Language of document : ECLI:EU:T:2021:448

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation au Venezuela – Gel des fonds – Listes des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inscription du nom du requérant sur les listes – Maintien du nom du requérant sur les listes – Obligation de motivation – Droits de la défense – Principe de bonne administration – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑246/18,

Maikel José Moreno Pérez, demeurant à Caracas (Venezuela), représenté par Mes L. Giuliano et F. Di Gianni, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes S. Kyriakopoulou, P. Mahnič et M. A. Antoniadis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2018/90 du Conseil, du 22 janvier 2018, modifiant la décision (PESC) 2017/2074 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, L 16 I, p. 14), et de la décision (PESC) 2018/1656 du Conseil, du 6 novembre 2018, modifiant la décision (PESC) 2017/2074 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, L 276, p. 10), et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) 2018/88 du Conseil, du 22 janvier 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) 2017/2063 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, L 16 I, p. 6), et du règlement d’exécution (UE) 2018/1653 du Conseil, du 6 novembre 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) 2017/2063 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, L 276, p. 1), en ce que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine (rapporteure) et M. L. Truchot, juges,

greffier : M. B. Lefebvre, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Maikel José Moreno Pérez, est le président et l’ancien vice-président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême, Venezuela).

 Mise en place du régime de mesures restrictives : décision (PESC) 2017/2074 et règlement (UE) 2017/2063

2        Le 13 novembre 2017, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision (PESC) 2017/2074, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2017, L 295, p. 60). Selon son considérant 1, cette décision était motivée par la dégradation constante de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme au Venezuela.

3        La décision 2017/2074 comporte, en substance, premièrement, une interdiction d’exporter, vers le Venezuela, des armes, des équipements militaires ou tout autre équipement susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne ainsi que des équipements, de la technologie ou des logiciels de surveillance et, deuxièmement, une interdiction de fournir des services financiers, techniques ou autres en rapport avec ces biens et ces technologies.

4        L’article 6, paragraphe 1, de la décision 2017/2074 prévoit en outre ce qui suit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire :

a)      des personnes physiques qui sont responsables de violations graves des droits de l’homme ou d’atteintes graves à ceux-ci ou d’actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique au Venezuela ; ou

b)      des personnes physiques dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Venezuela,

dont la liste figure à l’annexe I. »

5        L’article 7 de la décision 2017/2074 dispose :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités ou organismes ci-après, de même que tous les fonds et ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par les personnes, entités ou organismes ci-après :

a)      les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes qui sont responsables de violations graves des droits de l’homme ou d’atteintes graves à ceux-ci ou d’actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique au Venezuela ;

b)      les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Venezuela,

dont la liste figure à l’annexe I.

2. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, entités et organismes associés aux personnes, entités ou organismes visés au paragraphe 1 dont la liste figure à l’annexe II, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, ces entités ou ces organismes ont en leur possession, détiennent ou contrôlent.

3. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est mis à la disposition, directement ou indirectement, des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe I ou II, ni n’est dégagé à leur profit.

[...] »

6        L’article 8 de la décision 2017/2074 est libellé comme suit :

« 1. Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit et modifie les listes figurant aux annexes I et II.

2. Le Conseil communique la décision visée au paragraphe 1 à la personne physique ou morale, à l’entité ou à l’organisme concerné, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

3. Si des observations sont formulées, ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil réexamine la décision visée au paragraphe 1 et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme concerné en conséquence. »

7        L’article 13, second alinéa, de la décision 2017/2074 dispose que cette décision fait l’objet d’un suivi constant et est prorogée, ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints.

8        À la date de l’adoption de la décision 2017/2074, ses annexes I et II ne comportaient encore le nom d’aucune personne ou entité.

9        Sur le fondement de l’article 215 TFUE et de la décision 2017/2074, le Conseil a adopté, le 13 novembre 2017, le règlement (UE) 2017/2063, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2017, L 295, p. 21). En ce qui concerne le gel des fonds des personnes visées, ce règlement reprend, en substance, les dispositions de la décision 2017/2074. En particulier, les annexes IV et V dudit règlement correspondent respectivement aux annexes I et II de la décision 2017/2074. En vertu de l’article 17, paragraphe 4, du même règlement, ces deux annexes sont réexaminées à intervalles réguliers, et au moins tous les douze mois.

10      À la date de l’adoption du règlement 2017/2063, ses annexes IV et V ne comportaient encore le nom d’aucune personne ou entité.

11      L’article 13, premier alinéa, de la décision 2017/2074 prévoyait, dans sa version initiale, que cette décision était applicable jusqu’au 14 novembre 2018.

12      En revanche, le règlement 2017/2063 n’est assorti d’aucun terme.

 Inscription du nom du requérant sur les listes : décision (PESC) 2018/90 et règlement d’exécution (UE) 2018/88

13      Le 22 janvier 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/90 modifiant la décision 2017/2074 (JO 2018, L 16 I, p. 14). Le même jour le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/88 mettant en œuvre le règlement 2017/2063 (JO 2018, L 16 I, p. 6). Cette décision et ce règlement d’exécution (ci-après, ensemble, les « actes initiaux ») ont été publiés le jour même au Journal officiel de l’Union européenne. Selon les considérants 4 des actes initiaux, « la situation au Venezuela ne cessant de se dégrader, il conv[enai]t d’inscrire sept personnes sur la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives » figurant à l’annexe I de la décision 2017/2074 et à l’annexe IV du règlement 2017/2063. Les actes initiaux ont par conséquent modifié lesdites annexes. Le nom du requérant y a ainsi été inscrit de la manière suivante : « 5 – Nom : Maikel José Moreno Pérez – Informations d’identification : Date de naissance : 12.12.1965 – Motifs de l’inscription : Président et ancien vice-président de la Cour suprême du Venezuela (Tribunal Supremo de Justicia). En ces qualités, il a soutenu et facilité les actions et politiques du gouvernement, qui ont porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela, et est responsable d’actions et de déclarations qui ont eu pour effet d’usurper l’autorité de l’Assemblée nationale – Date de l’inscription : 22.1.2018 ».

