Language of document : ECLI:EU:T:2000:29

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

3 février 2000 (1)

«Fonctionnaires - Régime commun d'assurance maladie -

Couverture du conjoint»

Dans l'affaire T-60/99,

Malcolm Townsend, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Sterrebeck (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis et G.-F. Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, conseiller juridique, et Mme F. Duvieusart-Clotuche, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du bureau liquidateur de Bruxelles du 12 mars 1998 refusant de rembourser au requérant certains frais médicaux exposés par son épouse,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Mme le juge V. Tiili, statuant en tant que juge unique,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 29 septembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Le requérant est fonctionnaire de la Commission, en poste à Bruxelles.

2.
    L'épouse du requérant, enseignante au Royaume-Uni, a été détachée auprès de l'École européenne de Bruxelles II à partir du mois de septembre 1977 jusqu'en 1995. Depuis la fin de son détachement, elle bénéficie d'une préretraite d'un montant annuel de 5 995,92 GBP. Mme Townsend réside avec son conjoint à Bruxelles et n'exerce plus d'activité professionnelle.

3.
    Par lettre du 6 août 1997, le Departement on Social Security (Royaume-Uni) a informé Mme Townsend qu'elle n'avait droit à aucune couverture au titre du régime britannique d'assurance contre les risques de maladie et d'accident et qu'il ne pouvait pas lui délivrer le formulaire E 121 qui lui permettrait d'accéder à un régime d'assurance maladie d'un autre État membre.

4.
    Le 24 novembre 1997, le requérant a introduit auprès du bureau liquidateur du régime commun d'assurance maladie des Communautés européennes (ci-après le «régime commun») une demande de remboursement de frais médicaux, exposés par son épouse de février à octobre 1997, pour un montant total de 144 804 BEF.

5.
    Le 3 décembre 1997, le bureau liquidateur a renvoyé au requérant deux factures, représentant un montant de 122 268 BEF, au motif que les codes de l'Institut national d'assurance maladie et invalidité belge (ci-après l'«INAMI»), n'y figuraient pas.

6.
    Le 12 février 1998, le requérant a introduit une nouvelle demande de remboursement en joignant les documents justificatifs requis.

7.
    Le 20 février 1998, l'unité 5 «Assurance maladie et accidents» de la direction B «Droits et obligations; dialogue social et politique sociale» de la direction générale du personnel et de l'administration de la Commission a adressé au requérant une note l'invitant à transmettre les pièces justificatives de la situation de son conjoint. Ce service se serait, en effet, aperçu que Mme Townsend percevait une préretraite que le requérant aurait omis de déclarer.

8.
    Le 5 mars 1998, les deux factures litigieuses ont été renvoyées au requérant et, selon décompte du 12 mars 1998, le bureau liquidateur a décidé de ne pas procéder au remboursement des frais médicaux visés par celles-ci (ci-après la «décision attaquée»).

9.
    Le requérant a introduit contre cette décision, le 20 mai 1998, une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»).

10.
    Conformément à l'article 16, paragraphe 2, de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la «réglementation de couverture»), le comité de gestion du régime commun d'assurance maladie a rendu, lors de sa séance du 8 juillet 1998, son avis n° 13/98 qui conclut à la confirmation de la décision attaquée. Cet avis a été notifié au requérant par lettre du président de ce comité, datée du 24 juillet 1998.

11.
    Le 20 novembre 1998, l'autorité investie du pouvoir de nomination a adopté une décision de rejet de la réclamation. Le requérant en a accusé réception le 27 novembre 1998.

12.
    Par lettre du 24 février 1999, l'INAMI a confirmé au conseil du requérant que «Mme Townsend [serait] habilitée à bénéficier du régime légal d'assurance maladie belge en tant que résidente sur le territoire belge».

13.
    Par lettre du 25 février 1999, l'INAMI a précisé audit conseil que l'admission à un tel régime ne peut être envisagée pour une personne ayant la qualité de bénéficiaire, comme titulaire ou personne à charge, d'un régime de santé organisé dans le cadre d'un statut d'organisme de droit international ou européen.

