Language of document : ECLI:EU:T:2020:218

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

28 mai 2020 (*)

« Environnement – Gaz à effet de serre fluorés – Règlement (UE) no 517/2014 – Mise sur le marché d’hydrofluorocarbones – Décision constatant qu’une entreprise a dépassé le quota qui lui a été alloué et lui infligeant une sanction – Correction du registre électronique des quotas – Transfert de quota – Autorisation d’utiliser un quota – Principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑739/18,

Darment Oy, établie à Helsinki (Finlande), représentée par Me C. Ginter, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J.-F. Brakeland, Mmes A. C. Becker et M. Jauregui Gomez, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 16 octobre 2018 constatant que la requérante a dépassé en 2017 son quota pour la mise sur le marché d’hydrofluorocarbones et lui imposant une sanction consistant à réduire son quota pour la prochaine période d’allocation de quotas de 31 370 tonnes-équivalent CO2,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme O. Porchia, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les hydrofluorocarbones (HFC) sont une catégorie de gaz à effet de serre fluorés utilisés, notamment, dans les systèmes de réfrigération et de climatisation, les aérosols et la fabrication de mousses isolantes.

2        Dans le cadre de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (UE) no 517/2014, du 16 avril 2014, relatif aux gaz à effet de serre fluorés et abrogeant le règlement (CE) no 842/2006 (JO 2014, L 150, p. 195).

3        La réduction progressive des quantités de HFC qui peuvent être mises sur le marché de l’Union européenne a été considérée comme le moyen le plus efficace et présentant le meilleur rapport coût-efficacité pour réduire les émissions de ces substances à long terme.

4        Pour mettre en œuvre cette réduction progressive, le règlement no 517/2014 prévoit que la Commission européenne doit notamment déterminer, chaque année, une quantité maximale de HFC pouvant être mise sur le marché de l’Union ainsi que les quotas de HFC que les producteurs ou importateurs sont autorisés à mettre sur le marché. Dans ce contexte, la Commission a également établi, conformément à l’article 17 dudit règlement, un registre électronique des quotas de mise sur le marché de HFC (ci-après le « registre HFC ») dont elle assure le fonctionnement. Les producteurs et importateurs auxquels un quota de mise sur le marché de HFC est alloué doivent s’inscrire sur ce registre.

5        En outre, il convient de relever que le règlement no 517/2014 s’applique à la fois à la mise sur le marché de HFC en vrac et à la mise sur le marché d’équipements préchargés en HFC.

6        Sur ce point, l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 517/2014 précise que, à compter du 1er janvier 2017, les équipements de réfrigération, de climatisation et de pompes à chaleur préchargés en HFC ne sont mis sur le marché que si les HFC préchargés dans ces équipements sont comptabilisés dans le système des quotas.

7        Le règlement no 517/2014 prévoit, par ailleurs, la faculté de mettre un quota alloué à un importateur ou producteur à la disposition d’un autre importateur ou producteur.

8        À cet égard, l’article 18 dudit règlement opère une distinction entre, d’une part, le transfert de quota, régi par son paragraphe 1 et s’appliquant à la mise sur le marché de HFC en vrac, et, d’autre part, l’autorisation d’utiliser un quota, régie par son paragraphe 2 et s’appliquant à la mise sur le marché d’équipements préchargés en HFC visée à l’article 14 du même règlement.

9        En effet, au titre de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 517/2014, un producteur ou un importateur pour lequel une valeur de référence a été déterminée en vertu de l’article 16, paragraphe 1 ou 3, du même règlement et auquel un quota a été alloué conformément à l’article 16, paragraphe 5, dudit règlement peut transférer intégralement ou partiellement ce quota à un autre producteur ou importateur de l’Union.