14      Le 23 janvier 2018 a été publié au Journal officiel un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2017/2074, modifiée par la décision 2018/90, et par le règlement 2017/2063, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2018/88, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, C 23, p. 4).

15      Par courriel du 20 février 2018, le représentant du requérant a demandé au Conseil d’avoir accès au dossier contenant les éléments de preuve, les documents et les informations justifiant les actes initiaux. Le Conseil a accusé réception de cette demande le lendemain.

16      Par courriel du 3 avril 2018, le Conseil a envoyé au représentant du requérant les deux documents sur lesquels les actes initiaux étaient fondés, à savoir un document de travail daté du 22 mars 2018 portant la référence WK 3502/2018 INIT et l’extrait 5 d’une annexe à un document daté du 27 mars 2018 et portant la référence COREU CFSP/0702/17.

17      En réponse à une demande d’éclaircissement du représentant du requérant, le Conseil a précisé, le 6 avril 2018, que le document COREU CFSP/0702/17 datait en réalité du 6 décembre 2017 mais, ayant dû être déclassifié en raison de la demande d’accès, il portait la date du 27 mars 2018.

 Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

18      Le 6 novembre 2018, la décision (PESC) 2018/1656 du Conseil modifiant la décision 2017/2074 (JO 2018, L 276, p. 10) a prorogé la validité des mesures restrictives jusqu’au 14 novembre 2019, y compris en ce qui concerne le requérant. La décision 2018/1656 a également remplacé la mention 7 de l’annexe I de la décision 2017/2074, modifiant ainsi le motif d’inscription d’une autre personne visée par les mesures restrictives en cause. Le 6 novembre 2018, également, le règlement d’exécution (UE) 2018/1653 du Conseil mettant en œuvre le règlement 2017/2063 (JO 2018, L 276, p. 1) a modifié dans le même sens la mention 7 de l’annexe IV de ce dernier règlement.

19      Par lettre du 7 novembre 2018, le Conseil a informé le représentant du requérant qu’il avait été décidé de proroger la validité des mesures restrictives en cause à l’égard de celui-ci. En outre, il a été informé de la possibilité de soumettre une demande de réexamen de cette décision auprès du Conseil jusqu’au 23 août 2019. Cette lettre n’a été suivie d’aucune réponse.

20      Le 7 novembre 2018 a été publié au Journal officiel un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2017/2074, modifiée par la décision 2018/1656, et par le règlement 2017/2063, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2018/1653, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, C 401, p. 2).

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2018, le requérant a introduit le présent recours.

22      La phase écrite de la procédure a été close le 18 décembre 2018.

23      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2019, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête afin de solliciter également l’annulation de la décision 2018/1656 et du règlement d’exécution 2018/1653, en tant que ces actes le concernent. Le Conseil a déposé ses observations sur le mémoire en adaptation au greffe du Tribunal le 15 février 2019.

24      Le 28 mars 2019, la quatrième chambre (ancienne) du Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et de fixer ultérieurement la date de l’audience de plaidoiries.

25      Le 3 mai 2019, les parties ont été informées de la décision du président du Tribunal d’attribuer la présente affaire à la juge rapporteure, en application de l’article 27, paragraphe 1, du règlement de procédure.

26      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la septième chambre. Après que les parties ont été invitées à s’exprimer et à défaut d’objections de leur part, la présente affaire a été réattribuée à la septième chambre par décision du président du Tribunal du 10 décembre 2019.

27      Par lettre du 20 décembre 2019, les parties ont été invitées à présenter des observations sur une éventuelle jonction des affaires T‑245/18, Benavides Torres/Conseil, T‑246/18, Moreno Pérez/Conseil, T‑247/18, Lucena Ramírez/Conseil, T‑248/18, Cabello Rondón/Conseil, T‑249/18, Saab Halabi/Conseil et T‑35/19, Benavides Torres/Conseil, aux fins de la phase orale de la procédure. Les parties ont répondu ne pas avoir d’objections à une telle jonction.

28      Par décision du 28 janvier 2020, le président de la septième chambre du Tribunal a décidé de joindre lesdites affaires (ci-après les « affaires jointes »), aux fins de la phase orale de la procédure. Le même jour, la phase orale de la procédure a été ouverte et la date de l’audience de plaidoiries a été fixée au 23 avril 2020.

29      Le 7 février 2020, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties dans les affaires jointes à répondre à des questions, pour réponse écrite avant l’audience et pour réponse orale lors de l’audience. Les parties dans les affaires jointes ont répondu aux questions pour réponse écrite dans le délai imparti. Le 13 mars 2020, le Tribunal les a invitées à présenter leurs observations éventuelles sur les réponses de l’autre partie. Les parties dans les affaires jointes ont présenté leurs observations dans le délai imparti.