14.
    Par lettre du 26 mars 1999, l'INAMI a indiqué à la défenderesse que «l'octroi d'un remboursement complémentaire par [le] régime commun d'assurance maladie au bénéfice de Mme Townsend en sa qualité de personne à charge d'un fonctionnaire affecté à l'un [des] services [de l'institution] n'est pas de nature à remettre en cause son éventuelle inscription au régime résiduaire belge des personnes inscrites [au] registre national des personnes physiques».

Procédure et conclusions des parties

15.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 1999, le requérant a introduit le présent recours en annulation de la décision attaquée.

16.
    Le requérant n'ayant pas déposé de réplique, la procédure écrite a pris fin le 16 juin 1999.

17.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51 du règlement de procédure du Tribunal, la quatrième chambre a attribué l'affaire à Mme le juge V. Tiili, siégeant en qualité de juge unique.

18.
    Le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, le Tribunal a invité le requérant à répondre à une question écrite.

19.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 29 septembre 1999.

20.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision attaquée;

-     condamner la Commission aux dépens.

21.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur le fond

22.
    Le requérant invoque deux moyens à l'appui de son recours tirés, premièrement, d'une violation de l'article 72, paragraphe 1, du statut ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation et, deuxièmement, de l'illégalité de l'article 3 de la réglementation de couverture et de la décision du bureau central du régime commun d'assurance maladie.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 72 du statut et d'une erreur manifeste d'appréciation

Arguments des parties

23.
    Le requérant soutient que, conformément aux dispositions impératives de l'article 72 du statut, son épouse est couverte de plein droit contre les risques de maladie au titre du régime commun, du fait qu'elle ne peut bénéficier de «prestations de même nature et de même niveau en application de toutes autres dispositions légales ou réglementaires». Selon le requérant, la décision attaquée viole l'article 72, paragraphe 1, du statut compte tenu du fait que son épouse n'a droit à aucune couverture contre les risques d'accident et de maladie au titre de son activité professionnelle antérieure, ni ne peut prétendre au bénéfice du régime belge d'assurance maladie en tant que résidente sur le territoire belge.

24.
    A l'appui de ses affirmations, le requérant produit la lettre du Department of Social Security du 6 août 1997 ainsi que les courriers de l'INAMI des 24 et 25 février 1999 (voir ci-dessus points 3, 12 et 13).

25.
    Lors de l'audience, le requérant a fait observer que, dans l'arrêt du 17 décembre 1992, Holtbecker/Commission (T-20/91, Rec. p. II-2599), auquel se réfère la défenderesse, le Tribunal a clairement indiqué que c'est l'activité professionnelle exercée par le conjoint d'un fonctionnaire qui, soit fait naître dans le chef de celui-ci une obligation d'assurance contre les risques de maladie, soit lui ouvre le droit de bénéficier d'une assurance volontaire contre ces mêmes risques. La situation de Mme Townsend ne serait pas de nature à faire naître une telle obligation ou un tel droit.

26.
    Il a, également, affirmé que son épouse est inscrite, en Belgique, au registre des étrangers dispensés des formalités d'inscription en application du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes et de l'arrêté royal pris en exécution de cette disposition et non au registre national des personnes physiques. Par conséquent, même si elle avait demandé à bénéficier du régime belge d'assurance maladie en tant que résidente sur le territoire belge, elle n'aurait pas obtenu satisfaction puisqu'elle n'aurait pas pu produire une attestation d'inscription au registre de la population de sa commune.

27.
    Il soutient que la défenderesse a commis une erreur d'appréciation en «supposant» que son épouse bénéficiait, à titre personnel, d'un régime légal d'assurance contre les risques de maladie et d'accident.

28.
    Le requérant fait, enfin, valoir que, dans la mesure où les revenus perçus par son épouse sont inférieurs au plafond fixé par la décision du bureau central du régime commun d'assurance maladie, la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

29.
    La défenderesse relève que, dans son premier courrier du 24 février 1999, l'INAMI déclare que, en tant que résidente sur le territoire belge, Mme Townsend est habilitée à bénéficier du régime légal d'assurance maladie belge, les conditions d'une couverture, à titre principal, par ledit régime étant précisées dans une lettre du même organisme datée du 26 mars 1999.

30.
    Elle fait valoir que dans la mesure où Mme Townsend peut ainsi bénéficier d'unecouverture sociale elle ne peut être prise en charge, à titre primaire, par le régime commun conformément à l'article 72 du statut.