10      Par ailleurs, aux termes de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 517/2014, un producteur ou un importateur auquel un quota a été alloué en vertu de l’article 16, paragraphe 1 ou 3, du même règlement ou auquel un quota a été transféré en vertu de l’article 18, paragraphe 1, de ce règlement peut autoriser une autre entreprise à utiliser son quota aux fins de l’article 14 dudit règlement. Il ressort de l’article 18, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 517/2014 que les quantités de HFC correspondantes sont réputées être mises sur le marché à la date à laquelle l’autorisation est accordée par le producteur ou l’importateur.

11      En vertu de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 517/2014, les entreprises auxquelles des quotas ont été alloués doivent communiquer à la Commission des informations relatives aux quantités de HFC produites ou importées dans l’Union. De plus, au titre de l’article 19, paragraphe 6, dudit règlement, chaque entreprise qui, en vertu de son paragraphe 1, a déclaré la mise sur le marché de 10 000 tonnes-équivalent CO2 ou plus de HFC au cours de l’année civile précédente fait en sorte que l’exactitude de ces informations soit vérifiée par un vérificateur indépendant.

12      Enfin, aux termes de l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014, les entreprises qui ont dépassé le quota de mise sur le marché de HFC qui leur a été alloué conformément à l’article 16, paragraphe 5, ou transféré conformément à l’article 18 du même règlement ne se voient allouer qu’un quota réduit pour la période d’allocation qui suit la mise en évidence du dépassement, la réduction correspondant à 200 % de la quantité dépassant le quota.

13      La requérante, Darment Oy, est une entreprise finlandaise active dans le secteur des HFC.

14      Le 4 juin 2015, la requérante s’est enregistrée dans le registre HFC en tant qu’importateur d’équipements préchargés en HFC et en tant qu’entreprise mettant sur le marché des HFC en vrac.

15      La Commission a alloué à la requérante, en vertu de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 517/2014, des quotas de mise sur le marché de HFC pour les années 2016 à 2018, à savoir 47 690 tonnes-équivalent CO2 pour 2016, 34 060 tonnes-équivalent CO2 pour 2017 et 11 650 tonnes-équivalent CO2 pour 2018.

16      Le 10 août 2017, deux entreprises estoniennes, Arctica Ref OÜ et Arctica Solutions OÜ, ont autorisé, sur le fondement de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 517/2014, la requérante à utiliser leurs quotas, respectivement de 14 929 et de 762 tonnes-équivalent CO2.

17      En 2017, la requérante a mis sur le marché 49 745 tonnes-équivalent CO2 de HFC en vrac. Pendant cette période, elle n’a pas mis d’équipements préchargés en HFC sur le marché.

18      Selon la requérante, en mars 2018, la date limite de déclaration de la quantité de HFC mise sur le marché en 2017 approchant, Arctica Ref, Arctica Solutions et elle-même ont découvert qu’une erreur avait été commise lors de la mise à disposition des quotas d’Arctica Ref et d’Arctica Solutions. Ces deux dernières auraient réalisé que, alors que leur intention avait été de transférer à la requérante leurs quotas en vue d’une mise sur le marché de HFC en vrac, elles avaient erronément donné une autorisation d’utiliser leurs quotas en vue d’une mise sur le marché d’équipements préchargés en HFC.

19      Le 28 mars 2018, un représentant d’Arctica Ref et d’Arctica Solutions a adressé à la Commission un courriel dans lequel il faisait état du fait que ces deux sociétés avaient eu l’intention de transférer à la requérante des quotas pour la mise sur le marché de HFC en vrac en 2017, mais que, en raison d’un « problème », elles avaient autorisé la requérante à utiliser leurs quotas pour la mise sur le marché d’équipements préchargés en HFC. Il demandait alors à la Commission s’il existait un moyen de régler ce problème en permettant à la requérante de comptabiliser lesdits quotas pour la mise sur le marché de HFC en vrac en 2017.

