Language of document : ECLI:EU:T:2020:222

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

28 mai 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative STAYER – Usage sérieux de la marque – Article 18, paragraphe 1, et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux – Qualification des produits pour lesquels l’usage sérieux a été démontré »

Dans l’affaire T‑681/18,

ZAO Korporaciya « Masternet » , établie à Moscou (Russie), représentée par Me N. Bürglen, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Söder, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Stayer Ibérica, SA, établie à Pinto (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 7 septembre 2018 (affaire R 1940/2017‑5), relative à une procédure de déchéance entre Korporaciya « Masternet » et Stayer Ibérica,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak (rapporteure), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 novembre 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 mars 2019,

à la suite de l’audience du 8 novembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Stayer Ibérica, SA, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), est titulaire de la marque de l’Union européenne figurative STAYER, demandée le 7 octobre 2005 et enregistrée le 20 avril 2007  en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        Les produits pour lesquels la marque contestée est enregistrée relèvent, notamment, de la classe 8 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent à la description suivante : « Instruments à main pour abraser (disques et disques abrasifs) » (ci-après les « produits concernés »).

3        Le 11 mai 2016, la requérante, ZAO Korporaciya « Masternet », a présenté, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], une demande en déchéance partielle de la marque contestée au motif qu’elle n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux en rapport avec les produits concernés.

4        Par décision du 25 juillet 2017, la division d’annulation a rejeté la demande en déchéance.

5        Le 6 septembre 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001).

6        Par décision du 7 septembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que les éléments de preuve présentés par l’autre partie à la procédure démontraient l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits concernés.

7        À titre liminaire, la chambre de recours a relevé que, comme la marque contestée avait été enregistrée le 20 avril 2007, que la demande en déchéance avait été déposée le 11 mai 2016 et que, par conséquent, ladite marque était enregistrée depuis plus de cinq ans à la date du dépôt de la demande en déchéance, la période pertinente pour établir l’usage sérieux allait du 11 mai 2011 au 10 mai 2016.

8        À cet égard, la chambre de recours a indiqué que l’autre partie à la procédure avait produit les éléments de preuve suivants : un contrat de représentation commerciale avec une société britannique, concernant notamment la distribution de disques abrasifs et diamantés au Royaume-Uni et en Irlande ; un contrat de distribution avec une société polonaise pour la distribution d’outils électriques en Pologne ; différents catalogues ou brochures à destination des marchés polonais, italien, anglophones, espagnol et français, dans lesquels figuraient des représentations de la marque contestée en association avec des disques ou des disques abrasifs, et des factures adressées à diverses sociétés implantées en Grèce, Italie, Pologne, Roumanie et Espagne, datées du 10 mai 2011 au 30 avril 2016, référençant des ventes de différents types de disques.

9        Au regard de ces éléments de preuve, la chambre de recours a considéré, tout d’abord, que la durée et le lieu de l’usage  tout comme l’utilisation effective et suffisante de la marque contestée étaient établis. Quant à la nature de l’usage, la chambre de recours a également relevé que l’utilisation de la marque contestée ou de variantes de celle-ci satisfaisait aux conditions définies par l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

10      Enfin, en ce qui concerne l’usage en rapport avec les produits concernés, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve présentés permettaient d’établir que la marque contestée avait été utilisée avec ou sur « différents types de disques abrasifs pour couper et abraser ».

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui du recours, la requérante invoque en substance un moyen unique tiré de la violation de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2017/1001. À cet égard, elle fait valoir que l’usage de la marque contestée n’a pas été démontré pour les produits concernés, qui sont des produits relevant de la classe 8 et qui devraient donc être rattachés, selon son interprétation, à des outils actionnés à la main et non à des outils électriques, même s’il s’agit d’outils à main, qui relèveraient eux de la classe 7.

14      L’EUIPO conteste cette argumentation.

15      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante et l’EUIPO se réfèrent, dans leurs écritures, aux dispositions du règlement 2017/1001. Toutefois, compte tenu de la date d’introduction de la demande de déchéance en cause, en l’occurrence le 11 mai 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009. Dans la mesure où les articles 18 et 58 du règlement 2017/1001 correspondent aux articles 15 et 51 du règlement no 207/2009, il y a lieu d’entendre les références faites par les parties aux premiers articles comme visant ces derniers articles (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, points 3 et 25). Selon l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, lu en combinaison avec l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 dans le cadre d’une procédure de déchéance, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de juste motif pour le non-usage.