30      L’audience de plaidoiries initialement prévue le 23 avril 2020 ayant été reportée en raison de la crise sanitaire, les parties dans les affaires jointes ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 septembre 2020.

31      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes initiaux ainsi que la décision 2018/1656 et le règlement d’exécution 2018/1653 (ci-après, ensemble, les « actes attaqués »), en tant que leurs dispositions le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

32      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, si les mesures restrictives visant le requérant devaient être annulées, ordonner le maintien des effets de la décision 2018/1656 en ce qui concerne celui-ci jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement d’exécution 2018/88 ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de l’adaptation de la requête

33      Dans son mémoire en adaptation, par lequel le requérant sollicite l’annulation de la décision 2018/1656 et du règlement d’exécution 2018/1653, il fait valoir que, par ces deux actes, le Conseil a maintenu son nom sur la liste figurant à l’annexe I de la décision 2017/2074 et sur la liste figurant à l’annexe IV du règlement 2017/2063, après réexamen de sa situation et pour un motif inchangé par rapport à son inscription initiale. Cette décision et ce règlement d’exécution auraient eu pour effet de proroger jusqu’au 14 novembre 2019 la période pendant laquelle les mesures restrictives en cause lui sont applicables.

34      Dans le cadre de ses observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil soulève une exception d’irrecevabilité en ce que ce mémoire tend à l’annulation du règlement d’exécution 2018/1653, au motif que le requérant n’a pas de qualité pour agir. Le Conseil fait valoir que ce règlement d’exécution ne mentionne pas spécifiquement le nom du requérant et ne remplace pas un acte le concernant directement et individuellement. Dès lors, le requérant n’aurait pas qualité à agir.

35      Dans sa réponse à une question posée dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Conseil ajoute que le réexamen périodique prévu à l’article 17, paragraphe 4, du règlement 2017/2063 n’aboutit pas nécessairement à l’adoption d’un acte juridique nouveau. Selon le Conseil, en l’espèce, s’il n’avait pas été nécessaire de modifier les informations concernant une personne autre que le requérant, le règlement d’exécution 2018/1653 n’aurait pas été adopté. Cet acte n’aurait ni pour objet ni pour effet de maintenir l’inscription du requérant sur la liste figurant à l’annexe du règlement 2017/2063. Dès lors, le requérant ne disposerait pas d’intérêt à agir contre ledit acte.

36      À cet égard, il y a lieu d’observer que l’article 13, second alinéa, de la décision 2017/2074 prévoit que celle-ci doit faire l’objet d’un suivi constant. Le considérant 2 de la décision 2018/1656 fait expressément état d’un réexamen de la décision 2017/2074.

37      En revanche, le règlement d’exécution 2018/1653 ne comporte pas une telle mention. Il ne saurait, toutefois, en être déduit que le Conseil n’a pas procédé au réexamen de la situation et que cette absence de réexamen ferait obstacle à l’adaptation de la requête. L’article 17, paragraphe 4, du règlement 2017/2063 dispose en effet que la liste figurant à l’annexe IV de celui-ci est examinée à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois. Or, la recevabilité d’un recours ne saurait dépendre du bon vouloir du Conseil, selon que celui-ci estime avoir effectivement réexaminé ou non le maintien de l’inscription du nom de la personne concernée sur les listes en cause, ce qui irait à l’encontre du principe de sécurité juridique (arrêt du 9 juillet 2014, Al-Tabbaa/Conseil, T‑329/12 et T‑74/13, non publié, EU:T:2014:622, point 47). Dès lors, le Conseil ne saurait faire valoir que, en l’espèce, il n’a opéré aucun réexamen de la situation du requérant, contrairement à ses obligations, afin d’en tirer un bénéfice en ce qui concerne la recevabilité du recours dirigé contre le règlement d’exécution 2018/1653. De surcroît, en raison de l’étroite imbrication des deux textes, il doit être considéré que le réexamen de la situation, que le Conseil admet avoir effectué pour adopter la décision 2018/1656, a été un préalable nécessaire également pour l’adoption du règlement d’exécution 2018/1653.

38      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter les fins de non-recevoir soulevées par le Conseil et de constater que les conclusions du mémoire en adaptation sont recevables, y compris en ce qu’elles visent le règlement d’exécution 2018/1653.

 Sur le fond

39      À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration et de ses droits de la défense ainsi que de son droit à une protection juridictionnelle effective et, le second, d’une « erreur manifeste d’appréciation ».

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration et des droits de la défense ainsi que du droit à une protection juridictionnelle effective

40      Il convient de relever d’emblée que le premier moyen est dirigé uniquement contre les actes initiaux, un tel moyen n’étant pas repris dans le mémoire en adaptation.

41      D’une part, le requérant prétend, en substance, que les actes initiaux ne sont pas suffisamment motivés. En ce sens, il soutient que les motifs figurant à l’annexe I de la décision 2017/2074 et à l’annexe IV du règlement 2017/2063, telles que modifiées par les actes initiaux, étaient trop vagues pour qu’il puisse apprécier pleinement à quels faits concrets le Conseil faisait référence. D’autre part, il fait valoir que, malgré ses démarches entamées le 20 février 2018, le Conseil ne lui a accordé l’accès aux documents justifiant les actes initiaux que le 3 avril suivant, c’est-à-dire à un moment où il ne lui restait plus que treize jours calendaires ou neuf jours ouvrables pour introduire son recours. Dès lors, le requérant conclut que le Conseil n’a pas satisfait, dans un délai raisonnable, à sa demande d’accès à son dossier et a ainsi violé le principe de bonne administration, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective.