20      Par courriel du même jour, la Commission a répondu en rappelant notamment la différence entre le transfert de quota et l’autorisation d’utiliser un quota et en indiquant qu’elle examinerait « en profondeur » les rapports relatifs à la mise sur le marché de HFC en 2017. Par ailleurs, elle demandait que la requérante lui adresse un courriel lui indiquant quelle avait été sa demande et comment s’était déroulée la procédure.

21      Par courriel du même jour, la requérante a souligné, notamment, qu’elle avait eu besoin d’un quota additionnel pour la mise sur le marché de HFC en vrac en 2017 et que, dans ce contexte, elle avait été autorisée à utiliser les quotas, respectivement de 14 929 et 762 tonnes-équivalent CO2, d’Arctica Ref et d’Arctica Solutions. Toutefois, il était apparu qu’elle ne pouvait pas se prévaloir de ces quotas, dans la mesure où ils ne permettaient pas la mise sur le marché de HFC en vrac, mais uniquement la mise sur le marché d’équipements préchargés en HFC. Elle précisait à cet égard qu’elle n’importait pas de tels équipements sur le marché de l’Union. Elle demandait donc à la Commission de prendre en compte ses explications dans le cadre de sa vérification.

22      Par courriel du 10 avril 2018, la Commission a répondu au courriel de la requérante du 28 mars 2018 en lui indiquant que ses explications seraient examinées « plus en profondeur » au cours de la période de vérification.

23      Le 19 juin 2018, la requérante a présenté, en application de l’article 19 du règlement no 517/2014, son rapport de vérification au titre de l’année 2017, lequel indiquait que, ladite année, elle avait mis sur le marché 49 745 tonnes-équivalent CO2 de HFC en vrac.

24      Le 3 juillet 2018, la requérante a reçu un courriel automatique de la Commission l’informant que les données déclarées étaient en cours d’examen dans le cadre du processus de vérification, ce qui pouvait aboutir à l’imposition de sanctions conformément à l’article 25 du règlement no 517/2014. Ledit courriel invitait également la requérante à produire un rapport de vérification « avant le 30 juin 2018 ».

25      Par courriel du 5 juillet 2018, la requérante a répondu à la Commission qu’elle avait déjà fourni des explications à cet égard.

26      Par courriel du 27 août 2018, la Commission a rappelé à la requérante ses précédents messages tout en insistant sur la différence entre le transfert de quota et l’autorisation d’utiliser un quota.

27      Par lettre du 16 octobre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission s’est adressée à la requérante au sujet du « Respect de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 517/2014 ». La décision attaquée est ainsi libellée :

« […] Dans votre rapport, présenté en application de l’article 19 du règlement précité, il est indiqué que vous avez mis sur le marché 49 475 tonnes-équivalent CO2 en 2017, alors que votre quota disponible n’était que de 34 060 tonnes-équivalent CO2. De plus, malgré nos demandes répétées, vous n’avez pas fourni de rapport vérifié par un vérificateur indépendant, conformément à l’article 19, paragraphe 6, du règlement [no 517/2014].

Conformément à l’article 25, paragraphe 2, du règlement [no 517/2014], la Commission réduira, pour la prochaine période d’attribution de quota, de 31 370 tonnes-équivalent CO2 les quotas pour l’ensemble des quotas qui vous sont alloués, par exemple, conformément à l’article 19 [du règlement no 517/2014], 200 % de la quantité dont le quota a été dépassé conformément à votre rapport.

[…]

Si vous souhaitez vous opposer à cette réduction de quota, nous vous demandons d’envoyer votre avis motivé dans les quatre semaines suivant la réception de la présente lettre. Vous avez également le droit d’introduire un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 [TFUE] contre la Commission dans les deux mois suivant la réception de la présente lettre […] »

28      Le 12 novembre 2018, la requérante a indiqué à la Commission qu’elle n’était pas d’accord avec la réduction en cause et lui a demandé une prorogation du délai fixé dans sa lettre du 16 octobre 2018 afin de recevoir des informations des autorités finlandaises. Cette demande a été rejetée par la Commission le même jour.