16      Aux termes de la règle 22, paragraphe 3 et 4, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphe 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], les indications et les preuves de l’usage doivent établir le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 76, paragraphe 1, sous f), du règlement no 40/94.

17      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 5 mars 2019, Meblo Trade/EUIPO – Meblo Int (MEBLO), T‑263/18, non publié, EU:T:2019:134, point 36 et jurisprudence citée].

18      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et des services visés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 5 mars 2019, MEBLO, T‑263/18, non publié, EU:T:2019:134, point 37 et jurisprudence citée).

19      L’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. Il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2019, MEBLO, T‑263/18, non publié, EU:T:2019:134, point 38 et jurisprudence citée).

20      C’est à la lumière de ce qui précède qu’il convient d’examiner le présent moyen.

21      D’emblée, il y a lieu de relever que, comme le souligne à juste titre l’EUIPO, la requérante ne remet pas en cause les constatations de la chambre de recours selon lesquelles les éléments de preuve présentés par l’autre partie à la procédure satisfont aux exigences relatives à la durée, au lieu, à l’importance et à la nature de l’usage (voir point 9 ci-dessus). Seules les constations de la chambre de recours relatives à la démonstration par l’autre partie à la procédure d’un usage en rapport avec les produits concernés, notamment celles reprises au point 10 ci-dessus, sont soumises à l’appréciation du Tribunal dans le cadre du présent litige.

22      À cet égard, il convient de rappeler que la marque contestée a été déposée en espagnol et en anglais pour les « instruments à main pour abraser (disques et disques abrasifs) » compris dans la classe 8 [« instrumentos manuales abrasivos (discos y muelas) » en espagnol et « hand held abrasive items (wheels and grinding wheels ) » en anglais]. Il convient également de souligner que le mot « disques » en français coïncide avec les mots « wheels » et « discs » en anglais.

23      Contrairement à ce que fait valoir la requérante et comme l’a indiqué la chambre de recours dans la décision attaquée, il n’y a pas de différence notable entre la description des produits concernés en espagnol, première langue utilisée dans la demande d’enregistrement de la marque contestée, et la description desdits produits en anglais, deuxième langue utilisée dans cette demande.

24      En effet, comme l’expose à juste titre la chambre de recours, qui évoque sur ce point les définitions des mots « instrumento » et « manual » extraites du dictionnaire en ligne espagnol intitulé Diccionario de la lengua Española, le terme « instrumentos » peut être traduit par « items » et le terme qualificatif « manuales » par « à main » aussi bien que par « fait à la main ». La chambre de recours relève à cet égard que les instruments à main comprennent les instruments actionnés à la main.

25      Dès lors, le terme « hand held » étant l’une des traductions du terme espagnol « manuales », c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré dans la décision attaquée, que les termes précités désignent l’ensemble des « instruments à main pour abraser » plutôt que des « instruments pour abraser actionnés à la main », une catégorie plus limitée, qui selon l’interprétation privilégiée par la requérante comprendrait les « instruments actionnés ou contrôlés à la main, plutôt qu’automatiquement ou électroniquement ».

26      Au demeurant, comme le fait également valoir l’EUIPO dans son mémoire, il convient aussi de tenir compte du fait que la référence faite aux « instruments à main pour abraser » est immédiatement suivie des termes « disques et disques abrasifs » entre parenthèses. L’utilisation de ces parenthèses a ici pour effet de restreindre le champ de la protection demandée aux seuls « disques et disques abrasifs » qui sont englobés dans la catégorie des « instruments à main pour abraser » [voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2016, Lidl Stiftung/EUIPO – Horno del Espinar (Castello), T‑549/14, non publié, EU:T:2016:594, point 71]. Ce sont les « disques et disques abrasifs » en tant que tels pour lesquels la marque contestée a été enregistrée, et non l’ensemble ou seulement certains types d’instruments à main avec lesquels ceux-ci peuvent être associés.

27      Il ressort de ce qui précède qu’il ne peut être fait grief à la chambre de recours d’avoir examiné dans la décision attaquée les éléments de preuve présentés par l’autre partie à la procédure en considération de la description des produits concernés faite dans la demande d’enregistrement de la marque contestée et reprise dans la décision attaquée, laquelle visait tant en espagnol qu’en anglais les « instruments à main pour abraser (disques et disques abrasifs) ».