42      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

–       Sur la violation de l’obligation de motivation

43      Conformément à la jurisprudence, l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et consacrée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense. Il convient de rappeler, à cet égard, que la motivation a précisément pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 29 et jurisprudence citée, et du 26 octobre 2016, Kaddour/Conseil, T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628, points 56 et 57 et jurisprudence citée).

44      La motivation d’un acte faisant grief doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de cet acte (voir arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 30 et jurisprudence citée).

45      En ce qui concerne les mesures restrictives adoptées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), dans la mesure où la personne concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale de gel des fonds, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 51, et du 26 octobre 2016, Kaddour/Conseil, T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628, point 58).

46      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu de porter à la connaissance d’une personne ou d’une entité visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées. Il doit ainsi énoncer les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale des mesures concernées et les considérations qui l’ont amené à les prendre (arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, point 144).

47      Cependant, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 53 et 54, et du 25 avril 2013, Gossio/Conseil, T‑130/11, non publié, EU:T:2013:217, points 45 et 46).

48      Il convient également de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 30 janvier 2019, Stavytskyi/Conseil, T‑290/17, EU:T:2019:37, point 57 et jurisprudence citée).

49      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent grief.

50      En l’espèce, s’agissant des motifs pour lesquels le Conseil a considéré que le requérant devait spécifiquement faire l’objet de mesures restrictives, la motivation, reproduite au point 13 ci-dessus, qui figure aux points 3 de l’annexe I de la décision 2017/2074 et de l’annexe IV du règlement 2017/2063, telles que modifiées par les actes initiaux, identifie, contrairement à ce que soutient en substance le requérant, les éléments spécifiques et concrets qui révèlent, selon le Conseil, l’implication de celui-ci dans des atteintes à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela.

51      En effet, il convient de relever que les préambules des actes initiaux visent, respectivement, la décision 2017/2074 et le règlement 2017/2063. Or, aux considérants 1 et 5 à 8 de la décision 2017/2074, ainsi qu’aux considérants 1 et 2 du règlement 2017/2063, le Conseil a exposé le contexte général l’ayant conduit à prévoir des mesures restrictives à l’encontre du Venezuela et de certaines personnes ou entités vénézuéliennes. Il en ressort que ce contexte général se caractérisait par la dégradation constante de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme au Venezuela résultant, notamment, de la décision des autorités de procéder à l’élection d’une Assemblée nationale constituante (ci-après l’« Assemblée constituante »), qui a aggravé la crise au Venezuela et a porté atteinte à d’autres institutions prévues par la Constitution vénézuélienne, telles que l’Assemblée nationale. En outre, eu égard à ses fonctions de président et d’ancien vice-président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), le requérant ne pouvait ignorer ce contexte.

52      De plus, ainsi que cela a été indiqué aux points 4 et 5 ci-dessus, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2017/2074, le critère général d’inscription établi par le Conseil vise notamment les personnes physiques « dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Venezuela ». Ce critère est également repris par l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/2063.

53      Dès lors, la lecture des motifs d’inscription du requérant permet de comprendre que les raisons spécifiques et concrètes ayant conduit le Conseil à adopter des mesures restrictives à l’encontre du requérant sont fondées sur la prétendue responsabilité de ce dernier dans l’atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela, du fait que, en ses qualités de président et d’ancien vice-président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), il a facilité les actions et les politiques du gouvernement. En outre, il serait responsable d’actions et de déclarations qui ont eu pour effet d’usurper l’autorité de l’Assemblée nationale.

54      De surcroît, il convient de relever que le fait que le requérant a pu comprendre les motifs qui, selon le Conseil, justifiaient l’adoption de mesures restrictives à son égard est confirmé par la teneur du second moyen du présent recours. En effet, le requérant a été capable d’identifier les faits précis qui lui étaient reprochés et de contester leur exactitude ainsi que leur pertinence. Il a également été en mesure comprendre et de contester la force probante des éléments sur lesquels le Conseil s’est fondé. Le requérant a pu, en outre, exposer le cadre juridique garantissant l’indépendance du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) et de ses membres, le fonctionnement de celui-ci et soutenir, au vu des attributions du président et du vice-président de cette juridiction, qu’il n’avait pas signé et n’avait pas influencé les décisions de cette juridiction visées par le Conseil. Il a encore pu contester d’avoir menacé une ancienne juge du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) afin d’obtenir sa démission au vu de l’élection des juges favorables au régime.

55      Il s’ensuit que la motivation des actes initiaux a mis le requérant en mesure de comprendre et de contester les motifs de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

56      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation par le Conseil.

–       Sur la violation du principe de bonne administration, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

57      À titre liminaire, il y a lieu de remarquer que le grief du requérant selon lequel le Conseil a violé le principe de bonne administration, son droit à une protection juridictionnelle effective et ses droits de la défense n’est pas étayé par des arguments spécifiques à chacune de ces violations, mais se borne à renvoyer à une argumentation commune. Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner conjointement lesdites violations.

58      Il convient de rappeler que le respect des droits de la défense, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, à laquelle le traité UE reconnaît la même valeur juridique que les traités, comporte notamment le droit d’accès au dossier, tandis que le droit à une protection juridictionnelle effective, qui est affirmé à l’article 47 de ladite Charte, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 55).