29      Le 12 décembre 2018, la requérante a reçu un courriel automatique de la Commission l’informant que les quotas pour 2019 avaient été insérés dans le registre HFC. Il résultait de ce dernier que le quota qui lui était alloué pour la mise sur le marché de HFC en 2019 était de 0 tonne-équivalent CO2.

30      Pour ce qui concerne les quotas pour 2018, la requérante a reçu, le 5 juin 2018, une autorisation d’utiliser le quota d’Arctica Ref s’élevant à 275 tonnes-équivalent CO2. Quelques heures plus tard, la requérante a modifié son profil d’activité dans le registre HFC en supprimant la référence à l’importation d’équipements préchargés en HFC.

 Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2018, la requérante a introduit le présent recours.

32      Par une mesure d’organisation de la procédure du 12 décembre 2019, des questions ont été posées à la Commission pour réponse écrite, auxquelles cette dernière a répondu dans le délai imparti. La requérante n’a pas donné suite à l’invitation à prendre position sur les réponses de la Commission.

33      Le 27 mars 2020, la requérante a introduit une demande en référé tendant au sursis de la décision attaquée.

34      Dans le présent recours, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

35      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

36      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application dudit article.

37      Par son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission a violé le règlement no 517/2014 en appliquant une sanction, sur la base de son article 25, paragraphe 2, fondée sur les données figurant dans le registre HFC, en dépit de sa réclamation tendant à la correction de ces données. La Commission aurait ainsi appliqué une sanction sur le fondement d’une information dont le caractère erroné lui avait été signalé en temps utile.

38      Le second moyen comporte trois griefs. Par le premier grief, la requérante fait notamment valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 en refusant de tenir compte de ses explications concernant l’existence de données erronées dans le registre HFC. Par le deuxième grief, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en motivant la sanction par le fait qu’elle avait omis de produire, conformément à l’article 19, paragraphe 6, du règlement no 517/2014, un rapport établi par un vérificateur indépendant. Par le troisième grief, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste lors du calcul du montant de la sanction.

39      Par ailleurs, au soutien de ces moyens, la requérante fait valoir que les dispositions du droit dérivé de l’Union doivent être interprétées à la lumière de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment de son article 41 qui consacre le droit à une bonne administration.

40      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

41      Le premier moyen et le premier grief du second moyen se recoupant dans une large mesure, il convient de les examiner ensemble.

42      En l’espèce, il est constant que la requérante disposait pour 2017 d’un quota de mise sur le marché de HFC alloué par la Commission de 34 060 tonnes-équivalent CO2.

43      Il est également constant que la requérante a mis 49 745 tonnes-équivalent CO2 de HFC en vrac sur le marché en 2017, ainsi qu’il résulte de son rapport du 19 juin 2018. Si, à cet égard, la décision attaquée retient le chiffre de 49 475 tonnes-équivalent CO2 de HFC, il s’avère qu’il s’agit d’une erreur de plume.

44      De même, il est constant qu’il ressort du registre HFC qu’Arctica Ref et Arctica Solutions ont autorisé, pour 2017, la requérante à utiliser leurs quotas, respectivement de 14 929 et de 762 tonnes-équivalent CO2. N’ayant pas mis d’équipements préchargés en HFC sur le marché en 2017 (voir point 17 ci-dessus), la requérante ne s’est pas servie de ces autorisations d’utiliser leurs quotas.

45      C’est ainsi que la Commission a retenu implicitement, dans la décision attaquée, que la requérante avait dépassé son quota pour 2017 de 15 685 tonnes-équivalent CO2, ce dépassement correspondant à la différence entre les 49 745 tonnes-équivalent CO2 qu’elle a mises sur le marché et les 34 060 tonnes-équivalent CO2 qui lui avaient été allouées. Dès lors, la Commission a conclu à une réduction de quota pour la prochaine période d’allocation de 31 370 tonnes-équivalent CO2, représentant, conformément à l’article 25, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 517/2014, 200 % du dépassement de quota de la requérante.

