Language of document : ECLI:EU:F:2013:201

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

12 décembre 2013 (*)

« Fonction publique – Promotion – Décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AD 9 après la réussite à un concours de grade AD 9 – Égalité de traitement »

Dans l’affaire F‑142/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Erik Simpson, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme A. F. Jensen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, E. Perillo et R. Barents (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 27 décembre 2011, M. Simpson a introduit le présent recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 9 décembre 2010, par laquelle le Conseil de l’Union européenne a rejeté sa demande de promotion au grade AD 9 suite à sa réussite au concours général EPSO/AD/113/07 organisé pour le recrutement de chefs d’unité de grade AD 9 dans le domaine de la traduction, et de la décision du 7 octobre 2011 rejetant sa réclamation et, d’autre part, à la condamnation du Conseil à réparer le préjudice subi.

 Cadre juridique

2        L’article 25, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») prévoit :

« Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée. »

3        L’article 45, paragraphe 1, du statut expose :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

 Faits à l’origine du litige

4        Le requérant, agent auxiliaire au sein de l’unité de traduction estonienne du Conseil depuis le 1er juin 2004, a été recruté le 1er janvier 2005 en tant que fonctionnaire stagiaire au grade AD 5, après avoir réussi le concours général EPSO/A/3/03 destiné à la constitution d’une liste de réserve pour le recrutement d’administrateurs adjoints de grade AD 8 dans le domaine de l’administration publique européenne. Il a été promu au grade AD 6 le 1er janvier 2008 et au grade AD 7 le 1er janvier 2011.

5        En 2009, le requérant a réussi le concours EPSO/AD/113/07 destiné à la constitution d’une liste de réserve pour le recrutement de chefs d’unité de grade AD 9 de langues tchèque, estonienne, lettone, lituanienne, hongroise, maltaise, polonaise, slovaque et slovène dans le domaine de la traduction. La liste de réserve de ce concours a été publiée le 28 avril 2009.

6        Le 25 juin 2010, le requérant a demandé, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, une promotion au grade AD 9, invoquant le fait qu’il avait réussi le concours EPSO/AD/113/07 correspondant à ce grade et que trois fonctionnaires des unités polonaise et slovaque se trouvant dans une situation comparable avaient bénéficié d’une promotion, respectivement en 2006 et 2007.

7        Par une lettre du 9 décembre 2010, le Conseil, rejetant cette demande, a indiqué que, en l’absence de disposition statutaire conférant un droit aux fonctionnaires d’être automatiquement promus sur le fondement d’une réussite à un concours d’un grade plus élevé que le leur, une telle décision ne pouvait être accordée qu’à la lumière de l’intérêt du service et qu’en l’occurrence cet intérêt faisait défaut concernant l’unité de traduction de langue estonienne (ci-après la « décision attaquée »).

8        Le 8 mars 2011, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut en vue du retrait de la décision attaquée.

9        Dans sa décision du 7 octobre 2011, le Conseil, rejetant la réclamation, a fait valoir que, d’une part, les différences établies entre la situation du requérant et celle des trois fonctionnaires des unités polonaise et slovaque étaient telles que la comparaison ne pouvait être faite, la violation du principe de l’égalité de traitement eu égard aux promotions antérieures étant de ce fait infondée, et que, d’autre part, être lauréat d’un concours ne conférait ni le droit d’être recruté ni, par analogie à ce principe, le droit pour un fonctionnaire d’être promu sur le même poste.

10      Par une note du 11 novembre 2011, le requérant a demandé, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), la communication des décisions de promotion des trois fonctionnaires des unités polonaise et slovaque.

11      Par une lettre du 1er décembre 2011, le Conseil a refusé de divulguer ces décisions, en invoquant, d’une part, le règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO L 8, p. 1), et, d’autre part, l’article 26 du statut, relatif au caractère confidentiel du dossier individuel.

12      Le 14 décembre 2011, le requérant a envoyé, invoquant l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, une demande confirmative tendant à ce que le Conseil révise sa décision de refus. Dans cette demande, le requérant a argué que l’accès aux documents demandés était nécessaire pour comprendre la base légale du classement de ses collègues, ainsi que la motivation fondée sur l’intérêt du service invoquée par le Conseil, afin d’apprécier l’opportunité d’introduire un recours contre la décision du 7 octobre 2011, rejetant sa réclamation du 8 mars 2011. Cette demande confirmative est restée sans réponse.

 Conclusions des parties

13      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que la décision du 7 octobre 2011 rejetant sa réclamation ;

–        condamner le Conseil à réparer le préjudice subi ;

–        condamner le Conseil aux dépens, assortis du versement d’intérêts au taux de 8 %.