59      Plus précisément, les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective impliquent que l’autorité de l’Union qui adopte des mesures restrictives communique à l’intéressé les éléments sur lesquels ces mesures sont fondées ou lui accorde le droit d’en prendre connaissance dans un délai raisonnable après l’édiction de ces mesures (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 2014, Yusef/Commission, T‑306/10, EU:T:2014:141, point 90, et du 13 décembre 2016, Al-Ghabra/Commission, T‑248/13, EU:T:2016:721, point 49).

60      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cas d’une décision initiale de gel de fonds, le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels cette institution entend fonder l’inclusion du nom de cette personne ou de cette entité dans la liste pertinente, afin de garantir l’effet de surprise nécessaire à l’efficacité d’une telle mesure. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

61      En l’espèce, dans le contexte particulier de l’inscription initiale sur les listes litigieuses nécessitant d’assurer un effet de surprise, indépendamment de la question de savoir si le Conseil a communiqué son dossier au requérant dans un délai raisonnable, il convient de déterminer si le requérant n’était pas en mesure de contester les éléments dudit dossier devant le Tribunal (voir, par analogie, arrêts du 18 septembre 2014, Georgias e.a./Conseil et Commission, T‑168/12, EU:T:2014:781, point 106, et du 15 juin 2017, Kiselev/Conseil, T‑262/15, EU:T:2017:392, point 153). Or, force est de constater que celui-ci a été mis en mesure de contester les éléments de ce dossier devant le Tribunal, ainsi qu’il ressort des arguments invoqués dans la requête décrits au point 54 ci-dessus, dans le cadre desquels le requérant met en cause la pertinence et la valeur probante d’éléments de preuve retenus par le Conseil dans son dossier.

62      En outre, dans l’hypothèse où le requérant aurait voulu soulever des arguments qu’il n’aurait pas eu la possibilité d’invoquer dans sa requête en raison de la prétendue communication tardive du dossier par le Conseil, il aurait pu présenter ces éventuels arguments supplémentaires dans son mémoire en adaptation de la requête. Or, dans ce mémoire, le requérant a soutenu que les erreurs commises lors de l’adoption des actes initiaux avaient été réitérées par le Conseil lorsque celui-ci a adopté la décision 2018/1656 et le règlement d’exécution 2018/1653. Il s’est limité à faire valoir que le second moyen, tel que soulevé dans la requête, pouvait être transposé purement et simplement à sa demande d’annulation de cette dernière décision et de ce dernier règlement d’exécution.

63      De plus, le requérant reste en défaut d’expliquer, également lors de l’audience, quels sont les arguments et les éléments qu’il aurait pu faire valoir s’il avait reçu le dossier du Conseil plus tôt.

64      Par conséquent, le requérant n’a pas démontré que la communication prétendument tardive du dossier du Conseil a porté atteinte à ses droits de la défense, à son droit à une protection juridictionnelle effective et au principe de bonne administration.

65      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent grief et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une « erreur manifeste d’appréciation »

66      Le second moyen est dirigé contre l’ensemble des actes attaqués.

67      Le requérant soutient d’emblée que le simple fait d’être le président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) ne saurait établir qu’il aurait, dans l’exercice de ses fonctions, porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela. Une inscription sur une liste de personnes visées par des mesures restrictives ne saurait se fonder sur des présomptions non étayées par le comportement des intéressés.

68      Le requérant conteste également la conclusion que le Conseil tire de son rôle de président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) et, plus particulièrement, du fait que, ayant prétendument signé les arrêts nos°155, du 27 mars 2017, et 156, du 29 mars 2017, de cette juridiction, qui auraient eu pour effet d’usurper l’autorité de l’Assemblée nationale, organe constitutionnel élu démocratiquement, il serait responsable de ceux-ci.

69      Le requérant expose, à cet égard, que le Venezuela est un État démocratique. Le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) serait un organe indépendant au sommet du pouvoir judiciaire et ses membres devraient renoncer à tout militantisme politique.

70      Par ailleurs, le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) serait divisé en sept chambres, à savoir la chambre plénière, la chambre constitutionnelle, la chambre administrative, la chambre électorale, la chambre civile, la chambre pénale et la chambre sociale. Chaque chambre, dans le cadre de ses compétences respectives, rendrait ses arrêts indépendamment des autres chambres. De plus, les arrêts ne seraient délibérés et adoptés que par les juges composant la chambre compétente et ne seraient signés que par ceux-ci.

71      Dans ce contexte, le président et le vice-président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) rempliraient deux fonctions, l’une juridictionnelle, exclusivement en tant que juge d’une des sept chambres, et l’autre administrative.

72      En tant que vice-président puis président, le requérant aurait donc assumé des tâches exclusivement organisationnelles et administratives, non susceptibles de porter atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela.

73      En tant que juge, le requérant, dans ses fonctions juridictionnelles, n’exercerait aucune influence particulière. En effet, il ne disposerait pas d’une voix prépondérante en cas de partage des voix. De surcroît, il n’aurait exercé ces fonctions qu’au sein de la chambre pénale et ne saurait intervenir dans les discussions juridiques au sein des autres chambres.

74      Dans ces conditions, contrairement aux affirmations du Conseil, le requérant n’aurait pas signé les arrêts nos 155 et 156 qui auraient été délibérés et rendus par les seuls membres de la chambre constitutionnelle à laquelle il n’appartiendrait pas.