46      Aux fins de l’examen de la décision attaquée, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014, les entreprises qui ont dépassé le quota de mise sur le marché de HFC qui leur a été alloué conformément à l’article 16, paragraphe 5, ou transféré conformément à l’article 18 dudit règlement ne se voient allouer qu’un quota réduit pour la période d’allocation qui suit la mise en évidence du dépassement, la réduction correspondant à 200 % de la quantité dépassant le quota.

47      Comme le soutient la Commission, l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 ne prévoit aucune marge d’appréciation à cette dernière pour l’imposition de la sanction, qui est la conséquence automatique du dépassement de quota.

48      Toutefois, en l’espèce, la question qui se pose est de savoir si la Commission a pu constater, sans violer l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 517/2014, tel qu’interprété à la lumière du principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, que la requérante a dépassé son quota de mise sur le marché de HFC en vrac de 15 685 tonnes-équivalent CO2, alors qu’elle avait fourni des explications concernant l’existence de données erronées dans le registre HFC.

49      À cet égard, il est précisé à l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 que la sanction est appliquée pour la période d’allocation qui suit « la mise en évidence du dépassement ».

50      Il en résulte que la sanction est imposée en raison d’une situation objective, à savoir le dépassement par l’opérateur en cause du quota qui lui a été alloué ou transféré.

51      L’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 ne précise pas sur quels éléments la Commission doit se fonder pour constater qu’un opérateur économique a dépassé son quota.

52      Or, comme le soutient la Commission, il peut être déduit de l’économie du règlement no 517/2014 que, en règle générale, elle doit se fonder, d’une part, sur les données contenues dans le registre HFC, établi et géré par elle conformément à l’article 17 dudit règlement, et, d’autre part, sur les informations communiquées par les opérateurs conformément à l’article 19 dudit règlement.

53      Toutefois, si, en règle générale, la Commission doit se fier aux données contenues dans le registre HFC en ce qui concerne le quota dont disposent les opérateurs, il convient de relever que, lorsque la partie concernée fait valoir que ces données ne sont pas correctes, l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 ne saurait dispenser la Commission du respect du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

54      En effet, parmi les garanties conférées par le principe de bonne administration figure l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, point 404, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 170).

55      Dans le cas d’espèce, il convient de rappeler que tant la requérante qu’Arctica Ref et Arctica Solutions ont, le 28 mars 2018, porté à la connaissance de la Commission que la requérante avait reçu par erreur l’autorisation d’utiliser les quotas de ces deux dernières au lieu de se les voir transférés, lesdites sociétés ayant eu l’intention de transférer leurs quotas à la requérante pour une mise sur le marché de HFC en vrac. Ainsi, les entreprises concernées ont prié la Commission de régulariser le problème soulevé en réformant les autorisations.

56      La Commission a répondu le même jour à Arctica Ref et Arctica Solutions qu’elle examinerait « en profondeur » les rapports relatifs à la mise sur le marché de HFC en 2017. En outre, elle a demandé que la requérante lui adresse un courriel lui expliquant quelle avait été sa demande et comment s’était déroulée la procédure.

57      En réponse aux explications de la requérante envoyées par courriel le même jour, la Commission a affirmé, le 10 avril 2018, qu’elle les examinerait « plus en profondeur ».

58      Ainsi, la Commission a laissé entendre à la requérante qu’une correction des données contenues dans le registre HFC était possible et qu’elle procéderait à un examen sur la base des informations soumises par celle-ci et par Arctica Ref et Arctica Solutions.

59      Toutefois, la décision attaquée se limite à constater que la requérante a dépassé le quota qui lui avait été alloué et qu’elle n’a pas soumis le rapport vérifié par un vérificateur indépendant.

