Language of document : ECLI:EU:T:2011:331

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

6 juillet 2011 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque tridimensionnelle – Forme d’une montre à bords dentelés – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑235/10,

Timehouse GmbH, établie à Eystrup (Allemagne), représentée par MV. Knies, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme B. Schmidt, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 11 mars 2010 (affaire R 0942/2009‑1), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’une montre comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 août 2010,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 10 septembre 2010,

à la suite de l’audience du 29 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 novembre 2008, la requérante, Timehouse GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Joaillerie, bijouterie ; horlogerie et instruments chronométriques ».

4        Par décision en date du 29 juillet 2009, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour tous les produits visés sur le fondement de l’article 7, paragraphe l, sous b), du règlement n° 207/2009.

5        Le 13 août 2009, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

6        Par décision du 11 mars 2010 (ci-après la « décision attaquée »), en concluant que l’enregistrement de la marque demandée devait être refusé pour défaut de caractère distinctif en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la première chambre de recours a rejeté ce recours.

7        Elle a considéré que le public concerné par la marque demandée était un public général et que les produits de joaillerie, de bijouterie et d’horlogerie ainsi que les instruments chronométriques étaient des produits qui se vendaient normalement à des prix élevés. Elle en a déduit que le niveau d’attention du public serait accru.

8        Selon la chambre de recours, les montres se présenteraient sous une pluralité de formes différentes, les formes de base circulaires et rectangulaires étant particulièrement fréquentes.

9        La chambre de recours a établi que la marque demandée était composée d’éléments, à savoir un cadran circulaire, des aiguilles, un verre de montre légèrement saillant, un bouton de réglage et un boîtier rectangulaire, qui étaient habituels de la configuration des montres en général. En ce qui concerne le bord dentelé de la face supérieure carrée, celui-ci constituerait uniquement un élément décoratif dans l’esprit du public concerné.

10      Dès lors, la chambre de recours a considéré que les différents éléments de la marque ne produisaient pas, dans leur ensemble, une impression divergeant de manière significative de celle de la configuration usuelle d’une montre, de sorte que le consommateur ne percevrait pas cette configuration comme une indication de l’origine des produits en cause.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante invoque un moyen unique à l’appui de sa demande en annulation, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

14      Selon elle, la forme de base géométrique de la marque (le boîtier de la montre) et le bord dentelé divergent de manière significative de la norme et des habitudes du secteur de la joaillerie, de la bijouterie et de l’horlogerie, et par conséquent, ils remplissent la fonction essentielle d’une indication d’origine aux yeux du public pertinent.

15      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

17      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises [arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34 ; voir, également, arrêts du Tribunal du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut-parleur), T‑460/05, Rec. p. II‑4207, point 27, et du 21 avril 2010, Schunk/OHMI (Représentation d’une partie d’un mandrin), T‑7/09, non publié au Recueil, point 15].

18      Ce caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêts de la Cour Henkel/OHMI, point 17 supra, point 35, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25 ; voir, également, arrêts Forme d’un haut-parleur, point 17 supra, point 28, et Représentation d’une partie d’un mandrin, point 17 supra, point 16).

19      Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt Storck/OHMI, point 18 supra, point 26, et la jurisprudence citée ; voir, également, arrêts Forme d’un haut-parleur, point 17 supra, point 36, et Représentation d’une partie d’un mandrin, point 17 supra, point 17).

20      Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt Storck/OHMI, point 18 supra, point 27 et la jurisprudence citée ; voir, également, arrêts Forme d’un haut-parleur, point 17 supra, point 37, et Représentation d’une partie d’un mandrin, point 17 supra, point 18).

21      Par ailleurs, plus la forme dont l’enregistrement a été demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 [arrêt Henkel/OHMI, point 17 supra, point 39 ; arrêts du Tribunal du 10 septembre 2008, Gerson/OHMI (Filtre à peinture en partie de couleur jaune), T‑201/06, non publié au Recueil, point 22, et Représentation d’une partie d’un mandrin, point 17 supra, point 19].

22      En outre, selon la jurisprudence, la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 décembre 2010, Storck/OHMI (Forme d’une souris en chocolat), T‑13/09, non publié au Recueil, point 19, et la jurisprudence citée].

23      Il y a également lieu de rappeler que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt de la Cour du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, Rec. p. I‑8109, point 39, et la jurisprudence citée ; voir, également, arrêt Forme d’une souris en chocolat, point 22 supra, point 20).

24      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent recours.

25      En l’espèce, il est constant que, comme indiqué par la chambre de recours, le public pertinent est composé de consommateurs moyens et que le niveau d’attention de ce public est accru, puisque les produits de joaillerie, de bijouterie et d’horlogerie ainsi que les instruments chronométriques sont des produits qui se vendent normalement à des prix élevés. En outre, il résulte des éléments du dossier que les produits relevant de la classe 14, pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé, revêtent un grand nombre de formes différentes.

26      En premier lieu, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours quant à la nature habituelle de la forme du boîtier. Celui-ci ne serait pas rectangulaire, comme la chambre de recours l’affirme, mais prendrait l’aspect d’une pyramide tronquée, ce qui serait inhabituel, étant donné qu’aucun des exemples d’autres produits d’horlogerie fournis lors de la procédure par la requérante ou par l’OHMI n’a la forme géométrique de base de la marque. En outre, dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait méconnu qu’un verre rond posé sur une surface rectangulaire constitue également une particularité.