14      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision rejetant la réclamation

15      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; voir également arrêt du Tribunal du 9 juillet 2009, Hoppenbrouwers/Commission, F‑104/07, point 31). Dans ces conditions, la décision du 7 octobre 2011 rejetant la réclamation étant dépourvue de contenu autonome, les conclusions en annulation doivent être regardées comme dirigées seulement contre la décision attaquée.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

16      À l’appui de son recours, le requérant invoque trois moyens, tirés, respectivement, de la motivation insuffisante de la décision attaquée, de la violation du principe de l’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation.

 Arguments des parties

17      Dans le cadre de son premier moyen, le requérant estime que les explications fournies par le Conseil pour démontrer que le refus de le faire bénéficier d’une promotion au grade AD 9 n’était pas contraire au principe de l’égalité de traitement, à savoir les circonstances, premièrement, que le requérant et les trois fonctionnaires, par rapport auxquels il estimait avoir subi une discrimination, avaient participé à des concours différents, deuxièmement, qu’ils appartenaient à des unités linguistiques différentes et, troisièmement, que ces fonctionnaires avaient été promus avant le requérant, ne lui permettraient pas de comprendre ce qui aurait justifié un intérêt du service dans le cas des trois fonctionnaires en question eu égard à la promotion et non dans le sien. Rappelant ses efforts infructueux pour obtenir plus d’informations au titre du règlement no 1049/2001, le requérant a indiqué se trouver dans l’obligation de « former un recours un peu incomplet ‘dans l’obscurité’ », en raison du manque d’informations.

18      Le Conseil fait valoir que les autres fonctionnaires auraient obtenu leur avancement de grade non pas par promotion, mais par un « avancement [de] grade dans l’intérêt du service ». Cette notion, non prévue par le statut, comme le reconnaît le Conseil, porterait sur un « avancement [de] grade » accordé à un fonctionnaire qui aurait réussi un concours correspondant à un grade supérieur au sien et qui resterait affecté sur le même poste. Le but de cet « avancement [de] grade » serait essentiellement de maintenir le fonctionnaire dans ses fonctions au sein des unités, considération qui, selon le Conseil, aurait été particulièrement importante pendant les premières années qui ont suivi l’élargissement de l’Union européenne de 2004, lors de la mise en place de nouvelles unités de traduction.

19      Selon le Conseil, les caractéristiques de cette notion reposeraient sur le fait que, premièrement, l’« avancement [de] grade » ne se fonderait que sur l’intérêt du service. Deuxièmement, l’évaluation de l’intérêt du service en vue d’un « avancement [de] grade » ne se baserait pas nécessairement sur une évaluation du mérite de l’intéressé, en ce sens qu’il s’agirait d’une évaluation différente de celle effectuée en application de l’article 45 du statut relatif à la promotion. Troisièmement, un « avancement [de] grade dans l’intérêt du service » n’équivaudrait pas à une promotion, mais à une simple incitation à rester.

20      Le Conseil ajoute qu’au moment où le requérant a introduit sa demande les unités linguistiques des nouveaux États membres étaient pleinement fonctionnelles, de sorte qu’une mesure telle que l’« avancement [de] grade » dans l’intérêt du service « afin de préserver la cohérence des traductions ainsi que les connaissances et l’expérience acquises à ce stade » n’aurait plus été nécessaire. Ce serait d’ailleurs pour cette même raison que le Conseil aurait refusé de donner suite à six demandes d’« avancement [de] grade » qu’il aurait reçues pendant la période 2008/2011, formulées par des fonctionnaires du groupe de fonctions des administrateurs. À l’instar du requérant, ces fonctionnaires auraient également réussi des concours correspondant à un grade supérieur. Le Conseil fait valoir, en substance, que la situation du requérant en 2010 n’aurait pas été comparable à celle des années 2006 à 2008 et que, dès lors, l’« avancement [de] grade » n’aurait pas été dans l’intérêt du service.

 Appréciation du Tribunal

21      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation, inscrite à l’article 25 du statut, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt du Tribunal de première instance du 6 octobre 2004, Vicente-Nuñez/Commission, T‑294/02, point 94).