60      S’agissant de ce dernier élément, il convient de relever que la Commission a admis, au cours de la procédure devant le Tribunal, que la requérante avait soumis dans le délai imparti le rapport vérifié par un vérificateur indépendant.

61      En revanche, la décision attaquée ne contient aucune indication relative au signalement d’une « erreur » de la part de la requérante et d’Arctica Ref et Arctica Solutions, ni aucun élément expliquant la raison pour laquelle la Commission n’a pas procédé à un examen de ce signalement et à une éventuelle correction des données dans le registre HFC.

62      En outre, force est de constater que le dossier ne contient pas d’élément permettant d’établir que la Commission a effectivement procédé à une analyse approfondie des explications, pourtant fournies en temps utile tant par Arctica Ref et Arctica Solutions que par la requérante, avant la prise de la décision attaquée.

63      Toutefois, avant de pouvoir constater que la Commission, dans son appréciation, a méconnu les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 lu à la lumière du principe de bonne administration, il convient encore d’examiner deux arguments, tirés des règles spécifiques du règlement no 517/2014, qu’elle avance devant le Tribunal afin de justifier la décision attaquée.

64      En effet, d’une part, la Commission fait valoir qu’une correction dans le registre HFC n’est pas possible. D’autre part, la Commission soutient que la transformation d’une autorisation d’utiliser un quota en transfert de quota est impossible sous peine d’un contournement des règles édictées à l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 517/2014.

65      En premier lieu, en ce qui concerne la faculté, pour la Commission, de procéder à la correction des données contenues dans le registre HFC, il convient de relever qu’il ne s’agit pas d’examiner si celle-ci était tenue, en l’espèce, de procéder à la correction demandée par la requérante. Il s’agit seulement d’examiner si, comme le soutient la Commission, il existait des raisons excluant la possibilité d’une telle correction.

66      Initialement, la Commission a fait valoir que le règlement no 517/2014 ne permettait pas la rectification des informations contenues dans le registre HFC. Toutefois, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a ensuite admis qu’une correction n’était pas exclue de manière catégorique.

67      En effet, même si aucune disposition du règlement no 517/2014 ne prévoit expressément la possibilité d’une rectification des informations contenues dans le registre HFC, il n’en reste pas moins que ledit règlement ne prohibe pas non plus expressément une telle rectification.

68      Par ailleurs, l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 517/2014 dispose, dans des termes généraux, que la Commission « établit un registre électronique des quotas […] et en assure le fonctionnement ». En outre, selon les termes de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 517/2014, la Commission peut, par voie d’actes d’exécution, dans la mesure nécessaire, assurer le bon fonctionnement du registre.

69      Si la Commission n’affirme plus qu’une correction des données contenues dans le registre HFC est exclue par principe, elle soutient l’existence de circonstances excluant, dans le cas d’espèce, la rectification.

70      Ainsi, premièrement, la Commission laisse entendre que la requérante a agi de mauvaise foi. La Commission se demande si la requérante a délibérément choisi l’autorisation d’utilisation de quota au lieu du transfert de quota, en espérant qu’un tel choix ne serait pas détecté. À cet égard, la Commission relève que la requérante a, en juin 2018, accepté l’autorisation d’utiliser un quota d’Arctica Ref et a modifié, quelques heures après, son profil dans le registre HFC pour se présenter comme un importateur de HFC en vrac uniquement.

71      Toutefois, il importe de relever qu’Arctica Ref et Arctica Solutions ont porté volontairement et de leur propre initiative à l’attention de la Commission que leur intention était d’effectuer un transfert de quota. Cela contredit clairement les spéculations de la Commission. En outre, en ce qui concerne le fait que la requérante ait, en juin 2018, accepté l’autorisation d’utiliser un quota tout en changeant son profil d’activité dans le registre HFC par la suite, il convient de relever que cet élément se rapporte aux quotas pour l’année 2018 et est, de ce fait, dénué de pertinence pour l’examen de la situation relative aux quotas pour l’année 2017.