31.
    La défenderesse fait référence à l'arrêt Holtbecker/Commission, précité, dont la situation serait comparable à celle de l'espèce.

32.
    S'agissant de l'argument du requérant tiré de la non-inscription de son épouse au registre national des personnes physiques, la défenderesse a fait observer, lors de l'audience, qu'il s'agit d'un argument nouveau et que les personnes inscrites au registre des étrangers, tout en étant dispensées des formalités d'inscription, sont considérées comme des résidents sur le territoire belge.

33.
    En outre, la défenderesse a contesté avoir commis une erreur d'appréciation et a fait valoir qu'il appartenait au requérant de démontrer l'impossibilité pour son épouse de bénéficier d'une couverture contre les risques de maladie.

34.
    La défenderesse expose, enfin, que la décision attaquée s'analyse en un refus de couverture par le régime commun, à titre primaire, décision qui n'implique pas une prise en compte des revenus du conjoint du requérant. Elle précise que Mme Townsend, au regard du montant de ses revenus annuels, remplit, en revanche, les conditions d'une prise en charge par le régime commun à titre complémentaire.

Appréciation du Tribunal

35.
    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon l'article 72, paragraphe 1, du statut, le conjoint d'un fonctionnaire qui ne peut pas bénéficier, en application d'autres dispositions légales ou réglementaires, de prestations de même nature et de même niveau que celles auxquelles peut prétendre un fonctionnaire est couvert contre les risques de maladie par le régime commun dans des conditions à préciser par une réglementation commune aux institutions.

36.
    Il résulte de cette disposition que les auteurs du statut se sont fondés sur l'idée que le domaine de l'assurance maladie des fonctionnaires et des membres de leur famille devrait être délimité de façon à éviter, dans la mesure du possible, des doubles couvertures contre les risques de maladie (arrêts de la Cour du 8 mars 1988, Brunotti/Commission, 339/85, Rec. p. 1379, point 12, et du 13 juillet 1989, Olbrechts/Commission, 58/88, Rec. p. 2643, point 20; arrêt du Tribunal du 24 novembre 1993, Cordier/Commission, T-13/93 Rec. p. II-1215, point 44).

37.
    Il convient de rappeler, ensuite, que l'article 3 de la réglementation de couverture, adoptée en application de l'article 72 du statut, dispose:

«Les personnes assurées du chef de l'affilié sont:

1) le conjoint de l'affilié, pour autant qu'il ne soit pas lui-même affilié au présent régime, et à la condition:

-    qu'il n'exerce pas d'activité professionnelle lucrative, ou

-    au cas où il exerce une telle activité ou bénéficie de revenus provenant de l'exercice d'une telle activité antérieure, qu'il soit couvert contre les mêmes risques en application de toutes autres dispositions légales ou réglementaires et que ses revenus annuels d'origine professionnelle ne soient pas supérieurs au traitement de base annuel d'un fonctionnaire de grade C 5 au premier échelon [...]»

38.
    En l'espèce, il y a lieu de constater que Mme Townsend est, aux termes de la lettre de l'INAMI du 24 février 1999 (voir ci-dessus point 12), «habilitée à bénéficier du régime légal d'assurance maladie belge en tant que résidente sur le territoire belge». Il ressort donc de cette lettre que Mme Townsend peut prétendre au bénéfice du «régime résiduaire belge», ce qui lui permet d'adhérer à une mutuelle belge au titre des personnes inscrites au registre national belge des personnes physiques.

39.
    Il convient, également, de relever que, aux termes de la lettre de l'INAMI du 26 mars 1999 (voir ci-dessus point 14), «une couverture complémentaire par le régime commun d'assurance maladie au bénéfice de Mme Townsend en sa qualité de personne à charge d'un fonctionnaire affecté à l'un des services de la Commission n'est pas de nature à remettre en cause son éventuelle inscription au régime résiduaire belge des personnes inscrites [au] registre national des personnes physiques».

40.
    En premier lieu, c'est à tort que le requérant conteste la portée de ces documents en s'appuyant sur la lettre du 25 février 1999 de l'INAMI, dont il déduit l'impossibilité pour son épouse d'être couverte par le régime d'assurance maladie belge (voir ci-dessus point 13).

