Language of document : ECLI:EU:C:2024:280

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

8 avril 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑670/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 novembre 2023,

Gürok Turizm ve Madencilik Anonim Sirketi, établie à Kütahya (Turquie), représentée par Me M. E. López Camba, abogada,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, Mmes O. Spineanu-Matei et L. S. Rossi (rapporteure), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. N. Emiliou, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Gürok Turizm ve Madencilik Anonim Sirketi demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 septembre 2023, Gürok Turizm ve Madencilik/EUIPO – Darvas et Pap (LΛΛVΛ) (T‑473/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:543), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 20 mai 2022 (affaire R 1745/2021-2), relative à une procédure d’opposition entre Gürok Turizm ve Madencilik et M. Gábor Darvas ainsi que Mme Dorina Pap.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que le moyen unique de son pourvoi, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Par la première branche de son moyen unique, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, aux points 30 à 32, 71 et 73 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit dans son appréciation du niveau d’attention du public pertinent et de sa pertinence pour l’appréciation du risque de confusion.

8        Plus particulièrement, elle soutient que, afin de déterminer le niveau d’attention du public pertinent, le Tribunal a pris en compte des critères relatifs à la fréquence d’achat des produits ainsi qu’à leur caractère spécifique et à leurs utilisations, en omettant de prendre en compte d’autres critères relatifs au coût et à la facilité d’achat de ces produits, à leur caractère potentiellement dangereux ou techniquement sophistiqué, ou encore à la nécessité d’une assistance ou des conseils professionnels lors du choix et de l’achat desdits produits. Or, ce faisant, le Tribunal se serait écarté des principes énoncés par sa jurisprudence, issue notamment des arrêts du 16 janvier 2008, Inter-Ikea/OHMI – Waibel (idea) (T‑112/06, EU:T:2008:10, point 37), du 14 janvier 2016, The Cookware Company/OHMI – Fissler (VITA+VERDE) (T‑535/14, EU:T:2016:2, point 29) et du 14 décembre 2022, Pierre Lannier/EUIPO – Pierre Lang Trading (PL) (T‑530/21, EU:T:2022:818, point 81).

9        Dans ce contexte, la requérante considère que la question tenant à la nécessité d’établir des règles uniformes pour apprécier le niveau d’attention du public pertinent, soulevée par son pourvoi, est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Cette appréciation serait décisive dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, l’existence d’une jurisprudence hétérogène du Tribunal quant aux critères à prendre en compte à cet effet méconnaîtrait le principe de sécurité juridique.

10      Par la deuxième branche de son moyen unique, la requérante fait grief au Tribunal de s’être limité à considérer, dans le cadre de l’appréciation de la similitude visuelle et phonétique des signes courts, que, plus un signe est court, plus le public est à même de percevoir les différences entre les signes en conflit. Or, il ressortirait de la jurisprudence que, même dans les marques courtes, certaines différences seraient insuffisantes dès lors qu’elles ne se traduiraient pas par une différence permettant de distinguer les signes.

11      Par la troisième et dernière branche de son moyen unique, la requérante reproche au Tribunal de n’avoir pas procédé, dans le cadre de la comparaison phonétique des signes, à une analyse correcte de la perception et de la prononciation des signes par une partie du public pertinent.

12      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

15      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 9 janvier 2024, Yayla Türk/EUIPO, C‑611/23 P, EU:C:2024:3, point 13).

16      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation résumée aux points 7 à 9 de la présente ordonnance, tirée d’une méconnaissance, par le Tribunal, de sa propre jurisprudence, il importe de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnances du 18 mai 2021, Embutidos Monells/EUIPO, C‑59/21 P, EU:C:2021:396, point 19, et du 19 février 2024, Balaban/EUIPO, C‑651/23 P, EU:C:2024:140, point 21).

17      Or, d’une part, si la requérante précise les points contestés de l’arrêt attaqué et ceux des décisions du Tribunal qui auraient été méconnus, elle ne fournit pas suffisamment d’indications sur la similitude des situations visées dans ces décisions, permettant d’établir la réalité des contradictions alléguées (voir, en ce sens, ordonnances du 6 avril 2022, Sanford/EUIPO, C‑19/22 P, EU:C:2022:262, point 19, et du 27 septembre 2023, LG Electronics/EUIPO, C‑250/23 P, EU:C:2023:706, point 19).

18      D’autre part, la requérante se limite à présenter des arguments d’ordre général, affirmant qu’il existe un besoin d’uniformiser la jurisprudence du Tribunal en établissant des règles uniformes et que l’existence d’une jurisprudence hétérogène méconnaît le principe de sécurité juridique, sans exposer de manière spécifique les raisons concrètes pour lesquelles les contradictions alléguées, à les supposer établies, soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi (voir, par analogie, ordonnance du 27 septembre 2023, LG Electronics/EUIPO, C‑250/23 P, EU:C:2023:706, point 21).

19      En second lieu, concernant l’argumentation résumée aux points 10 et 11 de la présente ordonnance, il suffit de relever que la requérante, d’une part, n’identifie pas les points de l’arrêt attaqué qu’elle entend remettre en cause et, d’autre part, se limite à énoncer les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, sans alléguer, ni, a fortiori, démontrer, que de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 26 septembre 2023, Mordalski/EUIPO, C‑321/23 P, EU:C:2023:705, point 14 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que la requérante n’a pas respecté l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance.

20      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

21      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

22      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

23      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Gürok Turizm ve Madencilik Anonim Sirketi supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.