28      Par ailleurs, il ne peut non plus être reproché à la chambre de recours d’avoir considéré que les éléments de preuve présentés par l’autre partie à la procédure permettent d’établir l’usage de la marque contestée en rapport avec « différents types de disques abrasifs pour couper et abraser ».

29      Ces éléments de preuve font effectivement état de disques proposés ou vendus sur le marché en tant que tels et sur lesquels la marque contestée est apposée. En effet, ainsi qu’il est indiqué dans la décision attaquée, le contrat de représentation commerciale avec une société britannique concerne notamment la distribution de disques abrasifs et diamantés au Royaume-Uni et en Irlande ; les différents catalogues et brochures produits, lesquels concernent les marchés polonais, italien, anglophones, espagnol et français, font état de représentations de la marque contestée en association avec de nombreux types de disques ou de disques abrasifs ; enfin, les nombreuses factures présentées, adressées à diverses sociétés implantées en Grèce, Italie, Pologne, Roumanie et Espagne, font référence à plusieurs types de disques ou de disques abrasifs.

30      Ces constations, faites à partir d’éléments de preuve qui illustrent la commercialisation et la vente de « disques et disques abrasifs » en tant que tels, ne sont pas remises en cause par l’observation qui est aussi faite par la chambre de recours dans la décision attaquée, selon laquelle ces éléments ainsi que d’autres éléments de preuve permettent aussi d’établir que ces « différents types de disques abrasifs pour couper et abraser » sont des « instruments abrasifs destinés à être insérés dans différents outils utilisés pour couper ou abraser », dont des « outils à main ».

31      En effet, ainsi qu’il a déjà été relevé ce sont les disques et disques abrasifs pour lesquels la marque a été enregistrée, et non l’ensemble ou seulement certains types d’instruments à main avec lesquels ceux-ci peuvent être associés, comme accessoires ou compléments. En l’espèce, il n’incombait pas à l’autre partie à la procédure d’établir l’usage de la marque contestée en rapport avec différents outils susceptibles d’être utilisés pour couper ou abraser à l’aide de disques.

32      Au demeurant, cette distinction suggérée par la requérante n’est pas pertinente pour le présent litige étant donné que les disques en cause présentent globalement les mêmes caractéristiques, à savoir la capacité d’user par frottement, quel que soit le type d’outils dans lesquels ils peuvent être insérés. En conséquence, ces produits constituent une catégorie de produits suffisamment homogène et une sous-catégorisation en considération des différents types d’outils n’est pas nécessaire aux fins de l’appréciation de la preuve de l’usage de la marque contestée.

33      Dès lors, tout comme le fait valoir l’EUIPO dans son mémoire, il n’est pas pertinent de savoir si l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours fabrique des « instruments à main », qui, même s’ils étaient à la fois « tenus à la main » ou « actionnés à la main », fonctionneraient \/ de manière automatique ou électrique.

34      De même, aux fins de l’appréciation de la preuve de l’usage de la marque contestée en rapport avec les produits concernés, il ne peut être reproché à la chambre de recours de n’avoir pas exigé de l’autre partie à la procédure qu’elle prouve l’usage de ladite marque en considération de l’interprétation formelle et rigoureuse de la classification de Nice suggérée par la requérante.

35      En effet, pour la requérante, au regard de la classification de Nice, les produits pour abraser, c’est-à-dire ceux qui usent par frottement à l’aide d’un abrasif, relèveraient soit de la classe 7, soit de la classe 8. Elle fait observer, à cet égard, que la classe 7 vise notamment les « machines, machines-outils et outils mécaniques » et comprend essentiellement les machines et les machines-outils ainsi que les moteurs, alors que la classe 8 vise notamment des « outils et instruments à main à fonctionnement manuel », et comprend essentiellement les outils et instruments à main à fonctionnement manuel pour la réalisation de tâches telles que le forage, la mise en forme, la coupe et le perçage.

