porte atteinte à sa vocation à la carrière et au principe de
protection de la confiance légitime. Il invoque enfin une violation du devoir de
motivation.
- 72.
- Ces arguments ne sont pas fondés. Ainsi, il ne saurait être question d'une violation
du principe de vocation à la carrière, dans la mesure où le requérant fondait
l'existence de cette violation sur celle d'une erreur manifeste dans l'appréciation de
son expérience professionnelle à prendre en considération pour son classement.
- 73.
- Il en va de même de la violation de l'obligation de motivation. En effet, force est
à nouveau de constater que, dans sa requête, le requérant n'a pas exposé les
raisons pour lesquelles il considérait que l'EMEA aurait violé cette obligation. En
outre, à supposer même que cet argument tende à dénoncer le refus systématique
de prendre en compte son expérience de fonctionnaire de catégorie B à la
Commission, il y a lieu de répéter que, en principe, l'administration n'est pas tenue
d'examiner d'office et de sa propre initiative le contenu réel des fonctions exercées
par un fonctionnaire dans une catégorie inférieure à celle requise pour la prise en
compte de l'expérience professionnelle (voir ci-dessus point 45). En l'absence
d'indications précises et concluantes du requérant sur le niveau effectif des
fonctions exercées dans son emploi de catégorie B à la Commission, il ne saurait
être reproché à l'EMEA de ne pas avoir examiné le contenu réel desdites fonctions
et de ne pas avoir exposé le résultat de cet examen dans la décision attaquée.
- 74.
- Il convient également de rejeter les allégations du requérant quant à la violation
du principe des droits acquis et du principe de protection de la confiance légitime.
Outre le fait que le requérant s'est contenté d'exposer de façon confuse les
violations qu'il invoque, il ne saurait prétendre que la lettre du directeur exécutif
de l'EMEA du 6 mai 1997 (voir ci-dessus point 5) lui accordait certains droits
nouveaux ou qu'elle était de nature à faire naître une attente légitime dans son
esprit concernant son classement au grade A 5. En effet, comme l'explique l'EMEA
dans sa décision explicite de rejet de la réclamation du 13 février 1998, cette lettre
du 6 mai 1997 est rédigée sur le mode conditionnel. Le requérant a d'ailleurs lui-même qualifié cette lettre de «lettre d'intention» dans son courrier du 31 juillet
1997 (voir ci-dessus point 12).
- 75.
- Par ailleurs, le requérant ne saurait se prévaloir d'une erreur de calcul commise par
le comité de classement de l'EMEA dans sa décision du 27 mai 1997 (voir ci-dessus
point 7) pour contester la légalité de la décision de l'EMEA de le classer au grade
A 7, échelon 3, en raison d'une expérience professionnelle de dix ans et cinq mois
(voir ci-dessus point 20), puisque cette décision de classement a d'ores et déjà
remédié à l'erreur de calcul, comme il le reconnaît lui-même.
- 76.
- Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des griefs allégués par le requérant ne
s'est avéré établi. Il s'ensuit que le présent moyen et, par conséquent, le recours
doivent être rejetés.
Sur les dépens
- 77.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en
vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés
et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.
En l'espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 février 1999.
Le greffier
Le président
H. Jung
M. Jaeger