72      Deuxièmement, la Commission soutient que les données figurant dans le registre HFC sont correctes en ce qu’elles correspondent aux déclarations effectivement faites par Arctica Ref et Arctica Solutions.

73      Certes, en l’espèce, ces données ne sont pas intrinsèquement erronées, en ce sens qu’elles correspondent aux déclarations effectuées par Arctica Ref et Arctica Solutions.

74      Toutefois, dans la mesure où Arctica Ref et Arctica Solutions affirment avoir eu l’intention de transférer leurs quotas à la requérante aux fins de la mise sur le marché de HFC en vrac, l’erreur alléguée réside dans le fait que la déclaration effectuée et enregistrée dans le registre HFC ne correspond ni à la volonté de la requérante ni à celle d’Arctica Ref et d’Arctica Solutions. Il s’agit ainsi de tenir compte d’une erreur alléguée commise par lesdites sociétés lors de leur déclaration de mise à disposition de leurs quotas à la requérante.

75      En outre, l’erreur alléguée d’Arctica Ref et d’Arctica Solutions a été portée à la connaissance de la Commission tant par ces deux sociétés que par la requérante. Par ailleurs, il convient de souligner que la requérante avait besoin de ces quotas additionnels pour la mise sur le marché de HFC en vrac alors qu’elle n’avait pas besoin d’une autorisation d’utilisation de quota pour la mise sur le marché d’équipements préchargés en HFC, dont elle n’a d’ailleurs pas fait usage par la suite.

76      Troisièmement, la thèse de la Commission selon laquelle le fait que les déclarations effectuées dans le registre HFC par la requérante et Arctica Ref et Arctica Solutions ne correspondent pas aux intentions de leurs auteurs ne rend pas l’inscription dans le registre HFC incorrecte doit être écartée.

77      En effet, ainsi qu’il résulte des explications fournies par la Commission elle-même, la mise à disposition de quotas, soit par le transfert de quota, soit par l’autorisation d’utiliser un quota, s’effectue entre le vendeur et l’acheteur du quota par l’intermédiaire du registre HFC et doit être « validée » par ce registre.

78      Ainsi, la thèse de la Commission selon laquelle la volonté des parties à une cession de quota ne saurait être pertinente aurait pour conséquence que l’acheteur et le vendeur seraient contraints soit d’effectuer, soit de renoncer tout simplement, à une opération déclarée au registre HFC qu’ils ne voulaient pas réaliser et qui est contraire à leur volonté effective et aux circonstances réelles.

79      Quatrièmement, l’argument selon lequel la correction des déclarations effectuées au registre HFC demandée par la requérante serait impossible en ce qu’elle impliquerait également des changements dans les données communiquées par Arctica Ref pour l’année 2017 doit être écarté.

80      En effet, à cet égard, il suffit de rappeler que, le 28 mars 2018, à savoir préalablement à la clôture de la période de vérification, Arctica Ref et Arctica Solutions avaient expressément attiré l’attention de la Commission sur l’erreur alléguée qu’elles avaient commise dans leurs déclarations, de sorte que rien ne s’opposait à la prise en compte de cette erreur en temps utile et à ce que des changements soient effectués dans les rapports de ces entreprises se rapportant à l’année précédente en vertu de l’article 19 du règlement no 517/2014.

81      Pour la même raison, l’argument de la Commission selon lequel elle ne pouvait pas intervenir en 2018 sur des données qui se rapportaient à l’année 2017 doit être écarté.

82      Cinquièmement, la Commission ne peut pas non plus faire valablement valoir que la requérante aurait dû accompagner sa demande de pièces justificatives comme le contrat relatif au transfert de quota.

83      À cet égard, il convient de souligner qu’il est loisible à la Commission d’encadrer la possibilité de procéder à la rectification de données dans le registre HFC de certaines exigences formelles ou matérielles.