75      En outre, selon le requérant, le Conseil n’est pas fondé à déduire d’un tweet publié sur le compte Twitter officiel du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), dans lequel il aurait affirmé que l’Assemblée nationale s’était rendue coupable d’outrage, qu’il a soutenu pleinement les arrêts de cette juridiction portant atteinte à l’état de droit et à la démocratie au Venezuela.

76      Le Conseil semblerait ainsi notamment renvoyer à l’arrêt no 2 du 11 janvier 2017 du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), dans lequel sa chambre constitutionnelle a effectivement déclaré que l’Assemblée nationale avait commis un outrage. Toutefois, le requérant n’aurait pas participé à l’adoption de cet arrêt et ne l’aurait pas non plus signé.

77      De surcroît, l’interprétation de la Constitution vénézuélienne par la chambre constitutionnelle lierait toutes les chambres du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) et toutes les autres juridictions du pays, de telle sorte que, par le tweet en question, le requérant n’aurait ni approuvé ni marqué son soutien à l’arrêt en cause, mais en aurait simplement rapporté les termes.

78      Par ailleurs, le requérant conteste le grief tiré par le Conseil d’un article faisant état d’une déposition d’une ancienne juge du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) selon laquelle le requérant l’aurait menacée pour obtenir sa démission afin de permettre l’élection d’un juge favorable au président du Venezuela de l’époque. Or, selon le requérant, hormis son titre et son sous-titre, rien dans cet article ne l’incrimine. Les menaces en question seraient en réalité imputées à l’ancienne présidente du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême).

79      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

80      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel, garantie par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 64).

81      À cette fin, il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 65).

82      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 66).

83      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67).

84      En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves [arrêt du 6 septembre 2013, Persia International Bank/Conseil, T‑493/10, EU:T:2013:398, point 95 (non publié)]. À cet égard, il importe de rappeler que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107). Notamment, il ressort de la jurisprudence que le juge de l’Union peut prendre en considération des rapports d’organisations internationales (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 48).

85      C’est au vu de ces principes qu’il y a lieu d’apprécier si sont entachés d’erreurs d’appréciation les motifs de l’inscription et du maintien du requérant sur les listes litigieuses, tirés du fait que, compte tenu de ses fonctions de président et d’ancien vice-président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), il a soutenu et facilité les actions et les politiques du gouvernement qui ont porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela et s’est rendu responsable d’actions et de déclarations qui ont eu pour effet d’usurper l’autorité de l’Assemblée nationale.

86      Ainsi que cela a été indiqué aux points 4 et 5 ci-dessus, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2017/2074, le critère général établi, aux fins de l’inscription sur les listes litigieuses, vise notamment les personnes physiques « dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Venezuela ». Ce critère est également repris par l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/2063.

87      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, en ce qui concerne le contexte général au Venezuela, il ressort des considérants 1 et 5 à 8 de la décision 2017/2074 et des considérants 1 et 2 du règlement 2017/2063 que les actes attaqués ont été adoptés en raison de la détérioration constante de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme au Venezuela, résultant notamment de l’usage excessif de la force, ainsi que des actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique. Au considérant 6 de la décision 2017/2074, il est indiqué que, le 2 août 2017, l’Union a déploré vivement la décision prise par les autorités vénézuéliennes de poursuivre l’élection d’une Assemblée constituante, décision qui a durablement aggravé la crise au Venezuela et a entraîné le risque de porter atteinte à d’autres institutions légitimes prévues par la Constitution vénézuélienne, telles que l’Assemblée nationale.

88      Ce contexte général de la situation au Venezuela a également été invoqué par le Conseil devant le Tribunal, sans qu’il soit contredit par le requérant. Le Conseil a ainsi rappelé que, après le mois de décembre 2015, à la suite des élections de l’Assemblée nationale, une coalition de partis d’opposition avait gagné la majorité des sièges. Au mois de janvier 2016, le président du Venezuela de l’époque a décrété l’état d’urgence au Venezuela et a gouverné par décrets. Au mois d’avril 2017, des manifestations quasi quotidiennes se sont déroulées pendant plusieurs mois, ayant pour conséquence un grand nombre de décès et de blessés parmi les civils et des milliers d’arrestations. Au mois de mai 2017, le président du Venezuela de l’époque a annoncé la création d’une Assemblée constituante dont les membres avaient été élus le 30 juillet 2017 par un processus électoral boycotté par l’opposition.

89      Le contexte général étant ainsi rappelé, il y a lieu de constater que le requérant ne conteste pas qu’il est le président et l’ancien vice-président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême). Il affirme en outre que cette juridiction se trouve au sommet du pouvoir judiciaire au Venezuela.

90      Pour considérer que le requérant avait « soutenu et facilité les actions et [les] politiques du gouvernement, qui ont porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela » et qu’il était « responsable d’actions et de déclarations qui ont eu pour effet d’usurper l’autorité de l’Assemblée nationale », le Conseil s’est notamment fondé sur le fait que, en sa qualité de président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), il était responsable des actes de celui-ci et qu’il avait, en particulier, signé et exprimé son soutien aux arrêts nos 155, du 27 mars 2017, et 156, du 29 mars 2017, qui ont eu pour effet d’usurper l’autorité de l’Assemblée nationale, organe constitutionnel élu démocratiquement. À cet égard, dans son dossier, le Conseil a invoqué notamment un rapport sur le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) de la Commission internationale de juristes, un communiqué de presse de la Commission interaméricaine des droits de l’homme ainsi qu’un article paru le 30 mars 2017 sur le site Internet « efectococuyo.com ».

