Language of document : ECLI:EU:C:2021:696

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

1er septembre 2021 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Recours en annulation et en indemnité – Plainte auprès de la Commission européenne, visant à faire constater la violation du droit de l’Union par la République de Croatie – Non-conformité alléguée de la législation nationale avec la directive 68/151/CEE – Absence d’engagement d’une procédure en manquement – Demande d’aide juridictionnelle – Pourvoi manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑171/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 février 2021,

Likvidacijska masa iza Mesoprodukt d.o.o., établie à Dervišaga (Croatie),

Gojko Čuljak, demeurant à Dervišaga,

représentés par Me I. Žalac, odvjetnik,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Piçarra, président de chambre, M. M. Vilaras (rapporteur), président de la quatrième chambre, Mme K. Jürimäe, juge,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, Likvidacijska masa iza Mesoprodukt d.o.o. et M. Gojko Čuljak demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 28 janvier 2021, Likvidacijska masa iza Mesoprodukt et Čuljak/Commission (T‑603/20, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:66), par laquelle celui-ci a rejeté leur recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission européenne, du 16 juin 2020, refusant de donner suite à leur plainte déposée contre la République de Croatie, visant à faire constater une violation, par cette dernière, de la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties non exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article [54, deuxième alinéa, TFUE], pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (JO 1968, L 65, p. 8) (ci-après la « décision litigieuse »), et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice qu’ils auraient subi du fait de cette décision.

 Les antécédents du litige

2        Le 7 mars 2020, M. Čuljak a déposé une plainte auprès de la Commission en tant que fondateur et liquidateur de Mesoprodukt d.o.o., une société croate radiée du registre du commerce et enregistrée, par la suite, sous la dénomination Likvidacijska masa iza Mesoprodukt d.o.o. Selon cette plainte, l’article 70 du Zakon o sudskom registru (loi sur le registre du commerce) ne serait pas conforme à la directive 68/151.

3        Par la décision litigieuse, la Commission a informé M. Čuljak de sa décision de ne pas engager de procédure en manquement contre la République de Croatie et, par conséquent, de classer la plainte qu’il avait déposée.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

4        Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2020, les requérants ont introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision litigieuse et, d’autre part, à la condamnation de la Commission à leur verser une indemnisation d’un montant de 33 000 000 d’euros ainsi que les intérêts y afférents, en réparation du préjudice qu’ils auraient subi.

5        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme étant manifestement irrecevable.

6        S’agissant de la demande d’annulation de la décision litigieuse, le Tribunal a rappelé, aux points 10 et 11 de l’ordonnance attaquée, que les particuliers ne sont pas recevables à attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre, un tel refus ne constituant pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Au point 13 de cette ordonnance, il a relevé que dans le cadre de la procédure en manquement régie par l’article 258 TFUE, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres. Il a ajouté qu’il résulte du système prévu à cet article que ni l’avis motivé, qui ne constitue qu’une phase préalable au dépôt éventuel d’un recours en manquement devant la Cour, ni la saisine de la Cour par le dépôt effectif d’un tel recours ne peuvent constituer des actes concernant de manière directe les personnes physiques ou morales. Il a, dès lors, jugé, au point 14 de ladite ordonnance, que la demande d’annulation de la décision litigieuse, en tant que, par celle‑ci, la Commission a refusé de donner suite à la plainte que les requérants avaient déposée contre la République de Croatie, était manifestement irrecevable.

7        S’agissant des conclusions indemnitaires présentées par les requérants, le Tribunal a rappelé, au point 17 de l’ordonnance attaquée, la jurisprudence de la Cour selon laquelle, la Commission n’étant pas tenue d’engager une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, le refus de la Commission d’engager une procédure en manquement n’est pas constitutif d’une illégalité, de telle sorte qu’il n’est pas susceptible de porter préjudice aux particuliers. Il en a conclu, au point 18 de cette ordonnance, que la demande indemnitaire des requérants était également manifestement irrecevable.

 Les conclusions des requérants devant la Cour

8        Les requérants demandent à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée et de renvoyer l’affaire au Tribunal.

9        Le 22 mars 2021, les requérants ont sollicité, en vertu de l’article 185 du règlement de procédure de la Cour, le bénéfice de l’aide juridictionnelle.

 Sur le pourvoi

10      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le rejeter par voie d’ordonnance motivée.

11      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

 Argumentation des requérants

12      Par leur moyen unique, les requérants font valoir que la décision litigieuse les concerne directement, car elle les empêche d’exercer les droits que leur confère l’article 6 de la directive 68/151, notamment le droit tiré de ce qu’une société commerciale ne peut pas être radiée du registre du commerce. Ils ajoutent que cette décision a pour conséquence de les empêcher d’exercer une activité économique et révèle une omission de la Commission, puisque cette dernière ne s’est pas conformée à l’article 258 TFUE et n’a pas constaté que la République de Croatie n’avait pas transposé l’article 6 de la directive 68/151. Cette institution aurait, au contraire, indiqué au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne que la République de Croatie respectait ses engagements et satisfaisait aux exigences découlant des négociations en vue d’une adhésion et qu’elle serait en mesure de mettre en œuvre l’acquis dès son adhésion à l’Union européenne. La Commission aurait ajouté, dans la décision litigieuse, que l’article 70 de la loi sur le registre du commerce ne semblait pas enfreindre l’article 6 de la directive 68/151.

 Appréciation de la Cour

13      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, d’une part, les particuliers ne sont pas recevables à attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre (arrêts du 1er mars 1966, Lütticke e.a./Commission, 48/65, EU:C:1966:8, p. 39 ; du 17 mai 1990, Sonito e.a./Commission, C‑87/89, EU:C:1990:213, point 6, ainsi que ordonnance du 10 juillet 2007, AEPI/Commission, C‑461/06 P, non publiée, EU:C:2007:425, point 23). D’autre part, la décision de la Commission de ne pas engager une telle procédure contre un État membre en raison du caractère illégal du comportement de celui-ci n’est pas susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir, en ce sens, ordonnances du 23 mai 1990, Asia Motor France/Commission, C-72/90, EU:C:1990:230, point 13, et du 10 janvier 2019, CBA Spielapparate- und Restaurantbetriebs/Commission, C-415/18 P, EU:C:2019:6, point 23).

14      C’est donc sans commettre d’erreur de droit que, en application de cette jurisprudence constante, le Tribunal a rejeté le recours des requérants comme étant manifestement irrecevable.

15      Il en résulte que le pourvoi doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

16      S’agissant de la demande des requérantes tendant à obtenir le bénéfice de l’aide juridictionnelle, présentée ultérieurement au dépôt du pourvoi, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 187, paragraphe 1, du règlement de procédure, en vue de statuer sur cette demande, la Cour examine si le pourvoi n’est pas manifestement mal fondé.

17      Dès lors, le pourvoi devant être rejeté comme étant manifestement non fondé, il y a lieu de rejeter également ladite demande d’aide juridictionnelle.

 Sur les dépens

18      En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure en pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant qu’elles n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que les requérants supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

2)      La demande de Likvidacijska masa iza Mesoprodukt d.o.o. et de M. Gojko Čuljak tendant à obtenir le bénéfice de l’aide juridictionnelle est rejetée.

3)      Likvidacijska masa iza Mesoprodukt d.o.o. et M. Gojko Čuljak supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le croate.