84      Toutefois, la Commission ne saurait refuser de procéder à la correction de données dans le registre HFC en s’appuyant sur des exigences qu’elle n’a jamais portées à l’attention de la partie concernée.

85      Enfin, sixièmement, l’argument de la Commission selon lequel procéder à la correction demandée par la requérante l’obligerait, conformément au principe d’égalité de traitement, à accepter toutes les demandes similaires formulées par d’autres entreprises, ce qui risquerait de compromettre la mise en œuvre effective de la réduction progressive des HFC, paraît largement exagéré, sinon complètement hypothétique.

86      En effet, il ressort des réponses fournies par la Commission que, depuis l’instauration du registre HFC, elle n’avait jamais été saisie d’une demande de transformer un transfert de quota en une autorisation d’utiliser un quota ou inversement. Ainsi, en l’espèce, la Commission étant saisie d’une seule demande de rectification, signalée avant la clôture de la période de vérification, et pour laquelle elle a laissé entendre qu’elle l’examinerait de manière approfondie, elle ne saurait refuser de l’examiner, dans la mesure où elle est responsable du bon fonctionnement du registre HFC ainsi que du suivi de la mise en œuvre effective du règlement no 517/2014.

87      En second lieu, s’agissant de l’argument tiré d’un contournement des règles édictées à l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 517/2014, il convient de constater que le refus catégorique de procéder à la correction demandée ne saurait non plus être justifié par le souci d’éviter que les exigences fixées dans le règlement no 517/2014 ne soient contournées.

88      À cet égard, la Commission affirme qu’Arctica Solutions relevait de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 et que, à ce titre, en vertu de l’article 18 du même règlement, elle ne pouvait transférer aucun quota. Elle ne pouvait qu’autoriser l’utilisation de son quota aux fins de l’article 14 dudit règlement, et ce à condition qu’elle fournisse matériellement les quantités de HFC correspondantes.

89      Or, il n’y a pas lieu d’examiner si, effectivement, comme le soutient la Commission, Arctica Solutions ne pouvait pas, pour des raisons juridiques, transférer son quota à la requérante.

90      En effet, il suffit de constater que, en tout état de cause, Arctica Ref, qui a également eu l’intention de transférer son quota de 14 929 tonnes-équivalent CO2 à la requérante, pouvait effectuer ledit transfert.

91      Ainsi, l’argument de la Commission tiré d’un contournement des dispositions du règlement no 517/2014 est trop général pour pouvoir justifier un refus catégorique de procéder à la correction des données dans le registre HFC, notamment à une correction relative au transfert de quota convenu entre Arctica Ref et la requérante.

92      Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’est pas parvenue à démontrer en l’espèce l’existence de raisons excluant la correction des données contenues dans le registre HFC telle que demandée par la requérante.

93      Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, la Commission ne pouvait pas, sans méconnaître l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 interprété à la lumière du principe de bonne administration, infliger une sanction à la requérante sans examiner avec soin et impartialité tous les éléments portés à sa connaissance.

94      La sanction étant déterminée, conformément à l’article 25, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 517/2014, en fonction de la quantité dépassant le quota alloué ou transféré, il convient d’annuler la décision attaquée par laquelle la Commission a réduit le quota alloué à la requérante pour la prochaine période d’allocation de 31 370 tonnes-équivalent CO2.

95      Le premier moyen et le premier grief du second moyen étant fondés, il convient d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs soulevés au soutien du second moyen.

 Sur les dépens

96      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

97      La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission européenne du 16 octobre 2018 constatant que Darment Oy a dépassé en 2017 son quota pour la mise sur le marché d’hydrofluorocarbones et lui imposant une sanction consistant à réduire son quota pour la prochaine période d’allocation de quotas de 31 370 tonnes-équivalent CO2 est annulée.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

Kanninen

Jaeger

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.