41.
    En effet, au vu de l'ensemble des trois lettres de l'INAMI, susvisées, il y a lieu de considérer que le seul courrier du 25 février 1999 ne constitue pas un élément de preuve de l'impossibilité pour Mme Townsend de bénéficier, à titre principal, du régime d'assurance maladie belge. Par ailleurs, il convient d'observer que Mme Townsend n'a présenté aucune demande d'affiliation auprès de l'INAMI après avoir reçu les lettres des 24 et 25 février 1999 ou après avoir pris connaissance du contenu de la lettre du 26 mars 1999, ce qui lui aurait permis, le cas échéant, euégard à une réponse négative de l'INAMI, de démontrer qu'elle ne pouvait pas s'affilier au régime légal d'assurance maladie belge. De surcroît, le requérant n'a pas, en dépit de l'invitation expresse du Tribunal, apporté d'éléments permettant de conclure que son épouse ne pouvait pas s'affilier audit régime.

42.
    En deuxième lieu, l'argument soulevé par le requérant à l'audience, selon lequel Mme Townsend n'a aucune possibilité d'être affiliée au «régime résiduaire belge» en tant que résidente sur le territoire belge dans la mesure où elle n'est pas inscrite au registre national des personnes physiques, ne saurait également être retenu, faute pour le requérant d'avoir apporté la moindre preuve à l'appui de son affirmation.

43.
    En troisième lieu, ne saurait davantage être retenu l'argument du requérant, présenté à l'audience et tiré de l'interprétation de l'arrêt Holtbecker/Commission, précité, selon lequel c'est l'activité professionnelle exercée par le conjoint d'un fonctionnaire qui, soit fait naître dans le chef de celui-ci une obligation d'assurance contre les risques de maladie, soit lui ouvre le droit de bénéficier d'une assurance volontaire contre ces mêmes risques. A cet égard, il convient de relever que ni l'article 72, paragraphe 1, du statut, ni l'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture ne subordonnent l'admission du conjoint au bénéfice du régime commun à la condition qu'une couverture contre les risques de maladie lui soit assurée, en application d'autres dispositions légales ou réglementaires, en raison, uniquement, de l'exercice d'une activité professionnelle. Ainsi, l'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture vise expressément le conjoint d'un fonctionnaire qui exerce une activité professionnelle ou qui, comme en l'espèce, bénéficie de revenus provenant de l'exercice antérieur d'une telle activité. Dans le second cas de figure, le conjoint ne peut bénéficier du régime commun, à titre complémentaire, qu'à la condition qu'il soit couvert contre les risques de maladie en vertu d'autres dispositions légales ou réglementaires et que ses revenus annuels ne dépassent pas un certain seuil.

44.
    La finalité de l'article 72, paragraphe 1, du statut et de l'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture consistant à garantir au conjoint d'un fonctionnaire une couverture contre les risques de maladie équivalente à celle de l'affilié, il convient de relever, en l'espèce, que la défenderesse ne conteste pas la possibilité pour Mme Townsend d'être couverte contre les risques de maladie par le régime commun à titre complémentaire. Cette dernière, combinée avec la prise en charge, à titre principal, par le régime d'assurance maladie belge, assure au conjoint du requérant une couverture sociale équivalente à celle de ce dernier.

45.
    Enfin, l'argument du requérant, selon lequel la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où les revenus de son épouse sont inférieurs au plafond fixé par la décision du bureau central du régime commun d'assurance maladie, apparaît non fondé. En effet, il y a lieu d'observer que la Commission a, par la décision attaquée, refusé la couverture du conjoint durequérant par le régime commun, à titre primaire, décision qui n'impliquait pas la prise en compte du montant des revenus annuels dudit conjoint.

46.
    Il résulte de ce qui précède que le requérant n'a pas apporté d'éléments de nature à établir une violation de l'article 72 du statut.

47.
    Il résulte, également, de ce qui précède que le requérant n'a pas démontré que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation.