27      À cet égard, force est de constater que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la forme du boîtier de montre constituant la marque demandée ne diverge pas de manière significative de ce qui est habituel pour de tels produits. En effet, les boîtiers de montre revêtent une abondance de configurations différentes. En outre, plusieurs des exemples de montres « carrées » figurant dans le dossier disposent d’un boîtier dont les surfaces ne sont pas à un angle droit.

28      En ce qui concerne l’argument selon lequel le cadran rond posé sur une surface rectangulaire constitue une particularité par rapport à d’autres produits d’horlogerie, il convient de constater que cet élément n’est pas non plus spécifique de la marque demandée, comme en témoignent les exemples versés au dossier par les parties. En outre, plusieurs autres exemples comportent un cadran dont la forme de base diverge de celle de leur boîtier.

29      En deuxième lieu, la requérante soutient que le bord dentelé de la face supérieure carrée confère à la marque dans son ensemble un caractère distinctif. Cet élément serait facilement perçu en raison de sa taille et de son aspect marquant par rapport au reste du signe et donc il serait capable de remplir la fonction essentielle de la marque, consistant à renvoyer à l’origine du produit ou du service. La requérante affirme que le fait que le bord dentelé ait également une fonction décorative est sans incidence sur son caractère distinctif. À cet égard, elle évoque l’arrêt du Tribunal du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre) (T‑36/01, Rec. p. II‑3887, points 23 et 24). Enfin, la nature unique du bord dentelé ressortirait des exemples versés au dossier par les deux parties, aucune autre montre ne présentant cette caractéristique.

30      Selon la requérante, la décision attaquée n’apporterait aucune indication sur les éléments qui agrémentent habituellement le bord des montres pour soutenir l’affirmation selon laquelle le bord dentelé de la face supérieure carrée ne diverge pas de manière significative des formes habituelles des montres et des bijoux. En réalité, les montres rectangulaires n’auraient absolument aucun élément décoratif sur leur bord et surtout pas un bord dentelé. Ce dernier aspect serait différent des décorations utilisées habituellement sur le bord des montres, c’est-à-dire des striures et des cannelures. De plus, il donne au produit la forme d’un objet entièrement différent, à savoir celle d’un timbre-poste, ce qui octroierait un caractère distinctif à la marque demandée.

31      Ces arguments ne sauraient être accueillis. En effet, selon la jurisprudence invoquée par la requérante, si le fait qu’un signe remplisse plusieurs fonctions simultanées est sans incidence sur son caractère distinctif, il faut également que celui-ci soit perçu par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale du produit (arrêt Surface d’une plaque de verre, point 29 supra, point 24). Or, en l’espèce, compte tenu de l’abondance des formes et des décorations utilisées dans le secteur de la joaillerie, de la bijouterie et de l’horlogerie, la face supérieure du boîtier aux bords dentelés n’est pas non plus susceptible d’indiquer l’origine du produit aux yeux du publique pertinent. Comme l’OHMI le relève à juste titre, le public pertinent est habitué à la conception particulière des bords des boîtiers de montre, de sorte qu’une telle dentelure serait avant tout considérée comme une décoration, et non comme l’indication d’une origine de fabrication déterminée, même si celle-ci donne l’aspect d’un timbre-poste au produit.

32      En ce qui concerne les affirmations de la requérante selon lesquelles, d’une part, la décision attaquée ne comporterait aucune indication sur les éléments qui agrémentent habituellement le bord des montres, et, d’autre part, les montres rectangulaires n’auraient absolument aucun élément décoratif sur leurs bords et surtout pas un bord dentelé, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, l’originalité n’est pas un critère pertinent pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque. Partant, la chambre de recours n’était pas obligée d’examiner si, parmi les produits visés, la décoration en question était spécifique de la marque tridimensionnelle demandée pour établir que cette dernière ne pouvait pas être enregistrée en tant que marque communautaire pour manque de caractère distinctif.

33      En dernier lieu, la requérante invoque, à titre subsidiaire, une décision du Oberlandesgericht Hamburg (tribunal régional supérieur de Hambourg, Allemagne) du 22 juin 2009, qui concerne la forme de montre constituant le signe demandé et selon laquelle « la caractéristique concurrentielle résulte de la dentelure de la surface de la montre, rappelant un timbre-poste, avec le verre de montre bombé placé au-dessus des aiguilles, ainsi que des côtés étroits aplatis de la surface inférieure du corps de la montre ».

34      À cet égard, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les constatations de cette décision n’étaient pas directement transposables en l’espèce. En effet, le passage de cette décision auquel se réfère la requérante est relatif au caractère individuel du signe dans le contexte du droit de la concurrence et non dans l’optique de son aptitude à être protégé comme marque communautaire. D’ailleurs, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union n’étaient pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre ou d’un pays tiers admettant le caractère enregistrable du même signe en tant que marque nationale [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, point 40, et la jurisprudence citée]. Ainsi, la requérante peut d’autant moins se prévaloir d’une décision nationale rendue dans un litige relatif au droit de la concurrence, étant donné qu’elle ne s’insère pas dans le cadre juridique spécifique aux marques communautaires.

35      En conclusion, il y a donc lieu de relever que la marque demandée est constituée par une combinaison d’éléments de présentation qui sont typiques des produits concernés et partant, elle ne diverge pas, dans son ensemble, de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur de la joaillerie, de la bijouterie et de l’horlogerie. Par conséquent, elle ne permet pas au public pertinent de distinguer, de façon immédiate et certaine, les produits de la requérante de ceux ayant une autre origine commerciale.

36      Il résulte de tout ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour absence de caractère distinctif en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

37      Dès lors, il convient de rejeter le recours comme non fondé.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Timehouse GmbH est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.