22      Il y a lieu d’observer que le Conseil, dans la décision attaquée, a d’abord rappelé au requérant que, selon l’avis de concours EPSO/AD/113/07 pour le recrutement de chefs d’unité de grade AD 9 dans le domaine de la traduction, ce recrutement se ferait en fonction du nombre de postes à pourvoir et dépendrait des disponibilités budgétaires. Ensuite, le Conseil a souligné que, en l’absence d’une disposition statutaire conférant un droit aux fonctionnaires d’être automatiquement promus du seul fait d’être lauréats d’un concours d’un grade plus élevé que le leur, une telle décision ne peut être prise que dans l’intérêt du service et a ajouté que, dans ce domaine, il disposerait d’un large pouvoir d’appréciation. Le Conseil a considéré que, la situation de l’unité de traduction de langue estonienne en 2010 étant différente de celle des unités de traduction de langues polonaise et slovaque lorsque les trois fonctionnaires, par rapport auxquels le requérant estimait avoir subi une discrimination, ont bénéficié d’un « avancement [de] grade » en 2006 et 2007, il n’était donc pas dans l’intérêt du service de faire bénéficier le requérant d’un « avancement [de] grade ».

23      Ensuite, le Conseil, dans sa réponse du 7 octobre 2011 à la réclamation introduite par le requérant le 8 mars 2011, a conclu à l’absence d’une violation du principe de l’égalité de traitement après avoir expliqué en détail les différences existant entre la situation des trois fonctionnaires, par rapport auxquels le requérant estimait avoir subi une discrimination, et celle du requérant, et s’est référé à son large pouvoir d’appréciation en matière d’organisation de ses services et de gestion budgétaire, ainsi que dans l’évaluation de l’intérêt du service. Après avoir rappelé le principe selon lequel être lauréat d’un concours ne conférait ni le droit d’être recruté ni, par analogie à ce principe, le droit pour un fonctionnaire d’être promu sur le même poste, le Conseil a conclu que la situation de l’unité linguistique du requérant n’exigeait pas un recrutement au grade AD 9.

24      Or, il est constant que, dans la décision attaquée et dans sa réponse du 7 octobre 2011, le Conseil n’a pas évoqué ou expliqué au requérant que, dans le cas des trois fonctionnaires cités dans sa demande, il ne s’agissait ni d’une promotion au sens de l’article 45 du statut ni d’un recrutement, mais d’un « avancement [de] grade dans l’intérêt du service », tel que décrit dans son mémoire en défense. Ce manque de clarté quant à la base juridique des décisions relatives à la situation de ces trois fonctionnaires par rapport à celle du requérant est corroboré par le fait que celui-ci a observé, dans sa requête, qu’il lui était encore difficile de comprendre en quoi l’intérêt du service, dans le cas des trois fonctionnaires en question, justifiait de les promouvoir et quel contexte factuel étayait une telle promotion.

25      Enfin, bien que, en réponse à la demande et à la réclamation du requérant, le Conseil ait expliqué en quoi la situation du requérant et celle des trois fonctionnaires cités dans sa demande n’étaient pas comparables, force est de constater que le Conseil a fait valoir dans son mémoire en défense que, dans le cas d’un « avancement [de] grade dans l’intérêt du service », il ne s’agissait pas d’une évaluation comparative des mérites en application de l’article 45 du statut, car un avancement dans l’intérêt du service n’équivalait pas à une promotion.

26      Il s’ensuit qu’en substance le Conseil a motivé le rejet de la demande et de la réclamation du requérant par une simple référence à l’intérêt du service sans aucune autre explication. Le Conseil s’est notamment abstenu d’expliquer que, dans le cas des trois fonctionnaires des unités de traduction de langues polonaise et slovaque promus en 2006 et 2007, il ne s’agissait pas d’une promotion, mais d’une mesure que le statut ne prévoit pas. L’absence d’une telle explication ne permet pas au Tribunal d’exercer son contrôle.

27      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’absence de motivation de la décision de ne pas promouvoir le requérant, la situation de l’unité linguistique de celui-ci ne nécessitant pas de recrutement au grade AD 9, ne peut être couverte par les explications fournies par l’administration après l’introduction du recours juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 17 février 1998, Maccaferri/Commission, T‑56/96, point 38).

28      En outre, il ne saurait non plus être admis qu’une institution puisse ultérieurement modifier les motifs d’une décision qu’elle a adoptée, en justifiant cette dernière, par exemple, au regard d’autres dispositions que celles initialement invoquées (arrêt du Tribunal de première instance du 9 janvier 1996, Bitha/Commission, T‑23/95, point 30). Dans la décision attaquée, le Conseil indique qu’il n’y a aucune disposition statutaire qui permet d’être automatiquement promu suite à un concours, alors qu’à l’audience il a précisé que l’article 31, paragraphe 2, du statut était la base légale d’une telle décision. En effet, une telle démarche amènerait une institution à violer son obligation de motiver ses décisions, telle qu’elle résulte des dispositions combinées de l’article 25, paragraphe 2, et de l’article 90, paragraphe 2, du statut et qui a pour but, d’une part, de fournir au requérant une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé du refus de sa demande et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à celui-ci d’exercer son contrôle (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, point 22, et du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, point 15 ; arrêt du Tribunal de première instance du 12 février 1992, Volger/Parlement, T‑52/90, point 40).