91      Selon ces sources, par son arrêt no 155, du 27 mars 2017, la chambre constitutionnelle du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) a confié au président du Venezuela de l’époque le pouvoir de prendre des mesures dans divers domaines et de réviser la législation, en ce compris la loi organique contre le crime organisé et le financement du terrorisme, la loi contre la corruption, le code pénal, le code organique de procédure pénale et le code de justice militaire. Selon les mêmes sources, cet arrêt a également méconnu l’immunité parlementaire des membres de l’Assemblée nationale.

92      Toujours selon les sources en question, la chambre constitutionnelle du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) a, par son arrêt no 156, du 29 mars 2017, supprimé l’obligation prévue dans la législation nationale d’obtenir l’autorisation de l’Assemblée nationale pour conclure des partenariats public-privé dans le domaine des hydrocarbures. Dans cet arrêt, la chambre constitutionnelle a également indiqué qu’elle veillerait à exercer elle-même les pouvoirs législatifs pendant toute la durée de la situation d’outrage et d’invalidité des travaux de l’Assemblée nationale.

93      Le requérant ne conteste pas cette lecture des arrêts nos 155 et 156.

94      Force est de constater que les arrêts précités du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) constituaient un soutien aux actions et aux politiques du gouvernement qui ont porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela et avaient eu pour effet d’usurper l’autorité de l’Assemblée nationale. En effet, il ressort des points 91 et 92 ci-dessus que, par les arrêts nos 155 et 156, la chambre constitutionnelle du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), d’une part, a dépossédé l’Assemblée nationale de ses prérogatives au profit du président du Venezuela de l’époque et au profit de ladite chambre et, d’autre part, a méconnu l’immunité parlementaire des membres de l’Assemblée nationale.

95      Néanmoins, ainsi que le fait valoir le requérant, sans être contredit par le Conseil, le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) est composé de sept chambres et dans la mesure où le requérant n’exerce pas ses fonctions juridictionnelles au sein de la chambre constitutionnelle qui a rendu les arrêts nos 155 et 156, il n’a pas signé ces arrêts.

96      À cet égard, il y a lieu de relever que le dossier ne contient pas des éléments susceptibles de démontrer que le requérant a signé les arrêts nos 155 et 156. En effet, il ressort du contenu desdits arrêts, fournis par le requérant, que celui-ci n’était pas l’un des membres de la chambre qui les a prononcés et qu’il ne les avait pas signés.

97      Toutefois, il importe de souligner qu’il ressort du dossier du Conseil que, selon le rapport de l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch sur le Venezuela pour l’année 2016, le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) manquait d’indépendance à l’égard du gouvernement. Le rapport affirme que le gouvernement vénézuélien avait pris le contrôle de cette juridiction en 2004 et que ses membres ont, depuis lors, ouvertement rejeté le principe de la séparation des pouvoirs et se sont engagés à promouvoir l’agenda politique de celui-ci. De plus, ce manque d’indépendance de la magistrature en général et du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) en particulier est également relevé dans le rapport de la Commission internationale de juristes sur cette juridiction, ainsi que dans un communiqué de presse de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, précités au point 90 ci-dessus, sur lesquels le Conseil s’est également appuyé.

98      De surcroît, dans ledit rapport de la Commission internationale de juristes, il est fait état des arrêts nos 157 et 158 du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) du 1er avril 2017 visant à « clarifier » les arrêts nos 155 et 156 qui, ainsi que l’a affirmé le requérant lors de l’audience, ont été lourdement critiqués par l’opinion publique et ont provoqué des manifestations au Venezuela. Il ressort de ce rapport et des déclarations du requérant lors de l’audience, que le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) a adopté ces « clarifications » à la suite d’une demande politique de la part du pouvoir exécutif, notamment du Comité national de défense, convoqué et présidé, conformément à l’article 323 de la Constitution, par le président du Venezuela de l’époque, afin d’apaiser les controverses suscitées par les arrêts nos 155 et 156. Les arguments du requérant, avancés lors de l’audience, selon lesquels les règles nationales, qu’il n’a d’ailleurs pas fournies, habilitaient le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) à clarifier ses arrêts, ne remettent pas en cause le fait que ces clarifications sont intervenues à la suite des demandes politiques externes à cette juridiction et au pouvoir judiciaire en général.

99      Il en découle que le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) ne saurait être considéré comme étant indépendant des influences du gouvernement au Venezuela.

100    Or, dans un contexte aussi particulier où le pouvoir judiciaire a perdu son indépendance, il convient de tenir compte du fait que les présidents de juridiction, et en particulier ceux des juridictions les plus élevées, sont le canal privilégié par lequel le pouvoir exécutif peut exercer une influence sur le traitement des affaires judiciaires.

101    Par conséquent, le fait que le requérant occupe la place la plus éminente au sein de la juridiction la plus élevée au Venezuela peut être regardé comme un indice du soutien qu’il apporte à la politique gouvernementale dans la mesure où il est le personnage central de cette juridiction.