36      Compte tenu de cette classification, la requérante fait valoir que la différence qui existe, d’une part, entre les « outils électriques », même tenus à la main, et, d’autre part, les « outils actionnés à la main », à savoir les outils tenus à la main à fonctionnement manuel et non électrique, nécessiterait de distinguer entre deux catégories de disques et disques abrasifs : ceux destinés à s’insérer dans le premier type d’outils et ceux destinés à s’insérer dans le second type d’outils. Or, pour la requérante, aucun élément de preuve présenté par l’autre partie à la procédure ne permettrait d’établir l’usage de la marque contestée en rapport avec des accessoires pour le second type d’outils, les outils tenus à la main à fonctionnement manuel et non électrique, les seuls susceptibles, selon elle, de relever de la classe 8.

37      De tels éléments de preuve n’étaient cependant pas requis.

38      En effet, premièrement, l’interprétation suggérée par la requérante ne tient pas compte du sens des termes « instruments à main pour abraser », tel qu’exposé aux points 22 à 27 ci-dessus et donné par la chambre de recours, qui n’est pas aussi strict que celui qu’elle propose puisqu’il ne distingue pas entre outils électriques et outils à fonctionnement manuel et non électrique.

39      Deuxièmement, il ressort de ce qui précède, notamment des points 29 et 30 ci-dessus, que les éléments de preuve présentés permettent d’établir l’usage en rapport avec les produits concernés, en tant que tels, à savoir des disques et disques abrasifs, lesquels sont bien susceptibles de relever de la catégorie « instruments à main pour abraser » définie par la classe 8 de la classification de Nice.

40      Troisièmement et en toute hypothèse, il convient de rappeler que la classification de Nice vise essentiellement à refléter les besoins du marché et non à imposer une segmentation artificielle des produits. Ainsi, les intitulés des classes comportent des « indications générales » relatives au secteur dont relèvent, « en principe », les produits ou les services. De même, il convient de rappeler que la classification des produits et des services au titre de l’arrangement de Nice n’est elle-même effectuée qu’à des fins exclusivement administratives [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2012, riha/OHMI – Lidl Stiftung (VITAL&FIT), T‑552/10, non publié, EU:T:2012:576, point 39]. Celle-ci ne vise en effet qu’à faciliter la rédaction et le traitement des demandes de marque, en proposant certaines classes et catégories de produits et de services [voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2015, Gat Microencapsulation/OHMI – BASF (KARIS), T‑720/13, non publié, EU:T:2015:735, point 44, et du 19 juin 2018, Erwin Müller/EUIPO – Novus Tablet Technology Finland (NOVUS), T‑89/17, non publié, EU:T:2018:353, point 32]. Au demeurant, la classification de Nice ne saurait déterminer en soi la nature et les caractéristiques des produits en cause (voir, en ce sens, ordonnance du 16 juillet 2015, Basic/OHMI, C‑400/14 P, non publiée, EU:C:2015:514, point 56).

41      En l’espèce, exiger, comme le propose la requérante, que l’autre partie à la procédure établisse la preuve de l’usage des « disques et disques abrasifs », qui relèvent de la catégorie « instruments à main pour abraser » de la classe 8 de la classification de Nice, en rapport avec un type particulier d’outils dans lesquels des disques et disques abrasifs peuvent s’insérer, alors même qu’il ressort desdits éléments de preuve que ces disques sont commercialisés et vendus en tant que tels, irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par le règlement no 207/2009 de conférer une protection à toute marque de l’Union européenne qui est effectivement utilisée (voir considérant 10 dudit règlement).

42      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a rejeté l’argument de la requérante, réitéré dans le cadre du présent recours, selon lequel l’examen des preuves de l’usage aurait été fait en considération de produits qui relèveraient de la classe 7, plutôt que par rapport aux produits concernés compris dans la classe 8.

43      Enfin, la requérante ne peut être suivie quand elle allègue que la chambre de recours a méconnu la répartition de la charge de la preuve en lui demandant de prouver l’usage en rapport avec les produits concernés. En effet, il ressort clairement de la décision attaquée que la chambre de recours a constaté que la preuve de l’usage devait être apportée par l’autre partie à la procédure, ce qui a bien été fait en l’espèce.

44      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son entièreté.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Cependant, selon l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

46      En l’espèce, si la requérante a succombé en ses conclusions, il n’en reste pas moins que le manque d’intelligibilité de la décision attaquée, admis par l’EUIPO, a pu contribuer à inciter la requérante à introduire le présent recours. Le Tribunal estime dès lors qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.