29      En revanche, une insuffisance de la motivation fournie dans le cadre de la procédure précontentieuse n’est pas de nature à justifier l’annulation de la décision entreprise lorsque des précisions complémentaires sont apportées par l’autorité investie du pouvoir de nomination en cours d’instance, étant entendu toutefois que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale erronée (voir arrêt de la Cour du 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, point 22 ; arrêts du Tribunal de première instance du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, points 26 et 27 ; du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, point 55, et du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, point 63). Or, en l’espèce, la motivation de la décision attaquée se limite à évoquer une absence de l’intérêt du service de recruter le requérant au grade AD 9, tandis que, dans le mémoire en défense, le Conseil explique que, dans le cas des trois fonctionnaires cités par le requérant dans sa demande, il s’agissait d’un « avancement [de] grade dans l’intérêt du service », mesure qui n’est pas une promotion fondée sur l’évaluation des mérites du fonctionnaire en application de l’article 45 du statut et qui, de surcroît, n’est pas prévue par le statut.

30      Par ailleurs, à l’audience, le Conseil a précisé que, depuis mars 2012, suite à une communication au personnel, la pratique avait changé et que le requérant avait été le premier à faire l’objet de cette nouvelle politique, plus restrictive, en matière d’« avancement [de] grade dans l’intérêt du service ».

31      Il s’ensuit que la décision attaquée est illégale pour violation de l’obligation de motivation et doit donc être annulée.

32      Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur les autres moyens.

 Sur les conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice

 Arguments des parties

33      Le requérant soutient avoir subi un préjudice d’ordre matériel, dans la mesure où il aurait continué à accomplir des tâches plus complexes que celles d’un fonctionnaire promu au grade AD 9, mais avec un grade et un salaire inférieurs, alors qu’il était lauréat d’un concours de niveau supérieur.

34      Le requérant invoque également un préjudice évalué ex æquo et bono à 80 000 euros en ce que la décision attaquée aurait porté atteinte à ses perspectives de carrière, et un préjudice moral du fait qu’il aurait dû introduire plusieurs demandes et réclamation afin de voir ses droits reconnus.

35      Le Conseil soutient qu’il n’y aurait pas d’illégalité de comportement, une des conditions indispensables en vue d’engager la responsabilité de l’institution. Le requérant n’aurait pas non plus prouvé qu’il aurait subi un quelconque préjudice, sa carrière ayant progressé régulièrement. De plus, une éventuelle annulation de la décision attaquée par le Tribunal constituerait une réparation suffisante. Le Conseil conteste par ailleurs l’existence d’un quelconque préjudice moral.

 Appréciation du Tribunal

36      Il est de jurisprudence constante que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, c’est-à-dire en l’absence dans ledit acte de toute appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi en raison de l’acte annulé (voir, en ce sens, arrêt Culin/Commission, précité, point 27 ; arrêt du Tribunal de première instance du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, point 62 ; arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Sundholm/Commission, F‑42/06, point 44).

37      En l’espèce, il convient de constater qu’aucun écrit du requérant ne comporte la moindre preuve quant à l’étendue du préjudice matériel qu’il aurait subi, ni, à plus forte raison, quant au point de savoir si le préjudice moral serait insusceptible d’être intégralement réparé par l’annulation de la décision attaquée.

38      Dans ces circonstances, la demande en réparation du préjudice matériel doit être rejetée et l’annulation de la décision attaquée constitue, en l’espèce, une réparation adéquate du préjudice moral subi.

39      Les conclusions indemnitaires doivent, par conséquent, être rejetées dans leur intégralité.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

41      Il convient à titre liminaire de rappeler que la décision sur les dépens au titre de l’article 86 du règlement de procédure ne statue que sur la charge des dépens en tant que telle et non sur le montant des dépens récupérables. Il y a lieu de statuer sur ce montant, en cas de contestation, dans le cadre de la procédure prévue par l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance du 20 janvier 1995, Werner/Commission, T‑124/93, point 10). En conséquence, la demande du requérant tendant à assortir la condamnation aux dépens du versement d’intérêts au taux de 8 % est irrecevable.

42      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le Conseil est la partie qui succombe pour l’essentiel. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que le Conseil soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Conseil doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Conseil de l’Union européenne du 9 décembre 2010 est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par M. Simpson.

Kreppel

Perillo

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : l’anglais.