48.
    Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le second moyen, tiré de l'illégalité de l'article 3 de la réglementation de couverture et de l'illégalité de la décision du bureau central du régime commun d'assurance maladie

Arguments des parties

49.
    Compte tenu de la portée de l'article 72 du statut, le requérant estime que l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture et la décision du bureau central du régime commun d'assurance maladie sont entachés d'illégalité dans la mesure où ils ont pour effet d'exclure de la couverture du régime commun le conjoint d'un fonctionnaire qui exerce une activité professionnelle lucrative, ou bénéficie de revenus provenant de l'exercice antérieur d'une telle activité, dont le montant est supérieur au traitement de base annuel d'un fonctionnaire de grade C 5, premier échelon. L'article 3 de la réglementation de couverture ne constituant qu'une disposition d'application de l'article 72 du statut, il ne saurait contredire ce dernier. En imposant des conditions de revenus, qui ne sont pas prévues à l'article 72, paragraphe 1, du statut, les institutions auraient restreint illégalement la portée de cette disposition.

50.
    Lors de l'audience, le requérant a soutenu que l'article 3 de la réglementation de couverture crée une discrimination en introduisant une restriction illégale de la portée de l'article 72 du statut. Ainsi, le conjoint d'un fonctionnaire disposant, de par sa fortune personnelle, de revenus non professionnels supérieurs au seuil prévu à l'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture bénéficierait d'une prise en charge par le régime commun à l'inverse de celui dont les revenus, également supérieurs audit seuil, sont d'origine professionnelle.

51.
    La défenderesse conteste l'illégalité de l'article 3 de la réglementation de couverture et soutient que, à la supposer établie, ladite illégalité n'affecterait pas la situation du requérant puisque la décision attaquée, refusant la couverture par le régime commun à titre primaire, n'est pas fondée sur cette disposition. Elle considère, en tout état de cause, que cette disposition est conforme à la finalité de l'article 72 du statut.

52.
    La défenderesse a indiqué, lors de l'audience, que l'argument tiré de la non-discrimination n'a pas été invoqué antérieurement par le requérant.

Appréciation du Tribunal

53.
    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la portée d'une exception d'illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. En effet, selon la jurisprudence, l'article 184 du traité CE (devenu article 241 CE) n'a pas pour but de permettre à une partie de contester l'applicabilité de quelque acte de caractèregénéral que ce soit à la faveur d'un recours quelconque. L'acte général dont l'illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l'espèce qui fait l'objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l'acte général en question (arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas e Figli/Haute Autorité, 21/64, Rec. p. 227, 245, et du 13 juillet 1966, Italie/Conseil et Commission, 32/65, Rec. p. 563, 594; arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, point 57).

54.
    En l'espèce, le requérant excipe de l'illégalité de l'article 3 de la réglementation de couverture en ce qu'il restreint la portée de l'article 72, paragraphe 1, du statut qui n'impose aucune condition de revenus pour admettre le conjoint d'un fonctionnaire au bénéfice de la couverture sociale du régime communautaire. Or, il est constant que la décision de la Commission refusant à l'épouse du requérant le bénéfice, à titre primaire, de la couverture des risques de maladie n'est pas fondée sur la condition de revenus prévue à l'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture. La prise en compte du montant des revenus annuels du conjoint n'intervient que pour déterminer la possibilité d'une prise en charge par le régime commun à titre complémentaire, laquelle est, d'ailleurs, expressément admise par la défenderesse en l'espèce. Par conséquent, l'exception d'illégalité vise une disposition n'ayant pas d'incidence sur la solution du litige et ne présentant aucun lien juridique direct avec la décision attaquée. Dès lors, elle doit être rejetée comme irrecevable.

55.
    Il résulte de ce qui précède que l'argument du requérant, concluant à l'illégalité de l'article 3 de la réglementation de couverture en raison du caractère discriminatoire de la condition de revenus prévue par celui-ci, doit être, également, déclaré irrecevable.

56.
    En ce qui concerne l'illégalité de la décision du bureau central du régime commun d'assurance maladie, telle que publiée aux Informations administratives du 25 février 1998, le Tribunal estime que ce moyen se confond avec celui tiré de l'illégalité de l'article 3 de la réglementation de couverture et doit donc être rejeté comme irrecevable pour les mêmes motifs.

57.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté, en partie comme non fondé et en partie comme irrecevable.

Sur les dépens

58.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 février 2000.

Le greffier

Le juge

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: le français.