102    Ainsi, dans le contexte de déséquilibre institutionnel, tel que décrit aux points 97 et 98 ci-dessus, le requérant ne saurait prétendre, en s’appuyant uniquement sur des textes formels, qu’il n’était pas en mesure d’influencer, dans les faits, les arrêts de la chambre constitutionnelle du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), surtout s’agissant de décisions hautement politiques qui ont entraîné, par la suite, l’intervention du président du Venezuela de l’époque (voir, point 98 ci-dessus). De plus, ainsi que le souligne le requérant lui-même, les arrêts de la chambre constitutionnelle et, partant, les arrêts nos 155 et 156, lient tout le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême).

103    En outre, le Conseil a également tenu compte du compte Twitter officiel du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) qui a rapporté une citation du requérant soutenant publiquement les décisions de cette juridiction. Plus particulièrement, le Conseil a joint un lien vers un tweet, du 4 avril 2017, dans lequel le requérant avait signalé, ainsi que l’affirme ce dernier, que le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) avait considéré que « l’[Assemblée nationale] comm[ettait] actuellement un outrage et n’a[vait] pas la légalité ni la légitimité pour destituer des juges ».

104    Le requérant, en considérant que le Conseil a notamment renvoyé à l’arrêt no 2, du 11 janvier 2017, du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) dans lequel la chambre constitutionnelle de ce dernier avait effectivement énoncé que l’Assemblée nationale avait commis un outrage, souligne de nouveau qu’il n’a pas participé à l’adoption de cet arrêt et qu’il ne l’a pas davantage signé. Il fait en outre valoir que l’interprétation de la Constitution par la chambre constitutionnelle s’impose à tous et que, par le tweet en question, il n’a exprimé ni son approbation ni son soutien à l’arrêt en cause, mais en aurait simplement rapporté les termes.

105    Néanmoins, au vu des fonctions du requérant de président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), il y a lieu de constater que, en rapportant la substance de telles décisions de ladite juridiction dans un tweet, il leur a apporté son crédit, malgré le fait qu’elles affectaient le statut de l’Assemblée nationale et, partant, l’équilibre des pouvoirs au Venezuela. En d’autres termes, ce tweet apparaît comme un soutien à la jurisprudence progouvernementale de la chambre constitutionnelle du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) qui a eu pour effet d’usurper l’autorité de l’Assemblée nationale.

106    Il importe également d’ajouter que, compte tenu du caractère controversé des arrêts nos 155, du 27 mars 2017, et 156, du 29 mars 2017, reconnu par le requérant lors de l’audience, le tweet en cause est intervenu postérieurement, d’une part, à la demande du pouvoir exécutif de « clarifier » ces arrêts et, d’autre part, au prononcé des arrêts nos 157 et 158, du 1er avril 2017, adoptés à cette fin. Dès lors, le requérant ne saurait ignorer que, dans un tel contexte, ledit tweet, publié seulement trois jours plus tard, à savoir le 4 avril 2017, pouvait être perçu comme l’expression de son soutien à la jurisprudence progouvernementale de la chambre constitutionnelle.

107    Enfin, il ressort du rapport sur le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) de la Commission internationale de juristes, cité au point 90 ci-dessus, que deux anciens juges de ladite juridiction ont déclaré avoir fait l’objet de pressions afin de démissionner pour permettre l’élection à leur place de magistrats favorables au régime.

108    Dans ce contexte, le Conseil soutient qu’il ressort d’un article, paru le 3 mars 2016 sur le site Internet « noticierodigital.com », cité au point 78 ci-dessus, que le requérant, alors vice-président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), avait fait pression sur une des juges mentionnés au point 107 ci-dessus afin d’obtenir sa démission et de permettre l’élection de magistrats favorables au régime.

109    À cet égard, le requérant se limite à soutenir que, hormis son titre et son sous-titre, rien dans cet article ne l’incrimine et que les menaces en question étaient en réalité imputées à l’ancienne présidente du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême).

110    Indépendamment de son titre et de son sous-titre, ledit article comporte un lien vers le site d’hébergement de vidéos « YouTube » où les déclarations explicites en ce sens de l’ancienne juge du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) sont disponibles. Or, ces déclarations incriminent le requérant et suggèrent qu’il a agi sur ordre du gouvernement. Le requérant n’a pas contesté ces déclarations, ni la fiabilité dudit lien.

111    Le requérant soutient que, conformément à l’article 254 de la Constitution et à l’article 37, paragraphe 5, de la loi organique relative au Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), cette juridiction est un organe indépendant dont les membres doivent renoncer à tout militantisme politique.

112    Certes, lesdits textes visent à organiser l’indépendance du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême). Toutefois, bien que ces textes ne puissent être ignorés, la question que posent les motifs des actes attaqués est différente. Notamment, il s’agit de savoir si, dans les faits, il est établi que le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) était une juridiction indépendante et si, dans l’exercice de ses fonctions de président et précédemment de vice-président de cette juridiction, le requérant est responsable des actes qui lui ont été imputés par le Conseil.

113    Au vu des considérations exposées aux points 80 à 112 ci-dessus dans le cadre du présent moyen, il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a conclu que, compte tenu des fonctions de président et d’ancien vice-président du Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême), et dans l’exercice de ses fonctions, le requérant a soutenu et facilité les actions et les politiques du gouvernement, qui ont porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela, et était responsable d’actions et de déclarations qui ont eu pour effet d’usurper l’autorité de l’Assemblée nationale.

114    Dès lors, le second moyen doit être rejeté.

115    Partant, le premier moyen étant également rejeté, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

116    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Maikel José Moreno Pérez est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Reine

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.